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N° 2009

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 21 décembre 2004.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer la protection de l'enfant
face à la
violence sexuelle,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration
générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par Mme Anne-Marie COMPARINI

 

Additions de signatures :
M. Christian Vanneste
M. Philippe Feneuil, Mmes Juliana Rimane et Michèle Tabarot
Mmes et MM. François Vannson, Patrick Labaune, Alain Moyne-Bressand, Bernard Pousset, Jacques Remiller, Jean-Claude Beaulieu, Bernard Depierre, Axel Poniatowski, Philippe Dubourg, Michel Voisin, Alain Ferry, Maryse Joissains-Masini, Jean-Yves Hugon, Jean-Claude Flory, Richard Cazenave, Christophe Guilloteau, Thierry Mariani, Jacques-Alain Bénisti, Jean-Jacques Descamps, Jean-Marc Lefranc, Gérard Hamel, Gérard Dubrac, Dominique Le Mèner, Brigitte Le Brethon, Marguerite Lamour, Daniel Mach, Jean-Luc Reitzer, Jean-Michel Couve, François Guillaume, Richard Mallié, Lionel Luca, Patrick Beaudouin, Bernard Deflesselles, Patrick Delnatte, Jean-Marc Roubaud, Jean-Marie Binetruy, Etienne Mourrut, Jean-Luc Préel, Rodolphe Thomas, Michel Hunault, Claude Leteurtre, Pierre-Christophe Baguet, François Rochebloine, Jean Dionis du Sejour, Yvan Lachaud, Pierre Albertini, Francis Hillmeyer, Olivier Jardé, François Sauvadet, André Santini, Jean Lassalle, Maurice Leroy, Nicolas Perruchot, Charles de Courson, Francis Vercamer, Jean-Pierre Abelin, Christian Blanc, Stéphane Demilly, Gilles Artigues, et Rudy Salles
Mmes Henriette Martinez, Bérengère Poletti et M. Manuel Aeschlimann

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Chaque jour qui passe dans notre pays montre que la violence sexuelle notamment sur des enfants soulève des émotions considérables. Cette situation n'est pas un effet de mode, elle est malheureusement constatée - statistiques à l'appui - par tous ceux, juges, médecins, éducateurs et acteurs de la vie associative qui ont à traiter cette matière difficile. Et elle nous interpelle d'autant plus que les plaintes pour sévices sexuels ont particulièrement augmenté ces dernières années, et qu'elles sont le fait de proches des enfants victimes.

Face à la réalité de ces affaires complexes, il faut chercher des solutions pour assurer une meilleure protection de l'enfance. De nombreux outils préventifs ou répressifs existent déjà mais il faut progresser encore pour :

- faire en sorte que l'inceste, interdit fondamental, devienne une situation aggravante

- que l'enfant qui, par sa vulnérabilité physique ou morale, représente la victime absolue, puisse faire entendre sa parole et sans que cela pose problème.

Le Garde des Sceaux vient d'annoncer qu'il est prêt à proposer que l'interdit de l'inceste soit expressément inscrit dans la Loi française, comme d'autres législations en Europe l'ont fait depuis de nombreuses années.

Cette inscription constitue pour certains un premier pas important, mais pour être réellement efficace, la législation devrait surtout poser l'interdit plus général d'une relation sexuelle entre un enfant et un adulte. C'est tout le sens de cette proposition de loi.

Ainsi, nos textes en vigueur pourraient être modifiés afin que l'âge des victimes d'agressions sexuelles, et plus particulièrement celles ayant moins de 14 ans au moment des faits incriminés, devienne un élément constitutif de l'infraction.

De la même façon, la nature du lien à leur agresseur (un ascendant ou toute personne partageant leur communauté de vie) devrait être reconnue comme un élément constitutif de l'infraction.

Aujourd'hui en effet le code pénal ne fait pas de distinction entre les victimes mineures et majeures. Et si l'on s'en tient à la loi actuelle, les juges doivent prouver que la victime, et ce quel que soit son âge, est sous l'emprise « d'une violence, contrainte, menace ou surprise ». En outre, comme il est indiqué que l'agression sexuelle envers un enfant peut être faite sans violence, contrainte, menace ou surprise cela revient à signifier à l'enfant, victime d'agressions sexuelles, qu'il était consentant pour n'avoir pu s'opposer à cet acte, ce qui est très culpabilisant pour l'enfant.

Ces deux remarques montrent à l'évidence qu'en raison de son jeune âge, ou en raison d'une dépendance affective, l'enfant mineur ne peut être traité comme une personne majeure : il n'a pas toujours la capacité de repérer la transgression qu'on lui fait vivre et de s'y opposer. Une dépendance qui s'accentue d'ailleurs lorsqu'elle a lieu dans le cadre intrafamilial.

