Version PDF
Retour vers le dossier législatif

graphique

N° 892

--

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 juin 2003.

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES ET A L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES (1) SUR LE PROJET DE LOI (n° 885) portant réforme des retraites.

PAR Mme Claude GREFF

Députée.

--

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

Retraites : généralités.

La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes est composée de : Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente ; Mme Anne-Marie Comparini, M. Edouard Courtial, Mmes Geneviève Levy, Hélène Mignon, vice-présidents ; Mmes Brigitte Bareges, Muguette Jacquaint, secrétaires ; Mme Patricia Adam, M. Pierre-Christophe Baguet, Mmes Chantal Bourragué, Danielle Bousquet, M. Philippe Briand, Mmes Chantal Brunel, Martine Carrillon-Couvreur, M. Richard Cazenave, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Patrick Delnatte, Mmes Catherine Génisson, Claude Greff, Arlette Grosskost, M. Laurent Hénart, Mmes Conchita Lacuey, Marguerite Lamour, Martine Lignières-Cassou, Françoise de Panafieu, Béatrice Pavy, Valérie Pecresse, Bérengère Poletti, Josette Pons, Marcelle Ramonet, MM. Jacques Remiller, Bernard Roman, Jean-Marc Roubaud, Martial Saddier, Mmes Michèle Tabarot, Béatrice Vernaudon.

INTRODUCTION 5

I - LE MAINTIEN DES COMPENSATIONS FAMILIALES RÉPOND AUX INÉGALITÉS PERSISTANTES ENTRE HOMMES ET FEMMES DANS LES RETRAITES 7

A. DES INÉGALITÉS PERSISTANTES ENTRE HOMMES ET FEMMES, MALGRÉ UN LENT RAPPROCHEMENT 7

1. Dans le niveau des pensions 10

2. Des remises en cause récentes. Intervention du droit communautaire 12

3. Un avantage à protéger : la pension de réversion 14

II - LES MESURES SPÉCIFIQUES CONCERNANT LES FEMMES DANS LE PROJET DE LOI PORTANT RÉFORME DES RETRAITES 15

A. UNE AMÉLIORATION DE LA SITUATION DES CONJOINTS SURVIVANTS 16

1. Assouplissement et simplification des procédures dans le régime général (article 22) 16

2. Prise en compte de l'égalité de traitement homme/femme pour la réversion dans les régimes de la fonction publique (articles 37 à 41) 17

3. Le problème du niveau de la réversion et son évolution 17

B. LA MODERNISATION DES AVANTAGES FAMILIAUX. L'INTERVENTION DU DROIT COMMUNAUTAIRE 18

1. La bonification de durée d'assurance ; les solutions proposées (articles 27 et 31) 19

2. Les départs anticipés à la retraite et l'égalité de traitement homme/femme 21

3. Des améliorations à proposer 22

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES PAR LA DÉLÉGATION 27

ANNEXE I : LISTE DES PERSONNALITÉS ENTENDUES PAR LA DÉLÉGATION ET COMPTES RENDUS DES AUDITIONS 31

ANNEXE II : LES AVANTAGES FAMILIAUX ET CONJUGAUX DANS LES PRINCIPAUX RÉGIMES DE RETRAITES 107

Mesdames, Messieurs,

_ Les femmes occupent une place centrale dans le régime de retraite par répartition, qui repose en grande partie sur elles, tant par l'accroissement de leur activité professionnelle et de leurs capacités contributives que par le renouvellement des générations qu'elles assurent. Du fait de cette dernière responsabilité, une place à part leur est reconnue depuis longtemps dans les différents régimes de retraite.

_ Cependant, malgré l'accroissement considérable depuis une vingtaine d'années du taux d'activité des femmes, qui leur a permis d'acquérir des droits propres de plus en plus importants en matière de retraite, de fortes souci d'équité entre les régimes et d'égalité de traitement entre hommes et femmes.

En effet, certains de ces avantages ont été récemment remis en cause, en particulier dans les régimes des retraites de la fonction publique, par la jurisprudence communautaire, en vertu du principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes. Le Gouvernement en a tenu compte dans le projet de loi.

_ Saisie par le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociale du projet de loi portant réforme des retraites, la Délégation aux droits des femmes a souhaité s'informer sur la situation faite aux femmes dans les régimes de retraites. Elle a entendu sur ce problème un certain nombre de personnalités et de représentants d'associations et d'organisations professionnelles (1).

Les récents travaux du Conseil d'orientation des retraites sur les avantages familiaux et conjugaux, puis sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes ont été particulièrement utiles à l'information de la Délégation, mettant en lumière les problématiques et leur évolution sur le long terme, compte tenu des changements démographiques, des transformations sociales et des adaptations nécessaires au droit communautaire.

I - LE MAINTIEN DES COMPENSATIONS FAMILIALES RÉPOND AUX INÉGALITÉS PERSISTANTES ENTRE HOMMES ET FEMMES DANS LES RETRAITES

A. DES INÉGALITÉS PERSISTANTES ENTRE HOMMES ET FEMMES, MALGRÉ UN LENT RAPPROCHEMENT

Un premier constat s'impose : les femmes dans les retraites sont particulièrement désavantagées par rapport aux hommes. Une étude récente de la DREES (2) sur le montant des retraites perçues en 2001 donne un aperçu révélateur de ces inégalités, souvent mal connues.

1. Dans le niveau des pensions

Si, en 2001, le montant global brut de pension est en moyenne de 1 126 euros par mois (avantages compris), les femmes avec 848 euros mensuels, disposent d'un montant inférieur de 42 % à celui des hommes (1 461 euros).

S'agissant des droits directs, acquis en contrepartie des années de cotisation (650 euros pour les femmes ; 1 383 euros pour les hommes), le rapport est de 47 %. Même s'il s'agit de carrières complètes, l'écart entre hommes et femmes pour la pension de droit direct est encore de 33 %.

Pour les femmes salariées du secteur privé, qui ont eu des carrières courtes, ayant interrompu leurs activités professionnelles pour élever leurs enfants, et qui ont donc peu cotisé, l'écart moyen des pensions de droit direct entre hommes et femmes est de 63 femme, seule et âgée. De nombreuses femmes sont dans cette situation. En 1998, on estimait à 760 000 le nombre de bénéficiaires du minimum vieillesse, dont 70 % étaient des femmes - soit environ 540 000. Une centaine de mille vivaient en couple et 400 000 étaient seules, probablement des veuves relativement âgées."

En revanche, plus les femmes retraitées sont jeunes, plus elles bénéficient de pensions élevées, en raison de l'allongement de la durée de carrière et de durée de cotisation et aussi en raison de l'élévation des diplômes et qualifications.

Ainsi, les femmes âgées de 60 à 64 ans ont un montant moyen de retraite et une durée moyenne d'assurance nettement plus élevés que la classe d'âge suivante, âgée de 65 à 69 ans. Ceci s'explique non seulement par l'effet d'une activité professionnelle accrue, mais par le fait, poursuit l'étude, que beaucoup de femmes qui ont eu des trous de carrière et touchent de petites retraites, diffèrent la liquidation de leurs droits jusqu'à 65 ans, car, dans le régime général, le départ avant 65 ans est très pénalisant (application d'un coefficient d'anticipation - décote - pour les annuités manquantes).

_ A la différence entre les âges, s'ajoutent de grandes différences entre les régimes de retraite auxquels les femmes sont affiliées.

Ainsi, les femmes fonctionnaires, même si les montants de leurs pensions restent inférieurs à ceux de leurs collègues masculins, perçoivent des retraites nettement supérieures à celles des femmes retraitées salariées du secteur privé, de 2,8 fois selon l'étude de la DREES et 1,7 fois pour les carrières complètes.

Pour leur part, les femmes non salariées, agricultrices, commerçantes ou femmes artisans, ne bénéficient que de prestations particulièrement réduites. Elles perçoivent par mois respectivement 298 euros, 312 euros et 272 euros, ayant cotisé sur une faible base de revenus et pour des durées d'assurance beaucoup plus courtes que celles des hommes.

Mme Karen Serres, vice-présidente de la commission nationale des agricultrices de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, a apporté le témoignage suivant : "Pour les agricultrices qui bénéficient de la revalorisation, la retraite est d'environ 460 euros par mois. Mais un très grand nombre d'agricultrices n'ont pas pu avoir la revalorisation, car leur carrière était courte. Il faut savoir que les femmes deviennent souvent agricultrices, - c'était surtout le cas autrefois -, après s'être mariées à un agriculteur. C'est un choix de vie qui se fait parfois tardivement ; donc, les carrières sont plus courtes. Pour celles qui ont des carrières courtes, et qui n'ont pas pu bénéficier de la revalorisation, la moyenne de retraite est de 196 euros par mois".

Le temps partiel, plus souvent imposé à l'embauche que choisi pour s'occuper des enfants, pénalise lourdement la carrière des femmes qui constituent 80 % des salariés à temps partiel, tandis que le chômage les frappe davantage que les hommes.

Les carrières incomplètes des femmes réduisent la durée de cotisation et le montant des prestations de retraite. Maternité, soins aux jeunes enfants, éducation entraînent des interruptions de carrière, particulièrement à partir de trois enfants, tandis que le retour au travail, notamment après un congé parental, est particulièrement difficile.

Ainsi, de nombreuses femmes, en particulier les plus jeunes, peu insérées sur le marché du travail, alternent emplois à temps partiel et périodes de chômage. Le taux d'activité des femmes, qui est de 84 % avec un enfant et 75 % avec deux enfants, n'est plus que de 50 % avec trois enfants et plus.

Ces constats, cependant, doivent être tempérés. Les disparités de retraites entre hommes et femmes, du fait d'une amélioration de la situation des femmes sur le marché du travail, tendraient à diminuer. Selon des projections établies par l'INSEE, alors que les femmes, au milieu des années quatre-vingt-dix, disposaient d'une retraite à peine égale à 60 % de celles des hommes (en incluant les droits dérivés), en 2020, leur pension moyenne représenterait environ 78% de celle des hommes, en raison d'un taux accru d'activité (en particulier des mères de famille jusqu'à trois enfants), entraînant une durée moyenne de cotisation nettement supérieure.

A l'horizon 2020, "il ressort de ces projections, a souligné Mme Anne-Marie Brocas, un allongement moyen des durées d'assurance qui serait de cinq ans pour les femmes. En 2000, on estime que les femmes, en moyenne, valident 121 trimestres, et que les nouvelles retraitées valident un peu plus de 130 trimestres... Alors que pour les hommes la durée validée est de 166 trimestres en moyenne."

B. LES AVANTAGES FAMILIAUX ET CONJUGAUX : DES COMPENSATIONS JUSTIFIÉES ; UNE MISE EN œUVRE COMPLEXE ET ÉVOLUTIVE  

Le terme d'"avantages" familiaux et conjugaux est discutable, car il suppose une notion de privilège, alors qu'il s'agit davantage de "compensations" liées d'une part au fait d'avoir eu ou d'avoir encore des charges de famille, d'autre part au décès du conjoint assuré et à la nécessité d'assurer au survivant un certain niveau de vie.

1. Des compensations justifiées ; des avantages non négligeables

__ Les avantages familiaux qui existent dans tous les régimes de retraites, répondent à plusieurs logiques d'ordr lendemain de la guerre, dans le but d'encourager la natalité. Il s'agissait aussi de compenser pour les familles nombreuses les difficultés à se constituer une épargne ou un patrimoine.

b) La majoration de durée d'assurance (MDA) (un an par enfant dans la fonction publique, deux ans dans le régime général) est accordée exclusivement aux mères de famille, qu'elles aient ou non interrompu leur activité professionnelle. Mise également en place dans la fonction publique en 1924 dans une optique nataliste (4), elle a été étendue au régime général à raison d'une année par enfant pour les assurées ayant élevé au moins deux enfants, puis étendue, par la loi du 3 janvier 1975, à deux ans par enfant dès le premier enfant, à une époque où s'est accru rapidement le taux d'activité des femmes ayant des enfants.

Pour les mères de famille, interrompant leur activité professionnelle, il fallait apporter une compensation à cette interruption et à la moindre acquisition de droits personnels, tout en reconnaissant aux mères de famille actives les lourdes charges cumulées du travail et des enfants.

c) Quant à l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), elle répond aussi à une logique de compensation salariale et de politique familiale.

Créée en 1972 pour les mères de famille inactives, puis étendue aux pères de famille en 1985, l'AVPF a été conçue pour garantir, à la personne qui cesse ou réduit son activité professionnelle pour s'occuper d'un ou plusieurs enfants, une continuité dans la constitution des droits à retraite.

Le bénéfice de cette assurance est conditionné par l'accès à certaines prestations familiales et soumis indirectement à des conditions de ressources. Pendant les périodes d'inactivité, c'est la branche famille de la sécurité sociale qui cotise à l'assurance vieillesse sur la base du SMIC.

L'affiliation à l'AVPF, automatique, est destinée aux familles qui ont un enfant de moins de trois ans ainsi qu'aux familles nombreuses à partir de trois enfants. Les annuités validées sont de trois ans maximum par enfant ; elles sont cumulables avec la MDA.

_ Ces compensations représentent une part importante du montant des pensions versées et concernent de nombreux bénéficiaires.

D'après une étude récente du ministère de l'Economie et des Finances, les sommes versées au titre des avantages familiaux représentent 11 à 12 milliards d'euros, soit environ 7 % du total des pensions (2 milliards d'euros pour le régime des fonctionnaires et 7 % du total des pensions civiles et militaires).

Les bonifications de 10 % concernent actuellement 45 % de pensionnés et les majorations d'assurance, e les effets de la majoration de durée d'assurance et l'assurance vieillesse des parents au foyer pour une salariée du secteur privé, on aboutit à sept ans de durée d'assurance validée au régime général." L'avantage est substantiel en terme de durée, même si la validation ne donne pas de droits importants en terme de salaire (validation au niveau du salaire moyen dans le régime général et, pour l'AVPF, validation au niveau du SMIC).

Les majorations d'assurance, par ailleurs, permettent d'atteindre plus facilement le taux plein au soixantième anniversaire de l'assurée ou peu après, si la durée d'assurance est légèrement inférieure à quarante ans.

Si la durée d'assurance est nettement inférieure à quarante ans lors du soixantième anniversaire de l'assurée, la majoration ne permettra pas forcément d'obtenir le taux plein dès soixante ans, mais souvent à soixante-cinq ans.

2. Des remises en cause récentes. Intervention du droit communautaire

_ Disparités entre les régimes (régimes de base et régimes complémentaires) (5)

Les compensations, superposées car acquises à des époques différentes, ont creusé des inégalités entre les assurés suivant leurs régimes d'affiliation et l'intervention des régimes complémentaires.

- Disparités entre les avantages familiaux du régime général et ceux des fonctionnaires civils de l'Etat.

Si la bonification de 10 % est la même dans les deux régimes, la majoration d'assurance est de deux années par enfant élevé dans le régime général et d'un an dans la fonction publique.

Cependant les modalités de calcul de la MDA tempèrent cette différence : dans le régime général, la majoration n'intervient que pour la retraite de base (l'avantage n'existant pas dans les régimes complémentaires), alors qu'elle intervient dans la fonction publique sur la totalité de la retraite.

La possibilité de départ anticipé après quinze années de services pour les mères de famille d'au moins trois enfants n'existe que dans les trois fonctions publiques (d'Etat, territoriale et hospitalière). Il s'agit là d'un avantage fort par rapport au régime général, d'ailleurs assez largement utilisé.

- Disparités avec les régimes des artisans, commerçants et non salariés agricoles

La complexité des statuts offerts aux femmes conjointes dans ces professions non salariées, leur affiliation souvent tardive et les faibles durées de cotisations ont conduit à la cr&eacut font-size: 10pt">- que les pensions servies par le régime français de retraite des fonctionnaires, considérées comme des rémunérations, entraient dans le champ d'application de l'article 141 du traité d'Amsterdam sur le principe d'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins pour un même travail ;

- que les dispositions du code des pensions civiles et militaires limitant aux seules femmes fonctionnaires le bénéfice de la bonification de la durée d'assurance étaient incompatibles avec le principe d'égalité des rémunérations : "Nonobstant les stipulations de l'article 6 paragraphe 3. de l'accord sur la politique sociale, le principe d'égalité des rémunérations est méconnu par une disposition telle que l'article L. 12, sous b), du Code des pensions civiles et militaires de retraite, en ce qu'elle exclut du bénéfice de la bonification qu'elle instaure pour le calcul des pensions de retraite les fonctionnaires masculins qui sont à même de prouver avoir assumé l'éducation de leurs enfants."

Le Conseil d'Etat, par un arrêt de juillet 2002, suivant la jurisprudence de la Cour, a reconnu au requérant (M. Griesmar, un magistrat retraité qui avait demandé l'annulation de son arrêté de liquidation de pension, au motif qu'il n'avait pas été tenu compte de la bonification pour enfants réservée aux femmes) le droit de bénéficier de ces bonifications pour les trois enfants qu'il avait élevés.

Une extension aux hommes fonctionnaires, dans les mêmes conditions qu'aux femmes, de la bonification de durée d'assurance serait lourde de conséquences d'ordre financier.

Une suppression pure et simple de cette disposition favorable aux femmes n'étant pas à envisager, le nouveau dispositif devra respecter le droit communautaire sans porter atteinte aux acquis des femmes fonctionnaires.

3. Un avantage à protéger : la pension de réversion

La garantie pour les veuves d'un certain niveau de vie, après le décès de leurs conjoints, est assurée par l'octroi de pensions de réversion.

Tous les régimes de retraite mettent en œuvre des systèmes de réversion, qui concernent 3,5 millions de veuves et 600 000 veufs, pour une pension moyenne d'environ 455 euros par mois.

Mais le taux (entre 50 et 60 %) et les conditions retenues sont très variables d'un régime à l'autre :

- dans la fonction publique, le droit à réversion au taux de 50 % pour les femmes, est acquis sans condition d'âge ou de ressource. Mais pour les veufs, la pension de réversion, plafonnée, n'est accordée qu'à 60 ans.

- dans le régime général, le taux modicité des pensions de réversion, des garanties ont été prévues par le complément du minimum vieillesse pour de nombreuses veuves dont les pensions de retraite sont faibles et par l'intervention de l'assurance veuvage, si la veuve n'a pas atteint 55 ans.

L'application des règles très strictes de plafonds tend, dans le régime général, de plus en plus à faire de la pension de réversion une allocation compensatoire, et non plus un droit basé sur les cotisations du conjoint décédé.

Des adaptations aux règles de réversion apparaissent aujourd'hui nécessaires, en particulier pour tenir compte du principe de l'égalité entre hommes et femmes dans la fonction publique, et dans le souci de rapprocher les conditions d'octroi de la réversion du régime général de celles du régime de la fonction publique plus favorables.

II - LES MESURES SPÉCIFIQUES CONCERNANT LES FEMMES DANS LE PROJET DE LOI PORTANT RÉFORME DES RETRAITES

Les orientations présentées dans l'exposé des motifs du projet de loi répondent au souci de préserver l'équité et l'esprit de justice sociale dans les régimes de retraite. A cet égard, s'agissant des femmes, les objectifs sont :

- d'améliorer la situation des conjoints survivants ;

- de maintenir et moderniser les avantages familiaux.

_ D'autres dispositions du projet de loi, sans viser les femmes en particulier, les concernent principalement. Ainsi la meilleure prise en compte du travail à temps partiel pour le calcul de la retraite bénéficiera majoritairement aux femmes, qui, pour un tiers d'entre elles, occupent un emploi à temps partiel.

- Dans le régime général, un tiers de temps au SMIC permet de valider quatre trimestres par an en termes de durée d'assurance, mais sur la base du salaire effectivement gagné. Le passage au calcul de la pension sur les vingt-cinq meilleures années qui, pour beaucoup d'entre elles, risque de prendre en compte un certain nombre d'années à temps partiel, aura donc des conséquences défavorables sur le calcul de la retraite.

Cependant, l'article 23 du projet de loi permettra de mieux prendre en compte le temps partiel en ouvrant aux salariés déjà employés à temps partiel ou embauchés à temps partiel la possibilité de compléter leurs droits à pension de retraite, avec possibilité de prise en charge par l'employeur de la part salariale complémentaire.

- Dans la fonction publique, les femmes travaillant à mi-temps valident non pas un an, mais six mois. L'article 32 du projet de loi permettra désormais de décompter les périodes de services accomplis à temps partiel comme des périodes de services à temps complet.

Le corollaire en est la suppression de l'assurance veuvage, qui ne se justifie plus. La cotisation de 0,1 % à la charge des salariés est transférée à l'assurance vieillesse.

Une période transitoire est prévue. Afin de ne pas léser les bénéficiaires, au 1er janvier 2004, de l'assurance veuvage, les prestations leur seront servies jusqu'à leur terme, et l'allocation veuvage continuera d'être attribuée pendant la phase transitoire aux personnes qui ne remplissent pas la condition d'âge.

_ La prise en compte des situations familiales

L'article 22 supprime à la fois la condition d'une durée du mariage de deux années et celle d'absence de remariage. Ces dispositions, positives, tiennent compte d'une évolution rapide des situations familiales et de la multiplication des cas de divorce.

Le conjoint survivant, remarié ou non, devra seulement satisfaire à des conditions de ressources qui seront les siennes propres ou celles du ménage.

_ Un seul plafond de ressources

Le conjoint survivant pourra prétendre à la pension de réversion si ses ressources personnelles, ou celles du ménage, n'excèdent pas un plafond fixé par décret. (Par ménage, il faut entendre le couple, légitime ou non).

Les conditions de ressources personnelles précédemment fixées et de cumul avec un avantage personnel de vieillesse, rigoureuses et très complexes, sont remplacées par un plafond unique.

S'agissant du cumul de la pension de réversion avec des avantages de vieillesse ou d'invalidité, une allocation différentielle par rapport au plafond de ressources sera versée.

Le plafond, unique pour tous, permettra de traiter à l'identique tous les veufs(ves).

2. Prise en compte de l'égalité de traitement homme/femme pour la réversion dans les régimes de la fonction publique (articles 37 à 41)

Jusqu'à présent, les veufs de femmes fonctionnaires n'avaient accès à la pension de réversion que sous condition d'âge (60 ans) et avec plafonnement des ressources (760 euros mensuels environ).

En application du principe du droit communautaire de l'égalité de traitement entre hommes et femmes, ils bénéficieront désormais des mêmes conditions d'attribution de la réversion que les veuves de la fonction publique, sans condition d'âge, ni de ressources.

3. Le problème du niveau de la réversion et son &eac modulé pour tenir compte du nombre d'enfants restant à la charge des veuves mères de famille.

_ La pension de réversion, considérée comme un droit ouvert par les cotisations du conjoint et proportionnel à la retraite, devient progressivement une allocation différentielle, attribuée ou supprimée selon les ressources du conjoint survivant, qui seraient régulièrement contrôlées.

Cette évolution est dénoncée par la Fédération des associations de conjoints survivants, qui y voit le passage d'un droit à "une aide sociale, révisable périodiquement en fonction des ressources des intéressées".

_ Le taux de la pension de réversion du conjoint survivant, fixé à 54 % de la pension principale dont bénéficiait ou eût bénéficié l'assuré décédé, n'est pas modifié par le projet de loi.

Un relèvement à terme de ce taux à 60 % apparaît souhaitable. Déjà envisagé lors du vote de la loi de sécurité sociale du 25 juillet 1994, ce taux, retenu dans les régimes complémentaires, répond à l'une des principales revendications des associations de veuves civiles, car il permet d'assurer au conjoint survivant un niveau de vie équivalent à celui du couple.

_ La suppression de la condition d'âge aurait toute sa portée si les régimes complémentaires (ARRCO et AGIRC) alignaient leur réglementation sur cette nouvelle disposition.

Actuellement, l'âge d'accès à la pension de réversion est de 55 ans à l'ARRCO, de 55 ans à taux réduit et 60 ans à taux plein à l'AGIRC. Il n'y a pas de condition d'âge, si le survivant est invalide ou s'il a deux enfants à charge de moins de 21 ans.

Le coût devrait en rester modéré pour ces régimes, comme l'a souligné le rapport de la Cour des Comptes 2000. En effet, la règle actuelle qui supprime la condition d'âge lorsque le conjoint survivant a deux enfants à charge, atténue déjà fortement l'incidence de la condition d'âge à 55 ans.

B. LA MODERNISATION DES AVANTAGES FAMILIAUX. L'INTERVENTION DU DROIT COMMUNAUTAIRE

Les avantages familiaux ne sont pas mis en cause par le projet de loi. Ils sont aménagés et modernisés, dans une perspective dynamique qui tient compte de l'évolution démographique, du travail accru des femmes et du respect de l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes.

1. La bonification de durée d'assurance ; les solutions proposées (articles 27 et 31)

La mise en œuvre du droit communautair réviser des mesures favorables aux femmes, en revenant sur un avantage dont elles bénéficieraient par rapport aux hommes.

Etendre mécaniquement la bonification à tout fonctionnaire, père de famille, pouvant prouver, comme l'a fait M. Griesmar, qu'il a éduqué ses enfants, aurait de lourdes conséquences financières. Selon M. Jean-François Rocchi, pour 2010, une telle mesure entraînerait environ 700 millions d'euros de dépenses supplémentaires pour l'Etat, et plus d'un milliard d'euros, si la bonification était étendue aux fonctions publiques territoriale et hospitalière. Ce chiffre est à comparer au coût de 13 milliards d'euros de la réforme des retraites pour les fonctionnaires.

Pour ces raisons, il était impossible techniquement et financièrement d'étendre la bonification aux hommes. D'où la recherche d'un compromis permettant pour le passé, de ne pas porter atteinte aux acquis des femmes, tout en respectant l'égalité entre hommes et femmes et, pour l'avenir, d'accorder aux hommes des avantages strictement identiques à ceux des femmes.

C'est ce compromis qui est proposé par le projet de loi (articles 31 et 27).

- Pour le passé, c'est-à-dire pour les enfants nés ou adoptés avant le 1er janvier 2004, la bonification est maintenue et étendue aux hommes sous la condition, pour les femmes comme pour les hommes, d'une interruption effective d'activité professionnelle. Un décret en Conseil d'Etat fixera ces conditions.

La rédaction de l'article 31 diffère très sensiblement de celle retenue par l'article 32 de l'avant-projet de loi, qui énumérait la durée et les possibilités d'interruptions de carrière : durée au moins égale à deux mois, dans le cadre d'un congé pour maternité, pour adoption ou d'un congé parental, c'est-à-dire des congés directement liés à l'éducation des enfants. La quasi-totalité des femmes ayant des enfants auraient été couvertes par ces dispositions - toutes s'étant arrêtées au moins le temps du congé maternité - ainsi que les hommes ayant bénéficié effectivement de ces congés.

Ces précisions ne figurent plus dans l'article 32. Une incertitude demeure quant aux conditions de la bonification pour enfants, tant pour les hommes que pour les femmes.

