![]() ![]() N° 3091 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 mai 2006 RAPPORT D'INFORMATION DÉPOSÉ en application de l'article 145 du Règlement PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES sur le financement des établissements d'hébergement des personnes âgées ET PRÉSENTÉ PAR Mme Paulette GUINCHARD, Députée. ________
I.- UN CONSTAT : L'IMPORTANCE DU NOMBRE DES ACTEURS INSTITUTIONNELS ENGAGÉS DANS LE SECTEUR DE L'HÉBERGEMENT DES PERSONNES ÂGÉES ET LA FORTE DISPARITÉ DES CONDITIONS DE FINANCEMENT 11 A. LA MULTIPLICITÉ DES ACTEURS INSTITUTIONNELS ENGAGÉS DANS LE FINANCEMENT DES INVESTISSEMENTS DES ÉTABLISSEMENTS D'HÉBERGEMENT 11 1. L'absence de source de financement des investissements spécifiquement dédiée 12 a) La participation de l'État à travers les contrats de plan État-région et la CNSA 12 b) La libre politique des collectivités territoriales à travers l'action diversifiée des départements et des communes 13 c) Les aides éventuelles des caisses de sécurité sociale et de retraite 14 2. De multiples opérateurs aux statuts juridiques divers 15 a) Les centres communaux d'action sociale (CCAS) 15 b) Les opérateurs du secteur public 16 c) Les opérateurs du secteur associatif à but non lucratif 16 d) Les opérateurs du secteur privé commercial 17 B. STRUCTURES D'HÉBERGEMENT, TARIFICATION ET MODALITÉS DE PRISE EN CHARGE 17 1. Les différents types d'établissements d'hébergement pour personnes âgées 19 a) Les établissements médico-sociaux 19 b) Les établissements sanitaires 20 2. Une tarification récemment réformée et des modalités de prise en charge diversifiées 21 a) La tarification applicable dans les EHPAD 21 b) Les modalités de prise en charge des tarifs facturés aux résidents 25 C. L'IMPOSSIBLE RECENSEMENT DES TARIFS DES STRUCTURES D'HÉBERGEMENT 25 1. Des tarifs extrêmement variables 26 2. Aucune centralisation des données relatives à la composition des tarifs 27 D. LES COÛTS ET LES MODES DE FINANCEMENT ACTUELS DES NOUVELLES CONSTRUCTIONS ET DES OPÉRATIONS DE RÉNOVATION NE SONT PAS HOMOGÈNES 28 1. Coûts des travaux de construction et d'aménagement d'un établissement pour les opérateurs 28 2. L'enchevêtrement des modes de financement des investissements constitue un véritable maquis 29 a) Le financement par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) 29 b) Les subventions des collectivités territoriales : départements et communes 30 c) Les prêts des caisses de sécurité sociale et de retraite 30 d) L'aide à la pierre et ses avantages connexes 31 e) Les opérateurs du secteur commercial 3435 3. Tentative de présentation de la fiscalité applicable aux opérateurs selon leur statut juridique 35 II.- LES ATTENTES DES FINANCEURS, DES OPÉRATEURS ET DES RÉSIDENTS 37 A. AMÉLIORER LA CONNAISSANCE 37 1. Doter l'administration d'un système de suivi de l'évolution des coûts d'hébergement 37 2. Connaître l'offre et les besoins 38 B. ÉVALUER LES COÛTS D'INVESTISSEMENT 39 C. ENCOURAGER D'AUTRES COMPORTEMENTS DANS LA FAÇON DE SOIGNER 43 1. Une répartition des charges de personnel soignant trop schématique et, dans la pratique, détournée 4344 2. Un exemple de formation du personnel à retenir 4647 D. POURSUIVRE LA COOPÉRATION ET LA COORDINATION ENTRE LE SECTEUR SANITAIRE ET LE SECTEUR SOCIAL ET MÉDICO-SOCIAL 4748 1. Les dispositifs de planification sanitaire existent et évoluent 48 a) Les recommandations des circulaires favorisent l'établissement de passerelles entre les secteurs sanitaire et médico-social 48 b) Ces recommandations sont reprises dans les schémas régionaux d'organisation sanitaires (SROS) 49 2. L'amélioration de la fluidité des services à offrir pourrait passer par des « références de bonnes pratiques » visant une prise en charge globale de la personne âgée 4950 a) Les interrogations de la mission rejoignent les questions débattues au sein du groupe de travail de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur le devenir des USLD 4950 b) La mission préconise la mise en œuvre de « références de bonnes pratiques » 5051 III.- LES DISPOSITIFS À METTRE EN PLACE POUR RÉDUIRE LE COÛT D'HÉBERGEMENT À LA CHARGE DES RÉSIDENTS ET LES FINANCEMENTS SUPPLÉMENTAIRES ENVISAGEABLES 5355 A. DÉGAGER DES MARGES DE MANOEUVRE FINANCIÈRES GRÂCE À UNE OPTIMISATION ET UNE RECONVERSION DE L'OFFRE GÉNÉRALE DE SOINS ET D'ACCUEIL 5355 B. RÉDUIRE LE COÛT D'HÉBERGEMENT FACTURÉ AUX RÉSIDENTS 5456 1. Réorganiser le contenu des sections tarifaires des EHPAD 5456 2. Adapter la réglementation relative aux normes de sécurité 5557 3. Relancer les crédits d'aide à la pierre ou d'aide au producteur 5658 4. Assouplir certaines règles comptables et financières 5759 a) Amortir les subventions d'investissement pour neutraliser l'impact de l'amortissement obligatoire des biens sur le prix de journée 5759 b) Autoriser les établissements publics sociaux et médico-sociaux à placer leurs excédents de trésorerie 5860 5. Harmoniser certains éléments de la fiscalité applicable aux EHPAD 5961 C. AMÉLIORER LES RESSOURCES DES PERSONNES ÂGÉES CONSACRÉES À LEUR HÉBERGEMENT 6264 1. Étendre les aides personnelles au logement 6365 a) Rappel des conditions d'attribution des aides au logement 6365 b) Revoir les conditions d'attribution de l'APL aux conjoints résidant tous deux en maison de retraite ou vivant dans des établissements ou logements différents 6567 c) Étendre le dispositif de l'APL aux résidents de tous les établissements d'hébergement 6567 2. Quel avenir pour l'aide sociale à l'hébergement (ASH) ? 6769 3. Faut-il développer l'assurance dépendance individuelle ? 6971 4. Quelles perspectives pour le prêt viager hypothécaire ? 7072 5. Mesures fiscales 7173 D. ENVISAGER UNE ÉVOLUTION DES RESPONSABILITÉS DES DÉPARTEMENTS DANS LA PRISE EN CHARGE DE L'HÉBERGEMENT 7375 1. Les effets d'une politique volontariste des départements en direction des personnes âgées 7375 2. Le champ des responsabilités des départements va en toute logique continuer à évoluer 7476 E. POURSUIVRE L'EFFORT DE SOLIDARITÉ NATIONALE 7577 1. L'inéluctable prise en charge financière par la collectivité 7678 2. Le choix des modes de prise en charge financière relève d'un arbitrage politique 7678 CONCLUSION 7981 LES ORIENTATIONS SUGGÉRÉES PAR LA MECSS 8183 TRAVAUX DE LA COMMISSION 8385 ANNEXES 89 ANNEXE 1 : Composition de la MECSS 8789 ANNEXE 2 : Liste des personnes auditionnées 8991 ANNEXE 3 : Comptes rendus des auditions 9395 ANNEXE 4 : Déplacements de la mission 291293 ANNEXE 5 : Glossaires 293295 ANNEXE 6 : Évolution de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) de 1999 à 2005 295297 ANNEXE 7 : Répartition des départements en fonction de leur taux d'équipement en structures d'hébergement et du taux de places en attente de financement 299301 L'étude confiée à la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales portait sur « le financement des établissements d'hébergement des personnes âgées ». La France, comme les autres pays industrialisés occidentaux, se trouve confrontée au vieillissement de sa population et au problème de la dépendance. Selon les estimations de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), sur les 12,1 millions de personnes âgées de plus de 60 ans, 800 000 à 950 000 feraient l'objet d'une perte d'autonomie moyenne ou sévère. Parmi elles, un tiers vit en établissement. Ces chiffres donnent la mesure de l'attention particulière qui doit être portée à cette population. Les politiques publiques doivent à la fois couvrir les besoins d'aide et d'accompagnement des personnes les plus âgées en perte d'autonomie - au nombre desquels le problème de l'hébergement -, préserver le libre choix de leur mode de vie et veiller à leur solvabilisation. Dans le cadre de ce sujet, vaste et complexe, la mission a été conduite à s'intéresser tout particulièrement à la question du montant et du contenu des coûts d'hébergement pesant sur les personnes âgées et leurs familles. En effet, il est apparu de façon réitérée au cours des auditions que ces coûts pouvaient être très sensiblement alourdis par la répercussion des charges liées aux investissements immobiliers. Ainsi, au-delà de la question générale des capacités d'hébergement des personnes âgées et de leur mode de financement, l'objet du présent rapport a été de comprendre les mécanismes constitutifs du coût de séjour en maison de retraite et de proposer des mesures permettant de le contenir. Trop souvent, le « reste à charge » facturé aux familles par les établissements d'hébergement réduit de façon inacceptable le « reste à vivre » des personnes âgées. En l'espace de cinq mois, la MECSS a procédé à près de trente auditions et tables rondes publiques (1), au cours desquelles elle a pu entendre l'ensemble des acteurs impliqués dans le financement des établissements d'hébergement des personnes âgées. La mission a également effectué deux déplacements : un premier à Bruxelles, destiné à comprendre les raisons de l'attrait des structures d'hébergement belges pour les Français ; un second au centre hospitalier intercommunal de Marmande-Tonneins (Lot-et-Garonne), où sont pratiqués des soins particulièrement performants dans une unité pour personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer. La MECSS partage en grande partie les préoccupations de la Cour des comptes, exprimées dans son rapport public particulier de novembre 2005 sur « Les personnes âgées dépendantes », lequel a constitué une référence constante pour le présent rapport. Elle a également travaillé à partir des documents collectés lors des auditions et, sur ce point, la mission a particulièrement apprécié la collaboration fructueuse établie avec la Direction générale de l'action sociale (DGAS) du ministère de la santé et des solidarités, dont les réponses écrites aux diverses questions de la mission ont permis d'aboutir à plusieurs propositions. Enfin, la MECSS a pu être informée, en temps réel, des travaux du groupe de projet du Centre d'analyse stratégique (ancien Commissariat général du Plan) sur la prospective des équipements et services pour la prise en charge des personnes âgées dépendantes, dont le rapport devrait être prochainement publié. Ces travaux ont permis d'enrichir la réflexion de la mission. Si la mission a davantage orienté ses travaux sur la question plus particulière du financement de l'investissement en établissement, elle n'en est pas moins restée très attentive aux enjeux, plus larges, de la prise en charge globale de la dépendance pour les opérateurs et les personnes âgées. À cet égard, les interlocuteurs de la mission ont très souvent souligné l'aspiration des personnes âgées à un plus grand bien-être dans leur maison de retraite. Ils ont également souligné la volonté des pouvoirs publics de faire jouer le principe de précaution en multipliant les normes de sécurité. Les auditions ont également permis de constater un réel manque de personnels pour assister les personnes âgées, mais aussi de véritables difficultés à les recruter et à les fidéliser, dans la mesure où ils doivent être mieux formés et rémunérés. La mission est donc très soucieuse de voir prises en compte les voies d'amélioration qu'elle propose, concernant notamment la mise en place d'un système d'information efficient, ainsi que la qualité des soins aux personnes. En outre, elle estime d'autant plus indispensable d'optimiser les financements de l'hébergement des personnes âgées, que la Cour des comptes a considéré, dans son rapport, que l'ensemble des ressources - en incluant celles dont dispose la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) pour les personnes âgées dépendantes - sont insuffisantes pour couvrir les besoins en soins et en hébergement estimés d'ici 2020. La mission précise que, si elle n'a pas pu intégrer dans ses travaux de réflexion sur la problématique de la barrière d'âge qui désavantage, en matière de prestations, les personnes âgées par rapport aux personnes handicapées, elle considère que cette question du rapprochement de la prise en charge du handicap et de celle des pathologies liées au grand âge doit être réglée le plus rapidement possible. Enfin, il résulte des travaux de la mission que si l'aménagement de certains dispositifs, de même que la mise en place de moyens spécifiques, sont susceptibles de réduire le coût de l'hébergement en établissement pour les personnes âgées, des ressources devront nécessairement être affectées ou transférées à ce domaine, compte tenu de l'augmentation prévisible des besoins et cela, quelle que soit l'évolution des capacités contributives des résidents. I.- UN CONSTAT : L'IMPORTANCE DU NOMBRE DES ACTEURS INSTITUTIONNELS ENGAGÉS DANS LE SECTEUR DE L'HÉBERGEMENT DES PERSONNES ÂGÉES ET LA FORTE DISPARITÉ DES CONDITIONS DE FINANCEMENT La liste des personnalités auditionnées détenant compétences et informations en matière d'hébergement des personnes âgées dépendantes témoigne de la diversité des acteurs intervenant dans ce secteur : services de l'État, caisses de sécurité sociale et de retraite, collectivités territoriales, gestionnaires et salariés d'établissements hospitaliers, d'établissements publics autonomes, d'établissements privés associatifs non lucratifs, d'établissements privés commerciaux... Une telle situation empêche toute vision claire des compétences et aboutit à de regrettables disparités dans les conditions de financement. A. LA MULTIPLICITÉ DES ACTEURS INSTITUTIONNELS ENGAGÉS DANS LE FINANCEMENT DES INVESTISSEMENTS DES ÉTABLISSEMENTS D'HÉBERGEMENT La question de la dévolution de la compétence d'investissement a été systématiquement posée lors des auditions et les réponses recueillies ont été contrastées. Les services de l'État - dont la direction générale de l'action sociale (DGAS) et la direction générale des collectivités locales (DGCL) - ont indiqué que, juridiquement, la responsabilité de l'investissement incombait aux départements. Ils ont cependant précisé que le responsable direct de l'investissement - pour la construction comme pour les achats de mobilier - était, bien entendu, l'établissement, personne morale de droit public ou privé. Cela étant, le département, qui établit le tarif hébergement (il établit aussi le tarif de la dépendance, l'État prenant en charge le coût des soins), tient compte des amortissements et des frais financiers consécutifs aux investissements dans la composition du prix de journée. Le payeur principal est donc la personne âgée hébergée qui doit régler le tarif hébergement. Les responsables des directions des affaires sociales des conseils généraux des Vosges, des Landes et du Nord que la mission a interrogés ont, quant à eux, répondu que la compétence dans ce domaine n'était ni d'origine législative, ni d'origine réglementaire, mais relevait de la politique « volontaire et volontariste » qu'ils avaient engagée. Ainsi, la situation est caractérisée par l'absence de désignation claire et impérative de l'autorité compétente, une réalité qui tient sans doute en grande partie à la difficulté d'articuler la décentralisation dans le champ social. M. Michel Laroque, inspecteur général des affaires sociales a souligné cet écueil en rappelant que, si la France avait fait le choix de la décentralisation, « on ne sait pas bien gérer des politiques décentralisées et assurer les relations entre les niveaux central et décentralisés » (2). Force est de constater qu'en matière sociale, la question de l'attribution de la compétence obligatoire n'a effectivement été ni réglée, ni même soulevée, et qu'en ce domaine, notre pays devrait a minima se doter d'une « Conférence de l'action sociale » organisée par l'État et les conseils généraux, laquelle pourrait périodiquement, parmi d'autres thèmes, aborder celui de l'investissement dans le secteur des établissements d'hébergement des personnes âgées. 