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N° 1444

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 février 2004.

PROPOSITION DE LOI

tendant à assurer la présence des professionnels de santé
dans les zones déficitaires,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Jean-Marc AYRAULT, François DOSÉ, Pascal TERRASSE, Gaëtan GORCE, François BROTTES, Jean-Louis BIANCO, Mmes Catherine GÉNISSON, Marylise LEBRANCHU, MM. Augustin BONREPAUX, Jean-Claude VIOLLET, Mme Elisabeth GUIGOU, MM. Gérard BAPT, Alain NÉRI Mme Patricia ADAM, M. Damien ALARY, Mme Sylvie ANDRIEUX, MM. Jean-Marie AUBRON, Jean-Paul BACQUET, Jacques BASCOU, Christian BATAILLE, Jean-Claude BATEUX, Jean-Claude BEAUCHAUD, Jean-Pierre BLAZY, Jean-Claude BOIS, Daniel BOISSERIE, Jean-Michel BOUCHERON, Pierre BOURGUIGNON, Mme Danielle BOUSQUET, MM. Thierry CARCENAC, Jean-Paul CHANTEGUET, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, MM. Pierre COHEN, Michel DASSEUX, Mme Martine DAVID, MM. Michel DELEBARRE, Jean DELOBEL, Bernard DEROSIER, Marc DOLEZ, René DOSIÈRE, Julien DRAY, Pierre DUCOUT, Jean-Pierre DUFAU, Jean-Louis DUMONT, Jean-Paul DUPRÉ, Henri EMMANUELLI, Claude EVIN, Albert FACON, Jacques FLOCH, Pierre FORGUES, Michel FRANÇAIX, Jean GAUBERT, Mme Nathalie GAUTIER, MM. Joël GIRAUD, Jean GLAVANY, Alain GOURIOU, Mme Paulette GUINCHARD-KUNSTLER, M. David HABIB, Mme Danièle HOFFMAN-RISPAL, MM. François HUWART, Jean-Louis IDIART, Mme Françoise IMBERT, MM. Serge JANQUIN, Jean-Pierre KUCHEIDA, Mme Conchita LACUEY, MM. Jérôme LAMBERT, François LAMY, Jean LAUNAY, Jean-Yves LE DÉAUT, Jean-Yves LE DRIAN, Jean LE GARREC, Bruno LE ROUX, Michel LEFAIT, Patrick LEMASLE, Guy LENGAGNE, Jean-Claude LEROY, Michel LIEBGOTT, Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, MM. François LONCLE, Victorin LUREL, Philippe MARTIN, Christophe MASSE, Kléber MESQUIDA, Jean MICHEL, Didier MIGAUD, Mme Hélène MIGNON, MM. Arnaud MONTEBOURG, Henri NAYROU, Alain NÉRI, Mme Marie-Renée OGET, MM. Christian PAUL, Jean-Claude PEREZ, Mmes Marie-Françoise PÉROL-DUMONT, Geneviève PERRIN-GAILLARD, M. Paul QUILÈS, Mme Chantal ROBIN-RODRIGO, MM. René ROUQUET, Patrick ROY, Mme Odile SAUGUES, M. Henri SICRE, Mme Christiane TAUBIRA, MM. Philippe TOURTELIER, Daniel VAILLANT, André VALLINI, Manuel VALLS, Michel VERGNIER, Alain VIDALIES, Jean-Claude VIOLLET et les membres du groupe socialiste (1) et apparentés (2)

1 () Ce groupe est composé de : Mme Patricia Adam, M. Damien Alary, Mme Sylvie Andrieux, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Eric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Jean Delobel, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, Jean-Louis Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Mme Odette Duriez, MM. Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Albert Facon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Jean Gaubert, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, MM. Jean Glavany, Gaëtan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Elisabeth Guigou, Paulette Guinchard-Kunstler, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. François Hollande, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Marylise Lebranchu, MM. Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Michel Lefait, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Patrick Lemasle, Guy Lengagne, Mme Annick Lepetit, MM. Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Louis-Joseph Manscour, Philippe Martin (Gers), Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Michel Pajon, Christian Paul, Christophe Payet, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM. Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque.

2 () MM. Jean-Pierre Defontaine, Paul Giacobbi, Joël Giraud, François Huwart, Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, Mme Christiane Taubira.