Il importe, pour le passé, qu'il ne soit pas porté atteinte à un avantage important pour les femmes, acquis depuis longtemps, étendu au régime général, et dont ont bénéficié, en 2001, 87 % des femmes fonctionnaires parties en retraite.

- Pour l'avenir, c'est-à-dire pour les enfants nés après le 1er janvier 2004, la solution retenue, a précisé M. Jean-François Rocchi, répond moins à des préoccupations familiales qu'au souci de compenser les désavanta maladie ou d'un handicap grave ou victime d'un accident grave nécessitant des soins contraignants),

- la disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans.

Les modalités de prise en compte de ces périodes seront précisées par décret en Conseil d'Etat.

_ L'article 27 ouvre droit à validation d'interruptions de carrière, lorsque ces périodes sont consacrées à l'éducation d'un enfant. D'autres situations cependant, qui ne sont pas liées directement aux enfants mais à des obligations conjugales ou familiales, pourraient être prises en compte :

- congé pour suivre son conjoint,

- congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie. C'est en effet le plus souvent aux femmes qu'incombe la charge des soins aux parents âgés et malades.

2. Les départs anticipés à la retraite et l'égalité de traitement homme/femme

_ Le droit à la retraite anticipée lorsque le conjoint est atteint d'une maladie incurable (article 34).

La mise en œuvre du droit communautaire concernant l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes se traduit également par une modification des dispositions de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires sur le droit à une retraite anticipée des femmes fonctionnaires pour soigner un conjoint malade.

Dans l'affaire Mouflin (M. Mouflin, fonctionnaire s'était vu refuser ce droit), la CJCE a estimé que "le principe d'égalité des rémunérations était méconnu par l'article L. 24-I-3°, puisque formellement la situation d'un homme fonctionnaire et celle d'une femme fonctionnaire dont le conjoint est atteint d'une maladie incurable paraissent comparables." (CJCE, Mouflin c/France, 13 décembre 2001).

L'article 34 du projet de loi met donc, sur ce point, en conformité le code des pensions civiles et militaires avec le droit communautaire. Est étendue aux hommes la possibilité d'un départ anticipé, lorsque le fonctionnaire ou son conjoint est atteint d'une infirmité ou d'une maladie incurable le plaçant dans l'impossibilité d'exercer une profession quelconque.

_ Le droit à la retraite anticipée pour les femmes fonctionnaires mères de trois enfants

Les dispositions dont bénéficient les femmes fonctionnaires mères de trois enfants, qui peuvent partir à la retraite après quinze ans d'activité, sans condition d'âge, devront peut-être être revues, à l'avenir, à la lumière du principe d'égalité des rémunérations entres hommes et femmes posé par le droit communautaire.

est exclusivement accordée aux femmes, par enfant élevé pendant neuf ans avant son seizième anniversaire, afin de compenser le temps consacré à l'éducation de leurs enfants (art. L. 351-4 du code de la sécurité sociale).

Du fait de ces conditions, sont pénalisées les femmes qui ont perdu un enfant avant son neuvième anniversaire ou qui ont adopté un enfant de plus de sept ans.

Aussi, l'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale a-t-il été modifié par la loi du 21 décembre 2001 de financement de la sécurité sociale pour 2002, en vue de permettre un assouplissement des conditions d'attribution de la majoration par référence à un décret qui, jusqu'à présent, n'a pas été publié.

Cette lacune doit être comblée, afin de permettre à toutes les femmes ayant élevé des enfants, quelle que soit la durée de la prise en charge, de bénéficier de la majoration d'assurance.

La majoration devrait être calculée en fonction de la durée effective de prise en charge de l'enfant, à raison d'un trimestre par année de prise en charge jusqu'à un maximum de huit trimestres.

_ Prise en compte de la "pénibilité" de certains emplois féminins

Dans le régime général, les partenaires sociaux seront incités, est-il indiqué dans l'exposé des motifs du projet de loi, à engager, au niveau interprofessionnel et au niveau des branches, des négociations sur les critères de la pénibilité, permettant un départ anticipé à la retraite. Dans ce cadre, la pénibilité de certains emplois féminins devra être prise en compte.

Dans la fonction publique, les femmes comme les hommes peuvent être admis à la retraite à l'âge de 55 ans, s'ils ont accompli au moins quinze années de services classés dans la catégorie active. Il s'agit des emplois présentant des risques particuliers ou des fatigues exceptionnelles, définis par décret en Conseil d'Etat. Dans le cadre du réexamen par le Gouvernement de ces emplois correspondant à des métiers pénibles, une attention particulière devra être portée à ces catégories d'emplois occupés majoritairement par les femmes, notamment dans le secteur hospitalier.

_ Amélioration de la situation des conjointes d'agriculteurs vis-à-vis de la réversion et de la retraite et de celle des conjointes d'artisans vis-à-vis de leur statut.

-  être instituée l'obligation d'adhérer à l'un des trois statuts proposés par la loi du 10 juillet 1982.

_ Divorce et retraites

En cas de divorce, la femme qui a interrompu son activité professionnelle pour élever ses enfants se trouve pénalisée dans sa carrière et vis-à-vis de la retraite par rapport à son conjoint, qui a continué à cotiser et à progresser dans sa carrière.

Une compensation financière de ces désavantages, en faveur de la femme mère de famille, devrait intervenir au moment du divorce, au nom de la solidarité au sein du couple.

Ce problème, qui devra être traité dans le cadre de la réforme du divorce, doit être évoqué dès à présent.

_ Promouvoir l'égalité professionnelle

Les inégalités entre hommes et femmes dans les retraites étant le reflet des inégalités dans le déroulement des carrières, tout doit être mis en œuvre pour une application effective des dispositions législatives relatives à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, en particulier de la loi du 9 mai 2001, de manière à assurer une meilleure prise en compte par les partenaires sociaux de tous les aspects de la vie professionnelle des femmes

*

* *

La Délégation aux droits des femmes s'est réunie, le mardi 3 juin, sous la présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, pour examiner le présent rapport d'information.

Mme Claude Greff, rapporteure, a présenté les grandes lignes du présent rapport et donné lecture de l'ensemble des recommandations. Elle a estimé en conclusion que le projet de loi, très positif vis-à-vis des femmes, prend bien en compte le rôle qu'elles jouent dans les régimes de retraite par répartition, maintient et modernise les avantages familiaux et améliore les pensions de réversion.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé que les raisons des inégalités entre femmes et hommes au moment de la retraite sont en grande partie le reflet des inégalités de leur déroulement de carrières. Elle a insisté à nouveau sur l'importance de l'égalité professionnelle et notamment d'une mise en application effective de la loi du 9 mai 2001.

Mme Catherine Génisson n'a pas souhaité faire de commentaires sur l'architecture générale du texte, réservant ses observations pour la séance publique.

Elle a estimé également que le problème de la retraite RECOMMANDATIONS ADOPTÉES

PAR LA DÉLÉGATION

Pensions de réversion

1)  Dans le régime général, pour l'attribution de la pension de réversion, le nouveau plafond des ressources personnelles du conjoint

- dans le souci de ne pas léser les veufs(ves) ayant encore une activité professionnelle ou bénéficiant d'un avantage personnel vieillesse ;

- dans le souci d'un rapprochement avec le régime de la pension de réversion dans la fonction publique, même si la comparaison est difficile à faire, compte tenu des régimes complémentaires.

Ce plafond devra être modulé pour tenir compte du nombre des enfants encore à la charge du conjoint survivant.

2)  Le Gouvernement et les partenaires sociaux devront étudier, à l'occasion des rendez-vous prévus par le projet de loi, les conditions dans lesquelles le taux de la pension de réversion du conjoint survivant, fixé aujourd'hui à 54 %, pourrait être augmenté.

3) La suppression de la condition d'âge par le projet de loi pour accéder à la pension de réversion dans le régime général, devrait être adoptée par les régimes complémentaires (ARRCO et AGIRC), de façon à donner à cette mesure toute sa portée.

4)  Dans le régime de retraite complémentaire obligatoire des non-salariés agricoles, la pension de réversion n'est accessible au conjoint survivant que si le conjoint décédé a déjà liquidé sa retraite. Cette condition très restrictive devrait être supprimée, la pension de réversion, dans les autres régimes, étant fixée par rapport à la retraite dont bénéficiait ou eût bénéficié l'assuré.

Compensations familiales

5)  Dans le régime de la fonction publique, la bonification d'une année d'assurance attribuée aux femmes et aux hommes pour les enfants nés avant 2004, sous réserve d'une interruption d'activité, devrait être maintenue pour les enfants nés après 2004, afin que continuent à en bénéficier toutes les femmes fonctionnaires, en particulier celles qui assument à la fois les charges des enfants et celles de la vie professionnelle.

6) Aux périodes de congés liées à l'éducation des enfants, ouvrant droit à validation pour la bonification de durée d'assurance dans le régime de la fonction publique, devraient être également prises en compte des périodes liées à des obligations conjugales ou familiales : congé pour suivre un conjoint, ou congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie.

Des améliorations spécifiques

9)  Pour améliorer la situation des femmes d'artisans à la retraite et leur permettre d'acquérir des droits propres, devrait être instituée l'obligation d'adhérer à l'un des trois statuts proposés par la loi du 10 juillet 1982.

10) Pour les agricultrices qui optent pour le statut de conjoint-collaborateur, la possibilité de souscrire à la retraite complémentaire obligatoire des non-salariés agricoles instituée par la loi du 4 mars 2002 devrait leur être ouverte.

11) Lors des négociations entre les partenaires sociaux au niveau interprofessionnel et au niveau des branches sur les critères de pénibilité permettant un départ anticipé à la retraite, la pénibilité spécifique de certains emplois féminins devra être prise en compte.

12) Dans la fonction publique, en ce qui concerne les emplois classés dans la catégorie active, présentant des risques particuliers ou des fatigues exceptionnelles, une attention particulière devra être portée à ceux des emplois occupés majoritairement par les femmes, en particulier dans le secteur hospitalier ou l'Education nationale.

13) En cas de divorce, le conjoint qui a interrompu son activité professionnelle pour élever ses enfants se trouve pénalisée dans sa carrière et vis-à-vis de sa retraite. Une compensation financière de ses désavantages, au nom de la solidarité au sein du couple, devrait lui être attribuée lors du jugement du divorce.

14) Les inégalités entre hommes et femmes dans les retraites étant le reflet des inégalités dans le déroulement des carrières, tout doit être mis en œuvre pour une application effective des dispositions législatives relatives à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, en particulier de la loi du 9 mai 2001, de manière à assurer une meilleure prise en compte par les partenaires sociaux de tous les aspects de la vie professionnelle des femmes.

--____--

ANNEXE I :


LISTE DES PERSONNALITÉS ENTENDUES
PAR LA DÉLÉGATION ET COMPTES RENDUS
DES AUDITIONS

Personnalités entendues par la Délégation

Pages

6 mai

Mme Annie Marie Brocas, secrétaire générale du Conseil d'orientation des retraites.

35

20 mai

Mme Marie-Josèphe Lamar, présidente de l'Union départementale des centres d'information des femmes et des familles des Hauts-de-Seine, enseignant chercheur à Paris V, et Mme Florence Denneulin-Desproges, responsable du groupe de travail "retraites" du Centre national d'information et de documentation des femmes et des familles (CNIDFF)

Mme Roselyne Lecoultre, présidente de la commission des conjoints, M. Christian Pineau, chargé de mission, et M. Guillaume Tabourdeau, chargé des relations avec le Parlement, de l'Union professionnelle artisanale (UPA)

Mme Karen Serres, vice-présidente de la commission nationale des agricultrices de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA)

49

65

71

21 mai

M. Jean-François Rocchi, directeur de cabinet de M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire

M. Hubert Brin, président de l'Union nationale des associations familiales (UNAF)

81

95

La Confédération française des retraités (CFR), dont l'audition a dû être annulée, a présenté une contribution écrite

103

La Fédération des Associations de conjoints survivants (FAVEC) a été reçue par Mme Claude Greff, rapporteure, en réunion de travail

Audition de Mme Anne-Marie Brocas,
secrétaire générale du Conseil d'orientation des retraites (COR)

Réunion du mardi 6 mai 2003

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Nous commençons notre série d'auditions sur les retraites en recevant Mme Anne-Marie Brocas, secrétaire générale du Conseil d'orientation des retraites.

Créé le 10 mai 2000, le Conseil d'orientation des retraites, placé auprès du Premier ministre, est une instance pluraliste de concertation et de réflexion sur les perspectives des différents régimes de retraite et les conditions de leur équilibre financier. Présidé par Mme Yannick Moreau, conseiller d'Etat, il réunit des élus, des représentants de syndicats représentatifs des secteurs public et privé, d'organisations d'employeurs et de travailleurs indépendants, des représentants des familles et des personnes âgées, des personnalités compétentes, le commissaire au plan et des représentants de l'Etat. Le COR a consacré l'année dernière deux réunions approfondies sur le thème des femmes dans les régimes de retraite : l'une sur les avantages familiaux et conjugaux, l'autre à l'égalité de traitement entre hommes et femmes.

Madame Anne-Marie Brocas, vous êtes spécialiste des questions de protection sociale et de retraite. Vous avez exercé différentes fonctions à la direction de la sécurité sociale, au Plan, au ministère de l'économie et des finances, et vous avez publié de nombreux travaux - études, rapports, publications -, notamment sur les femmes et la sécurité sociale, l'avenir des régimes de retraite, l'égalité de traitement hommes-femmes dans le domaine dans la sécurité sociale. Nous sommes donc particulièrement heureux de bénéficier de vos compétences.

Mme Anne-Marie Brocas : Le Conseil d'orientation des retraites a entamé une réflexion sur ce sujet. Au fil de ma présentation, j'insisterai sur les points sur lesquels il a dégagé quelques orientations ; ces orientations sont peu nombreuses, car il s'agit d'un sujet pour lequel le Conseil a la conviction qu'il ne se traitera pas en une seule fois, que les adaptations à engager, tant sur les avantages familiaux et conjugaux que sur les dispositifs traitant de la situation relative des hommes et des femmes, se feront dans le long terme. Ces adaptations devront être progressives et fonction de l'évolution de la société.

Une des difficultés du sujet dont vous avez à traiter réside dans le fait que la question de l'égalité entre les hommes et les femmes se pose en des termes extrêmement différents selon, non seulement les catégories sociales, mais également les générations. De ce fait, la situation que nous constatons aujourd'hui pour des femmes qui partent à la retraite - ou qui sont déjà à la retraite - est p considère la tranche d'âge des femmes de 60 à 64 ans - à savoir les plus jeunes -, la pension des femmes représente déjà 64 % de la pension moyenne des hommes. L'écart est donc en train de se réduire, et c'est la raison pour laquelle il y a aujourd'hui de très forts écarts entre les pensions perçues par les femmes les plus âgées et les plus jeunes retraitées. Les femmes qui partent aujourd'hui à la retraite ont des droits plus importants que celles qui ont pris leur retraite il y a quinze ou vingt ans.

Les écarts de pension s'expliquent de plusieurs manières. D'abord par la durée d'activité, ensuite par les écarts de salaires. Or, nous sommes entrés, depuis plusieurs années, dans un processus d'amélioration à la fois de la durée d'activité que les femmes valident, et des salaires sur la base desquels leur pension sera calculée.

Premièrement, la durée d'activité validée. Les taux d'activité féminins sont, entre 25 et 50 ans, de 80 %, contre 95 % pour les hommes - ce qui est un écart relativement faible, notamment comparé à d'autres pays. Avec quelques nuances à apporter, à savoir la part importante du travail à temps partiel des femmes - un tiers des femmes qui travaillent sont à temps partiel - et le fait que le taux de chômage des femmes est plus élevé que celui des hommes, d'environ trois points.

Les taux d'activité des femmes aujourd'hui actives - de 25 à 50 ans - se sont donc sensiblement rapprochés de ceux des hommes, et l'on estime que cette évolution devrait se poursuivre. En effet, dans les projections faites pour 2020, les hypothèses de taux d'activité des femmes pourraient être comprises entre 85 % et 90 % - avec néanmoins le maintien d'une part importante du travail à temps partiel. Dans ces projections, l'hypothèse retenue consiste à dire qu'il y aura une stabilité de la part du travail à temps partiel - mais on peut également imaginer d'autres scénarios.

Deuxièmement, les avantages familiaux, à savoir les diverses majorations de durée d'assurance accordées dans les régimes de retraite.

Actuellement, si l'on prend les salariés du secteur privé, une femme qui relève du régime général a droit à une majoration de sa durée d'assurance de deux ans par enfant - les femmes ont en moyenne deux enfants, ce qui fait quatre ans supplémentaires validés au régime général -, sachant que cette validation n'a pas de prolongement dans les régimes complémentaires. Ces années vont être validées au régime général, sur la base de son salaire de référence pour le calcul de sa pension, mais elle n'aura droit à rien dans les régimes complémentaires. Cette moyenne de quatre ans est importante rapportée aux quarante ans de cotisation qui permettent d'accéder au taux plein.

A cette durée résultant de la majoration des durées d'assurance, s'ajoutent des durées validées ré du privé, l'on aboutit à sept ans de durée d'assurance validée au régime général. Ces avantages familiaux ne sont donc pas négligeables en termes de durée validée, même si, pour la majoration de durée d'assurance, la validation se fait au niveau du salaire moyen dans le seul régime général, sans rien dans les régimes complémentaires ; et l'assurance vieillesse des parents au foyer donne lieu à une validation sur la base du SMIC au régime général et rien dans les régimes complémentaires. Si cela ne donne pas de droits importants en termes de salaire qui sera pris en compte pour le calcul de la pension, en revanche, cela est substantiel en termes de durée.

Actuellement, est à l'œuvre un allongement des durées validées des femmes résultant à la fois de l'allongement de la durée d'activité et de la montée en charge de ces avantages familiaux : créés dans les années 70, ils n'ont pas encore produit tous leurs effets.

Quant aux salaires servant de base au calcul de la pension, nous sommes dans une situation où les écarts de salaires entre hommes et femmes, sur une longue période, ont tendance à se réduire - même si cela va lentement. On estime que pour des salariés à temps complet, l'écart entre les salaires des hommes et des femmes est d'environ 20 % ; à qualification identique, cet écart est de 13 à 15 %.

Si pour les femmes l'effet d'allongement de durée est tout à fait significatif, en revanche, en termes de salaires, à l'écart persistant de rémunération de l'activité professionnelle s'ajoutent l'effet temps partiel et le fait qu'un certain nombre de validations de durée au titre des enfants ne se font que sur des bases assez faibles. Nous avons donc un effet d'amélioration du salaire moyen servant de base de calcul à la pension, mais avec des écarts importants entre hommes et femmes qui sont appelés à subsister.

Sur cette base, l'INSEE a procédé à des projections, essayant de comparer la situation en 2000 à une situation en 2020, intégrant une prolongation des phénomènes que je viens de décrire. Dans ces calculs - qui ne prétendent pas être des prévisions -, on passe d'une pension moyenne des femmes égale à 60 % de la pension moyenne des hommes, à une pension moyenne des femmes en 2020 qui serait égale à 78 % de celle des hommes - une amélioration non négligeable.

Par ailleurs, il ressort de ces projections un allongement moyen des durées d'assurance qui serait de cinq ans pour les femmes. En 2000, on estime que les femmes, en moyenne, valident 121 trimestres, et que les nouvelles retraitées valident un peu plus de 130 trimestres. C'est la raison pour laquelle j'attirais l'intention sur le problème des nouvelles générations ; nous sommes obligés de faire la gymnastique entre l'examen moyen et l'examen par tranches d'âge. Alors que pour les hommes la durée validée est de 166 trimestres en moyenne.

Il y a de plus grandes dispa même les mères de famille travaillent. Autrefois, la naissance du troisième enfant déclenchait l'interruption d'activité de la femme, ce qui n'est souvent plus vrai aujourd'hui.

Cet allongement de la durée d'assurance estimée à cinq ans en moyenne, d'ici à 2020, aboutirait à une quasi-stabilité des âges de départ à la retraite des femmes, malgré le passage à quarante ans et le fait que les sorties d'études se font plus tard. Ce qui veut dire que l'accroissement de leur activité professionnelle compenserait pratiquement intégralement les effets des réformes visant à allonger la durée d'activité en cours - à la différence de ce qui se passe pour les hommes.

Dans les dossiers qui vous ont été transmis, cette étude de l'INSEE est intéressante, car elle montre que pour les femmes sont à l'œuvre des mouvements relativement complexes, conjuguant des durcissements de règles avec des évolutions sociologiques qui vont améliorer la situation des futures générations, de nos filles.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Il convient donc de s'occuper des femmes de notre génération.

Mme Anne-Marie Brocas : Pour les femmes qui sont déjà à la retraite, il y a des questions, du type pensions de réversion, qui se posent, alors que pour les femmes qui partiront à la retraite en 2020, les questions centrales seront celles du temps partiel, des avantages familiaux, qui seront beaucoup plus déterminantes que la question de la pension de réversion - même si elle continuera de se poser.

Si l'on étudie les écarts de pension par âge des femmes à la retraite, voici ce que cela donne : en prenant la photographie 2001, on constate qu'en moyenne les femmes qui sont à la retraite perçoivent un total d'avantages vieillesse de 848 euros bruts de pension par mois, les femmes de 60 à 65 ans un total de 994 euros par mois, la pension de réversion représentant 6 % de leurs ressources. En ce qui concerne les femmes de plus 85 ans, elles perçoivent une pension moyenne de 835 euros mensuels, mais la pension de réversion représente plus du tiers de leurs ressources.

Pour les femmes les plus âgées, il existe un effet de compensation très fort qui est aujourd'hui assuré par la pension de réversion - elle compense des droits personnels faibles -, alors que pour les plus jeunes femmes les droits personnels sont plus importants - et quand elles sont en couple, s'ajoutent les revenus du conjoint. On constate donc une très grande inégalité en termes de niveau selon l'âge, et en termes de structure des pensions, selon l'âge aussi.

Selon les études de l'INSEE, cette évolution va se poursuivre pour les générations à venir : la part de la pension de réversion tend à se restreindre au profit de droits personnels, qui augmentent, sans toutefois rejoindre ceux des hommes.

Vous trouverez dans le dossier toutes les données, les indications de tous les montants moyens par régime, que je ne pense pas utile de reprendre ici. Il s'agit de données qui ne sont pas directement interprétables facilement, j'ai donc retenu simplement quelques questions qui me paraissent importantes en ce qui concerne les écarts entre régimes.

Les écarts hommes/femmes, si l'on compare les secteurs public et privé, sont plus faibles dans le public que dans le privé ; cela reflète le fait que les carrières sont plus proches, tant en termes de durée de carrière qu'en termes de niveau de rémunération.

Pour les régimes de non salariés, une question est très importante : celle du statut des femmes non salariées. On trouve chez les retraitées les plus âgées les traces de la très mauvaise prise en compte de tout ce qui relevait de l'aide familiale ou de la participation à l'activité du mari.

Un autre sujet de réflexion est intéressant quand on se place dans cette optique de comparaison des régimes de retraite : la question des différences de réglementations et de leurs justifications par rapport à un objectif d'égalité de traitement. Ce sont des questions qu'il n'est pas possible de traiter d'un seul coup et qui devront être examinées sur le long terme - et dont on a commencé à parler au Conseil d'orientation des retraites. Cependant, il est utile de se poser des questions sur les différences existantes, par exemple, dans les calculs de majoration des durées d'assurance. Pour les salariées du privé, la majoration est de deux ans par enfant, avec rien dans les régimes complémentaires, et dans le régime de la fonction publique, la majoration est de un an par enfant, mais sur une pension qui fait base et complément.

Un enfant d'une salariée du privé va lui rapporter deux fois une annuité du régime général - 2 fois 1,33 %, soit 2,66 % du salaire du régime général, plafonné - et un enfant d'une fonctionnaire va lui rapporter 2 % de son salaire - la mise en œuvre de la réforme conduirait à 1,875 % -, mais portant sur la totalité du salaire pris en compte dans la fonction publique. Je vous donne ces chiffres un peu complexes, pour vous montrer que les écarts sont moindres que ce que donnerait la comparaison plus brutale de deux ans contre un an.

De la même manière, nous pouvons nous poser la question des différences de condition de validation du temps partiel - j'y reviendrai tout à l'heure - qui sera une des questions traitées dans le cadre la prochaine réforme. Par ailleurs, nous pouvons également nous poser des questions sur les différences de règles de calcul des pensions de réversion et d'octroi de ces pensions selon les régimes. Mais ce sont des questions de long terme, car les évolutions sur ces sujets sont compliquées à mettre en œuvre et ne pourront probablement pas l'être d'un seul coup.

Mme Anne-Marie Brocas : Vous trouverez dans l'étude à laquelle je fais référence, dans le dossier que je vous ai laissé, la part des populations agricoles et des non salariés. Je n'ai pas l'identification hommes/femmes. Les bénéficiaires du minimum vieillesse, hommes et femmes, qui étaient salariés du privé, représentaient 49 % du total, les exploitants agricoles 30 %.

Je passerai maintenant à la question des avantages familiaux et à celle des pensions de réversion.

Mme Hélène Mignon : S'agissant des avantages familiaux, dans le régime général, les femmes bénéficient donc des avantages à partir de 60 ans, mais elles n'ont droit à rien dans les régimes complémentaires.

Mme Anne-Marie Brocas : Actuellement, les avantages familiaux représentent environ 15 milliards d'euros, à comparer à une masse totale de pension de 165 milliards d'euros. Je passerai rapidement en revue ces avantages familiaux.

Premièrement, les majorations de durée d'assurance : deux ans par enfant pour le régime général et un an dans la fonction publique. Ces majorations sont financées par les régimes eux-mêmes. Elles sont accordées aux femmes au titre des enfants qu'elles ont eus, qu'elles aient ou non interrompu leur activité professionnelle. Ces majorations, qui ont été créées par les lois Boulin dans les années 70, visaient à l'origine à augmenter le montant des pensions des femmes - par le biais de la durée d'assurance.

Petit à petit, la logique de compensation des interruptions d'activité a pris un relief important, notamment quand, en 1982, on a introduit un critère de durée d'assurance pour l'accès à la retraite à taux plein, mais je rappelle que ce n'était pas le cas dans les années 70. A l'origine, cette majoration visait à augmenter les pensions des femmes et maintenant elle joue le double rôle d'augmenter le montant des pensions des femmes et de leur permettre d'atteindre plus facilement les quarante ans qui donnent accès au taux plein. Mais cette seconde finalité de la majoration est apparue a posteriori, une fois qu'elle avait été créée.

