N° 914 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 juin
2003. PROPOSITION DE LOI visant à réformer le statut de l'inspection du travail
et à en changer la dénomination. (Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.) PRÉSENTÉE par MM.
Hervé NOVELLI, Richard MALLIÉ, Jean AUCLAIR, Jacques BRIAT, Bernard CARAYON, Antoine CARRÉ, Lucien DEGAUCHY, Jean-Jacques DESCAMPS, Jean-Pierre DOOR, Gérard DUBRAC, Yannick FAVENNEC, Daniel FIDELIN, Jean-Michel FOURGOUS, Claude GATIGNOL, Claude GOASGUEN, Jean-Pierre GORGES, Pierre HÉRIAUD, Aimé KERGUERIS, Pierre LANG, Lionnel LUCA, Alain MADELIN, Philippe-Armand MARTIN, Pierre MOREL-A-L'HUISSIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Daniel PREVOST, Marc REYMANN, Jean-Pierre SOISSON, Mme MichÈle TABAROT, MM. Alfred TRASSY-PAILLOGUES, Christian VANNESTE, Jean-Paul ANCIAUX, René ANDRÉ, Mme Sylvia BASSOT, MM. Jacques-Alain BÉNISTI, Marc BERNIER, Jean BESSON, Gilles BOURDOULEIX, Mme Christine BOUTIN, MM. Michel BOUVARD, Ghislain BRAY, Bernard BROCHAND, Yves BUR, Pierre CARDO, Richard CAZENAVE, Roland CHASSAIN, Charles COVA, Léonce DEPREZ, Philippe DUBOURG, Marc FRANCINA, Franck GILARD, Georges GINESTA, Maurice GIRO, François GROSDIDIER, Mme Arlette GROSSKOST, M. Jean-Yves HUGON, Mme Maryse JOISSAINS-MASINI, MM. Dominique JUILLOT, Yvan LACHAUD, Robert LAMY, Michel LEJEUNE, Gérard LORGEOUX, Daniel MACH, Alain MARLEIX, Christian MÉNARD, Alain MERLY, Pierre MICAUX, Georges MOTHRON, Jacques MYARD, Bernard PERRUT, Jean-François RÉGÈRE, Jacques REMILLER, Jean ROATTA, Jean-Marc ROUBAUD, Bernard SCHREINER, Daniel SPAGNOU, Guy TEISSIER, André THIEN AH KOON, Jean UEBERSCHLAG, Léon VACHET, Philippe VITEL, Michel VOISIN et Michel ZUMKELLER,
Additions de signatures :
MM. Jean-Paul
Garraud,
Jacques Le Nay
et
Jean-Claude
Mignon M. Jean-Yves Besselat
Députés. Travail. EXPOSÉ DES MOTIFS Mesdames, Messieurs, L'inspection du travail a été officiellement créée par la loi du 2 novembre 1892. Cette création est intervenue au nom de la protection des salariés et en vue d'améliorer leur hygiène de travail et leur sécurité. Les premiers contrôles effectués par des agents de l'administration à l'intérieur des établissements visaient à obtenir l'application de la réglementation du travail des enfants et des femmes. Ainsi, la loi du 22 mars 1841, loi relative au travail des enfants employés dans les manufactures, usines et ateliers, avait prévu la possible intervention de l'administration afin de surveiller le respect de l'âge minimum d'admission des mineurs (8 ans), de l'interdiction du travail de nuit pour les enfants et de la fixation d'un maximum d'heures de travail par jour (8 heures pour les 8, 12 ans ; 12 heures pour les 12, 16 ans). Afin d'assurer la bonne application de ces dispositions, la loi du 19 mai 1874 institue un service de 15 inspecteurs disposant du droit d'entrée dans les établissements et de pouvoir constater les infractions par procès-verbal. Ce nombre fut porté à 21 par la loi du 16 février 1883. Avec le développement du salariat et des grandes unités industrielles, tous les pays occidentaux ont, au cours du xixe siècle, institué des services d'inspection et de contrôle des conditions du travail : au Royaume-Uni entre 1802 et 1833, en Suède en 1889, en 1891 en Allemagne. La Conférence de Berlin, réunie le 15 mars 1890, en prévoyant la création d'une législation internationale du travail, incita les autorités françaises à créer par la loi du 2 novembre 1892, le corps des inspecteurs qui sont chargés non seulement de veiller aux droits des mineurs mais aussi de la sécurité et de l'hygiène de tous les salariés. Jusqu'à la Première Guerre mondiale, les inspecteurs du travail sont essentiellement chargés de surveiller les conditions de travail. C'est après que les gouvernements étendent leurs domaines d'intervention. Progressivement, leur champ de compétences s'étend jusqu'aux relations professionnelles, employeurs, salariés, à la formation professionnelle, au statut individuel et collectif ainsi qu'au salaire. Du fait