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N° 1032

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le

PROPOSITION DE LOI

relative au contrat de travail et de formation.

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Jean-Paul ANCIAUX,

Député.

Travail.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi du 16 juillet 1971 a réorganisé en profondeur l'organisation et le financement de la formation professionnelle continue. Elle l'a élevée au rang d'obligation nationale liant l'ensemble des partenaires sociaux et permis à tous les salariés de faire valoir dans les faits le droit à la formation professionnelle que leur reconnaît le préambule de la constitution. En accordant aux salariés les moyens de se former tout au long de leur vie professionnelle, elle s'est imposée comme un instrument essentiel de promotion sociale et de développement personnel à une époque où le niveau de formation de base de la population active était encore faible.

Elle a, en pratique, permis aux salariés d'accéder en grand nombre à une gamme diversifiée de filières de formation professionnelle continue et associé les entreprises à la gestion et au financement de cette formation. L'obligation nationale de formation s'est traduite principalement par une obligation de participation financière des employeurs, inscrite dans l'article L. 900-1 du code du travail. Des ressources financières considérables ont ainsi été dégagées pour assurer le développement de nombreux dispositifs d'accès à la formation (plan de formation, coïnvestissement, congé individuel de formation...).

Aujourd'hui, ce système, qui est au cœur de notre modèle social, bute sur des limites et des insuffisances récemment mises en évidence dans plusieurs études. Le rapport Lichtenberger-Méhaut, demandé par les organisations syndicales comme base de référence pour les discussions sur la formation professionnelle engagées début 2002 dans le cadre de la refondation sociale, met ainsi l'accent sur l'inégalité de l'accès à la formation selon, notamment, la taille de l'entreprise et la catégorie socio-professionnelle. Une étude du ministère du travail confirme les conclusions de ce rapport. Environ 40 000 entreprises de plus de dix salariés occupant 14 % de la population salariée) ne donnent aucune formation à leur personnel. Dans les très petites entreprises, le taux d'accès à la formation se situe un peu au-dessus de 10 % ; ce qui témoigne d'une situation particulièrement préoccupante étant donné la mobilité des salariés de ces entreprises et leur rôle déterminant dans la professionnalisation de très nombreux jeunes. Quand on analyse les distributions de formation par âge et par niveau de qualification, l'inégalité est flagrante. Les chances d'accès à la formation professionnelle continue apparaissent fortement dépendantes des diplômes acquis au cours de la formation initiale ou de l'origine sociale.

La distribution par âge montre en outre une réduction forte des taux d'accès à la formation à partir de cinquante ans alors même que les perspectives démographiques imposent une amélioration des taux d'activité des salariés plus âgés. En moyenne, un quart des salariés considèrent que leurs besoins de formation ne sont pas satisfaits.

Au-delà des chiffres bruts, on peut s'interroger sur les conséquences de ce déficit de formation sur la compétitivité des entreprises et plus largement sur la productivité de l'économie française. Et ceci d'autant plus que la majorité des actions de formation vise à une adaptation de court terme aux évolutions du contenu du travail. La plupart des salariés paraissent d'abord rechercher une simple adaptation de leur qualification à l'évolution de leurs tâches, une minorité se situant dans un horizon personnel de changement d'emploi ou dans une perspective de certification et de formation transférable.

La formation professionnelle continue est aujourd'hui à la croisée des chemins. La qualification de la main d'œuvre reste encore globalement très insuffisante dans notre pays puisque 66 % de la population active française n'a pas été au-delà du CAP ou du BEP et que 19 % est dépourvue de diplôme. De plus, les progrès de la scolarisation ne font pas pleinement sentir leurs effets sur l'emploi. En effet, de trop nombreux jeunes parvenus au terme de leur scolarité rencontrent toujours des difficultés d'insertion professionnelle et les formations initiales ne sont pas toujours adaptées aux besoins d'une économie en pleine mutation tant dans la structure que dans le contenu des emplois alors que la concurrence économique reste intense et l'évolution des technologies rapide.

