Accueil > Documents parlementaires > Propositions de loi
La version en format HTML, à la différence de celle en PDF, ne comprend pas la numérotation des alinéas.
Version PDF
Retour vers le dossier législatif

Document

mis en distribution

le 8 novembre 2006


N° 3401

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 octobre 2006.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête sur les raisons des retards de production et de livraison du groupe Airbus, sur les conséquences industrielles et sociales du plan de restructuration du groupe EADS,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,
à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR MM. Jean-Marc AYRAULT, François HOLLANDE, Henri EMMANUELLI, Mme Françoise IMBERT, M. Pierre COHEN, Mme Hélène MIGNON, MM. Gérard BAPT, Jean-Louis IDIART, Patrick LEMASLE, François BROTTES, Éric BESSON, Didier MIGAUD, Augustin BONREPAUX, Claude EVIN, Jacques FLOCH, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, MM. Philippe MARTIN, Jean-Pierre BALLIGAND, Mme Marylise LEBRANCHU,

et les membres du groupe socialiste (1) et apparentés (2).

députés.

____________________________

(1) Ce groupe est composé de : Mmes Patricia Adam, Sylvie Andrieux, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Eric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Jean Delobel, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Mme Odette Duriez, MM. Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Albert Facon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Mme Geneviève Gaillard, M. Jean Gaubert, Mme Catherine Génisson, MM. Jean Glavany, Gaëtan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Elisabeth Guigou, Paulette Guinchard, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. François Hollande, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Éric Jalton, Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Marylise Lebranchu, MM. Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Michel Lefait, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Patrick Lemasle, Guy Lengagne, Mme Annick Lepetit, MM. Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Louis-Joseph Manscour, Philippe Martin (Gers), Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Michel Pajon, Christian Paul, Christophe Payet, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM. Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque, Lilian Zanchi.

(2) MM. Jean-Pierre Defontaine, Paul Giacobbi, Joël Giraud, François Huwart, Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, Mme Christiane Taubira.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 3 octobre 2006, le conseil d’administration d’European Aeronautic Defence and Space company (EADS), maison mère d’Airbus, a annoncé un nouveau retard d’un an des livraisons de l’A 380. À cette occasion, a été présenté le plan dit power 8, dont l’objet principal serait de réaliser des économies pour faire face aux conséquences de retards de livraison.

Le 13 juin 2006, un premier retard de production de l’A 380 de près d’un an avait déjà été annoncé par la direction du groupe. Le titre de la société EADS s’effondrait dès le lendemain de 26 %.

Cette première annonce était alors assortie de révélations sur la vente massive quelques jours auparavant par Noël Forgeard, à l’époque coprésident exécutif, de titres de la société EADS, acquis au moyen de plan de souscription d’actions.

Ces retards répétés dans la production et la livraison d’un avion, présenté à juste titre comme une réussite technologique de l’industrie aéronautique européenne, conduisent à s’interroger sur l’attitude de la direction du groupe EADS et de sa filiale Airbus, sur l’organisation de la production, sur les relations fonctionnelles entre EADS et Airbus, sur la circulation des informations et les prises de décision entre les deux groupes, sur le comportement des différents actionnaires et sur la stratégie de l’État, actionnaire de référence d’EADS par le biais de la SOGEAD.

La création d’EADS en juillet 2000 était fondée sur un pacte permettant la construction d’un groupe à dimension européenne reposant sur l’équilibre franco-allemand et l’exclusivité de l’engagement des opérateurs. Ce pacte devait permettre la combinaison d’une logique politique de long terme et d’une logique industrielle et technologique d’excellence.

Airbus est un exemple de réussite d’intégration et de coopération européenne, gâché par des décisions successives et récentes pour le moins contestables qui ont fragilisé le pacte initial d’EADS.

La nomination en juin 2005 par le Président de la République de Noël Forgeard en remplacement de Philippe Camus, qui occupait ce poste depuis juillet 2000 et dont la compétence était reconnue, a été très mal ressentie par les responsables allemands du groupe. Les conditions du départ de Noël Forgeard au début de l’été 2006 n’ont fait qu’accentuer la crise de confiance au sein du groupe. La volonté exprimée par le Bundestag d’enquêter sur la situation du groupe EADS traduit la méfiance exprimée par nos partenaires.