1. L'absence de source de financement des investissements spécifiquement dédiée a) La participation de l'État à travers les contrats de plan État-région et la CNSA · Les contrats de plan État-région C'est dans le cadre des contrats de plan État-région que l'État a participé au financement de la transformation des hospices et à la modernisation des établissements pour personnes âgées. En octroyant des aides à l'investissement, ces contrats ont permis, depuis déjà une trentaine d'années, de réduire les charges d'exploitation des établissements et ont eu une incidence directe sur les coûts d'hébergement. Selon les informations communiquées par la direction générale de l'action sociale (DGAS), l'engagement de l'État dans le cadre du XIIe plan (2000-2006) s'est élevé à 97,67 millions d'euros pour l'humanisation des hospices et à 106,70 millions d'euros pour les maisons de retraite. À l'issue du processus de révision à mi-parcours des contrats de plan en 2003, ce montant a été réévalué à 208,16 millions d'euros. En 2005, l'exécution du XIIe Plan a été accélérée en raison du rattachement de crédits supplémentaires sur le budget de l'État (25,85 millions d'euros) par voie de fonds de concours. Cet abondement, d'un montant total de 50 millions d'euros et ouvert en autorisations de programme comme en crédits de paiement, résulte d'un concours de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Ces moyens complémentaires ont été répartis entre trois postes de dépenses : - 60 % ont permis de porter l'exécution de la programmation des contrats de plan à 60,7 % ; - 29 % ont été affectés à des opérations signalées par les directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS) et qui ne relevaient pas des contrats de plan ; - 10 % ont concerné la poursuite du financement du plan d'équipement des maisons de retraites et des logements-foyers en pièces « rafraîchies ». Selon les informations de la mission, les contrats de plan devraient être exécutés à hauteur de 73 % fin 2006. · La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) Récemment créée par la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, la CNSA est venue compléter le dispositif de financement des établissements d'hébergement des personnes âgées. La CNSA est un établissement public national à caractère administratif qui a pour mission : - d'une part, de verser aux départements la contribution de l'État au financement de la perte d'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées ; - d'autre part, de répartir entre les établissements d'un côté et les services de soins et les services médico-sociaux de l'autre les crédits de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), destinés aux personnes âgées dépendantes et aux personnes handicapées. Cette répartition s'effectue sur la base d'enveloppes régionales et départementales, en fonction du programme interdépartemental de prise en charge des handicaps et de la perte d'autonomie, mis en place par l'article 58 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Sans préjuger du rôle que pourra jouer la CNSA, la mission constate qu'en tout état de cause, la création de cet organisme n'a pas permis, pour l'instant, de clarifier le financement des actions en faveur des personnes âgées actuellement prises en charge par de multiples acteurs. b) La libre politique des collectivités territoriales à travers l'action diversifiée des départements et des communes Depuis les lois de décentralisation, le département est chargé de la politique de prise en charge des personnes âgées ; la responsabilité juridique de l'investissement incombe donc bien aux départements. Le département intervient notamment pour l'instruction et le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et pour le financement et le versement d'autres prestations à caractère social, parmi lesquelles l'aide ménagère à domicile et l'aide sociale à l'hébergement en établissement (ASH). On rappellera que l'ASH a pour caractéristique d'être une avance susceptible d'être récupérée après le décès de son bénéficiaire sur l'actif net de sa succession. En conséquence, si l'aide sociale est un élément important de la solvabilisation des personnes âgées, il est clair que les familles, quand elles le peuvent, préfèrent prendre en charge une partie du coût d'hébergement de leurs parents accueillis en institution, afin de préserver le patrimoine lors de la succession. Fin 2004, 111 000 personnes âgées bénéficiaient de l'ASH au titre d'un hébergement en établissement, chiffre en diminution de 1 % par rapport à 2003 (3). Selon la direction générale de l'action sociale (DGAS), cette diminution correspondrait à l'arrivée en établissement des personnes disposant d'une pension de retraite complète (4). En 2004, les dépenses nettes globales des départements au titre de l'ASH ont été estimées, après récupération, à 910 millions d'euros par l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS). Après une période de diminution observée depuis 2000, liée à la mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), ces dépenses ont augmenté de 7 % en 2003 et de 4 % en 2004. Ces dernières hausses s'expliquent par le conventionnement des établissements d'hébergement (voir infra tarification des EHPAD) qui s'est accompagné d'une augmentation des tarifs pour financer les progrès qualificatifs. Par ailleurs, c'est le Président du Conseil général qui fixe le tarif hébergement des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes dans les établissements habilités à l'aide sociale, avec pour objectif de maintenir des niveaux de prix permettant de limiter le nombre de personnes contraintes de solliciter l'aide sociale. Dans les établissements non habilités du secteur commercial, la tarification est libre (voir infra tarification des EHPAD). Hormis l'action du département, et bien qu'elles n'aient pas de compétence légale, la plupart des communes mènent, à titre facultatif et volontaire, une politique envers les personnes âgées, soit directement, soit par l'intermédiaire de leur centre communal d'action sociale (CCAS). Les communes qui s'investissent ainsi dans le champ des personnes âgées proposent le plus souvent un service de portage de repas, des services d'aide ménagère ou bien assurent la gestion de logements-foyers. c) Les aides éventuelles des caisses de sécurité sociale et de retraite Au niveau national, la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) développe des projets immobiliers en faveur des personnes hébergées les plus autonomes. Au niveau régional, et depuis une vingtaine d'années, les caisses régionales d'assurance maladie (CRAM) participent également au financement des établissements sous forme de prêts sans intérêt, dans la limite d'un taux de participation qui varie selon les opérations. Cette aide à l'investissement, assortie de prêts à taux zéro, peut se révéler particulièrement intéressante pour la réalisation des projets d'établissements de petite taille qui pourraient rencontrer des difficultés pour l'obtention des subventions des collectivités territoriales. Toutefois, devant la mission, le directeur de la CNAV a admis ne pas pouvoir mesurer le niveau réel de la demande. En effet, dans la mesure où les dossiers qui parviennent au niveau de la CNAV ont tous reçu l'aval et le soutien des services locaux d'action sociale, ils sont très rarement rejetés par la CNAV et celle-ci n'a donc pas connaissance des dossiers écartés au niveau local. Il a également précisé que si la politique immobilière de la CNAV était réorientée en tenant compte des actions menées par la DGAS et le ministère de l'équipement, la caisse souhaitait jouer un rôle en faveur de la diversification des formes d'accueil. *** En conclusion, la mission reprend à son compte la réponse du Président de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) aux recommandations du rapport de la Cour des comptes précité qui résume bien la situation : « La question de l'investissement soulève une question particulière, en raison de ce qu'aucune source de financement ne lui est aujourd'hui spécifiquement dédiée (si ce n'est le « tarif hébergement » acquitté par les résidents, l'exécution considérée comme défectueuse des contrats de plan État-régions et les interventions facultatives des conseils généraux et des caisses de sécurité sociale) ». 2. De multiples opérateurs aux statuts juridiques divers a) Les centres communaux d'action sociale (CCAS) « Bureaux d'aide sociale » des communes jusqu'en 1986, les centres communaux d'action sociale (CCAS) sont, depuis, devenus des établissements publics administratifs ayant une existence administrative et financière distincte de la commune - leur conseil d'administration est cependant présidé de plein droit par le maire de la commune. Les CCAS développent, vers les populations concernées par l'action sociale, un ensemble d'activités légales ou facultatives qui leur permettent, notamment, d'accorder des dons et des prêts, d'instruire les demandes d'aide sociale ou bien de créer et gérer des équipements sociaux et médico-sociaux. Plus de 65 % des logements-foyers sont ainsi gérés par des CCAS. b) Les opérateurs du secteur public La majorité des structures publiques accueillant des personnes âgées dépend des collectivités territoriales (communes, départements et communautés de communes) ou de leurs établissements publics sanitaires et médico-sociaux ; les autres, peu nombreuses, relèvent de l'État. Certaines de ces structures sont autonomes et, à ce titre, disposent de leur propre personnalité juridique, ainsi que d'organes de gestion et de fonctionnement spécifiques, compte tenu de leurs statuts soit d'établissement public de santé, soit d'établissement public social et médico-social. D'autres, au contraire, sont gérées par le conseil général ou la commune en régie et ne disposent pas d'un conseil d'administration propre. Dans ce cas, elles sont gérées par le directeur de l'hôpital. Les structures publiques représentent 60 % des places installées, toutes catégories d'établissements confondues (5). c) Les opérateurs du secteur associatif à but non lucratif Le secteur associatif non lucratif regroupe les établissements gérés par divers organismes, telles les congrégations, les associations régionales (par exemple l'association des résidences pour personnes âgées - AREPA - en Île-de-France), les fondations (par exemple, la Fondation caisses d'épargne pour la solidarité), les caisses de retraite ou les mutuelles. Les capacités d'investissement du secteur associatif à but non lucratif sont extrêmement variables d'une association à l'autre et les projets de création de places ou de rénovation se répartissent de façon assez inégale sur le territoire national. Le secteur tente d'orienter ses projets vers l'innovation et la diversification en proposant, par exemple, de faciliter les échanges entre générations au sein des structures d'hébergement, d'intégrer de petites unités à d'autres services de nature différente, telles que des crèches, des ludothèques ou des salles de quartier. Les établissements à but non lucratif représentent 26 % des places installées (6). d) Les opérateurs du secteur privé commercial Le secteur commercial comprend pour moitié des entrepreneurs individuels et indépendants, pour moitié des entrepreneurs regroupés qui sont de véritables investisseurs. Ainsi, quelques groupes de 20 à 100 établissements émergent au sein de ce que l'on peut désormais appeler un « marché », parmi lesquels certains sont même entrés en bourse (Orpea, Medidep, Medica France, Serience-Hotelia, Domus Vi...). Entre 1996 et 2003, selon les données d'une enquête de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) commentées plus loin, les maisons de retraite à but lucratif ont augmenté leur nombre de lits de 21 %, alors que le nombre de places en maisons de retraite a connu une croissance totale de 7 %. Toutefois, malgré cette croissance, elles ne pourront, à elles seules, satisfaire l'évolution future de la demande, notamment en raison de leur implantation plus fréquente - du moins jusqu'à présent - dans les villes moyennes ou importantes. Elles représentent aujourd'hui 14 % des lits installés. B. STRUCTURES D'HÉBERGEMENT, TARIFICATION ET MODALITÉS DE PRISE EN CHARGE Selon la Direction générale de l'action sociale (DGAS), sur une population totale de 59,344 millions de personnes en 2004, on comptait : - 12 119 000 personnes âgées de 60 ans et plus, - 4 245 000 personnes âgées de 75 ans et plus, - 1 272 000 personnes âgées de 85 ans et plus. En 2020, le nombre des personnes âgées de plus de 60 ans devrait s'élever à 13 millions et le nombre des personnes âgées de plus de 85 ans devrait doubler. Au regard de ces chiffres, l'évolution des capacités d'hébergement et de prise en charge des personnes âgées est donc une question sociale essentielle. La dernière enquête disponible de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) du ministère de la santé et des solidarités, publiée en février 2005, a permis de dénombrer 10 526 établissements d'hébergement pour personnes âgées au 31 décembre 2003, représentant 671 000 places. Dans le même temps, le nombre total de places pour 1 000 personnes âgées de 75 ans et plus s'élevait à 140. La même étude a établi une répartition des places en établissements détaillée dans le tableau page suivante. Recensement des établissements d'hébergement pour personnes âgées en 2003
Source : enquête EHPA de la DREES ; Études et Résultats n° 379 de février 2005. On constate qu'entre 1996 et 2003, le nombre global de places en établissements a augmenté de 4 %. Ce chiffre cache toutefois des évolutions contrastées selon le type d'établissement. En effet, alors que le nombre de places en maisons de retraite connaissait une croissance de 7 %, le nombre de places dans les autres structures a diminué, sur la même période, de 2 % pour les logements-foyers, et de 3 % pour les USLD. Au contraire, comme on l'a déjà souligné, les places ont augmenté de 21 % dans le secteur commercial. Au 31 décembre 2003, 60 % de la capacité d'accueil de l'ensemble des institutions relevaient du secteur public, 26 % du secteur privé à but non lucratif et 14 % du secteur privé commercial. Répartition par âge des résidents des établissements hébergeant des personnes âgées
