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N° 3025

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 avril 2006.

PROPOSITION DE LOI

visant à la reconnaissance et à l'indemnisation
des personnes
victimes des essais ou accidents nucléaires,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par Mme Christiane TAUBIRA, MM. Paul GIACOBBI, Jean-Marc AYRAULT, Victorin LUREL, Arnaud MONTEBOURG, René DOSIÈRE, Jacques FLOCH, Mmes Patricia ADAM, Sylvie ANDRIEUX, MM. Jean-Marie AUBRON, Jean-Paul BACQUET, Gérard BAPT, Jacques BASCOU, Jean-Claude BEAUCHAUD, Jean-Pierre BLAZY, Serge BLISKO, Patrick BLOCHE, Jean-Claude BOIS, Daniel BOISSERIE, Pierre BOURGUIGNON, Mme Danielle BOUSQUET, M. Thierry CARCENAC, Mme Martine CARRILLON-COUVREUR, MM. Michel CHARZAT, Alain CLAEYS, Pierre COHEN, Mme Claude DARCIAUX, M. Michel DASSEUX, Mme Martine DAVID, MM. Marcel DEHOUX, Bernard DEROSIER, Marc DOLEZ, François DOSÉ, Pierre DUCOUT, Jean-Pierre DUFAU, William DUMAS, Jean-Louis DUMONT, Jean-Paul DUPRÉ, Yves DURAND, Mme Odette DURIEZ, MM. Henri EMMANUELLI, Albert FACON, Michel FRANÇAIX, Mmes Geneviève GAILLARD, Nathalie GAUTIER, Catherine GÉNISSON, M. Joël GIRAUD, Mme Paulette GUINCHARD, M. David HABIB, Mmes Danièle HOFFMAN-RISPAL, Françoise IMBERT, MM. Éric JALTON, Serge JANQUIN, Jean-Pierre KUCHEIDA, Mme Conchita LACUEY, MM. Jérôme LAMBERT, François LAMY, Jack LANG, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Gilbert LE BRIS, Jean LE GARREC, Bruno LE ROUX, Mme Marylise LEBRANCHU, M. Patrick LEMASLE, Mme Annick LEPETIT,
MM. Jean-Claude LEROY, Michel LIEBGOTT, Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU,
MM. François LONCLE, Bernard MADRELLE, Christophe MASSE, Didier MATHUS, Didier MIGAUD, Mme Hélène MIGNON, MM. Henri NAYROU, Alain NÉRI, Mme Marie-Renée OGET, MM. Christian PAUL, Jean-Claude PEREZ, Mme Marie-Françoise PÉROL-DUMONT, MM. Simon RENUCCI, Bernard ROMAN, René ROUQUET, Patrick ROY, Michel SAINTE-MARIE, Mme Odile SAUGUES, MM. Roger-Gérard SCHWARTZENBERG, Henri SICRE, Pascal TERRASSE, Philippe TOURTELIER, André VALLINI, Michel VERGNIER, Alain VIDALIES

et les membres du groupe socialiste (1) et apparentés (2)

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi a pour objet d'établir la présomption d'un lien de causalité entre, d'une part les essais ou accidents nucléaires et, d'autre part les pathologies développées par les personnels, civils ou militaires, ayant travaillé sur les sites concernés ainsi que la population présente dans les zones contaminées.

Entre 1960 et 1996, l'armée française a effectué plus de deux cents essais nucléaires au Sahara et en Polynésie soit atmosphériques soit souterrains. Les populations locales principalement exposées aux essais atmosphériques, aussi bien que les personnes militaires ou civiles qui ont participé à ces essais, présentent aujourd'hui de graves problèmes de santé, notamment sous forme de cancers affectant divers organes.

