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N° 2195

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 23 mars 2005.

PROPOSITION DE LOI

portant réforme de l'adoption,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Yves NICOLIN, Mmes Michèle TABAROT, Martine AURILLAC, MM. Bruno BOURG-BROC, Loïc BOUVARD, Roland CHASSAIN, Jean-Louis CHRIST, Georges COLOMBIER, Mme Geneviève COLOT, MM. Patrick DELNATTE, Alain FERRY, Edouard JACQUE, Christian KERT, Mme Marguerite LAMOUR, M. Richard MALLIÉ, Mme Henriette MARTINEZ, M. Etienne MOURRUT, Mme Josette PONS, MM. Didier QUENTIN, Jacques REMILLER, Jérôme RIVIÈRE, Jean-Marc ROUBAUD et Daniel SPAGNOU,

Additions de signatures :
M. André Berthol, Mme Chantal Bourragué, MM. Yves Coussain, Philippe Dubourg, Christian Estrosi, Marc Francina, Mme Brigitte Le Brethon, M. Lionnel Luca et Mme Bérengère Poletti

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La finalité de cette proposition de loi est de faire de l'adoption un des piliers de la politique familiale de la France. Elle a pour ambition de développer le nombre d'adoptions dans le respect de l'intérêt de l'enfant, principe fondamental qui gouverne la politique de l'adoption dans notre pays, conformément à la Convention de La Haye qu'il a ratifié le 30 juin 1998. Dans cette perspective, cette proposition de loi poursuit deux objectifs.

Elle veut tout d'abord rendre possible une harmonisation et une simplification de certaines dispositions réglementaires. Elle vise également à offrir un meilleur accompagnement et une meilleure information des candidats à l'adoption, en créant l'Agence française de l'adoption (AFA).

Depuis les années 1960, le nombre d'adoptions n'a cessé de croître. Alors que moins de mille enfants étrangers étaient adoptés en 1980, la France comptabilise aujourd'hui 5 000 adoptions par an, dont les quatre cinquièmes sont internationales. Les conseils généraux délivrent 8 000 agréments sur les 11 000 demandes qui leur parviennent. Les organismes autorisés pour l'adoption (OAA) ne peuvent satisfaire qu'un tiers des demandes qui leur parviennent en raison de leur capacité limitée. Les autres adoptions sont le fruit de démarches individuelles. Aujourd'hui, 25 000 foyers sont donc en attente d'un enfant en vue de son adoption alors que des dizaines de milliers d'enfants attendent de l'être à travers le monde.

Les organismes autorisés pour l'adoption ne peuvent traiter les nombreuses demandes de parents candidats qui se tournent vers eux. Les familles n'ont alors d'autre choix que d'entreprendre une démarche individuelle et de surmonter seules les multiples difficultés qui surgissent sur le chemin qui mène à l'adoption d'un enfant. Cette situation difficile pour les familles est en outre de plus en plus en contradiction avec les dispositifs de protection de l'enfance que les pays d'origine mettent progressivement en place.

Voilà la situation à laquelle cette proposition de loi a l'ambition de remédier. L'enjeu en est simple : donner une famille à ces enfants. Accompagner chaque foyer vers un enfant.

L'augmentation très importante du nombre de candidats à l'adoption et la multiplicité des procédures conduisent à modifier la législation afin de les harmoniser et de les améliorer, ainsi que d'établir un véritable accompagnement des parents et de renforcer leur information. Cette proposition de loi vise également à rendre possible l'amélioration du dispositif réglementaire applicable en la matière qui fait déjà l'objet d'une étude approfondie par les services ministériels compétents.

Cette proposition de loi s'articule autour de trois grands axes qu'il convient de présenter brièvement.

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Les articles 1 et 2 clarifient plusieurs points de la procédure d'agrément.

En premier lieu, l'article 1 modifie l'alinéa 2 de l'article L. 225-2 du code de l'action sociale et des familles en précisant d'une part, que l'agrément est délivré dans un délai de neuf mois à compter du jour de la confirmation de la demande, et, d'autre part, que l'agrément est délivré par un arrêté dont la forme et le contenu sont définis par décret.