Source : enquête EHPA 2003 de la DREES, données provisoires ; Études et Résultats n° 379 de février 2005. 1. Les différents types d'établissements d'hébergement pour personnes âgées Les établissements d'hébergement pour personnes âgées se répartissent en deux catégories, selon leur statut juridique : - les structures relevant de la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale ; - les unités de soins de longue durée (ULSD) relevant du 2° de l'article L. 6111-2 du code de la santé publique. a) Les établissements médico-sociaux Il s'agit des établissements publics ou privés qui accueillent des personnes âgées, visés au 6° de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles : - Les logements-foyers qui offrent à leurs résidents un logement autonome assorti d'équipements et de services collectifs facultatifs (restauration, blanchisserie...). Les résidents paient un tarif incorporant l'équivalent d'un loyer assorti des charges locatives, la participation aux frais de fonctionnement des locaux communs et, le cas échéant, le prix des prestations facultatives choisies. - Les maisons de retraite publiques et privées qui assurent une prise en charge intégrale des résidents sous forme d'hébergement, de restauration, d'entretien et, souvent, de soins. On distingue deux types de maison de retraite publiques : les maisons de retraite autonomes (budget et gestion autonomes), et celles gérées par les CCAS (centres communaux d'action sociale) ou rattachées à un hôpital. Les maisons de retraite privées sont gérées par des associations à but non lucratif ou des entreprises privées commerciales à but lucratif. - Les petites unités de vie (moins de 25 places) qui sont des structures d'accueil de proximité, pas ou peu médicalisées, où les résidents vivent dans un logement autonome. - L'accueil de jour consiste à accueillir, dans des locaux spécialement réservés, pour une ou plusieurs journées par semaine - voire une demi-journée -, des personnes âgées vivant à leur domicile. Les « accueils de jour » peuvent être autonomes ou rattachés à une autre structure, tel qu'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. b) Les établissements sanitaires Les unités de soins de longue durée (USLD) relevant du 2° de l'article L. 6111-2 du code de la santé publique sont des services d'établissement de santé assurant l'hébergement et les soins de personnes qui n'ont plus leur autonomie de vie et dont l'état nécessite une surveillance médicale constante et des traitements d'entretien. Le devenir des USLD a fait l'objet, en juillet 2005, d'une saisine de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) par le ministre de la santé et des solidarités et le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des personnes handicapées ayant fusionné l'enveloppe sanitaire consacrée aux USLD avec l'enveloppe médico-sociale gérée par la CNSA, l'IGAS a été chargée de déterminer selon quelles modalités les patients actuellement pris en charge en USLD pourraient se répartir entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social. En effet, un certain nombre de patients continuera à avoir besoin d'un traitement pour des pathologies gériatriques aiguës, ce qui requiert leur maintien dans un cadre hospitalier, sous forme d'accueil dans une USLD. En revanche, les patients dont les besoins de soins sont liés à la dépendance du grand âge - et non à des maladies aiguës provoquées par le vieillissement - relèveront des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Toutefois, la requalification des ULSD doit s'accompagner d'une planification territoriale, de garanties de continuité des soins et de critères de pondération pour le partage des budgets soins des USLD concernées. Tel est le sens de la mission confiée à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Le groupe de travail présidé par un inspecteur général des affaires sociales, M. Michel Thierry, comprend des représentants de la DHOS, de la DGAS, de la CNSA, de la DSS, de la CNAM, de la DGS. Il est chargé de construire un référentiel, afin de bien ventiler les populations, et doit se réunir jusqu'à l'été 2006 pour aboutir à une circulaire sur le suivi administratif et institutionnel du processus, l'articulation avec les démarches de planification, les aspects financiers des transferts et les mesures destinées à améliorer à la fois la qualité sociale de l'accueil en USLD et la qualité de médicalisation des EHPAD médico-sociaux. Sur ce dernier point, M. Michel Thierry a précisé à la mission que si des patients sont inutilement maintenus en USLD, on peut constater que les EHPAD comptent parmi leurs résidents au moins 15 % de personnes dont l'état relève davantage du secteur hospitalier que du secteur médico-social. La mission souhaite souligner que ce groupe de travail est avant tout amené à régler un problème d'affectation de ressources pour les USLD, dont l'activité sera orientée dans le champ social et médico-social ou scindée entre le secteur sanitaire et médico-social. Elle estime pour sa part que le véritable enjeu de la requalification de ces unités est, comme elle le précisera plus loin, la coopération des deux secteurs, sanitaire et médico-social, et la coordination des compétences dans le cadre de la recherche d'un meilleur accompagnement des personnes âgées. 2. Une tarification récemment réformée et des modalités de prise en charge diversifiées a) La tarification applicable dans les EHPAD À la signature d'une convention tripartite avec les départements (financeurs de l'allocation personnalisée d'autonomie : APA) et l'assurance maladie (qui assure la prise en charge des soins médicaux aux personnes âgées), tout établissement autorisé à accueillir des personnes âgées est qualifié d'« établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes » (EHPAD), au sens de l'article L. 313-12-I du code de l'action sociale et des familles, tout en gardant son statut propre, public ou privé. La tarification dite ternaire, introduite en 1999, est applicable dans tous les EHPAD. Elle repose sur trois tarifs correspondant chacun à une catégorie précise de prestations : - un tarif journalier afférent à l'hébergement, - un tarif journalier afférent à la dépendance, - un tarif journalier afférent aux soins. Le budget d'un EHPAD est donc présenté en trois sections distinctes d'imputation, dont les charges et les produits sont arrêtés séparément, les règles de calcul de ces tarifs étant très précisément définies par les textes réglementaires (7). Le tableau, page suivante, présente, pour chacun des trois tarifs applicables, la nature des prestations prises en compte et l'autorité compétente pour arrêter le tarif concerné. Régime tarifaire des établissements d'hébergement
* Cette habilitation est accordée par le conseil général. Relèvent de la section hébergement - et sont donc à la charge de la personne âgée hébergée - les charges d'exploitation à caractère hôtelier et d'administration générale, les charges relatives à l'emploi de personnel assurant l'accueil, l'animation de la vie sociale, l'entretien, la restauration et l'administration générale, les amortissements de biens meubles (autres que le matériel médical) et immeubles, les dotations aux provisions, ainsi que les charges financières et exceptionnelles. Tous les membres de la MECSS ont estimé qu'il était anormal que le financement des maisons de retraite incombe indirectement à leurs résidents, alors que les usagers d'équipements collectifs, tels qu'un terrain de sport ou un pensionnat de collège ou un lycée, ne sont pas redevables des charges liées à l'investissement lié à ces structures. Soucieuse de trouver les moyens de faire baisser le tarif à la charge des personnes âgées hébergées, la mission considère que l'affectation des amortissements à la section hébergement ne se justifie pas et précisera plus loin quelles pourraient être les modalités d'une réorganisation des charges au sein des sections tarifaires. S'agissant des tarifs soins et dépendance, ceux-ci sont arrêtés, respectivement, par le préfet et le président du conseil général, y compris pour les établissements qui ne sont pas habilités à recevoir des personnes âgées bénéficiaires de l'aide sociale. En ce qui concerne le tarif hébergement, seuls les EHPAD non habilités à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale, peuvent le fixer librement. Toutefois, et même dans ce cas, il existe certaines limites réglementaires : en effet, pendant toute la durée du contrat signé par le résident avec l'établissement, la revalorisation annuelle du prix des prestations concernées ne peut pas dépasser un pourcentage fixé par arrêté ministériel. Ainsi, au cours de l'année 2006, les tarifs des prestations offertes aux personnes âgées résidant au 31 décembre 2005 dans ces établissements ne peuvent augmenter de plus de 2,6 %. La Fédération hospitalière de France (FHF) a suggéré d'introduire un système de régulation des tarifs anormalement élevés, dus à une offre insuffisante par rapport à la demande, et des tarifs maintenus à un niveau très bas pour les établissements habilités à l'aide sociale. Sur ce point, la DGAS a apporté les éléments d'analyse suivants à la mission : « Avec le « tarif plafond », la FHF vise les établissements commerciaux, même si des établissements publics comme les USLD hospitalières ont les tarifs hébergement souvent les plus élevés. Avec le tarif minimal, la FHF vise les conseils généraux qui peuvent être très drastiques en matière de tarification administrée de l'aide sociale à l'hébergement. Ce tarif s'impose alors, sauf modulation en application de l'article R. 314-182 du code de l'action sociale et des familles, à l'ensemble des résidents de l'établissement. Il a toutefois fait l'objet d'un assouplissement par ordonnance n° 2005-1477 du 1er décembre 2005 portant diverses dispositions relatives aux procédures d'admission à l'aide sociale et aux établissements et services sociaux et médico-sociaux.( voir infra : quel avenir pour l'aide sociale à l'hébergement ?). La fixation d'un tarif plafond et d'un tarif minimal n'a pas aujourd'hui de base légale. Elle est contraire à la libre administration des collectivités territoriales (le département fixe le tarif) et à la liberté du commerce et de l'industrie. Les mécanismes fiscaux du « loyer en meublé professionnel » (LMP), dont bénéficient les établissements commerciaux, procurent à ces derniers des avantages considérables, sans aucune contrepartie en terme de modération des tarifs hébergements. Si ces établissements commerciaux font apparaître des comptes parfois justes à l'équilibre, leurs sociétés civiles immobilières (SCI) sont, elles, prospères. En conséquence, lorsque les dirigeants de la SCI et de la société commerciale gestionnaire de l'établissement sont les mêmes, les avantages fiscaux du « LMP » devraient être subordonnés à une modération des prix, comme cela se fait pour les foyers-logements habilités ou non à l'aide sociale, mais bénéficiant d'un conventionnement à l'aide personnalisée au logement (APL) ». Par ailleurs, le principe de cette tarification a été de faire prendre en charge les soins par l'État (via l'assurance maladie) et la dépendance par le département (via l'APA). Or, il est fréquent que les soins de base, tels que la toilette, soient réalisés par des personnels de service rémunérés à 70 % par le prix de l'hébergement facturé aux personnes âgées, comme indiqué dans le tableau plus haut. Cette situation cumule tous les désavantages : les soins sont effectués par des personnes non qualifiées qui ne sont pas payées pour le travail qu'elles accomplissent en réalité et les personnes âgées paient pour des soins qui devraient être pris en charge par l'assurance maladie. C'est pourquoi, la mission estime que ces agents de service doivent non seulement être mieux formés, mais aussi que les charges qu'ils représentent doivent être imputées, dans la tarification, à la section soins et non à la section hébergement. *** Si la mission considère qu'il est aujourd'hui nécessaire d'adapter certaines règles de la tarification, elle tient toutefois à souligner que la réforme mise en œuvre à compter de 2001 a eu des effets positifs importants. Elle a permis une amélioration de la qualité des soins et de la qualité de vie en établissement, notamment en développant la formation des personnels, en permettant de commencer d'assurer la prise en charge des personnes souffrant de détérioration intellectuelle et en prévoyant le recours à un médecin coordonnateur, compétent en gérontologie. La signature des conventions tripartites, en renforçant les moyens d'assurance maladie, a créé 30 000 emplois équivalent temps plein (ETP). Les effectifs moyens des établissements de taille moyenne ont été augmentés de 7 emplois ETP dont 5,5 en personnel soignant (8). Le taux d'encadrement, toutes fonctions confondues, était au 31 décembre 2003 de 0,45 pour l'ensemble des établissements d'hébergement pour personnes âgées et de 0,57 pour ceux ayant signé une convention tripartite (9). Par ailleurs, de nombreux établissements ont été rénovés, rendant les espaces de vie plus conformes aux vœux des résidents et offrant des locaux mieux adaptés aux nouvelles formes de soins et d'animation. Enfin, des investissements importants en matériel médical et paramédical ont pu être réalisés. On peut toutefois regretter que les moyens financiers accordés à la réforme de la tarification n'aient été ni suffisants, ni constants (10). D'une façon générale, la réforme n'a pas réglé la question du « reste à charge » des résidents, dont les modalités de prise en charge mériteraient d'être révisées. b) Les modalités de prise en charge des tarifs facturés aux résidents - Le tarif soins est réglé directement et intégralement à l'établissement par le régime d'assurance maladie auquel est affiliée la personne âgée dépendante. - Le tarif dépendance est réglé par le résident. Celui-ci peut néanmoins bénéficier, à ce titre, de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) en établissement, s'il en satisfait les conditions générales d'attribution. L'APA est versée au début de chaque mois, soit au résident qui règle ensuite l'établissement, soit directement à l'établissement, le résident réglant ensuite à l'établissement le ticket modérateur ou talon correspondant au niveau de dépendance le plus faible (GIR 5/6) qui reste à sa charge. - Le tarif hébergement est également réglé par le résident. Dans les établissements habilités, les frais d'hébergement peuvent être pris en charge par l'aide sociale du département pour les personnes âgées de 65 ans et plus (ou de plus de 60 ans en cas d'inaptitude au travail), dont les ressources sont inférieures au prix de journée de l'établissement, déduction faite des soins réglés par l'assurance maladie. Le bénéficiaire doit alors consacrer 90 % du montant de l'aide versée au remboursement de ses frais d'hébergement, le solde (10 %) étant réservé à son usage personnel (au minimum : 73 euros par mois à compter du 1er janvier 2006). Par ailleurs, le résident peut bénéficier, si sa situation le justifie, d'une aide complémentaire attribuée dans le cadre de l'aide sociale facultative. Enfin, le résident d'un EHPAD habilité peut bénéficier de l'allocation logement si ses ressources le rendent éligible à cette prestation (l'établissement étant, par définition, sa résidence principale). Il s'agit là des prises en charge « de droit commun ». Par ailleurs, une personne âgée dépendante qui réside dans un EHPAD peut également bénéficier de prestations complémentaires servies, soit par la mutuelle dont elle est membre, soit par une société de droit privé auprès de laquelle elle a, à titre individuel et volontaire, préalablement souscrit un « contrat d'assurance dépendance ». Ces prestations permettent alors de couvrir, dans des proportions variables, les dépenses afférentes à la dépendance et à l'hébergement qui ne sont pas prises en charge dans le cadre des prestations sociales de droit commun. C. L'IMPOSSIBLE RECENSEMENT DES TARIFS DES STRUCTURES D'HÉBERGEMENT Seules des enquêtes incomplètes et sommaires permettent actuellement de renseigner les personnes âgées sur les tarifs des maisons de retraite et la décomposition du montant de leur « reste à charge ». 1. Des tarifs extrêmement variables La mission a constaté qu'aucun recensement global des tarifs à l'échelon national n'avait été établi. Tout au plus a-t-elle pu avoir communication des données collectées par la Cour des comptes qui ne portaient que sur un échantillon de dix départements et des éléments transmis par les responsables des directions des affaires sociales de plusieurs conseils généraux, de la Fédération hospitalière de France, de plusieurs opérateurs publics et privés. Ces éléments d'information sont regroupés dans le tableau ci-dessous : Tableau comparatif des tarifs 2005 (en euros par jour)
2. Aucune centralisation des données relatives à la composition des tarifs Le renforcement croissant des normes de confort, d'hygiène, de sécurité et d'adaptation au handicap impose des investissements qui engendrent des amortissements à intégrer dans le budget de fonctionnement des établissements et donc dans le prix de journée facturé aux résidents. Il semble que n'existe aucune centralisation des données relatives à la composition du prix de journée ou du tarif hébergement. Cependant, les représentants d'opérateurs du secteur associatif non lucratif participant aux travaux du Centre d'analyse stratégique (ex-Commissariat général du Plan) ont indiqué qu'environ 50 % du tarif hébergement étaient consacrés aux charges de personnel, tandis que les charges immobilières pouvaient atteindre 25 %, ainsi que les charges des services de restauration, de blanchisserie... Dans le tarif hébergement des EHPAD privés commerciaux, le montant correspondant aux investissements immobiliers varie et peut atteindre la somme de 18 euros en région parisienne, comme l'illustre l'analyse du prix de revient fournie par le président du SYNERPA (syndicat national des établissements et résidences privées pour personnes âgées).