d'un syndicalisme divisé et faible ainsi qu'en raison d'un jacobinisme forcené, les pouvoirs publics français ont concédé de très larges pouvoirs aux inspecteurs du travail. En instituant au fil des lois des inspecteurs généralistes, la France a développé un système original et sans comparaison avec celui mis en œuvre par nos principaux partenaires. Par leurs pouvoirs, les inspecteurs du travail peuvent influer sur le fonctionnement des entreprises françaises. Placés sous l'autorité essentiellement du ministre de l'Emploi, ils sont chargés de faire appliquer la politique du Gouvernement. Du fait de leur large champ d'action, ils ne sont pas simplement des contrôleurs mais des acteurs du monde du travail. A ce titre, les propos de Martine Aubry tenus en 1993 soulignent à la perfection le rôle des inspecteurs du travail, « le caractère généraliste de l'inspection du travail française, chargée d'intervenir sur l'ensemble des réalités sociales des entreprises fait d'elle un outil essentiel d'observation et d'action au service de l'ensemble des compétences du ministère du Travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle... Grâce à son approche généraliste de l'entreprise, l'inspection du travail est la mieux placée pour inciter et accompagner de manière cohérente les changements de condition de travail, d'emploi et de relations professionnelles ». Aujourd'hui, l'inspection du travail est un corps de fonctionnaires de catégorie A commun aux ministères chargés du Travail, de l'Agriculture et des Transports. Les inspecteurs du travail sont assistés par des contrôleurs du travail, fonctionnaires de catégorie B. Seuls les inspecteurs du travail peuvent prendre des décisions administratives ; ils sont, en règle générale, affectés aux contrôles des grandes entreprises. Les inspecteurs et les contrôleurs du travail ont la charge de contrôler les horaires de travail, les congés, les rémunérations, les mesures d'hygiène et de sécurité, le règlement intérieur, les conditions d'emploi des femmes, des enfants et des travailleurs étrangers. Ils participent à la lutte contre le travail illégal ; ils veillent à l'application des conventions collectives, à la mise en place et travail des représentants du personnel. Ils surveillent le respect des règles pour les heures supplémentaires. Ils sont aussi en charge de la bonne circulation de l'information des dispositions en vigueur. Le cumul de fonctions de contraintes vis-à-vis des employeurs et des salariés, de fonctions de conseils, de fonctions de conciliations en cas de conflits du travail et de fonctions plus politiques pose un problème de cohérence. Ces fonctions sont bien souvent incompatibles entre elles. Du fait de l'augmentation de leurs missions, les inspecteurs du travail ont été détournés de leur rôle de contrôleur de la législation sociale au profit d'un rôle actif, parfois politique, dans la mise en oeuvre de politiques pour l'emploi. Ils sont devenus juges et acteurs. Compte tenu de leur statut, les inspecteurs du travail disposent d'une grande indépendance pour appliquer un code du travail qui est complexe, en perpétuelle évolution et qui est donc sujet à interprétation. Par ailleurs, l'extension de leurs compétences les empêche de remplir avec efficacité les activités de contrôle des conditions d'hygiène et de sécurité ainsi que celles relatives à la lutte contre le travail illégal. Ces activités se trouvent, faute de moyens et de temps, reléguées au second rang. Sur les 1 390 fonctionnaires membres du corps de l'inspection du travail, seule la moitié est affectée en section pour contrôler les entreprises, l'autre moitié est employée dans des directions départementales et régionales à des tâches entravant bien souvent la liberté d'entreprendre. Il faut souligner que conformément à la convention numéro 81 de l'Organisation internationale du travail, les inspecteurs du travail doivent avoir comme principale mission de contrôler l'application des règles relatives aux conditions de travail, leurs autres attributions ne