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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

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R A P P O R T D' I N F O R M A T I O N

Présenté à la suite de la mission effectuée au Mexique

du 2 au 8 octobre 2005

par une délégation du

GROUPE D'AMITIÉ FRANCE-MEXIQUE (1)

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(1) Cette délégation était composée de M. Georges Tron, député de l'Essonne (UMP), Président, Mmes Martine Aurillac, députée de Paris (UMP) et Chantal Robin-Rodrigo, députée des Hautes-Pyrénées (apparentée S), vice-présidentes

SOMMAIRE

Carte du Mexique 4

Introduction 5

I - Une démocratie solide en pleine transformation 8

A. L'évolution politique récente : le tournant de l'alternance politique 8

B. Des réformes institutionnelles indispensables 10

II - Une économie puissante et stabilisée, doublée d'un important secteur informel 12

A. Une excellente santé macro-économique trop méconnue des décideurs français 12

B. Un secteur économique informel considérable dans un climat d'insécurité 15

III - Une diplomatie rénovée, confortée par une excellente relation avec la France 18

IV - Perspectives de coopération bilatérale dégagées

par la mission parlementaire 23

A. coopération en matière de justice et de police 23

B. coopération dans le domaine de l'éducation 26

C. coopération économique et financière 27

CONCLUSION 28

ANNEXES

1. Quelques repères historiques 29

2. Le Mexique en quelques chiffres 31

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introduction

Une délégation du groupe d'amitié France-Mexique de l'Assemblée nationale composée de M. Georges Tron, député (UMP) de l'Essonne, président du groupe d'amitié et de Mmes Martine Aurillac, députée (UMP) de Paris et Chantal Robin-Rodrigo, députée (apparentée SOC) des Hautes-Pyrénées, vice-présidentes, s'est rendue au Mexique du 2 au 8 octobre 2005.

Elle a séjourné à Mexico et s'est ensuite déplacée dans l'est du pays à Campeche sur le golfe du Mexique et à Mérida dans l'État du Yucatan.

Cette mission constitue l'aboutissement des efforts menés par le groupe d'amitié pour renouer le dialogue entre parlementaires mexicains et français. La précédente mission du groupe remontait à janvier 1996 et avait été suivie en décembre 1999 d'une réception de députés mexicains à Paris et dans les Pyrénées.

Les relations parlementaires ont vraiment repris à l'automne 2004. En septembre 2004, la Chambre des députés du Mexique décidait de créer pour la première fois un groupe d'amitié avec notre pays ; ce groupe, présidé par M. Carlos Flores Rico (PRI), député fédéral de Tamaulipas, est composé de dix députés issus des principaux groupes politiques représentés à la Chambre.

Le mois suivant, s'est tenue à Paris la session de la Commission binationale France-Mexique à l'initiative du ministère français des affaires étrangères, qui a souhaité que ces négociations, habituellement limitées à la sphère gouvernementale, soient élargies aux parlementaires et aux acteurs du monde économique et culturel. Un groupe de travail « relations politiques » composé de députés et sénateurs des deux pays s'est donc réuni les 21 et 22 octobre et a fait plusieurs propositions en vue de renforcer les échanges parlementaires et la coopération juridique bilatérale. M. Georges Tron, président du groupe d'amitié, a largement participé à ces travaux, qui lui ont permis de rencontrer les parlementaires mexicains présents et de lancer avec eux les prémisses d'un nouveau dialogue. Il a présidé le dîner de clôture des travaux de la Commission à l'Hôtel de Lassay en présence de M. Luis Ernesto Derbez, Ministre des relations extérieures du Mexique. M. Georges Tron a pu ensuite retrouver certains élus à Mexico en novembre 2004 en accompagnant le Premier ministre français M. Jean-Pierre Raffarin au forum PME Futurallia des rencontres « France-Mexique-Québec ».

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La mission du groupe d'amitié s'était fixé un double objectif :

Etablir une relation institutionnalisée avec la Chambre des députés du Mexique :

A cette fin, elle a passé une journée complète au Palais législatif de San Làzaro où elle a rencontré les membres du groupe d'amitié Mexique-France et de la commission des affaires étrangères ainsi que les responsables des principaux groupes politiques. Elle a également participé à une réunion avec les commissions de l'économie, de la justice et des droits de l'homme.

Assurer un suivi de certaines des propositions lancées à Paris lors de la réunion de la Commission binationale France-Mexique sur les questions institutionnelles, la coopération juridique et judiciaire, l'implantation réciproque des PME et les échanges universitaires.

Afin de cibler les actions pouvant être mises en œuvre dans ces différents domaines, la délégation a eu un programme d'entretiens chargé tant à Mexico qu'en province.

Elle a eu l'honneur d'être reçue longuement et chaleureusement à deux reprises par M. Luis Ernesto Derbez, Ministre des relations extérieures, qui a apporté son entier soutien aux objectifs de la mission parlementaire. Ces entretiens ont fait apparaître une large convergence de vues sur les questions institutionnelles et multilatérales.

A Mexico, la délégation a rencontré les directeurs des relations internationales du Ministère de l'éducation, qui ont souligné l'impact exceptionnel des programmes de formation en France d'étudiants mexicains instituteurs, ingénieurs et techniciens supérieurs. Elle a participé à une réunion avec des membres du Conseil Supérieur Fédéral la Magistrature, dont certains revenaient d'un stage à l'Ecole Nationale de la Magistrature de Bordeaux. Elle a eu un déjeuner de travail avec les membres de la Chambre de commerce franco-mexicaine et a visité l'exposition sur la semaine nationale des PME avec la directrice générale du Ministère de l'économie responsable du développement international des PME.

En province, la mission a été reçue par les autorités municipales, judiciaires et parlementaires de l'État de Campeche, où elle a souhaité apporter son soutien au fonctionnement de la nouvelle école de droit créée par le tribunal de Campeche, dirigée par une magistrate francophone. Elle a pu dialoguer avec les étudiants de troisième cycle et jeter les bases d'un partenariat juridique bilatéral avec cette école, dont les enseignements sont inspirés de ceux de notre Ecole Nationale de la Magistrature. La visite parlementaire s'est achevée à Mérida, capitale de l'État du Yucatan, par des rencontres avec les Ministres locaux du tourisme et de l'économie, le Recteur et les étudiants de l'Université autonome du Yucatan et enfin le Président et le Directeur de l'Alliance française.

