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mis en distribution

le 2 février 2007


N° 3585

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 janvier 2007.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête sur les dysfonctionnements du dispositif d’indemnisation des victimes d’accidents de la voie publique,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration
générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Daniel PAUL, François ASENSI, Gilbert BIESSY, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Jacques BRUNHES, Mme Marie-George BUFFET, MM. André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Frédéric DUTOIT, Mme Jacqueline FRAYSSE, MM. André GERIN, Pierre GOLDBERG, Maxime GREMETZ, Georges HAGE Mmes Muguette JACQUAINT, Janine JAMBU, MM. Jean-Claude LEFORT, François LIBERTI, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXES(,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La politique de sécurité routière menée depuis quelques années a permis de réduire de manière significative le nombre de personnes tuées sur les routes, mais aucune mesure n’a été prise pour réformer les procédures d'indemnisation des personnes blessées lors d'accidents de la circulation et notamment les traumatisés crâniens.

Aujourd’hui, dans notre pays, 155 000 personnes sont hospitalisées pour un traumatisme crânien dont environ 8 000 traumatisés crâniens graves. 1 800 personnes demeureront dépendantes et les 2/3 environ des victimes ont entre 15 et 25 ans.

Une personne traumatisée crânienne ne peut pas être assimilée à une personne atteinte d’un handicap psychique. En effet, si leurs capacités potentielles (mais non effectives dans la réalité) leur permettent théoriquement d’exécuter « les tâches essentielles de la vie quotidienne », elles sont généralement incapables de les effectuer dans la réalité. Et même si elles effectuent certaine de ces tâches, d’autres conséquences non visibles affectent leurs capacités.

Pourtant, les lacunes de l’actuel système indemnitaire se traduisent par une sous indemnisation de ces victimes, dont la vie personnelle et professionnelle est profondément perturbée par les séquelles des accidents survenus. Pendant longtemps, aucune réelle volonté politique ne s’est manifestée pour faire aboutir une réforme des dispositions juridiques relatives à ce fléau. C’est la jurisprudence qui a permis de solutionner des situations souvent pénibles.

Avec la loi du 5 juillet 1985 dite « loi Badinter » l’arsenal juridique a bien été doté d’un système qui vise à améliorer la situation des victimes d’accidents de la circulation et à accélérer les procédures d’indemnisation. La loi encadre la responsabilité en matière d’accidents de la circulation et réglemente l’intervention de l’assureur et celle de l’expert médical, mais ne se prononce pas sur la réparation proprement dite.

En conséquence, selon le contexte familial, social, professionnel, économique, local le traumatisé crânien et sa famille sauront plus ou moins faire face aux problèmes qui découlent de l’accident. L’intervention encore trop souvent isolée de chacun des spécialistes confrontés aux problèmes des dommages corporels aboutit à une cacophonie et à des solutions inadaptées. Actuellement, plus de 90 % des litiges concernés sont réglés par voie amiable, il est notoire que les indemnisations obtenues par cette voie sont inférieurs de 40 % au minimum à celles des situations analogues réglées par la voie de la justice civile.

Rappelons aussi que le calcul de l'indemnisation est effectué sur la base d'un barème de capitalisation dont les deux composantes sont le taux d'intérêt et l'espérance de vie. Plus le taux d'intérêt retenu est élevé, plus le capital est faible ; plus l'espérance de vie est élevée, plus le capital est élevé. Datant de 1986, ce barème se révèle aujourd'hui largement obsolète, comme en témoignent quelques initiatives de cours d'appel appliquant le barème plus généreux du Trésor public.

De leur côté, les assureurs peinent souvent à définir et à financer un projet de vie acceptable, compatible avec le cercle familial et l’intégration du traumatisé crânien dont la perte des facultés ne permet plus une totale autonomie. On peut aussi penser qu’ils utilisent en toute légalité les lacunes du droit en ce domaine. En tout état de cause, il existe un déséquilibre inacceptable du rapport de force entre l’assureur et la victime car le dispositif actuel ne permet pas les débats contradictoires.

Entrer dans le maquis de l’indemnisation est une épreuve lourde de conséquences : le langage spécifique, la difficulté de la preuve, la paperasserie, les procédures, les aléas de l’expertise rendent nécessaires l’aide et l’assistance d’un conseil. Les tribunaux ne disposent pas de secteurs spécialisés dans l’approche du grand handicap et encore moins des aspects spécifiques des traumatisés crâniens graves.

Cet état de fait conduit les victimes à confier des missions à des experts dépourvus de formation et dont l’expérience dans le domaine est rarement satisfaisante. De surcroît, le titre d’ expert est indifféremment utilisé pour désigner l’expert judiciaire et le médecin conseil de la compagnie d’assurance. C’est donc une source d’ambiguïté pour les victimes.

Par ailleurs, l’absence normative d’une typologie des préjudices corporels indemnisables laisse le champ ouvert à des « oublis » dommageables pour la victime.

Pour justifier une demande d’indemnisation un dossier complet sur l’état du traumatisé crânien, avant et après l’accident, doit être constitué. De nombreux documents sont accumulés pour illustrer l’existence de la gravité des blessures de la victime ; ces documents servent de base au calcul des indemnités. Dans ce contexte, et quel que soit le cadre de l’indemnisation, amiable, judiciaire, administratif, les services d’un avocat mandaté personnellement par la victime sont indispensables. Pourtant, l’effectivité du libre choix de l’avocat n’est pas assurée du fait de la rédaction des clauses des contrats « protection juridique » qui contournent les dispositions de la loi.

Entre 2001 et 2003, quatre groupes de travail missionnés par la chancellerie ont révélé, en toute logique, ces nombreux dysfonctionnements de la Justice civile dans le domaine de la réparation du dommage corporel des victimes, en droit commun.

Ils ont donc soumis au Gouvernement des pistes de réforme du système indemnitaire prenant en compte la situation des victimes d'accident de la circulation. Notons d’ailleurs que ces travaux ont fait l’objet d’un très large consensus au sein des groupes de travail interministériels, pluridisciplinaires et également représentatifs des associations de victimes mais ils sont restés sans réponse.

Cette situation perdure depuis plus de quinze ans et se traduit par la spoliation de nombreuses victimes. Ce sont malheureusement les personnes les plus modestes qui sont les plus concernées. Telles sont toutes les motivations, qui conduisent le groupe des député-e-s communistes et républicains à vous proposer la création d’une commission d’enquête parlementaire.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

En application des articles 140 et suivants du Règlement, est créée une commission d'enquête de trente membres chargée d’investiguer sur les dysfonctionnements du dispositif d’indemnisation des victimes d’accidents de la voie publique.

( constituant le groupe des député-e-s communistes et républicains.


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