Aujourd'hui, la procédure est la suivante : les candidats font une demande d'agrément auprès du Conseil général, lequel organise ensuite une réunion d'information. A l'issue de celle-ci, les candidats doivent confirmer leur demande. Ce n'est qu'à la réception de cette confirmation que le Conseil général peut commencer son instruction alors que le délai a déjà commencé à courir depuis la demande. Or, il n'est pas rare que les candidats effectuent cette confirmation à l'issu d'une période assez longue, ce qui réduit d'autant le temps imparti au Conseil général pour instruire la demande d'agrément. C'est la raison pour laquelle il est proposé de faire courir le délai à compter du jour de la confirmation de la demande et non de celle-ci. Il apparaît en effet logique que le délai imposé au Conseil général ne commence à courir que si les parents candidats sont certains de vouloir entreprendre une démarche d'adoption.

En outre, il apparaît opportun de créer un modèle type d'agrément. Aujourd'hui, aucune disposition ne précise le contenu et la forme de cette décision rendue par le Président du Conseil général. Il en résulte une forte hétérogénéité des agréments. Les autorités étrangères peuvent ainsi disposer d'autant de forme et de contenu de décisions françaises qu'il y a de départements, ce qui suscite régulièrement leur incompréhension. En précisant que l'agrément est délivré par un arrêté dont la forme et le contenu sont définis par décret, cette disposition opère une harmonisation des agréments et garantie par là même une égalité entre les candidats français à l'adoption internationale.

En second lieu, l'article 1 propose de compléter l'article L. 225-2 du code de l'action sociale et des familles par deux alinéas.

Le premier alinéa précise que l'agrément est délivré pour l'accueil d'un ou de plusieurs enfants simultanément. Certains candidats à l'adoption ont en effet la possibilité d'adopter une fratrie. La question qui est posée est celle de savoir si lesdits candidats doivent obtenir autant d'agréments que de membres de la fratrie où s'il est possible au contraire de n'en délivrer qu'un seul pour l'ensemble des enfants qui vont être accueillis. Il est souhaitable d'indiquer que le Président du conseil général a la faculté de délivrer un agrément pour l'accueil de plusieurs enfants simultanément. La procédure de délivrance d'un agrément est longue et il apparaît judicieux de ne pas retarder l'arrivée d'un frère ou d'une sœur dans la famille adoptive en exigeant un nouvel agrément. Il y va de l'intérêt des enfants. Il est bien sûr entendu que la décision de délivrance d'un tel agrément est prise une fois que le Président du conseil général se soit assuré que les conditions d'accueil sont réunies notamment sur le plan familial, éducatif et psychologique.

L'obligation de joindre une notice décrivant le projet d'adoption des personnes agréées à l'agrément a pour vocation d'aider les autorités des pays d'origine pour qu'il soit procédé, le cas échéant, à un éventuel apparentement. Il est important, dans l'intérêt des enfants, de donner des éléments d'information sur le projet des candidats, leurs disponibilités et leurs limites. Cette notice est en plus susceptible d'évolution compte tenu du cheminement des candidats dans leur projet d'adoption. Elle se veut un outil de compréhension du projet des candidats adoptant.

Le deuxième alinéa qu'il est proposé d'ajouter à l'article L. 225-2 du code de l'action sociale et des familles indique le moment à partir duquel l'agrément est caduc. Il s'agit d'une simple précision visant à clarifier l'article L. 225-2 qui était muet sur ce point.

Enfin, l'article 1 de cette proposition de loi insère après le premier alinéa de l'article L. 225-3 une disposition selon laquelle les personnes qui demandent l'agrément « bénéficient de réunions d'information pendant la procédure d'agrément. » Il s'agit d'instaurer un droit pour les candidats en cours d'agrément d'être informés en complément de l'information plus générale délivrée avant la confirmation de la demande d'agrément en vue d'adoption. Elles seront distinctes des entretiens menés dans le cadre de la procédure d'agrément. Ces réunions d'information ont pour objectif de renforcer l'accompagnement des candidats dans leur réflexion et leur cheminement vers leur projet au regard de la réalité de l'adoption. Elles leur permettront ainsi de bénéficier d'informations plus complètes comme cela est déjà pratiqué dans d'autres pays européens où des formations obligatoires avant l'agrément ont été mises en place.