pouvant faire obstacle au bon exercice de cette mission fondamentale. Il convient donc non seulement de simplifier ainsi que d'alléger le code du travail pour éviter de mettre les inspecteurs du travail dans des situations d'arbitrage et d'interprétation délicate, mais aussi de réformer le statut de l'inspection en privilégiant un recentrage de leurs activités sur leurs missions traditionnelles. Ainsi, la présente proposition de loi institue un Conseil national de l'inspection du travail composé de représentants des organisations professionnelles salariés et patronales. Afin de garantir une plus grande cohérence des décisions prises par les inspecteurs du travail, la présente proposition de loi prévoit la création d'un code de déontologie élaborée avec les représentants des salariés, les représentants des employeurs et des membres de l'inspection du travail réunis au sein d'un Conseil national de l'inspection du travail. Ce code devra fixer les modalités du contrôle, les missions prioritaires des inspecteurs du travail et leurs responsabilités vis-à-vis des salariés comme des employeurs. Ce Conseil aura la faculté de sanctionner les inspecteurs qui ne respecteront pas le code de déontologie. Par ailleurs, en cas de décision illégale ayant entraîné un préjudice pour l'entreprise et pour le salarié, les inspecteurs du travail doivent pouvoir être sanctionnés. La présente proposition de loi vise également à recentrer les activités des inspecteurs du travail sur leurs principales missions, en particulier la protection des salariés en matière de sécurité et d'hygiène, la lutte contre le travail au noir. Ce recentrage des activités se justifie dans le cadre du processus de redynamisation du dialogue social que nous appelons tous de nos vœux. Il n'est pas sain de maintenir en permanence entre les salariés et les employeurs, un représentant de l'Etat. Celui-ci, par son interventionnisme, est un frein pour l'instauration de relations constructives entre partenaires sociaux. La présente proposition de loi prévoit de modifier les règles de recrutement des inspecteurs du travail. Ils devront obligatoirement avoir deux ans d'expérience professionnelle dans une entreprise soit en tant que salarié ou en tant qu'employeur. Par ailleurs, des stages dans des fonctions diverses devront être organisés dans un souci de meilleure compréhension des réalités économiques. Afin de faciliter l'accès à l'inspection du travail et compte tenu des nouvelles règles, il est proposé de fixer l'âge limite du concours externe à cinquante-cinq ans. L'élargissement de la limite d'âge permettra à des salariés ou à des chefs d'entreprise d'accéder à l'inspection de l'emploi, de la sécurité et de l'hygiène. Telles sont les considérations pour lesquelles je vous demande, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la présente proposition de loi. PROPOSITION DE LOI Article 1er L'article L. 611-1 du code du travail est ainsi rédigé : « Art. L. 611-1. - Les inspecteurs de l'emploi, de l'hygiène et de la sécurité sont chargés de veiller à la bonne application des dispositions du code du travail et des lois et règlements non codifiés ainsi qu'à celles des conventions et accords collectifs de travail répondant aux conditions fixées au titre III du livre Ier dudit code. Ils peuvent, accompagnés d'un agent de police judiciaire, constater les infractions à ces dispositions ainsi qu'à celles aux dispositions des articles L. 431 et L. 472, deuxième alinéa, et L. 473, alinéa premier du code de la sécurité sociale ainsi que des infractions définies au 3° et au 6° de l'article 252-2 du code pénal. « Dans les cas expressément prévus par la loi ou le règlement, ces attributions peuvent être exercées par des fonctionnaires de contrôle ou assimilés. » Article 2 Après l'article L. 611-1 du code du travail, sont insérés trois articles L. 611-1-1 à L. 611-1-3 ainsi rédigés : « Art. L. 611-1-1. - Les inspecteurs de l'emploi, de l'hygiène et de la sécurité sont placés sous l'autorité conjointe des ministres respectivement