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* *

Les parlementaires français expriment leur profonde gratitude à toutes les personnes rencontrées au cours de leur séjour pour la chaleur de leur accueil et leur grande disponibilité. Ils remercient particulièrement M. Alain Le Gourriérec, ambassadeur de France à Mexico, et tous ses collaborateurs, notamment MM. Raphaël Trannoy et Benoist Chalet, qui ont brillamment assuré toute la logistique de la visite et veillé à son bon déroulement.

I - UNE DÉMOCRATIE SOLIDE EN PLEINE TRANSFORMATION

A/ L'évolution politique récente : le tournant de l'alternance politique

La victoire de Vicente Fox, membre du PAN (Parti d'Action Nationale, libéral), lors de l'élection présidentielle du 2 juillet 2000, a marqué un tournant dans la vie politique mexicaine en mettant fin à 71 ans d'hégémonie du PRI (Parti Révolutionnaire Institutionnel). Le PRI a en outre perdu pour la seconde fois en juillet 2000, après les élections législatives de 1997, la majorité absolue à la Chambre des députés. Cette transition démocratique s'est déroulée sans heurts et a entraîné un renforcement du pouvoir parlementaire, avec le corollaire d'une absence de majorité pour le Président de la République et son gouvernement.

Les élections législatives de juillet 2003 ont vu une progression du PRI, ce qui a encore réduit la marge de manœuvre du Président.

La prochaine étape décisive de ce processus aura lieu en juillet 2006 avec les élections présidentielles et législatives. Le défi du futur Président (Vicente Fox n'est pas rééligible) sera de réussir l'alternance politique complète avec la constitution d'une majorité de coalition, puisque le jeu politique paraît totalement ouvert.

Les institutions politiques fédérales se composent d'un Président de la République élu pour un mandat de six ans non renouvelable, d'un Congrès bicaméral composé d'un Sénat de 128 membres (4 Sénateurs par État élus pour un mandat de 6 ans non renouvelable, 3 sièges pourvus au scrutin uninominal direct, le 4ème étant attribué au premier parti minoritaire) et d'une Chambre des députés de 500 membres (mandat de 3 ans non renouvelable avec un système mixte, 300 députés élus par circonscriptions au scrutin majoritaire à un tour, 200 élus à la représentation proportionnelle régionale , aucun parti ne pouvant détenir plus de 300 sièges).

Répartition des sièges au Sénat :

Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI) 58

Alliance pour le changement (PAN + Parti écologiste) 53

Alliance pour le Mexique (PRD + Parti du travail, gauche) 7

Répartition des sièges à la Chambre des députés :

Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI) 222

Parti d'Action Nationale (PAN) 151

Parti de la Révolution Démocratique (PRD) 95

Parti écologiste 17

Autres 9

Parti du Travail 6

Le bilan du Gouvernement de Vicente Fox est très mitigé :

A son actif, un meilleur équilibre des pouvoirs publics avec un rôle accru du Parlement et du juge électoral, une économie puissante et stabilisée avec une dette publique maîtrisée et des finances publiques équilibrées, une diplomatie audacieuse et appréciée sur la scène internationale, notamment en matière de droits de l'homme et de respect de la démocratie.

En revanche, le Président a beaucoup déçu ses compatriotes en ne parvenant pas à mener à bien, faute de majorité au Congrès, les réformes qu'il avait promises en matière d'éducation, de droit du travail et de sécurité sociale, de lutte contre la criminalité et la corruption, d'énergie, de fiscalité, de budget et de règlement du conflit du Chiapas. Il n'a pas réussi à former les alliances politiques nécessaires qui lui auraient permis de faire adopter par le Parlement ses nombreux projets de réformes structurelles. L'absence d'expérience des trois principaux partis politiques à former des majorités de coalition sur des sujets où un consensus aurait dû être trouvé, a abouti à une paralysie des institutions et à une détérioration profonde du climat politique qui ont toutes les chances de perdurer jusqu'aux prochaines élections de juillet 2006.

Le Mexique est entré de facto depuis plusieurs mois déjà en campagne électorale. Le débat démocratique est intense et le jeu politique très ouvert, les trois principales forces politiques se gratifiant chacune d'au moins un tiers des suffrages. La mission parlementaire a pu constater fort heureusement que tous ses interlocuteurs politiques et économiques n'étaient nullement inquiets pour l'avenir et estimaient que, quelque soit le prochain Président élu (l'ancien Maire de Mexico Andres Manuel Lopez Obrador, candidat de gauche du PRD est actuellement en tête des sondages), tout en sachant que celui-ci n'aurait probablement pas de majorité derrière lui au Congrès, la démocratie mexicaine ne courait aucun péril. La délégation est convaincue que les Mexicains sauront progresser encore sur la voie de la maturité politique et mener à bien les réformes structurelles et institutionnelles indispensables à l'avenir du pays.

B/ Des réformes institutionnelles indispensables

La situation politique actuelle, à la veille des échéances électorales de juillet 2006, est donc caractérisée par un blocage des institutions essentiellement dû au tripartisme et à une législation électorale empêchant l'émergence d'une majorité au Congrès. Tous les acteurs de la vie politique mexicaine rencontrés par la mission en ont convenu et sont conscients qu'une réforme de la constitution est nécessaire, mais celle-ci doit recueillir les 2/3 des voix du Congrès et être ratifiée par la majorité des congrès des États fédérés.

Un des facteurs majeurs d'instabilité réside dans la règle absolue d'absence de possibilité de réélection immédiate aux différents mandats électoraux. Cette disposition - qui constitue un vieux tabou de la vie politique mexicaine - a des effets particulièrement dévastateurs à la Chambre des députés, où le mandat des députés n'est que de trois ans et où il n'existe pas de véritable fonction publique parlementaire pouvant assurer la continuité des actions engagées d'une législature à l'autre. Après une année « d'apprentissage » des rouages de la vie parlementaire, les députés disposent tout juste d'une autre année pour se consacrer à leurs tâches législatives, la troisième étant nécessairement consacrée à briguer un antre type d'élection ou à assurer leur avenir professionnel. C'est ainsi qu'aucune activité parlementaire suivie ne peut être réellement menée dans la durée et qu'aucune coopération régulière avec des homologues étrangers ne peut être assurée au niveau des groupes d'amitié comme de toute autre instance parlementaire.

