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N° 1592

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 mai 2004.

PROPOSITION DE LOI
ORGANIQUE

visant à élire une partie des députés au scrutin proportionnel,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration
générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Yves JEGO, Alain JOYANDET, François VANNSON, Jacques-Alain BÉNISTI, Marc BERNIER, Mmes Françoise BRANGET, Geneviève COLOT, MM. Edouard COURTIAL, Paul-Henri CUGNENC, Jean-Pierre DECOOL, Dominique DORD, Jean-Pierre DOOR, Bruno GILLES, Christophe GUILLOTEAU, Gérard HAMEL, Mme Maryse JOISSAINS-MASINI, MM. Jacques KOSSOWSKI, Lionnel LUCA, Thierry MARIANI, Frédéric REISS, Jacques REMILLER, Mme Juliana RIMANE, MM. Bernard SCHREINER, Guy TEISSIER et Philippe VITEL

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis bientôt vingt ans le comportement électoral des Français s'est modifié en profondeur. Ces mutations ont eu pour conséquences de morceler le paysage politique français, de favoriser l'abstention et de fragiliser nos institutions en ne permettant pas aux majorités en place de gouverner avec la plénitude des pouvoirs que leur confère la Constitution de la Ve République.

Le mode de scrutin, tel qu'il existe aujourd'hui favorise ces fragilisations permanentes de nos structures politiques et, notamment, la possibilité d'organiser des triangulaires fait souvent le jeu de partis extrêmes.

Si un tel phénomène est néfaste pour la lisibilité de l'action politique, il en est de même pour la crédibilité de nos institutions. Le vote contestataire devient un vote de sanction systématique et les partis politiques extrémistes mesurent davantage leur poids électoral à leur capacité de nuire qu'à leurs réelles chances de participation au pouvoir.

Parallèlement, excepté les élections législatives de 1986 pour lesquelles la représentation proportionnelle avait permis l'entrée à l'Assemblée nationale des députés issus des rangs du parti Front national ainsi que des députés écologistes, les autres élections législatives n'ont jamais permis aux partis minoritaires en France d'être présents au second tour.

Les électeurs ont donc le sentiment que leur voix du premier tour, du fait de l'élimination du second tour, est une voix perdue. Le premier tour est donc à la fois l'objet de vote fantaisiste et d'abstention importante.

Plusieurs propositions de loi se sont proposé de pallier ces dérives de notre système électoral en proposant, par exemple, la prise en compte des votes blancs et nuls, le vote obligatoire, le vote électronique, l'inscription automatique des jeunes de 18 ans sur les listes électorales.

Ces propositions, essentiellement techniques, dont l'objectif est louable - remobilisation du corps électoral, prise en compte de la contestation - ne répondent cependant pas aux écueils majeurs de notre système électoral qui sont d'une part la fragilisation du votre du second tour - certains candidats élus ne le sont que par défaut - et l'absence de prise en compte des voix du premier tour qui conduit l'électorat français à rester chez lui sachant que quel que soit son vote il n'a pas les moyens d'être représenté.

La proposition de loi qui vous est présentée vise à pallier cet écueil de notre système électoral en prévoyant qu'un certain nombre de députés pourra être élu à la représentation proportionnelle dans le cadre de la circonscription nationale en fonction des résultats obtenus par les candidats élus au scrutin majoritaire uninominal à deux tours. Il s'agit ainsi de pondérer les conséquences de ce mode de scrutin qui aboutissent à une sensation, de la part des électeurs, d'inutilité du vote et à redonner un intérêt pour le scrutin du premier tour : l'électeur ayant le sentiment que sa voix n'est ainsi pas perdue puisqu'elle bénéficie aux partis politiques sur le plan national.

Cette modification du mode de scrutin ne porterait que sur l'élection des députés. Ce qui est possible et a un sens au niveau national, l'est moins au niveau départemental. Le nombre de députés est important - 570 sur le territoire métropolitain -, le fait de rajouter un certain nombre de députés élus à la représentation proportionnelle dans le cadre d'un scrutin de liste ne perturbera pas l'équilibre des majorités au sein de l'Assemblée nationale et permettra la représentation au niveau national de sensibilités qui ne sont pas aujourd'hui représentées sans pour autant favoriser le morcellement de la représentation nationale ni fragiliser les équilibres politiques au sein de l'Assemblée nationale.

Les 577 députés de France métropolitaine et de l'outre-mer resteraient élus au scrutin majoritaire uninominal à deux tours dans le cadre des circonscriptions départementales. A ce nombre, seraient ajoutés 20 nouveaux députés qui seraient élus, à l'issue du premier tour, en tenant compte des résultats obtenus par chaque parti, représenté par un candidat, lors du premier tour.

Afin de simplifier l'opération de vote, le candidat devra exprimer sur sa profession de foi et sur son bulletin de vote son parti de rattachement et une mention spécifique devra être inscrite précisant que la voix apportée à ce candidat profite également au parti sur le plan national. Cette précision sera d'autant plus importante qu'elle permettra de clarifier la situation des candidatures d'union qui pourront continuer à exister dans le cadre de la circonscription départementale mais pour lesquelles les candidats devront exprimer leur rattachement sur le plan national. Elle ne devrait pas être source d'une multiplication des candidatures séparées dans la mesure où l'élimination des candidats du second tour prévue dans le titre premier de la présente proposition de loi devrait inciter les formations politiques à l'efficacité afin de pouvoir espérer être présent au second tour.

La « deuxième voix » de l'électeur sera davantage un enjeu pour les petits partis que pour les grands, telle est la portée de la présente proposition de loi organique.

Efficacité compensée par la représentation, tels sont les objectifs de la proposition de loi organique qui vous est présentée. Elle met en place un dispositif équilibré, cohérent et juste qui permet d'allier à la fois efficacité du mode de scrutin et justice électoral. Inspirée par le modèle de vote allemand dans sa conception mais pas dans son exécution, elle devrait pouvoir permettre aux Français de faire entendre leur voix.

Elle permet de pallier les défauts de notre mode de scrutin actuel qui ne permet souvent plus d'avoir des élus soutenus par une majorité absolue de voix et qui ne permet pas, non plus, à ceux qui ne sont pas élus mais qui pèsent électoralement, de pouvoir être représentés.

L'ensemble de ces dispositions est prévu dans le cadre d'une proposition de loi ordinaire qui a été déposée concomitamment à la présente proposition de loi organique.

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

Article 1er

L'article L.O. 119 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le nombre des députés élus à l'Assemblée nationale sur un scrutin de liste dans le cadre de la circonscription nationale est de 20. »

Article 2

Après le premier alinéa de l'article L.O. 180 du même code, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les résultats obtenus par une liste, à l'issue du premier tour, dans le cadre de l'élection des députés de la circonscription nationale peuvent faire l'objet de contestation devant les dix jours qui suivent la proclamation des résultats du scrutin. »

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118367-9
ISSN : 1240 - 8468

En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 1592 - Proposition de loi organique visant à améliorer une partie des députés au scrutin proportionnel (M. Yves Jégo)


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