Par ailleurs, dans la nuit du 25 au 26 avril 1986, s'est produit en Ukraine l'explosion du réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl dispersant dans l'atmosphère des quantités considérables d'éléments radioactifs. Les territoires de l'Est de la France, les Alpes, la Vallée du Rhône, la ville de Nice et sa région, la Corse ont été particulièrement contaminés du fait, notamment, d'importantes précipitations dans la période qui a suivi l'accident.

En Haute-Corse, la contamination de la population, en particulier des femmes enceintes de plus de douze semaines et des enfants en bas âge se manifeste par une plus grande prévalence dans l'induction de cancers de la thyroïde, survenus dans des délais moyens d'environ quatre ans après la contamination.

Ces victimes se trouvent frappées deux fois, puisqu'elles doivent faire face à leur maladie, et en outre fournir la preuve scientifique du lien entre leur état de santé actuel et leur participation aux essais nucléaires et/ou leur présence sur des lieux contaminés par les essais ou par des accidents.

Cette situation rend complexe et aléatoire toute prise en charge sous forme d'indemnisation ou de pension, et crée une inégalité entre ceux qui peuvent ou osent saisir la Justice et ceux qui en sont privés ou y renoncent.

Des pays tels que les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'Australie, les îles Fidji ont adopté des dispositions administratives et financières (suivi médical spécifique des populations, création de fonds d'indemnisation) pour faire droit aux revendications légitimes de leurs ressortissants ayant subi les conséquences des essais nucléaires.

Aujourd'hui, en France, les victimes, inquiètes pour leur avenir et celui de leur descendance, demandent que soit reconnue la causalité entre leurs maladies ou troubles de santé et ces activités à risque radioactif. Cette revendication s'exprime alors qu'il apparaît que les services chargés de la prévention et de la protection contre les risques nucléaires auraient disposé d'éléments suffisamment probants, à l'époque des faits, sur les risques encourus par les personnels et les populations, et qu'ils auraient négligé d'en tirer les conséquences et de prescrire ou de prendre les mesures de prévention et de suivi qui s'imposaient alors.

Saisies par des justiciables ces dernières années, plusieurs tribunaux de grande instance en France ont reconnu, encore en ce mois de juin 2005, le bien-fondé des demandes de pension d'invalidité ou d'indemnisation introduites par des personnes ayant été exposées, particulièrement aux essais nucléaires en Polynésie. Les jugements font état de « conséquences d'irradiation pouvant se révéler tardivement, même jusqu'à plusieurs décennies après l'exposition au danger radioactif ». Un tel attendu est conforme aux conclusions de nombreuses études effectuées aux États-Unis (pour les îles Marshall), en Grande-Bretagne (pour les îles Christmas et les essais en Australie), en Nouvelle-Zélande mais également en France (AEIA, Agence Internationale de l'Énergie Atomique 1998 ; CDRPC, Centre d'Études et de Recherche sur la paix et les conflits 2005 se référant à des notes et documents militaires des années 1960).

Il y a un surcroît d'injustice à contraindre les victimes de ces activités à entreprendre des actions judiciaires longues, coûteuses et aléatoires, alors qu'est avéré le lien de causalité entre ces activités et des pathologies cancéreuses, ophtalmologiques et cardiovasculaires dont une liste a été établie en 1988 et actualisée en 2001 par le Sénat Américain.

La présente proposition de loi vise à instaurer l'égalité entre les victimes et à créer le cadre juridique qui permettra à l'État de procéder aux justes réparations des dommages infligés par des activités considérées alors d'intérêt national.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Est établie la présomption d'un lien de causalité entre, d'une part la ou les maladies affectant :

- toute personne à statut civil ou militaire ayant participé à une activité à risque radioactif sur tout site où il fut procédé à l'explosion d'un dispositif nucléaire du 13 février 1960 au 27 janvier 1996,

- toute personne ayant résidé entre le 13 février 1960 et le 27 janvier 1996 dans les zones situées à proximité d'un site d'explosion de dispositif nucléaire telles que définies par le décret prévu à l'article 4 de la présente loi,

- toute personne résidant sur un territoire ayant été, de manière significative, contaminé du fait d'un accident nucléaire et défini dans le décret prévu à l'article 4 de la présente loi.

et, d'autre part, les essais et accidents nucléaires.