Etant au surplus un État fédéral soumis à de nombreuses échéances électorales régionales (Gouverneurs, Congrès locaux, maires), qui interviennent à des dates différentes suivant les États, le Mexique se trouve de facto en campagne électorale permanente. Les efforts de négociation des états-majors politiques s'en trouvent perturbés et subissent en permanence des pressions « électoralistes » les empêchant de donner leur aval sur des projets gouvernementaux, qui ne sont pas toujours si éloignés de leurs propres programmes. De nombreux projets de réformes structurelles discutés au Congrès ont finalement échoué en fin de parcours suite au refus du parti majoritaire (PRI) ou de quelques parlementaires d'un bord ou de l'autre. Ce fut le cas d'une tentative de réforme électorale (que le PAN propose depuis 1946), des deux projets successifs de réforme fiscale, des réformes sur le secteur énergétique, le budget et la transparence financière, les télécommunications, l'éducation, le droit du travail et de la réforme constitutionnelle sur les droits des indigènes, qui toutes avaient été promises par le Président de la République au début de son mandat.

Ces carences pèsent sérieusement sur la santé économique du pays, caractérisée par de fortes inégalités sociales et régionales et dont le taux de croissance aurait besoin d'être supérieur (4,4 % en 2004) pour absorber les nouveaux entrants sur le marché du travail et amorcer une politique durable de lutte contre la pauvreté et la corruption. L'absence de réforme fiscale, dans un pays où la collecte fiscale est l'une des plus faibles d'Amérique latine, entre 10 et 12  % du PIB, handicape gravement les finances publiques. De même, le monopole de la Pemex en matière d'exploitation pétrolière empêche tout investissement étranger et risque de faire du Mexique un importateur de pétrole dans dix ans, alors que ses ressources énergétiques sont considérables.

Aux yeux de la mission parlementaire, la question constitutionnelle est cruciale, car elle conditionne la crédibilité des citoyens envers le monde politique. C'est pourquoi, elle a souhaité, en accord avec notre Ambassadeur à Mexico, qu'un groupe de travail de constitutionnalistes français et mexicains se réunisse prochainement à Paris ou à Mexico pour aider à la réflexion sur les réformes institutionnelles indispensables à mener dans nos deux pays. Le président Georges Tron a en effet à diverses reprises expliqué à ses homologues mexicains que la question de la réforme de notre constitution était également en débat chez nous, surtout depuis l'adoption du quinquennat présidentiel, qui a bouleversé l'équilibre des pouvoirs prévu par la constitution de 1958. M. Luis Enesto Derbez, Ministre des affaires étrangères, s'est montré très intéressé par cette proposition et désireux d'en connaître plus sur les expériences françaises. Il a décidé de mettre ce sujet à l'ordre du jour de la prochaine réunion de la Commission binationale franco-mexicaine, qu'il espère pouvoir réunir en février 2006 au Mexique.

II - UNE ÉCONOMIE PUISSANTE ET STABILISÉE, DOUBLÉE D'UN IMPORTANT SECTEUR INFORMEL

A/ Une excellente santé macro-économique trop méconnue des décideurs français

On ne sait pas suffisamment en France que le Mexique est un pays économiquement très puissant. Membre de l'OCDE, disposant de la 11ème population mondiale (105 millions d'habitants), il est la 10ème économie de la planète, avant la Corée, le Brésil, l'Inde ou la Russie. Son commerce est supérieur à celui de toute l'Amérique latine (Brésil inclus), avec des groupes industriels puissants contribuant à un PNB de 630 milliards de dollars en 2004 et un PIB par habitant de 6 100 dollars.

A la fin du mandat du Président Vicente Fox, le Mexique peut être fier de présenter des finances publiques équilibrées, une dette publique maîtrisée au prix d'un gros effort de remboursement anticipé et une inflation contenue (5 %). L'économie mexicaine semble avoir franchi un palier et se trouver désormais à l'abri des crises économiques et financières qui la frappaient périodiquement tous les six ans. La dernière en date fut la « crise tequila » de 1994/1995, qui mit à bas le système bancaire et détruisit la quasi-totalité de la classe moyenne émergente. Le secteur bancaire, totalement restructuré, est passé à 90 % sous le contrôle de grands groupes anglo-saxons et espagnols, et l'année 2004 a confirmé la confiance des marchés étrangers envers le Mexique. C'est le seul pays d'Amérique latine avec le Chili à bénéficier d'une notation par les agences en « investment grade ». Après trois années de stagnation, on note un retour à une croissance affirmée en 2004 (4 %), des exportations en hausse (14,5 %) et une reprise des investissements et de la production industrielle.

L'ALENA (accord de libre échange signé avec les États-Unis et le Canada en 1994) constitue un point positif vis-à-vis des marchés et a fait tripler les exportations mexicaines vers les États-Unis en dix ans, mais a aussi eu de graves conséquences en décimant les petits producteurs agricoles. La dépendance à l'égard du puissant voisin du nord est à la fois un atout et un facteur de vulnérabilité, que la montée de la concurrence asiatique a aggravée. La Chine, qui a accru ses parts de marché de façon exponentielle au Mexique et aux États-Unis, constitue une réelle menace pour la compétitivité de l'économie mexicaine (un exemple en est la délocalisation massive en Chine des « maquiladoras », usines d'assemblage textile).

Quatre ans et demi après l'entrée en vigueur de l'accord de libre échange avec l'Union européenne, le bilan paraît déséquilibré : les exportations de l'UE ont augmenté de 30 % mais celles du Mexique vers l'UE de 8 % seulement. La part de la France (1,2 % seulement, soit moins de la moitié de celle de l'Allemagne) place notre pays au 11ème rang des fournisseurs et au 17ème rang des clients du Mexique. Notre excédent commercial est de 877 millions d'euros et il est regrettable que les grands groupes industriels mexicains ne soient pas plus présents en France. La plupart des grandes entreprises françaises sont installées au Mexique, certaines avec d'ambitieux programmes d'investissements : St Gobain (10ème usine inaugurée en 2005), Lafarge, Danone, Renault, Peugeot, La Poste (développement du tri postal électronique)..., mais certaines en sont parties récemment : France Télécom, Carrefour. Actuellement, on compte 250 filiales de sociétés françaises dégageant un chiffre d'affaires de 11 à 12 Mds de dollars et employant environ 80 000 salariés. Or, ces chiffres reflètent des flux commerciaux en baisse, ce qui constitue un paradoxe compte tenu de l'excellence des relations politiques bilatérales.

