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N° 1744

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 21 juillet 2004.

PROPOSITION DE LOI

relative au développement de l'actionnariat salarié,

(Renvoyée à la commission des finances, de l'économie générale et du plan,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Edouard BALLADUR, Jean-Paul ANCIAUX, Gilles CARREZ, Gérard CHERPION, Jacques GODFRAIN, Alain JUPPÉ, Alain MARSAUD et Pierre MÉHAIGNERIE

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dès l'aube de la Ve République, le Général de Gaulle a souhaité que soit mise en œuvre une conception nouvelle de l'entreprise qui s'est traduite par un ensemble de mesures visant à associer le capital et le travail.

L'intéressement créé en 1959, la participation et les plans d'épargne d'entreprise créés en 1967 illustrent cette volonté.

Entre 1986 et 1988, la loi sur les privatisations et l'ordonnance sur la participation ont permis un développement très rapide de l'actionnariat salarié qui représente, notamment dans les entreprises privatisées, une part significative du capital et des droits de vote.

La loi sur la participation de 1994 a fait franchir un pas supplémentaire à l'actionnariat salarié en facilitant l'accès des salariés aux conseils d'administration.

Parallèlement, les « stocks options », créées en 1970, ont connu un développement important dans les grandes entreprises.

Depuis le retournement boursier de 2001 et les débats nés dans certaines entreprises, les options ont fait l'objet de critiques : elles sont le plus souvent réservées à l'encadrement de l'entreprise ; leurs conditions d'attribution laissent planer un doute sur le choix de la date d'attribution ; enfin, les bénéficiaires ne s'exposent à aucun risque de perte.

Force est de constater que ce mécanisme ne peut être généralisé.

Il est aujourd'hui nécessaire de procéder à une révision de notre dispositif d'actionnariat salarié.

Les plans d'épargne-retraite investis en actions risquent de subir la concurrence des nouveaux plans d'épargne retraite populaire ou collectifs qui sont assortis d'importants avantages fiscaux.

Les options sont à la fois un mécanisme de rémunération et d'actionnariat. Mais, à l'usage, elles apparaissent peu efficaces comme mécanismes d'incitation à l'actionnariat dans la mesure où elles se concluent, le plus souvent, par la vente des actions. De ce fait, il est souhaitable de promouvoir une nouvelle formule de cession gratuite d'actions aux salariés et aux dirigeants.

Cette réforme doit être aussi l'occasion de franchir une nouvelle étape dans la voie de la transparence des rémunérations et avantages perçus par les dirigeants. De nombreux événements récents montrent que, malgré les progrès accomplis, cette transparence éviterait des décisions parfois ressenties comme injustes et contestables.

*

L'article 1er propose de doubler le plafond de l'abondement que l'entreprise peut verser en cas de placement de sommes par un salarié dans un plan d'épargne d'entreprise investi en actions. Le plafond serait ainsi le même que celui autorisé pour le plan d'épargne retraite collective, soit 4 600 euros.

L'article 2 propose d'instituer une réduction d'impôt sur le revenu dont le montant maximum serait égal à 25 % de 1 000 euros, afin de donner aux sommes placées sur un plan d'épargne d'entreprise investi en actions un avantage comparable à celui adopté pour le PERP.

L'article 3 institue un mécanisme de distribution d'actions gratuites aux salariés ou aux mandataires sociaux. Autorisées par l'assemblée générale des actionnaires, ces distributions seraient assorties de conditions légales, s'agissant des délais d'attribution et de conservation des actions. Des conditions de performance des salariés seraient également prévues.

L'article 4 est relatif au régime fiscal des actions gratuitement distribuées. L'imposition des bénéficiaires serait reportée au jour de la revente des actions ; la plus-value d'acquisition imposée au taux de 30 % et la plus-value de cession au taux de 16 %.

L'article 5 est relatif aux cotisations sociales. Elles s'appliqueraient dans les conditions de droit commun. Aucune cotisation sociale ne serait en revanche perçue au titre des attributions faites de manière inconditionnelle et irrévocable.

L'article 6 a pour objet de compléter les règles actuelles en matière d'attribution d'options, particulièrement en ce qui concerne les conditions dans lesquelles l'assemblée générale des actionnaires autorise la création d'options. La décision d'attribuer des options serait éclairée par un rapport du conseil d'administration permettant aux actionnaires de connaître plus précisément les catégories de bénéficiaires, la procédure envisagée et la dilution potentielle du capital.

