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le 23 janvier 2006


N° 3541

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 décembre 2006.

PROPOSITION DE LOI

visant à créer pour certains immeubles

mis en location un permis de louer,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration
générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR M. Francis VERCAMER,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La persistance d’un important habitat insalubre reste malheureusement une caractéristique du mal-logement dans notre pays. La fondation Abbé Pierre note ainsi, dans son rapport annuel 2006, que « malgré les politiques d’amélioration de l’habitat mises en œuvre depuis plusieurs décennies, l’actualité fait régulièrement apparaître des situations d’insalubrité, de saturnisme infantile, d’hôtels meublés en état de dégradation, d’agissements de marchands de sommeil, de reconstitution aux franges de la ville, de bidonvilles que l’on croyait disparus, toutes manifestations du « mal-logement » accueillant les plus pauvres, dans des conditions de logement inacceptables tant sur le plan juridique que sur le plan social ». La fondation dans ce même rapport, estime à 2 187 000 le nombre de personnes vivant, en 2006, dans des conditions de logement très difficiles, dont 1 150 000 vivent dans des logements dépourvus de confort de base (un logement étant qualifié comme tel lorsqu’il est dépourvu d’eau, de WC et d’installations sanitaires).

La résorption de l’habitat insalubre a pourtant été une volonté constante de l’État. De la première loi de lutte contre l’habitat insalubre adoptée le 13 avril 1850 à la récente loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, sans oublier parmi les principaux textes, la loi « Vivien » du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l’habitat insalubre, la loi « Besson » du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain, l’arsenal législatif puis réglementaire s’est à chaque fois complété de mesures nouvelles et davantage coercitives pour combattre l’insalubrité des logements qui accueillent dans des conditions précaires des familles socialement fragilisées.

Parmi les textes les plus récents, on peut évidemment citer le décret no 2002-120 du 30 janvier 2002 pris en application de la loi SRU, et relatif aux caractéristiques du logement décent, qui fixe un ensemble de critères précis déterminant le caractère décent d’un logement mis en location, tant au plan de la sécurité physique et de la santé des locataires, qu’au regard des éléments d’équipements et de confort qu’il doit comporter. On peut également citer l’ordonnance no 2005-1566 du 15 décembre 2005 relative à la lutte contre l’habitat insalubre et dangereux, qui renforce tant les pouvoirs du préfet en matière de traitement des situations d’insalubrité, que les droits des occupants des logements insalubres, notamment en matière de relogement.

Malgré cet ensemble de textes, la crise du logement dont souffre notre pays, en dépit de l’effort de construction significatif accompli ces dernières années, laisse perdurer des situations insupportables, où des personnes seules comme des familles en situation sociale précaire ne se voient offrir à la location, par des propriétaires sans scrupules, que des logements totalement inadaptés à leurs besoins, ne répondant manifestement pas aux normes de confort édictées par la loi et le règlement. Face à ces marchands de sommeil, les maires déploient, avec l’État, et dans les limites qui leur sont fixées par la loi, toutes les mesures nécessaires pour résorber l’insalubrité, en particulier par le biais des services communaux d’hygiène et de santé, et les arrêtés préfectoraux d’insalubrité.

La loi du 13 juillet 2006, via la délivrance des certificats de mise en location, a donné aux communes volontaires dans le cadre de l’expérimentation, un outil supplémentaire de recensement du parc locatif privé sur leur territoire. Mais il ne suffit pas, dans certaines villes où la situation de l’habitat dégradé et insalubre est trop criant, à endiguer significativement le phénomène.

Aussi, l’objet de la présente proposition de loi est de proposer aux communes volontaires, l’expérimentation d’un permis de louer qui subordonne, dans le cadre d’un périmètre précis, et pour un type d’immeuble présentant une ancienneté significative, la location de logements à la délivrance d’une autorisation préalable. S’inspirant d’une expérience du même type effectuée sous l’égide des autorités régionales wallonnes en Belgique, le permis de louer, à la différence du certificat d’intention de louer, permet un contrôle préalable de l’état de confort et de la décence du logement destiné à la location. Il permet au maire d’enjoindre le propriétaire à réaliser les travaux de mise en conformité, empêchant ainsi que ne se développent et perdurent, en dépit de l’arsenal légal existant, des situations manifestes d’insalubrité au mépris de la sécurité et de la dignité des locataires.