La rencontre des parlementaires français avec les industriels français membres de la Chambre de commerce franco-mexicaine et les conseillers du commerce extérieur a mis en lumière l'incompréhension de ceux-ci devant le manque de connaissance des opportunités offertes par le marché mexicain de la part de la plupart des PME françaises. Tous se sont montrés confiants dans l'avenir économique et politique du pays, quels que soient les résultats des prochaines élections. Ils savent que les démarches administratives peuvent parfois être lentes et procédurières, entachées d'une certaine dose de corruption, que les produits issus de la contrefaçon sont nombreux, mais globalement tous sont satisfaits de leur présence et de leurs résultats dans un pays stable économiquement. Les retours sur investissements avec des partenaires locaux sont forts et rapides, pour peu qu'on fasse l'effort de bien comprendre les règles de fonctionnement du pays. De nombreux secteurs bien identifiés, où les Français sont performants, sont porteurs d'avenir : le secteur de l'eau, l'automobile, les transports urbains, le textile, les vins, l'exploitation pétrolière... Le potentiel du marché intérieur mexicain est très important avec, sur 100 millions de consommateurs, 20 ou 30 millions de personnes jouissant d'un niveau de vie « occidental ». Les chefs d'entreprises français ont également regretté l'absence d'intérêt des banques françaises à faciliter leur financement local, contrairement aux pratiques des banques des autres pays de l'Union européenne.

Les membres de la mission parlementaire se sont engagés à relayer à leur retour ces demandes auprès de leurs interlocuteurs ministériels et des décideurs économiques et bancaires français. Ils estiment qu'un effort important doit être fait pour faire évoluer en France l'image du Mexique et que les rencontres d'affaires sur le modèle de celles tenues à Mexico en novembre 2004 en présence des Premiers Ministres français et québécois, doivent être multipliées. 77 PME françaises y avaient participé et 40 % ont ensuite passé des contrats nouveaux, 21 % d'entre elles estimant avoir augmenté leurs ventes. De nombreuses structures publiques ou para-publiques d'information existent déjà, ainsi que d'excellentes initiatives privées, comme l'association « empresas francesas de Mexico » (qui regroupe 43 entreprises et sélectionne des projets sociaux ou culturels à aider), en matière de mécénat et de promotion de l'image du savoir-faire industriel français et des potentialités économiques mexicaines. Les membres de la délégation française demandent que la prochaine Commission bilatérale franco-mexicaine se penche à nouveau sur le développement des échanges d'informations destinés à favoriser l'implantation réciproque des PME-PMI françaises et mexicaines.

B/ Un secteur économique informel considérable dans un climat d'insécurité

Pays industrialisé, mais néanmoins pays en développement, le Mexique connaît aussi la grande pauvreté et ses corollaires : la violence, l'insécurité, la contrebande et la corruption.

La société mexicaine reste marquée par de très fortes inégalités sociales et régionales : 10 % de la population possède 80 % des richesses, alors que 40 % ne vit qu'avec moins de 2 dollars par jour ; la partie est du pays est beaucoup moins développée et les populations indigènes des campagnes et des bidonvilles souffrent d'un grave manque d'infrastructures au niveau santé, éducation, logement, emploi et hygiène de vie. L'économie informelle est estimée entre 25 et 40 % de l'activité, le sous-emploi touche 20 % des Mexicains et 16 % vivent dans l'extrême pauvreté avec un taux d'analphabétisme inquiétant. La crise financière de 1994 a entraîné l'effondrement de nombreuses PME et la disparition de la classe moyenne émergente. L'invasion des produits agricoles nord américains depuis l'entrée en vigueur de l'ALENA a en outre provoqué la ruine des petits producteurs locaux et des villages entiers se vident pour grossir les banlieues tentaculaires de Mexico ou courir le risque de l'immigration clandestine aux États-Unis.

M. Luis Ernesto Derbez, Ministre des relations extérieures a rappelé aux parlementaires français les efforts, jusqu'alors infructueux, menés par le Gouvernement mexicain pour inclure le problème migratoire dans les négociations de l'ALENA (chaque année 400 000 Mexicains passent clandestinement la frontière). Les quelque 20 millions de Mexicains qui vivent aux États-Unis - dont 5 ou 6 millions d'illégaux - ont envoyé l'an dernier à leurs familles au Mexique des fonds (« remesas ») d'un montant de 17 Mds de dollars (2,6  % du PIB). Ces transferts de devises sont en hausse importante en 2005 et pourraient atteindre les 20 Mds de dollars. Ils contribuent largement à doper la consommation intérieure et atténuer les effets du sous-emploi.

L'explosion de l'exode rural, provoqué par le chômage, a fait croître de façon exponentielle l'économie souterraine et est à l'origine de la dégradation des conditions de vie et de l'essor du crime organisé et de la corruption.

Le Mexique est un pays violent et les services de police ne parviennent pas à enrayer l'insécurité et la montée du trafic de drogue. De nombreux parlementaires mexicains dans la capitale et en province ont dénoncé l'insuffisante formation des policiers et des juges ainsi que les disfonctionnements entre les trop nombreuses entités chargées aux niveaux fédéral et local du maintien de l'ordre et de la lutte contre la criminalité. Les policiers sont peu formés, mal payés, donc aisément corruptibles, et n'ont aucun pouvoir coercitif sans instruction du parquet. Les compétences sont émiettées entre les différentes sortes de police, les Gouverneurs des États sont très jaloux de leurs pouvoirs de sécurité et ne sont pas rééligibles. De sérieux problèmes de structures se posent, qui une fois de plus, nécessiteraient une modification de la constitution. La crainte du syndrome colombien avec la constitution de grands réseaux de criminalité et de trafic de drogue se fait jour, malgré les reprises en mains, partiellement efficaces, tentées sous la présidence Fox.

La coopération franco-mexicaine en matière de formation de policiers donne toute satisfaction et va être intensifiée. Elle sera détaillée plus loin, de même que la formation des juristes et les projets d'échange d'expériences de magistrats, qui constituaient l'un des objectifs prioritaires de la mission et son déplacement auprès de la nouvelle école de droit de Campeche.

