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mis en distribution

le 12 juin 2007


N° 3807

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 mai 2007.

PROPOSITION DE LOI

instituant des funérailles républicaines,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR Mme Paulette GUINCHARD,

députée.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Consciente que la mort est un événement difficile à appréhender, surtout dans nos sociétés sécularisées, la présente proposition de loi tend à améliorer les rapports de la société à la mort en instituant des « funérailles républicaines » pour ceux qui le souhaitent. Ces funérailles républicaines ont pour vocation première de remédier à l’absence de rites républicains lors de la cérémonie des obsèques – cérémonie qui nous concerne tous un jour et ce, quelle que soit sa forme. La République française se doit de prévoir un rite propre pour commémorer la mort de ses citoyens. En tout état de cause, c’est la volonté de décomplexer le rapport à la mort, d’atténuer son côté tabou, qui nous anime dans cette initiative législative.

Longtemps gouverné par le droit canonique, le droit des funérailles a été grandement marqué par la tradition chrétienne et ses rites propres. Il a pourtant largement évolué depuis la fin du XIXe siècle.

Le grand intérêt de la loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles (modifiée par la loi n° 96-142 du 21 février 1996) réside dans la possibilité offerte à tout individu de choisir la forme et les rites de son inhumation (article 3). Cette loi est en effet intervenue pour permettre aux défunts d’être inhumés non plus obligatoirement selon des rites religieux mais de manière civile.

La sécularisation à l’œuvre sous la IIIe République a donc permis à un individu athée ou agnostique de ne pas se faire inhumer selon des rites qu’il n’aurait pas choisis de son vivant. La liberté de conscience s’en est trouvée renforcée jusque dans la mort.

Toutefois, si le concile de Vatican II a considérablement simplifié les rites catholiques des funérailles, il demeure que seules les funérailles religieuses – qui représentent 70 % des obsèques en Europe occidentale – ont un aspect vraiment solennel. En revanche, les funérailles civiles ne sont assurées que par un employé de l’opérateur des pompes funèbres choisi, et par un proche du défunt, qu’il soit ou non de la famille. Ceux-ci veillent au bon déroulement des funérailles, dans ses aspects les plus divers : éloge funèbre, discours et éventuellement recours à des procédés audiovisuels. Parfois, dans les grandes villes, la municipalité aménage un local qu’elle met à disposition de la famille. Parfois encore, c’est l’opérateur de pompes funèbres qui met une salle à disposition mais, s’agissant alors d’une prestation supplémentaire, celle-ci est facturée. Pour le reste, les cérémonies se déroulent en plein air, dans les cimetières ou dans une salle adjacente au crématorium en cas de crémation. On assiste parfois même au regroupement des proches sur les parkings des lieux d’inhumation ou de crémation. La famille et les proches sont livrés à eux-mêmes et se sentent souvent abandonnés. Il n’y a donc pas de solennité institutionnelle dans les funérailles civiles.

Les objectifs de la présente proposition de loi sont donc de renforcer le principe de liberté des funérailles et de rétablir la dignité de la personne humaine.

La liberté des funérailles est accentuée puisque la présente proposition vise à introduire un droit nouveau en matière de droit des funérailles, se situant ainsi dans la continuité de la loi du 15 novembre 1887. Elle permettra à l’individu d’être inhumé selon qu’il l’a souhaité par voie testamentaire ou que ses ayants droit en ont manifesté la volonté au moment de l’organisation des obsèques :

– par des rites religieux ;

– par des rites civils sans présence officielle (c’est-à-dire sans représentant de la commune) comme cela existe déjà pour les funérailles civiles ;

– ou bien par des rites dits « républicains », c’est-à-dire avec la présence officielle d’un représentant de la commune.

Cette présence permet, dans le cas où elle aurait été expressément souhaitée, de rétablir une certaine forme de solennité dans les obsèques civiles, notamment par la lecture d’un éloge funèbre. Il s’agit en fait de donner la possibilité à tout individu de s’en aller après un dernier salut officiel de la nation.