Article 2

Est établie la présomption d'un lien avec le service pour la ou les maladies affectant toute personne, à statut civil ou militaire, ayant participé à une activité à risque radioactif sur tout site ayant été le siège de l'explosion d'un dispositif nucléaire entre le 13 février 1960 et le 27 janvier 1996.

Article 3

Il est créé un droit à pension pour les personnels civils et militaires et leurs ayants droit visés aux articles un et deux de la présente loi, et un fonds d'indemnisation des victimes civiles au bénéfice des personnes visées à l'article un et ne relevant pas des budgets de pension de leur corps professionnel.

Article 4

La liste des pathologies présumées liées au risque radioactif ainsi que les zones géographiques concernées au titre des troisième et quatrième alinéas de l'article 1er sont fixées par décret pris après avis de la Commission nationale de suivi des essais et accidents nucléaires.

Article 5

Il est créé une Commission nationale de suivi des essais et accidents nucléaires. Sa composition est définie par décret en Conseil d'État, publié six mois au plus tard après la promulgation de la présente loi. Cette commission inclut un collège constitué de représentants d'associations ayant pour objet la défense des intérêts matériels et moraux des victimes d'activités à risque radioactif et de leur descendance.

Cette commission aura notamment pour mission :

- De donner les avis relatifs au projet de décret prévu à l'article 4 de la présente loi ;

- D'élaborer une cartographie identifiant les territoires concernés par l'irradiation suite à des essais ou à des accidents nucléaires ;

- De veiller au suivi médical des populations qui résident ou ont résidé à proximité des sites d'essais, et des personnes qui résident ou ont résidé sur les territoires exposés aux rayons ionisants générés par un accident nucléaire ;

- D'impulser et d'accompagner la mise en place d'un registre des cancers, d'en promouvoir l'usage et la référence auprès des autorités décisionnelles, centrales et territoriales, et de faire effectuer une étude épidémiologique sur les pathologies thyroïdiennes ;

- De convenir avec les autorités médicales des mesures préventives à caractère technique et sanitaire, inspirées par les circonstances (balises, stockage ou distribution d'iode) ;

- D'émettre à l'intention des pouvoirs publics et sur la foi de dossiers ou d'enquêtes qu'elle pourrait diligenter, un avis sur les cas litigieux dont elle pourrait être saisie par toute institution sanitaire contestant le droit d'une personne se référant aux articles un et deux de la présente loi pour faire valoir ses droits à indemnisation ou à pension ;

- De rédiger un état des lieux annuel et de présenter au Parlement, tous les deux ans, un rapport sur l'état du suivi dont elle a la charge.

Article 6

Les dépenses de l'État induites par l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une majoration des droits visés par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-121098-6
ISSN : 1240 - 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 3025 - Proposition de loi visant à la reconnaissance et à l'indemnisation des personnes victimes des essais ou accidents nucléaires (Mme Christiane Taubira)

1 () Ce groupe est composé de : Mmes Patricia Adam, Sylvie Andrieux, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Éric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Jean Delobel, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Mme Odette Duriez, MM. Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Albert Facon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Mme Geneviève Gaillard, M. Jean Gaubert, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, MM. Jean Glavany, Gaëtan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Élisabeth Guigou, Paulette Guinchard, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. François Hollande, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Éric Jalton, Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Marylise Lebranchu, MM. Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Michel Lefait, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Patrick Lemasle, Guy Lengagne, Mme Annick Lepetit, MM. Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Louis-Joseph Manscour, Philippe Martin (Gers), Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget,
MM. Michel Pajon, Christian Paul, Christophe Payet, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM.  Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque.

2 () MM. Jean-Pierre Defontaine, Paul Giacobbi, Joël Giraud, François Huwart, Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, Mme Christiane Taubira.


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