Il ne s’agit évidemment pas de supprimer le dispositif expérimental de la déclaration d’intention de louer mais de permettre l’expérimentation, parallèlement à celui-ci, dans les communes les plus confrontées à l’habitat insalubre et aux marchands de sommeil, d’un permis de louer, donnant en cela aux collectivités concernées la possibilité de choisir l’outil juridique le plus adapté à leur situation et ce pour une expérimentation d’une durée limitée à cinq années.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

À titre expérimental et pour une durée de cinq ans, les communes de plus de 50 000 habitants ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre de plus de 50 000 habitants et comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, compétents en matière d'habitat, peuvent soumettre toute nouvelle mise en location d'un logement soumis à l'article 6 de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi no 86-1290 du 23 décembre 1986 et situé dans un immeuble de plus de trente ans, à la délivrance d'un permis de mise en location.

Les communes et les établissements publics de coopération intercommunale peuvent se porter candidats à cette expérimentation auprès du ministre chargé du logement dans un délai d'un an à compter de la publication de la présente loi.

Un décret fixe la liste des communes et des établissements publics de coopération intercommunale retenus.

Le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale délimite, par délibération motivée, les secteurs ou, au sein de ces secteurs, les catégories d'immeubles pour lesquels cette obligation est instaurée. La délibération précise la date d'entrée en vigueur du dispositif qui ne peut être fixée dans un délai inférieur à six mois à compter de la date de la délibération, ainsi que le lieu de dépôt de la demande de permis.

Article 2

Le permis, délivré par le maire ou par le président de l'établissement public de coopération intercommunale, doit être demandé par le bailleur pour toute mise en location d'un logement entrant dans le champ défini à l’article 1er. Le permis ne peut être délivré qu'à la condition que le logement réponde aux caractéristiques de décence définies à l'article 6 de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989 précitée.

Le dépôt de la demande de permis fait l'objet d'un récépissé. En l'absence de réponse du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale dans un délai d'un mois à compter de la délivrance du récépissé, le bailleur peut mettre le logement en location. En cas de refus de délivrance du permis, le bailleur ne peut mettre le logement en location, sauf à le rendre conforme aux caractéristiques de décence visées au premier alinéa. Dans ce cas, le bailleur présente une nouvelle demande. Le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale délivre le permis après s'être assuré de la mise en conformité des locaux.

Le permis, délivré expressément ou tacitement, est valable pendant toute la durée de l'expérimentation. Sa délivrance ne fait pas obstacle à l'exercice des recours dont disposent les locataires en application des articles 20 et 20-1 de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989 précitée.

Le permis de mise en location ou le récépissé de la demande en cas d'absence de réponse est annexé au contrat de bail. 

Les organismes payeurs des aides personnelles au logement et le fonds de solidarité pour le logement sont destinataires des permis délivrés au titre de la présente loi et des refus de délivrance de ces permis. Le bénéfice du paiement en tiers payant des aides personnelles au logement est subordonné à la production du permis de mise en location.

Article 3

Tout occupant de locaux loués en méconnaissance des dispositions de la présente loi est réputé occupant de bonne foi et ne peut être expulsé de ce fait. À ce titre, il peut exercer les recours ouverts aux locataires prévus par les articles 20 et 20-1 de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989 précitée. Dans ce cas, il peut bénéficier des aides personnelles au logement dans les conditions prévues aux articles L. 542-2 et L. 831-3 du code de la sécurité sociale.

Article 4

Six mois au moins avant le terme de l'expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation assorti des observations des communes et établissements publics de coopération intercommunale concernés.


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