 

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La répartition territoriale des professionnels de santé est l'une des conditions essentielles de l'égal accès aux soins pour les populations non seulement rurales mais aussi pour certaines populations en zones urbaines ou rurbaines.

Jamais il n'y a eu en France autant de médecins. Au 1er janvier 2001, 196 000 médecins en exercice étaient recensés en France, soit une densité de 332 médecins pour 100 000 habitants. Si ce nombre a triplé depuis le début des années 1960, il cache des disparités inacceptables en termes d'égalité d'accès aux soins pour la population.

Aujourd'hui, de nombreuses communes rurales et de nombreux quartiers urbains périphériques sont tout simplement dépourvus de médecin.

La répartition géographique des médecins sur le territoire comporte des écarts marqués en faveur des régions du sud (PACA, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Aquitaine) mais également en faveur des grandes villes, et en particulier des villes universitaires. A Paris, il y a 325 médecins généralistes pour 100 000 habitants, dans la Nièvre, 144, en Ariège, 178, en Ardèche, 141, dans la Meuse, 128 (chiffres DREES 2003). Ces inégalités de répartition se retrouvent également au sein des départements. Certains départements apparemment bien dotés ont des cantons à faible densité médicale (les Alpes-Maritimes, par exemple). Il est donc également important d'avoir une analyse par canton ou par bassin de vie.

La démographie médicale comme le choix des spécialités et des lieux d'exercice par les étudiants ont répondu bon an mal an aux besoins de soins de la population sur le territoire. Pour de multiples raisons, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Sans intervention réelle des pouvoirs publics, une telle situation risque d'empirer rapidement.

Une projection en 2020 fait apparaître une baisse de la proportion de médecins par habitant de 24 %. Mais en incluant divers facteurs, en particulier, le vieillissement du corps médical, la tendance à une réduction du temps de travail et la demande en soins accrue du fait du vieillissement de la population, cette baisse serait plus proche de 40 % que de 24 %.

Le rapport Descours, en particulier, a analysé les raisons de l'inégale répartition des professionnels libéraux de santé sur le territoire. Il apparaît que les critères de choix d'installation sont moins liés aux revenus qu'aux conditions de vie plus contraignantes dans les zones déficitaires : exercice isolé et éloigné des centres hospitaliers, multiplication des permanences, difficultés à trouver un remplaçant, sentiment d'insécurité dans les zones urbaines sensibles. Une étude du CREDES sur la démographie médicale au 1er janvier 2002 fait le même constat.

Il est capital de valoriser l'image du médecin généraliste qui s'installe à la campagne ou dans des quartiers en difficultés. D'autant plus que sa présence et son travail permettent d'éviter le recours aux services d'urgence pour des soins qui ne le nécessitent pas. Mais cette valorisation n'est pas une question de rémunération, elle est avant tout une question de reconnaissance sociale de cette profession tout particulièrement dans ces zones défavorisées.

Le 12 novembre 2003, à propos de l'installation des médecins, le Ministre Jean-François Mattéi a expliqué dans l'hémicycle qu'il « faudra probablement, un jour, des dispositions plus contraignantes [que les mesures incitatives], comme celles qui s'appliquent pour des pharmacies ». L'horizon 2013 avancé apparaît lointain alors que certains territoires connaissent d'ores et déjà une pénurie de médecins.

Or le gouvernement ne propose actuellement que des mesures incitatives et financières qui ne résoudront rien. La solution proposée par Jean-François Mattéi, par le biais d'amendements au projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, est à la fois inefficace et inégalitaire. Elle vise à permettre aux collectivités locales d'accorder des indemnités de logement et de déplacement aux médecins qui s'installeraient dans une zone désertifiée. Elle leur permet également d'accorder « une indemnité d'étude et de projet professionnel à tout étudiant en médecine, à partir de la première année de troisième cycle, s'il s'engage à exercer comme médecin généraliste pendant au moins cinq ans dans l'une des zones » déficitaires en offres de soins.

L'incitation n'est pas la bonne réponse à l'installation des professionnels de santé dans les zones désertifiées. En outre, il est inadmissible que cette incitation relève des collectivités territoriales et non de l'Etat. Généraliser le financement par ces collectivités de telles aides conduit inévitablement à un accroissement des inégalités. En effet, ce sont souvent des collectivités locales les plus défavorisées, connaissant déjà la fermeture de services publics et de commerces de proximité, qui sont concernées par la pénurie de professionnels de santé. Les communes n'auront pas les moyens financiers de mettre en œuvre ces mesures. Ainsi, on peut noter que ce sont les départements qui connaissent un déficit dans l'accès aux soins qui ont également les potentiels fiscaux les plus faibles...