en charge du Travail, des Affaires sociales, de l'Economie et des Finances, de l'Industrie, des PME, du Commerce et de l'Artisanat, des Transports, de l'Agriculture et de la Justice. Des décrets en Conseil d'Etat précisent les modalités de contrôle et d'application des missions d'inspection aux différentes catégories de salariés. « Art. L. 611-1-2. - Il est créé un Conseil national de l'inspection de l'emploi, de l'hygiène et de la sécurité ayant pour missions d'élaborer un code de déontologie, de veiller à son respect par les inspecteurs et de sanctionner, le cas échéant, les inspecteurs ne l'ayant pas respecté. « Ce Conseil national comprend les membres suivants : « - huit membres sont désignés par les organisations professionnelles patronales représentatives ; « - huit membres sont désignés par les organisations représentatives des salariés ; « - huit membres issus de l'inspection de l'emploi, de la sécurité et de l'hygiène ; « - trois membres désignés par le Premier ministre ; « - un membre désigné par chacun des ministres mentionnés à l'article L. 611-1-1. « Le président et trois vice-présidents issus des différentes catégories de membres sont désignés en son sein. « Les inspecteurs du travail, pour les fautes éventuelles commises dans l'exercice de leurs fonctions, peuvent être poursuivis par le Conseil national de l'inspection de l'emploi, de l'hygiène et de la sécurité. Les règles appliquées pour la procédure disciplinaire sont celles prévues par le code de la fonction publique. « Les membres du Conseil national de l'inspection de l'emploi, de l'hygiène et de la sécurité sont nommés pour une période de cinq ans non renouvelables, par décret en Conseil des ministres. « Les conditions de désignation des membres du Conseil national, les règles d'organisation et de fonctionnement et les modalités d'organisation de la procédure disciplinaire sont fixés par décret. « Art. L. 611-1-3. - Les inspecteurs de l'emploi, de l'hygiène et de la sécurité accomplissent leurs missions en veillant à garantir les droits des salariés et le bon fonctionnement de l'entreprise. Leurs décisions doivent être motivées et donnent lieu à un échange contradictoire sauf si la sécurité d'un ou plusieurs salariés est en cause. En cas de différent, le ou les salariés, l'employeur ou l'inspecteur du travail peuvent saisir le Conseil national de l'inspection de l'emploi, de l'hygiène et de la sécurité mentionné à l'article L. 611-1-2. Le Conseil de l'inspection de l'emploi, de l'hygiène et de la sécurité statue dans les huit jours suivant sa saisine. » Article 3 Les inspecteurs de l'emploi, de l'hygiène et de la sécurité constituent un corps interministériel classé dans la catégorie A prévue à l'article 29 de la loi du 11 janvier 1984. La gestion de ce corps est assurée par le ministre chargé du Travail. Toute modification du statut de ce corps doit être soumise pour avis conforme au Conseil national de l'inspection de l'emploi, de l'hygiène et de la sécurité. Le recrutement des inspecteurs du travail s'effectue par un concours spécifique. La limite d'âge pour le concours externe et le concours interne est fixée à cinquante-cinq ans. Les candidats doivent justifier de deux ans au minimum d'expérience professionnelle dans une société pour s'inscrire aux concours. Après leur recrutement, ils doivent au minimum tous les deux ans effectuer un stage dans une entreprise qui n'est pas implantée dans le ressort de leurs trois dernières affectations. Un décret précise les modalités d'application du présent article. Article 4 Dans l'ensemble des dispositions du code du travail, les mots : « inspecteur du travail » sont remplacés par les mots : « inspecteur de l'emploi, de l'hygiène et de la sécurité » et les mots : « inspection du travail » par les mots : « inspection de l'emploi, de l'hygiène et de la sécurité ». N°
0914 - Proposition de loi de visant à réformer le statut de l'inspection du travail et à en changer la dénomination
(M. Richard Mallié)
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