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L'article 2 de la proposition de loi vise à apporter un meilleur accompagnement de l'adoptant par une prolongation du suivi du mineur adopté par le service social à l'enfance. Aujourd'hui, cet accompagnement prend fin à compter de l'arrivée au foyer de l'adoptant ou du prononcé de l'adoption plénière en France, et les services assurant ce suivi n'ont qu'une simple faculté de le prolonger si la demande leur en est faite. Or, la démarche d'adoption ne prend pas fin avec l'arrivée de l'enfant ou le prononcé du jugement d'adoption plénière. L'adoption est un long processus au cours duquel les foyers peuvent ressentir le besoin d'être aidé. En outre, le dispositif actuel s'accommode mal avec l'exigence développée par certains Etats d'origine qui imposent aujourd'hui une période plus longue de l'accompagnement de l'enfant. La modification proposée vise à transformer cette faculté en obligation. Si l'adoptant le souhaite, l'accompagnement doit être prolongé.

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L'article 3 porte création de l'Agence française de l'adoption afin de traiter, en parallèle du travail accompli par les OAA, les demandes individuelles qui constituent trop souvent, contre la volonté des candidats, la majorité des procédures d'adoption. Créer sous forme de groupement d'intérêt public, elle constitue une troisième voie pour l'adoption des enfants étrangers.

Les candidats à l'adoption sont en effet bien souvent livrés à eux-mêmes lorsqu'ils souhaitent accueillir un enfant étranger. Ils engagent alors une démarche sans aucun accompagnement. Certains n'ont jamais quitté le territoire français, d'autres ne connaissent pas la langue du pays d'origine de l'enfant. La plupart ignorent les procédures judiciaires et administratives des Etats étrangers. La création de l'AFA a pour objectif de remédier à ces difficultés en apportant une information complète, une aide concrète et un accompagnement personnalisé aux candidats à l'adoption lorsque ceux-ci n'auront pas pu être pris en charge par les organismes autorisés pour l'adoption.

L'Agence française pour l'adoption reprendra les compétences actuelles de gestion de la Mission de l'adoption internationale. En raison de la compétence des conseils généraux en matière d'adoption, ceux-ci seront également associés au fonctionnement de l'AFA. En outre, l'Agence s'appuiera dans chaque département sur un correspondant mise à la disposition par les conseils généraux. Ainsi, la participation étroite des départements permettra aux postulants et familles adoptives de bénéficier d'un accompagnement de proximité dans la constitution du dossier d'adoption. Par ailleurs, la participation de l'ensemble des départements au fonctionnement de l'AFA permettra d'éviter les situations où les candidats agréés ne peuvent être accompagnés par un organisme autorisé faute d'implantation desdits organismes dans certains départements et garantir de ce fait une égalité d'accès des candidats à l'AFA quel que soit leur lieu de résidence.

L'AFA disposera également de correspondants à l'étranger dans les pays avec lesquels elle travaillera, apportant ainsi la caution de l'Etat français aux demandes d'adoption transitant par elle.

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Enfin l'article 4 contient une disposition visant à prendre en compte la spécificité de l'accueil d'un enfant adopté par rapport aux enfants biologiques. Elle permet de revaloriser les droits des familles adoptantes afin de les aider au mieux à supporter les charges financières liées à l'adoption d'un ou de plusieurs enfants.

En effet, l'accueil d'un enfant adopté, en particulier à l'étranger, est considéré par l'ensemble des spécialistes de ces questions comme notoirement plus coûteux pour les parents que l'arrivée d'un enfant biologique : frais de constitution de dossier, voyages dans le pays d'origine, frais d'actes dans le pays de l'enfant... représentent une charge équivalente à plusieurs milliers d'euros. Cet état de fait crée une rupture d'égalité et nécessite d'être traité par le biais de la solidarité nationale. Il est donc proposé dans l'article 4 de majorer la prime d'accueil du jeune enfant pour les enfants adoptés, en renvoyant à un décret le soin d'en fixer le montant.

