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N° 2597

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2005.

PROPOSITION DE LOI

visant à exonérer l’habitation familiale
de l’
impôt de solidarité sur la fortune,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du plan,
à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Pierre LELLOUCHE, Jean AUCLAIR, Bertho AUDIFAX, Patrick BALKANY, Jean BARDET, Mme Brigitte BARÈGES, MM. Patrick BEAUDOUIN, Jean-Claude BEAULIEU, Gabriel BIANCHERI, Jean-Marie BINETRUY, Étienne BLANC, Roland BLUM,
Mme Françoise BRANGET, MM. Philippe BRIAND, Bernard BROCHAND, François CALVET, Pierre CARDO, Richard CAZENAVE, Roland CHASSAIN, Philippe COCHET,
Mme Geneviève COLOT, Alain CORTADE, Louis COSYNS, René COUANAU, Édouard COURTIAL, Yves COUSSAIN, Charles COVA, Olivier DASSAULT, Bernard DEBRÉ, Christian DECOCQ, Bernard DEPIERRE, Léonce DEPREZ, Robert DIAT, Jacques DOMERGUE, Philippe DUBOURG, Mme Marie-Hélène des ESGAULX, MM. Pierre-Louis FAGNIEZ, Georges FENECH, Philippe FENEUIL, Jean-Michel FERRAND, Jean-Michel FOURGOUS, Marc FRANCINA, Mme Cécile GALLEZ, MM. Jean-Paul GARRAUD, Jean-Marie GEVEAUX, Franck GILARD, Jean-Pierre GIRAN, Jean-Pierre GORGES,
Mmes Claude GREFF, Arlette GROSSKOST, MM. Jean-Claude GUIBAL, Jean-Jacques GUILLET, Gérard HAMEL, Emmanuel HAMELIN, Michel HEINRICH, Pierre HELLIER, Patrick HERR, Henri HOUDOUIN, Denis JACQUAT, Édouard JACQUE, Dominique JUILLOT, Aimé KERGUERIS, Robert LAMY, Pierre LANG, Thierry LAZARO, Jean-Claude LEMOINE, Thierry MARIANI, Mme Muriel MARLAND-MILITELLO, MM. Alain MARLEIX, Jean MARSAUDON, Philippe-Armand MARTIN, Mme Henriette MARTINEZ, MM. Patrice MARTIN-LALANDE, Christian MÉNARD, Alain MERLY, Gilbert MEYER, Jean-Claude MIGNON, Mme Nadine MORANO, MM. Étienne MOURRUT, Alain MOYNE-BRESSAND, Jean-Marc NESME, Robert PANDRAUD, Philippe PEMEZEC, Christian PHILIP, Axel PONIATOWSKI, Mme Josette PONS, MM. Daniel POULOU, Daniel PRÉVOST, Didier QUENTIN, Jean-François RÉGÈRE, Jean-Luc REITZER, Jacques REMILLER, Marc REYMANN, Mme Juliana RIMANE, MM. Jean ROATTA, Jean-Marc ROUBAUD, Michel ROUMEGOUX, Max ROUSTAN, Jean-Pierre SOISSON, Michel SORDI, Daniel SPAGNOU, Mme Michèle TABAROT, MM. Jean-Claude THOMAS, Dominique TIAN, Christian VANNESTE, René-Paul VICTORIA, Philippe VITEL, Michel VOISIN et Gérard WEBER

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis de nombreuses années, les Français subissent un impôt mal né et désormais mal nommé puisqu’il frappe de moins en moins les grandes fortunes et de plus en plus les forces vives de la Nation : créateurs de petites ou moyennes entreprises, ou simples particuliers dont le seul crime est de posséder leur logement.

La présente proposition de loi a pour but de mettre fin à une taxation inique et dans certains cas confiscatoire qui frappe les familles et les classes moyennes de notre pays, celles qui ont eu par héritage ou par donation ou qui ont acquis par leur travail à force d’économies sur de très nombreuses années, leur domicile familial. Depuis quatre ans, nombreux sont les Parlementaires de l’actuelle majorité qui ont réclamé – en vain – des gouvernements successifs, une réforme globale de l’ISF avec en priorité l’exonération du logement familial. Malgré les résistances de l’Exécutif, dans un souci de justice pour de très nombreux concitoyens, une réforme a minima de l’ISF sur ce dernier point s’impose.

Quelle est en effet la réalité ?