Les députées rencontrées au Palais législatif de Mexico ont particulièrement dénoncé la très grande violence à l'encontre des femmes au Mexique, allant de la mutilation aux crimes sexuels et aux assassinats qu'elles dénomment « féminicides ». Le nombre de femmes victimes de viol ou de tortures, puis assassinées, est considérable et pas seulement dans la région de la frontière nord américaine, à Ciudad Juarez, où les Nations Unies ont diligenté une enquête en 2004 dénonçant la passivité des autorités mexicaines locales et leur collusion avec les trafiquants de drogue. Les investigations menées ensuite au niveau fédéral n'ont guère donné de résultat pour l'instant. La députée Marcela Lagarde, présidente de la commission parlementaire spéciale sur les « feminicidios », a remis un dossier complet aux parlementaires français sur les travaux entrepris par la commission pour rechercher la vérité et les coupables ainsi que sur les relations parlementaires internationales nouées avec l'Espagne et le Guatemala pour créer « un réseau parlementaire pour le droit des femmes à une vie sans violence ». Le président Georges Tron et ses deux collègues féminines ont assuré la présidente de leur soutien dans ce combat permanent à mener partout pour la reconnaissance des droits des femmes. Ils ont affirmé que la délégation du groupe d'amitié était prête à relayer auprès de l'Assemblée nationale les actions engagées par la commission de la Chambre des députés mexicaine.

Partant du principe que nombre des défis de développement auquel le Mexique est confronté se posent également sous des formes différentes à notre pays, qui bénéficie pourtant d'une longue expérience démocratique, la mission du groupe d'amitié est convaincue que le dialogue et les échanges d'expérience par secteur d'activité peuvent contribuer à une prise de conscience des faiblesses de chaque pays et des réformes à y engager. C'est pourquoi, elle a voulu, lors de sa mission, appréhender les progrès qui pourraient être menés de concert plus particulièrement dans les domaines juridique, économique et éducatif, sans oublier l'ensemble des programmes de coopération bilatérale déjà existants.

III - UNE DIPLOMATIE RENOVÉE, CONFORTÉE PAR UNE EXCELLENTE RELATION AVEC LA FRANCE

Au cours de la présidence Vicente Fox, le Mexique a rénové sa diplomatie et cherché à jouer un rôle plus ambitieux sur la scène internationale. Alors que la première visite à l'étranger de la première présidence Bush avait été pour son homologue mexicain et que les deux présidents semblaient proches, la suite des relations américano-mexicaines a montré une certaine distance, marquée par une absence de solution au problème migratoire et aux violences et assassinats de Mexicains cherchant à passer clandestinement la frontière. Malgré les pressions américaines, le Mexique a soutenu sans faille les positions françaises au moment de la crise irakienne, lorsqu'il était membre non permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies en 2002-2003.

La politique étrangère mexicaine s'est caractérisée par une plus grande ouverture, en particulier vers l'Europe et l'Asie, une présence accrue sur les questions multilatérales, la participation à de nombreuses conférences internationales, une priorité donnée à la défense des droits de l'homme dans les enceintes internationales (vote contre Cuba à la commission des droits de l'homme de l'ONU).

Mais surtout, le Ministre des relations extérieures a indiqué à plusieurs reprises que la priorité de son pays était de parvenir à faire adopter une réforme globale de l'ONU, visant à renforcer sa capacité de prévention des crises par l'amélioration de la coordination entre ses différents organes.

D'une façon générale, la France et le Mexique font preuve d'une très grande convergence de vues sur les grands dossiers internationaux et les visites bilatérales de haut niveau se sont accrues (4 visites en France de Vicente Fox depuis 2000, 3 visites réciproques de chacun des Ministres des affaires étrangères depuis 2001, une visite du Premier Ministre français en 2004).

Entretiens de la mission avec M. Luis Ernesto Derbez,

Ministre des relations extérieures

Les députés français ont eu le privilège de rencontrer à deux reprises M. Derbez, une première fois au cours d'un long entretien au Ministère des relations extérieures, puis le lendemain, le Ministre s'est déplacé jusqu'à l'hôtel où ils étaient hébergés pour revoir avec eux et les députés mexicains les moyens de renforcer les échanges parlementaires et déterminer les thèmes de réflexion qui pourraient être proposés à la prochaine réunion au Mexique de la Commission binationale franco-mexicaine au début de l'année 2006.

Cette disponibilité exceptionnelle, doublée d'une franchise et d'une courtoisie extrêmes à l'égard des parlementaires français, montre bien l'attachement du Ministre à notre pays et sa volonté d'aider à l'institutionnalisation d'un dialogue au niveau parlementaire. La délégation du groupe d'amitié a été extrêmement sensible à ces marques d'honneur et de sympathie à son égard, et lui en est très reconnaissante.

Le Ministre a bien voulu répondre aux questions des parlementaires sur les questions multilatérales :

- sur la réforme des Nations Unies :

Il a rappelé l'attachement du gouvernement mexicain à une réforme globale des institutions onusiennes et manifesté son plein accord avec notre pays sur les réformes de la Commission des droits de l'homme et du Conseil économique et social. Il a en revanche fait part de sa déception et de sa surprise sur la position adoptée par la France quant à l'élargissement du Conseil de sécurité et son choix de soutenir la candidature brésilienne. Il a estimé qu'une concertation préalable était nécessaire entre pays d'Amérique latine pour choisir le pays qui représenterait le mieux la région au Conseil de sécurité et qui serait alors investi d'un mandat régional, ce qui lui donnerait plus de poids pour résister aux pressions des membres influents du Conseil. Le Mexique est favorable à une démocratisation du Conseil comprenant dix nouveaux sièges non permanents, assurant une meilleure représentation des régions mondiales et non pas de certains pays. Cette prise de position a semblé tout à fait raisonnable aux députés de la mission, qui estiment que notre diplomatie aurait gagné à être plus prudente en veillant à ne pas froisser inutilement un allié aussi fidèle que le Mexique.

Le Ministre a également réaffirmé l'importance de la réforme du Secrétariat de l'ONU, qui est mal engagée pour l'instant et court à l'échec si les pays concernés par une approche plus constructive ne se mobilisent pas plus. Le Mexique a pris l'initiative d'éviter un vote sur le sujet d'ici la fin 2005, car le contexte actuel est défavorable.

- sur le maintien de la paix et la lutte contre la pauvreté :

M. Derbez s'est montré très satisfait de la collaboration avec la France sur la formation des policiers en Haïti. Il a précisé que les succès des soldats mexicains envoyés pour aider aux secours après le passage de l'ouragan Katrina aux États-Unis, pouvaient préfigurer une évolution de la diplomatie mexicaine vers une participation de militaires mexicains aux opérations de maintien de la paix, par exemple en Haïti.