On peut encore soutenir que l’existence du baptême répu-blicain, même si ce dernier n’a qu’une valeur coutumière, peut justifier la mise en place d’obsèques civiles républicaines tout à fait officielles. L’intervention de la loi permettrait d’offrir cette possibilité à tout citoyen qui le souhaite sans que la concrétisation de ce souhait ne dépende du choix personnel du maire de la commune, comme c’est le cas pour obtenir un baptême républicain.

Enfin, de telles dispositions existent déjà à l’étranger : ainsi le code administratif luxembourgeois prévoit la présence « d’un représentant de la commune ou de l’échevinage » au moment des funérailles civiles et la lecture d’un éloge funèbre par ce dernier (arrêté du gouverneur général du 20 août 1814, toujours en vigueur).

Dans un deuxième temps, la proposition tend à rétablir la dignité de la personne humaine par la République française concernant certaines personnes qui, au moment de leurs obsèques, en sont privées. En effet, si le degré de solennité dans les funérailles est fonction de l’implication des familles dans leur organisation, certains défunts sont dans les faits inhumés avec un réel manque de dignité que ce soit pour des raisons sociales ou familiales. Le phénomène de « désaffiliation » – au sens de Robert Castel – ou d’abandon des personnes âgées conduisent à des situations dramatiques : des individus meurent dans un quasi-anonymat ; leur inhumation passe inaperçue. La canicule de 2003 fut assez dramatique pour que le problème devienne une question de société. Ce manque de dignité est insupportable dans un pays qui place la dignité de la personne humaine au centre de ses valeurs. L’individu qui n’aura pu prévoir ses obsèques faute de moyens, de famille ou de proches pourra alors compter sur la nation pour lui assurer la dignité qui convient à toute cérémonie d’enterrement ou de crémation. Notre proposition vient en renfort de l’article 2213-7 du code général des collectivités territoriales qui prévoit que « le maire ou à défaut le représentant de l’État dans le département pourvoit d’urgence à ce que toute personne décédée soit ensevelie ou inhumée décemment sans distinction de culte ni de croyance ».

Instituer des funérailles républicaines à coté des funérailles religieuses, sans préjudice du maintien des funérailles civiles existantes, serait donc un progrès dans la reconnaissance de la dignité de la personne humaine et le renforcement des liens qui unissent le citoyen à la République. Il vous est donc demandé, Mesdames et Messieurs, d’adopter la proposition de loi suivante.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après l’article L. 2213-7 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2213-7-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2213-7-1.– Chaque commune garantit l’organi-sation de funérailles républicaines. Les funérailles républicaines consistent en la présence d’un représentant de la commune lors de la cérémonie des obsèques.

« L’organisation de funérailles républicaines intervient conformément à la volonté du défunt ou, à défaut, de ses ayants droit.

« En l’absence d’organisation des funérailles par le défunt ou ses ayants droit, le représentant de la commune intervient au nom de la République pour rétablir, par sa présence, la dignité due à tout défunt, ainsi qu’à toute cérémonie de funérailles.

« Les communes équipées de lieux d’inhumation et de crémation mettent à la disposition des proches du défunt une salle qui leur permettra de se recueillir dans des conditions décentes lors de la cérémonie et ce, s’ils en font la demande expresse. »

Article 2Après l’article 3 de la loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles, il est rétabli un article 4 ainsi rédigé :

« Si le défunt a de son vivant manifesté le vœu qu’un représentant de la commune de son lieu de résidence habituelle soit présent à ses funérailles, la municipalité délègue un de ses représentants pour assurer, lors des rites civils, une présence officielle conformément à l’article L. 2213-7-1 du code général des collectivités territoriales.

« Dans le cas où le défunt n’aurait pas prévu de son vivant les conditions formelles ou rituelles de son inhumation, ses ayants droit conservent la faculté de les fixer et, le cas échéant, de prévoir des funérailles républicaines prévues à l’article L. 2213-7-1 du code général des collectivités territoriales.

« Si, de son vivant, le défunt n’a pas prévu les conditions de son inhumation, qu’il n’a pas d’ayants droit ou que ceux-ci ne se manifestent pas, les dispositions de l’article L. 2213-7-1 du code général des collectivités territoriales s’appliquent. »


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