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N° 1347

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 janvier 2004.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d'une commission d'enquête
sur les
problèmes sanitaires liés aux risques industriels
et aux
pollutions industrielles et sur les moyens
à mettre en
œuvre pour les prévenir.

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Jean-Claude BOIS, Albert FACON, Mme Catherine GÉNISSON, MM. Bernard ROMAN, Serge JANQUIN, Jean-Pierre KUCHEIDA, Jean LE GARREC, Jean-Marc AYRAULT, Jean-Marie LE GUEN, Jean-Pierre DEFONTAINE, Jean-Claude LEROY, Guy LENGAGNE, Jack LANG, Gilles COCQUEMPOT, Michel LEFAIT, Mme Odette DURIEZ

et les membres du groupe socialiste (1) et apparentés (2)

1 () Ce groupe est composé de : Mme Patricia Adam, M. Damien Alary, Mme Sylvie Andrieux, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Eric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Jean Delobel, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, Jean-Louis Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Mme Odette Duriez, MM. Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Albert Facon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Jean Gaubert, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, MM. Jean Glavany, Gaëtan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Elisabeth Guigou, Paulette Guinchard-Kunstler, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. François Hollande, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Marylise Lebranchu, MM. Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Michel Lefait, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Patrick Lemasle, Guy Lengagne, Mme Annick Lepetit, MM. Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Louis-Joseph Manscour, Philippe Martin (Gers), Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Michel Pajon, Christian Paul, Christophe Payet, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM. Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque.

2 () MM. Jean-Pierre Defontaine, Paul Giacobbi, Joël Giraud, François Huwart, Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, Mme Christiane Taubira.

 

Députés.

 

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Une épidémie de légionellose sévit depuis le mois de novembre dans le département du Pas-de-Calais. Au 12 janvier, 68 personnes ont été atteintes de légionellose et huit en sont décédées.

Cette épidémie frappe un département et une région particulièrement marqués depuis des décennies par des drames économiques et sociaux, auxquels s'ajoutent des drames sanitaires. La fermeture de l'usine Métaleurop à Noyelles-Godault a été un symbole emblématique d'une vague de désindustrialisation, laissant derrière elle un passif social et sanitaire très lourd. Aujourd'hui, l'épidémie de légionellose vient compléter malheureusement la liste.

La légionellose est une infection respiratoire provoquée par des bactéries vivant dans l'eau douce appelées légionelles. La maladie a été reconnue pour la première fois en 1976 à l'occasion d'une épidémie survenue aux Etats-Unis lors d'un congrès de l'American Legion. C'est la raison pour laquelle la pathologie a pris le nom de « maladie des légionnaires ». On peut trouver des légionelles dans tous les milieux aquatiques naturels ou artificiels, notamment dans les installations sanitaires (douches, robinets...), les installations de climatisation et les dispositifs de refroidissement (tours aéroréfrigérantes, circuits de refroidissement industriels...). Ces bactéries prolifèrent dans des eaux plutôt chaudes, entre 20 et 48°.

Les légionelles peuvent entraîner une pathologie pulmonaire grave entraînant le décès dans environ 15 % des cas. Généralement, la forme la plus sévère de la maladie touche des personnes fragilisées : des sujets âgés, immunodéprimés, des personnes atteintes d'autres maladies respiratoires (ce qui est le cas dans cette épidémie où les personnes atteintes par la légionellose sont souvent atteintes de silicose et d'anthracose dues à leur passé de mineur).

La transmission se fait par la voie respiratoire, en inhalant de fines gouttelettes d'eau contenant des légionelles. Pour qu'une contamination se produise, il faut qu'il y ait beaucoup de légionelles dans l'eau, entre mille et un million de bactéries par litre d'eau environ. Une source importante de contamination se trouve dans les tours aéroréfrigérantes qui rejettent la vapeur d'eau utilisée pour refroidir les machines dans une usine.

Chez les personnes concernées, le traitement repose entre autres sur l'administration d'antibiotiques, mais les complications de type œdème pulmonaire lésionnel peuvent conduire à la prescription de ventilation assistée et à une prise en charge dans les services de réanimation.

Depuis 1987, la légionellose est une maladie à déclaration obligatoire. Ainsi, les médecins sont tenus de signaler aux autorités sanitaires tous les cas de la maladie. Depuis 1997, le nombre de cas de légionellose déclarés augmente en moyenne de 29 % par an en France. Selon les spécialistes, cette augmentation, constatée de manière identique dans la plupart des autres pays européens, s'explique en partie par le fait que la maladie est aujourd'hui mieux dépistée et déclarée. Mais selon l'Institut national de veille sanitaire, on ne peut pas non plus exclure que cette augmentation est également liée à la prolifération des tours aéroréfrigérantes et à leur entretien insuffisant.

A l'heure actuelle, il semble que deux vagues de contamination se sont succédées dans le département du Pas-de-Calais. Une première vague de cas de légionellose a été enregistrée à partir de la mi-novembre. Le 30 novembre 2003, il est signalé un premier décès lié à la légionellose d'une personne habitant à Harnes.

Des premières analyses portant sur ces contaminations ont permis d'établir que, selon toute vraisemblance, une tour aéroréfrigérante de l'usine pétrochimique Noroxo située sur la commune de Harnes était à l'origine de ces cas. En effet, les tests réalisés par le centre national de référence de Lyon ont démontré que la souche des bactéries retrouvées sur deux personnes était identique à celle mise en évidence dans les tours aéroréfrigérantes de cette entreprise.