C'est pourquoi je propose, en m'inspirant du modèle allemand, de remplacer la législation actuelle fondée sur la distinction entre viols, agressions et atteintes sexuelles par un processus judiciaire fondé sur l'âge de la victime et sur la nature du lien avec l'agresseur.

Cette distinction loin d'être secondaire, revêt une réelle importance puisque désormais il ne serait plus nécessaire de faire la démonstration du non-consentement des enfants mineurs pour qualifier les infractions.

Dans cette perspective, la proposition de loi que je vous soumets, modifie des articles du code pénal au chapitre 2 relatif à l'intégrité physique ou psychique de la personne et crée de nouvelles dispositions spécifiquement consacrées aux atteintes portées aux mineurs (chapitre 7 du code pénal).

PROPOSITION DE LOI

Chapitre 1er

Atteintes sexuelles sur les personnes majeures

Article 1er

La première phrase de l'article 222-22 du code pénal est complétée par les mots : « sur une personne de plus de dix-huit ans ».

Article 2

Dans le premier alinéa de l'article 222-23 du code pénal, les mots « la personne d'autrui » sont remplacés par les mots : « une personne de plus de dix-huit ans ».

Article 3

L'article 222-24 du code pénal est ainsi rédigé :

« Art. 222-24. - Le viol commis sur une personne de plus dix-huit ans est puni de vingt ans de réclusion criminelle :

« 1° Lorsqu'il a entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ;

« 2° Lorsqu'il est commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de l'auteur ;

« 3° Lorsque l'auteur des faits partage une communauté de vie avec la victime ;

« 4° Lorsqu'il y a pluralité de victimes.

« 5° Lorsqu'il y a répétition de viols dans le temps ;

« 6° Lorsqu'il est commis par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;

« 7° Lorsqu'il est commis par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;

« 8° Lorsqu'il est commis avec usage ou menace d'une arme ;

« 9° Lorsque la victime a été mise en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de télécommunications ;

« 10° Lorsqu'il a été commis à raison de l'orientation sexuelle de la victime. »

Article 4

Le premier alinéa de l'article 222-25 du code pénal est ainsi rédigé :

« Le viol est puni de la réclusion criminelle à perpétuité quand il a entraîné la mort de la victime majeure ou quand il est précédé, accompagné ou suivi de tortures ou d'actes de barbarie. »

Article 5

L'article 222-26 du code pénal est supprimé.

Article 6

L'article 222-27 du code pénal est ainsi rédigé :

« Art. 222-27.- Les agressions sexuelles commises sur une personne de plus de dix-huit ans, autres que le viol défini à l'article 222-23, sont punies de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. »

Article 7

L'article 222-28 du code pénal est ainsi rédigé :

« Art. 222-28. - L'infraction définie à l'article 222-22 est punie de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende :

« 1° Lorsqu'elle a entraîné une blessure ou une lésion ;

« 2° Lorsqu'elle est commise par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;

« 3° Lorsqu'elle est commise par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;

« 4° Lorsqu'elle commise avec usage ou menace d'une arme ;

« 5° Lorsqu'elle est commise sur une personne dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique, ou à un état de grossesse est apparente ou connue de son auteur ;

« 6° Lorsque la victime a été mise en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de télécommunications. »

Article 8

L'article 222-29 du code pénal est supprimé.

Article 9

L'article 222-30 du code pénal est ainsi rédigé :

« Art. 222-30. - L'infraction définie à l'article 222-22 est punie de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende :

« 1° Lorsqu'elle a entraîné une incapacité permanente ou une infirmité ;

« 2° Lorsque l'auteur a partagé une communauté de vie avec la victime ;

« 3° Lorsqu'il y a pluralité de victimes ;

« 4° Lorsqu'il y a répétition de viols dans le temps ;

« 5° Lorsqu'elle a été commise à raison de l'orientation sexuelle de la victime. »

Chapitre 2

Atteintes sexuelles sur les personnes mineures

Article 10

L'article 227-25 du code pénal est ainsi rédigé :

« Art. 227-25. - Tout acte sexuel commis sur un mineur de moins de quatorze ans est puni de dix ans d'emprisonnement.  »

Article 11

Après l'article 227-25 du code pénal est inséré un article 227-25-1 ainsi rédigé :

« Art. 227-25-1. - L'infraction prévue à l'article 227-25 est punie de 15 ans de réclusion criminelle :

« 1° Lorsque l'acte sexuel a entraîné une blessure ou une lésion ;

« 2° Lorsque les actes sexuels ont été répétés dans le temps ou qu'il y a pluralité de victimes ;

« 3° Lorsque l'acte sexuel est commis par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ou par une personne qui a autorité sur la victime ou qui cohabitait avec elle au moment des faits ;

« 4° Lorsque l'acte sexuel est commis par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;

« 5° Quand l'acte sexuel est commis avec usage ou menace d'une arme ;

« 6° Quand la victime a été mise en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de télécommunication.