Ces majorations n'existent donc que dans les régimes de base - rien d'équivalent à l'ARRCO et à l'AGIRC - et ces années validées sont valorisées par le salaire moyen qui sert de calcul à la pension. Le coût annuel de ces majorations est estimé à 3,4 - 4 milliards d'euros, et pratiquement toutes les femmes qui ont eu un enfant peuvent en bénéficier. Les femmes affiliées au régime général bénéficient en moyenne de quatre ans validés - deux ans par enfant. Or, nous avons pu constater, au cours de différents débats, que cette mesure était peu connue et que de nombreuses femmes ne l'intégraient pas dans le calcul de l resteront bénéficiaires de l'AVPF, alors que certaines femmes ne bénéficieront que d'un an d'AVPF. Dans tous les cas, la durée sera validée sur la base du SMIC, quel que soit leur passé professionnel ; il s'agit d'une validation minimale d'années pour les femmes qui s'arrêtent de travailler ou qui ne travaillent pas et qui élèvent leurs enfants. Il s'agit d'une moyenne : une femme va gagner le nombre d'années d'arrêt de travail si par ailleurs elle remplit les conditions pour pouvoir bénéficier de l'AVPF. Les conditions sont les suivantes : bénéficier de certaines prestations familiales sous conditions de ressources, telles que l'APJE, accordée aux parents d'enfants de moins de trois ans, l'allocation parentale d'éducation ou les prestations accordées aux parents de trois enfants ou plus. Ces conditions de ressources n'excluent que 15 à 20 % des ménages.

Ce qui veut dire que pour les femmes bénéficiaires de ces prestations familiales et qui auront interrompu leur activité, la CNAF cotisera sur la base du SMIC. Cela aboutit à des situations très diverses, puisque des femmes, bénéficiaires de ces prestations familiales peuvent rester inactives pendant un grand nombre d'années - cas possibles de validation de dix ans d'AVPF -, alors que d'autres ne vont s'arrêter que deux ans. Cependant, la moyenne - qui recouvre des cas très divers - devrait, à terme, représenter trois ans par femme, s'ajoutant aux quatre ans que j'indiquais précédemment.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Cette assurance va progressivement diminuer, les femmes s'interrompant moins souvent qu'avant. Ne pourrait-on pas, à terme, jouer sur une régulation, à savoir faire reporter ce droit ?

Mme Anne-Marie Brocas : Comme disent les Anglais, le législateur peut tout faire. Vous trouverez dans le dossier des éléments à ce sujet, et l'on peut éventuellement demander des études complémentaires sur la montée en charge des différents avantages.

Le Conseil d'orientation des retraites n'a pas pris position sur ce qu'il conviendrait de changer à terme, mais n'a pas contesté l'approche présentée dans la note de problématique qui lui a été soumise pour discussion, disant qu'il conviendrait à terme de se reposer la question globale de l'ensemble de ces avantages. On peut par exemple imaginer qu'à partir de cet ensemble d'avantages, on essaie de rebâtir un système qui ait une cohérence plus grande avec les situations futures. Il est clair qu'aujourd'hui nous avons une sédimentation de dispositifs qui ont été mis en place au fil du temps et dont la cohérence n'est plus parfaite.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : En effet, les mesures et les situations ne sont pas éternelles.

Mme Anne-Marie Brocas : Ces deux dispositifs, majoration de durée d'assurance et AVPF, visent des finalités très proches et l'on pourrait imaginer de les reprendre dans une approche d'ensemble.

Le quantum de la bonification est variable selon les régimes : il représente 10 % dans le régime général et les régimes alignés, et, dans un certain nombre d'autres, 10 % plus 5 % par enfant au-delà du troisième. Le coût annuel est de 6 milliards d'euros, auquel s'ajoute un coût indirect en termes d'exonération fiscale de 0,35 milliard d'euros, cette bonification ayant pour particularité d'être exonérée d'impôts.

Tel est l'ensemble des avantages familiaux. Il serait bon, à terme, de se poser la question de la cohérence de tout ce qui tourne autour de la validation de durée d'assurance, au titre des enfants - soit qu'il y ait une interruption d'activité, soit un handicap de carrière du fait des enfants à charge. Il convient alors de se poser des questions du type : quelle durée peut-on valider, à quel niveau, pour les hommes et pour les femmes, avec des conditions d'interruption d'activité ou pas, etc.

Je voudrais mentionner deux archétypes de système étrangers qui peuvent aider à la réflexion. Premièrement, l'archétype scandinave, qui se situe dans un contexte de très forte égalité homme/femme avec des politiques très fortes d'égalité en termes de rémunération, de situation sur le marché du travail, de partage des tâches domestiques. Il conduit à une conception des congés parentaux et des avantages retraites qui y sont associés, dans laquelle on cherche à favoriser des interruptions de carrière pas trop longues, mais avec une rémunération élevée qui, de ce fait, bénéficie aussi bien à la femme qui a un faible revenu qu'à la femme cadre ou aux hommes. Ces congés sont modulables, quel que soit l'âge des enfants : en Suède, par exemple, les parents peuvent bénéficier d'un congé parental jusqu'aux huit ans de l'enfant.

Deuxièmement, l'archétype latin : des validations de congés longs sur des bases faibles. Cet avantage est donc plutôt ciblé sur les femmes à faible revenu, pour lesquelles on estime qu'il y a un arbitrage famille/travail logique, et sur les femmes avec des enfants en bas âge, jusqu'à trois ans.

Je caricature un peu, mais il existe donc deux archétypes assez différents dans leur philosophie, à partir desquels il y a matière à discuter sur les choix qui peuvent être faits. La France, quant à elle, n'a pas réellement choisi entre ces différentes logiques. Nous sommes dans une situation bâtarde entre ces deux systèmes : l'AVPF est validée sur la base du SMIC, mais les majorations de durée d'assurance le sont sur la base du salaire de carrière ; l'arrêt de travail peut être très long pour l'AVPF, alors qu'il n'est que de un ou deux ans pour la majoration de m'avez également posé la question de savoir s'il ne valait pas mieux verser les avantages au moment où les parents ont leurs enfants à charge plutôt qu'au moment de la retraite ? Ma réponse sera tout à fait personnelle. Le Conseil d'orientation des retraites travaillera peut-être sur ce sujet dans l'avenir, en essayant de se rapprocher des personnes qui travaillent sur les prestations familiales, car il convient de trouver une cohérence dans les logiques des dispositifs.

Je pense qu'il convient de se défier d'une globalisation qui serait excessive et peut-être artificielle, car les prestations familiales et les avantages familiaux en matière de retraite ne poursuivent pas les mêmes finalités : pour cela, elles ne sont pas totalement substituables. Tant qu'il existera des différences de salaires entre hommes et femmes, des différences dans la répartition des tâches domestiques et de la prise en charge des enfants, se posera la question de la retraite et des éventuelles compensations à opérer. On ne doit donc certainement pas se dire que tout peut être globalisable, que l'on pourrait transférer l'argent des avantages familiaux à la politique familiale ; sauf à penser - mais c'est un avis là aussi personnel - que l'on pourrait avoir un horizon crédible d'uniformisation absolue des rôles des uns et des autres !

Mme Claude Greff : Ces prestations familiales assujetties au revenu correspondent à un couple. Si le couple se sépare, sont-elles rétroactives ?

Mme Anne-Marie Brocas : Si le couple se sépare, chacun est considéré séparément. Nous sommes là dans la logique française qui veut que lorsqu'on est en couple on suppose une solidarité au sein du couple.

Mme Claude Greff : Une fois séparée, la femme n'a plus de reconnaissance sociale.

Mme Anne-Marie Brocas : Elle sera considérée comme personne isolée - la rétroactivité n'existe pas - et traitée au vu de ses ressources. Et pour le passé, les solutions, qui ne sont pas satisfaisantes, sont les prestations compensatoires - issues du droit du divorce - dans lequel, me semble-t-il, tout cela peut être pris en compte.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Il est vrai de dire que notre droit a été bâti en fonction du couple. Or, aujourd'hui, les données ont changé.

Mme Anne-Marie Brocas : Nous sortons là de notre sujet, mais je pense que les femmes sont peu conscientes du fait que le droit du mariage est là pour les protéger. Les constructions autour des droits du mariage et du divorce, notamment le droit social, constituent un ensemble qui a une certaine cohérence : tant que le couple existe, il y a une solidarité - obligation d'assistance, solidarité par rapport aux dettes, etc. -, mais quand le couple se sépare, la femme acquiert un certain nombre de droits qu'elle tire de son mariage.

Aujourd'hui, dans le régime général, pratiquement un tiers de temps au SMIC permet de valider quatre trimestres par an - sachant que pour valider un trimestre de retraite au régime général, il faut avoir travaillé 200 heures au SMIC. Une femme qui va travailler 40 à 50 heures par mois, au SMIC, va valider ses quatre trimestres. Le temps partiel est traité, en termes de validation de durée d'assurance, relativement bien au régime général. Après se pose la question des temps très, très partiels, mais faut-il aller jusqu'à revendiquer la validation de quatre trimestres pour une personne qui ne travaille presque pas ? Cela me paraît difficile à défendre.

En revanche, cette femme qui va valider ses quatre trimestres, va le faire sur la base du salaire qu'elle a effectivement gagné ; si elle est à mi-temps, le calcul se fera sur un demi-salaire. Cette question prend aujourd'hui une grande importance par rapport aux évolutions en cours dans le régime général, car avec le passage de 37,5 ans à 40 ans de cotisation, on s'aperçoit que les femmes travaillant à temps partiel ne sont pas trop pénalisées. En revanche, se pose une question - sur laquelle nous avons débattue au Conseil d'orientation des retraites -, qui est la suivante : lorsqu'on calculait la pension du régime général sur les dix meilleures années, une femme qui avait travaillé dix ans à temps plein et le reste à temps partiel, validait des droits calculés sur ses dix ans à temps plein ; aujourd'hui, du fait que nous sommes en train de passer aux vingt-cinq meilleures années, des années à temps partiel vont compter dans le calcul de la pension - de même que des années AVPF, validées au SMIC.

Il s'agit d'un sujet sur lequel nous venons de commencer à réfléchir. Du côté de la durée, le choix est fait de dire que l'on traite le temps partiel comme du temps plein ; en revanche, le temps partiel va avoir des conséquences en termes de prise en compte dans le salaire.

En ce qui concerne les femmes travaillant dans la fonction publique, le calcul de la durée se fait de façon calendaire, ce qui veut dire que les femmes travaillant à mi-temps valident non pas un an, mais six mois. En revanche, au moment de la liquidation de la pension, on va leur reconstituer un salaire équivalent au temps plein. Avec la règle des quarante ans qui va être appliquée, j'ai cru comprendre qu'un traitement particulier serait fait des situations de temps partiel dans la fonction publique - sinon, les femmes à mi-temps dans la fonction publique ne pourraient pas avoir leurs quarante ans avant 65 ans. Il devrait y avoir une neutralisation totale ou partielle à l'instar de ce qui se fait dans le régime général, mais attendons de connaître le projet.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Très peu d'hommes sont à temps partiel, mais cela pourrait leur poser plus de problèmes qu'aux femmes qui bénéficient des majorations pour enfants.

Mme Hélène Mignon : Comment est traité un montant de pension de 18 600 euros annuels, contre 20 200 euros et un surcoût annuel pour la fonction publique d'Etat de 300 millions d'euros par an.

Le Conseil d'orientation des retraites n'a pas pris position sur cette question d'alignement du droit des hommes et de femmes. Il a simplement été sensible à la question de savoir si cet alignement pourrait aboutir à détériorer de manière excessive la situation des femmes.

La pension proportionnelle après quinze ans d'activité est un avantage qui répond à une logique assez ancienne, puisqu'il date du milieu des années 20. Selon cette logique, il fallait permettre à une femme qui avait trois enfants de rester chez elle pour s'en occuper. Aujourd'hui, ce dispositif permet à ces femmes de bénéficier d'une retraite anticipée. Et il convient d'être attentifs au fait - cela est moins vrai pour la fonction publique d'Etat que pour les fonctions publiques hospitalières et territoriales - que ce dispositif est aujourd'hui intégré par un certain nombre de personnels dans des plans de carrière.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Certes, c'est un acquis, et les femmes l'intègrent dans leur plan de carrière. Mais les temps ont changé, et il conviendrait peut-être, aujourd'hui, de prendre davantage en compte la pénibilité du travail.

Mme Anne-Marie Brocas : Le Conseil d'orientation des retraites n'a pas pris position sur cet avantage.

En ce qui concerne la jurisprudence Griesmar, je vous renvoie à la note de problématique qui a été discutée au Conseil. Il nous a semblé que cette jurisprudence était très embarrassante par rapport à notre droit français, car elle procède d'une vision très individualiste et très égalitariste des droits - les droits des individus qui doivent être égaux.

En France, nous avons une manière de traiter l'égalité entre hommes et femmes à la fois par les avantages sociaux et par le droit familial. La mise en œuvre de cette jurisprudence percute notre construction juridique. Il est donc logique que nous ayons beaucoup de mal à l'intégrer.

Nous avons débattu, au Conseil, de la manière de faire l'égalité - aligner tout le monde sur la norme la plus basse ou la plus haute, ou trouver un moyen terme - ; les organisations syndicales ont été très sensibles à tout ce qui pouvait dégrader la situation des femmes ; ce type de jurisprudence peut potentiellement remettre en cause des avantages attribués aux femmes, en compensation des désavantages rencontrés dans leur vie professionnelle.

En ce qui concerne l'impact d'une solution consistant à attribuer la majoration de durée d'assurance aux hommes comme aux femmes, sous réserve d'une interruption de deux mois de l'activité, de fait, cela ne change pas grand-chose pour le passé, les femmes, du fait du congé maternité remplissant règles -, dans pratiquement l'ensemble des régimes, l'on a, en moyenne, un maintien du niveau de vie du survivant ; si l'on estime que ce niveau de vie correspond à un revenu égal à 55, 60 % du revenu du couple - calcul standard, tenant compte des charges fixes.

Il est souvent dit que les pensions du secteur public - et en particulier de la fonction publique - sont, pour les femmes, plus avantageuses que celles du privé ; or, lors de nos travaux, nous avons auditionné Bertrand Fragonard qui nous a fait remarquer qu'en réalité il existait trois groupes de situations. Premièrement, la situation la plus défavorable, celle des salariés des petites entreprises ou d'un certain nombre de non salariés, qui perçoivent de faibles pensions de réversion et très peu de prévoyance associée. Deuxièmement, à l'autre bout, la situation des cadres du privé appartenant à des branches ayant de bonnes conventions collectives et des dispositifs de prévoyance importants. Troisièmement, la fonction publique, qui se trouve dans une situation intermédiaire. La grille opposant le public et le privé n'est certainement pas la bonne, car il convient d'intégrer la dimension prévoyance. Il est sans doute juste, en matière de réversion, d'intégrer dans la réflexion la dimension prévoyance, celle-ci reflétant les besoins tels qu'ils sont ressentis par des personnes qui ont la capacité de s'assurer - besoins qui ne sont pas couverts par la protection sociale.

Au regard de la multiplicité des règles et de leur grande diversité, comme pour les avantages familiaux, on ne peut pas dire qu'un choix global et unique ait été fait en termes de logique de réversion.

Or, diverses logiques sont possibles, comme on peut l'observer à travers les exemples étrangers. Certains pays ont fait le choix d'attribuer la réversion uniquement sous conditions de ressources - voire pas du tout -, alors que d'autres considèrent la réversion comme un droit pour tout ménage indépendamment de ses revenus : le survivant perçoit au décès du conjoint 60 % du niveau de vie qu'il avait précédemment acquis. De la même manière, dans certains pays, la réversion est réservée aux femmes, puisque ce sont elles qui s'occupent des enfants et subissent des désavantages professionnels. Dans d'autres, elle est considérée comme un risque survivant homme/femme. Dans ce dernier cas, la question de l'âge se pose. Soit ce risque survivant est assuré à partir d'un certain âge, soit on choisit de l'assurer dès le début du mariage, au motif que les veuvages précoces sont rares, mais plus durs.

Enfin, dernière question, celle des situations familiales : la réversion est accordée en cas de mariage, mais pas en cas de concubinage ou de Pacs. La question a été soulevée au moment du débat sur le Pacs, et je pense qu'elle le sera de nouveau à terme.

Sur la question générale de la logique à privilégier en matière de réversion, le Conseil a pris quelques orientations qui sont très loin de trancher toutes les questions que j'ai posées.< suppose à la fois que l'on définisse l'horizon et que l'on se mette d'accord sur la cible ; pour cela, nous devrons reprendre la série de questions que j'évoquais tout à l'heure : conditions d'âge, de ressources, de cumul, situation familiale, taux de la réversion.

Mme Claude Greff : Avez-vous réfléchi sur le nombre d'années de mariage nécessaires pour bénéficier de la pension de réversion et sur l'âge ? Imaginons une jeune femme de 20 ans qui se marie avec un homme de 80 ans. A partir de quand peut-elle bénéficier de la pension de réversion ?

Mme Anne-Marie Brocas : Après deux ans de mariage, sauf s'il y a eu des enfants. Bien entendu, si elle est en concurrence avec d'autres femmes, la pension sera versée au prorata du nombre d'années de mariage.

Dans les années 70, où l'on a beaucoup légiféré sur le divorce, on a cherché à régler une situation type : un homme de 50 ans qui divorce, laissant une femme avec qui il a vécu 30 ans pour se remarier. En instituant la règle du prorata, le législateur voulait protéger la première femme.

Aujourd'hui, les données ont changé : les couples divorcent, en moyenne, après cinq ans de mariage, et souvent ils ne se remarient pas - ce qui nous renvoie au débat sur le concubinage. Je n'ai pas de réponse, mais nous ne sommes plus dans le schéma de référence arrêté dans les années 70. Cela étant dit, je ne suis pas certaine que l'on puisse en trouver un meilleur, car il a une certaine logique.

Aujourd'hui la règle est donc la suivante : la première femme touchera la totalité de la pension de réversion si son ex-conjoint ne se remarie pas, sinon elle bénéficiera d'une réversion au prorata de la durée de mariage (en l'occurrence, cinq ans en moyenne aujourd'hui). Nous n'avons pas travaillé sur ce sujet, mais je pense qu'il y a également, pour le moyen terme, matière à réflexion.

Audition de Mmes Marie-Josèphe Lamar
présidente de l'Union départementale des centres d'information
des femmes et des familles des Hauts-de-Seine,
enseignant chercheur à Paris V
et Florence Denneulin-Desproges, responsable du groupe de travail "retraites" du Centre national d'information et de documentation
des femmes et des familles

Réunion du mardi 20 mai 2003

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Nous recevons aujourd'hui Mme Marie-Josèphe Lamar, présidente de l'Union départementale des centres d'information des femmes et des familles des Hauts-de-Seine, enseignant chercheur à Paris V, et Mme Florence Denneulin-Desproges, responsable du groupe de travail "retraites" du Centre national d'information et de documentation des femmes et des familles (CNIDFF), en remplacement de Mme Annie Guilberteau, directrice générale, empêchée.

Mme Marie-Josèphe Lamar, vous avez beaucoup réfléchi sur le problème des femmes dans les régimes de retraites. Nous avons pris connaissance avec le plus grand intérêt de vos travaux et publications sur ce sujet.

Nous souhaiterions d'abord recueillir votre opinion, d'une façon générale, sur les inégalités de traitement entre hommes et femmes dans les régimes de retraite, particulièrement dans la fonction publique, et sur l'intérêt des avantages familiaux dans une perspective à long terme.

Plus précisément, nous aimerions ensuite connaître votre opinion sur les points du projet de loi qui concernent les femmes :

- les pensions de réversion du régime général, dont les conditions d'accès sont sensiblement modifiées et améliorées ;

- les avantages familiaux des fonctionnaires, révisés pour respecter la jurisprudence communautaire sur l'égalité de traitement hommes-femmes.

Mme Denneulin-Desproges, vous êtes responsable du groupe de travail "retraites" du CNIDFF. Vous avez travaillé avec Mme Annie Guilberteau, sur ce sujet, et plus particulièrement, sur le problème des pensions de réversion.

Quelles sont les réflexions de votre groupe de travail sur la place faite aux femmes dans les régimes de retraite ? Le projet du Gouvernement, qui maintient les avantages familiaux, permettra-t-il d'améliorer la situation des femmes vis-à-vis des droits à la retraite et à la réversion ?

D'une manière générale, je souhaiterais avoir votre sentiment sur ce projet gouvernemental.

Mme Marie-Josèphe Lamar : Je suis enseignant chercheur en université, présidente de l'Union départementale des CIDF des Hauts de Seine, qualités au titre desquelles vous avez souhaité m'entendre, mais je précise que je suis également :

- v démographiques. Il est extrêmement important de considérer que la place que les régimes de retraite actuels et futurs consentent aux femmes qui auront à la fois exercé une activité professionnelle et élevé des enfants ne relève pas de problématiques catégorielles. Elle est tout à fait emblématique de la reconnaissance par la société de l'effort contributif au renouvellement des générations, si important dans un pays où l'on entend sauver le système de retraite par répartition, symbole de la solidarité entre les générations. Cette charge qui est vitale, essentielle pour l'avenir de la société, ne peut être essentiellement assumée par les femmes sans contrepartie.

A des époques diverses, de façon propre à nos très nombreux régimes de retraite, - je vais limiter mon propos aux deux principaux : au régime général et au régime de la fonction publique- sont apparues des dispositions dites "avantages familiaux", qui sont en réalité des compensations familiales. Il y a un problème de vocable à ce sujet. Certains de ces "avantages familiaux" sont accordés aux pères et aux mères. Ce sont les suppléments de pension pour les parents de familles nombreuses, qui sont servis à partir de trois enfants et plus. D'autres sont réservés aux mères pour compenser les désavantages causés spécifiquement par leurs maternités et l'éducation des enfants dans leurs carrières professionnelles, et dont les droits à pension de retraite sont une conséquence.

Au sein de ces avantages spécifiquement féminins, il y en a de deux sortes :

D'une part, les bonifications d'ancienneté qui permettent des gains en annuités ou en trimestres, suivant que l'on est dans la fonction publique ou dans le régime général et, d'autre part, le droit à retraite proportionnelle des femmes fonctionnaires ayant élevé au moins trois enfants et ayant au moins quinze ans de service.

Le principe des compensations familiales est plus que jamais nécessaire dans un pays où la situation démographique est inquiétante. Il a pourtant été menacé - il l'est peut-être encore - au nom du principe d'égalité entre hommes et femmes, et aussi par la réflexion menée sur la finalité de ces compensations, certains s'interrogeant sur l'utilité, en termes de politique familiale, de maintenir des avantages qu'on perçoit au moment de la retraite.

Si un constat de la situation d'inégalité persistante entre hommes et femmes peut être fait, un certain soulagement naît de la lecture de l'avant-projet de loi et de son très long exposé des motifs. Ils susciteront de ma part, des propositions motivées, parfois alternatives.

Le constat, que vous trouverez dans le document que je vous laisserai à la fin de cette audition, c'est :

- une forte inégalité des pensions de retraite entre les sexes,

Tout se passe donc comme si les femmes européennes, y compris les Françaises, souhaitaient exercer une activité professionnelle, au point de ne plus avoir d'enfants lorsque ceux-ci obligent la femme à cesser de travailler, faute de politique familiale convaincante.

Au sein de ces pays, la France a une place de choix quant à son taux de natalité, et bien qu'il soit fort difficile de mettre en évidence et d'isoler les causes de ces phénomènes, on peut penser qu'elles sont en partie liées à une politique familiale forte accompagnant les femmes et leurs familles de l'avant naissance à une ouverture à compensations au moment de la retraite, et non pas à une politique familiale qui se rapprocherait d'une politique purement nataliste d'accueil au jeune enfant.

Que propose l'avant-projet de loi du 7 mai 2003 ?

C'est une analyse qui, pour l'instant, est presque un rapport d'étape, puisqu'une nouvelle mouture peut être présentée au Conseil des ministres du 28 mai.

L'exposé général des motifs de l'avant-projet de loi affirme la volonté de "maintenir et moderniser les avantages familiaux". Il est donc apparent que l'interrogation porte plus aujourd'hui sur la "modernisation" des avantages familiaux, que sur leur principe même, ce qui est un excellent point. Un consensus semble s'être dégagé pour ne pas toucher aux suppléments de pension servis dans les différents régimes aux pères et aux mères ayant élevé au moins 3 enfants, avec une progressivité liée à l'accroissement du nombre d'enfants, limité à 30 % dans la fonction publique, par exemple.

Il est vrai que les lois de finances ont innové à partir de celle de 2001, en imposant à la CNAF une cotisation au Fonds de solidarité vieillesse, fondée sur le fait qu'il assure les majorations de pension accordées en fonction du nombre d'enfants. En réalité, la branche vieillesse n'utilise qu'une infime partie de ce transfert pour les annuités validées à ce titre, le reste servant à payer les autres retraites. Peut-être est-ce un élément qui a permis qu'un tel consensus ait été dégagé, mais finalement on est satisfait de ce consensus sur les suppléments de pension.

L'accord conclu le 15 mai avec les deux syndicats (CFE-CGC et CFDT) n'a rien apporté de nouveau sur les avantages familiaux.

Sur la date d'entrée en vigueur des dispositions nouvelles :

Le projet rejette toute rétroactivité des dispositions pouvant avoir des conséquences négatives pour les femmes fonctionnaires devenues mères avant le 1er& accepté de mettre au monde leurs enfants.

Sur le contenu des dispositions nouvelles :

Dans le secteur privé, l'avant projet de loi est muet sur les bonifications de durée d'assurance dues aux mères de famille salariées, - huit trimestres par enfant, qui sont un avantage strictement féminin - ce qui encline à croire sans réserves en leur maintien et à leur attribution aux mêmes titulaires.

Les pères du secteur privé n'auront donc pas accès aux bonifications d'ancienneté.

L'article 24 de l'avant-projet ouvre aux salariés du privé à temps partiel la possibilité de cotiser sur la base d'un temps plein. C'est une excellente mesure qui bénéficiera principalement aux femmes, très largement majoritaires à exercer des activités à temps partiel.

Dans la fonction publique, sont maintenues deux sortes de compensations familiales, outre les suppléments de pension, droits mixtes dont on a vu qu'ils faisaient consensus :

- les bonifications d'ancienneté :

Il faut faire un distinguo entre les enfants nés avant le 1er janvier 2004 et les enfants nés après le 1er janvier 2004.

Pour les enfants nés avant le 1er janvier 2004, elles seront comme par le passé d'un an par enfant, sous condition, pour les hommes (droit nouveau destiné à mettre la France en conformité avec la jurisprudence Griesmar de la Cour de Justice des Communautés européennes) et les femmes, d'avoir interrompu leur activité au moins deux mois en rapport avec la naissance de l'enfant ou son éducation. Cela revient pour les femmes au maintien d'une acquisition quasiment automatique de ces droits, sous réserve de ceux qui ne seraient plus ouverts aux femmes ayant adopté des enfants avant l'existence du congé d'adoption ou pour leurs enfants nés pendant qu'elles étaient étudiantes.