Il convient donc de s'interroger sur les moyens de valoriser le dispositif légal et réglementaire existant et de renforcer son efficacité. Demander aux entreprises un effort financier supplémentaire serait de nature à compromettre leur compétitivité. La priorité est au contraire de mieux utiliser les instruments existants et les importantes ressources financières qui leur sont destinées. Il s'agit donc d'abord de repenser les modalités d'accès à la formation professionnelle continue en dépassant une approche qui repose trop souvent sur des initiatives séparées de l'employeur et du salarié dans une vision à court terme du besoin de formation.

Dans cette perspective, la présente proposition de loi a pour objet d'introduire, au moment de la signature de chaque contrat de travail, une clause obligatoire selon laquelle les deux parties conviendraient ensemble d'un projet de formation. Ce projet individuel de formation inscrit dans le contrat de travail prendrait en compte les besoins de l'entreprise en termes d'efficacité du travail tout en garantissant une formation valorisante au salarié qui va être embauché. Le contrat de travail serait ainsi juridiquement reconnu comme un contrat d'emploi et de formation visant à assurer à chaque salarié l'accès à un parcours de formation professionnelle durant toute sa vie active. Les objectifs de ce parcours ainsi que les moyens à mobiliser seraient obligatoirement négociés entre l'employeur et le salarié. Les acquis des différentes étapes de ce parcours seraient validés afin d'être reconnus en dehors de l'entreprise.

Ce type nouveau de relation contractuelle entre employeur et salarié permettrait de mieux anticiper tes effets des évolutions technologiques à l'heure où les impératifs de la mondialisation et les inévitables fluctuations de la conjoncture nécessitent une plus grande flexibilité du marché du travail. Dans une économie dont le dynamisme dépend d'abord de la responsabilité et de la liberté des acteurs, le contrat de travail individuel apparaît comme le niveau le plus adapté, à coûts constants pour les entreprises. Il permettrait de toucher le plus grand nombre de salariés au-delà des limites inhérentes aux actions de branches et aux plans de formation décidés, dans la plupart des cas, par les employeurs des grandes entreprises. Cette démarche concertée serait l'occasion, pour le salarié, de disposer dès son embauche d'une information complète sur ses possibilités de formation professionnelle continue, information qui fait aujourd'hui souvent défaut. Quant à l'employeur, il serait conduit à examiner avec plus d'attention les perspectives d'évolution à moyen et long terme de l'emploi au sein de l'entreprise.

On reviendrait ainsi à la philosophie originelle de la loi de 1971 dont l'objet était principalement de permettre aux salariés de valoriser leurs parcours professionnels en garantissant aux entreprises une qualification de leur main-d'œuvre répondant à leurs besoins dans la durée. L'ambition qu'exprimait cette loi était à la fois sociale et économique. La formation professionnelle continue devait être un « ascenseur social » et un avantage compétitif pour les entreprises françaises. C'est à cette ambition première qu'il nous faut aujourd'hui revenir.

C'est pourquoi, Mesdames, Messieurs, je vous demande de bien vouloir adopter les dispositions de la présente proposition de loi.


PROPOSITION DE LOI

Article unique

Avant le chapitre Ier du titre III du livre IX du code du travail, il est inséré un article L. 930 ainsi rédigé :

« Art. L. 930. - Le contrat de travail conclu en application de l'article L. 121-1 du code du travail comporte un projet concerté de formation. Ce projet a notamment pour objectif l'actualisation et le développement de la qualification des compétences professionnelles du salarié. Il inclut les projets de formation élaborés à l'initiative de l'employeur et du salarié. Il est mis en œuvre, le cas échéant, dans le cadre des plans de formation établis par l'employeur. Les différents dispositifs de formation visés au présent livre concourent à sa mise en œuvre. »

N° 1032 - proposition de loi de M. Jean-Paul Anciaux relative au contrat de travail et de formation


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