On peut également donner l'exemple du tarif hébergement de l'unité Alzheimer du centre hospitalier intercommunal de Marmande-Tonneins (USLD conventionnée). Dans ce centre, le prix de revient global, soit 58,57 euros par jour, est comparable à celui communiqué par le SYNERPA ; les frais financiers (intérêts des emprunts et amortissements) liés à sa construction récente (2002), s'élèvent à 14,32 euros, c'est-à-dire à près du quart du prix de revient journalier. Prix de revient journaliers de l'unité ALZHEIMER de Marmande-Tonneins
D. LES COÛTS ET LES MODES DE FINANCEMENT ACTUELS DES NOUVELLES CONSTRUCTIONS ET DES OPÉRATIONS DE RÉNOVATION NE SONT PAS HOMOGÈNES Le financement des nouvelles constructions et des opérations de rénovation n'est pas uniforme. Il dépend du statut de l'établissement et du montage juridique du projet. 1. Coûts des travaux de construction et d'aménagement d'un établissement pour les opérateurs Comme il l'a déjà été indiqué, la construction d'une maison de retraite dotée de tous les équipements spécifiques liés à la dépendance est un bien dont l'amortissement est en totalité imputé à la section hébergement de la tarification, et payé par le résident. On ne dispose pas de données globales sur le prix de la construction d'un lit. Mais les informations communiquées à la mission par un certain nombre d'opérateurs donnent une idée assez claire de l'importance des financements nécessaires à la création de lits. Les prix recouvrent le coût de la construction et les travaux d'ingénierie. Ils dépendent également du coût du foncier ou du prix du terrain de construction. Celui-ci est souvent mis en avant pour expliquer les disparités entre les coûts selon l'implantation géographique des établissements. Cette explication n'est pas valable dans toutes les circonstances. En effet, lorsqu'il s'agit de projets publics ou privés non lucratifs, les terrains sont gratuitement mis à disposition par la collectivité territoriale et ne sont donc pas amortis. Le Centre d'action sociale de la ville de Paris (CASVP) estime le coût de construction d'un lit à 150 000 euros, alors qu'il serait de l'ordre de 100 000 euros à Bordeaux, hors coût du foncier, selon les indications du Centre communal d'action sociale (CCAS) de la ville de Bordeaux. Par ailleurs, la Caisse Centrale de la Mutualité Sociale Agricole (CCMSA) a précisé à la mission que la construction d'une maison d'accueil rural pour personnes âgées (MARPA) de 24 places coûtait de 1 650 000 à 1 900 000 euros, soit de 68 500 à 79 166 euros la place. S'agissant des coûts des mises aux normes incendie, ils s'élèveraient à 9 000 euros/lit (circulaire du ministère de la Santé et des solidarités citée dans le rapport précité de la Cour des comptes), alors que le CCAS de la ville de Bordeaux indique qu'ils ont été évalués à environ 500 000 euros par établissement. Les investissements sont donc très lourds et renchérissent le coût d'hébergement pour les personnes âgées. 2. L'enchevêtrement des modes de financement des investissements constitue un véritable maquis Pour financer et réaliser des opérations de construction, de restructuration ou de rénovation, les établissements ont recours aux subventions, mais aussi à l'emprunt et font parfois appel à des tiers. En effet, le recours à un office ou à une société d'HLM qui obtient un prêt aidé permet aux résidents de bénéficier de l'aide personnalisée au logement (APL) et au constructeur d'accéder au taux réduit de TVA à 5,5 %, réservé aux constructions ouvrant droit à l'APL. a) Le financement par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) Les dépenses de la CNSA prévues pour 2006 s'élèvent à 4,9 milliards d'euros pour l'ensemble des établissements et services médico-sociaux pour personnes âgées. Il conviendrait, en raison de l'importance de ce montant, de connaître la ventilation entre les établissements et services ; or, la CNSA n'est pas à l'heure actuelle en mesure de l'établir. Cette question est d'autant plus importante que le directeur de la CNSA a insisté devant la MECSS sur le souci de répartition équitable des moyens entre les régions et au sein d'une même région, répartition qui dépendra de la remontée des données effectuées par les programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie (PRIAC) et d'un échange permanent avec les services de l'État aux niveaux départemental et régional. En ce qui concerne l'attribution des crédits exceptionnels d'investissement à hauteur de 350 millions d'euros collectés en 2005 et destinés aux établissements pour personnes âgées à partir de 2006, le conseil de la CNSA qui s'est réuni le 24 janvier 2006 a apporté les précisions suivantes : - sur le périmètre : sont concernés les maisons de retraite, les USLD et les foyers-logements, sous réserve de la signature, effective ou en cours, de la convention tripartite, et de leur habilitation totale ou partielle à l'aide sociale. A priori, les travaux ayant reçu un début de commencement sont exclus du bénéfice de ces crédits, de même ceux qui bénéficient d'un financement dans le cadre d'un contrat de plan État-région ; - sur le niveau de participation de la CNSA et la mobilisation de co-financements : l'enveloppe d'aide à l'investissement sera attribuée en tenant compte de l'apport d'autres financeurs (conseils généraux, CRAM et CNAV) ; - sur la nature des travaux à financer : seront privilégiés les projets se situant à un stade technique avancé qui améliorent la qualité de vie des résidents. Les travaux de mise aux normes de sécurité devront s'inscrire dans un projet d'amélioration globale de la qualité de vie des personnes accueillies. b) Les subventions des collectivités territoriales : départements et communes La construction et la réhabilitation d'établissements d'hébergement peuvent bénéficier de subventions d'investissement variables selon les départements. La mission regrette de n'avoir pu recueillir d'éléments d'analyse globale sur les objectifs des départements ou des communes relatifs aux critères d'attribution et aux montants des subventions accordées. La direction générale des collectivités territoriales (DGCL) a confirmé qu'en ce qui concerne l'accueil des personnes âgées, elle ne dispose pas, en raison de l'absence d'une compétence obligatoire dans ce domaine, des moyens nécessaires à la connaissance des montants des dépenses d'investissement des départements. c) Les prêts des caisses de sécurité sociale et de retraite La CNAVTS, ainsi que la CNAMTS, participent aux opérations d'investissement par l'octroi de prêts sans intérêts sur une partie limitée de l'investissement total. Ces modes de financement concernent essentiellement les établissements habilités à l'aide sociale. À titre indicatif, les dépenses d'action immobilière de la CNAVTS se sont élevées à 43,6 millions d'euros en 2003, à 50 millions d'euros en 2004 et à environ 70 millions d'euros en 2005. Toutefois, ces sommes non négligeables destinées à l'hébergement en établissement sont loin de représenter l'essentiel des moyens de la CNAV dont le budget d'intervention total s'élève à 373 millions d'euros cette année, les aides à domicile représentant, quant à elles, 288 millions d'euros. La CNAVTS ayant manifesté son souhait de recentrer ses aides sur les personnes les moins dépendantes (GIR 5 et 6), l'investissement immobilier en direction des établissements ne semble pas figurer parmi ses priorités. d) L'aide à la pierre et ses avantages connexes Le principe de la réforme de l'aide au logement initiée par la loi du 3 janvier 1997 a été de rendre l'aide de l'État plus sélective en diminuant le montant des aides à la pierre et en majorant les aides à la personne. Ont alors été définis plusieurs types de prêts aidés dont l'octroi est subordonné à la signature d'une convention qui ouvre droit à l'aide personnalisée au logement. Dans la mesure où elle est considérée par les opérateurs comme indispensable au financement de tout projet immobilier, l'aide à la pierre devrait pouvoir être accordée plus largement. · Prêt locatif à usage social (PLUS) Le décret n° 99-794 du 14 septembre 1999 a mis en place le prêt locatif à usage social (PLUS) qui permettait de répondre à un double objectif : donner aux bailleurs sociaux les moyens, notamment juridiques, de répondre aux exigences de mixité sociale, en leur permettant d'accueillir dans les mêmes immeubles des ménages avec des ressources différenciées et de mieux maîtriser les loyers des opérations. Le prêt locatif à usage social ouvre droit à l'aide personnalisée au logement (APL) pour les locataires. La demande de prêt doit être effectuée auprès de l'établissement prêteur dans un délai maximum de 6 mois après la date de la décision favorable et les opérations peuvent bénéficier des avantages fiscaux suivants : - taux de TVA à 5,5 % pour la construction des logements ou pour la réalisation des travaux, dès lors que ces travaux sont éligibles aux catégories de travaux retenus par le décret du 30 avril 1998 (travaux d'amélioration, de transformation ou d'aménagement de logements locatifs sociaux) ; - prêt de la caisse des dépôts et consignations (CDC) au taux de 4,3 %, d'une durée de 32 ans, assorti d'un préfinancement. Le montant du prêt ne peut dépasser, déduction faite de la subvention de l'État, l'assiette de subvention définie à l'article R. 331-15 du code de la construction et de l'habitation et calculée selon des modalités fixées par arrêté ; - exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pendant 15 ans. Cette durée d'exonération est portée à 25 ans pour les logements locatifs sociaux construits sur la période du plan de cohésion sociale 2005-2009. Le bénéfice du taux réduit de TVA à 5,5 % est subordonné à la conclusion d'une convention à l'aide personnalisée au logement (APL). Le prêt locatif social (PLS) s'adresse à tout investisseur, personne physique ou morale, qui réalise une opération locative (article R. 331-18 du code de la construction et de l'habitation). Il est destiné à financer des logements correspondant à des niveaux de loyers et de ressources supérieurs au prêt locatif à usage social (PLUS) dans des zones à marché tendu. Les PLS sont accordés par la caisse des dépôts et consignations, et par tous les établissements de crédit ayant signé une convention avec cette dernière, à savoir : le Crédit Foncier de France, Dexia, le Crédit agricole, le Crédit mutuel et le Crédit coopératif. Ce prêt ouvre droit à l'aide personnalisée au logement (APL). Le montant du PLS ne peut être inférieur à 50 % du prix de revient de l'opération. Les taux d'intérêt pratiqués sont les suivants :
Démarches préalables : il est nécessaire d'obtenir une décision favorable d'agrément prise par le préfet. Le dossier de demande de décision favorable d'agrément sert aussi à l'instruction de la convention à l'aide personnalisée au logement (APL). L'instruction est assurée par la direction départementale de l'équipement (DDE) et porte simultanément sur le projet de convention APL et sur la demande de décision favorable d'agrément. Ce type de prêt comporte, outre son taux d'intérêt, des avantages connexes non négligeables sur les coûts de l'investissement : - un régime de TVA à 5,5 % : Dans le logement neuf : la livraison de logements sociaux locatifs est soumise à la TVA au taux réduit de 5,5 %. Dans l'habitat ancien : le taux réduit de TVA s'applique aux travaux d'amélioration, de transformation ou d'aménagement. - une exonération de la taxe foncière : Les opérations financées à concurrence de plus de 50 % à l'aide d'un PLS sont exonérées de la taxe foncière sur les propriétés bâties pendant une durée de 15 ans à compter de l'année qui suit celle de leur réalisation. *** Il ressort des données communiquées à l'ex-Commissariat général du Plan par la Fondation des Caisses d'épargne pour la solidarité que le financement d'une opération de construction d'EHPAD se décompose la plupart du temps de la façon suivante : - Prêt aidé (PLS ou PLUS) : 50 à 70 % ; - Subvention du conseil général : 10 à 20 % ; - Prêt de la caisse régionale d'assurance maladie (CRAM) : aux environs de 10 % ; - Prêt de caisses de retraite ou emprunts : 2 à 3 %. Structure d'un plan de financement d'une maison d'accueil rural pour personnes âgées (MARPA)
Source : Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA). e) Les opérateurs du secteur commercial Les capacités de financement du secteur commercial proviennent des divers financements bancaires (prêts à plus ou moins long terme), de promoteurs immobiliers, des fonds d'investissement, du dispositif de défiscalisation de loueur en meublé professionnel (LMP) et de l'appel à l'épargne publique (deux groupes sont cotés en Bourse). En dehors de ces modes de financement spécifiques, le président du syndicat national des établissements et résidences privées pour personnes âgées (SYNERPA) a estimé que le secteur commercial était placé sur un pied d'égalité avec les autres opérateurs dans la mesure où les prestations sont fournies selon les mêmes modalités : un prix de revient par jour et par résident qui s'analyse de la même façon pour tous les opérateurs. 3. Tentative de présentation de la fiscalité applicable aux opérateurs selon leur statut juridique Les informations recueillies au cours des auditions et lors des réunions de travail du Centre d'analyse stratégique (ex-Commissariat général du Plan) sont retracées dans le tableau suivant : Fiscalité applicable aux opérateurs
On peut constater qu'en matière de TVA sur les investissements, la récupération est possible pour les établissements privés commerciaux, ainsi que pour les établissements gérés par les centres d'action sociale. Elle n'est en revanche pas possible pour les établissements publics autonomes et les établissements relevant du secteur associatif non lucratif, la charge correspondante étant finalement payée par la personne hébergée. La mission estime que la récupération de la TVA par l'ensemble des établissements fait partie des mesures susceptibles de faire baisser le coût d'hébergement, ce qu'elle appelle de ses voeux. * * * Les travaux de la mission sur les sources de financement seront utilement complétés par l'étude que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) s'est engagée à mener dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion (COG) entre l'État et la CNSA pour les années 2006-2009. La COG définit une série d'objectifs majeurs parmi lesquels la promotion d'une réflexion prospective favorisant l'évolution et la modernisation des politiques conduites dans le champ de la gérontologie. À ce titre, la CNSA fera réaliser d'ici 2007, « une étude sur les sources de financement existantes concernant les investissements dans les établissements sociaux et médico-sociaux accueillant des personnes âgées et des personnes handicapées, ainsi que sur les modalités d'optimisation des financements existants concernant les investissements, et sur les autres partenariats susceptibles d'être développés pour trouver de nouvelles sources de financement ; elle assortit cette étude de propositions de nature à dynamiser et optimiser les investissements nécessaires dans le secteur. » (11). Pour sa part, « l'État s'engage à examiner les propositions qui lui seront faites concernant la diversification et les modalités d'optimisation des financements en matière d'investissements. » II.- LES ATTENTES DES FINANCEURS, DES OPÉRATEURS ET DES RÉSIDENTS Tous les acteurs du secteur ont plaidé pour la mise en place d'outils de mesure des coûts et d'un système d'information le plus complet possible. Sur ce point, la mission reprend à son compte la réponse du Président de la CNSA aux conclusions du rapport précité de la Cour des comptes : « La CNSA rejoint pleinement la Cour dans le constat qu'elle fait de la dramatique insuffisance des systèmes d'information, et de l'effort considérable qui doit être accompli sur ce point. » 1. Doter l'administration d'un système de suivi de l'évolution des coûts d'hébergement La MECSS approuve totalement la recommandation de la Cour des comptes visant à « se doter d'un système de suivi de l'évolution des coûts supportés par les résidents des établissements ». Constituée en 1999 auprès du ministère de l'emploi et de la solidarité et du secrétariat d'État à la santé et à la sécurité sociale, la mission MARTHE (mission d'appui à la réforme de la tarification de l'hébergement en établissement) visait à coordonner la mise en œuvre de la réforme de la tarification des établissements hébergeant des personnes âgées, à en organiser le suivi et à l'adapter éventuellement. Composée de représentants de la direction générale de l'action sociale (DGAS), de la direction de la sécurité sociale (DSS), de la direction générale de la santé (DGS), de la direction des hôpitaux (devenue DHOS), de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) et de l'École nationale de la santé publique, elle a favorisé les échanges entre toutes les directions départementales et régionales des affaires sanitaires et sociales (DDASS et DRASS). On peut d'autant plus regretter que la mission MARTHE n'ait pas été remplacée, que la réforme de la tarification ne s'est pas déroulée sans difficultés en raison de la crainte de nombreux établissements de ne pas obtenir de moyens supplémentaires, malgré le conventionnement. Néanmoins, la direction générale de l'action sociale a tenu la mission informée de la mise en place progressive d'indicateurs médico-sociaux et médico-économiques. La connaissance des coûts