Pour les enfants nés après le 1er janvier 2004, les bonifications d'ancienneté seront ouvertes aux hommes et aux femmes dans les mêmes conditions. Chacun, homme ou femme, pourra valider jusqu'à trois ans par enfant (exprimé en trimestres), sous condition d'avoir interrompu son activité ou de l'avoir réduite au profit de l'enfant. De cette façon, le Gouvernement entend répondre à l'exigence d'égalité entre les sexes posée par l'arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes du 29 novembre 2001, qui a imposé l'ouverture de ces avantages aux hommes ayant la charge effective des enfants. Le Conseil d'Etat avait aggravé, par un arrêt du 29 juillet 2002 rendu dans la même affaire Griesmar, l'impact financier de cette jurisprudence en considérant que tous les pères titulaires de l'autorité parentale ont la charge effective des enfants, alors qu'il pouvait être donné de la notion de "charge effective" une définition plu droit au départ après 15 ans de service des femmes ayant élevé trois enfants est conservé. Une discussion spécifique sera ouverte sur ce point." C'est toujours un élément d'alerte. On peut donc légitimement se demander si l'on n'attend pas des parlementaires un dépeçage de ce droit. On peut également se demander si ce droit ne serait pas soumis à décote, ce qui en ruinerait l'intérêt, dans la mesure où l'article 33 de l'avant projet institue une décote spéciale moindre pour les militaires prenant leur retraite proportionnelle.

Cette réflexion conduit à faire des propositions motivées sur l'ensemble des compensations familiales, tant sur leur opportunité que sur les modalités qui paraissent être souhaitables. Ce sont des pistes de recherche de solutions équitables.

Le Gouvernement paraît désireux à la fois de répondre aux exigences européennes d'égalité entre les hommes et les femmes, et de "maintenir une politique familiale avantageuse", dans le but de favoriser la natalité, y compris - puisqu'il accepte le principe du maintien des compensations familiales - dans le traitement des conséquences des maternités, et parfois paternités, au moment des retraites.

Il s'agit de mettre en œuvre un véritable contrat de confiance avec les femmes et les familles. L'amélioration des droits à retraite, liée au nombre d'enfants élevés, est un juste instrument de politique familiale qui, seul, peut combler en partie l'inégalité de fait entre les sexes résultant d'une différence persistante des rôles féminins et masculins dans l'éducation des enfants et la vie domestique.

Les choses peuvent bouger. Mais aujourd'hui, il y a quand même, semble-t-il, une différence assez irréductible.

Je pense qu'il faut absolument, dans ce domaine-là, quoi que le Parlement soit amené à voter, qu'il n'y ait pas de rétroactivité sur l'applicabilité des mesures nouvelles, la rétroactivité étant entendue, telle que je l'ai définie tout à l'heure, comme revenant sur des avantages que des femmes ont pu croire acquis parce qu'elles avaient conçu des enfants au regard de la législation existante à cette époque. C'est beaucoup plus grave que l'incidence fiscale rétroactive d'une disposition de la loi de finances. Il s'agit quand même de l'humain, de donner confiance dans le devenir, et de faire qu'il y ait demain des femmes qui aient envie d'avoir des enfants.

Dans une perspective de confiance réciproque, il est indispensable de confirmer le principe de l'acquisition de droits par les femmes du fait de la naissance de leurs enfants, et, mieux, de leur conception, celle-ci ayant été décidée au regard d'un certain nombre de paramètres, dont les droits futurs à pension. En décider autrement au prétexte que ces droits sont inconnus ou mal connus reviendrait à enterrer le principe de sécurité juridique. Nous sommes tous attachés à la sécurité juridique ; dire que les femmes ne connaissent pas leurs droits revient f tous les régimes. La situation d'une femme au travail, dans la fonction publique et dans le secteur privé, par exemple, n'est pas si différente quand elles tentent de conjuguer avec succès les impératifs des vies professionnelles et familiales.

Il se posait indéniablement un problème de recherche d'égalité entre hommes et femmes depuis la condamnation par la CJCE des principes retenus en ce domaine par la législation française. Comme la CJCE, pour des raisons de compétence, a pu condamner les dispositions du code des pensions civiles et militaires instituant des "avantages" spécifiquement féminins, et non celles du régime général du secteur privé, on arrive à ce paradoxe que l'inégalité entre les régimes pourrait bien sortir doublement renforcée de cette réforme :

- il faut éviter l'inégalité entre les pères.

Les pères restent exclus du bénéfice des majorations de durée d'assurance dans le secteur privé, alors que, dans le dispositif de la fonction publique, ils seront non seulement à égalité avec les mères, pour les enfants qui naîtront à compter du 1er janvier 2004, mais pourront bénéficier d'allongement des durées de cotisations, de façon rétroactive, pour leurs enfants déjà nés au 1er janvier 2004. Il suffira qu'ils aient satisfait à la condition d'interruption de deux mois de leur activité qui les rendra, il est vrai, assez difficilement en situation d'en bénéficier ;

- il faut éviter l'inégalité entre les mères.

Dans le secteur privé, elles continueront comme par le passé à bénéficier de plein droit d'une majoration de durée d'assurance de huit trimestres par enfant élevé, alors que les femmes fonctionnaires perdront ce bénéfice par principe. Elles devront avoir interrompu deux mois leur activité pour les enfants nés avant le 1er janvier 2004, ce qui entraînera une impossibilité de pouvoir bénéficier des bonifications d'ancienneté pour les enfants nés alors qu'elles étaient encore étudiantes par exemple, et, pour leurs enfants nés à partir du 1er janvier 2004, elles devront faire la preuve, comme les pères, d'une interruption ou d'une diminution d'activité professionnelle conditionnant un gain en trimestres qui pourra aller jusqu'à trois ans par enfant.

C'est regrettable, car cette disposition, d'une part, nie les désavantages maternels de carrière autres que ceux résultant de la diminution de l'activité du fait des maternités. Autrement dit, à partir du moment où l'on continue à travailler, on ne subirait pas de désavantage. Je pense que toutes les femmes qui ont travaillé, même dans la fonction publique, savent que l'on connaît des désavantages. D'autre part, cela pourrait contribuer - cela fait partie de ces effets pervers des lois que, dans la mesure du possible évidemment, le législateur essaie d'éviter - à détourne aménageant les conditions de ce calcul de façon à ce que ces deux ans de bonification soient identiques dans le secteur privé et dans la fonction publique.

- Pour les pères : leur accorder les avantages familiaux non pas de plein droit, mais à condition que ceux-ci justifient d'une preuve de la charge effective des enfants, définie par :

· soit une situation de monoparentalité : qu'il s'agisse d'une monoparentalité d'origine ou acquise (veuvage ou décès de la mère naturelle des enfants) ; ou bien le fait d'être celui chez qui la résidence habituelle de l'enfant est fixée, après séparation des parents ;

· soit la prise de congés parentaux ou de congés spéciaux, tels le congé de présence parentale (en cas d'accident ou de handicap grave de l'enfant), ou en raison d'un passage à temps partiel de l'activité professionnelle motivé par les besoins de l'éducation de l'enfant. Le projet de loi ne retient que cet aspect là des choses et encore pour les seuls pères de la fonction publique, pour l'acquisition des droits à bonifications d'ancienneté.

Une fois constatée l'inégalité entre les mères, l'inégalité entre les pères, l'inégalité entre les régimes, il faut évoquer le droit à retraite proportionnelle des femmes fonctionnaires ayant élevé au moins 3 enfants et totalisant au moins 15 ans de services. Ce droit devrait être maintenu, voire élargi.

Selon la philosophie développée dans l'avant-projet, c'est un droit qu'il faut considérer comme acquis pour celles qui en réuniront les actuelles conditions au 1er janvier 2004, soit au moins 3 enfants et 15 ans de services. La question ne devrait être éventuellement discutée que pour les enfants non encore nés.

Pour l'avenir, il me paraît essentiel de préserver ce droit, car c'est le seul qui crée une compensation au profit des mères de famille nombreuse.

Ce droit favorise la reconversion professionnelle dans le secteur privé des mères de famille nombreuse, permettant aux plus jeunes d'entre elles d'accéder dans des conditions confortables à un statut de polypensionnées.

Il permet également de libérer du marché du travail des femmes plus âgées, à l'heure où elles vont pouvoir s'investir dans le soutien à leurs petits enfants et dans la charge de leurs propres ascendants, souvent encore présents, mais dont la situation de dépendance s'installe. Il permet une véritable manifestation de solidarité intergénérationnelle.

Dans le rapport de la Cour des comptes rendu public le 17 avril dernier, qui stigmatise ce droit, il est quand même précisé que la moyenne d'âge des femmes en faisant usage est de 51,7 ans. C'est donc rarement une petite écervelée de 33 ans. enfants au moins, voire quatre enfants. Les familles de quatre enfants et plus sont extrêmement peu nombreuses. Le rapport de Laurent Toulemon, publié en janvier 2003, pour le Haut conseil de la famille et de la population, le met très nettement en évidence. Je pense qu'il y a moyen de faire cette réforme quasiment à coût constant. Ce serait un effet d'affiche intéressant dans un pays où la démographie est en chute et où l'on a besoin qu'il y ait des familles nombreuses pour compenser le déficit de ceux qui n'arriveront pas à avoir plus de deux enfants, puisqu'il faut 2,1 enfants par femme pour renouveler les générations. Il faut également ouvrir ce droit aux pères qui auraient la charge effective des enfants, aux mêmes conditions.

En conclusion, les compensations familiales mériteraient d'être renforcées de façon à ne pas décourager les maternités tardives, et aussi mieux ciblées en direction des femmes et particulièrement des mères de famille nombreuse qui ont fait le choix de conjuguer vie familiale et vie professionnelle de façon souvent acrobatique, dans une société en pleine mutation et dont la mutation n'est pas achevée.

En effet, on constate un recul de l'âge moyen de la maternité et un pic de maternités tardives, survenant à un âge où la problématique "d'incidence-retraite" est davantage prise en compte qu'elle ne l'est par les très jeunes mères.

Si l'on supprimait ou modérait les compensations familiales, on s'exposerait à une chute du taux de fécondité, par renoncement de raison à une nouvelle maternité de la part des femmes plus âgées.

Quand on expose les raisons de la réforme des retraites, on dit souvent que tous les retraités de 2040 sont déjà nés. On dit moins que tous les actifs ne sont pas encore conçus. Les projections ont toutes été faites à taux de natalité constant. Mais est-on vraiment à l'abri d'une chute de ce taux de natalité ? Prenez l'exemple de l'Italie. On arrive maintenant à un enfant par femme. On a tout intérêt à tout faire pour que le taux de natalité se maintienne et si possible progresse. Il faut éviter tout ce qui pourrait de façon quasi certaine faire diminuer les naissances.

"Trop d'égalité tue l'égalité". Je suis désolée qu'une féministe vous dise cela. Il faut maintenir le principe de dispositions instituées au bénéfice des femmes, prenant en compte la contribution maternelle à l'éducation et au relais des générations, sans induire une disparité de fait à l'encontre du sexe masculin, par une automaticité liée à la naissance des enfants, sans introduire des conditions d'accès telles que la prise de congés ou la diminution d'activité.

C'est une voie qui n'est pas écartée par le Conseil d'orientation des retraites : "Aussi la problématique de l'égalité entre hommes et femmes ne se résume-t-elle plus aujourd'hui à celle de l'égalité des droits rec CNIDFF, créé en 1972, est aujourd'hui à la tête d'un réseau national de 120 centres CIDF, qui sont implantés sur tout le territoire. Ce réseau compte aujourd'hui 975 points d'information et il est composé d'équipes pluridisciplinaires ; aujourd'hui, plus de 960 professionnels : des juristes, conseillères dans des domaines divers, tels que l'emploi, la formation, la création d'entreprise, la vie familiale, la lutte contre les violences, des psychologues, des documentalistes. Nous accueillons chaque année plus de 350 000 personnes et répondons à plus de 570 000 demandes d'information.

L'Etat nous confie une mission d'intérêt général en matière d'information des femmes, en priorité, et, plus largement, des familles.

Les CIDF ont pour rôle d'informer, d'orienter, d'accompagner le public en privilégiant, et cela est véritablement la spécificité des CIDF, la globalité de la situation des personnes et en y répondant par une approche personnalisée gratuite et confidentielle.

Nos champs d'intervention sont avant tout l'accès au droit dans tous les domaines, la lutte contre les violences sexistes, l'emploi, la formation, la création d'entreprise, toutes les questions liées à la conjugalité et à la parentalité, la sexualité et la santé.

On embrasse, si je puis dire, toutes les questions qui occupent les femmes.

A travers l'accueil et l'accompagnement des femmes, nous sommes donc des observateurs privilégiés des problématiques spécifiques des femmes dans un contexte économique, social et législatif, aujourd'hui en pleine évolution. Nous sommes également un partenaire fréquemment sollicité par les pouvoirs publics en termes d'analyse, de veille juridique et de préconisation pour faire évoluer la place des femmes dans la société et gommer les inégalités de traitement entre les hommes et les femmes.

La question des retraites des femmes était jusqu'à maintenant peu traitée. C'est un problème de société majeur pour le respect de l'égalité entre les hommes et les femmes et les choix qui seront faits auront des effets importants sur leur statut. Nous ne sommes pas des spécialistes de la retraite en général, nous ne faisons pas de propositions chiffrées sur cette question, mais notre contribution au débat est spécifique à la connaissance que nous avons des questions qui touchent la vie des femmes. Elle se veut constructive à partir de nos analyses et de nos réflexions, au regard des risques potentiellement encourus par les femmes.

Nous vous avons préparé un document de quatre pages, qui est le support de mon intervention.

La France engage une réforme de son système de retraite. Parallèlement, le Conseil européen met en place une stratégie pour la modernisation des systèmes de retraite faisant du "maintien du niveau de vie" et de la "prévention seront elles qui subiront de plein fouet la crise des caisses de retraites, si l'évolution de leur situation dans toutes ses dimensions n'est pas prise en compte et anticipée.

L'entrée des femmes dans la vie active a contribué pour une large part à l'équilibre des régimes des retraites et à l'essor économique de notre société. Elles ont contribué comme les hommes au renouvellement des générations. Pour autant, le poids des normes culturelles a amené des générations de femmes à "sacrifier" leur vie professionnelle pour élever leurs enfants. Ces normes sociales changent progressivement, mais leur héritage pour l'instant reste encore lourd. Il est essentiel que les politiques publiques en faveur de la natalité ne se retournent pas contre elles, aujourd'hui comme demain.

Notre système de retraite par répartition est aujourd'hui menacé du fait de la lente dégradation du rapport actifs/inactifs et de l'augmentation de l'espérance de vie.

La tendance en Europe est de privilégier une approche contributive des retraites et par conséquent de supprimer les avantages non contributifs que constituent les avantages familiaux et conjugaux.

Le projet de réforme proposé par le Gouvernement fait le choix de maintenir les avantages familiaux et d'améliorer la situation des conjoints survivants, choix que nous apprécions.

Pour autant, le cœur de la réforme, à savoir l'allongement des cotisations, aura des conséquences financières significativement plus importantes pour les femmes que pour les hommes. Pour notre réseau, la situation spécifique des femmes doit donc être analysée, réaffirmée et prise en compte. Des modalités nouvelles doivent être trouvées pour éviter que la réforme des retraites entérine les discriminations financières existantes aujourd'hui entre hommes et femmes du fait d'inégalités dans la vie professionnelle relatives au plus fort investissement familial des femmes.

Pour mener une réflexion prospective sur la problématique des retraites au féminin, il est essentiel de partir, d'une part, de la réalité de leurs prestations de retraite aujourd'hui et, d'autre part, de l'évolution de leur parcours professionnel et personnel.

Qu'est-ce que la retraite des femmes aujourd'hui ?

Les conditions dans lesquelles les régimes de retraite valident les périodes d'activité professionnelle sont les mêmes pour les femmes et les hommes. Or, les hommes et les femmes se trouvent dans des situations différentes vis-à-vis de l'activité professionnelle. Les inégalités de retraite entre les hommes et les femmes sont donc en général le reflet des inégalités observées sur le marché du travail.

Malgré une participation active des femmes dans l'emploi, des interruptions de carrières de plus en plus courtes et une amélioratio ceux des hommes.

Des écarts importants encore entre hommes et femmes se rencontrent, tant au niveau de l'âge de départ en retraite que du montant, car les carrières des femmes sont plus courtes et leurs salaires plus faibles. Elles liquident donc leurs pensions plus tardivement que les hommes.

Alors que 84,5 % des hommes ont pu faire valider une carrière complète (168 trimestres), les femmes ne représentent que 39,1 % (122 trimestres en moyenne) tous âges confondus. Si l'on peut noter une nette amélioration de la situation des femmes de 60-64 ans, puisqu'elles sont 52% à avoir une carrière complète, l'écart de montant reste toutefois de près de 30 % dans le secteur privé (source DREES et résultats publiés en juillet 2002)

74 % des femmes sont unipensionnées contre 51 % des hommes, du fait là encore de leurs carrières plus brèves. Ainsi, près de la moitié d'entre elles (45 %) ont acquis moins de 100 trimestres pour le calcul de leur pension et ne perçoivent en moyenne que 583 euros par mois, soit un montant inférieur de 63 % à celui versé aux hommes unipensionnés du secteur privé.

Par ailleurs, les femmes qui ont travaillé comme non salariées bénéficient, comme chez les hommes de retraites très réduites : les agricultrices, commerçantes et femmes d'artisans unipensionnées perçoivent respectivement 298 euros, 312 euros et 272 euros par mois.

En 1997, près de trois retraités sur dix âgés de 65 ans et plus percevaient une retraite inférieure au montant du minimum vieillesse (557,20 euros au 1er janvier 2002). Cela concernait 41 % des femmes et 11 % des hommes. Le cumul de pension de droit direct et réversion concernait 34 % des femmes et seulement 4 % des hommes. En outre, 9 % des femmes retraitées en 1997 n'ont jamais travaillé et perçoivent uniquement une pension de réversion.

Plusieurs centaines de milliers de conjointes travaillent encore aux côtés de leurs époux (professions libérales, commerçants, artisans) sans droits propres. La loi leur donne la possibilité d'opter pour un statut de conjoint (collaborateur, salarié ou associé), mais ce statut se révèle être une charge difficile à assumer financièrement, d'où son faible succès.

Voilà un premier bilan assez alarmiste en termes de montant de retraites perçues par les femmes. Il est important aussi de voir quelle est leur situation au regard de leur parcours de vie personnelle et professionnelle.

Le taux d'activité féminin, aujourd'hui de 78 %, et l'allongement des carrières féminines permet de réduire progressivement les écarts entre les sexes. Cependant, leurs différences de parcours professionnel, leurs interruptions de carrière et le contexte du marché du travail, auront des incidences majeures au moment de la retraite.

L'activité à temps partiel et l'occupation d'emplois précaires est essentiellement le fait des femmes. En effet, les femmes subissent plus que les hommes les effets de la flexibilité de l'emploi. 27 % d'entre elles sont aujourd'hui employées à temps partiel contre 4,7 % des hommes. Ce temps partiel est imposé à l'embauche, pour près de la moitié d'entre elles. 8,44 % des femmes contre 4,9 % des hommes sont également en emplois précaires et 4,4 % d'entre elles cumulent emploi précaire et temps partiel.

Les femmes ont un taux de chômage plus fort. Depuis 30 ans, il est supérieur de 3 points à celui des hommes et il augmente lorsque la femme a des responsabilités parentales (2 points pour 2 enfants).

Selon les chiffres du ministère de l'Emploi et de la Solidarité, au-delà de 65 ans, 83 % des titulaires du minimum vieillesse sont des femmes. En 1997, on démontrait ainsi qu'une proportion majoritaire des femmes vivait sous le seuil de pauvreté. Il faut aussi souligner que les familles monoparentales sont aujourd'hui à 86,7 % représentées par des femmes et qu'elles constituent 92 % des familles pauvres, 95,3 % d'entre elles percevant le RMI.

A la suite de ces constats, nous souhaiterions apporter un certain nombre de propositions et de pistes de réflexion.

Tout d'abord, nous tenons à réaffirmer, d'une part, notre attachement au système de répartition, symbole de solidarité entre les générations, et, d'autre part, au recours aux discriminations positives, admis expressément dans l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, modifié par le traité d'Amsterdam, pour compenser les désavantages de carrière de l'un ou l'autre sexe.

La réforme des retraites doit désormais prendre en compte toutes les évolutions de la société que nous avons décrites qu'elles soient démographique, sociétale, économique et professionnelle, pour offrir aux femmes et aux familles un cadre protecteur et juste au regard des différents aléas de la vie.

Pour ce qui concerne les avantages familiaux, je n'y reviens pas. Tout ce qui a été évoqué précédemment l'avait déjà été par le groupe de travail. Donc, nous sommes évidemment tout à fait d'accord. Le projet confirme le maintien de ces compensations. Nous estimons qu'effectivement c'était tout à fait légitime et nous en sommes satisfaits.

Mme Catherine Génisson : Dans votre rapport, vous mettez en évidence le fait que les politiques familiales menées en France par tous les Gouvernements, ont permis de maintenir un taux de natalité, je ne dirai pas suffisant, mais supérieur à nos voisins des autres pays européens et que cette politique familiale a permis en même temps aux femmes françaises de pouvoir travailler.

La seule question que je me pose porte sur l'avantage des fe ont permis, non pas le maintien du taux de natalité, mais un réamorçage, puisqu'il est plus élevé qu'il y a une quinzaine d'années. Malgré tout, le souci demeure, puisqu'il est en dessous du seuil de renouvellement des générations.

Dans la mesure où l'on a trouvé des solutions permettant de contourner les avis négatifs de la Cour de Justice des Communautés Européennes pour les bonifications d'ancienneté servies aux femmes dans la fonction publique, à mon avis, il eut été tout aussi simple d'en trouver d'équivalentes pour préserver le droit à retraite proportionnelle des femmes fonctionnaires. Il suffit de l'ouvrir aux pères ayant eu la charge effective des enfants, définie de façon aussi habile que l'avant-projet de loi l'a fait pour les bonifications d'ancienneté, pour permettre une rétroactivité de cette disposition pour les enfants nés avant le 1er janvier 2004. C'est le rôle du Parlement d'éventuellement faire des propositions en ce sens.

Je serais très inquiète sur les incidences de la suppression d'un tel droit. J'ose espérer encore que l'on n'envisagera pas une rétroactivité pour les enfants déjà nés et les droits déjà ouverts. Songez que c'est un droit qui existe depuis 1924.

Mme Catherine Génisson : Je crois qu'il n'est pas du tout question de revenir sur ce droit. Mais, il y a également l'inégalité d'accès à ce droit selon le revenu des femmes. Par exemple, dans la fonction hospitalière, ce droit est beaucoup plus exploité par les infirmières que par les aides-soignantes, parce qu'il y a un problème de revenu.

Mme Marie-Josèphe Lamar : Si l'on se penche sur les problèmes de revenus, je suis très alarmée par la mise sous condition d'interruption d'activité des bonifications d'ancienneté dans la fonction publique pour les enfants qui naîtront à partir du 1er janvier 2004.

Quand vous avez un bon traitement et que vous avez les charges qui lui sont liées, comment faites-vous pour vous arrêter et vous contenter de votre allocation parentale d'éducation (3 000 F/mois), même si cela est pris en compte pour votre retraite ?

Moins vous gagnez, plus vous avez la possibilité de vous arrêter ; plus vous gagnez, plus c'est difficile de s'arrêter. Je parle de l'interruption d'activité pour élever un enfant.

Il y a des compensations qui s'opèrent. Ceci va profiter plutôt à cette catégorie-là, cela plutôt à une autre catégorie.

La mise sous condition d'interruption d'activités ne profitera pas à des femmes ayant fait des études supérieures, à moins d'appartenir à une famille richissime ou d'avoir un mari ayant une super carrière ; les femmes n'auront pas forcément les moyens de se priver de 10 000 F par mois.

La pension de réversion concerne aujourd'hui 22 % des femmes. Elles seront a priori 17 % en 2020. La suppression dans le projet des conditions liées à l'âge et à la durée du mariage constitue pour nous une première étape importante pour l'amélioration de la situation des femmes qui perdent leur conjoint. Désormais, seules les conditions de ressources personnelles du bénéficiaire, c'est-à-dire les ressources tirées d'une activité professionnelle, les revenus de biens immobiliers ou l'immobilier personnel seront pris en compte, lesquels ne devront effectivement pas dépasser un plafond qui sera fixé par décret. Rappelons, et cela est important, que les ressources personnelles avant le projet de réforme ne devaient pas dépasser le montant annuel du SMIC à la date du décès du conjoint et de la demande.

Pour nous, ce plafond est un plafond couperet. Nous proposons et nous souhaiterions beaucoup qu'il soit largement supérieur et également que soit institué un barème des ressources, à considérer en fonction notamment du nombre d'enfants restant à la charge de la mère. En effet, de nombreuses femmes et jeunes femmes seront concernées. Il est donc important de préserver l'équilibre financier de la famille et de ne pas pénaliser les femmes qui exercent une activité professionnelle tout en élevant leurs enfants, d'autant que, ne l'oublions pas, le montant de la pension de réversion sera aussi proportionnel aux droits à pension du conjoint décédé.

De plus, il faut souligner qu'en cas de divorce, la pension doit être partagée entre les conjoints ou ex-conjoints survivants. Un mariage sur trois se termine aujourd'hui par un divorce et nombreuses sont les familles recomposées. La faiblesse des montants de la pension dans ce cas risque de fortement précariser les mères qui ont des enfants à charge, d'autant que le projet prévoit que la pension de réversion peut désormais aussi bénéficier au conjoint survivant même remarié. Il est prévu de tenir compte des ressources du ménage dans la fixation du plafond. Pour ce qui concerne cette nouvelle modalité, nous nous posons la question de l'opportunité de cette ouverture au regard de la fragilité économique que connaissent de nombreuses femmes, veuves ou divorcées ou non remariées ayant encore à charge des enfants.

Je crois que le montant de ce plafond est véritablement un enjeu et, en fonction peut-être de la situation de la maman et du nombre d'enfants qui restent à charge, il pourrait y avoir un barème progressif. Cela me semble indispensable. Le plafond de ressources lié au montant du SMIC était un couperet.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Ce plafond sera fixé par décret.

Mme Marie-Josèphe Lamar : Rien ne vous empêchera en tant que parlementaires de baliser un peu les conditions dans lesquelles sera fixé par décret le montant de ce plafond.

Cela a été fait dans la loi sur les droits des malades pour déter d'opportunité politique que technique. A ce sujet, j'ai dénoncé tout à l'heure l'inégalité qui pourrait résulter de la réforme entre les pères, entre les mères, entre les régimes et j'en dénoncerai bien volontiers une de plus qui sera celle d'être veuf ou veuve de fonctionnaire ou veuf ou veuve de salarié du régime général.