Il a manifesté son soutien à la proposition du Président Jacques Chirac pour une taxation des billets d'avion, comme nouveau mode de financement du développement et de la lutte contre la pauvreté.

- sur les négociations de l'OMC :

M. Derbez (qui, en tant qu'ancien Ministre de l'économie, avait présidé la conférence de Cancun) s'est montré pessimiste sur les chances d'aboutir à un accord à Hongkong. La réussite des négociations impliquerait de nouvelles concessions des États-Unis sur les subventions agricoles à contrebalancer par des concessions à ce dernier pays sur les subventions aux services, mais les Brésiliens y sont opposés. Le Ministre s'est cependant montré confiant dans les talents de négociateur de M. Pascal Lamy, qu'il connaît bien.

sur les questions migratoires avec les États-Unis :

La question est complexe et, en dépit d'un climat favorable des relations bilatérales, le ministre n'a pas d'espoir de conclusion d'un accord migratoire d'ici la fin 2005. Le Congrès américain y est majoritairement opposé, bien que certaines ouvertures se soient fait jour côté démocrate.

M. Derbez a également proposé un suivi des échanges parlementaires lors de la prochaine réunion au Mexique de la Commission binationale franco-mexicaine début 2006 :

Le président Georges Tron a fait part au Ministre de son souci de ne plus se satisfaire de simples échanges formels avec les parlementaires mexicains et de parvenir à établir des liens plus réguliers. Il lui a demandé si la prochaine Commission bilatérale, prévue au Mexique au printemps 2006, pourrait conserver le format élargi expérimenté à Paris en octobre 2004 avec la participation active de groupes de travail réunissant des parlementaires et des acteurs du monde industriel et culturel, afin de permettre au groupe d'amitié d'assurer un suivi des discussions et propositions engagées au cours de sa mission. Il lui a rappelé les difficultés des parlementaires français à entretenir une relation suivie avec leurs collègues mexicains, dont le mandat est de trois ans non renouvelables.

M. Derbez s'est montré disposé à favoriser une intensification des relations parlementaires et a aussitôt proposé de revoir la délégation française avec ses collègues mexicains pour examiner ensemble les thèmes qui pourraient être étudiés lors de la prochaine Commission binationale.

La délégation française a donc retrouvé le Ministre et plusieurs députés, notamment M. Carlos Flores Rico, président du groupe d'amitié Mexique-France, le mardi 4 octobre au soir après avoir passé la journée avec ses collègues mexicains au Palais législatif de San Làzaro.

M. Tron a fait un rapide panorama des nombreux échanges intervenus au cours des réunions tenues avec le groupe d'amitié Mexique-France, la commission des affaires étrangères et les commissions de l'économie et de la justice et des droits de l'homme. Il a détaché plusieurs thèmes sur lesquels des échanges d'information seraient poursuivis entre parlementaires :

- en matière de justice, la question des violences à l'encontre des femmes et la reconnaissance de leurs droits, l'engorgement des tribunaux et les jugements oraux mis en place au Mexique pour y remédier, les récidivistes criminels, la contrebande, les contrefaçons dans l'industrie de luxe...

- en matière économique, les dispositions prises pour favoriser l'implantation réciproque des PME-PMI, la transparence financière et la nouvelle présentation de la loi de finances au Parlement français ;

- en matière de réforme des institutions, la question (revenue à chaque rencontre) des modifications de l'équilibre des pouvoirs publics tant en France suite à l'adoption du quinquennat, qu'au Mexique avec l'insuffisance du dialogue entre l'exécutif et le législatif, l'absence de majorité au Parlement, l'interdiction de la réélection des élus.

M. Luis Ernesto Derbez a répondu que le thème de la réforme constitutionnelle lui paraissait prioritaire et qu'il s'interrogeait sur les réformes qui pourraient être proposées l'an prochain lors de la campagne électorale. Il s'est dit très intéressé par les expériences françaises et l'organisation de réunions avec des constitutionnalistes des deux pays, suggérée par notre ambassadeur.

Il a donné son accord, sous réserve de l'avis de son homologue français, qu'il n'a pas encore pu contacter, pour la tenue d'une Commission bilatérale élargie incluant les divers axes de réflexion évoqués, avec en priorité les réformes constitutionnelles et de l'État et également le sujet de l'intégration en Europe et des équilibres régionaux. Il a souhaité que la réunion de la Commission se tienne fin janvier 2006, car la campagne électorale au Mexique commencera en mars.

IV - PERSPECTIVES DE coopération BILATÉRALE DÉGAGÉES PAR LA MISSION PARLEMENTAIRE

La délégation du groupe d'amitié s'était fixé trois domaines principaux d'intervention, dans lesquels elle souhaitait voir renforcer la coopération franco-mexicaine (justice, échanges universitaires et implantation réciproque des PME) et connaître les suites données aux actions décidées lors de la réunion de la Commission bilatérale de novembre 2004 à Paris.

A/ coopération en matière de justice et de police

Au cours de leurs entretiens au Conseil Fédéral de la Magistrature et avec les députés de la commission de la justice et des droits de l'homme, les parlementaires français ont constaté que la justice souffrait des mêmes maux au Mexique et en France : insuffisance de moyens, engorgement des tribunaux, judiciarisation de la société. Les systèmes judiciaires diffèrent cependant sur plusieurs points : ainsi, le Ministère public, qui assure les poursuites judiciaires, est sous la dépendance de l'exécutif et entièrement séparé des juges, qui sont eux-mêmes administrés non pas par un ministre, mais par le Conseil Fédéral de la Magistrature (dirigé par le président de la Cour Suprême et six conseillers). Un projet de réforme de la justice a été déposé au Congrès depuis plus d'un an par le Président Vicente Fox, en vue de rendre l'appareil judiciaire plus efficace. Il propose notamment de mettre en place une procédure orale, (juicios orales), inspirée du droit anglo-saxon.

Deux des conseillers du CFM rencontrés par la délégation, revenaient d'un séminaire sur la qualité de la justice, organisé en langue espagnole, par l'Ecole Nationale de la Magistrature à Bordeaux et à Paris. Ils sont revenus très satisfaits de leur séjour, qui leur a permis de faire des comparaisons et de réfléchir à des réformes. Ils ont notamment relevé qu'en France les juges se consacraient entièrement aux fonctions judiciaires et étaient déchargés des tâches administratives. Ils ont aussi apprécié les qualités de réflexion et la bonne formation des magistrats français, notamment aux questions complexes et techniques (biogénétique, finances...).

A la suite de cette expérience positive, un projet d'échange de magistrats a été évoqué ainsi que des missions de magistrats français au Mexique. Les parlementaires français estiment essentiel que ce programme soit poursuivi et renforcé; rien ne saurait être en effet plus profitable que le partage d'expériences de carrières.

Proposition de partenariat juridique avec la nouvelle école de droit créée par le tribunal supérieur de Campeche

Souhaitant pouvoir appréhender concrètement les efforts engagés par les autorités mexicaines pour améliorer son système judiciaire, la mission du groupe d'amitié s'est rendue dans l'État de Campeche (golfe du Mexique) pour visiter la nouvelle école de droit créée par le tribunal de cet État et dirigée par une magistrate francophone, Mme Magdalena Quijano. L'objectif de la création de ces nouvelles écoles de droit (celle de Campeche est la seconde après celle de Mexico), intervenue depuis la réforme des carrières juridiques et judiciaires de 1994, est d'offrir une meilleure formation juridique et éthique aux juristes et personnels judiciaires. L'enseignement traditionnel du droit à l'université est resté très didactique et peu axé sur l'analyse juridique et la réflexion personnelle. La réforme s'inscrit donc dans le renforcement de l'État de droit et de la lutte contre la corruption, qui constitue l'une des priorités du gouvernement mexicain. Elle entre tout à fait dans les orientations de nos actions de coopération juridique centrées sur le développement de la connaissance des règles de déontologie et d'éthique des fonctionnaires mexicains.

L'école créée en 2004 sous l'impulsion du président du tribunal de l'État de Campeche, M. José Angel Paredes Echavarria, propose deux diplômes, reconnus au niveau national, en un ou deux ans pour des étudiants de troisième cycle, souvent déjà en activité. Elle offre une formation axée sur la déontologie professionnelle, la réflexion personnelle, l'étude de la jurisprudence et de la doctrine, la philosophie du droit. Pour les programmes d'enseignement, la directrice, qui a fait des études de droit et sciences politiques à l'université de Paris II, s'est inspirée des cursus de l'Ecole Nationale de la Magistrature. Elle aimerait pouvoir faire appel à des juristes conférenciers français.

Après avoir visité l'école, les députés français ont rencontré les étudiants et répondu à leurs questions. Celles-ci, fort nombreuses et diverses, ont bien montré l'attrait pour le modèle judiciaire français et l'inquiétude des étudiants quant à l'impartialité des magistrats et la nécessité de rétablir la confiance de l'opinion mexicaine dans sa justice.

La délégation du groupe d'amitié souhaite, en accord avec notre ambassade, que des experts juridiques français puissent venir faire des conférences à l'école, et que sa directrice et ses enseignants soient invités à participer à des séminaires judiciaires en France.

Les députés ont par ailleurs été satisfaits d'apprendre que la coopération policière était très active entre les deux pays et fonctionnait bien. Elle concerne surtout la formation des policiers aux techniques d'enquêtes criminelles et au maintien de l'ordre, la lutte contre le crime organisé, la police technique et financière, la déontologie policière. Elle permet d'établir d'excellentes relations de confiance avec les autorités fédérales et fédérées, ce qui est primordial dans un pays où l'insécurité se situe à un niveau élevé dans plusieurs domaines.

B/ coopération dans le domaine de l'éducation

La délégation parlementaire a été agréablement surprise d'apprendre que la demande d'apprentissage du français était en pleine expansion et exigeait déjà qu'un programme de formation de professeurs de français soit mis en place assez rapidement par nos soins. Après l'anglais, le français est la deuxième langue apprise dans le secondaire et à l'université, et tend progressivement à devenir obligatoire. Le nombre de visas délivrés à des étudiants mexicains poursuivant des études en France a augmenté après le voyage de M. Jean-Pierre Raffarin en 2004 (3 000 visas) et il est encore en hausse de 20 % cette année. En revanche, le Mexique ne compte que 1500 étudiants français, ce qui est trop peu.

Lors de leur rencontre avec les responsables des relations internationales du ministère de l'éducation, les députés ont apprécié la grande satisfaction de leurs interlocuteurs sur l'impact des programmes d'assistants de langue espagnole envoyés dans les collèges français et de techniciens supérieurs et d'ingénieurs accomplissant leur dernière année dans une grande école française. Les 150 assistants de langue et les 50 instituteurs (formés dans les IUFM) envoyés chaque année en France reviennent performants et aptes à dispenser ensuite une excellente formation à leurs collègues au Mexique. Les dirigeants mexicains demandent que les programmes de scolarité dans les grandes écoles françaises soient intensifiés et étendus à deux ans d'études sur place. Les étudiants rencontrés à l'Université autonome du Yucatan dans les domaines scientifiques sont également très satisfaits de leur séjour en France, qui leur a permis de revenir parfaitement francophones et réclament une reconnaissance des diplômes acquis dans notre pays.

Les responsables du ministère de l'éducation ont attiré l'attention des députés français sur l'insuffisance des programmes de bourses destinés aux jeunes Mexicains désirant étudier dans les lycées français. Les élèves, d'origine modeste, y apprennent parfaitement le français et le gouvernement mexicain demande un appui financier plus important pour satisfaire les demandes.

Les députés français insistent pour que notre pays consente un effort financier et humain plus substantiel dans le domaine de la coopération en matière d'éducation, surtout au niveau des échanges estudiantins, car l'avenir de l'ensemble de nos relations bilatérales en dépend directement.

C/ coopération économique et financière

Ce domaine a été déjà largement abordé dans les chapitres précédents et fera donc l'objet d'un simple récapitulatif :

- les parlementaires français se sont engagés à fournir toutes informations utiles à leurs homologues mexicains sur les nouvelles modalités d'adoption de la loi de finances qui doivent permettre un meilleur contrôle du Parlement sur l'action gouvernementale ;

- ils souhaitent de nouvelles propositions dans le domaine du respect des normes juridiques, afin d'aider les PME ;

- ils demandent que tout soit mis en œuvre pour favoriser les implantations réciproques de PME-PMI : amélioration de l'image de marque du Mexique auprès de nos industriels, démarches des députés auprès de l'Association Française des Banques et du ministère des finances... 

