tendant à la création d'une commission d'enquête
chargée d'étudier l'impact des délégations
de service public de l'eau
sur les prix et la transparence du service rendu,
(Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉE
par MM. André CHASSAIGNE, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Claude LEFORT, François LIBERTI, Alain BOCQUET, François ASENSI, Gilbert BIESSY, Jacques BRUNHES,
Mme Marie-George BUFFET, MM. Jacques DESALLANGRE, Frédéric DUTOIT,
Mme Jacqueline FRAYSSE, MM. André GERIN, Pierre GOLDBERG, Maxime GREMETZ, Georges HAGE, Mmes Muguette JACQUAINT, Janine JAMBU, MM. Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS (1)
Députés.
(1) Membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La parution de l'enquête de l'association de consommateurs « UFC-Que choisir ? » sur le prix de l'eau a mis à jour, suscitant une vive émotion dans le pays, les profits exorbitants réalisés par les groupes industriels présents sur ce marché, notamment dans les grandes agglomérations du pays. Le constat n'a pourtant rien de surprenant : cette association de consommateurs a surtout relayé et popularisé les observations répétées des juridictions financières, et notamment de la Cour des comptes, mais aussi les critiques formulées par d'autres grands corps de l'État sur la gestion de l'eau en France.
La distribution d'eau potable est, depuis la Révolution française, une compétence essentielle octroyée aux maires. Il s'agissait alors de confier au niveau administratif le plus proche des citoyens ce service public vital pour la population : parce que l'eau est un bien commun à tous, parce que l'eau est un bien rare, sa distribution devait relever du choix de la communauté. Elle ne pouvait pas être assimilée à une marchandise que l'on échange ou achète comme n'importe quel bien de consommation courante.
Le service public de l'eau fut pourtant très tôt délégué par certaines municipalités à des sociétés privées spécialisées en ce domaine. Cette tendance s'accéléra, ces dernières années, en raison notamment de la complexification croissante et de la trop grande technicité des missions de distribution d'eau et d'assainissement ou d'épuration des eaux usées.
Les conséquences de cette privatisation croissante du service public de l'eau sont désormais connues : la Cour des comptes insistait dans son rapport public particulier daté de janvier 1997 sur le fait que « les collectivités n'ont pas toujours une connaissance suffisante des services dont elles conservent la responsabilité », ajoutant qu'elles finissent par ne plus être en mesure « d'éviter certaines dérives et notamment la progression injustifiée de certaines charges ».
Dans son dernier rapport public particulier dédié à l'eau, publié en décembre 2003, la Cour soulignait à nouveau que : « Les chambres régionales et territoriales des comptes ont constaté que les outils dont disposent les collectivités territoriales pour contrôler la gestion de leurs services d'eau et d'assainissement n'étaient pas suffisamment développés. Pourtant, le renforcement de ces outils permettrait aux collectivités territoriales de pouvoir exiger de l'exploitant les informations nécessaires à l'appréciation de la qualité du service. »
La Cour ajoutait enfin que : « L'information dont disposent les collectivités territoriales sur leur service d'eau et d'assainissement reste trop souvent trop descriptive, que le service soit géré en régie ou délégué. Elle ne permet pas d'évaluer le niveau de qualité atteint et ne facilite pas l'information utile de l'usager. La majorité des collectivités n'est en mesure de produire, hormis les informations légales et réglementaires, qu'un tableau de suivi partiel. »
C'est-à-dire qu'au moment même où l'occurrence croissante des phénomènes de sécheresse nous rappelle l'importance vitale comme la rareté de la ressource en eau, au moment même donc où le caractère profondément politique de la distribution et de la répartition de cette ressource se pose avec vigueur, nous sommes au regret de constater combien les collectivités territoriales élues sont de facto dépossédées de la gestion de ce service.
La très forte rentabilité de l'exploitation de l'eau, mise à jour par l'enquête d'« UFC-Que choisir ? », témoigne de ce déficit de contrôle des sociétés privées prestataires de service : conscientes de l'incapacité technique dans laquelle se trouvent beaucoup de collectivités territoriales, ces sociétés n'hésitent pas à surfacturer le montant de la prestation de service qui leur est déléguée et donc à se rémunérer bien au-delà de la seule prise en compte des résultats d'exploitation de ce service. Elles violent de ce fait, et ce tout à fait délibérément, les dispositions du code général des collectivités territoriales (CGCT) en vertu duquel « une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service » (article L. 1411-1 CGCT).
À travers le scandale du prix de l'eau, c'est bien la question des modalités de contrôle et de maîtrise démocratique de la distribution de cette ressource qui est posée. Ce que ces multinationales gagnent en profits, les citoyens le perdent en maîtrise des questions les concernant directement !
Ainsi, c'est bien de la capacité donnée aux collectivités démocratiquement élues d'assumer directement leurs compétences dont il est question : laisser des personnes privées s'approprier, de facto, une ressource aussi rare et vitale que l'eau est une entorse majeure aux principes mêmes de la démocratie.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique