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N° 1687

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 23 juin 2004.

PROPOSITION DE LOI

visant à mobiliser l'épargne
des
travailleurs migrants en France
au service du
développement de leur région
et en faveur de
projets productifs,

(Renvoyée à la commission des affaires étrangères,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Jean-Pierre BRARD et Jacques GODFRAIN

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le co-développement, le développement partagé, c'est moins de tensions internationales, c'est moins de populations déracinées qui errent d'eldorados illusoires en paradis introuvables, c'est plus d'échanges économiques entre partenaires également dignes.

Il faut mener en France et en Europe, des projets qui nous feront avancer dans ce sens et qui démontreront leur réalisme. Aujourd'hui comme hier, la grande partie des immigrés sont des réfugiés économiques.

Il est indispensable d'agir en France pour que les travailleurs migrants bénéficient des mêmes droits que les Français. Il est tout aussi fondamental de mener une action déterminée pour garantir le droit au développement des pays d'origine. C'est une bataille difficile qui va bien au-delà de l'action humanitaire, mais dont l'enjeu est pourtant essentiel.

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Les transferts de revenus des travailleurs migrants occupent une place très importante dans les économies de nombreux pays en voie de développement. A l'échelle planétaire, depuis le début des années 90, les transferts financiers des travailleurs migrants vers leur pays d'origine sont estimés, par l'UNESCO, à environ 70 milliards de dollars par an, soit plus que le total de l'aide publique au développement (d'un montant de 58 milliards de dollars en 1996, par exemple). Comme chaque travailleur émigré aide financièrement cinq à six personnes en moyenne dans son pays natal, on considère que 200 à 250 millions de personnes à travers le monde bénéficient du soutien d'un ami ou d'un parent travaillant à l'étranger.

Mais le montant réel est sans aucun doute bien plus élevé puisque seule une part transite par des « canaux officiels ». Beaucoup de transferts sont effectués de façon informelle : les sommes sont transportées par les migrants eux-mêmes, ou confiées à des proches, les envois se font parfois en nature, sous forme de vêtements ou d'autres biens de consommation. Dans certains pays ces transferts informels représenteraient au moins le double voire le triple des chiffres officiels.

Le recours au circuit informel est souvent motivé par des raisons pratiques. Là où les services bancaires et les structures de change sont inadaptés ou inefficaces, on se tourne vers des moyens de transfert informel non bancaires, quels que soient les coûts de transaction. Il s'explique aussi souvent par le fait que le taux de change du pays destinataire des transferts est surévalué.

La question de l'utilisation des transferts est essentielle par rapport à l'impact des migrations de travailleurs sur le développement des pays. Pour la plupart, les revenus seraient utilisés pour les dépenses courantes (alimentation, vêtements, soins de santé). En deuxième position pour construire ou améliorer l'habitat, acheter du terrain ou du bétail et acheter des biens de consommation durables (machine à laver, TV, etc.). Seul un faible pourcentage serait converti en épargne ou utilisé dans des « investissements productifs », à savoir des activités génératrices de revenus ou d'emplois.

Les transferts d'argent entre les migrants et les pays d'origine sont importants et peuvent représenter de 15 à 65 % des salaires perçus par l'émigré. Ces volumes financiers peuvent, pour partie, alimenter l'activité de caisses villageoises de crédit tant par les transferts en direction des familles que pour les équipements mais aussi pour constituer des ressources à fin d'ouverture de prêts pour des emprunteurs locaux. L'association d'institutions financières françaises à l'organisation de ces circuits leur donnera une crédibilité.

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Dans ce contexte, il apparaît particulièrement important de favoriser et d'encourager la mobilisation de l'épargne des travailleurs migrants en France au service du développement de leur région et pays d'origine et en faveur de projets productifs. A ce sujet, le Haut Conseil de la Coopération Internationale a adopté en assemblée plénière le 22 janvier 2002 un rapport intitulé « le rôle des migrants, élément essentiel d'une nouvelle politique de coopération » dans lequel il déclare : « Il est paradoxal que des montants qui, pour certains pays, sont supérieurs à l'APD reçue, soient traités comme s'ils n'existaient pas. Un travail d'ingénierie financière doit aboutir à la mise en place de circuits financiers favorisant l'investissement de l'épargne issue de l'immigration dans le développement, en particulier dans le domaine de la création d'activités génératrices de revenus et d'emplois ».

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Pour cela, il est créé un dispositif financier et technique appelé Livret d'Epargne pour le développement.

Avec ce dispositif, le travailleur migrant, comme toute personne résidant sur le territoire national, pourra orienter ses placements en faveur d'une offre de crédit adaptée à ses projets d'investissements en France comme dans son pays d'origine. Un taux de rémunération incitatif permettra en outre, dans le cadre d'accords bi-latéraux, de soutenir : le développement de l'investissement productif correspondant à la satisfaction des besoins durables des familles mais également le plan général de développement du pays d'origine et l'émergence de structures locales de crédit. L'objectif est ainsi de promouvoir des initiatives pérennes et de favoriser la mise en place d'un tissu économique et social, facteur de développement durable.

L'épargne sera collectée par tout établissement financier déjà chargé de l'organisation de la gestion du Livret A. Les sommes ainsi collectées seront gérées par la Caisse des Dépôts et Consignations et affectées, par répartition, à un fonds dans chaque pays d'origine dont la gestion sera soumise à un accord bi-latéral.

A tout moment, le travailleur migrant pourra demander la restitution de son épargne à laquelle sera appliqué le taux d'intérêt en vigueur.

Sous le bénéfice de ces observations, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, d'adopter la proposition de loi suivante.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Il est prévu, dans les conventions bilatérales entre la France et les pays à vocation d'émigration, la signature d'un accord de coopération destiné à encourager la mobilisation de l'épargne des travailleurs migrants en France au service du développement de leur région et en faveur de projets qui puissent contribuer :

- au développement de l'investissement productif correspondant à la satisfaction des besoins durables des familles,

- au plan général de développement du pays d'origine.

Cet accord prévoit :

1° la création, en France, d'un Livret d'Epargne Développement impliquant :

a) la possibilité pour toute personne résidant sur le territoire national de placer son épargne sur ce livret,

b) l'organisation, avec le concours de la Caisse des Dépôts et Consignations, de la collecte des fonds par La Poste, les Caisses d'Epargne et, plus généralement, par tout établissement financier gérant le Livret A,

c) une gestion des fonds confiée à la Caisse des Dépôts et Consignations en accord avec les organismes financiers des pays partenaires.

3° Un abondement du fonds de développement du pays d'origine par les sommes déposées sur les comptes et auquel il pourra être fait appel par un organisme financier local habilité dans le cadre de l'accord bilatéral (banque centrale par exemple). Il devra préalablement justifier de l'existence de structures de crédits et de micro-crédits ; favorisant ainsi l'accès des populations du pays d'origine à des crédits permettant la réalisation de tout projet ou micro-projet productif, d'intérêt général.

4° La possibilité de restituer l'épargne, à tout moment, en tenant compte du taux d'intérêt fixé par la Caisse des Dépôts et Consignations en accord avec les organismes financiers des pays partenaires.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118422-5
ISSN : 1240 - 8468

En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 1687 - Proposition de loi visant à mobiliser l'épargne des travailleurs migrants en France au service du développement de leur région et en faveur de projets productifs (M. Jean-Pierre Brard)


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