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N° 3215

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 juin 2006.

PROPOSITION DE LOI

visant à permettre aux collectivités territoriales
de
construire des lieux de culte,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration
générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. François GROSDIDIER

Député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi du 9 décembre 1905 instituant la séparation des Églises et de l’État rappelle, dans son article 1er, que la République assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées dans l’intérêt de l’ordre public. Certes, selon son article 2, « la République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte ». Cependant elle tempère ce principe que l’on présente à tort comme absolu. En effet, elle fixe les conditions d’attribution des biens existants lors de son entrée en vigueur et le régime juridique des édifices servant à l’exercice du culte dont la jouissance est remise aux associations cultuelles. Les associations formées pour subvenir aux frais, à l’entretien et l’exercice public d’un culte doivent répondre aux obligations de l’article 5 et suivants du titre I de la loi. Il s’agit des associations cultuelles dont l’objet doit être exclusivement l’exercice d’un culte. Si, selon l’article 19 modifié par la loi du 15 décembre 1942, elles « ne peuvent recevoir sous quelque forme que ce soit, des subventions de l’État, des départements et des communes », le texte précise que « ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour la réparation des édifices affectés aux cultes publics qu’ils soient ou non classés monuments historiques ». En outre, l’article 12 indique que « les édifices qui ont été mis à disposition de la nation et qui, en vertu de la Loi du 18 germinal An X, servent à l’exercice des cultes ou au logement de leurs ministres (cathédrales, églises, chapelles, synagogues, archevêchés, évêchés, presbytères, séminaires)... sont et demeurent propriétés de l’État, des départements, des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale ayant pris compétence en matière d’édifices du culte ».

Ainsi les contribuables financent l’entretien des cathédrales, églises, temples protestants et synagogues, mais pas des mosquées.

En pérennisant l’entretien sur fonds publics des édifices cultuels construits avant 1905 mais en refusant le financement public pour ceux bâtis après, la loi a progressivement institué une inégalité de fait, notamment à l’égard des musulmans appelés massivement en France à partir des années 50 et constituant la deuxième religion de France, ou encore à l’égard des bouddhistes massivement réfugiés en France dans les années 70 après la victoire communiste dans le Sud-Est asiatique.

L’Islam, aujourd’hui deuxième religion de France, est pratiqué le plus souvent dans des conditions peu satisfaisantes, indignes pour les musulmans, parfois gênantes pour les riverains, et le plus souvent dans des conditions ne répondant pas aux règles élémentaires de sécurité.

Les maires sont confrontés à un dilemme. Ou bien ils tolèrent le culte souvent en violation de la réglementation afférente aux établissements recevant du public (ERP). Ou bien ils l’interdisent en violant la liberté fondamentale d’exercer le culte de son choix. Ou bien ils mettent à disposition des locaux, officiellement culturels ou polyvalents et officieusement cultuels.

Malgré la générosité réelle des pratiquants musulmans habitant les villes françaises, ils ne disposent guère des ressources nécessaires pour construire sur leurs deniers propres des lieux d’une capacité d’accueil suffisante et conforme à la réglementation sur les ERP.

L’institution d’une fondation censée recueillir, contrôler et distribuer des dons venus de l’étranger n’a pour l’instant pas véritablement abouti. Elle ne répond d’ailleurs pas à l’idée de la structuration d’un Islam de France.

De surcroît, les musulmans de France ne pourront jamais se considérer comme des citoyens à part entière si les mosquées restent écartées de tout financement public alors que cathédrales, églises, temples protestants et synagogues sont financés par les collectivités publiques.

La République n’est pas crédible lorsqu’elle exige des musulmans le respect des mêmes devoirs que les autres citoyens et qu’elle leur refuse, de fait, les mêmes droits.

Elle ne peut pas justifier une inégalité de traitement en 2006 au motif que les musulmans, aujourd’hui deuxième religion de France, n’étaient pas présents sur notre territoire en 1905 !

La République se doit de traiter tous ses ressortissants de la même façon. Elle n’en sera d’ailleurs que mieux fondée à imposer à tous les mêmes obligations.

Cet état de fait viole deux principes constitutionnels :

la laïcité, figurant à l’article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958 et qui impose à l’État une neutralité entre les religions,

l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion.

La République se doit aussi d’appréhender les réalités humaines et d’assumer ses obligations. Elle doit cesser cette hypocrisie qui consiste à laisser ses organes que sont les communes mettre gracieusement à disposition des terrains ou des locaux « socioculturels » pour déroger à la loi de 1905 tout en affirmant le contraire et en entretenant une légitime frustration chez ses enfants de confession musulmane.

Tout en confortant ses principes, on ne saurait considérer comme intangibles toutes les modalités de la loi de 1905. Faut-il rappeler qu’il y a été dérogé dès le lendemain de la 1re Guerre Mondiale par une loi autorisant le financement par l’État de la Mosquée de Paris qui ne répondait pourtant pas à un besoin aussi important qu’aujourd’hui, mais qui se voulait fort judicieusement représenter un hommage à tous les musulmans morts pour la France pendant la Grande Guerre.

En assurant une égalité de traitement des cultes, la présente proposition de loi actualise et renforce les principes posés en 1905.

Ce qui est vrai pour l’Islam l’est aussi pour d’autres religions qui, dans un nombre limité de communes, sont fortement représentées, comme par exemple les bouddhistes ou les orthodoxes.

C’est pourquoi nous proposons d’ouvrir aux communes ou à leurs regroupements la possibilité de rétablir l’égalité effective des citoyens dans l’exercice du culte de leur choix, en fonction des besoins réels de leur population en la matière.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article 12 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque les conditions d’exercice du culte répondant à un besoin d’une partie substantielle de la population ne sont pas remplies conformément à la réglementation en vigueur, notamment relative aux établissements recevant du public, il est possible aux communes ou à des regroupements de communes de procéder sous leur propre maîtrise d’ouvrage à la construction d’édifices nécessaires au culte. Ces édifices, comme ceux construits antérieurement, sont régis par les articles 13 à 17. »

Article 2

Les charges éventuelles qui résulteraient pour les collectivités locales de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement et de la dotation générale de décentralisation.

Les charges éventuelles qui résulteraient pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par l’augmentation des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Composé et imprimé pour l’Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS


Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-121328-4
ISSN : 1240 – 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 3215 - Proposition de loi de M. François Grosdidier visant à permettre aux collectivités territoriales de construire des lieux de culte


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