2. Connaître l'offre et les besoins La Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) a entrepris la constitution d'une base nationale de données permettant de suivre les indicateurs et ratios clés, tant au plan des projets en cours de montage, qu'à celui de l'accompagnement du fonctionnement des maisons d'accueil rural pour personnes âgées. Jusqu'à présent les informations collectées et analysées provenaient d'études commanditées au coup par coup, la réactivité de la fédération nationale s'en trouvant ainsi diminuée. La collecte d'informations et leur diffusion représentent en effet un véritable enjeu pour les personnes âgées, les opérateurs et les décideurs. Ainsi, le directeur de la CNSA a répété devant la mission combien il était nécessaire que les opérateurs sachent où, sur le territoire national, porter leurs projets de création (12). On peut également citer le Président de la CNSA dans sa réponse aux conclusions du rapport précité de la Cour des comptes : « La CNSA souhaite insister sur les éléments suivants : Premièrement, la connaissance des besoins est indissociable d'une réflexion sur l'harmonisation des méthodes de planification et de programmation gérontologique. La loi confie sur ce point à la CNSA le rôle d'une agence d'appui aux services déconcentrés de l'État, dans leur relation avec les collectivités départementales. Deuxièmement, pour appuyer efficacement les choix d'équipement et de financement, l'information doit porter sur des données plus fines qu'aujourd'hui, à la fois sur le plan spatial et sur le plan qualitatif. La CNSA souhaite que les « PRogrammes Interdépartementaux d'ACcompagnement du handicap et de la perte d'autonomie » (PRIAC), créés par la loi du 11 février 2005, servent de support à ce recueil d'information. Troisièmement, la CNSA partage la préoccupation de la Cour sur l'absence de connaissance précise des coûts résiduels pour les personnes âgées elles-mêmes, notamment en ce qui concerne l'hébergement en EHPAD. Elle souhaite pouvoir engager, ainsi qu'y invite le rapport, tous les travaux nécessaires avec les départements, mais aussi avec les administrations de l'État qui disposent de moyens d'information spécifiques (DGCCRF, DGI). Enfin, la CNSA a conscience que cet ensemble d'objectifs doit s'inscrire dans un « schéma directeur » global des systèmes d'information sur la perte d'autonomie, qui garantisse à la fois la globalité de l'approche et l'interopérabilité des données, notamment avec le système national d'information inter-régimes de l'assurance maladie (SNIIRAM). Ce point est un élément essentiel des travaux engagés par la Caisse, et fera l'objet d'un chapitre spécifique de la future convention d'objectifs et de gestion État-CNSA. » La mission approuve d'autant plus ces objectifs qu'elle a souligné, au cours des auditions, l'enjeu démocratique de l'accès à l'information. En conséquence, il entrera dans le cadre de sa fonction de s'assurer de leur mise en œuvre. B. ÉVALUER LES COÛTS D'INVESTISSEMENT La question du renchérissement des coûts, lié aux contraintes techniques de sécurité, constitue une des préoccupations les plus importantes des opérateurs et porteurs de projets dans le secteur de l'hébergement des personnes âgées entendus par la mission. Celle-ci estime indispensable que les conséquences financières des normes techniques et des réglementations fassent l'objet d'études d'impact sur les financements à prévoir et sur le coût de l'hébergement. Sur ce point, et à la demande de la mission lors de sa première audition en octobre dernier, la Direction générale de l'action sociale (DGAS) a apporté des précisions intéressantes : Le financement des EHPAD et impact des normes techniques
La mission prend acte des réflexions engagées dans ces différents domaines, mais soutient que les exigences de mise aux normes des commissions de sécurité incendie posent des difficultés budgétaires majeures pour un certain nombre d'établissements. C. ENCOURAGER D'AUTRES COMPORTEMENTS DANS LA FAÇON DE SOIGNER Si les charges d'amortissement liées à l'investissement peuvent représenter un quart à un tiers du prix de journée d'un établissement neuf ou récemment rénové, les charges de personnel constituent par ailleurs le poste en général le plus important du tarif hébergement. Elles varient dans les exemples portés à la connaissance de la mission de 30 % à 50 % du total du tarif. À la différence du représentant de l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS) qu'elle a auditionné, la mission considère qu'il est excessif d'attribuer aux seuls taux d'encadrement et aux problèmes d'absentéisme - qui sont néanmoins réels et liés aux conditions de travail difficiles - la variation des coûts d'hébergement constatée entre les établissements. Il est en revanche utile de se poser la question de la valorisation des métiers d'aide aux personnes âgées, afin de les rendre plus attractifs, ainsi que de la formation plus large des personnels à des techniques de soins non agressives privilégiant la douceur à travers le regard, la parole et le toucher. 1. Une répartition des charges de personnel soignant trop schématique et, dans la pratique, détournée Effectifs et taux d'encadrement dans les maisons de retraite et les USLD
* Préparation des repas, entretien des bâtiments ** Nettoyage des locaux, distribution des repas, entretien du linge Source : Enquête EPHA - DREES, Enquête Emploi - INSEE, ex-Commissariat général du Plan. La Fédération Hospitalière de France (FHF) a, par ailleurs, fourni à la MECSS les données suivantes concernant les ratios d'encadrement par résident dans les maisons de retraite publiques autonomes et les unités de soins de longue durée (USLD) :
D'après les données reconstituées par la FHF, le taux d'encadrement en France (personnels imputés sur les sections dépendance et soins) est de l'ordre de 0,24. À titre comparatif, la MECSS a recueilli des informations sur la situation de la Belgique, souvent citée en exemple. Dans ce pays, les effectifs en personnels respectent des normes qui s'échelonnent de 11 à 13 soignants (aides-soignants et infirmiers) pour 30 résidents, soit un taux de 0,36 à 0,43 pour 100 résidents. Ces chiffres méritent toutefois d'être nuancés au regard de la répartition des charges de personnel. Ainsi, en Belgique a été fait le choix d'intégrer l'ensemble du personnel amené à pratiquer des soins dans un forfait unique couvrant soins et assistance. Ce forfait prévoit non seulement leurs salaires, le financement du petit matériel de soins, l'intervention d'un médecin coordonnateur, mais aussi un financement de la formation aux soins palliatifs. Au contraire, en France, les charges de personnel se répartissent entre trois sections tarifaires conformément au tableau suivant : Répartition des charges de personnel entre les trois sections d'imputation tarifaire
Les postes d'aide-soignant qualifié (ASQ) et d'aide médico-psychologique (AMP) sont financés à 70 % par les soins et à 30 % par la dépendance, dès lors que ce personnel est diplômé ou en cours de formation dans un centre agréé, et uniquement lorsqu'il exerce effectivement les fonctions qui sont attachées à ces professions. Les postes des personnels n'entrant pas dans cette catégorie, mais faisant cependant fonction d'aides-soignants sont financés à hauteur de 70 % par l'hébergement et à hauteur de 30 % par la dépendance, tout comme les postes des agents de service. De même, les charges d'une aide-soignante « détachée à temps plein sur des fonctions d'animation » seront imputées à la section tarifaire « hébergement ». Si un ASQ partage son activité entre l'animation et les soins, la répartition des charges financière sera réalisée au prorata des différentes activités. - Concernant les auxiliaires médicaux : Les postes de psychomotriciens, d'orthophonistes, d'ergothérapeutes, de kinésithérapeutes, de pédicures-podologues, dès lors que les titulaires sont diplômés d'État, sont financés par la section « soins ». La rémunération des diététiciens est imputée sur la section tarifaire « hébergement », car leur intervention n'est pas soumise à une prescription préalable d'un médecin, ils ne prescrivent pas d'actes remboursables, et exercent leur métier dans d'autres champs que celui du sanitaire ou du médico-social (restauration scolaire, d'entreprise...). - Concernant les agents de service : Ils sont pris en compte à 30 % sur le budget « dépendance », dès lors qu'ils interviennent auprès du résident. Ainsi, parmi le personnel de cuisine, il convient de distinguer les agents travaillant uniquement en cuisine à la préparation des repas et à l'hygiène des locaux de ceux qui sont affectés au service des repas. Seuls, ces derniers peuvent être imputés sur le budget « dépendance ». Par ailleurs, les ouvriers d'entretien, même s'ils ont la qualification d'agents de service, relèvent des services généraux et, donc, de la section tarifaire « hébergement » (13). Beaucoup d'établissements ont recours, de manière malheureusement non quantifiable, à des agents de service qui interviennent auprès des résidents pour des soins de toilette par exemple, et dont le coût est imputé sur la section hébergement à 70 %. Si l'on considère que ces agents participent aux soins d'hygiène, on peut considérer que la prise en compte de leur travail améliore le taux d'encadrement. Par ailleurs, les agents de service sont souvent, avec les aides soignants, les personnes qui côtoient le plus les résidents tout au long de la journée. Mais se pose alors la question de leur qualification et de leur ventilation suivant les sections tarifaires relatives aux soins et à l'hébergement. La mission considère indispensable d'identifier clairement les personnels qui assistent les personnes hébergées dans les actes de la vie quotidienne. Elle insiste surtout sur la nécessité de leur assurer une formation qualifiante dans la mesure où ils participent concrètement à l'accompagnement de personnes âgées vulnérables. Les dépenses de formation et de qualification des personnels soignants recrutés dans le cadre des mesures de médicalisation des établissements et services peuvent désormais être co-financées par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). La mission surveillera particulièrement cette contribution de la CNSA à la formation qualifiante des personnels des établissements d'hébergement qui figure parmi les objectifs majeurs de la prochaine convention d'objectifs et de gestion (COG) entre l'État et la CNSA pour 2006-2009 (14). La mission souhaite, qu'au-delà de ces dispositions, soit mis en place un grand programme de formation qualifiante à destination des personnels soignants ainsi que des agents de service appelés auprès des personnes hébergées. 2. Un exemple de formation du personnel à retenir Certains directeurs d'hôpitaux accueillant des personnes âgées très dépendantes et certains gériatres entendus par la MECSS ont souligné que d'autres façons de faire pouvaient très nettement améliorer l'état des résidents, à condition de former les soignants à certaines techniques. L'attention du personnel est effectivement indispensable au bien-être des résidents. La parole, associée à certains gestes techniques, est aussi utile que les médicaments et fait malheureusement trop souvent défaut. À cet égard, la visite par la mission de l'unité, dite « Alzheimer », de l'hôpital intercommunal de Marmande-Tonneins (Lot-et-Garonne) a été riche d'enseignement. Le personnel soignant de cette unité de 25 places, ouverte il y a quatre ans, a acquis dans le cadre des plans de formation traditionnels, des techniques de soins élaborées par M. Yves Gineste et décrites dans son ouvrage intitulé « Humanitude - Comprendre la vieillesse, prendre soin des hommes vieux » rédigé avec M. Jérôme Péllissier (15). L'humanitude y est définie comme l'ensemble des particularités qui permettent à un homme de se reconnaître dans son espèce. Ses piliers sont le regard, la parole, le toucher et la verticalité. Ce sont aussi les outils préliminaires aux soins pour accompagner les personnes démentes séniles. Le regard doit être en premier lieu mis au niveau de la personne et se prolonger. La parole sert à décrire les gestes. Le toucher doit être d'abord proposé sur des zones neutres, comme l'avant-bras ou l'épaule, afin de ne pas provoquer de réaction de défense. Ne disposant pas de plus de temps à consacrer aux personnes âgées que dans un autre établissement, l'équipe soignante a cherché une autre organisation. La qualité de vie des résidents et l'épanouissement du personnel y sont manifestes. Il en découle un taux d'absentéisme du personnel très faible et une consommation médicamenteuse des résidents très réduite (4 d'entre eux seulement sur 25 se voient administrer des somnifères). Les patients ne s'alitent qu'au terme de leur vie, en moyenne une semaine avant de mourir, alors que la grabatisation dure souvent de six mois à deux ans dans d'autres structures. Par ailleurs, il faut retenir de l'exemple belge que l'assurance maladie (INAMI) assume dans les structures accueillant des personnes âgées (maisons de repos, maisons de repos et de soins et centres de soins de jour) un forfait journalier couvrant soins et assistance qui inclut un financement destiné à la formation et à la sensibilisation du personnel aux soins palliatifs. D. POURSUIVRE LA COOPÉRATION ET LA COORDINATION ENTRE LE SECTEUR SANITAIRE ET LE SECTEUR SOCIAL ET MÉDICO-SOCIAL Les auditions de la mission ont confirmé le manque d'intégration des compétences du secteur sanitaire et du secteur médico-social pour mettre en place une offre globale adaptée aux besoins évolutifs des personnes âgées. Malgré la mise en place progressive d'outils de coordination, l'impression générale est qu'il existe encore une accumulation des compétences et non une articulation efficace, alors que celle-ci est jugée indispensable. La mission insiste sur la nécessité de procéder à une approche globale, c'est-à-dire pluridisciplinaire, adaptée aux pathologies et au risque de la dépendance de la personne, ainsi qu'à sa situation sociale. Des recommandations de bonnes pratiques mériteraient d'être généralisées concernant la prise en charge des personnes âgées. Aussi, suivra-t-elle de près la réalisation des objectifs des programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie (PRIAC), parmi lesquels les articulations sanitaires et sociales qui entrent dans leur périmètre. La continuité de la filière gérontologique est en effet un des axes inscrits dans la première version des PRIAC. 