Version PDF
Retour vers le dossier législatif

N° 2489

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 juillet 2005.

PROPOSITION DE LOI

tendant à ouvrir des droits à la cessation anticipée d'activité
pour les
fonctionnaires territoriaux victimes de l'amiante
dans l'exercice de leurs fonctions,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. François LIBERTI, François ASENSI, Gilbert BIESSY, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Jacques BRUNHES, Mme Marie-George BUFFET, MM. André CHASSAIGNE, Frédéric DUTOIT, Mme Jacqueline FRAYSSE, MM. André GERIN, Pierre GOLDBERG, Maxime GREMETZ, Georges HAGE, Mmes Muguette JACQUAINT, Janine JAMBU, MM. Jean-Claude LEFORT, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS (1)

Députés.

(1) Constituant le groupe des député-e-s communistes et républicains.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'amiante est une substance fibreuse d'origine minérale, utilisée dans les domaines industriels et ménagers ainsi que dans les bâtiments tant privés que publics.

Nul n'ignore, aujourd'hui, ses effets dévastateurs sur la santé humaine. L'inhalation des fibres d'amiante expose à des affections diverses, essentiellement respiratoires, particulièrement graves, telles que l'asbestose, le cancer bronchique, le mésothéliome, les fibroses pleurales. On estime qu'entre 50 000 et 100 000 personnes mourront en France au cours des deux prochaines décennies de pathologies liées à l'inhalation de poussières d'amiante.

L'amiante et les dommages qu'elle occasionne augurent certainement de l'une des plus importantes catastrophes sanitaires que le pays ait connues. Elle nécessite une démarche collective pour appréhender un problème de santé qui connaîtra certainement un accroissement du nombre de ses victimes, les pathologies résultant de l'amiante ne sont plus des maladies orphelines. Leur reconnaissance, voici quelques années, a été une bonne chose.

En France, cette connaissance ancienne de la nocivité de l'amiante remonte au début du XXe siècle, mais elle a été cachée par le lobbying des groupes industriels. En attirant au sein d'un « comité permanent amiante », créé pour les besoins de la cause et prêchant la politique « usage contrôlé », le lobbying est parvenu à « endormir » les pouvoirs politiques, malgré les cris d'alarme de certaines associations et l'augmentation des maladies professionnelles et des décès.

Malgré ce, dès 1945, l'amiante était déjà associée au tableau des maladies professionnelles, mais ce sera un décret du 5 janvier 1976 qui le compléta, en y détaillant les maladies provoquées par les poussières d'amiante.

Tout le monde se souvient du combat du « Collectif Amiante de Jussieu » créé en 1974, dont les tracts parlaient déjà des cancers du poumon, de la plèvre, mésothéliome et du tube digestif. C'est le nombre de décès, sans cesse croissant et des maladies professionnelles dues à l'amiante qui auront raison du discours rassurant des industriels.

Après s'être contenté pendant de trop longues années d'intégrer les directives, normes et règlements européens, le droit français a amorcé une avancée par décret n° 77-949 du 17-08-77 relatif à la protection des travailleurs exposés à l'action des poussières d'amiante.

Les maladies consécutives à une exposition de l'amiante sont des maladies évolutives qui peuvent mettre 30 ans, voire plus, pour se déclarer. Une personne ayant été exposée à l'amiante est exposée à vie. Malheureusement, il est, à l'heure actuelle, impossible de guérir d'une maladie de l'amiante.

Aujourd'hui, il faut parler de la « nécessaire réparation d'une injustice devant l'inégalité d'espérance de vie ».

Quand le droit à la retraite était encore à 65 ans, pour corriger cette injustice, la revendication d'une retraite anticipée émergeait. Le 30 décembre 1975 la loi reconnaissait cette retraite anticipée aux salariés ayant eu un travail pénible, de partir jusqu'à 5 ans plus tôt. Lorsque la retraite à 60 ans a été acquise, la loi de 1975 fut abrogée sans que rien ne corrige les effets de l'inégalité de l'espérance de vie. Les victimes de l'amiante en luttant pour obtenir réparations, ont compris que la première d'entre elles était de pouvoir bénéficier d'une retraite aussi longue que celles des autres en partant plus tôt.

C'est en 1999, que fut gagné le droit à un départ anticipé d'un an pour 3 ans d'exposition à l'amiante, ainsi que le principe de départ pour tous ceux ayant une maladie de l'amiante reconnue. Le décret du 3 décembre accorda à tous les salariés reconnus malades, y compris ceux qui ont des plaques pleurales, le droit de bénéficier à une allocation de cessation d'activité.