Parmi de très nombreux témoignages, je citerai les deux exemples suivants :

Publié par un grand hebdomadaire, le témoignage de Madame X, 34 ans en congé parental et non assujettie à l’impôt sur le revenu « La pression foncière en Haute-Savoie est telle que la possession du moindre petit chalet vous oblige à payer l’ISF. Nous essayons de fédérer nos voisins pour faire entendre notre voix, à l’image de l’Association de défense des habitants de l’île de Ré, vers laquelle nous nous sommes tournés pour trouver un soutien. Presque naïvement, je pensais que l’ISF était réservé aux milliardaires ; je n’imaginais pas que cela pourrait toucher des gens modestes. Est-il possible de réformer cet impôt afin d’éviter de telles injustices ». Madame X paie l’ISF.

Second témoignage reçu par l’auteur de cette proposition de loi, de M. et Mme X retraités de la région parisienne, qui ne comprennent pas « qu’après s’être sacrifiés pendant dix-huit ans pour payer notre résidence principale à Nanterre en banlieue parisienne, nous soyons obligés de prendre sur nos économies pour nous acquitter de l’ISF ».

La lecture des annonces immobilières sur le coût réel de l’immobilier notamment en Ile de France, où sont localisés 40 % des assujettis à l’ISF, dont la moitié sont à Paris, se passe de tout commentaire.

Publié au mois de septembre 2005, dans un quotidien national : « Appartement – 5 pièces – Ancien – 144 m2 environ. Paris 09 – Condorcet ; Bel appartement familial 5 pièces comprenant : entrée, séjour clair et spacieux, une cuisine séparée ». Prix : 795 000 euros.

Toujours publié au mois de septembre 2005 : « 75 PARIS 18e ardt ; adresse : Avenue Junot Appartement – 3/4 pièces – Ancien – 90 m2. Dans un bel immeuble en pierre de taille au 3e étage avec ascenseur ; 3/4 pièces en bon état ». Prix 790 000 euros.

Toujours au mois de septembre 2005, toujours dans le même journal, « 75 PARIS 12e ardt. Proximité : Porte de Charenton ; Appartement – 5 pièces – 150 m2 environ. Au 6e et dernier étage d’un immeuble ancien avec asc. Appartement en parfait état de 150 m2, comprenant 4 chambres : Prix : 890 000 euros.

Publié le 1er octobre 2005 dans un journal d’un réseau d’agences immobilières, « 75 PARIS 7e ardt. Proximité : VANEAU – DUROC – Duplex – 4 pièces – Ancien – 85 m2 environ. Très beau 4 pièces en duplex, situé au dernier étage d’un immeuble 1920, comprenant : un double séjour, 2 chambres, une cuisine ». Prix 850 000 euros.

Publié en octobre 2005, même source que l’annonce précédente, « quartier Bastille, 11e arrondissement ; dans un immeuble ravalé, 5 pièces de 145 m2, beaux volumes, étage élevé, chambre de bonne au dernier étage ». Prix 1 155 000 euros.

Pour mémoire, le barème de l’ISF, applicable en 2005

N’excédant pas 732 000 € :0  % ;
732 000 – 1 180 000 € : 0,55 % ;
1 180 000 – 2 339 000 € : 0,75 % ;
2 339 000 – 3 661 000 € : 1,00 % ;
3 661 000 – 7 017 000 € : 1,30 % ;
7 017 000 – 15 255 000 € : 1,65 % ;
Supérieure à 15 255 000 € : 1,80 %.

Il est heureux que le Ministre de l’Economie et des finances, M. Thierry Breton, ait pris conscience de la nécessité urgente d’adapter l’ISF à cette nouvelle réalité. Au début de l’année 2005, celui-ci déclarait : « Au fil du temps et de l’explosion des prix de l’immobilier, l’ISF est devenu non plus un impôt sur la fortune mais tout simplement un impôt de plus en plus sur les économies et le logement de nos concitoyens qui sont loin d’être tous fortunés ». On ne saurait mieux dire.

En effet, même en appliquant l’abattement de 20 % actuellement en vigueur, l’ISF s’applique désormais non pas à de grands appartements, à des palais ou des maisons de maître, mais tout simplement à des appartements de taille moyenne destinés à des familles moyennes de quatre ou cinq personnes.