Prenons l'exemple d'une fonctionnaire, qui gagne 15 000 F par mois, qui a acquis 10 000 F de droit à retraite et dont le mari, qui n'est pas fonctionnaire, gagne 30 000 F par mois. Si vous êtes veuf ou veuve de fonctionnaire, vous allez pouvoir cumuler la pension de réversion avec vos propres revenus personnels. Dans mon exemple, si la femme décède avant son mari, celui-ci aura droit à 5 000 F de pension de réversion qui s'ajouteront à ses 20 000 F de retraite ; si c'est lui qui décède en premier, elle sera soumise aux conditions de la pension de réversion du régime général. Donc, elle aura ses 10 000 F de retraite auxquels elle n'ajoutera rien, parce qu'elle sera sans doute touchée par le plafond de ressources. La situation des veufs de fonctionnaires est améliorée, on ne peut que s'en réjouir, mais ce qui reste d'inégalité peut se révéler très pénalisant pour les femmes, parce que leur situation au moment de la retraite est largement inférieure à celle des hommes.

Je n'ai pas voulu être négative. Il est évident qu'il y a des inspirations positives dans ce projet, mais il y a parfois des effets pervers qui n'ont pas été voulus ou que l'on n'a pas pu encore tenter d'arranger. Je voulais simplement tenter d'alerter les parlementaires que vous êtes, tout en étant consciente d'avoir plus une approche d'opportunité politique que technique.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Je suis les négociations avec beaucoup d'anxiété.

Mme Marie-Josèphe Lamar : Vous êtes chargés de la conduite politique de la nation. Il y a un principe numéro un, on ne tire pas sur les femmes et les enfants.

L'inspiration du droit comparé n'est pas toujours heureuse, il faut en tirer ce qui est bon et ce qui est mauvais. Certains pays de la Communauté européenne n'ont pas fait la preuve de l'efficacité de leurs réformes en diminuant les droits des femmes. Il ne faut pas oublier que ce sont surtout les fonctionnaires qui vont subir la réforme et que les femmes risquent de trinquer deux fois, en tant que femme et en tant que fonctionnaire. C'est la double peine.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Ce n'est pas au moment des retraites qu'il faut régler le problème de l'égalité hommes-femmes, c'est sur l'ensemble de la carrière.

Mme Catherine Génisson : Les mesures prévues par le projet de loi sont plus ciblées sur les fonctionnaires que sur le secteur privé et vont pénaliser deux fois les femmes, compte tenu de la situation actuelle des femmes que des conjoints, M. Christian Pineau, chargé de mission
et M. Guillaume Tabourdeau, chargé des relations avec le Parlement,
de l'Union professionnelle artisanale (UPA)

Réunion du mardi 20 mai 2003

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Roselyne Lecoultre, présidente de la commission des conjoints, M. Christian Pineau, chargé de mission, et M. Guillaume Tabourdeau, chargé des relations avec le Parlement, de l'Union professionnelle artisanale.

Nous souhaitons vous interroger sur le problème de la retraite des conjoints d'artisans.

Quelle est aujourd'hui la place de la femme dans l'entreprise artisanale et quels sont les différents types de statuts qui lui sont applicables ? Quelle est encore la part de femmes d'artisans qui ne bénéficient d'aucun statut ?

Pouvez-vous nous donner un aperçu de la situation des femmes d'artisans, au regard de leurs droits à la retraite, des avantages familiaux et particulièrement vis-à-vis des droits à la réversion ? Quel est le niveau moyen des pensions ? Quels sont les avantages complémentaires apportés par la CANCAVA ?

Enfin, quelle est votre appréciation des mesures concernant les femmes proposées par l'avant-projet de loi présenté par M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité : simplification et amélioration des conditions d'accès à la pension de réversion ; égalité de traitement entre hommes et femmes dans les avantages familiaux ?

Mme Roselyne Lecoultre : Les questions posées sont toutes liées, puisque la retraite des conjoints d'artisans est liée à leur statut. Vous évoquiez la place de la femme dans l'artisanat aujourd'hui. La loi relative au statut des conjoints existe depuis vingt ans, puisqu'elle a été instaurée en 1982. Or, il y a encore presque 60 % de conjointes qui n'ont pas de statut, ce qui est énorme.

Dans ce pourcentage, la tendance s'inverse, c'est-à-dire qu'auparavant les conjointes étaient systématiquement conjoints-collaborateurs et qu'il y avait très peu de conjoints-salariés. Aujourd'hui, avec l'évolution des mentalités et le changement de génération, on s'aperçoit que les conjointes ont de plus en plus un statut de salariées au lieu d'un statut de conjoints-collaborateurs. La raison en est simplement qu'elles ont fait autant d'études que les garçons, qu'elles ont déjà souvent eu un travail avant de se marier à un artisan, donc qu'elles ont souvent déjà eu une activité salariée. La nouvelle génération me conforte dans ma démarche concernant les statuts des conjointes, puisque je m'aperçois que les jeunes imposent systématiquement un statut à leur arrivée dans l'entreprise et que c'est en général le statut de conjoint salarié. Cela représente un i propres, mais cette obligation ne devra pas se faire n'importe comment. Aujourd'hui les cotisations sont complexes et les femmes ont plusieurs choix d'assiette. Beaucoup choisissent le partage des bénéfices. Malheureusement, quand on choisit le partage des bénéfices pour calculer une retraite, le jour où les bénéfices sont moindres, on partage la misère au lieu de partager quelque chose.

En plus, certains régimes de pluri-activités sont complexes : il s'agit par exemple du cas d'un artisan qui a d'abord travaillé comme salarié, qui a ensuite été artisan seul, puis qui a déclaré sa conjointe et qui ont tous deux cotisé sur les bénéfices. Nous avons eu un exemple dramatique : au lieu de prendre les vingt-cinq années, on lui a pris sur les soixante-quinze années, c'est-à-dire les vingt-cinq années en tant que salarié, les vingt-cinq années en tant qu'artisan et les vingt-cinq années où, étant artisan, il partage les bénéfices avec sa conjointe. C'est très complexe. Il faut absolument développer l'information pour que tout le monde comprenne bien la difficulté de la retraite des conjointes.

On demande l'augmentation des taux de pension de réversion sur l'assurance vieillesse de base, puisque ce taux de réversion est arrêté à 54 %. En 1994, il est passé de 52 à 54 %. La loi Veil avait dit que tous les deux ans, il serait valorisé et on s'aperçoit que, depuis 1994, il est resté à 54 %. Au niveau de l'UPA, on revendique un taux de 60 % pour la pension de réversion des conjointes.

On demande également la possibilité pour le conjoint-collaborateur de racheter toute période d'activité sans limite de temps, c'est-à-dire qu'il ne soit pas obligé de racheter ses cotisations sur un temps bien défini, car c'est onéreux. Aujourd'hui, le rachat ne se fait que pour les années 1978 à 1985, plus les six années précédant l'affiliation au régime de travailleur indépendant. On aimerait pouvoir élargir ce rachat de cotisations.

En ce qui concerne l'âge de réversion dans le régime complémentaire, il était de 55 ans pour les femmes et de 65 ans pour les hommes. Il devrait donc y avoir une harmonisation, car à partir du moment où l'on demande l'égalité hommes-femmes, il faut jouer le jeu dans les deux sens.

En revanche, on a des revendications supplémentaires au niveau du statut de conjoint-collaborateur. Aujourd'hui, le conjoint-collaborateur doit être marié pour bénéficier de ce statut. Or, le PACS a été instauré, le concubinage existe, et ces situations ne sont pas reconnues dans le statut de conjoint-collaborateur. Avec la nouvelle génération, beaucoup de couples d'artisans ne sont pas mariés. On demande donc à ce que le statut de conjoint-collaborateur soit ouvert au PACS et au concubinage.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : C'est effectivement une des questions qui se pose. Pour le concubinage, la question est moins compliquée, mais le PACS pose un problème, que l'entreprise artisanale. Donc, si elles pouvaient continuer à être salariées pendant un certain temps et pouvoir opter pour le statut de conjoint-collaborateur, cela les aiderait à venir progressivement dans l'entreprise et pouvoir choisir le statut adapté. L'avantage que l'on a dans les entreprises artisanales, c'est que le statut n'est pas figé. On peut très bien être conjoint-collaborateur pendant un certain temps et devenir ensuite conjoint-salarié. Rien ne l'empêche, sauf si l'on est en société, car alors on ne peut pas être conjoint-collaborateur.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Mais cela posera plus de problèmes ensuite pour les retraites. Si l'on change trois fois de statut, vous imaginez...

Mme Roselyne Lecoultre : Cela se pose aussi aujourd'hui pour l'artisan qui a été salarié.

Mme  Marie-Françoise Clergeau : Il ne se posera plus.

Mme Roselyne Lecoultre : Normalement, d'après la loi, il ne devrait plus se poser. Ce sera au prorata du nombre d'années et non pas automatiquement les vingt-cinq années de chaque régime. Donc, cela devrait les inciter à pouvoir rentrer dans le système des retraites.

Mme  Marie-Françoise Clergeau : Sur le montant des retraites, vous avez parlé de pourcentage de retraites de réversion. Par rapport à ce qui est indiqué dans l'article 23 du projet de loi, quel est votre avis sur la suppression de l'assurance veuvage, par exemple, qui peut pénaliser des conjoints qui restent seuls jeunes. Avez-vous une réflexion sur ce sujet ?

M. Christian Pineau : Historiquement, lorsque la question s'est posée de mettre en place l'assurance veuvage des salariés, la question s'est posée pour les travailleurs indépendants. Le choix n'a pas été fait de faire symétriquement la même création. Depuis, la question ne s'est pas reposée ; donc, la question ne se pose pas aujourd'hui.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : De nombreuses questions seront traitées dans le futur projet de loi de M. Renaud Dutreil, qui sera pour vous extrêmement important.

Mme Roselyne Lecoultre : Il faudra bien spécifier, dans le projet de loi de M. Renaud Dutreil, l'obligation de statut. Cela ne doit pas devenir l'obligation d'un statut particulier, mais l'obligation d'un des trois statuts proposés par la loi de 1982. On ne peut pas obliger quelqu'un qui aujourd'hui est un conjoint-collaborateur à devenir salarié. On ne va pas imposer à un conjoint-salarié de devenir conjoint-collaborateur. A ce propos, l'on se rend compte de la méconnaissance des statuts, et du fait que l'on ne parle que de celui de conjoint-collaborateur. Le conjoint est là pour collaborer, mais il peut avoir des statuts différents.

Mme Marie-Françoise Clergeau : Vous parliez tout à l'heure de l'augmentation de la pen plus l'entendre. Dans les débuts d'une entreprise artisanale, on ne met pas en cause l'investissement pour acheter le matériel ou un camion. Or, s'il n'y avait pas une conjointe dans une entreprise artisanale, il faudrait une secrétaire et il faudrait la payer. La complexité de la gestion de nos entreprises artisanales est telle aujourd'hui que l'on ne peut pas se passer de la personne qui gère les problèmes administratifs. Sur ce point, la nouvelle génération a évolué et cela me conforte. Quand on en parle dans nos conseils d'administration, il y a maintenant un vrai débat. Ce n'est plus quelque chose de tabou. Les hommes ne disent plus que c'est une histoire de femmes. Ils commencent à prendre conscience de notre problème de statut. C'est le changement de génération.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Ce n'est qu'un changement de génération ?

Mme Roselyne Lecoultre : Pour beaucoup oui. Les filles et les garçons n'ont plus du tout les mêmes rapports qu'il y a quarante ans, ne serait-ce que parce que les écoles sont mixtes. L'on reconnaît désormais que la femme a un travail et on reconnaît son travail. Pour nous, cela fait une grosse différence. On est en train de faire évoluer la féminisation des métiers. Là aussi, on commence à faire prendre conscience que finalement les femmes ont leur place. C'est un travail de longue haleine, mais j'ai bon espoir.

Pour le statut, il y a encore beaucoup de travail à faire. Je ne sais plus comment m'y prendre pour arriver à faire comprendre à toutes ces femmes, qui n'ont pas de statut aujourd'hui, qu'elles n'auront pas de retraite. En plus, même si vous êtes conjoint-collaborateur, si vous ne cotisez pas, vous n'êtes qu'ayant droit de votre mari, c'est-à-dire que le jour où il y a un divorce - et il y en a chez nous comme ailleurs - c'est la catastrophe. Je reçois des lettres, des appels téléphoniques toutes les semaines de femmes qui sont complètement démunies ; elles n'ont plus rien.

Mme Claude Greff : Elles ne comprennent pas cela ?

Mme Roselyne Lecoultre : Elles ne le comprennent pas tout de suite, car au début les artisans sont axés sur le bénéfice de l'entreprise, ils ne veulent pas aller plus loin et surtout ne pas en prendre une partie pour se constituer des droits propres. On ne cotise pas, car cela coûte cher.

Mme Claude Greff : Vous avez le sentiment que la nouvelle génération a cette même approche ?

Mme Roselyne Lecoultre : Il y a une nette évolution. J'ai bon espoir, car je travaille régulièrement avec toutes les conjointes. La nouvelle génération arrive. Les femmes n'ont plus du tout la même façon de voir les choses et leurs maris non plus.

Mme Claude Greff : Ce débat sur les retraites va au moins avoir un élément positif, c'est de faire bien prendre conscience de ce qu'est véritablement la retraite. La size: 10pt">Mme Roselyne Lecoultre : Je n'arrive pas à comprendre pourquoi.

Mme Hélène Mignon : J'ai rencontré des situations catastrophiques, chez les femmes de boulangers en particulier. Le mari partait et elles se retrouvaient sans rien.

Mme Roselyne Lecoultre : Je fais une réunion annuelle à Paris où je fais venir toutes les présidentes des départements. Il y a pratiquement une commission par département ; seuls quelques départements ne sont pas couverts. Cette année, on a discuté des statuts, car je vois bien qu'il faut faire avancer ce problème. Je les ai sollicitées pour qu'elles aillent voir les experts comptables et qu'elles leur expliquent ce qu'est le statut de conjoint, afin qu'ils prennent mieux en compte ce problème dans les entreprises. J'espère que l'on va aboutir. Nous sommes aussi beaucoup aidées par le ministère du droit des femmes. J'avais invité Mme Nicole Ameline à ma réunion. Elle s'est rendu compte que l'on avait besoin de son aide. Chez nous, il s'agit surtout de faire connaître le statut. Les conjointes travaillent dans l'entreprise, elles doivent donc être reconnues comme telles.

Il faut un statut, mais il ne faut pas obliger à un statut particulier. Cela changera tout pour la retraite des femmes, car, quand on dit obligation d'un statut, on dit obligation de droits propres. C'est important de le dire, parce que si on dit statut de conjoint-collaborateur, cela n'oblige pas au droit à la retraite. Il faut une cotisation obligatoire pour la retraite. Si en plus, les femmes peuvent obtenir le rachat d'années de cotisations, cela pourra peut-être les inciter à cotiser. C'est une revendication forte depuis longtemps. On a l'air de rabâcher, mais finalement on s'aperçoit qu'au bout de vingt ans, cela évolue tellement peu qu'il ne faut pas avoir peur de rabâcher.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Une de mes anciennes collègues, Mme Nicole Catala, avait beaucoup travaillé sur la question et avait déposé une proposition de loi, le 8 mars 1998, sur le sujet du statut des femmes d'artisans. Elle avait beaucoup insisté sur le fait qu'il fallait ce statut. Quand nous rencontrons des artisans, c'est vrai que, pour ma part, je suis un peu surprise que, la plupart du temps, la question ne se pose pas.

Mme Roselyne Lecoultre : Vous avez raison, mais l'artisan est dans son métier, la tête dans le guidon, toute la journée sur le chantier.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Oui, mais c'est la femme qui gère l'entreprise et si l'entreprise réussit, c'est parce que la femme l'a bien gérée.

Mme Roselyne Lecoultre : Il y a complémentarité, car l'un sans l'autre, on n'est rien. Si le travail n'est pas bon sur le chantier, il ne sert à rien d'être une très bonne gestionnaire.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Je me souviens très bien du combat de Mme Nicole Catala. J bonne marche de l'entreprise et qu'il est nécessaire, compte tenu du rôle actif qu'elle joue, qu'elle ait en compensation des droits propres pour la prémunir contre les aléas de la vie. L'artisan, comme tout Français, est confronté au risque du divorce, donc la femme d'artisan a besoin d'avoir une couverture propre qui la garantisse contre ce genre de problèmes que tout le monde peut connaître dans sa vie.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : J'attends beaucoup de la future loi Dutreil, je pense que vous aussi.

Mme Roselyne Lecoultre : Oui. Lorsque j'ai eu rendez-vous, le 7 mars, le ministre ne parlait que des conjoints-collaborateurs. Etant la seule autour de la table à être une conjointe-salariée, j'ai expliqué qu'il y avait d'autres statuts que celui de conjoint-collaborateur. J'ai senti que j'avais besoin de convaincre. J'ai fait un courrier à la suite de cette réunion pour remercier le ministre de m'avoir invitée et pour lui faire part des revendications de l'UPA, car j'ai peur d'avoir été mal entendue.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Nous allons doubler votre demande, car je la comprends très bien et elle est très utile. Nous retravaillerons avec vous au moment de l'examen du projet de loi de M. Renaud Dutreil.

Audition de Mme Karen Serres,
vice-présidente de la commission nationale des agricultrices
de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA)

Réunion du mardi 20 mai 2003

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Nous avons le plaisir d'accueillir maintenant une nombreuse délégation représentant la FNSEA, dirigée par Mme Karen Serres, vice-présidente de la commission nationale des agricultrices. Mme Marie-Annick Méhaignerie, première vice-présidente, malheureusement empêchée, a regretté de ne pouvoir participer à cette audition.

Vous n'allez pas me contredire si je dis que les femmes dans le domaine agricole ont une lourde tâche, car elles doivent mener à la fois la maison et l'exploitation, élever les enfants dans des conditions extrêmement précaires, et elles connaissent les aléas de la vie d'agriculteur.

Les femmes agricultrices non salariées bénéficient, en général, comme les agriculteurs non salariés, de retraites très réduites. Elles ne perçoivent en moyenne que 300 euros par mois, s'agissant des retraitées unipensionnées. Les commerçantes et les femmes d'artisans que nous recevions précédemment ne sont pas mieux loties, mais elles comptent beaucoup sur la future "loi Dutreil" pour leur donner un statut.

Je souhaiterais que vous nous apportiez des précisions sur la situation actuelle des agricultrices au regard de la retraite, en particulier sur la mise en place du statut de conjoint-collabateur, institué par la loi d'orientation agricole de 1999. Quels sont les avantages offerts par ce statut et quelle est la part des couples d'agriculteurs qui ont demandé à en bénéficier ?

Quelles sont les règles applicables aux non-salariées des professions agricoles en matière d'avantages familiaux et de droits à la pension de réversion ?

Quel est l'apport du régime complémentaire de la mutualité sociale agricole ?

Le projet de loi comporte un certain nombre de dispositions relatives aux exploitants agricoles, en particulier la transposition au régime des exploitants agricoles des nouvelles conditions d'accès à la pension de réversion du régime général. Quelle appréciation portez-vous sur ces aménagements ?

Mme Karen Serres : Notre délégation est composée d'agricultrices en activité, mais nous avons également souhaité que Mme Michèle Marcusse nous accompagne, car elle a le mérite du vécu et également une grande compétence. Le sujet est grave. Il n'y a pas d'agriculteurs qui manifestent dans la rue. Pourtant, nous faisons partie des corporations qui touchent les retraites les plus faibles. Nous sommes conscients de la nécessité de la réforme et donc - c'est une question de dignité humaine -, que tous les cas les plus graves soient revus à la hausse.

Il y a également d'autres dossiers très concrets. Je suis contente que vous ayez parlé des conjoints-collaborateurs car il y a une problématique que je souhaite aborder. Ensuite, chacune des autres agricultrices évoquera d'autres points.

Je ne vais pas m'étendre plus sur l'introduction, mais j'espère que vous avez tous retenus le chiffre de 196 euros par mois en moyenne pour les agricultrices qui n'ont pas bénéficié de la revalorisation.

En tant que syndicat, nous avons joué un rôle incitatif auprès des agriculteurs et agricultrices pour que le maximum de personnes opte pour le statut de conjoint-collaborateur. Nous ne l'avons pas amenée avec nous cette fois-ci, mais nous avons prévu, lors de notre assemblée générale, de montrer la carte de France du nombre de personnes ayant le statut de conjoint participant ou de conjoint ne participant pas, mais ayant opté pour le statut de conjoint-collaborateur, et de montrer en parallèle les commissions agricultrices actives sur une autre carte. C'est tout à fait parlant. Le syndicalisme a été vraiment partie prenante, car nous étions conscients que c'était une bonne chose.

Mais il y a un gros problème, qui ne concerne pas beaucoup de personnes, mais qui est une question d'équité, de parole donnée. L'Etat a changé les règles du jeu en ce qui concerne le nombre de trimestres à valider pour bénéficier de la retraite de conjoints-collaborateurs. Ce qui est très grave, c'est que ce changement a eu lieu après que les agricultrices aient opté pour ce nouveau statut.

Nous allons vous donner une fiche technique comportant tous les chiffres. Dans certains cas, l'agricultrice aurait eu plus intérêt à ne pas opter qu'à opter pour ce statut. Elle a été pénalisée, parce qu'elle nous a écoutés et qu'elle a suivi la logique du progrès social. Certaines personnes qui, aujourd'hui, se trouvent pénalisées, se retournent donc vers notre syndicat et disent qu'on leur a menti. Notre seule réponse est de dire que la parole de l'Etat n'a pas été respectée puisque, quand les personnes ont signé, il y avait des règles du jeu et qu'ensuite le nombre d'années ou de trimestres a changé, alors qu'elles avaient déjà signé.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Tout à l'heure, nous recevions les représentants d'artisans qui nous expliquaient que, pour elles, il était plus intéressant d'être conjoint-salarié que conjoint-collaborateur. Dans votre secteur, est-ce aussi une demande ? Pour les droits à la retraite, dans le domaine agricole, ce statut de conjoint-salarié n'est-il pas plus intéressant que le statut de conjoint-collaborateur ?

M. François Guillaume : Il y a plusieurs problèmes à traiter, dont certains peuvent être réglés à l'occasion de la réforme des re co-exploitantes. Le système de conjoint-salarié, psychologiquement, ne fonctionnera pas.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : C'est pour cette raison que je posais la question. Cela a inévitablement une conséquence sur la retraite.

Mme Karen Serres : Si la femme d'agriculteur cotise en tant que salariée, elle aura une meilleure retraite. Cela dit, tout salarié est subordonné à son employeur. En tant qu'agricultrice, on imagine mal d'inciter les épouses d'agriculteurs à demander une subordination.

M. François Guillaume : Il y a un certain nombre de points que l'on pourrait déjà obtenir. Il y a le problème général du niveau de retraite que vous avez soulevé et sur lequel il faut discuter, mais il est lié au problème des cotisations. A une certaine époque, j'avais regretté que les agriculteurs cherchent toujours à réduire les cotisations. La contrepartie, c'est qu'au moment de la retraite, les retraites sont faibles, puisque les cotisations ont été faibles. On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre.

En ce qui concerne la pension de réversion, à une certaine époque, il a été fait une distinction entre les conjoints. Ceux qui étaient veufs ou veuves avant le 1er janvier 1995, pouvaient bénéficier d'une somme forfaitaire de 6 000 F, puis, plus tard, de 8 000 F, comme pension de réversion. Les autres bénéficiaient du système de la pension de réversion, c'est-à-dire de 54 % de la pension.

J'ai protesté contre ce système et dit qu'il fallait le même système de pension de réversion pour tous. Je ne sais pas s'il subsiste.

Le projet de loi gouvernemental sur les retraites précise que, pour la pension de réversion, il y aura des conditions de ressources, mais qu'il sera possible de la percevoir à tout âge. Cela pose peut-être aussi un problème et j'ai alerté M. François Fillon à ce sujet. Qu'en pensez-vous ?

Mme Michèle Marcusse : Si l'on donne la réversion très tôt, nous risquons d'avoir des veuves jeunes, 40 ou 50 ans, qui auront une réversion minime pendant toute leur vie. Quand elles arriveront à la retraite, elles n'auront rien. Il faut faire très attention.

Avant 1995, elles devaient avoir 55 ans et avaient à choisir entre leur retraite forfaitaire propre et la réversion du mari. On leur donnait la plus avantageuse. En 1995, on a jumelé les deux. La personne a le droit de percevoir la pension du mari, plus ses droits propres. On additionne ses droits propres et les droits du mari, on divise le chiffre obtenu, non pas par 54 %, mais par 52 %, et ensuite on compare ce montant de réversion au montant de la réversion forfaitaire du régime général, qui est de 73 %. Si le mari avait plusieurs régimes, s'il était non salarié et salarié, on divis family: 'Arial'; font-size: 10pt">M. François Guillaume : En principe, le système va complètement changer. La séparation tout à fait anormale entre ceux qui sont veufs avant 1995 et ceux qui sont veufs après est une disposition qui devrait peut-être être supprimée dans la loi. Il faut voir également si les nouvelles dispositions de la réversion du régime général peuvent s'appliquer au régime agricole. Cela pourrait supprimer certaines des réticences que vous venez d'exprimer à l'instant.

Mme Michèle Marcusse : Il y a encore une anomalie. Toute personne qui a élevé trois enfants a droit à une bonification de 10 % de sa retraite. Entre la personne qui touche 7 200 F de retraite - pas chez les agriculteurs, il n'y en a pas - et la conjointe qui touche 2 100 F, l'une a 210 F et l'autre 720 F.

Pour avoir droit à la réversion, il y a un plafond qui est très bas. Or, ces 10 % sont ajoutés au cumul des droits de la femme. Autrement dit, au lieu d'obtenir 10% supplémentaire, elle a moins, car cette bonification est comptée dans le calcul du montant du cumul.

M. François Guillaume : Autres problèmes, celui de la retraite proportionnelle et celui de la retraite complémentaire.

En ce qui concerne la retraite proportionnelle, une partie peut être octroyée - je vais prendre le cas le plus général - à la femme de l'exploitant, mais c'est le chef d'exploitation qui en décide. J'ai toujours considéré, et j'ai fait d'ailleurs des amendements lors de la précédente législature, qui n'ont pas été adoptés, pour que la retraite proportionnelle soit partagée équitablement en deux. D'autant plus que, quand il y a des problèmes au sein du couple et qu'il y a, par exemple, un divorce, un des conjoints emmène le tout.

Le problème va se poser exactement de la même manière pour la retraite complémentaire, car, compte tenu du coût qu'elle représente, - ou alors il faudrait augmenter les cotisations de manière substantielle - il n'est pas envisagé pour l'instant de retraite complémentaire pour la co-exploitante. Je me demande donc s'il ne faudrait pas aussi demander de la partager en deux.

Etes-vous d'accord sur ces points et peut-on éventuellement le demander ?

J'en ai déjà parlé à M. François Fillon. Dans la mesure où cela n'a pas d'incidence financière, il ne serait pas opposé à cette mesure.

Mme Marie-Pierre Convert : Les conjoints-collaborateurs n'ont pas droit à la retraite complémentaire obligatoire. On voudrait qu'elles puissent obtenir cette retraite complémentaire, car ce n'est pas normal.