Les choix de production et de montage de l’A 380 n’ont pas véritablement tenu compte de l’organisation industrielle du groupe Airbus entre ses différents sites. Les incompatibilités entre le routage du harnais et les structures de l’avion ne sont apparues qu’au moment de l’assemblage. L’organisation du groupe n’était manifestement pas suffisamment intégrée par rapport aux choix et aux options techniques retenus. La création d’EADS a conduit à une unification de certaines structures, mais la fragmentation de la production et des investissements a été maintenue.

Les choix des actionnaires industriels de référence, et notamment du groupe Lagardère qui a préféré céder il y a quelques mois une part importante de ses titres pour se recentrer sur son activité médias, ont fragilisé la structure actionnariale du groupe EADS. L’État actionnaire n’a finalement pas exercé de véritable vigilance sur le plan industriel dans la période récente. L’agence des participations de l’État n’a pas joué son rôle, alors que c’est l’une de ses missions.

Lorsque les retards ont été connus, le Gouvernement est resté particulièrement passif, renonçant à toute intervention en tant qu’actionnaire de référence, allant jusqu’à considérer par la voie du ministre de l’économie et des finances lors de la séance de questions au Gouvernement du 10 octobre 2006 que la « crise était derrière nous ».

Aujourd’hui, Airbus a de nombreux défis à relever, celui de l’A 380, mais aussi celui de l’A 350. La compétition avec Boeing est très serrée. Elle n’est pas exclusivement de nature financière, elle est aussi et surtout de nature industrielle et commerciale. Airbus doit rester compétitif sur l’ensemble de la gamme d’avions, au risque de se voir marginalisé.

Pourtant, le plan d’EADS dit power 8 a pour objectif principal de dégager des marges de manœuvre à l’égard des actionnaires. Compte tenu de sa forte contribution aux résultats d’EADS, Airbus est la filiale sur laquelle reposent les principaux efforts en terme de réduction des coûts de production. Ce plan doit générer des économies de trésorerie de 5 milliards d’euros d’ici 2010 et 2 milliards d’euros d’économies par an à compter de 2010. Il conduira inévitablement à des suppressions d’emplois au sein du groupe, mais aussi à une pression très forte sur tous les sous-traitants et notamment sur les PME et PMI déjà en très grande difficulté.

De nombreuses opérations sont d’ores et déjà engagées dans l’optique du plan de restructuration. Elles reviennent à réduire les coûts de fonctionnement et de structure de 30 % d’ici 2010, à réorganiser la chaîne des fournisseurs, à charge pour eux d’assumer les coûts qui en découlent. Ce plan répond à une logique purement financière. Il fait ainsi courir un risque de perte d’un savoir faire technologique indispensable à la compétition avec Boeing.

Plusieurs questions sont aujourd’hui posées. Elles concernent la réduction d’activités, voire la fermeture de sites, la « rationalisation » de la chaîne d’assemblage, la vente ou non de sites à des fournisseurs, la délocalisation de certaines productions de la zone euro vers la zone dollar.

Les salariés et les élus locaux de tous les territoires concernés sont particulièrement inquiets. Le plan de restructuration entraînera inévitablement des réductions d’effectifs et des réductions d’activité dans de nombreux bassins d’emplois, des difficultés en cascade pour les entreprises sous-traitantes et les équipementiers. Les déclarations du Gouvernement qualifiant ce plan de crédible et réaliste ne font qu’accentuer les inquiétudes. Cette attitude tranche avec la réaction du Gouvernement allemand qui pour sa part envisage de soutenir activement l’entreprise.

Face à une telle situation, l’État se doit d’intervenir, parce qu’il est actionnaire, mais aussi parce qu’il s’agit de l’avenir d’un grand groupe industriel européen et de milliers d’emplois directs et indirects dans de nombreuses régions de notre pays. L’aide de l’État doit passer par un soutien financier notamment en matière d’innovation et de recherche. Toute passivité serait coupable.

Dans cette perspective l’Assemblée nationale, dans le cadre de sa mission de contrôle financier des entreprises nationales, doit pouvoir enquêter sur les raisons des retards de production et de livraison de l’Airbus A 380 et sur les conséquences du plan de restructuration du groupe EADS.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

Il est créé, en application des articles 140 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, une commission d’enquête de trente membres sur les raisons des retards de production et de livraison du groupe Airbus, sur les conséquences industrielles et sociales du plan de restructuration du groupe EADS.


© Assemblée nationale