Pour tous ces concitoyens, et pour notre pays tout entier, l’ISF est appliqué au domicile familial :

Premièrement : une arme anti-familiale et anti-natalité

L’augmentation des prix de l’immobilier à Paris, en Région parisienne, et dans beaucoup d’autres régions de France, fait que, mécaniquement, toute personne qui souhaite acquérir un logement égal ou supérieur à trois pièces, en pratique parce qu’elle a deux ou trois enfants, va se trouver confrontée à l’ISF. Ce résultat est exactement contraire à l’objectif fixé par le Gouvernement de favoriser l’accession à la propriété ; il est également exactement contraire à un autre objectif central du gouvernement qui est de favoriser la natalité aujourd’hui insuffisante dans notre pays.

Deuxièmement : une arme contre la mixité sociale

A Paris, les familles moyennes sont prises inexorablement en tenailles entre d’une part le gel du foncier constructible (notamment par l’effet de la loi SRU) qui renchérit le prix de l’immobilier, la spéculation immobilière résultant en partie de la compétition internationale entre investisseurs (vente à la découpe), la politique de la ville de Paris qui consiste à acquérir, à des fins de logement social des immeubles habités, et cet impôt, qui accroît encore plus la difficulté pour les familles moyennes de résider à Paris.

Le résultat est que la sociologie parisienne change. Paris devient, non plus une ville riche de sa mixité sociale, mais un tête à tête autiste entre les catégories les plus aisées d’un côté, et les plus assistées de l’autre. Les familles « moyennes » étant forcées de quitter la ville, dès la naissance d’un premier ou d’un deuxième enfant.

Ce Paris binaire sera un Paris sans saveur, un Paris qui aura perdu son âme.

Quant aux grandes fortunes, elles sont depuis belle lurette parties en Suisse, en Belgique ou au Royaume-Uni ! Les détenteurs d’importants patrimoines ne conservent en France qu’un pied à terre à moins qu’ils préfèrent réserver des chambres dans les grands hôtels parisiens...

A l’inverse, l’assujettissement des agriculteurs de l’Ile de Ré a révélé au grand public que l’ISF peut frapper des personnes non imposables à l’impôt sur le revenu, des Français modestes.

Troisièmement : l’ISF, un impôt qui renchérit le coût de l’immobilier dans les grandes villes

Les contribuables ne maîtrisent pas le prix de l’immobilier. Ils subissent les hausses sans pouvoir accroître leurs revenus.

Le marché de l’immobilier à Paris, dans certaines grandes villes et dans les zones touristiques dépend de facteurs de plus en plus internationaux.

Le prix de l’immobilier à Paris et dans les grandes capitales régionales était inférieur à celui pratiqué chez nos partenaires. Cet écart a conduit de nombreux fonds d’investissement à acquérir des immeubles. Leur arrivée matérialisée par la multiplication des ventes à la découpe a contribué au relèvement des prix au mètre carré et cela dans tous les quartiers.

Résultat de l’ensemble de ces facteurs : la hausse de l’immobilier est depuis plusieurs années générale comme le démontrent les graphiques ci-dessous. Elle concerne Paris, l’Ile de France mais aussi de nombreuses régions.

 

Dans certains quartiers parisiens, la hausse atteint pour les quatre dernières années près de 70 %. La hausse moyenne sur dix ans est de près de 90 %.

Cette envolée des prix de l’immobilier explique en grande partie que de 1997 à 2003, le nombre d’assujettis à l’ISF a augmenté de 67,5 %. C’est ainsi que 120 000 personnes sont entrées dans le champ de l’ISF dont près de 90 000 au titre des deux premières tranches du barème. Et rien qu’à Paris en 2004, on compte 59 915 assujettis à l’ISF.

Une part non négligeable des nouveaux redevables à l’ISF a entre 40 et 50 ans, vit à Paris avec plusieurs enfants. Ils sont les premiers concernés par l’augmentation des prix.

A ces 120 000 personnes, il faut ajouter toutes celles qui n’ont pas encore effectuées de déclaration mais qui sans le savoir, ont franchi le fameux seuil des 732 000 euros.

La politique de la mairie de Paris a renforcé cette flambée des prix

En décidant le lancement d’un programme d’acquisition de logements habités afin de les convertir en logements sociaux, l’actuelle municipalité parisienne a favorisé le mouvement spéculatif. Par ailleurs, ce programme est profondément injuste à l’égard des classes moyennes qui sont les premières victimes de la hausse du mètre carré et ne bénéficient pas des programmes sociaux.