M. François Guillaume : Cela a un coût. Accepte-t-on les coti style="font-family: 'Arial'; font-size: 10pt">M. François Guillaume : Celui qui reste en vie touche sa moitié de pension quand même.

Mme Marie-Françoise Clergeau : Je me demande s'il ne faudrait pas regarder précisément si cela n'a pas une conséquence sur le montant de la pension de réversion que l'un ou l'autre toucherait.

M. François Guillaume : Il faut regarder le nouveau dispositif de la pension de réversion, qui élimine un certain nombre de critères qui étaient bloquants, comme l'âge et le revenu. Il faudrait que vous étudiiez le projet de loi en matière de droits de réversion et qu'on puisse déterminer les effets du partage de la retraite complémentaire pour le co-exploitant, et voir si l'on peut lui donner un caractère volontaire, sous condition d'une cotisation supplémentaire.

Mme Marie-Pierre Convert : Les droits de réversion prévus en matière de retraite complémentaire, posent aussi un gros problème. Pour pouvoir bénéficier de la réversion de retraite complémentaire obligatoire, il est nécessaire d'avoir liquidé sa retraite de base. Pour un exploitant qui a cotisé toute sa carrière et qui décède par exemple à 58 ans, son épouse n'aura pas droit à la pension de réversion de retraite complémentaire. On souhaiterait que cette condition soit supprimée.

Mme Karen Serres : C'est un peu comme une assurance vie un peu "bidon", puisque l'on fait cotiser une personne et si elle décède juste avant de demander sa retraite, c'est à fonds perdus.

M. François Guillaume : Il faut regarder cela de près.

M. Jean-Louis Chandellier : Cette mesure particulière est insérée dans la loi qui a mis en place la retraite complémentaire. Derrière se pose un problème de financement. La réversion est financée par la seule cotisation professionnelle, alors que la retraite complémentaire devait être financée à parité entre l'Etat et les agriculteurs. Si l'on élargit le champ de la réversion, la difficulté est de trouver le financement. Soit on augmente les cotisations des agriculteurs, soit on met en place un financement à parité, ce qui n'est pas prévu par la loi, soit on prévoit un financement de l'Etat. Il ne faut pas oublier qu'à la base cette prestation a été financée par les cotisations des agriculteurs. Donc, il y a une logique de parité en ce sens.

Sur la question du partage des points, ce n'est pas si facile et si avantageux que cela. On avait un système jusqu'en 1999 de partage des points entre le chef d'exploitation et son conjoint. Ce système ne fonctionnait pas trop mal jusqu'à ce que les revalorisations prennent de l'ampleur et que l'on s'aperçoive que les revalorisations étaient plus avantageuses que le système de partage de points pour les bas revenus. Si bien que ce système a été complètem cotise - et c'est l'avantage - sur une assiette forfaitaire. Malgré la faiblesse des revenus professionnels, cela permet de maintenir une pension assez correcte, surtout lorsqu'elle est revalorisée, pour les chefs d'exploitation. Cette assiette forfaitaire, qui génère un coût supplémentaire, ne minore pas pour autant la pension du chef d'exploitation. Il faut toujours un dosage et un savant équilibre. C'est pour ces raisons qu'il faut faire attention à cette notion de partage.

En ce qui concerne la retraite complémentaire, il est vrai que l'on préférerait que l'on donne la possibilité au conjoint de cotiser de la même manière sur une assiette forfaitaire, ce qui lui donnerait une pension de retraite complémentaire personnelle.

M. François Guillaume : Le problème, c'est que l'Etat en règle une partie et que cela va augmenter les dépenses. Je n'ai pas compris pourquoi vous êtes hostile au partage de la retraite proportionnelle. Ce n'est pas difficile de la couper en deux.

M. Jean-Louis Chandellier : Aujourd'hui, le conjoint peut opter pour de nombreux statuts. Le conjoint peut être chef d'exploitation et donc être à égalité de droit et de devoir avec le chef d'exploitation. Ils ont chacun les mêmes bases de cotisations, les mêmes montants de cotisations et les mêmes droits. La seule difficulté c'est que, les revenus étant faibles, et les cotisations étant presque multipliées par deux, cela a un coût élevé. Cela a pour conséquence de minorer la pension de retraite du chef d'exploitation.

Le conjoint peut avoir le statut de conjoint-collaborateur, que l'on a promu pour les raisons que j'ai évoquées tout à l'heure et qui donne des droits personnels au conjoint.

Ensuite, il a la possibilité d'avoir le statut de salarié. Ce statut se développe notamment dans le cadre des sociétés d'exploitation type EARL (entreprise agricole à responsabilité limitée).

Pour opter pour le statut de conjoint-collaborateur, le chef d'exploitation doit donner son accord. C'est une mesure qui a été contestée à la commission des agricultrices.

Mme Karen Serres : On continue à la contester. On a émis le vœu au sein de nos propres organisations professionnelles et non au niveau syndical, de supprimer la nécessité de signature du chef d'exploitation. C'est plus une question de principe.

Mme Sylvie Lafourcade : En ce qui concerne la validation des deux années par enfant, on n'est pas contre le fait que cette validation soit accordée à un homme ou à une femme. Le seul élément négatif, c'est la nécessité d'arrêter au moins deux mois l'activité ; or, toute agricultrice ne s'arrête jamais deux mois entiers, car elle ne peut pas se faire remplacer sur l'exploitation.

M. Clément Faurax  Jo Zimmermann, présidente : La disposition concernant l'égalité de traitement hommes-femmes pour les bonifications pour enfant ne concerne que la fonction publique et non pas le régime général. Elle ne s'applique donc pas à vous.

Mme Karen Serres : C'est une bonne nouvelle, car on la trouvait complètement inapplicable dans la pratique.

Dernier point : tout à l'heure, j'ai parlé des agricultrices qui rentrent tardivement dans le métier. Malheureusement, certaines sont monopensionnées, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas fait autre chose ou qu'elles n'ont pas été déclarées ailleurs. Pour ces personnes, nous demandons de relever un peu le minima de cotisation en tant que non salarié agricole, de l'augmenter de 17,5 à 22,5, et, en revanche, de ne pas exiger 40 annuités. Je parle des monopensionnées, donc, des personnes qui n'ont jamais fait autre chose que de l'agriculture et qui vont toucher une retraite agricole.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Vous ne l'avez pas obtenu ?

M. François Guillaume : Tous les parlementaires qui sont ici doivent le savoir. On est sans arrêt sollicité par des agriculteurs de ma génération, qui ont travaillé chez les parents pendant un certain temps, qui n'ont pas été déclarés et qui maintenant se retrouvent avec des retraites amputées. Pour l'instant, on n'a pas trouvé de solution.

Mme Michèle Marcusse : Les femmes n'ont pas de carrière complète, car souvent le mari a été salarié des parents. La jeune femme a travaillé sur l'exploitation, en ayant la couverture sociale par son mari. Le jour où il s'est installé agriculteur, elle est devenue sa collaboratrice ou du moins elle a été inscrite à la mutualité, mais jusqu'alors elle n'était rien du tout.

M. François Guillaume : Je me demande s'il n'y a pas une disposition pour essayer de régler ce problème des exploitants agricoles, qui ont démarré chez leurs parents sans être rémunérés, donc, sans être déclarés et qui n'ont été déclarés que le jour où ils ont repris l'exploitation.

Mme Michèle Marcusse : Parfois, ils étaient déclarés comme salariés, mais pas la femme. Aujourd'hui, elles mangent le fruit amer de ce statut.

M. Clément Faurax : Le projet de loi permet de reconnaître les périodes d'activité en tant qu'aide familiale avant 21 ans, mais il n'existe rien pour les conjoints. Il fallait avoir le statut d'aide familiale.

M. François Guillaume : A l'époque, cela n'existait pas. Il fallait des attestations, éventuellement de voisins, de maires.

M. François Guillaume : En contrepartie, acceptez-vous de relever le niveau des cotisations, car ce sont les cotisations d'aujourd'hui qui payent les retraites de demain ?

Mme Karen Serres : Il y a quelque chose que je n'ai pas abordé dans mon introduction : c'est la spécificité démographique de l'agriculture. Beaucoup d'enfants d'agriculteurs font autre chose que de l'agriculture. Il y a déjà des réversions de caisse à caisse. On sait très bien que l'argent doit venir de quelque part, mais il n'est pas envisageable que ce soit le peu d'agriculteurs en activité aujourd'hui qui assument ce financement.

M. François Guillaume : Il y a la compensation démographique. On a connu cela à toutes les époques, y compris à la mienne. Le régime général apportait une contribution au titre de la diminution de la population active et du fait qu'une bonne partie des enfants issus de la population active vont dans les autres secteurs d'activité et nourrissent les régimes de retraite des autres secteurs d'activité. Il me semble que la FNSEA fait un calcul assez large qui permet cette compensation.

M. Clément Faurax : On a peut-être une marge de manœuvre, car la situation démographique fait que l'on est dans un régime où les dépenses vieillesse diminuent. On économise de l'ordre du milliard de francs par an sur les dépenses vieillesse.

Si l'on prend le régime vieillesse des non-salariés agricoles, la dépense diminue du fait du moindre nombre de pensions à verser.

Mme Michèle Marcusse : Le Fonds de solidarité diminue aussi car, avec les revalorisations, moins de gens perçoivent le Fonds de solidarité. Cela fait qu'il y a un peu plus d'argent maintenant.

Mme Karen Serres : Puisqu'un changement est prévu, il faudra faire très attention que, si effectivement il y a possibilité de toucher la réversion très tôt, ces sommes soient suffisantes pour en vivre, donc, peut-être créer un système en deçà duquel la réversion ne puisse pas se faire.

Nous saisissons l'occasion de cette audition pour vous inviter tous, le 5 juin, à notre assemblée générale à laquelle assistera Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, et qui sera consacrée à l'avenir non seulement des femmes, mais de l'agriculture au sens large.

Audition de M. Jean-François Rocchi,
directeur de cabinet de M. Jean-Paul Delevoye,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat
et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 21 mai 2003

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Dans le cadre de nos travaux sur la place des femmes dans les régimes de retraite, nous avons l'honneur d'accueillir M. Jean-François Rocchi, directeur de cabinet de M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.

Lorsque l'on aborde le problème de la retraite des femmes, il faudrait d'abord penser au problème de la carrière des femmes. En effet, si des difficultés et des inégalités se présentent entre les hommes et les femmes au moment de l'obtention des droits à la retraite, c'est parce que les carrières des femmes ont été quelque peu chaotiques et ont connu certains handicaps. Nous sommes tout à fait conscients qu'on ne pourra corriger complètement les différences de retraite entre les hommes et les femmes tant qu'en amont on n'aura pas fait progresser l'égalité entre les hommes et les femmes dans les carrières.

L'avant-projet de loi portant réforme des retraites définit, dans un souci d'équité et de justice sociale, deux objectifs essentiels concernant les femmes :

- améliorer la situation des conjoints survivants ;

- maintenir et moderniser les avantages familiaux.

Je voudrais d'abord vous interroger sur les modifications au régime des avantages familiaux dans la fonction publique apportées par ce texte pour mettre en conformité le code des pensions civiles et militaires avec le droit communautaire en matière d'égalité de traitement entre les hommes et les femmes.

Je souhaiterais avoir des précisions sur la portée des réformes envisagées.

En ce qui concerne la bonification de durée d'assurance d'une année par enfant, pour les femmes fonctionnaires qui auront des enfants après le 1er janvier 2004, celle-ci ne sera plus systématiquement accordée (sous réserve de deux mois de congé-maternité). Les femmes, comme les hommes, bénéficieront de la bonification au prorata des congés effectivement pris pour élever un enfant, jusqu'à trois années par enfant. A quels objectifs répond cette nouvelle disposition ?

Si elle respecte l'égalité de traitement entre hommes et femmes, ne pénalise-t-elle pas les femmes de plus en plus nombreuses qui auront choisi de ne pas interrompre leur carrière professionnelle et d'assumer à la fois les charges de la vie professionnelle et de la vie familiale ? Ne pourrait-on envisager le maintien de cet avantage comme dans le régime général ?

Quelles seraient les nouvelles catégories de fonctionnaires pouvant entrer dans la définition de la catégorie active (emplois présentant des risques particuliers ou des fatigues exceptionnelles), permettant d'accéder à la retraite à 55 ans ? Certains emplois, occupés majoritairement par des femmes, dans le secteur hospitalier et l'Education nationale, ne pourraient-ils être inclus ?

Il est vrai que la définition de la pénibilité dans l'Education nationale est difficile à trouver, car certains professeurs, même dans des lycées difficiles, arrivent à maîtriser la situation. Dès lors, comment prendre en compte la pénibilité ?

Le droit à la retraite anticipée pour les femmes ayant élevé trois enfants après quinze années de service est maintenu. Cependant, le ministre de la Fonction publique a déclaré qu'une discussion spécifique serait ouverte sur ce point. Pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur le contenu de ce débat ?

Le bénéfice pour les pères de la fonction publique de la bonification de la durée d'assurance ne creuse-t-il pas des inégalités supplémentaires entre les retraités de la fonction publique pères de famille et les retraités du régime général, au détriment de l'équité recherchée ?

M. Jean-François Rocchi : Je voudrais d'abord vous prier d'excuser le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, M. Jean-Paul Delevoye, qui avait prévu de se rendre à cette audition, mais qui m'a demandé de le représenter, en raison des contraintes son agenda.

Je voudrais vous présenter les personnes qui m'accompagnent, M. Alain Belgy, qui est adjoint du sous-directeur des statuts à la direction générale de l'administration de la fonction publique et Mme Patricia Vigne, qui est l'une des attachées parlementaires de M. Jean-Paul Delevoye.

Vous m'invitez à présenter à la Délégation les dispositions du projet de loi qui se rattachent à des questions tenant à l'égalité entre les hommes et les femmes ainsi que les avantages familiaux. La question des avantages familiaux, même si elle n'est pas strictement superposée avec la première, la recoupe très largement, dans la mesure où ces avantages ont été posés dans notre droit de façon à compenser les handicaps dont souffrent les femmes dans le déroulement de leur carrière, à l'occasion notamment - en tout cas c'était l'esprit des mesures datant des années 1920-1930 - de la naissance et de l'éducation des enfants. Ce sont deux thématiques qui, sans être complètement superposées, sont assez liées.

Vous connaissez tous les dispositions de ce p 'Arial'; font-size: 10pt">La France, en Europe - et cela ne va que s'aggraver après l'élargissement de l'Union européenne à vingt-cinq pays -, se trouve dans une position assez particulière, puisque c'est l'un des derniers Etats européens qui promeut la logique de fonction publique de carrière, recrutée par concours et reposant pour l'essentiel sur des fonctionnaires titulaires et bénéficiant d'un statut.

Il découle de ce statut un certain nombre de conséquences, dont un régime de retraite particulier. Le régime des pensions des fonctionnaires, - et cela éclaire mes propos suivants -, se différencie du régime général non pas par principe, mais parce qu'en réalité il est la conséquence d'une carrière et que l'aboutissement de cette carrière, dans la conception française, est un traitement continué. C'est d'ailleurs au nom de cette logique que nous avons subi des évolutions jurisprudentielles, car cette affirmation, qui se voulait rassurante pour les fonctionnaires dans la tradition juridique française, s'est retournée contre eux. On nous a opposé l'argument, lorsque nous avons plaidé devant la Cour de Luxembourg, que, si c'est un traitement continué, cela reste une rémunération. Ce n'est donc pas une retraite déconnectée de la rémunération. Il en résulte que les dispositions générales, qui s'appliquent à l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes en matière de rémunérations, dans le traité de Rome ou les actes ultérieurs, sont applicables à la retraite et qu'il faut appliquer le principe d'égalité entre les hommes et les femmes.

Je schématise un peu, mais c'est à peu près l'esprit de cette jurisprudence. Cela veut dire que, d'un bien, on a fait en quelque sorte un mal. Autrement dit, les textes qui protégeaient les fonctionnaires français depuis plusieurs dizaines d'années finissent par se retourner contre nous, d'autant plus que nous sommes aujourd'hui un petit peu isolés en Europe dans notre conception juridique par rapport soit à des Etats qui étaient déjà dans l'Union, soit à des Etats qui y rentrent et qui développent des conceptions plus proches du droit commun.

C'est un vrai souci, car on retrouvera cette préoccupation dans d'autres domaines, tels que le recrutement, le déroulement des carrières elles-mêmes, etc. On aura l'occasion d'y travailler bientôt, puisque le ministre de la fonction publique dispose depuis quelques jours d'un rapport qu'il a commandé sur ce sujet et qu'il publiera prochainement.

Pour revenir au sujet sur lequel vous m'interrogez, nous avons dû tenir compte de ces évolutions jurisprudentielles et adapter dans le projet de loi un certain nombre de dispositions à cause de cette contrainte. Autrement, il est probable que nous n'y aurions pas touché et que, mis à part des préoccupations d'équité avec les autres régimes de retraite français, ce qui est un autre axe de travail beaucoup plus politique et volontariste, nous n'aurions pas modifié ces dispositions. Tout ce qui suit s'éclaire en quelque sorte à raison de cette évolution jurisprudentielle européenne, qui est plus subie que choisie.

Troisième point : vous m'avez interrogé sur le droit au départ après 15 ans de service des femmes qui ont élevé au moins trois enfants. Il faut comprendre que ce droit au départ a un intérêt considérable, puisqu'il comporte la possibilité de toucher immédiatement la pension de retraite. C'est en ce sens d'ailleurs que c'est intéressant, puisque tout fonctionnaire à droit à une retraite après 15 ans de service ; simplement la jouissance en est différée jusqu'au moment de l'âge d'entrée dans les droits. L'important pour les femmes est qu'elles peuvent bénéficier d'une jouissance immédiate de leur pension après 15 ans de service. Cette disposition est extrêmement importante et très protectrice des situations des femmes.

Elle intéresse d'ailleurs beaucoup de fonctionnaires, notamment les fonctionnaires hospitaliers, puisque beaucoup de femmes travaillant dans la fonction publique hospitalière ont coutume d'utiliser cette disposition. En réalité, cela joue peu ou dans peu de cas après strictement 15 ans. La plupart des carrières sont un peu plus longues, puisque les infirmières ou les personnels soignants ont plutôt coutume de partir après 22, 23, 24 ans de service ; mais elles peuvent le faire après 15 ans.

Le Gouvernement a estimé que cette disposition devait être maintenue sans y toucher. Il a parfaitement conscience de l'importance sociale qu'elle représente, mais il faut savoir que nous sommes là aussi sous la menace d'une jurisprudence qui pourrait remettre en question cet avantage en faveur des femmes et qui nous ferait obligation de l'étendre aux hommes. C'est dans ce sens que les propos de M. Jean-Paul Delevoye s'éclairent. Il n'y a pas aujourd'hui d'exigence immédiate de toucher à cet avantage, mais nous souhaitons y travailler avec les partenaires sociaux pour le futur, de manière à trouver des solutions qui nous permettraient de maintenir cette situation différentielle. L'égalité parfaite de situation sera impossible à organiser dans la mesure où, en dehors du fait qu'il n'y a pas vraiment de justification sociologique à étendre aux hommes cette disposition, il y a également un intérêt de gestion, puisque, si on l'ouvrait à tous les fonctionnaires sans distinction de genre, on aurait peut-être une menace sur l'équilibre des carrières, sur le maintien en activité de fonctionnaires qui sont indispensables au bon fonctionnement du service public. On ne peut pas prévoir par avance quelles seraient les conséquences d'un tel appel d'air sur certaines professions, où l'on aurait des départs relativement précoces. C'est un sujet à regarder avec une grande attention, beaucoup de précaution et sur lequel il n'y a pas de précipitation à devoir légiférer. Donc, pour l'instant, cette disposition est conservée. Je voudrais rassurer le personnel qui attend ce type de précision.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : L'étendre aux hommes serait impensable. Les menaces sont donc les contraintes juridiques européennes  d'évolution jurisprudentielle que je ne peux pas qualifier de fâcheuse, - il n'est pas dans mon rôle de commenter défavorablement des décisions de justice qui s'imposent à la France et à tous -, mais qui n'étaient pas prévus au départ et qui nous pose un sérieux problème d'analyse.

La bonification pour enfant est un peu le cœur du sujet, car cette disposition a fait couler beaucoup d'encre depuis un an. Dans le code des pensions, dans sa rédaction actuelle, l'article L. 12 accorde une bonification de service d'un an par enfant, sous certaines conditions, en faveur des femmes fonctionnaires. Il se trouve qu'un recours de M. Griesmar, magistrat de profession, a été déposé, il y a une douzaine d'années, devant le Conseil d'Etat. Le Conseil d'Etat a demandé à la Cour de justice de Luxembourg une interprétation du droit communautaire. La Cour de justice de Luxembourg a émis un avis qui donnait tort aux positions du Gouvernement français et lui demandait d'étendre cette disposition aux hommes, au nom de la théorie selon laquelle il s'agissait d'un traitement continué.

Le Conseil d'Etat recevant cet avis l'a appliqué, a donné raison à M. Griesmar et a intégré dans sa pension les bonifications pour ses trois enfants. Depuis un an, il y a eu toute une série de demandes et de recours déposés par des fonctionnaires hommes pour bénéficier de cette mesure. Nous leur avons refusé le bénéfice de cette mesure. Des contentieux se sont donc ouverts, ce qui est une situation très inconfortable, que l'on ne pourrait pas laisser se prolonger très longtemps et qui joue contre les intérêts des employeurs publics. On avait dit aux organisations syndicales que l'on ne traiterait pas ce sujet dans la précipitation, que l'on attendrait la réforme d'ensemble des retraites pour en parler, ce qui a été fait. Il a bien fallu adapter le droit. La solution mécanique d'application de cette jurisprudence consiste à étendre les bonifications en question aux hommes, c'est-à-dire à donner un an de bonification pour tout fonctionnaire père de famille qui peut prouver qu'il a éduqué ses enfants. M. Griesmar l'a fait sans difficulté avec les témoignages de moralité de ses trois enfants largement adultes.

Ceci paraît poser un problème presque de morale, de justification sociale et sociologique, puisque si l'on nous démontre que les femmes doivent recevoir ce type d'avantages parce qu'elles ne sont pas tout à fait dans les mêmes situations professionnelles que les hommes - soit parce qu'elles souhaitent s'arrêter, alors que très peu d'hommes s'arrêtent, soit parce qu'elles sont à temps partiel, soit parce qu'elles ne peuvent pas aussi bien se préparer à des concours que les hommes, car il faut s'occuper des enfants le jour, la nuit, quand ils sont malades et que c'est souvent la femme dans notre société qui le fait, plus que les hommes - l'étendre aux hommes sans autre forme de procès soulève un débat.

Si on le fait, cela ne sera pas neutre financièrement puisqu'en 2010, il a été calculé que cela signifierait à peu près 700 millions d'euros de dépenses supplémentaires pour l'Etat pour qu'en accordant aux hommes un avantage strictement identique à celui des femmes. Je viens d'expliquer que l'on ne pouvait cependant pas leur donner exactement le même avantage, pour des raisons à la fois sociologiques, mais également financières. D'où le compromis qui a été trouvé dans le projet de loi.

Pour le passé, il a été prévu de conserver la bonification et de l'étendre aux hommes - car on ne peut pas faire autrement en raison de la jurisprudence - mais de conditionner, pour les hommes comme pour les femmes, le bénéfice de cette bonification à un arrêt dans la carrière lié à l'enfant. Il y a une énumération dans le texte du projet de loi. Sont couverts par ces arrêts : les congés de maternité : on peut supposer, sauf cas rarissimes - on en trouvera sans doute quelques-uns, mais c'est vraiment à la marge - que toutes les femmes qui accouchent ont bien un congé de maternité, ce qui veut dire que la quasi-totalité des femmes qui accouchent recevront cette bonification pour le passé ; le congé pour adoption, ce qui permet d'équilibrer la mesure pour ceux qui n'ont pas d'enfants, mais qui les adoptent ; la disponibilité pour convenance personnelle pour élever un enfant, etc. Il y a toute une énumération de congés qui nous permettent à peu près d'affirmer que près de 100 % des femmes se trouvent couvertes par ce dispositif et n'auront pas à être pénalisées par cette réécriture de la loi. Les hommes qui ont pu bénéficier de ces congés se verront étendre ce dispositif, mais ceux qui n'auront pas pris ces congés ne recevront pas cette bonification pour le passé.

Pour l'avenir, on a intégré les remarques de la Cour de Luxembourg qui, d'une certaine façon, nous disent que l'on devrait traiter ce problème, non pas dans la retraite elle-même, mais à travers la carrière et ses conséquences. En effet, le débat se déplacerait, d'un avantage strictement familial qu'on pourrait éventuellement rétablir sous une autre forme, par exemple sous forme de prestations familiales, vers quelque chose qui serait plus lié à la gestion de la carrière, c'est-à-dire aux conséquence d'un arrêt dans la carrière d'une femme, en termes de retard à l'avancement, d'inégalité pour passer un concours ou tout simplement d'ancienneté pure pour avoir le nombre d'annuités.

On retrouve à ce moment-là une dynamique, qui est de dire modernisons ce dispositif, compensons les écarts de situation en compensant les arrêts en eux-mêmes, c'est-à-dire que l'on passe d'une logique un peu familiale, presque nataliste dans les années 20, lorsque cette disposition a été posée, à une vision qui serait plus moderne, une vision tournée vers la gestion des services, vers la carrière en elle-même. Ce qui se passerait si la loi était votée dans cette rédaction à partir du 1er janvier, c'est que les fonctionnaires, qu'ils soient hommes ou femmes, recevraient non plus une bonification, mais une validation de service, donc allongeant leur durée d'assurance et de prise en compte de service pour la pension, chaque fois qu'ils se seraient arrêtés pour s'occuper de leurs enfants.

Mme Catherine Génisson : Cette proposition est valable pour la durée de prise en compte du temps de travail pour le droit à retraite. En revanche, pour le niveau de droit à pension, ce n'est pas comptabilisé. Ce droit sera donc inférieur à celui qu'avait la femme dans le système actuel : la femme, qui devait travailler 37,5 ans et qui avait eu trois ans de bonification parce qu'elle avait eu trois enfants, avait droit à son taux plein de pension quand elle arrivait à 34,5 ans. Elle aura droit à une pension moins élevée dans le nouveau système.

Mme Marie-Françoise Clergeau : Cela concerne les femmes qui ne s'arrêteraient pas pour s'occuper de leurs enfants et qui, auparavant, avaient droit à un an de bonification.

Mme Catherine Génisson : Les femmes avaient droit à un an de bonification par enfant. Quand elles arrivaient à 37,5 ans d'annuités diminué du nombre d'annuités (x fois un an par enfant), elles avaient leur pension de retraite à taux plein. Dans la nouvelle législation, on comptabilisera leur temps d'arrêt pendant l'activité professionnelle, mais leur droit à pension sera proportionnel.

