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le 11 mai 2007


N° 844

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 mai 2003.

PROPOSITION DE LOI

portant sur les conditions de création de zones d’activités
transfrontalières à statut spécial
,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR MM. Jean-Claude GUIBAL, Manuel AESCHLIMANN, René ANDRÉ, Jacques-Alain BÉNISTI, Marc BERNIER, Jean-Marie BINETRUY, Claude BIRRAUX, Étienne BLANC, Roland BLUM, Loïc BOUVARD, Michel BOUVARD, Bernard BROCHAND, François CALVET, Roland CHASSAIN, François CORNUT-GENTILLE, Paul-Henri CUGENC, Jean-Pierre DECOOL, Patrick DELNATTE, Léonce DEPREZ, Philippe DUBOURG, Christian ESTROSI, Marc FRANCINA, Mme Arlette FRANCO, MM. Claude GOASGUEN, Jean GRENET, François GROSDIDIER, Louis GUÉDON, Jean-Jacques GUILLET, Gérard HAMEL, Michel HUNAULT, Sébastien HUYGHE, Édouard JACQUE, Christian JEANJEAN, Patrick LABAUNE, Pierre LELLOUCHE, Mme Geneviève LEVY, M. Lionnel LUCA, Mme Muriel MARLAND-MILITELLO, MM. Jean MARSAUDON, Patrice MARTIN-LALANDE, Gilbert MEYER, Mme Nadine MORANO, MM. Alain MOYNE-BRESSAND, Daniel PRÉVOST, Jean-Luc REITZER, Jacques REMILLER, Mme Juliana RIMANE, MM. Jérôme RIVIÈRE, Bernard SCHREINER, Jean TIBERI, Alfred TRASSY-PAILLOGUES, Jean UEBERSCHLAG, Léon VACHET, Christian VANNESTE et Mme Marie-Jo ZIMMERMANN,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis l’entrée en vigueur en 1992 des dispositions de la loi sur l’administration territoriale de la République française, consacrées à la coopération décentralisée, qui donnent un cadre juridique aux relations des collectivités territoriales françaises avec les collectivités situées de l’autre côté de la frontière, on assiste à une montée en puissance des projets transfrontaliers.

Les collectivités ont dépassé le stade du simple jumelage pour élaborer des projets ambitieux. Si l’évolution du droit a permis d’accompagner ce mouvement, on constate aujourd’hui un décalage entre le cadre juridique existant, dédié aux actions de coopération décentralisée, et les différentes démarches stratégiques et plans d’actions engagés par les porteurs de projets de développement territorial transfrontaliers.

Les précautions particulières justifiées dans le cadre de la coopération décentralisée ne sont plus fondées pour la coopération transfrontalière, dans un contexte marqué par une stabilité liée à la proximité territoriale et par l’application des règles communautaires, et dans la perspective de la constitution d’ensembles transfrontaliers de coopération territoriale, préconisées par le comité stratégique de la DATAR (1).

Il convient de rappeler que la coopération transfrontalière ne correspond pas à une compétence supplémentaire attribuée aux collectivités territoriales frontalières, mais à une modalité d’exercice des compétences détenues par ces collectivités, qu’elles exercent en commun avec des collectivités situées de l’autre côté de la frontière. Pour ces acteurs, les projets transfrontaliers posent une série de difficultés et d’obstacles liés aux différences d’organisation territoriale, de mode de financement des projets, de planification ou à l’absence d’outils et de concepts communs pour concevoir le développement territorial transfrontalier.

Les zones frontalières sont en concurrence avec des territoires limitrophes relevant du droit d’un autre État, ce qui introduit des distorsions, notamment en matière fiscale ou réglementaire, que l’on peut qualifier d’« effets frontières ». Elles ne peuvent pas atténuer cette concurrence territoriale en utilisant les outils disponibles dans le droit interne français, comme la mise en place d’un EPCI à fiscalité propre, créant une solidarité financière et administrative entre différentes communes.

L’objectif de la présente proposition de loi est de mettre en place un dispositif de développement territorial, en particulier pour des actions à finalités économiques, permettant à la fois :

– de limiter les « effets frontières » (concurrences ou carences territoriales) ;

– de s’intégrer dans une réelle politique d’aménagement du territoire, permettant le développement intégré de territoires transfrontaliers.

Il s’agit de donner à certains espaces d’activités économiques à proximité d’une frontière un statut spécifique ayant sa propre cohérence.

I. – Objectifs :

Dans les bassins de vie transfrontaliers, des sites propices au développement d’activités économiques se trouvent de part et d’autre de la frontière. L’appartenance de ces zones d’activités à deux ou trois systèmes nationaux réglementaires et fiscaux différents rend naturellement difficile leur cohérence. Il devient, pour certains territoires frontaliers nationaux, nécessaire de faire progresser cette cohérence en recherchant les moyens de mettre en place un même statut sur l’ensemble du bassin d’emploi, statut différent de ceux de chacun des pays concernés. Ces zones d’activités transfrontalières peuvent constituer un laboratoire utile à la promotion de l’harmonisation et de la convergence des réglementations et des fiscalités des pays concernés.