1. Les dispositifs de planification sanitaire existent et évoluent a) Les recommandations des circulaires favorisent l'établissement de passerelles entre les secteurs sanitaire et médico-social Une circulaire de 2002 (16) a tracé les voies d'amélioration de la filière de soins en faveur des patients gériatriques. Elles s'articulent autour de trois axes : le renforcement de l'accès à des soins de proximité, le développement des courts séjours gériatriques et des filières d'admissions courtes (court séjour gériatrique et intervention des équipes mobiles) et l'organisation de l'aval de l'hospitalisation de courte durée (soins de suite et de réadaptation, hospitalisation à domicile). L'accent est mis sur l'importance d'une articulation ville-hôpital et d'un travail en réseau. La mise en œuvre de ces dispositions passe par un volet spécifique du schéma régional d'organisation des soins (SROS) et un projet de prise en charge des personnes âgées au sein de chaque établissement de santé. « Ainsi, la politique des personnes âgées sera traitée dans sa globalité, ne se limitant pas aux seuls aspects hospitaliers. Les volets personnes âgées aborderont les articulations entre les soins de ville, les soins hospitaliers, les services d'aide à domicile et les établissements d'hébergement »(17). La mission partage d'autant plus cette position qu'elle a été alertée sur l'accélération de la grabatisation des personnes lors d'un séjour en hôpital, non pas du fait de leur pathologie, mais en raison d'une prise en charge inadaptée (18). Les réseaux de santé doivent s'articuler avec les centres locaux d'information et de coordination (CLIC). Le dispositif des CLIC, opérationnel depuis 2001, vise à rassembler toutes les informations susceptibles d'aider les personnes âgées dans leur vie quotidienne. Il s'inscrit dans une politique publique territorialisée définie dans le cadre du schéma départemental d'organisation sociale et médico-sociale. Les réseaux relèvent de l'organisation du système de santé, définie dans le schéma régional d'organisation sanitaire (SROS). Une lettre de la DGAS de 2004 (19)précise la complémentarité des CLIC et des réseaux de santé gérontologiques. Or, leurs publics ne se recoupent que partiellement : les CLIC s'adressent à l'ensemble des personnes âgées, à leur entourage et aux professionnels intervenant autour d'elles, alors que les réseaux concernent les personnes souffrant de maladies chroniques ou aiguës nécessitant une prise en charge pluridisciplinaire. Il en découle des difficultés pour rendre cohérentes et compatibles les deux structures et permettre aux usagers et aux professionnels d'accéder au service attendu. b) Ces recommandations sont reprises dans les schémas régionaux d'organisation sanitaires (SROS) La circulaire de 2004 relative à l'élaboration des SROS de 3e génération (20) insiste sur l'attention à porter à « la prise en charge des personnes âgées qui doivent pouvoir bénéficier de la structuration d'une véritable filière gériatrique ». Cette filière passe par le renforcement de l'accès aux soins de proximité en s'appuyant sur les médecins traitants généralistes, les hôpitaux locaux et les établissements de santé publics et privés. Elle s'appuie aussi sur des services de court séjour gériatrique et suppose d'améliorer les réponses d'aval parmi lesquelles l'hospitalisation à domicile, les soins de suite et de réadaptation, les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). 2. L'amélioration de la fluidité des services à offrir pourrait passer par des « références de bonnes pratiques » visant une prise en charge globale de la personne âgée L'objectif d'une organisation en réseau est l'amélioration de la prise en charge préventive des personnes âgées, pour non seulement retarder la survenue ou l'évolution de la perte d'autonomie, mais aussi, et en premier lieu, éviter des séjours hospitaliers répétés, à durée allongée, au cours desquels le risque de décompensation des patients est notoire. a) Les interrogations de la mission rejoignent les questions débattues au sein du groupe de travail de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur le devenir des USLD Ainsi qu'il a été indiqué dans la présentation des USLD, un groupe de travail de l'IGAS, présidé par M. Michel Thierry, s'interroge sur les conditions de requalification des USLD. Les mesures d'accompagnement à concevoir ont pour objectif de favoriser la complémentarité entre secteurs sanitaire et social. Quelles que soient les conclusions de ce groupe de travail, la mission rejoint ses interrogations relatives : - aux moyens de développer le travail en réseau entre structures sanitaires et médico-sociales, - à l'intervention de services d'hospitalisation à domicile (HAD) et la permanence de soins infirmiers dans les maisons de retraite, - au renforcement de la mission d'accueil des USLD, - à la nécessité de créer des postes de directeurs de filières gérontologiques chargés de coordonner les composantes hospitalières et d'animer les réseaux médico-sociaux. La mission estime que ce travail de requalification des USLD est d'autant plus utile que la France ne compte que 1 500 médecins généralistes ayant la capacité de gérontologie et moins de cent gériatres (21) qui exercent essentiellement dans les hôpitaux. Or, ne disposant pas d'un encadrement adapté, les établissements d'hébergement médico-sociaux risquent de rencontrer des difficultés à prendre en charge les patients des USLD à pathologies lourdes. b) La mission préconise la mise en œuvre de « références de bonnes pratiques » Les bonnes pratiques sont à envisager, d'une part entre les structures des deux secteurs sanitaire et social et médico-social, et d'autre part auprès des personnes âgées. · La mission considère que les bonnes pratiques à mettre en place doivent être communes aux secteurs sanitaire et social et médico-social et ne pas être seulement diffusées au sein de l'un et de l'autre. La Haute autorité de santé (HAS), créée par la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, dispose en effet de sa légitimité d'organisme d'expertise public et indépendant pour engager un travail en liaison avec les organisations du champ social et médico-social et pour envisager, en plus des recommandations médicales et professionnelles, un accompagnement social, voire psycho-social et familial. La mission suggère qu'une collaboration puisse être établie entre la Haute autorité de santé (HAS) et le Conseil national de l'évaluation sociale et médico-sociale (CNESMS). Elle aurait pour objectif d'élaborer des recommandations visant à assurer une prise en charge continue des personnes âgées entre les secteurs sanitaire et social, et médico-social. Le Conseil national de l'évaluation sociale et médico-sociale (CNESMS), créé par la loi n° 2002-2 rénovant l'action sociale et médico-sociale, a en effet pour vocation de valider les bonnes pratiques professionnelles. En février 2006, il a rendu publics les résultats de son étude visant un état des lieux des « procédures, références et recommandations de bonnes pratiques professionnelles ». À titre d'exemple, ont été classés dans la rubrique des bonnes pratiques : la prise en compte de la douleur, le respect de l'intimité et de la pudeur, une méthode ergomotrice pour personnes âgées, l'accompagnement en fin de vie, la prévention de la maltraitance. C'est dans ce domaine que le CNESMS a recueilli le moins d'éléments sur les démarches engagées par les institutions et services sociaux et médico-sociaux, ces derniers ayant davantage développé les outils concernant les modes de gestion et la communication. L'étude souligne néanmoins que les acteurs du champ social et médico-social sont mobilisés et ont engagé des réflexions dans ce domaine. · Un des outils les plus pertinents pour permettre un accompagnement coordonné de la personne âgée est le réseau de gérontologie constitué entre les professionnels de santé hospitaliers et libéraux, les établissements médico-sociaux et les organisations à vocation sanitaire et sociale, parmi lesquels les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD). Son organisation peut désormais prendre la forme d'un groupement de coopération. Sur ce point, des progrès ont été accomplis dans le cadre de la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 (article L. 312-7 du code de l'action sociale et des familles) qui a permis aux établissements sociaux et médico-sociaux de constituer des groupements de coopération, afin de collaborer ensuite avec les établissements de santé publics ou privés. Le décret relatif aux modalités de coopération entre établissements pour la constitution de réseaux sociaux ou médico-sociaux coordonnés vient d'ailleurs tout juste d'être publié (22). Il y est prévu (article R. 312-194-4 du code de l'action sociale et des familles) que les groupements peuvent concourir à l'amélioration de la qualité de leurs prestations en développant et diffusant des procédures, références et recommandations de bonnes pratiques, en lien avec les travaux du Conseil national de l'évaluation sociale et médico-sociale (CNESMS). Dans la mesure où le groupement de coopération devient le cadre naturel des coopérations et des réseaux, il conviendrait, par ailleurs, que les professionnels disposent de références de bonnes pratiques prenant en compte la diversité des possibilités d'accompagnement de la personne âgée. Cet accompagnement, envisagé de manière globale, et organisé à partir d'une évaluation prenant en compte l'histoire, ainsi que l'environnement social et psychologique de la personne, doit être encore davantage développé. Ces bonnes pratiques auraient pour but d'accompagner les personnes pendant un éventuel séjour à l'hôpital ou un traitement ambulatoire, mais aussi après leur sortie, à domicile comme en établissement. Des actions thématiques pourraient être définies et développées, parmi lesquelles la prévention, la qualité des soins, l'accompagnement social ou la formation adaptée à la prise en charge de la dépendance. On constate qu'il n'existe pas encore en France de termes traduisant les pratiques du « health care » et du « social care » qui allient des interventions médico-sociales, sociales, paramédicales et sanitaires (23). L'écoute de la parole de la personne âgée dépendante et de son entourage est encore trop négligée, alors que dans tous les lieux créés à cette intention, on constate qu'elle soulage et répond à un besoin (24). Les bonnes pratiques que la mission encourage impliquent une autre approche des soins des personnes. Dans les établissements accueillant des personnes très dépendantes, il est de plus en plus mis en évidence que la qualité des soins repose sur des méthodes spécifiques à acquérir. Elles évitent une surconsommation médicale non seulement coûteuse, mais inutile, les gériatres précisant qu'administrer plus de trois médicaments à une personne âgée pouvait leur être préjudiciable. L'information et la formation sont donc des éléments d'amélioration de la prise en charge des personnes les plus vulnérables, auxquels la mission est particulièrement sensible. Préserver la diversité de l'offre est aussi un élément des bonnes pratiques en faveur d'une prise en charge globale. Sur ce point, la mission retient que les foyers-logements en milieu urbain et les maisons d'accueil rural pour personnes âgées (MARPA) sont des formules adaptées qui répondent à un besoin de proximité. Le manque d'intégration dans les réseaux en gérontologie qu'on peut leur reprocher commence à être comblé, en partie grâce aux travaux entrepris par la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (25). Comme on peut le constater sur le terrain, les bonnes pratiques se développent de manière informelle. Elles gagneraient désormais à faire l'objet d'un référentiel que la mission souhaite voir établi. III.- LES DISPOSITIFS À METTRE EN PLACE POUR RÉDUIRE LE COÛT D'HÉBERGEMENT À LA CHARGE DES RÉSIDENTS ET LES FINANCEMENTS SUPPLÉMENTAIRES ENVISAGEABLES A. DÉGAGER DES MARGES DE MANOEUVRE FINANCIÈRES GRÂCE À UNE OPTIMISATION ET UNE RECONVERSION DE L'OFFRE GÉNÉRALE DE SOINS ET D'ACCUEIL Au cours des travaux de la mission, l'accent a souvent été mis sur la possibilité de dégager des marges de manœuvre financières en faveur de l'hébergement des personnes âgées, grâce à une optimisation et une reconversion des moyens globaux de l'assurance maladie affectés au secteur sanitaire et au secteur médico-social. Une telle démarche présenterait le double intérêt d'améliorer la pertinence générale de l'offre de soins et d'augmenter les capacités d'accueil des personnes âgées, sans augmenter les coûts à la charge de la collectivité et des personnes âgées. Elle suppose toutefois une prise en compte globale de l'offre de soins et d'accueil, au-delà du clivage actuel entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social mais aussi à l'intérieur des établissements hospitaliers. Ainsi, selon les informations de la direction du budget (26), l'assurance maladie a constaté que 18 % des journées d'hospitalisation en lits de médecine concerneraient des personnes qui relèvent bien davantage du secteur médico-social. Un gisement d'économies pourrait donc être mobilisé avec pour objectif d'accroître le ratio coût/efficacité en réaffectant les sommes ainsi débloquées aux structures nécessaires pour répondre aux besoins de la collectivité, et en particulier ceux des personnes âgées, cette proposition ne pouvant évidemment être envisagée que dans une logique de maîtrise du coût d'hébergement à la charge des résidents. Ces marges de manœuvre bénéficieraient aux personnes âgées dont les revenus sont insuffisants pour couvrir le montant du « reste à charge » facturé par les établissements d'hébergement. Au sein même de l'hôpital, des restructurations pourraient également permettre une meilleure organisation des soins pour personnes âgées. On estime que dans certaines régions, près de 10 % du parc hospitalier proposent des services ne correspondant plus aux besoins de la population du territoire qu'ils desservent. Tant que l'offre de ces établissements ne fait pas l'objet de restructurations, des crédits continuent de leur être alloués, alors que leur activité est déficitaire. Sur ce point, les documents transmis par la Fédération hospitalière de France (FHF) dans le cadre de son audition par la mission précisent que les crédits d'assurance maladie consacrés à une journée d'hospitalisation en service de chirurgie varient généralement de 400 à 800 euros par jour, selon les spécialités pratiquées, tandis que le tarif soins d'une unité de soins de longue durée (USLD) s'élève en moyenne, hors région parisienne, à 50 euros par jour. Ces chiffres illustrent l'effet de levier considérable que comportent les activités d'hébergement pour personnes âgées pour les ressources de l'assurance maladie. Par ailleurs, la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) (27) a précisé à la mission que les établissements hospitaliers sont désormais encouragés à donner la priorité à la constitution d'équipes mobiles gériatriques appuyées sur des services de court séjour, et non pas à l'augmentation des services de médecine polyvalente. La recomposition éventuelle d'activités de chirurgie appelées à disparaître en activité d'hébergement pour personnes âgées, ainsi que la rationalisation des pratiques hospitalières, constituent donc également un potentiel d'économies dont la mobilisation relève de la planification et de l'organisation des soins. Cette optimisation de la prise en charge des personnes âgées par la rationalisation globale de l'offre et des pratiques actuelles pourrait être mise en oeuvre dans le cadre des schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS). Les SROS, outils stratégiques de planification hospitalière élaborés par les agences régionales de l'hospitalisation (ARH), ont en effet pour objectif, non seulement de développer les réponses médicales adaptées aux besoins, mais aussi de favoriser le lien indispensable entre le secteur médico-social et le secteur sanitaire. On rappellera également que l'objectif des futurs programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie (PRIAC) est aussi d'améliorer l'articulation entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social pour assurer la continuité de la filière gérontologique. Comme cela a été souvent souligné devant la mission, le développement de passerelles, l'évaluation des possibilités de redéploiements entre les enveloppes hospitalières et médico-sociales et les conséquences qu'il faut en tirer en termes de planification sont, bien entendu, subordonnés à un renforcement de la collaboration entre les autorités compétentes publiques (ARH, directions