Mme Marie-Françoise Clergeau : Au début de vos propos, vous parliez d'équité entre les régimes de retraite. Pourquoi n'avez-vous pas adopté la mesure applicable dans le régime général, à savoir deux ans de bonification par enfant, ce qui aurait été beaucoup plus simple et permettait d'avoir une réelle équité ?

M. Patrick Delnatte : La bonification n'est pas calculée de la même manière dans le régime général et, au total, les deux régimes sont pratiquement équivalents.

M. Jean-François Rocchi : L'article 29 du projet de loi précise que : "Le temps passé dans une position statutaire ne comportant pas l'accomplissement de services effectifs, au sens de l'article 5, ne peut entrer en compte dans la constitution du droit à pension sauf", et sont énumérées les interruptions de carrière du nouveau dispositif. Donc, il s'agit bien du droit à pension. Il y a, par ailleurs, un renvoi à un article du code où se fonde la pension elle-même, la liquidation. En réalité, les femmes en que François Rocchi : Plusieurs choses se télescopent.

Mme Catherine Génisson : Je ne m'exprime peut-être pas clairement. Une femme, dans votre nouveau système, pourra arrêter de travailler plus longtemps pour la prise en charge de ses enfants ; en revanche, au bout de x années de travail, quand elle aura ses droits à la retraite, son niveau de pension sera inférieur à ce qu'il est actuellement.

M. Jean-François Rocchi : Ce n'est pas tout à fait ainsi que les choses se présentent. Il faut parler du temps partiel, car cela éclaire la réponse qui suit. Le projet introduit une notion nouvelle, qui est une notion d'assurance tout régime qui n'existait pas dans le code des pensions. Auparavant, on raisonnait avec des régimes distincts et séparés, qui ne communiquaient pas. Ce qui a un inconvénient puisque l'on a la situation, dans la fonction publique, notamment territoriale ou hospitalière, mais également dans la fonction publique d'Etat avec les non-titulaires qui sont titularisés, de personnes qui font des carrières successives dans le régime général, puis dans celui des fonctionnaires, voire parfois l'inverse, mais c'est un peu plus rare, sauf pour les infirmières qui deviennent libérales. Ces pluripensionnées sont des personnes qui étaient auparavant pénalisées par les distorsions existantes entre les régimes. On essaie de les corriger en établissant une durée d'assurance universelle, en particulier pour l'application des règles liées à l'assurance décote ou surcote. Désormais, c'est l'ensemble des périodes qui sont validées dans tous les régimes qui vont compter.

Cela permet de valider ces périodes de façon très claire et dans un sens qui est plus favorable aux intérêts des agents s'ils s'arrêtent plus longtemps. Il faut bien comprendre que ces personnes étaient auparavant pénalisées. Toutes celles qui s'arrêtaient un peu plus d'un an de travailler perdaient ce droit. Cette situation est réparée.

Le deuxième aspect que vous soulevez, c'est le niveau de la pension et la constitution de l'annuité, le calcul du taux de cette annuité par le nombre d'annuités.

Auparavant, s'agissant des bonifications, c'était très facile, puisque la bonification était une annuité additionnelle qui se rajoutait à une pension qui avait déjà été calculée. Cela permettait de dépasser le maximum de la pension ou de s'en rapprocher si l'on était en dessous.

Dans le projet actuel, pour le passé, c'est-à-dire pour les enfants qui sont nés jusqu'au 1er janvier 2004, dans la mesure où il s'agit d'une bonification, c'est la même chose. Elle est un peu conditionnée à des règles nouvelles, mais c'est toujours une bonification, donc les conséquences en sont identiques.

Pour le futur, c'est-à-dire pour les enfants naissant après le 1er janvier 2004 ou adoptés, on pas régime général n'est pas dans la situation du régime des fonctionnaires. Le droit communautaire n'a pas produit les mêmes effets. A mon avis, il finira par s'imposer également au régime général, tôt ou tard. Il y a déjà des tentatives de certains tribunaux en ce sens, mais on n'est pas allé au bout du processus jurisprudentiel. Donc, aujourd'hui, il n'y a pas les mêmes effets juridiques sur le régime général. Autrement dit, ils n'ont pas l'obligation de faire évoluer leur système tout de suite comme le nôtre.

Deuxièmement, dans le régime général, les bonifications concernent les régimes de base. Il y a d'un côté le régime de base de la sécurité sociale, qui n'est qu'une partie de la retraite du salarié du privé, des régimes complémentaires, qui sont obligatoires, cadres et non-cadres, et éventuellement des régimes sur-complémentaires d'entreprise.

La bonification d'ancienneté pour enfant ne vaut que pour le régime de base, donc elle ne porte que sur une portion de la retraite. Qu'elle soit portée à deux ans conduit à un équilibre avec le régime des fonctionnaires, car ce ne sont pas strictement les mêmes plateaux. Le régime de base d'un salarié doit être à l'heure actuelle de 45 ou 46 % de la retraite totale d'un salarié. Si vous calculez deux annuités par rapport à cela, cela donne deux annuités sur la moitié de la retraite. Pour un fonctionnaire au taux plein, qui a 75 % de son traitement, s'il a une bonification d'une année, une année sur 75 %, - à peu de chose près, à quelque % près -, cela équivaut à peu près à deux années sur moins de 50 % de la retraite d'un salarié du privé. Au total, c'est comparable. En plus, le régime général est plafonné.

Même si ce n'est pas facile à présenter au grand public, on peut dire que la somme que reçoit chacun par rapport à sa carrière est à peu près équilibrée.

Mme Marie-Françoise Clergeau : Mathématiquement, car spécifiquement c'est autre chose.

M. Jean-François Rocchi : C'est vrai, mais l'objectif de convergence ne peut pas être satisfait en totalité. On est bien conscient qu'il y a des rugosités et des impossibilités techniques. On ne peut faire converger que des règles strictement identiques du point de vue juridique. Or, on voit bien que le droit communautaire n'est pas apprécié de la même façon par les deux régimes, ce qui ne crée pas cette égalité. Le jour où, dans le régime général, on devra prendre en compte le droit communautaire, on pourra faire converger les deux régimes.

On a fait converger toute une série de dispositions quand on le pouvait et le devait. Sur ce point, il y a une sorte d'impossibilité pratique.

S'agissant du temps partiel, à côté d justify">M. Jean-François Rocchi : Oui, dans tous les régimes.

Mme Marie-Françoise Clergeau : A partir de 2004 ?

M. Jean-François Rocchi : Oui.

Deuxième élément, nous introduisons dans le régime des fonctionnaires, et c'est une des avancées des négociations sociales d'il y a huit jours, à la demande d'une organisation syndicale, la possibilité pour les fonctionnaires de cotiser sur la base d'un temps plein quand ils sont à temps partiel. Volontairement, un fonctionnaire, homme ou femme, mais ce sont essentiellement des femmes, qui se trouvent en temps partiel aujourd'hui, ne peut cotiser que sur le prorata du temps travaillé, 50, 60, 70 % suivant sa situation ; demain, il pourra, s'il le veut, mais ce n'est pas obligatoire, cotiser sur la base d'un temps plein et acheter une annuité à temps plein quand bien même il serait à temps partiel, donc, améliorer ainsi volontairement le niveau de sa pension.

Troisième élément, il existe un temps partiel de droit qui ne peut pas être refusé pour élever un enfant de moins de trois ans. Le dispositif de ce temps partiel de droit est amélioré puisque, jusqu'à présent, il n'y avait qu'une seule quotité de temps utilisable qui était le mi-temps. Cela posait des problèmes, car certaines personnes ne voulaient pas nécessairement se mettre à mi-temps, en raison de ses conséquences financières importantes. On aménage ce dispositif en autorisant désormais des durées de 50 %, 60 %, 70 % et 80 %, qui couvrent plus de situations et qui permettent à des parents d'avoir un peu plus de flexibilité dans leur temps partiel.

Voilà les dispositions de ce projet de loi en ce qui concerne la famille.

Mme Catherine Génisson : Je voudrais revenir sur la possibilité pour les femmes fonctionnaires de pouvoir partir à la retraite après 15 ans d'exercice quand elles ont trois enfants. Pensez-vous vraiment qu'aucun recours en droit communautaire européen ne pourrait aboutir actuellement ?

M. Jean-François Rocchi : Je pense même le contraire. C'est une situation extrêmement fragile.

Mme Catherine Génisson : Pourquoi ne pas essayer de conforter cette disposition dans le texte de loi ? Je suis extrêmement interpellée quand on dit que cela représente une inégalité flagrante entre les hommes et les femmes et qu'il nous est demandé de nous mettre en conformité avec la législation européenne. N'y aurait-il pas nécessité de conforter ce dispositif ?

Nous avons eu des propositions de la présidente du CNIDFF hier, selon lesquelles ces droits pourraient n'être ouverts que si l'on justifiait d'un certain nombre d'éléments. Je crains vraiment que l'o se poserait inévitablement. Il y aurait d'abord la question de la justification de cette extension. On en revient à la justification de base. Autrement dit, à part les hommes qui se trouvent dans des situations de pères célibataires, de veufs élevant leurs enfants, ceux qui vivent en couple et élèvent des enfants ne sont pas nécessairement dans la même situation sociologique que la femme. Cela porte à débat.

Deuxièmement, il y aurait un problème de gestion. Si les hommes recevaient cet avantage sans qu'il ne soit réaménagé et que par hypothèse ils consommaient très largement cet avantage, nous ne sommes pas aujourd'hui en mesure de prédire les effets que cela aurait sur la situation de certains services. C'est une situation qu'il faut regarder encore une fois avec d'infinies précautions.

Aujourd'hui, le choix fait par le Gouvernement est de laisser cette disposition telle quelle et de ne pas y toucher dans le texte qui vous est présenté. Nous la reverrons le cas échéant s'il le faut, le jour où les évolutions juridiques y conduiront.

Mme Claude Greff : Je voudrais vous poser des questions sur le plafond des ressources pour la réversion concernant les femmes, la situation des femmes divorcées en ce qui concerne le partage des retraites, et celui des jeunes veuves.

M. Jean-François Rocchi : En ce qui concerne le plafond des ressources, il n'existe pas dans le régime des fonctionnaires.

Mme Claude Greff : Oui, justement, c'est une grande différence entre le privé et le public.

M. Jean-François Rocchi : C'est une des spécificités du régime des fonctionnaires qui est conservée. C'est un choix politique, je ne peux pas vous le justifier plus en détail.

Pour les femmes divorcées, il n'y a pas de particularité en droit français. Cela vaut pour l'ensemble des régimes, me semble-t-il. Il n'y a pas aujourd'hui de disposition spécifique.

Mme Claude Greff : Avez-vous pensé au calcul de la retraite au prorata des années communes ?

M. Alain Belgy : Le texte actuel autorise le prorata à hauteur de la durée du mariage. Il y a partage de la pension de réversion entre la femme divorcée, pour la durée pendant laquelle le mariage est intervenu, et la veuve, à hauteur de la même durée. Cela existe, ce n'est pas du tout nouveau.

Mme Marie-Françoise Clergeau : Dans le régime général, ce qui va changer, c'est en cas de remariage. Auparavant, il n'y avait pas, dans le secteur privé, de reversement d'une partie de la pension à la femme divorcée, si elle était remariée. Désormais, la pension de réversion peut être également touchée en cas de remariag pension, qui est de 15 ans minimum, la réversion est la moitié de la pension ainsi constituée, qui peut être, à ce moment-là, le minimum de pension des fonctionnaires. Si l'on se trouve dans le cas où le défunt aurait reçu à l'âge où il est décédé le minimum de pension, la femme reçoit la moitié du minimum de pension.

Si jamais la personne en question est décédée avant d'avoir satisfait cette condition, ce sont les règles du régime général qui s'appliquent, puisqu'il y a une condition de 15 ans pour bénéficier d'une pension publique. Il y a toujours de toute façon une retraite, qu'elle soit du régime général ou de la fonction publique. Mais la retraite est fonction du régime dans lequel on se fonde. Il y a un minimum de pension pour les fonctionnaires, il y a un minimum de vieillesse pour le régime général. Ce sont des sommes assez voisines. Je vous concède que ce ne sont pas nécessairement des sommes très importantes, mais il y a à peu près égalité entre les deux régimes sur ce point.

M. Alain Belgy : La réversion n'est pas une assurance vie. Il existe dans le régime des fonctionnaires une disposition qui a été introduite par un amendement parlementaire en 1980, qui a prévu de faire en sorte que la pension de réversion soit systématiquement équivalente au minimum vieillesse.

Dans les circonstances actuelles, je crois savoir que les personnes qui bénéficient de cet "avantage", - qui tient compte des ressources extérieures - sont très peu nombreuses. Cela veut dire que quasiment tout le monde se trouve nettement au-dessus. Actuellement, on est déjà dans une situation où, par personne, on doit être à environ 3 600 F. Ce n'est pas négligeable, y compris pour un nombre d'années qui a minima peut être de 15 ans. Cela veut dire 50 % d'une pension qui, dans les circonstances actuelles, serait de 30 %. Cela pourrait théoriquement couvrir des quantités de situations. Ce n'est pas le cas. Ce qui veut dire que les pensions de réversion sont systématiquement plus élevées. Elles le sont d'autant plus que joue le fameux minimum de pension garantie.

Mme Béatrice Vernaudon : Ma question va peut-être vous paraître incongrue, mais je commence seulement à me plonger dans le dossier. Nous n'avons pas le même système chez nous, néanmoins nous avons des fonctionnaires. Ils font grève et souhaitent avoir des informations.

Le projet actuel ne concerne-t-il que les retraites de la fonction publique ou concerne-t-il aussi le régime général ?

M. Jean-François Rocchi : Il porte sur la totalité des régimes, puisqu'il y a des dispositions communes à tous les régimes de retraite, des dispositions sur le régime général, des dispositions sur le régime des fonctionnaires, quelques dispositions pour les professions libérales et même pour les agriculteurs, puisqu'il y a une mesure particuli&egr système, si elle ne s'arrête que le temps du congé, elle n'aura pas droit à une année complète.

M. Jean-François Rocchi : Tout à fait. Si l'on avait procédé différemment et étendu aux hommes la bonification pour le futur, cela représenterait un coût, dans quelques années, d'un bon milliard d'euros, tous régimes de fonctionnaires confondus. Ce milliard d'euros ne pourrait pas être consacré à d'autres dispositions favorables aux agents. Le dispositif retenu permet aux personnes qui s'arrêteraient plus d'un an, et elles sont nombreuses, de recevoir jusqu'à trois ans de bonification, au lieu d'un an actuellement.

Mme Béatrice Vernaudon : Je trouve que c'est une bonne mesure, car elle va encourager les femmes à s'arrêter et à profiter de leurs enfants.

En ce qui concerne la période précédant le 1er janvier 2004, compte tenu de la jurisprudence européenne, allez-vous valider les périodes antérieures pour les hommes ?

M. Jean-François Rocchi : Elles seront validées sous réserve qu'il y ait eu un arrêt de travail effectif. Cela sera donc applicable à toutes les femmes qui ont eu un congé de maternité, mais pas à celles qui adoptent.

Mme Marie-Françoise Clergeau : Avez-vous fait une estimation du coût du maintien de la seule bonification d'un an par enfant ?

M. Jean-François Rocchi : Pour le passé ou le futur ?

Mme Marie-Françoise Clergeau  : Pour le futur.

M. Jean-François Rocchi : On arrive au milliard d'euros. C'est une charge extrêmement forte pour le régime des fonctionnaires sur le long terme.

Audition de M Hubert Brin,
président de l'Union nationale des associations familiales (UNAF)

Réunion du mercredi 21 mai 2003

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Je suis très reconnaissante à M. Hubert Brin, président de l'Union nationale des associations familiales, que nous accueillons aujourd'hui, d'avoir dégagé son emploi du temps pour venir devant la Délégation et nous donner son point de vue sur le projet de loi sur les retraites, au regard des avantages familiaux et conjugaux des femmes dans les régimes de retraite.

Dans le régime général, le régime de la réversion est profondément modifié : suppression de la condition d'âge et de son corollaire l'assurance veuvage, suppression du cumul et de la condition de ressources, remplacée par un plafond de ressources défini par décret, ainsi que de la condition de non-remariage et de durée du mariage. Quelle appréciation portez-vous sur ces différents points et quelles sont vos suggestions ?

Les avantages familiaux, dans la fonction publique, sont aménagés pour tenir compte de la jurisprudence communautaire relative à l'égalité de traitement entre hommes et femmes. Les dispositions retenues pour la bonification de durée d'assurance d'un an par enfant, différentes selon que les enfants seront nés avant 2004 ou après 2004, vous paraissent-elles satisfaisantes ?

Que pensez-vous, dans un souci d'égalité entre hommes et femmes, de la possibilité au moment du divorce, d'établir un partage des droits acquis à la retraite, selon des modalités à étudier ?

M. Hubert Brin : La question du partage des droits acquis en cas de divorce est un sujet que nous n'avons pas réellement abordé encore à l'intérieur de l'UNAF.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Pouvez-vous en faire un sujet de réflexion ?

M. Hubert Brin : Oui. Cela fait partie des sujets que nous avons programmés dans le cadre des débats portant sur la réforme du divorce. C'est tout le problème des prestations compensatoires.

Sur le sujet femme et retraite, il convient de procéder d'abord à une clarification de ses multiples aspects, afin de ne pas se perdre dans une confusion conceptuelle et opérationnelle.

Au moins trois aspects viennent se percuter. D'abord, l'inégalité de traitement entre hommes et femmes a un impact sur la retraite des femmes.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : C'est le problème posé par la carrière des femmes.Mais il faut faire la distinction entre femme et mère de famille. Un certain nombre d'éléments du dossier retraite concernent toutes les femmes, qu'elles soient mères de famille ou non : c'est entre autres la question de l'égalité de traitement. Un certain nombre de questions concernent les femmes en tant que mères de famille : ce ne sont pas complètement les mêmes sujets. D'autant que certains dispositifs concernant les mères de famille concernent en fait les parents, donc, le cas échéant, peuvent aussi concerner des hommes, même si dans notre société, à 99 %, les femmes sont plutôt concernées.

La bonification des deux ans a été mise en place pour compenser les trous dans la carrière, mais surtout les absences de cotisation, pour les mères de famille qui restaient à la maison pour élever leurs enfants. Aujourd'hui, nous voyons bien qu'il y a un nombre extrêmement important de mères de famille qui ont besoin de ce dispositif - ces deux ans dans le régime général ou cette année dans le régime de la fonction publique - au moment de la liquidation de leurs droits à la retraite.

Nous avons été inquiets, au moment de l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes, sur le fait qu'au nom de l'égalité entre hommes et femmes ce dispositif allait se retourner contre les femmes. Ces deux années de bonification ont un coût financier significatif. Donc, l'accorder indistinctement aux hommes et aux femmes revenait quasiment à en doubler le coût. Nous avions de grandes inquiétudes sur la disparition de ce dispositif, car nous considérons que de très nombreuses mères de famille en ont besoin.

La disposition, prévue par le projet de loi, de modifier cette disposition pour les enfants nés à partir du 1erjanvier 2004 nous paraît être une solution de sortie tout à fait correcte pour maintenir ce dispositif.

Ce que nous avons eu l'occasion de dire au Gouvernement, que ce soit à M. François Fillon, à M. Jean-Paul Delevoye ou même au Premier ministre, lors de la conférence de la famille, c'est qu'il nous semble que nous avons besoin assez rapidement d'une étude d'impact de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) à échéance de 20 ans. Le dispositif de bonification des deux années de cotisation était essentiel et reste encore essentiel. Mais, nous ne sommes pas sûrs que la charge de ce dispositif soit aussi élevée à échéance de 20 ans, compte tenu de l'assurance vieillesse des parents au foyer.

L'assurance vieillesse des parents au foyer, c'est un dispositif qui a été mis en place en 1972, au moment de l'allocation du salaire unique, qui s'est continué en 1978 lors de l'instauration du complément familial, et qui s'est poursuivi depuis, même si le complément familial a été séparé en deux, avec l'allocation pour jeune enfant, d'un côté, et le complément familial pour les familles de trois enfants et plus, de l'autre. Pour les familles de trois enfants et plus, qui bénéficient du compl qui n'auraient besoin que de l'assurance vieillesse des parents au foyer. La différence majeure entre les deux - et c'est pour cette raison que nous tenons énormément au dispositif AVPF -, est que le dispositif de bonification de deux ans est un dispositif de validation gratuite, alors que le dispositif AVPF est un dispositif de cotisation. C'est une différence extrêmement forte entre les deux systèmes.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : L'avez-vous abordé au moment de la conférence sur la famille ou avec MM. François Fillon et Jean-Paul Delevoye ?

M. Hubert Brin : Au moment de la conférence de la famille, j'ai eu l'occasion de dire au nom de l'UNAF que nous étions satisfaits de la décision du Premier ministre de maintenir, même avec modifications, le dispositif d'avantage familial.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Que vous ont répondu les ministres ?

M. Hubert Brin : Ils partagent notre avis. Nous aurons assez rapidement - il y a un engagement du Gouvernement - cette étude d'impact dont nous avons besoin pour mesurer à échéance de 20 ans le coût réel.

Le dispositif prévu sauvegarde l'essentiel. Mais, on a besoin d'avoir cette étude car, dans le cadre de l'AVPF, on ne touche pas toutes les mères. L'AVPF est ouverte par l'allocation pour jeune enfant (APJE) et le complément familial, deux prestations familiales qui sont sous condition de ressources.

L'AVPF elle-même n'est pas ouverte sous condition de ressources, mais à partir du versement de prestations. Elle est ouverte à partir du versement de l'APJE ou du complément familial, lorsqu'il n'y a qu'un seul revenu dans la famille. Dans ce cadre-là, il y a effectivement condition de ressources. Jusqu'au 1er janvier 2004, environ 75 à 78 % de femmes sont concernées. 20 à 25 % sont exclues du dispositif.

En revanche, dans le cadre de l'allocation parentale d'éducation (APE), il n'y a pas de condition de ressources. Elle est ouverte sous condition d'activité.

L'AVPF est donc ouverte dans le cadre du versement de trois prestations, lorsqu'il n'y a qu'un seul revenu dans la famille : le complément familial, l'APJE, l'APE.

M. Patrick Delnatte : Et pour l'allocation de retrait d'activité, ce sera la même chose ?

M. Hubert Brin : C'est le même régime. Ce sont des compléments à la prestation à l'accueil des jeunes enfants.

Voilà sur cette question de la bonification.

Sur la question de la majoration de pension, nous savons bien qu'il y a eu plusieurs fois l'idée de supprimer ce disposit tellement en danger dans le débat sur les retraites, car depuis 2000 elle fait l'objet d'un transfert entre le Fonds de solidarité vieillesse et la CNAF, un transfert que nous avons contesté à l'époque, car il n'avait pas fait l'objet de négociation. Sur le fond, l'UNAF aurait souhaité une négociation sur l'utilisation des excédents et aurait très probablement, si cette négociation avait eu lieu, accepté le transfert. En effet, la plupart des responsables familiaux et des administrateurs de l'UNAF étaient bien conscients que le seul moyen de sauver les majorations de pension dans le cadre du débat sur les retraites était de les transférer du Fonds de solidarité vieillesse à la CNAF. Cela aurait été d'autant mieux accepté par nous qu'il y a un point sur lequel nous ne transigerons pas - je l'avais dit au précédent Gouvernement et je l'ai dit à ce Gouvernement - c'est une modification des ressources de la branche. Nous préférons négocier l'utilisation des excédents de la branche plutôt que modifier les ressources de la branche, car ajuster le niveau de ressources de la branche à son niveau de dépenses, dans un contexte de non-augmentation de prélèvement obligatoire, conduit à faire perdre toute capacité de faire évoluer la politique familiale pendant 25 ou 30 ans.

M. Patrick Delnatte  : Je crains que le débat ne soit pas clos.

M. Hubert Brin : Je l'ai dit au Premier ministre ; pour nous, c'est un casus belli.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Il vaut mieux prendre les excédents.

M. Patrick Delnatte : Le raisonnement est juste. Il faut négocier les excédents de la branche famille pour l'utilisation de l'allocation familiale, même si cela concerne la retraite. Il faut bien faire attention qu'il n'y ait pas de prise de ressources dans le cadre d'un redéploiement.

Mme Catherine Génisson : Dans une période de restriction, on va se dire que plutôt que d'augmenter les avantages dans une branche, on va essayer d'équilibrer avec les excédents de cette branche.

M. Hubert Brin : Nous préférons la négociation sur l'utilisation des excédents.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : C'est normal.

Mme Béatrice Vernaudon : Qui finance ?

M. Hubert Brin : C'est le Fonds national des prestations familiales.

Mme Béatrice Vernaudon : Quel est son taux et son montant ?

M. Hubert Brin : C'est une cotisation égale pour tous les parents qui bénéficient de l'APJE, du complément familial et de l'AVPF.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Lors de l'audition de Mme Anne-Marie Brocas, secrétaire générale du Conseil d'orientation des retraites, nous l'avions demandé.

M. Hubert Brin : C'était le seul moyen de préserver le dispositif pour les mères de famille. Nous avions eu l'occasion de dire à M. François Fillon que nous tenions à ce que le dispositif de bonification perdure tant que l'étude n'est pas disponible. Une des solutions pour échapper à la condamnation de la France pour discrimination hommes-femmes était de rattacher le dispositif à des situations ayant ouvert droit ou potentiellement ouvert droit à l'AVPF. Il n'y avait pas d'autres solutions pour maintenir le dispositif. La proposition est satisfaisante et sauvegarde l'essentiel, mais elle n'exonère pas de l'étude.

Il me paraîtrait essentiel de faire la distinction entre ce qui relève de situation générale de femmes ou d'hommes et ce qui relève de la situation de mères ou de pères de famille, puisque maintenant certains pères vont bénéficier de ces dispositions.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Pour toutes les mesures qui tendent à l'égalité hommes-femmes, il y a obligation d'avoir des preuves. Cette question d'une volonté systématique d'égalité commence à me préoccuper. Si quelqu'un est resté veuf, et qu'il a vraiment élevé les enfants, c'est tout à fait normal qu'il bénéficie de la bonification. Mais il faut qu'il y ait une preuve qu'il ait éduqué ses enfants.

Mme Catherine Génisson : Ce devrait être des mesures alternatives. A partir du moment où l'homme en bénéficie, cela suppose que la femme travaille et vice et versa.

M. Hubert Brin : Il faut une justification.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Ce qui m'ennuie, c'est que l'on ne le dise pas assez. Il faut vraiment insister sur cette justification.

Mme Catherine Génisson : La meilleure justification, c'est que ce soit une mesure prise alternativement par l'homme ou par la femme. Quand l'homme la prend, cela veut dire que la femme travaille et inversement.