« Lorsque les agressions sexuelles sont commises à l'étranger contre un mineur par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l'article 113-6 et les dispositions de la seconde phrase de l'article 113-8 ne sont pas applicables. »

Article 12

L'article 227-26 du code pénal est ainsi rédigé :

« Art. 227-26. - Tout acte sexuel commis par un majeur sur un mineur de plus de quatorze ans est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende à la condition que :

« 1° L'auteur ait plus de dix-huit ans et exploite la situation de détresse de la victime ou la rémunère ;

« 2° L'auteur soit une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;

« 3° L'auteur ait autorité sur la victime ;

« 4° La victime a été mise en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de télécommunication. »

Article 13

Après l'article 227-26 du code pénal, sont insérés trois articles 227-26-1, 227-26-2 et 227-26-3 ainsi rédigés :

« Art. 227-26-1. - L'infraction prévue à l'article 227-26 est punie de dix ans d'emprisonnement :

« 1° Lorsque les actes sexuels ont été répétés dans le temps ;

« 2° Lorsque l'acte sexuel a été commis avec usage ou menace d'une arme ;

« 3° Lorsque l'acte sexuel a été commis par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;

« 4° Lorsque l'acte sexuel a entraîné une blessure ou une lésion ;

« Lorsque les actes sont commis à l'étranger contre un mineur par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l'article 113-6 et les dispositions de la seconde phrase de l'article 113-8 ne sont pas applicables. »

« Art. 227-26-2. - Tout acte sexuel commis sur un mineur est puni de vingt ans de réclusion criminelle :

« 1° Lorsque l'auteur est un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou lorsqu'il existe un lien de filiation visé aux articles 161, 162, et 163 du code civil.

« 2° Lorsque dans les conditions prévues aux articles 227-25 à 227-26-1, les victimes sont multiples.

« 3° Lorsque l'acte sexuel a entraîné une mutilation ou une infirmité permanente. »

L'article 227-26-3 ainsi rédigé :

« Art. 227-26-3. - A l'exception des actes sexuels commis sur un mineur de moins de quatorze ans, tout acte commis par un mineur sera puni de sept années d'emprisonnement, s'il a été commis avec contrainte, violence, menace ou surprise.

« La peine est portée à dix années :

« - si les actes sexuels ont entraîné une blessure ou une lésion ;

« - si les actes sexuels ont été répétés dans le temps ;

« - si les actes sexuels ont été commis par plusieurs personnes agissant en qualité de co-auteur ou de complice ;

« - si les actes sexuels ont été commis avec usage ou sous la menace d'une arme ;

« - si la victime a été mise en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de télécommunication. »

Article 14

L'article 227-27 du code pénal est ainsi rédigé :

« Art. 227-27. - Tout acte sexuel ayant entraîné la mort d'un mineur, ou ayant été précédé, accompagné ou suivi de tortures ou d'actes de barbarie, est puni de la réclusion criminelle à perpétuité.

« Les deux premiers alinéas de l'article 123-23 sont applicables à l'infraction prévue par le présent article. »

Article 15

Dans l'article 227-27-1 du code pénal, les mots « 227-22, 227-23 ou » sont supprimés.

Article 16

Dans l'article 227-28 du code pénal, les mots « 227-21 et » sont supprimés.

Article 17

A la fin du premier alinéa de l'article 227-28-1 du code pénal, les références « 227-16 à 227-26 » sont remplacées par les références : « 222-22 à 222-31 et 227-18 à 227-28 ».

Article 18

L'article 227-31 du code pénal est ainsi rédigé :

« Art. 227-31. - Les personnes coupables des infractions définies aux articles 222-22 à 222-27 et 227-18 à 227-28 peuvent également être condamnées à un suivi socio-judiciaire selon les modalités prévues aux articles 131-36 à 131-36-8. »

Chapitre 3

Code de procédure pénale

Article 19

L'article 706-47 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 706-47. - Les personnes poursuivies pour le meurtre ou l'assassinat d'un mineur précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie ou pour l'une des infractions visées aux articles 227-25 à 227-27 du code pénal doivent être soumises, avant tout jugement sur le fond, à une expertise médicale. L'expert est interrogé sur l'opportunité d'une injonction de soins dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire.

« Cette expertise peut être ordonnée dès le stade de l'enquête par le procureur de la République.

« Cette expertise est communiquée à l'administration pénitentiaire en cas de condamnation à une peine privative de liberté, afin de faciliter le suivi médical, psychologique en détention prévu par l'article 718. »

Article 20

Le dernier alinéa de l'article 8 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Le délai de prescription de l'action publique des délits mentionnés aux articles 227-25, 227-26 et 227-26-1 du code pénal, et commis contre des mineurs, est de dix ans ; ces délais ne commencent à courir qu'à partir de la majorité de la victime. »

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE

11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118907-3
ISSN : 1240 - 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 2009 - Proposition de loi visant à renforcer la protection de l'enfant face à la violence sexuelle (Anne-Marie COMPARINI)


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