départementale et régionale des affaires sanitaires et sociales ...). La DHOS considère le renforcement de cette collaboration comme incontournable et la mission l'appelle également de ses voeux. B. RÉDUIRE LE COÛT D'HÉBERGEMENT FACTURÉ AUX RÉSIDENTS 1. Réorganiser le contenu des sections tarifaires des EHPAD Les dépenses liées à l'administration des établissements - dont le coût des personnes gérant le personnel soignant et les amortissements liés à des opérations de travaux - sont à la charge des résidents. Un tel traitement qu'on ne retrouve, par exemple, ni à l'hôpital, ni dans le champ du handicap, mérite d'être révisé en faveur des personnes âgées. Il pourrait être envisagé d'opérer un réaménagement du contenu des sections tarifaires, au terme duquel les actuelles prestations d'hébergement concernant : - les dépenses de personnel administratif, les dépenses afférentes à l'animation, dont la vocation thérapeutique est reconnue, qui pourraient être mises à la charge de l'assurance maladie ; - les agents de service effectuant des soins de base qui pourraient être, après une formation qualifiante, imputés aux sections soins et dépendance ; - les frais d'amortissement des investissements et aménagements nécessaires en raison du niveau de dépendance des résidents qui pourraient être à la charge du département, lequel arrête les tarifs de la section dépendance et finance l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Par ailleurs, le « reste à charge » des personnes hébergées se compose, d'une part du tarif hébergement, d'autre part de la partie du tarif dépendance correspondant au niveau de dépendance le plus faible (GIR 5-6). En application de l'article L. 323-8 du code de l'action sociale et des familles, les résidents bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), quels que soient leur niveau de dépendance et le montant de l'APA versée, ont également à leur charge cette partie du tarif dépendance communément appelée « talon ». Il est proposé que cette somme ne soit plus déduite du montant de l'APA attribuée aux résidents classés GIR 1 à 4. Le résident bénéficiaire de l'APA se trouverait ainsi soulagé de sa participation qui s'élève à 6 euros environ par jour dans les EHPAD gérés par la ville de Paris, à 4 euros dans le département des Vosges, ainsi que dans l'USLD à orientation Alzheimer de Marmande-Tonneins (Lot-et-Garonne) visitée par la mission. Ces recommandations impliquent de revoir la répartition du montant des charges entre les financeurs, ce qui fait l'objet d'autres préconisations de la MECSS. 2. Adapter la réglementation relative aux normes de sécurité Les investissements à réaliser en matière de mise aux normes de sécurité sont très lourds : ils peuvent atteindre plusieurs millions d'euros, même pour des bâtiments en bon état de trente ou vingt ans d'âge. Par exemple, la mise aux normes de sécurité incendie a été chiffrée à 9 000 euros par lit dans la circulaire d'avril 2001 de la direction de l'administration générale, du personnel et du budget (DGAPB) du ministère de la santé. Elle a été estimée à 500 000 euros par foyer-logement par le CCAS de Besançon. Une mesure d'urgence a cependant été prise dans le cadre de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 de financement de la sécurité sociale pour 2006. En effet, le paragraphe III de l'article 51 de la loi précitée permet d'affecter les crédits non consommés de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie à des opérations d'investissement et d'équipement destinés à la mise aux normes techniques et de sécurité et à la modernisation des locaux des établissements entrant dans le champ des objectifs de l'ONDAM médico-social géré par la CNSA. Les crédits non consommés de la CNSA s'élevaient à environ 500 millions d'euros à la fin de l'année 2005. Selon la règle de partage habituelle, 350 millions d'euros seront affectés aux dépenses relatives aux personnes âgées dépendantes et 150 millions d'euros à celles relatives aux personnes handicapées. Pour 2006, dernière année où structurellement des crédits pourraient ne pas être consommés, la CNSA prévoit de dégager 188 millions d'euros d'excédent. Ces crédits ne sont pas destinés à financer l'intégralité des dépenses de mise aux normes de sécurité, qui restent du ressort des établissements, mais à servir de levier pour dégager des fonds suffisants permettant à ces établissements de réaliser les investissements nécessaires. Toutefois, les dépenses ainsi financées n'auront qu'un caractère strictement ponctuel, et pour éviter que ces travaux de sécurité pèsent sur le prix de journée, un soutien financier public est indispensable. Celui-ci pourrait prendre la forme, soit d'un fonds de modernisation, soit d'une baisse des impositions fiscales ou des charges sociales, ou encore de prêts à taux zéro. Il serait également indispensable de revoir les textes sur la sécurité incendie dont les contraintes sont hors de proportion avec les risques encourus. En outre, de nombreux établissements observent que les exigences des commissions de sécurité dépassent de plus en plus souvent la lettre des textes. 3. Relancer les crédits d'aide à la pierre ou d'aide au producteur Les opérateurs devraient pouvoir recourir plus largement à ces types de prêts aidés. La Direction de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction estime à 2 000-2 500 le nombre de places financées chaque année depuis trois ans à l'aide du prêt locatif social (PLS). Lors de son audition, M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a annoncé aux membres de la MECSS qu'en accord avec le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, l'accès au PLS serait généralisé progressivement d'ici 2008 à tous les projets d'EHPAD. On peut regretter qu'aucune précision n'ait été apportée sur le volume des prêts qui pourront être accordés pour dynamiser de manière significative les investissements nécessaires dans ce secteur. La généralisation des prêts aidés confirme l'appréciation d'ores et déjà faite des demandes de PLS par les directions départementales de l'équipement (DDE), selon trois critères qui ne tiennent plus compte de la vocation médico-sociale des projets, mais qui sont liés aux conditions de logement. En effet, peuvent être financés par des PLS, des projets ou des établissements proposant aux résidents un logement à titre principal (ce qui exclut l'accueil de jour), ayant une surface minimale (20 m² pour une chambre individuelle) et dont la redevance d'habitation (loyers + charges) est individualisée dans le tarif hébergement. Cet assouplissement des conditions de financement des établissements à l'aide des PLS a été officiellement confirmé par une circulaire ministérielle du 1er mars 2006 relative à la mise en oeuvre de la politique du logement et à la programmation des financements aidés de l'État pour 2006. Ces nouvelles dispositions devraient permettre à des EHPAD publics qui n'ont pas a priori statutairement vocation à gérer des logements de recourir au PLS et de bénéficier de ses avantages connexes, dont le régime de TVA à 5,5 % sur les investissements. Elles permettraient également à leurs résidents qui remplissent les conditions de bénéficier de l'aide personnalisée au logement (APL). 4. Assouplir certaines règles comptables et financières Compte tenu du rôle déterminant des conseils généraux dans la prise en compte des amortissements et de la diversité des modes de financement, la mission propose des améliorations de nature à optimiser et à faciliter les investissements. a) Amortir les subventions d'investissement pour neutraliser l'impact de l'amortissement obligatoire des biens sur le prix de journée La direction générale de l'action sociale (DGAS), la direction du Centre d'action sociale de la ville de Paris (CASVP), les services du Conseil général des Vosges, ainsi que certains établissements distributeurs de prêts aidés, ont exposé à la mission l'intérêt du mécanisme de l'amortissement des subventions d'investissement pour en alléger le poids sur le prix de journée. En effet, tous les biens immobiliers et mobiliers, les gros travaux et les équipements (de sécurité, en matériel...) sont obligatoirement amortis. Or, l'amortissement des investissements qu'ils représentent est à la charge du résident, imputé sur le tarif hébergement qui augmente d'autant. Par ailleurs, ces investissements peuvent être en partie financés par des subventions des collectivités territoriales. Les départements dans cette situation considèrent payer à deux reprises les biens dont la construction ou l'achat a fait l'objet de subventions : une première fois en accordant une subvention, une deuxième fois en prenant en charge, au titre de l'aide sociale à l'hébergement, le prix de journée augmenté des amortissements. C'est pourquoi, certains départements font le choix d'amortir la subvention qu'ils accordent pour en neutraliser l'impact sur le prix de journée. En d'autres termes, lorsque les subventions ont un caractère amortissable (on dit aussi « transférables » ou « reprises » dans le budget d'exploitation), l'impact de l'investissement sur le prix de journée est neutralisé. Lorsqu'elles ne sont pas amorties, elles renforcent les fonds propres de l'établissement et ont pour conséquence une augmentation du coût du tarif hébergement financé dans les faits soit par le résident ou sa famille, soit par le département au titre de l'aide sociale. Actuellement, les collectivités territoriales décident librement des modalités d'attribution et d'amortissement de leurs subventions. Le dispositif de l'amortissement de la subvention vient d'être accordé au Centre d'action sociale de la ville de Paris pour moderniser ses établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Dans le département des Vosges, le règlement comptable, soumis à l'assemblée départementale qui en a pris acte, permet également un tel mécanisme dit de « reprise sur subvention » (voir infra le tableau sur l'impact de l'aide à la pierre). Par ailleurs, la DGAS a précisé à la mission qu'un décret budgétaire et comptable, en cours de signature par les ministres compétents, permettrait bientôt aux EHPAD d'affecter leurs excédents d'exploitation au financement des gros travaux et des équipements de sécurité. Cette disposition sera accompagnée d'un mécanisme comptable de compensation des dotations aux amortissements, de même nature que celui applicable aux subventions d'investissement, et n'entraînera donc pas d'augmentation des tarifs d'hébergement. En conclusion, la mission retient qu'une politique d'aide à la pierre des collectivités territoriales, sous forme de subventions, accompagnée d'un mécanisme d'amortissement des subventions, a un véritable impact sur le montant du prix de journée. Une subvention non amortissable, quant à elle, est capitalisée par l'établissement qui peut néanmoins l'utiliser pour acheter d'autres biens ou entreprendre d'autres travaux. b) Autoriser les établissements publics sociaux et médico-sociaux à placer leurs excédents de trésorerie Selon la Direction générale de l'action sociale (DGAS), les établissements publics sociaux et médico-sociaux, dont la majorité est constituée de maisons de retraite, détiennent d'importantes disponibilités évaluées en moyenne à 90 jours de charges d'exploitation. Ces excédents de trésorerie se sont accrus en raison notamment du passage des paiements mensuels des résidents du « terme échu » au « terme à échoir » et de la mise en place d'un dispositif de caution. Or, à la différence des établissements du secteur privé associatif et du secteur commercial, les établissements publics, soumis à une obligation de dépôts auprès de l'État identique à celle applicable aux collectivités territoriales (28), n'ont pas la possibilité de placer leurs excédents et de dégager des ressources supplémentaires au profit d'investissements améliorant la qualité de vie de leurs résidents. Il conviendrait de permettre aux maisons de retraite publiques d'optimiser leurs réserves de trésorerie qui ont été estimées à 109 millions d'euros en 2002. Les produits des placements éventuels assureraient l'autofinancement d'une partie considérable de leurs investissements. 5. Harmoniser certains éléments de la fiscalité applicable aux EHPAD La question de la fiscalité applicable aux établissements d'hébergement pour personnes âgées (EHPAD) a fait l'objet d'une note demandée par la mission à la direction générale de l'action sociale (DGAS). Dans ce document, qui alimente utilement le débat, figurent les éléments suivants sur la situation fiscale des EHPAD publics :
La mission partage ces remarques et souhaite que, sous une forme ou une autre, le Parlement soit saisi de ces propositions. Dans l'immédiat, la mission suggère, comme mesure prioritaire, l'unification du régime de la TVA et de la récupération de la TVA sur les travaux et investissements dans les EHPAD. Cette mesure est réclamée par les opérateurs publics et privés associatifs, et soutenue par la direction générale de l'action sociale (DGAS). Un alignement des établissements publics autonomes et des établissements privés non lucratifs sur le régime dont bénéficient actuellement les établissements gérés par des centres communaux d'action sociale (CCAS) réduirait en effet les coûts des opérations d'investissement et leurs incidences sur le tarif hébergement des établissements concernés. La récupération de la TVA sur les investissements, qui est possible pour les établissements gérés par des CCAS et les établissements privés commerciaux, ne l'est pas pour les établissements publics autonomes et privés non lucratifs. C'est à juste titre que la DGAS considère qu'elle pourrait être une piste à explorer pour faire baisser les tarifs hébergement. Sur ce point, on peut d'ores et déjà constater une évolution législative favorable aux maisons de retraite dépendant directement des collectivités territoriales en matière de compensation de la TVA. Le fonds de compensation de la TVA (FCTVA) permet en effet de compenser une partie de la charge de TVA supportée par les collectivités territoriales, leurs groupements et les établissements publics bénéficiaires, sur leurs dépenses réelles d'investissement. La direction générale des collectivités locales (DGCL) a fourni à la mission une fiche détaillant les modifications apportées à ce dispositif par la loi de finances pour 2006. Les maisons de retraite appartenant à des collectivités territoriales et données en gestion à des associations à but non lucratif sont désormais éligibles au FCTVA, dès lors qu'elles interviennent dans le cadre d'une mission de gestion de service public ou d'une prestation de service ou d'une mission d'intérêt général. Maisons de retraite - Fonds de compensation pour la TVA I - Le cadre juridique du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) En application des articles L. 1615-1 à L. 1615-12 et R. 1615-1 à R. 1615-7 du code général des collectivités territoriales (CGCT), plusieurs conditions cumulatives doivent être remplies pour qu'une dépense d'investissement, comptabilisée au compte administratif de la collectivité, puisse ouvrir droit à une attribution du FCTVA. La dépense doit notamment avoir été réalisée par un bénéficiaire du fonds dont la liste est limitativement fixée par l'article L. 1615-2 du C.G.C.T. En outre, pour les dépenses antérieures au 1er janvier 2006, l'équipement concerné ne devait pas être mis à disposition au profit d'un tiers non bénéficiaire du fonds (article L. 1615-7 du CGCT). Cette condition a été supprimée par l'article 42-III de la loi de finances pour 2006. II - Le FCTVA et les dépenses relatives aux établissements d'accueil pour personnes âgées A - Examen de l'éligibilité au FCTVA au regard du propriétaire de ces établissements Dans le domaine des maisons de retraite, on distingue les établissements privés à but lucratif, les établissements privés associatifs à but non lucratif et les établissements publics créés par les communes, EPCI, départements ou régions. Dans les deux premiers cas, l'éligibilité au FCTVA ne peut être admise, dès lors qu'il ne s'agit pas de bénéficiaires du FCTVA figurant dans la liste exhaustive énoncée à l'article L. 1615-2 du CGCT. En revanche, les établissements publics créés par les communes, EPCI, départements ou sont potentiellement éligibles au FCTVA.. B - Examen de l'éligibilité au FCTVA au regard du mode de gestion retenu de ces établissements a) La gestion directe Dès lors que les maisons de retraite sont construites et gérées par un bénéficiaire du FCTVA, tels les communes, les départements, les EPCI, l'éligibilité à ce Fonds est admise. Il ne doit donc pas s'agir d'établissements publics autonomes. L'éligibilité est également admise lorsque ces établissements sont confiés à un centre communal ou départemental d'aide sociale. b) La gestion par un tiers non bénéficiaire du FCTVA L'article 42 - III de la loi de finances pour 2006 a supprimé, à l'article L. 1615-7 du CGCT, le principe de l'inéligibilité au FCTVA des biens mis à disposition de tiers non éligibles à ce Fonds pour les dépenses d'investissement réalisées après le 1er janvier 2006. 