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N° 1840

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 2004.

PROPOSITION DE LOI

tendant à prévenir la récidive en empêchant la libération
des
condamnés pour viols, tortures ou actes de barbarie
sur mineurs de 15 ans
et moins, avant l'âge de 70 ans révolus,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration
générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Richard MALLIÉ, Bruno GILLES, Manuel AESCHLIMANN, Jean AUCLAIR, Patrick BEAUDOUIN, Jean-Claude BEAULIEU, Jacques-Alain BÉNISTI, Marc BERNIER, Jean-Michel BERTRAND, Roland BLUM, Mme Chantal BOURRAGUÉ, MM. Loïc BOUVARD, Ghislain BRAY, François CALVET, Pierre CARDO, Roland CHASSAIN, Mme Geneviève COLOT, MM. Alain CORTADE, Louis COSYNS, Edouard COURTIAL, Jean-Michel COUVE, Charles COVA, Olivier DASSAULT, Jean-Pierre DECOOL, Léonce DEPREZ, Eric DIARD, Jacques DOMERGUE, Jean-Pierre DOOR, Dominique DORD, Olivier DOSNE, Philippe DUBOURG, Christian ESTROSI, Jean-Michel FERRAND, Jean-Claude FLORY, Marc FRANCINA, Mme Arlette FRANCO, M. Pierre FROGIER, Mme Cécile GALLEZ, MM. Claude GATIGNOL, Alain GEST, Franck GILARD, Jean-Pierre GRAND, Mmes Arlette GROSSKOST, Pascale GRUNY, MM. Lucien GUICHON, Jean-Jacques GUILLET, Joël HART, Michel HEINRICH, Pierre HÉRIAUD, Francis HILLMEYER, Henri HOUDOUIN, Olivier JARDÉ, Jacques KOSSOWSKI, Patrick LABAUNE, Yvan LACHAUD, Jacques LAFLEUR, Edouard LANDRAIN, Thierry LAZARO, Marc LE FUR, Jean-Marc LEFRANC, Michel LEJEUNE, Mme Geneviève LEVY, MM. Gérard LORGEOUX, Lionnel LUCA, Daniel MACH, Thierry MARIANI, Mme Muriel MARLAND-MILITELLO, MM. Alain MARLEIX, Jean MARSAUDON, Philippe-Armand MARTIN, Mme Henriette MARTINEZ, MM. Christian MÉNARD, Alain MERLY, Damien MESLOT, Gilbert MEYER, Pierre MICAUX, Pierre MORANGE, Etienne MOURRUT, Alain MOYNE-BRESSAND, Jean-Marc NESME, Jean-Pierre NICOLAS, Yves NICOLIN, Jean-Marc NUDANT, Mme Bernadette PAÏX, MM. Christian PATRIA, Jacques PÉLISSARD, Mme Josette PONS, MM. Daniel PRÉVOST, Christophe PRIOU, Jean-Luc REITZER, Jacques REMILLER, Marc REYMANN, Jean ROATTA, Michel ROUMEGOUX, François SCELLIER, André SCHNEIDER, Daniel SPAGNOU, Mmes Michèle TABAROT, Hélène TANGUY, MM. Guy TEISSIER, Léon VACHET, Jean-Sébastien VIALATTE et Michel VOISIN

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'actualité nous donne une nouvelle fois la preuve de toute l'ignominie que la nature humaine peut manifester. Alexandre Ferrand, âgé de 26 ans, a été condamné il y a quelques jours à 19 ans de réclusion criminelle, assortis d'une peine de sûreté aux deux tiers, pour avoir commis 67 viols et agressions sexuelles sur mineurs. 67 viols et agressions sexuelles, ce sont 67 enfants marqués à vie, 67 familles brisées. Agées de 3 à 14 ans au moment des faits, les jeunes victimes n'auront d'autre choix que de composer avec cette épreuve dans le cadre de leur construction personnelle. Si le viol, la torture, et les actes de barbarie, sont des crimes particulièrement odieux, ils le sont plus encore lorsqu'ils sont commis sur des enfants, ou sur des personnes dont la vulnérabilité est attestée.

Si Alexandre Ferrand est venu tristement compléter la longue liste des violeurs en série, il s'est toutefois démarqué des Fourniret, Louis et autres Dutroux sur un point : sa jeunesse. A l'heure où le nombre de ses congénères entrent à peine dans la vie active, le jeune breton traîne déjà derrière lui plus de 60 crimes. Condamné à 19 ans de réclusion criminelle, il aura tout au plus 45 ans le jour de sa sortie. 45 ans, un âge où les hommes de notre époque sont plus que jamais en pleine possession de leurs moyens, tant physiques que psychiques. Comment être alors assurés, Mesdames et Messieurs, que, demain ou après-demain, il ne recommencera pas ? Comment entourer nos enfants, et toutes les personnes vulnérables de notre société, des garanties suffisantes, et que chacun est en droit d'attendre, sur le caractère inoffensif d'un tel individu, au jour de sa sortie ? Violeur multirécidiviste, le briochin aura de longues années devant lui pour recommencer ses méfaits. Et ce pour deux raisons.