L'usine est installée dans le bassin minier depuis 1927, sous l'égide, à l'époque, de la société des mines de Courrières et du groupe chimique Kuhlmann. Aujourd'hui, Noroxo produit 90 000 tonnes d'alcool et d'acides à partir d'une matière première d'origine pétrochimique (l'oléfine). Le chiffre d'affaires annuel avoisine les 120 millions d'euros. L'usine emploie cent cinquante salariés. Une centaine de sous-traitants travaillent également sur le site.

Noroxo fait partie du groupe Exxon Mobil Chemical, groupe américain leader mondial de la pétrochimie. Le site de Noroxo Harnes est implanté sur une superficie totale de trente-six hectares, à proximité d'un environnement urbain dense (sept mille personnes réparties sur les communes d'Harnes, Loison-sous-Lens et Annay-sous-Lens). La ville de Lens est située à peine à quelques centaines de mètres plus loin.

Fermée du 3 au 20 décembre, l'entreprise Noroxo a fait l'objet d'une série de mesures de décontamination. Un nettoyage complet de son système de réfrigération a été effectué. La durée d'incubation de la maladie étant généralement comprise entre 2 et 10 jours, l'apparition de nouveaux cas aurait dû cesser vers la mi-décembre.

Or une seconde vague épidémique de légionellose s'est concentrée ensuite sur la zone d'Hénin-Beaumont, zone géographique voisine mais distincte, après la reprise de l'activité de l'usine Noroxo. A la suite de ces nouveaux cas de légionellose, le préfet du Pas-de-Calais a fait paraître un arrêté pour stopper la production de l'usine Noroxo « à titre de précaution ». En effet, plusieurs malades atteints de légionellose après la mi-décembre avaient des souches bactériennes identiques à celles trouvées dans les circuits de Noroxo, avant désinfection.

Cette seconde vague pose une série de questions quant à l'efficacité de la décontamination de cette usine, quant à la possibilité que cette décontamination ait provoqué un relargage de bactéries pathogènes dans l'atmosphère et quant à l'existence éventuelle d'une autre source de contamination bactérienne. Est-ce qu'il a existé deux sources distinctes à cette épidémie ou sommes-nous en présence d'une source qui a « muté » ?

Les établissements de santé ont su faire face à cette situation de crise alors qu'ils sont déjà confrontés à de multiples difficultés. En revanche, il convient de s'interroger sur la réaction des pouvoirs publics. Il est nécessaire d'analyser précisément le processus de diffusion des informations par les autorités compétentes auprès des élus, des professionnels de santé et de la population.

Ce n'est que le 31 décembre que le ministre de la santé a nommé cinq experts, soit plus de sept semaines après le début de l'épidémie.

Le 6 janvier 2004, la ministre de l'écologie et du développement durable a indiqué que l'usine Noroxo aurait transmis avec retard les données sur une contamination déjà observable en octobre dans les tours aéroréfrigérantes et n'aurait pas respecté les mesures sanitaires indispensables pour faire face aux risques de propagation des légionelles. Le sujet n'est-il pas plus vaste ? Cette déclaration intervient alors qu'après les opérations de décontamination intervenues entre le 3 et le 20 décembre, l'autorisation de réouverture du site a été prise par les pouvoirs publics.

Concernant plus généralement le suivi de ce problème sanitaire, la direction de l'Institut national de veille sanitaire a affirmé avoir saisi la direction générale de la santé de la nécessité d'améliorer le contrôle des tours aéroréfrigérantes depuis quinze mois. Ainsi, des chercheurs de ce même Institut écrivaient dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire du 15 juillet 2003 : « Malgré la diffusion de recommandations sur l'entretien des tours aéroréfrigérantes et en dépit des arrêtés préfectoraux, le recencement de ces tours n'est souvent complété qu'à l'occasion d'une épidémie, et ces tours sont insuffisamment entretenues, avec des problèmes de maintenance récurrents en amont ».

Il convient de s'interroger sur les moyens dont dispose la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement pour contrôler l'ensemble des installations susceptibles d'être contaminées par ces bactéries. Cette question est d'autant plus prégnante à l'heure où le gouvernement supprime des postes de fonctionnaires dans le domaine de la prévention et de la santé.

C'est pourquoi une commission d'enquête parlementaire doit être créée afin d'analyser les problèmes sanitaires liés aux risques industriels et aux pollutions industrielles, à la suite de l'épidémie de légionellose dans le Pas-de-Calais. Il convient de se pencher sur les questions soulevées par la situation dans le Nord-Pas-de-Calais mais surtout d'aller plus loin afin de faire le bilan des problèmes sanitaires liés à l'activité industrielle et de faire des propositions pour améliorer la sécurité sanitaire dans notre pays.

Pour toutes ces raisons, nous vous prions de bien vouloir adopter la présente proposition de résolution.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

En application des articles 140 et suivants du Règlement de l'Assemblée nationale, est créée une commission d'enquête de trente membres sur les problèmes sanitaires liés aux risques industriels et aux pollutions industrielles et sur les moyens à mettre en œuvre pour les prévenir.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118193-5
ISSN : 1240 - 8468

En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

N° 1347 - Proposition de résolution commission d'enquête : problèmes sanitaires liés aux risques industriels et aux pollutions industrielles (M. jean-Claude Bois)


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