L'article 7 vise à préciser le statut des mandataires sociaux afin, notamment, de clarifier les conditions dans lesquelles ils sont employés et rémunérés. Le conseil d'administration définirait ces conditions lors de leur nomination ou du renouvellement de leur mandat. Elles seraient rendues publiques, en particulier pour ce qui est des indemnités de départ et des droits à pension de retraite. Tout avantage ou rémunération octroyé dans des conditions non conformes à ce « statut d'emploi » serait considéré comme nul.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Dans le deuxième alinéa de l'article L. 443-7 du code du travail, le pourcentage : « 50 % » est remplacé par le pourcentage : « 100 % ».

Article 2

Après l'article 199 undecies C du code général des impôts, sont insérés une subdivision, un intitulé et un article 199 duodecies ainsi rédigés :

« 13° Réduction d'impôt au titre des versements sur un plan d'épargne d'entreprise

« Art. 199 duodecies. - Les versements effectués par un salarié, hors réinvestissement des sommes reçues au titre de l'intéressement, à un plan d'épargne d'entreprise investi en actions de l'entreprise ouvrent droit à une réduction d'impôt égale à 25 % du total de ces versements dans la limite annuelle de 1 000 euros. »

Article 3

I. - La sous-section 5 de la section IV du chapitre V du titre II du livre deuxième du code de commerce est complétée par un paragraphe 3 intitulé : « Des cessions d'actions gratuites », et comprenant quatre articles L. 225-188 à L. 225-191 ainsi rédigés :

« Art. L. 225-188. - I. - L'assemblée générale extraordinaire peut autoriser, selon le cas, le conseil d'administration ou la direction à procéder, au profit des membres du personnel salarié de la société ou de certains d'entre eux, à une attribution gratuite d'actions provenant du rachat effectué, préalablement à l'attribution, par la société elle-même dans les conditions définies aux articles L. 225-208 ou L. 225-209.

« L'assemblée générale extraordinaire fixe le pourcentage maximal du capital social pouvant être attribué dans les conditions définies ci-dessus. L'attribution des actions à leurs bénéficiaires est définitive au terme d'une période d'acquisition dont la durée minimale est déterminée par l'assemblée générale extraordinaire mais ne peut être inférieure à deux ans. L'assemblée générale extraordinaire fixe également la durée minimale de l'obligation de conservation des actions par les bénéficiaires. Cette durée court à compter de l'attribution définitive des actions mais ne peut être inférieure à deux ans.

« Le conseil d'administration ou, le cas échéant, le directoire détermine l'identité des bénéficiaires des attributions d'actions mentionnées au premier alinéa. Il fixe les conditions dans lesquelles sont attribuées les actions, ainsi que celles relatives aux critères de performance auxquels doivent satisfaire les attributaires.

« L'assemblée générale extraordinaire fixe le délai pendant lequel cette autorisation peut être utilisée par le conseil d'administration ou le directoire. Ce délai ne peut excéder trente-huit mois.

« II. - Le président du conseil d'administration, le directeur général, les directeurs généraux délégués, les membres du directoire ou le gérant d'une société par actions peuvent se voir attribuer des actions de la société dans les mêmes conditions que les membres du personnel salarié.

« Ils peuvent également se voir attribuer des actions d'une société liée, au sens des articles L. 233-1 à L. 233-4, dans les conditions prévues à l'article L. 225-189, sous réserve que les actions de cette dernière soient admises aux négociations sur un marché réglementé.

« Il ne peut être attribué d'actions aux salariés et aux mandataires sociaux possédant plus de 10 % du capital social.

« Art. L. 225-189. - I. - Des actions peuvent être attribuées, dans les mêmes conditions que celles mentionnées à l'article L. 225-188 :

« 1° Soit au bénéfice des membres du personnel salarié des sociétés ou des groupements d'intérêt économique dont 10 % au moins du capital ou des droits de vote sont détenus, directement ou indirectement, par la société qui attribue les actions ;

« 2° Soit au bénéfice des membres du personnel salarié des sociétés ou des groupements d'intérêt économique détenant, directement ou indirectement, au moins 10 % du capital ou des droits de vote de la société qui attribue les actions ;

« 3° Soit au bénéfice des membres du personnel salarié des sociétés ou des groupements d'intérêt économique dont 50 % au moins du capital ou des droits de vote sont détenus, directement ou indirectement, par une société détenant elle-même, directement ou indirectement, au moins 50 % du capital de la société qui attribue les actions.

« Les actions qui ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé ne peuvent être attribuées dans les conditions ci-dessus qu'aux salariés de la société qui procède à cette attribution ou à ceux mentionnés au 1°.

« II. - Des actions peuvent également être attribuées dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article L. 225-188 par une entreprise contrôlée, directement ou indirectement, exclusivement ou conjointement, par un organe central ou les établissements de crédit qui lui sont affiliés au sens et pour l'application des articles L. 511-30 à L. 511-32 du code monétaire et financier, aux salariés de ces sociétés ainsi qu'à ceux des entités dont le capital est détenu pour plus de 50 %, directement ou indirectement, exclusivement ou conjointement, par cet organe central ou ces établissements de crédit.