M. Patrick Delnatte : C'est la même chose pour le retrait d'activité.

Mme Marie-Jo Zimmermann temporaire d'activité de l'un des deux parents. Donc, qu'il y ait divorce ou non, si l'un des deux parents bénéficie de l'APJE, je ne suis pas sûr que ce soit suffisant pour vivre. A mon avis, il y a nécessité de reprendre une activité professionnelle. Imaginons que l'allocation parentale d'éducation soit au niveau du SMIC. Si, dans une famille, il y a divorce du couple, celui qui bénéficie de l'allocation parentale d'éducation continuera à en bénéficier demain, donc il bénéficiera de l'assurance vieillesse des parents au foyer.

En cas d'APJE ou de complément familial, la situation est à peu près identique, puisque l'assurance vieillesse des parents au foyer n'est versée dans le cadre de l'APJE ou du complément familial que lorsqu'il n'y a qu'un seul revenu dans le ménage.

Je ne vois pas quel en sera l'impact sur la question de la retraite.

Mme Claude Greff : Cela mérite d'être réfléchi.

M. Hubert Brin : Pour l'instant, je ne vois pas comment il peut y avoir un impact.

Un couple a trois enfants de 10 à 18 ans. L'épouse est restée à la maison pour élever ses enfants. Elle bénéficie du complément familial. Par rapport à la retraite, si le ménage bénéficie du complément familial, la femme a droit à l'AVPF pendant tout le temps où elle est à la maison. Le mari n'a rien. Le couple divorce. La mère de famille est obligée de reprendre une activité professionnelle. Donc, elle continuera à avoir le complément familial, mais elle n'aura plus l'AVPF.

Mme Marie-Françoise Clergeau : Il est important que les femmes puissent avoir un métier et ne pas perdre le contact avec le travail car, quand on divorce ou quand on se retrouve veuf ou veuve, cela pose des difficultés.

Mme Claude Greff : Dans le cas où elle ne peut pas retrouver de travail, elle ne touche que l'AVPF et le complément familial.

M. Hubert Brin : Elle aura le complément familial, les allocations plus l'allocation de parent isolé (API) pendant un an et après le RMI si elle n'a toujours pas d'activité professionnelle. Se pose également la question de la pension alimentaire.

Mme Catherine Génisson : Je reviens aux allocations familiales pour garde partagée d'enfants ou garde alternée ; il n'y a pas de partage des allocations dans ce cas.

M. Hubert Brin : Non. C'est impossible. Je vais vous faire une autre démonstration, car je peux comprendre cette démarche, mais je ne sais pas comment on pourrait la gérer.

A l'UNAF, nous avons, dans nos discours fondateurs, l'idée que, pour se construire, un enfant a besoin mesure où il a besoin d'un logement qui soit suffisant pour recevoir ses enfants, on ne peut pas lui laisser la totalité de la charge du logement.

Petit à petit, en détricotant tout ce droit, on va être dans la situation suivante. Je ne porte pas de jugement moral. A ceux qui ont subi ou choisi une séparation, la collectivité devra consacrer presque le double d'argent par rapport à ceux qui ont fait le choix de rester ensemble. Sur cette question, il ne peut pas y avoir d'évolution cohérente s'il n'y a pas un nouveau contrat social.

Mme Catherine Génisson : La situation que vous avez décrite est celle d'un couple qui divorce, avec les enfants d'un côté et le père qui, compte tenu des liens de parentalité qu'il veut garder avec ses enfants, accueille ses enfants selon des conditions qui sont souvent très restrictives. Je vous parle d'une autre solution qui se développe de plus en plus actuellement. C'est soit la garde alternée, où le père et la mère ont les enfants une semaine sur deux ou la garde partagée, où la fratrie elle-même est séparée. Là, il y a un réel problème. Ce serait à budget constant. On ne demande pas qu'il y ait un budget complémentaire.

M. Hubert Brin : Si vous avez une famille de trois personnes et que, par exemple, deux sont chez la mère et un chez le père, comment gérez-vous le complément familial, l'allocation logement qui est calculée sur trois enfants et sur les revenus ? On est dans une situation complexe. Mais, je ne nie pas le problème.

Mme Catherine Génisson : Il faudrait l'étudier, car il y a une très grosse évolution du mode de vie des couples qui se séparent.

M. Hubert Brin : Je suis bien d'accord, il y a une vraie difficulté, mais elle est aujourd'hui impossible à gérer, sauf à considérer que ce type de situation peut - et c'est ce qui se passe quand même de temps en temps -, se gérer dans le cadre de la médiation familiale.

Contribution de la Confédération Française des Retraités

RÉPONSES AU QUESTIONNAIRE DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES - 13 MAI 2003

QUESTIONS

RÉPONSES

1) La Confédération Française des Retraités a été fondée par quatre grandes Fédérations de retraités : la CNR, la FNAR, les Aînés Ruraux, l'UFR.

Quelle est la composition, le poids et la responsabilité de chacune des quatre branches ? Quelle est la représentation des femmes dans ces différentes fédérations ?

La CFR enregistre près de 2 millions d'adhérents de toutes origines. Son territoire d'influence représente en réalité plus de 2,5 millions des 12 millions de plus de 60 ans, au sein d'un ensemble qui partage une même éthique et les mêmes valeurs.

Les femmes représentent environ 60 % des adhérents, en particulier en milieu rural.

Parmi les militants des différentes couches d'organisations, 50 % sont des femmes. Selon les secteurs analysés, ces pourcentages varient bien évidemment.

2) Malgré l'accroissement du taux d'activité des femmes depuis une vingtaine d'années et l'amélioration de leurs droits propres, de fortes inégalités demeurent entre hommes et femmes dans le niveau des retraites.

Pouvez-vous nous donner, à partir des informations des fédérations de la CFR, un aperçu de ces inégalités ?

Environ 1 million de femmes doivent se contenter d'un minimum très faible, en particulier dans le milieu rural, variant dans une fourchette de 250 à 500 €uros par mois, ou légèrement au-delà.

Raisons fondamentales :

· salariat des femmes faible ou inexistant ;

· durée d'activité des salariées, réduite en raison de l'éducation des enfants ;

· absence d'activité salariée locale adaptée aux personnes ;

· mobilité professionnelle du conjoint ;

· les écarts de salaires entre hommes et femmes entraînent des écarts de retraite et font perdurer la discrimination.

· Le travail de nombreuses femmes mérite au moins autant d'attention que ceux de certaines autres activités réputées pénibles, pour mémoire : travail de nuit et pénibilité dans le milieu hospitalier, conserveries, travail en 3x8, dans le froid, etc.). Souvent des femmes choisissent le travail de nuit pour élever leurs enfants et éviter de les faire garder. Il faut laisser le choix aux femmes de rester dans le milieu rural.

3) Quelle appréciation portaient la CFR et ses fédérations quant aux « avantages » familiaux et conjugaux actuellement reconnus aux femmes dans les régimes de retraite (majoration de la durée d'assurance, affiliation à l'AVPT, bonification de 10 % pour parents de 3 enfants, pensions de réversion) pour compenser leurs interruptions de carrière et le temps consacré aux enfants.

D'abord des inégalités de traitement entre les régimes de retraite :

· sécurité de retour à l'emploi dans le public ;

· insécurité totale dans le privé.

Il en est de même pour la prise en compte des durées d'arrêt d'activité pour élever les enfants, ainsi que pour les conditions de réversion lors du veuvage.

* * *

D'une façon plus large, la CFR pense qu'il faut améliorer les conditions de rémunération des femmes qui ont choisi d'élever leurs enfants. Elles oeuvrent en ce sens, aussi pour la société future.

* * *

Favoriser leur retour à l'emploi doit aussi être recherché, dans l'esprit d'une liberté de choix de vie. Le travail des femmes ayant des enfants génère également des emplois de service dont la société a besoin.

* * *

Enfin, les femmes seules, veuves, divorcées, célibataires, qui ont aussi des enfants et assument des travaux pénibles (infirmières par exemple) doivent bénéficier d'avantages mérités, tant dans les compensations retraites que dans les formes de rémunération.

* * *

La bonification de 10 % pour 3 enfants permet une compensation et à ce titre doit être conservée.

4) L'inégalité entre hommes et femmes dans les retraites tient principalement aux carrières incomplètes des femmes.

Que suggérez-vous pour une meilleure prise en compte dans la constitution des droits à retraite des femmes des périodes spécifiques qui les pénalisent (temps partiel, congé parental, interruption d'activité liée aux enfants) ?

Les femmes sont plus pénalisées que les hommes dans les choix de carrière et les responsabilités publiques, élues ou non, en raison du cantonnement dans un rôle social noble sans doute de mère de famille, mais chargées de contraintes peu prises en compte.

À elles sont destinées :

· les temps partiels ;

· l'intérim ;

· les travaux de « services » ;

entraînant des carrières courtes ou des droits contributifs faibles.

On peut envisager un coefficient de revalorisation pour ces périodes spécifiques « assimilées » permettant un « rattrapage ».

5) Le Gouvernement envisage de garantir le niveau des retraites des plus faibles, qui concernent principalement les femmes. Les salariés qui auront cotisé toute leur vie à partir d'un salaire à 75 % du SMIC.

Cet objectif vous paraît-il suffisant pour assurer la pension minimum de décence qui fait partie de vos revendications ?

Il est évident que les minima doivent sans cesse être améliorés, au fut et à mesure de la croissance de la richesse nationale, et de façon plus rapide. Diminuer la pauvreté doit être une recherche permanente.

Aussi nous pensons que ce seuil de 75 % porté récemment à 85 % dans le projet doit être très largement remonté et aller progressivement vers le SMIC dans un délai raisonnable, pour une carrière complète au SMIC.

6) Le versement des pensions de réversion du régime général répond à des conditions strictes d'âge (55 ans), de ressources, de cumul avec une autre activité ou une retraite personnelle.

L'avant projet de loi supprime la condition d'âge (et par voie de conséquence, l'assurance veuvage) ainsi que la condition d'absence de remariage et de durée du mariage. Le conjoint survivant devra seulement satisfaire à des conditions de ressources spécifiques.

Quelle appréciation portez-vous sur ces aménagements, dans la recherche d'une amélioration du traitement des conjoints survivants dans le régime général ?

Revenir à l'égalité de traitement public-privé, soit :

· suppression du plafond de ressources ;

· réversion à 60 % de la retraite du conjoint décédé.

En effet un ensemble de frais fixes subsistent que l'on soit 1 ou 2 personnes au foyer.

* * *

Mais surtout, cette réversion doit rester liée à un droit contributif dérivé inscrit dans la réglementation des dispositifs de retraites afin d'en garantir la pérennité.

Associer cette « allocation de veuvage » à un dispositif d'assistance sociale (comme le RMI par exemple) nous semble d'une part un risque futur non négligeable et une déconsidération de la personne elle-même ; l'assistanat n'est pas une formule valorisante.

7) Quelle est votre appréciation sur le taux des pensions de réversion, qui varie actuellement de 50 à 60 % suivant les régimes de retraite (54 % pour le régime général) et qui n'est pas modifié dans l'avant-projet de loi du Gouvernement.

La CFR demande l'égalité de traitement entre tous les régimes public - privé - spéciaux - complémentaires. Le taux de 60 % nous semble être le bon. Comme dit précédemment au point 6, le veuvage ne divise pas par deux les frais fixes restant à charge de la personne seule.

ANNEXE II :


LES AVANTAGES FAMILIAUX ET CONJUGAUX
DANS LES PRINCIPAUX RÉGIMES DE RETRAITES

Age de départ à la retraite, avantages familiaux et pensions de réversion dans le régime d'assurance vieillesse des fonctionnaires et dans le régime général

Il n'existe pas, dans le régime général d'assurance vieillesse, de dérogation à l'âge minimum de départ à la retraite fixé à soixante ans. En revanche, les femmes fonctionnaires ayant accompli quinze années de services effectifs peuvent obtenir une pension à jouissance immédiate lorsqu'elles sont mères de trois enfants ou d'un enfant atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 % ou lorsque leur conjoint, infirme ou atteint d'une maladie incurable, est incapable d'exercer une profession quelconque (article L. 24-3 du code des pensions civiles et militaires de retraite). Appelée à examiner cette dernière disposition, la Cour de Justice des Communautés européennes a estimé que le principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et féminins était rompu dès lors que les fonctionnaires de sexe masculin se trouvaient exclus de ce droit (arrêt Mouflin, 13 décembre 2001).

Pour le calcul de la pension de retraite, une majoration pour enfants pouvant bénéficier aux deux parents est accordée aux retraités, hommes ou femmes, selon des modalités différentes dans les deux régimes. Dans le régime général, elle est égale à 10 % du montant de la pension des parents ayant eu au moins trois enfants ou les ayant élevés pendant neuf ans avant leur seizième anniversaire (articles L. 351-12 et R.351-30 du code de la sécurité sociale). Dans la fonction publique, la majoration varie avec le nombre d'enfants du titulaire de la pension qui doit les avoir élevés pendant une durée minimum : 10 % pour trois enfants élevés et 5 % en sus pour tout enfant supplémentaire (article L. 18 du code des pensions civiles et militaires de retraite).

Pour le calcul de la durée d'activité, une majoration est accordée dans les deux régimes aux mères de famille afin de compenser le temps qu'elles ont consacré à l'éducation de leurs enfants.

Dans le régime général, il est prévu une majoration de durée d'assurance de deux ans par enfant élevé (articles L. 351-4 et R. 351-14 du code de la sécurité sociale). Par ailleurs, les pères ayant obtenu un congé parental bénéficient d'une majoration de durée d'assurance égale à la durée dudit congé dans la limite de trois ans par enfant (article L. 351-5 du code de la sécurité sociale).

En outre, les personnes (hommes ou femmes) qui cessent ou réduisent leur activité professionnelle pour s'occuper d'un ou plusieurs enfants peuvent être affiliées gratuitement, sous condition de ressources, à l'assurance vieillesse des parents au foyer (article L. 381-1 du code de la sécurité sociale).

Dans le régime général, le conjoint survivant, homme ou femme, a droit sous condition de ressources à une pension de réversion à l'âge de 55 ans (articles L. 353-1 et suivants du code de la sécurité sociale).Le conjoint survivant ne peut cumuler la pension de réversion avec les avantages de vieillesse dont il est titulaire que dans des limites fixées par décret (articles R. 353-1 et suivants et D. 355-1 du code de la sécurité sociale).

Les avantages familiaux et les pensions de réversion
dans les régimes complémentaires de retraite

I - Avantages familiaux

Les régimes complémentaires de retraite des salariés non-cadres (ARRCO) et cadres (AGIRC) sont dépourvus de mécanismes de validation d'annuités au titre des enfants, telles que la majoration de la durée d'assurance dans le régime général ou la bonification pour enfant dans la Fonction publique.

Le seul avantage familial existant est la majoration du nombre de points retraite acquis par les assurés ayant eu au moins trois enfants ou les ayant élevés pendant neuf ans avant leur seizième anniversaire. Elle peut bénéficier aux deux parents.

Dans les régimes de retraite complémentaire des non-cadres  (ARRCO) :

Jusqu'au 1er janvier 1999, les avantages accordés étaient variables selon les régimes des institutions fédérées au sein de l'ARRCO, certains n'en accordant pas. Les taux de majoration allaient généralement de 10 % pour trois enfants à 20 % pour 5 enfants et plus.

Aux termes de l'accord du 25 avril 1996 instaurant un régime unique, le montant de la retraite est, à partir de 1999, majoré de 5 % pour trois enfants élevés et de 5 % par enfant à charge pour les périodes de carrière postérieures à cette date. Ces deux majorations ne sont pas cumulables.

Dans le régime de retraite complémentaire des cadres (AGIRC) :

La bonification est de 10 % pour les cadres ayant eu trois enfants et augmente ensuite de 5 % par enfant avec un maximum de 30 % pour sept enfants et plus. Ces majorations sont servies à hauteur de 80 % de leur montant pour les périodes postérieures au 1er janvier 1997.

Dans le régime de retraite complémentaire des agents non-titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC) :

L'IRCANTEC applique les mêmes règles de majoration que l'AGIRC et accorde une bonification de points pour chaque enfant, dès le premier, à condition d'avoir accompli au moins un an de services validables et cessé son activité professionnelle pour les élever.

Dans les régimes de retraite complémentaire des professions libérales :

Certains régimes de retraite complémentaire (sections professionnelles des médecins, des chirurgiens-dentistes, des pharmaciens, des vétérinaires, des architectes, des agents généraux d'assurance) accordent une majoration de pension de 10 % aux assurés ayant eu ou ayant effectivement élevés trois enfants.

Dans le régime de retraite complémentaire des cadres (AGIRC) :

Le conjoint, veuf ou veuve, ainsi que le conjoint divorcé non remarié peut percevoir, sans condition de durée de mariage, une pension de réversion, à taux plein à 60 ans ou à 55 ans s'il bénéficie de la pension de réversion du régime d'assurance vieillesse de la sécurité sociale versée sous condition de ressources, à taux réduit à 55 ans et sans condition d'âge s'il a au moins deux enfants à charge ou s'il est invalide. L'allocation de réversion est calculée à un taux variant de 52 % pour une liquidation à 55 ans à 60 % à 60 ans des droits acquis par le cadre décédé.

Dans le régime de retraite complémentaire des agents non-titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC) :

Pour obtenir la pension de réversion, le conjoint, veuf ou veuve, ainsi que le conjoint divorcé doit avoir au moins 50 ans ou deux enfants à charge, avoir été marié au moins deux ans et ne pas être remarié.

L'allocation est égale à 50 % des droits acquis par l'affilié, dans la limite de 26 000 points pour les veufs.

S'il existe plusieurs anciens conjoints divorcés non-remariés, la pension de réversion est partagée proportionnellement à la durée de chaque mariage.

Dans les régimes de retraite complémentaire des professions libérales :

Dans certains régimes de retraite complémentaire (sections professionnelles des médecins, des chirurgiens-dentistes, des pharmaciens, des vétérinaires, des infirmiers, des kinésithérapeutes, des orthophonistes, des pédicures, des agents généraux d'assurance), la pension du conjoint survivant, versée à partir de 65 ans (60 ans pour les médecins) est basée sur 60 % des points acquis par l'adhérent jusqu'à son décès. Le mariage doit être antérieur de deux ans au moins au décès de l'assuré. Le remariage fait perdre les droits à réversion.

Dans les régimes de retraite complémentaire des commerçants (ORGANIC) :

Le régime de retraite complémentaire obligatoire des conjoints de commerçants accorde, moyennant une cotisation supplémentaire acquittée par les actifs, quelle que soit leur situation familiale, une pension de réversion à 65 ans (ou 60 ans en cas d'inaptitude au travail) au taux de 75 % à condition que l'assuré ait cotisé pendant quinze ans dans le r&eacut style="font-family: 'Arial'; font-size: 10pt">Dans le régime de retraite complémentaire obligatoire des exploitants agricoles :

Créé par la loi n° 2002-308 du 4 mars 2002, le régime de retraite obligatoire de retraite complémentaire par répartition a pris effet le 1er janvier 2003. L'article L. 762-62 du code rural prévoit qu'en cas de décès de l'exploitant, le conjoint survivant peut prétendre à partir de 55 ans à une pension de réversion égale à 54 % de la retraite complémentaire dont bénéficiait l'assuré.

I - SALARIÉS : AVANTAGES FAMILIAUX

Tableau comparatif simplifié de la réglementation en vigueur dans les principaux régimes de base d'assurance vieillesse de salariés

 

Mode de calcul de la pension

Age minimum d'ouverture des droits à la retraite

Avantages familiaux

Régime

Salaire de référence (SR)

Taux (T)

Femmes/hommes

Femmes

Hommes

Régime général

Salaire annuel moyen (SAM) des 20 meilleures années (génération 1943) plafonné

25 meilleures années en 2008, génération 1948

Taux plein de 50 % si 160 trimestres à compter de 2003, à 65 ans ou à 60 ans pour invalides, inaptes et mères ouvrières de trois enfants

60 ans

Majoration de pension :

- + 10 % pour trois enfants élevés 9 ans avant 16 ans

- Anticipation âge : taux plein à 60 ans pour les mères ouvrières 3 enfants ;

Majoration durée d'assurance : 2 ans par enfant élevé 9 ans avant 16 ans

Durée du congé parental

AVPF : périodes sans activité avec un enfant ou activité temps partiel maxi 80 % avec deux enfants et conditions de ressources

Assurance vieillesse volontaire avec un enfant

Majoration pour conjoint à charge

oui

non

non

oui

oui

non

oui

Fonction publique d'Etat

Traitement indiciaire (hors primes et indemnités) correspondant à l'emploi détenu depuis six mois au moins au moment de la cessation de service

Maximum de 75 % pour 37,5 annuités, soit 2 % par annuité

40 annuités liquidables avec bonifications

60 ans

55 ans si 15 ans de services actifs

50 ans : officiers, policiers...

Quel que soit l'âge : militaires non officiers, officiers avec 25 ans de services

Quel que soit l'âge : mères de trois enfants ou d'un invalide, femmes dont le conjoint est invalide + 15 ans de services actifs

Majoration de pension : 10 % pour trois enfants élevés et + 5 % par enfant au-delà du 3ème dans la limite de 30 %

Anticipation âge départ à la retraite : mère de trois enfants et 15 ans de services

Bonification durée d'assurance : 1 an par enfant

Congé parental

oui

non

non

oui

CNRACL (collectivités territoriales et établissements hospitaliers)

Idem FPE

Idem FPE

60 ans - 55 ans si 15 ans de services actifs ou 50 ans si 10 ans de services insalubres

Quel que soit l'âge : mères de trois enfants ou d'un invalide, femmes dont le conjoint est invalide + 15 ans de services actifs

Majoration de pension : idem FPE

Anticipation âge : idem FPE

Majoration durée : idem FPE

oui

non

non

Source : document de travail du ministère de l'emploi et de la solidarité (2000)

II - SALARIÉS : RÉVERSION

Tableau comparatif simplifié de la réglementation en vigueur dans les principaux régimes de base d'assurance vieillesse de salariés

Réversion

Régime

Taux

Veuves

Veufs

       

Régime général

54 % de la pension dont bénéficiait ou aurait bénéficié l'assuré décédé calculée au taux plein

Majoration forfaitaire pour chaque enfant à charge

55 ans

Plafond annuel de ressources 2080 SMIC

Limites de cumul avec les droits propres (52 % des avantages des deux conjoints ou 73 % de la pension maximale servie par le régime)

Maintien de la pension déjà liquidée en cas de remariage ou de concubinage

Si assuré décédé marié plusieurs fois, pension partagée entre conjoint survivant et conjoint(s) divorcé(s) au prorata de chaque mariage

Idem veuves

Fonction publique d'Etat

50 % de la pension concédée à l'époux décédé

Sans condition d'âge, de ressources ni de cumul

Perte du droit en cas de remariage ou de concubinage

Plus de 60 ans ou invalides

Pension plafonnée à 37,5 % du traitement brut afférent à l'indice brut 550

Perte du droit en cas de remariage ou de concubinage

CNRACL (collectivités territoriales et établissements hospitaliers)

Idem FPE

Idem FPE

Idem FPE

III - NON SALARIÉS : AVANTAGES FAMILIAUX

Tableau comparatif simplifié de la réglementation en vigueur dans les principaux régimes de non-salariés

Avantages familiaux

Réversion

Régime

Montant des allocations

Age minimum d'ouverture des droits directs (femmes et hommes)

Femmes

Hommes

Taux

Veufs et veuves

CNAVPL (professions libérales énumérées à l'article L. 622-5 du code de la sécurité sociale)

Chaque trimestre cotisé donne droit à 1/60e de l'AVTS 6dans la limite de 150 trimestres

Mini : 1/60è de l'AVTS porté au niveau du minimum vieillesse si conditions requises

Maxi : 2,5 x AVTS (150 trimestres)

60 ans (article R. 643-7 du code de la sécurité sociale)

Majoration pour conjoint à charge (sous conditions âge et ressources)

Idem

50 % si l'assuré a cotisé moins de 15 ans, pension égale à pension de l'assuré si assuré a cotisé plus de 15 ans, pension au moins égale à l'AVTS

Limites de calcul : 50 % du total des droits du conjoint et de ceux de l'assuré décédé

Limite minimum : 70 % du ½ plafond de la sécurité sociale

55 ans

60 ans si inapte au travail

CANCAVA (artisans)

Avant 1973 : nombre de points de retraite x valeur du point

Depuis 1973 : idem règles du régime général de salariés

60 ans

Majoration de pension

Idem régime général

Majoration pour conjoint à charge

oui

oui

54 % à 55 ans

Idem régime général de salariés

55 ans plafond annuel de ressources

2080 SMIC horaire

Idem régime général de salariés

ORGANIC (industriels et commerçants)

Avant 1973 : nombre de points de retraite x valeur du point

Depuis 1973 : idem règles du régime général de salariés

60 ans

Majoration de pension

Idem régime général

Majoration pour conjoint à charge

oui

oui

54 % à 55 ans

Idem régime général de salariés

55 ans

Plafond annuel de ressources

2080 SMIC horaire

Idem régime général de salariés

IV - RÉGIMES COMPLÉMENTAIRES

Tableau comparatif simplifié de la réglementation en vigueur dans les régimes complémentaires d'assurance vieillesse de salariés

Avantages familiaux

Réversion

Régime

Mode de calcul de l'allocation

Age minimum d'ouverture des droits (femmes et hommes)

Femmes

Hommes

Taux

Veuves, veufs et ex-conjoint(e)s divorce(e)s

AGIRC (cadres)

Nombre de points acquis pendant carrière x valeur du point

60 ans

55 ans avec coefficient de minoration

Majoration de points de 10 % pour trois enfants, 5 % par enfant supplémentaire (30 % maxi)

Idem

De 52 % des droits acquis à 55 ans, à 60 % à 60 ans

Pas de montant minimum ou maximum de pension

Cumul avec droits propres du survivant sans limite

60 ans

55 ans avec coefficient de minoration

Pas de condition d'âge si survivant invalide ou deux enfants à charge de moins de 21 ans

Pas de durée minimum de mariage

Suppression en cas de remariage

ARRCO (non-cadres)

Nombre de points acquis pendant carrière x valeur du point

60 ans

55 ans avec coefficient de minoration

Anticipation d'âge : taux plein à 60 ans pour les mères ouvrières ayant élevé trois enfants

Majoration 5 % pour chaque enfant à charge jusqu'à 20 ans

ou

Majoration 5 % pour trois enfants élevés

Non

Oui

60 %

Majoration de 5 % par enfant à charge

Décès intervenus depuis le 1er juillet 1996 : 55 ans

Sans condition si invalide ou deux enfants à charge

Suppression en cas de remariage

N° 0892 - Rapport d'information au nom de la Délégation aux droits des femmes sur la réforme des retraites (Mme Claude Greff)

1 () Voir en annexe I les comptes rendus d'auditions.

2 () "Etudes et résultats" DREES, n° 183, juillet 2002

3 () Voir en annexe II.

4 () Cf. "Les pensions des fonctionnaires civils de l'Etat". Rapport public particulier. Cour des Comptes. 2003.

5 () Voir en annexe II..

6 (1) AVTS : allocation aux vieux travailleurs salariés.