Aujourd'hui, les agents de la fonction de la Fonction Territoriale tout comme ceux des Hôpitaux en ont été écartés.

On a omis de légiférer pour eux, on oublie chaque année au moment de voter la loi de financement de la sécurité sociale de budgétiser leurs droits. Or, l'article de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, a créé une allocation de cessation anticipée d'activité, destinée aux « travailleurs de l'amiante ». Son bénéfice a d'abord été ouvert aux personnes travaillant, ou ayant travaillé, dans un établissement de fabrication de matériaux contenant de l'amiante et reconnues atteintes d'une maladie provoquée par l'amiante.

Des arrêtés ont précisé ce dispositif, lequel a été étendu en 2002 aux établissements de flocage et calorifugeage à l'amiante, aux établissements de construction et de réparation navale et aux docks.

Pourtant les agents de la fonction publique nationale, territoriale et hospitalière ne sont toujours pas autorisés à bénéficier de cette disposition, exception faite des ouvriers de l'Etat relevant du Ministère de la Défense, depuis le décret du 21 décembre 2001.

Les modalités d'attribution de l'Allocation de Cessation Anticipée d'Activité aux Travailleurs de l'Amiante créent une double inégalité entre le régime général et les fonctionnaires d'une part, entre les ouvriers du Ministère de la Défense et l'ensemble des autres agents de la fonction publique d'autre part.

Certes, ce dispositif actuel de cessation d'activité s'inscrit dans le cadre du régime général qui le finance, mais rien n'empêche de créer un dispositif spécifique aux fonctionnaires comme on l'a fait pour les ouvriers de la Défense.

La loi n° 83-634 concernant les droits et obligations des fonctionnaires dispose, en son article 23, que « des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail ».

Dans cette situation, aujourd'hui en 2005, l'état discriminatoire réservé aux fonctionnaires territoriaux n'est pas acceptable, ils doivent bénéficier des mêmes droits que les travailleurs du secteur privé. Il est impératif que soit reconnu le droit à la cessation anticipée d'activité des fonctionnaires victimes de l'amiante.

Sous le bénéfice de ces observations, nous vous demandons Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la proposition de loi suivante.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Les collectivités territoriales assument désormais compétence en ce qui concerne l'accès à la cessation anticipée d'activité des fonctionnaires territoriaux victimes de l'amiante dans l'exercice de leurs fonctions.

Article 2

La cessation anticipée d'activité concerne deux catégories de bénéficiaires :

- la première catégorie correspond aux personnes exposées à l'amiante du fait d'un emploi exercé dans un établissement mentionné explicitement dans des arrêtés ministériels parus au Journal Officiel. Ces agents, même s'ils sont indemnes de toute affection liée à l'amiante, peuvent demander à partir en cessation anticipée d'activité. Dans ce cas l'âge théorique de la retraite est anticipé d'une durée égale au tiers de la période et ne peut dépasser dix ans ;

- la seconde catégorie de personnes est constituée de patients atteints d'une maladie professionnelle, y compris les plaques pleurales, qui peuvent partir dès l'âge de cinquante ans.

Article 3

La cessation anticipée d'activité se concrétise sous la forme d'un congé de fin de carrière.

Article 4

Tout agent rentrant dans l'une des deux catégories définies dans l'article 2, devra, lors de sa demande de congé de cessation d'activité, s'engager à partir à la retraite à l'âge légal défini par les textes.

Article 5

Les collectivités territoriales s'engagent à maintenir le salaire des agents qui conserveront toutes leurs primes, sans pénalité pour leur déroulement de carrière, jusqu'à l'âge de leur départ à la retraite.

Article 6

Les cotisations sociales seront prises en charge par la collectivité territoriale dont dépend l'agent au moment de sa contamination.

Article 7

En cas de décès de l'agent avant l'âge de la retraite, son salaire sera servi à son conjoint jusqu'à l'âge théorique de départ à la retraite, fixé par les textes en vigueur.

Article 8

Un décret en conseil d'Etat précise les modalités d'application de la présente loi et notamment les coopérations nécessaires entres les diverses collectivités.

Article 9

Les charges éventuelles qui résulteraient pour les collectivités territoriales de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement et de la dotation générale de décentralisation.

Les charges éventuelles qui résulteraient pour l'Etat de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une augmentation des droits sur les tabacs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-119336-4
ISSN : 1240 - 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

-------------

N° 2489 - Proposition de loi tendant à ouvrir des droits à la cessation anticipée d'activité
pour les fonctionnaires territoriaux victimes de l'amiante dans l'exercice de leurs fonctions (M. François Liberti)


© Assemblée nationale