D'une part, l'état présent de notre droit veut qu'en cas de viols, tortures ou actes de barbarie sur mineurs, et ce même avec récidive, la peine maximale encourue est de 20 ans pour les viols, et 15 pour les actes relevant de la seconde catégorie. C'est ainsi qu'un criminel auteur d'un viol à l'âge de 20 ans, pourra retrouver pleine liberté à 40. Comment alors ne pas craindre la récidive avec une liberté retrouvée si jeune ?

Certes, nos détracteurs pourront sortir ici l'arme du suivi socio-judiciaire, mis en place par la loi du 17 juin 1998, dont le fondement est justement, aux termes du 2e alinéa de l'article 131-36 du code de procédure pénale, la prévention de la récidive en matière d'infractions sexuelles. Toutefois, dans la pratique, cette honorable disposition se heurte fatalement à deux obstacles.

Le premier, et de taille, est qu'en matière notamment de suivi médical, le consentement du condamné est la condition sine qua none au démarrage de tout traitement. Ainsi, en cas de refus de l'intéressé, la justice ne peut outrepasser sa volonté.

Le second découle directement du 1er alinéa de l'article 763-7 du code de la procédure pénale, qui stipule que lorsque le traitement débute en prison, le condamné doit être placé dans un établissement spécialement aménagé pour accueillir les auteurs d'infractions à caractère sexuel et assurant un suivi médical et psychologique tel que prévu à l'article 718 du code de la procédure pénale. Or, en raison de la surpopulation carcérale, et du nombre restreint d'établissements de ce type, ce placement n'est pas toujours possible.

Ainsi, si la mise en place du suivi socio-judiciaire a été une intention louable du législateur, elle est difficilement et rarement pratiquée aujourd'hui. Libérer ces hommes à un âge où ils ont encore les moyens physiques de réitérer leurs méfaits, c'est donc risquer de voir nos enfants venir allonger demain la liste des victimes.

D'autre part, à supposer même qu'une peine de perpétuité puisse être prononcée à l'encontre de ces catégories de criminels, notre dispositif législatif actuel veut que la perpétuité est rarement réelle. En effet, l'article 720-4 du code de procédure pénale, prévoit que, même dans les cas où la perpétuité a été prononcée, et que la cour a exclu toute possibilité d'aménagement de peine, le juge d'application des peines peut saisir, au terme d'une période de 30 ans, un collège de 3 experts médicaux, afin qu'un avis soit rendu sur l'état de dangerosité du condamné. Dans ce cas, dès lors que la dangerosité aura été écartée par le comité, la Cour de Cassation pourra mettre fin à la décision précédemment rendue par la Cour d'Assises. Ainsi, sur les 31 condamnations à perpétuité prononcées en 2002, nombreuses sont celles qui pourront finalement être levées après 30 ans.

C'est pourquoi, dans le souci de protéger aujourd'hui les plus jeunes et les plus vulnérables de notre société, du risque de nouveaux passages à l'acte de multirécidivistes sortis de prison dans la pleine force de l'âge, il est urgent, et de notre devoir, mes chers Collègues, de modifier l'état de notre droit pénal, et ce sur deux plans.

1. En premier lieu, dans le cas de viols, tortures ou actes de barbarie commis sur mineurs de moins de 15 ans, ou à l'encontre de personnes particulièrement vulnérables, nos cours d'assises doivent pouvoir prononcer une peine de perpétuité.

2. En second lieu, la société doit avoir les garanties que les personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité pour de tels crimes, seront enfermées sans aucune possibilité d'aménagement de peine, jusqu'à un âge où les risques de récidive seront, pour des raisons physiques et psychiques, minorés. Ainsi, la détermination de la période de sûreté devra se faire en fonction de l'âge du condamné au jour de sa condamnation sans toutefois qu'une libération ne soit possible avant qu'il n'ait atteint l'âge de soixante-dix ans révolus, exception faite toutefois des cas dont l'état de santé particulièrement dégradé requiert des soins médicaux spécifiques.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Après l'article 222-26 du code pénal, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. 222-26-1. - Les viols, actes de barbarie ou tortures, commis avec récidive sur mineurs de 15 ans et moins, ou sur personne vulnérable telle que définie au 3o de l'article 222-24, sont punis de la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une période de sûreté déterminée au cas par cas au regard de l'âge de l'auteur des actes incriminés au jour de sa condamnation, et sans qu'une libération ne puisse intervenir avant qu'il n'ait atteint l'âge de 70 ans révolus, exception faite toutefois des cas dont l'état de santé particulièrement dégradé requiert des soins médicaux spécifiques. »

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118770-4
ISSN : 1240 - 8468

En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 1840 - Proposition de loi : prévenir la récidive des condamnés pour viols, tortures ou actes de barbarie sur mineurs de 15 ans et moins (Richard Mallié)


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