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N° 829

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 mai 2003.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à créer une commission d'enquête sur la production et l'utilisation d'armement à l'uranium appauvri par la France et l'impact sanitaire réel des armes utilisées chez les personnels civils et militaires engagés dans les opérations militaires du Golfe, et les suivantes, ainsi que leur impact sur l'environnement.

(Renvoyée à la commission de la défense nationale et des forces armées, à défaut de constitution
d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Yves COCHET, NoËl MAMÈRE, Mme Martine BILLARD, MM. Jean-Claude LEFORT, Jacques REMILLER, GÉrard CHARRASSE et Jean-Christophe LAGARDE

Députés.

Défense.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Lors du conflit contre l'Irak, 25 000 soldats français ont participé aux opérations du Golfe, pour des durées de quelques jours à quelques mois, entre août 1990 et avril 1991, en Arabie Saoudite, en Irak, au Koweit ou à bord de bâtiments de la Marine nationale.

Les maladies dites de la guerre du Golfe touchent déjà plus de 200 000 vétérans américains, canadiens et britanniques.

Dans les Balkans, les munitions à base d'uranium appauvri, utilisées par les forces de l'OTAN, ont touché la région de la Bosnie en 1994-1995 et de la Yougoslavie en 1999. Elles pourraient être à l'origine de pathologies et de décès de militaires ayant servi tant en Bosnie qu'au Kosovo.

En France, les autorités militaires affirment qu'aucun élément n'apporte la preuve du lien direct entre les pathologies constatées et l'utilisation de ce type d'armement. Néanmoins, aux Etats-Unis des programmes d'enquête ont été confiés aux experts civils et militaires et montrent que certaines pathologies peuvent avoir trouvé leurs causes et origines à l'occasion de ces opérations militaires, notamment lors de l'utilisation par les forces alliées de projectiles contenant de l'uranium appauvri.

L'étude Analyse quantitative d'isotopes d'uranium appauvri chez vingt-sept vétérans américains, anglais et canadiens, menée par l'équipe du professeur Durakovic (colonel de l'armée américaine ayant participé à la guerre du Golfe et spécialiste de médecine nucléaire), publiée dans le Military Medecine, a mis en évidence quatorze cas positifs. En Italie, l'Observatoire pour la protection des forces armées, un organisme indépendant, affirme que plusieurs militaires sont morts après avoir été exposés à de l'uranium appauvri dans les Balkans et enregistre un certain nombre de malades.

En octobre 2000 et avril 2001, André Aschiéri, député Vert, déposait une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les armes utilisées dans la guerre du Golfe et dans les Balkans et sur l'usage d'armement à l'uranium appauvri. Ces deux propositions ont été rejetées par la commission défense de l'Assemblée nationale présidée par le député Paul Quilès. Il avait été répondu alors que la commission défense mettait en place une mission parlementaire d'information sur "les conditions d'engagement des militaires français ayant pu les exposer au cours de la guerre du Golfe et des opérations conduites ultérieurement dans les Balkans à des risques sanitaires spécifiques". Dans ce cadre, il avait été dit que la question des armes utilisées était l'un des objets de la mission.

Le rapport de la mission parlementaire d'information n'a pas apporté de réponse aux nombreuses questions soulevées par la révélation de l'existence de ce type d'armement et de munitions, plusieurs années après la guerre du Golfe.

On relève de nombreuses contradictions et omissions tant dans les auditions de la MPI que dans son rapport ou ses conclusions. Seul point indiscutable reconnu par la mission d'information et suffisamment inquiétant pour justifier cette commission d'enquête : en février 2001, le département américain de la Défense reconnaissait la présence d'U236 dans les pénétrateurs des obus à l'uranium appauvri. En mars 2001, la COGEMA reconnaissait la présence d'U236 dans les lots français d'obus flèches. La mission reconnaît que "le relevé de la composition isotopique des lots de munitions à l'uranium appauvri en possession du ministère de la Défense établi à la demande de la mission d'information tend à confirmer cette conclusion. Si les résultats transmis sont d'ailleurs partiels puisqu'ils ne concernent que neuf des douze échantillons". Or, l'U236 n'existe pas à l'état naturel, c'est un déchet radioactif de la combustion nucléaire.

La MPI reconnaît, par ailleurs, que "l'exposition des militaires français aux poussières d'uranium appauvri pourrait avoir été plus étendue que ce que laissent entendre les modèles théoriques" mais conclut sans aucune preuve que la France n'a pas utilisé ce type d'armement. Sans aucune preuve, également, elle limite l'exposition à l'uranium appauvri à quatre unités de la division Daguet seulement alors que l'ensemble des unités terrestres a été exposé à ce type de munitions. La mission parlementaire concernant les opérations dans les Balkans n'apporte aucun élément. Les dernières élections législatives ont mis fin à son travail.

La situation actuelle alliant secret défense et confusion, que ce soit en Irak, dans les Balkans ou au Kosovo, ne permet pas de proposer des solutions adaptées aux victimes et nie le droit à l'information dont ces dernières pourraient bénéficier.

Compte tenu du débat actuel en France et ailleurs dans le monde sur ce type d'armement et ses risques sanitaires et écologiques à court, moyen et long termes, compte tenu de son utilisation massive lors de la guerre du Golfe et par la suite, il est aujourd'hui nécessaire de faire toute la transparence sur ce dossier.

En ce sens, la création d'une commission d'enquête parlementaire que nous proposons nous semble aujourd'hui indispensable.

Sous le bénéfice de ces observations, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, d'adopter la proposition de résolution suivante.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

En application des articles 140 et suivants du Règlement, est créée une commission d'enquête de vingt-cinq membres sur la production et l'utilisation d'armement à l'uranium appauvri par la France et l'impact sanitaire réel des armes utilisées chez les personnels civils et militaires engagés dans les opérations militaires du Golfe, et les suivantes, ainsi que leur impact sur l'environnement.

- Elle devra auditionner un large nombre de civils et de militaires de tous grades, unités et armes, directement concernés et témoins de la guerre du Golfe et des opérations militaires des Balkans et du Kosovo.

- Elle auditionnera un large nombre d'adhérents de l'association Avigolfe, de tous grades, unités et armes ainsi que les proches des militaires.

Elle examinera le contenu du programme Uranium appauvri en France et ses relations avec les programmes américain et britannique, la part de l'armement Uranium appauvri français dans l'Otan.

- Elle fera le bilan de leur utilisation par la France et ses alliés de la coalition dans le Golfe, dans les Balkans, en Afghanistan et dans les autres conflits récents.

- Elle formulera les recommandations les plus strictes face aux risques éventuels sanitaires et environnementaux de nouvelle utilisation d'armes susmentionnées dans la présente commission d'enquête.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0.75 €

ISBN : 2-11-118103-X

ISSN : 1240 - 8468

En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale

4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

N° 0829 - Proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur la production et l'utilisation d'armement à l'uranium appauvri (M Yves Cochet)


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