- ils proposent leur aide en matière d'échanges d'information et d'expérience pour les réformes structurelles nécessaires de l'économie mexicaine dans les domaines fiscal et énergétique.

CONCLUSION

La délégation du groupe d'amitié est revenue très satisfaite du déroulement de sa visite, dont le programme fut à la fois dense et prometteur. Elle a reçu partout un accueil chaleureux et exceptionnel, qui témoigne de l'amitié profonde entre les deux pays.

Elle espère que les nombreux contacts noués avec les députés mexicains pourront être approfondis l'an prochain lors de la tenue au Mexique de la Commission binationale franco-mexicaine, ainsi que l'a aimablement proposé M. Luis Ernesto Derbez, Ministre des relations extérieures.

Les relations franco-mexicaines ont atteint un niveau d'excellence au niveau politique, qui demande à être encore prolongé au niveau économique. Le groupe d'amitié s'emploiera à les favoriser et à mettre en lumière auprès de nos industriels les attraits de son puissant potentiel économique. Il s'attachera également à veiller, en liaison avec notre ambassade, à l'intensification des nombreux champs de coopération bilatérale, que cette mission lui aura permis de mieux appréhender.

Le Mexique est un ami fidèle de la France ; nous partageons les mêmes valeurs et les mêmes objectifs sur la scène internationale ; beaucoup de liens culturels profonds et anciens nous unissent. Cette mission aura montré que nous pouvons et devons aller encore beaucoup plus loin dans le rapprochement de nos relations politiques, parlementaires notamment, économiques et culturelles.

ANNEXES

1) Quelques repères historiques

2000-500 av J.C 1ère civilisation précolombienne : les Olmèques

250-950 apr J.C. Civilisation de Teotihuacan

10ème siècle Empire toltèque (capitale Tula)

1325 Unification du pays par les Aztèques, fondation de Mexico

1519-1521 Conquête du pays par l'espagnol Hernan Cortes

1523 Début de l'évangélisation par les missionnaires

1810 Début du mouvement pour l'indépendance

1821 Proclamation de l'indépendance

4 octobre 1824 Instauration de la République

1836 Perte du Texas qui proclame son indépendance

2 février 1848 Traité de Guadalupe : le Mexique cède aux États-Unis le Texas, le Nouveau-Mexique, la Californie, l'Utah, le Colorado et l'Arizona

1857 Elaboration d'une constitution libérale et laïque par Benito Juarez

1858-1861 Guerre de la Réforme entre Libéraux et Conservateurs qui endette le pays

1862-1867 Intervention des pays créanciers : France, Angleterre, Espagne. Les troupes françaises entrent à Mexico et Napoléon III offre la couronne d'Empereur du Mexique à Maximilien de Habsbourg en 1864

1867 Exécution de Maximilien. Retour de B. Juarez

1876-1911 Dictature de Porfirio Diaz

1910-1920 Révolution mexicaine sous la conduite des chefs paysans Emiliano Zapata et Pancho Villa

1929 Création du PNR, devenu ensuite PRM, puis PRI, Parti Révolutionnaire Institutionnel

1938 Nationalisation du pétrole et création de PEMEX

1968 Répression violente des manifestations d'étudiants

Septembre 1985 Violent séisme à Mexico (8 000 morts)

1er janvier 1994 Entrée en vigueur de l'ALENA, accord de libre échange avec les États-Unis et le Canada,

Début de l'insurrection zapatiste des Indiens du Chiapas avec L'EZLN (Armée Zapatiste de Libération Nationale) du sous-commandant Marcos

1994-1995 Grave crise financière et monétaire

Juillet 1996 Le PRI perd la majorité absolue au Congrès

2 juillet 2000........Election de Vicente FOX à la présidence de la République du Parti d'Action Nationale (PAN) Fin de 71 ans de domination politique du PRI

Entrée en vigueur de l'accord de libre échange UE-Mexique

Février 2001........ Marche sur Mexico des Zapatistes et échec de reprise des négociations avec les pouvoirs publics

Juillet 2006......... Prochaines élections législatives et présidentielles

2) Le Mexique en quelques chiffres

Pays fédéral (31 États et un district fédéral, dirigés par un Gouverneur élu pour six ans et des assemblées régionales). Régime présidentiel (Président de la République élu pour six ans) et un Congrès bicaméral.

Nom officiel : États-Unis du Mexique

Superficie : 1 972 546 km2

Population : 105 Millions d'habitants (2004)

Capitale : México (8,8 M d'habitants, 19 M avec la banlieue)

Villes principales : México, Guadalajarra, Monterrey, Puebla, Querétaro, Toluca

Langue : Espagnol et 67 langues locales

Monnaie : Peso

Fête nationale : 16 septembre

Croissance démographique : 1,3 %

Espérance de vie : 73,1 ans

Taux d'alphabétisation : 91,4 % (chez les plus de 15 ans)

Religion : 87,9 % de catholiques, 7,3 % de protestants, baptistes...

PIB : 645,8 Mds $ (2004)

PIB par habitant : 6150 Mds $ (2004)

Taux de croissance : 4,4 % (2004) ; 1,1 % (2003)

Taux de chômage : 3,8 % (2003)

Taux d'inflation : 5,2 % (2004) ; 4 % (2003)

Solde courant : - 8 Mds $ (2004) ; - 9,1 Mds $ (2003)

Balance commerciale : - 5,6 Mds $ (2003)

Principaux clients : États-Unis (88 %), Amérique centrale et du sud (4 %), UE (3,5 %)

Principaux fournisseurs : États-Unis (63,2 %), UE (9,9 %), Japon (5,5 %)

Part des principaux secteurs d'activités dans le PIB (2002) :

- Agriculture/mines : 4,9 %

- Industrie/construction : 21,7 %

- Services : 73,4 %

Exportations françaises vers le Mexique : 1 509 M € (2004) + 7,8 %

1 385 M € (2003)

Importations françaises depuis le Mexique : 631,6 M € (2004) + 3,8 %

609 M € (2003)

Dette publique : 51 % PIB (2004)

Dette externe : 26  % PIB (2003)

Communauté française en 2004 : 13 681 immatriculés

(non immatriculés estimés à 12 000)

Communauté mexicaine en France : environ 6 000

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N° 002-2006 - Rapport d'information présenté à la suite de la mission effectuée au Mexique du 2 au 8 octobre 2005 par une délégation du groupe d'amitié France-Mexique


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