Dans ses contenus la présente proposition de loi a pour objectifs :

a) À l’échelle locale :

– de doter les espaces frontaliers d’outils opérationnels au service d’un développement économique transfrontalier cohérent ;

– de contribuer à l’émergence d’intercommunalités transfrontalières en privilégiant une approche pragmatique, celle du développement économique, et en gommant les « effets frontières ».

b) À l’échelle nationale :

L’objectif n’est pas de créer des zones d’extraterritorialité mais :

– de permettre la création de solidarités transfrontalières basées sur des enjeux communs afin d’améliorer la compétitivité des territoires frontaliers, notamment français ;

– de s’inscrire dans la nouvelle politique de décentralisation et d’aménagement du territoire, notamment en favorisant le développement des « espaces périphériques » constitués par les zones frontalières ;

– de respecter le principe de libre administration des collectivités territoriales françaises.

c) À l’échelle européenne :

– de favoriser l’intégration européenne des territoires situés de part et d’autre des frontières nationales.

II. – Description :

Le présent projet, dans son contenu, vise à intégrer les spécificités des situations des espaces frontaliers. Il s’agit de dépasser la première problématique à dominante sociale de certaines zones urbaines, mise en œuvre dans le cadre de la politique de la ville.

D’une part, on ne peut pas se contenter d’une solution simpliste qui consisterait à ne retenir, parmi les dispositions et les réglementations de chaque pays concerné, que celles qui sont les plus favorables. Chaque dispositif national s’insère dans un système cohérent qui comprend des avantages et des inconvénients qui s’équilibrent globalement.

D’autre part, ces zones d’activités à statut spécial, suivant leur localisation dans des bassins d’emploi fort différents suivant les types de frontières, doivent pouvoir garder leur diversité et éviter d’être taillées rigoureusement sur le même modèle.

Le régime du statut spécial doit permettre de développer a minima quatre éléments qui constituent la base d’une politique de développement économique transfrontalier :

– meilleure coordination des politiques mises en œuvre de part et d’autre de la frontière en matière de développement économique sur l’ensemble du territoire des collectivités concernées ;

– harmonisation des conditions d’accueil des entreprises dans les zones de développement transfrontalières pour éviter les « effets frontières » évoqués ci-dessus, portant sur l’ensemble des dispositifs d’accueil, de l’urbanisme à la fiscalité ;

– mise en place d’un dispositif incitatif pour renforcer l’attractivité des zones de développement transfrontalières ;

– promotion commune des zones d’activités transfrontalières.

Pour permettre le fonctionnement de ce dispositif, dans une optique opérationnelle, il est indispensable de créer un outil transfrontalier de gestion de cette zone d’activités :

– qui élabore la politique de développement transfrontalier appliquée aux zones de développement transfrontalières et vérifie sa faisabilité ;

– qui assure la gestion de ces zones et la mise en œuvre du régime défini ci-dessus.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

La loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République française qui donne un cadre juridique aux relations des collectivités territoriales françaises avec les collectivités situées de l’autre côté de la frontière, est complétée par un article ainsi rédigé :

« Art. 131. – Dans le cadre des accords internationaux portant sur la coopération transfrontalière des collectivités territoriales, des zones d’activités économiques réalisées par les collectivités locales ou des EPCI à fiscalité propre, pourront être dotées d’un statut spécial lié à leur caractère transfrontalier. »

Article 2

Le dispositif de statut spécial portera sur :

– la coordination des politiques mises en œuvre de part et d’autre de la frontière en matière de développement économique sur l’ensemble du territoire des collectivités concernées ;

– l’harmonisation des conditions d’accueil des entreprises dans les zones d’activités économiques transfrontalières. Elle portera sur l’ensemble des dispositifs d’accueil, de l’urbanisme à la fiscalité ;

– la mise en place d’un dispositif incitatif, en particulier fiscal, de nature à renforcer l’attractivité des zones de développement transfrontalières ;

– la promotion commune des zones d’activités transfrontalières; 

– la création d’un outil transfrontalier de gestion.

Article 3

Un décret en Conseil d’État déterminera la liste des territoires frontaliers éligibles à ce dispositif et fixera pour chacun d’eux les critères retenus pour la création du statut spécial spécifique à la zone de frontière.

Article 4

Chaque dispositif de statut spécial sera élaboré en concertation avec les autorités locales concernées. Il fera l’objet d’un décret en Conseil d’État.

Article 5

Tous les cinq ans, à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport d’évaluation de l’impact de la présente loi sur l’évolution de la cohérence territoriale des zones frontalières en matière d’économie locale et d’emplois sera soumis au Parlement. La liste des territoires frontaliers éligibles et des types de statuts sera révisée.

1 () « Une nouvelle politique de développement des territoires pour la France », contribution au débat sur la décentralisation, l’Europe et l’aménagement du territoire, rapport au Premier ministre, comité stratégique de la DATAR, 29 janvier 2003.


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