« Art. L. 225-190. - Les droits résultant de l'attribution gratuite d'actions sont incessibles jusqu'au terme de la période d'acquisition.

« En cas de décès du bénéficiaire, ses héritiers peuvent demander l'attribution des actions dans un délai de six mois à compter du décès.

« Art. L. 225-191. - L'assemblée générale ordinaire est informée chaque année des attributions réalisées en application des dispositions des articles L. 225-188 à L. 225-190. »

II. - 1° Dans la première phrase de l'article L. 225-208 du même code, après les mots : « par attribution de leurs actions », sont insérés les mots : « , celles qui attribuent leurs actions dans les conditions prévues aux articles L. 225-188 à L. 225-190 ».

2° Dans la première phrase du troisième alinéa de l'article L. 225-209 du même code, après les mots : « leurs propres actions », sont insérés les mots : « , celles qui attribuent leurs actions dans les conditions prévues aux articles L. 225-188 à L. 225-190 ».

Article 4

I. - Après l'article 80 terdecies du code général des impôts, il est inséré un article 80 quaterdecies ainsi rédigé :

« Art. 80 quaterdecies. - Les actions attribuées dans les conditions définies aux articles L. 225-188 à L. 225-190 du code de commerce sont imposées entre les mains de l'attributaire selon les modalités prévues au 6 bis de l'article 200 A, sauf option pour le régime des traitements et salaires. L'impôt est exigible au titre de l'exercice au cours duquel le bénéficiaire des titres les a cédés. »

II. - Avant le dernier alinéa de l'article 200 A du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 6 bis. Sauf option pour l'imposition selon les règles applicables aux traitements et salaires, la plus-value réalisée au moment de la cession des titres reçus qui est égale à la valeur du titre à la date d'acquisition est imposée au taux de 30 %. La plus-value qui est égale à la différence entre le prix de cession et la valeur du titre au jour de l'acquisition est imposée au taux prévu au 2 ci-dessus. La moins-value éventuellement réalisée est déduite du revenu imposable conformément aux règles applicables aux moins-values sur valeurs mobilières. »

Article 5

L'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les attributions gratuites d'actions effectuées conformément aux dispositions des articles L. 225-188 à L. 225-190 du code de commerce sont exclues de l'assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa si leur attribution est faite de manière conditionnelle et si les conditions ainsi exigées sont respectées. A défaut, l'employeur est tenu au paiement de la totalité des cotisations sociales, y compris pour leur part salariale. »

Article 6

Les articles L. 225-177 et L. 225-179 du code de commerce sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l'assemblée générale autorise la création d'options sur les actions de la société, elle se prononce au vu d'un rapport qui précise la période d'attribution envisagée au cours de l'exercice, une estimation des volumes maximums d'options par catégories de bénéficiaires, en distinguant notamment les mandataires sociaux, les cadres dirigeants et les autres salariés, l'impact potentiel des options sur la rémunération des mandataires sociaux, le délai entre la date d'attribution et le droit d'exercice de l'option, la dilution potentielle du capital et l'existence de conditions de performance. »

Article 7

Après l'article L. 225-19 du code de commerce, il est inséré un article L. 225-19-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 225-19-1. - Lors de la nomination ou du renouvellement d'un directeur général ou d'un membre du directoire d'une société dont les actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé, son statut d'emploi est défini par le conseil d'administration ou le conseil de surveillance. Il prévoit les conditions de rémunération des intéressés, précise les conditions de la détermination de celle-ci y compris pour sa part variable, le droit au bénéfice d'options ou d'actions de la société, détermine les avantages en nature éventuellement consentis, le montant des droits à pension de retraite ainsi que les indemnités à verser, le cas échéant, en cas de départ anticipé des intéressés.

« Ce statut ou, à défaut, ses principales caractéristiques, est rendu public au plus tard dans le rapport correspondant à l'année au cours de laquelle ce statut a été arrêté.

« Tout autre avantage ou rémunération attribué en dehors de cette procédure est nul. Les sommes versées indûment sont restituées à l'entreprise, assorties d'un intérêt au taux légal. Les membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance sont solidairement responsables du remboursement des sommes versées en contravention aux règles édictées au présent article. »

Article 8

Les pertes de recettes éventuelles qui résulteraient pour l'Etat de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118453-5
ISSN : 1240 - 8468

En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

N° 1744 - Proposition de loi de M. Edouard Balladur relative au développement de l'actionnariat salarié


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