Cette solution concrétise une nouvelle fois le désengagement de l'Etat sur le dos des collectivités locales. Pour garantir l'accès aux soins, le gouvernement en appelle à la responsabilité des élus locaux ! Cela signifie qu'à terme, les collectivités les plus défavorisées n'auront plus accès au système de santé. Il est pourtant important de rappeler que notre Constitution garantit l'égalité d'accès aux soins sur l'ensemble du territoire.

Dans cette perspective, décider aujourd'hui de la mise en place d'un système qui va au-delà de la seule incitation que chacun reconnaît insuffisante désormais, permet de commencer de répondre aux besoins énormes mis en avant par les différents rapports qui se sont succédés sur la question de la démographie médicale.

Il apparaît donc souhaitable de mettre en place des dispositions reposant sur une autre logique pour favoriser l'installation des professionnels de santé dans les zones déficitaires.

Il est nécessaire d'engager une remise à plat du système de santé dans le cadre d'un projet d'aménagement du territoire cohérent et s'appuyant sur les professionnels de santé. Il est nécessaire d'identifier les besoins des populations, de fixer des objectifs de qualité dans l'accès aux soins, de préciser le rôle de chaque acteur du système de santé dans la chaîne de soins (par exemple, le rôle de l'hôpital local ou celui des réseaux de soins entre la médecine de ville et l'hôpital).

Il s'agit tout d'abord d'intégrer l'installation des professionnels de santé dans les schémas d'organisation sanitaire (article 1er). Cet article reprend l'amendement déposé par les députés socialistes avant l'article 38 du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux.

Les articles suivants ont pour objet de faciliter le regroupement des médecins au sein des maisons de santé.

L'article 2 inscrit dans la loi des objectifs clairs en matière d'aménagement du territoire. L'inscription dans la loi d'orientation et d'aménagement du territoire renforce la responsabilité de l'Etat dans la création des maisons de santé afin de garantir un égal accès aux soins sur l'ensemble du territoire.

L'article 3 instaure dans le code de la santé publique en matière de politique de prévention l'objectif d'installation des professionnels de santé dans les zones déficitaires. Ainsi, pour répondre à un des objectifs de la politique de prévention qui est de réduire les inégalités territoriales de santé, l'Etat favorise l'installation des professionnels de santé dans les zones déficitaires en matière d'offre de soins, en créant des maisons de santé.

L'article 4 donne une base juridique aux consultations médicales dans le cadre des maisons de santé.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après l'article L. 6121-1 du code de la santé publique, est inséré un article L. 6121-1-1 ainsi rédigé :

« L. 6121-1-1. - L'installation des professionnels libéraux de santé est soumise au principe de l'égal accès aux soins sur l'ensemble du territoire national.

« Dans le but de répartir sur tout le territoire national l'offre de soins en fonction des besoins et de la nécessaire proximité et permanence des soins, l'implantation des professionnels libéraux de santé est intégrée dans le schéma d'organisation sanitaire tel que prévu à l'article L. 6121-1. »

Article 2

Après le premier alinéa de l'article 17 de la loi no 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il crée des maisons de santé dans les zones déficitaires en matière d'offre de soins, dans le cadre de la politique de contractualisation. »

Article 3

Le 2o de l'article L. 1417-1 du code de la santé publique est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« A ce titre, l'Etat favorise l'installation des professionnels de santé dans les zones déficitaires en matière d'offre de soins, en créant des maisons de santé. »

« La création et le développement des maisons de santé doit offrir la possibilité d'une réponse à un exercice plus organisé et plus collectif de la médecine, notamment par le développement des réseaux de santé. »

Article 4

L'article L. 162-3 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les consultations médicales sont également données dans les maisons des santé. »

Article 5

« Les dépenses engendrées par l'application de la présente loi sont compensées par une majoration à due concurrence des tarifs prévus à l'article 885 U du code général des impôts. »

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118251-6
ISSN : 1240 - 8468

En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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1444 - Proposition de loi tendant à assurer la présence des professionnels de santé dans les zones déficitaires (M. Jean-Marc Ayrault)


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