Telles sont les raisons pour lesquelles il vous est proposé, Mesdames et Messieurs les Députés(es), d'adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

I. - L'article L. 225-2 du code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« L'agrément est accordé pour cinq ans, dans un délai de neuf mois, par le président du conseil général après avis d'une commission dont la composition est fixée par voie réglementaire. Le délai court à compter de la date à laquelle la personne confirme sa demande d'agrément dans les conditions fixées par voie réglementaire. Il est délivré par un arrêté dont la forme et le contenu sont définis par décret. » ;

2° Il est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« L'agrément est délivré pour l'accueil d'un ou de plusieurs enfants simultanément. Une notice décrivant le projet d'adoption des personnes agréées est jointe à l'agrément.

« L'agrément est caduc à compter de la décision confiant en vue d'adoption au moins un enfant français ou étranger, ou plusieurs simultanément ».

II. - Après le premier alinéa de l'article L. 225-3 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ces personnes bénéficient de réunions d'information pendant la procédure d'agrément. »

Article 2

Le code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° La section 3 du chapitre V du titre II du Livre II devient la section 4 du même chapitre ;

2° Les articles L. 225-15, L. 225-16, L. 225-17 et L. 225-18 deviennent respectivement les articles L. 225-17, L. 225-18, L. 225-19 et L. 225-20 ;

3° L'article L. 225-18 tel qu'il résulte de l'alinéa précédent est ainsi rédigé :

« Le mineur placé en vue d'adoption ou adopté bénéficie d'un accompagnement par le service de l'aide sociale à l'enfance ou l'organisme mentionné à l'article L. 225-11 à compter de son arrivée au foyer de l'adoptant et jusqu'au prononcé de l'adoption plénière en France ou jusqu'à la transcription du jugement étranger. Cet accompagnement est prolongé si l'adoptant le demande ou s'il s'y est engagé envers l'Etat d'origine de l'enfant. Dans ce dernier cas, il s'effectue selon les modalités de calendrier déterminées au moment de l'engagement ».

Article 3

La section 3 du chapitre V du titre II du livre II du même code est ainsi rétablie :

« Section 3

« Agence française de l'adoption

« Art. L. 225-15. - Il est créé une Agence française de l'adoption qui a pour mission d'informer, de conseiller et de servir d'intermédiaire pour l'adoption de mineurs étrangers de quinze ans.

« L'Etat, les départements et des personnes morales de droit privé constituent à cette fin un groupement d'intérêt public.

« L'Agence française de l'adoption est autorisée à intervenir comme intermédiaire pour l'adoption dans l'ensemble des départements.

« Elle est habilitée à intervenir comme intermédiaire pour l'adoption dans les Etats parties à la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale. Pour exercer son activité dans les autres pays d'origine des mineurs, elle doit obtenir l'habilitation du ministre chargé des affaires étrangères prévue à l'article L. 225-12.

« Art. L. 225-16. - Dans chaque département, le président du conseil général désigne au sein de son service au moins une personne chargée d'assurer les relations avec l'Agence française de l'adoption.

« Outre les moyens mis à la disposition de l'agence par les personnes morales de droit privé qui en sont membres, l'Etat et les départements assurent sa prise en charge financière selon des modalités définies par voie réglementaire.

« Le personnel de l'agence est soumis au secret professionnel dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.

« Les dispositions des articles L. 225-14-1 et L. 225-14-2 sont applicables à l'agence. »

Article 4

Le premier alinéa de l'article L. 531-2 du code de la sécurité sociale est complété par la phrase suivante :

« Le montant de la prime est majoré en cas d'adoption. »

Article 5

I. - Les charges éventuelles qui résulteraient pour les collectivités territoriales de l'application de la présente loi sont compensées par le relèvement à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement.

II. - Les charges éventuelles qui résulteraient pour l'Etat de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle à la taxe visée à l'article 1001 du code général des impôts.

III. - Les charges éventuelles qui résulteraient pour les organismes de sécurité sociale de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par l'institution d'une contribution additionnelle à la contribution visée à l'article L. 136-7-1 du code de la sécurité sociale.

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N° 2195 - Proposition de loi portant réforme de l'adoption (Yves Nicolin)

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
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ISBN : 2-11-119082-9
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