L’ISF, un impôt de trop sur l’immobilier

L’acquisition d’un bien immobilier en milieu urbain est un de chemin de croix fiscal. Au moment de l’achat, l’acheteur doit payer les droits d’enregistrement ; chaque année, il doit acquitter la taxe d’habitation et la taxe foncière. Il faut par ailleurs souligner que l’épargne ayant permis cet achat a déjà été taxée au titre de l’impôt sur le revenu, tandis que les intérêts basés sur le prêt immobilier sont eux, plafonnés.

L’ISF se surajoute à cette kyrielle d’impôts et a un effet dissuasif supplémentaire : tout s’oppose donc dans notre pays à l’accession à la propriété.

La résidence familiale ne génère pas de revenus et n’est pas un bien comme les autres

La résidence principale représente une base de 68,8 milliards d’euros en 2003 sur une assiette totale de 486 milliards d’euros. La résidence principale correspond à 12,8 % de l’assiette de l’ISF en augmentation constante depuis cinq ans. Jusqu’à maintenant, le contribuable peut, après avoir déterminé la valeur vénale du bien par référence aux valeurs de marché, ajuster cette dernière en prenant en compte les caractéristiques juridiques ou physiques propres à ce bien susceptibles d’en affecter sa valeur vénale. C’est ainsi qu’il est autorisé de déduire sur la valeur de la résidence principale en cas de possession directe un abattement de 20 %.

Cet abattement de 20 % imposé aux pouvoirs publics par la jurisprudence prouve que la résidence principale n’est pas un bien comme un autre. Cet abattement a été justifié par le fait que la résidence principale n’est pas cessible immédiatement ; sa vente suppose l’acquisition ou de la location d’un autre logement. La reconnaissance de cette spécificité montre bien l’iniquité d’assimiler le logement d’une famille aux autres biens constitutifs du patrimoine (actions, obligations, résidences secondaires...) ou objets d’art, qui à la différence du logement, ne sont pas inclus dans l’assiette de l’ISF...

L’habitation familiale n’est donc pas un bien comme les autres. L’habitation familiale a une fonction : celle de loger la famille.

Enfin, la résidence familiale ne reflète pas le niveau de patrimoine ou de revenus de ses occupants

La résidence principale n’est pas en soi un élément reflétant l’état réel de richesse du contribuable. Sa valeur est souvent indépendante du niveau de revenus du contribuable, surtout quand celui-ci, son logement enfin payé en totalité, atteint l’âge de la retraite et voit ses revenus baisser. Le cas des agriculteurs de l’Ile de Ré, celui des propriétaires de chalets en montagne ou de maison en bord de mer, est une autre illustration de ce phénomène.

D’autant plus que l’augmentation des prix de l’immobilier n’a pas eu pour corollaire une augmentation des salaires. Ainsi, un propriétaire peut se retrouver assujetti à l’ISF alors que ces revenus n’ont pas progressé. En payant l’ISF, il ne s’est pas enrichi mais bien appauvri. Certes, son habitation a pris de la valeur mais en l’occupant, il ne peut guère profiter de cette valorisation.

Au final, le fait de posséder sa résidence principale peut aboutir à un appauvrissement en raison du montant des impôts à acquitter, résultat à la fois inique et absurde. On est loin, très loin des objectifs affichés de l’ISF : taxer « les riches » et le capital « dormant ».

Une proposition de loi simple : exonération de l’habitation familiale

La solution la plus simple pour traiter définitivement le problème de la résidence familiale est de la soustraire de l’assiette de l’ISF.

Cette mesure est équitable car elle évitera de pénaliser de nombreuses familles vivant en centre ville. Elle ne dénature pas l’ISF car au sein des grandes fortunes, la part relative de la résidence principale est faible. En outre, le propriétaire d’un logement soumis à l’ISF et ayant des revenus moyens n’a pas de solution pour optimiser sa situation fiscale à la différence des détenteurs de patrimoines importants.

Tel sont les motifs de la présente proposition de loi que nous vous demandons de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Au premier alinéa de l’article 885 E du code général des impôts, après les mots : « valeurs imposables », sont insérés les mots : « , à l’exception de l’habitation utilisée comme résidence principale, ».

Article 2

Le second alinéa de l’article 885 S du même code est supprimé.

Article 3

Les pertes de recettes pour l’Etat résultant de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création de taxes additionnelles sur les droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Composé et imprimé pour l’Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-119452-2
ISSN : 1240 – 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
7, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 00 33


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