1 - La situation antérieure au 1er janvier 2006 conduisait à l'inéligibilité au FCTVA : L'article L. 1615-7, dans sa rédaction issue de la loi de finances rectificative pour 1993, posait le principe de l'inéligibilité des biens mis à disposition de tiers non bénéficiaires du FCTVA. Dans ces conditions, les dépenses d'investissement réalisées par des collectivités territoriales pour la construction de maisons de retraite mises à disposition d'associations gestionnaires étaient inéligibles au FCTVA. 2 - Les dépenses réalisées à compter du 1er janvier 2006 sont potentiellement éligibles L'article 42 - III de la loi de finances pour 2006 pose désormais comme principe celui de l'éligibilité au FCTVA des immobilisations confiées à un tiers non bénéficiaire, dès lors que l'activité exercée n'ouvre pas droit à déduction de la TVA par la voie fiscale et que le bien est confié à un tiers qui est chargé soit de gérer un service public que la collectivité territoriale lui a délégué, soit de fournir à cette collectivité une prestation de services. Il en va de même lorsque le tiers exerce une mission d'intérêt général. Aussi, en application de cette nouvelle mesure, les maisons de retraite appartenant à des collectivités territoriales et données en gestion à des associations à but non lucratif sont éligibles au FCTVA, dès lors qu'elles interviennent dans le cadre d'une mission de gestion de service public ou d'une prestation de service ou d'une mission d'intérêt général. C. AMÉLIORER LES RESSOURCES DES PERSONNES ÂGÉES CONSACRÉES À LEUR HÉBERGEMENT Il a été estimé par la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) que « le coût de résidence en établissement est en moyenne supérieur de 420 euros aux pensions perçues par un retraité de plus de 80 ans et bénéficiaire potentiel de l'action sociale du régime général ». Montant moyen mensuel de la retraite globale selon l'âge en euros
Champ : retraités de 65 ans ou plus ayant au moins un avantage de droit direct. Les retraités ne percevant qu'une pension de réversion sont exclus. Source : ministère des Affaires sociales, du travail et de la solidarité, DREES, échantillon interrégimes de retraités 2001. Le fait de recevoir une retraite d'un montant inférieur aux tarifs mensuels d'hébergement n'empêche pas l'intéressé d'être accueilli dans l'établissement. Les éléments du patrimoine peuvent en effet prendre une place plus ou moins importante, ou bien les personnes peuvent être prises en charge par l'aide sociale. Il n'en reste pas moins déterminant d'améliorer leur solvabilité. Différentes directions peuvent être tracées : la mission préconise l'extension des aides personnelles au logement, mais elle prend en compte la recommandation faite par la Cour des Comptes relative à la souscription d'une assurance dépendance et s'interroge sur les perspectives offertes par le prêt viager hypothécaire. 1. Étendre les aides personnelles au logement Le rapport de la Cour des comptes précise que parmi les résidents des EHPAD, 129 000 personnes âgées de plus de 75 ans percevaient l'allocation de logement sociale en 2004 (soit 24 % d'entre elles) et 67 000 l'aide personnalisée au logement (soit 12,5 %). a) Rappel des conditions d'attribution des aides au logement · L'aide personnalisée au logement (APL) a été conçue comme une prestation à caractère social et familial destinée à « adapter les dépenses de logement à la situation de famille et aux ressources des occupants tout en laissant subsister un effort de leur part » (article 1er de la loi du 3 janvier 1977), mais aussi comme une prestation à caractère économique visant à développer l'accession à la propriété et la réhabilitation de l'habitat ancien. On rappellera que l'APL est versée sous conditions de ressources aux personnes occupant un logement éligible à l'APL. Par ailleurs, le champ d'application de l'APL comprend : - en accession à la propriété : les logements financés au moyen des prêts aidés par l'État (prêts PAP - supprimés depuis 1995 - ou prêts conventionnés, dont les prêts à l'accession sociale [PAS] et les prêts sociaux location-accession [PSLA]) ; - en secteur locatif : les logements et les logements-foyers ayant fait l'objet d'une convention entre l'État et le bailleur, le bailleur s'engageant à respecter certaines obligations (loyer maximum, plafond de ressources du locataire). Enfin, le financement de l'APL est assuré par le Fonds national de l'habitation (FNH). · L'allocation de logement (ALF et ALS) - Base juridique (29) L'allocation de logement à caractère familial (ALF) a été mise en œuvre par la loi du 1er septembre 1948. L'allocation de logement à caractère social (ALS) a été instaurée, quant à elle, par la loi n° 71-582 du 16 juillet 1971. L'ALF vise à solvabiliser les familles de manière à compenser les hausses de loyer que la loi de 1948 autorisait dans le parc existant et à leur permettre de supporter les effets de la libération des loyers dans les logements neufs. Quant à l'ALS, son objectif est de solvabiliser les personnes et ménages qui n'ont droit, ni à l'aide personnalisée au logement (APL), ni à l'allocation de logement familiale (ALF). L'ALF est versée, sous conditions de ressources, aux personnes seules ou aux couples ayant à charge des enfants, ou des ascendants, ou des parents infirmes, ainsi qu'aux jeunes couples mariés depuis moins de cinq ans, sans personne à charge. L'ALS est versée, sous seule condition de ressources, aux personnes qui n'ont droit ni à l'APL, ni à l'ALF. L'ALS est financée par le Fonds national d'aide au logement (FNAL), qui est alimenté par l'État et par une cotisation des employeurs (0,10 % et 0,40 % des salaires qui sont venus en déduction du « 1 % logement »). L'ALF est financée par le Fonds national des prestations familiales (FNPF), lui-même alimenté par les cotisations allocations familiales des employeurs et le 1,1 point de CSG. La part du budget de l'État consacrée au financement de l'ALS s'est élevée à 2 948 M€ en 2003 et à 3 242 M€ en 2004. b) Revoir les conditions d'attribution de l'APL aux conjoints résidant tous deux en maison de retraite ou vivant dans des établissements ou logements différents Il serait utile, dans un premier temps, de revoir les conditions d'attribution de l'allocation de logement aux conjoints résidant en maison de retraite. Il semble en effet que les caisses d'allocations familiales, qui gèrent l'ensemble des aides au logement et décident de leur attribution, les considèrent sans distinction comme des prestations familiales - destinées à un seul allocataire par ménage - et n'acceptent en conséquence de ne les verser qu'à un seul des deux membres d'un couple hébergé en établissement. Cette pratique est en contradiction avec le fait que l'allocation de logement social (ALS), susceptible de bénéficier aux personnes âgées, et l'aide personnalisée au logement (APL), ne sont pas des prestations familiales. Cette situation mériterait donc d'être modifiée afin d'imposer le versement de l'allocation de logement à chacun des époux résidant en maison de retraite, chacun s'acquittant d'un loyer. La question de l'attribution de l'allocation de logement se pose dans la situation où le couple est séparé : l'un des conjoints étant hébergé en établissement et l'autre vivant à son domicile, locataire d'un logement conventionné ou propriétaire d'un logement construit ou amélioré au moyen d'un prêt aidé. Dans ce cas particulier, il serait également souhaitable que chacun des membres du couple puisse être éligible à l'allocation logement. c) Étendre le dispositif de l'APL aux résidents de tous les établissements d'hébergement De manière plus générale, l'extension du dispositif de l'APL aux résidents de l'ensemble des établissements, qu'ils aient ou non été bénéficiaires d'un prêt aidé est à envisager. Ainsi que le décrit le document ci-dessous établi par le centre d'action sociale de la ville de Paris (CASVP), les résidents d'un établissement non conventionné à l'APL sont privés d'un montant d'allocation s'élevant à 5 euros par jour. Les APL dans les EHPAD 1° Quels sont les avantages d'un conventionnement APL ? A. Pour les résidents : une meilleure solvabilisation À ressources égales, l'allocation logement versée aux résidents est nettement plus importante en cas de conventionnement APL, car le plafond de loyer pris en compte est plus élevé en cas de conventionnement APL. Base du plafond en foyer-logement pour une personne âgée seule : - avec convention APL : 383 € mensuel, - sans conventionnement APL (ALS) : 224 € mensuel. L'absence de convention APL entraînerait un coût supplémentaire pour les résidents de l'ordre de 5 € par jour. En pratique, sur les 3 EHPAD « APLisés » du centre d'action sociale de la Ville de Paris (CASVP), seuls 30 résidents payants bénéficient de ce surplus de ressources lié à l'APL (celle-ci n'étant que partielle puisque ils ont des revenus excessifs pour prévoir prétendre à une APL à taux plein). Pour les autres bénéficiaires de l'APL, c'est le département qui l'encaisse. B. Pour le département : un allègement des dépenses d'aide sociale légale L'APL est favorable au département dans le cadre de l'aide sociale, puisque celle-ci est intégrée au calcul des ressources du résident. L'aide sociale est moins importante à verser pour le département : en moyenne 150 € d'économies par mois et par résident (différence existant entre l'APL et l'ALS compte tenu des ressources moyennes des résidents). À noter que l'APL et l'aide sociale légale coexistent. Par ailleurs, l'APL est versée par la Caisse d'allocations familiales (CAF) en tiers-payant au département ou à l'établissement : sécurisation des recettes et simplification de l'encaissement.
C. Pour la Ville de Paris : la création de logements SRU supplémentaires L'obligation légale de disposer de logements sociaux est fixée à 20 % ; le taux atteint est de 14,8 % en 2005. D. Pour le CASVP : la possibilité de bénéficier d'aides à la pierre 2° Les contraintes à respecter pour un établissement conventionné à l'APL A. L'établissement doit s'engager à ce que les lits soient occupés par des personnes dont les ressources n'excèdent pas - à l'admission - le plafond de ressources prévu par la réglementation (plafond variable selon le type de prêt souscrit : PLA, PLUS, PLS). À l'admission, les ressources prises en compte sont en principe celles de l'année n-2. Pour le PLS, cela correspond à un revenu imposable de 23 305 € en 2004 (barème applicable au 01.01.06), soit des revenus mensuels d'environ 1 942€... à comparer avec les 700 € de ressources moyennes mensuelles des candidats actuels. En conséquence, il n'y a guère de risque de devoir refuser des candidats en raison de ressources trop élevées. B. La part assimilable aux loyers et aux charges locatives acquittée par l'occupant ne doit pas excéder 575 € par mois (information de la Direction de l'urbanisme, du logement et de l'équipement pour un logement de type F1 - 20 m² - si prêt PLS) et celle-ci évolue tous les ans au 1er juillet dans la limite d'un indice composite défini par l'État. Dans la pratique : A. L'entrée dans les 3 EHPAD conventionnés à l'APL est théoriquement subordonnée à la vérification d'un seuil de ressources « plafond » ; les ressources du stock des candidats sont en général très inférieures audit plafond. À signaler : l'actuel logiciel « Admissions » ne permet pas de faire des requêtes sur le critère des ressources à l'entrée (il est prévu d'intégrer cet item dans le cahier des charges du futur logiciel gestionnaire des admissions). B. À la connaissance du Bureau d'analyse du budget et de la Ville de Paris (BABP), il n'existe pas de définition réglementaire particulière concernant les EHPAD pour procéder aux calculs de la part assimilable aux loyers et aux charges locatives (qui n'est qu'une part du prix de journée d'hébergement). À ce jour, aucun contrôle, demande de justificatifs ou refus de la CAF n'est jamais parvenu au BABP, la CAF acceptant tels quels les montants. 2. Quel avenir pour l'aide sociale à l'hébergement (ASH) ? L'aide sociale du département peut prendre en charge les frais d'hébergement en établissement habilité des personnes âgées de 65 ans et plus - ou de plus de 60 ans en cas d'inaptitude au travail - dont les ressources sont inférieures au prix de journée. On sait, de par les observations des conseils généraux et des professionnels du secteur, qu'une des raisons pour lesquelles la prestation d'aide sociale n'est pas demandée par toutes les personnes qui pourraient y prétendre, est son caractère d'avance récupérable. Les recours sur succession ont un effet dissuasif, même s'ils ne sont pas systématiquement pratiqués par les départements. Certains y sont attachés, considérant que l'aide publique ne doit pas se substituer sans limite aux solidarités familiales dont la vocation est la prise en charge « du gîte et du couvert ». Une des difficultés de la législation d'aide sociale vient de la diversité des pratiques et des situations. En effet, il existe des départements disposant de moyens conséquents et où les personnes âgées sont peu nombreuses, et d'autres, moins riches, avec une plus forte proportion de personnes âgées. Le traitement, différent selon les départements, crée un risque d'inégalité entre les bénéficiaires. Fin 2004, 111 000 personnes âgées bénéficiaient de l'ASH au titre d'un hébergement en établissement selon les données de la DREES (Enquête et résultats, septembre 2005), chiffre en diminution de 1 % par rapport à 2003. Cette prestation connaît, sur une longue période, une tendance à la diminution de plus de 15 % au cours des dix dernières années. Parmi ces personnes âgées, 86 000 bénéficient d'une prise en charge complète comprenant hébergement et restauration en maison de retraite ou logement-foyer, 22 000 sont accueillies en unités de soins de longue durée (USLD) et 2 000 bénéficient d'une prise en charge de leurs loyer et charges locatives en logement-foyer. En rapprochant ces chiffres de l'ensemble des structures d'accueil habilitées à l'aide sociale, la Cour des comptes a pu calculer qu'environ 24 % des personnes âgées accueillies dans ces établissements étaient bénéficiaires de l'ASH en 2003. Dans ce contexte, l'ordonnance n° 2005-1477 du 1er décembre 2005, portant diverses dispositions relatives aux procédures d'admission à l'aide sociale et aux établissements et services sociaux et médico-sociaux, a commencé une réforme de la tarification des structures habilitées à l'aide sociale. L'article L. 342-3-1 du code de l'action sociale et des familles (introduit par l'article 8 de l'ordonnance précitée) autorise les établissements habilités à l'aide sociale ayant accueilli en moyenne moins de 50 % de bénéficiaires de l'aide sociale par rapport à leur capacité agréée sur les trois exercices précédents, à fixer contractuellement leurs tarifs applicables aux personnes ne relevant pas de l'ASH. La direction générale de l'action sociale (DGAS) a indiqué à la mission que cette possibilité de sortir de la tarification administrée sur décision du président du conseil général, pouvait entraîner une baisse non négligeable du tarif hébergement des établissements publics et privés associatifs. En effet, les établissements habilités à l'aide sociale sont soumis à la taxe sur les salaires qui s'élève à 12 % de la masse salariale. Les établissements qui vont sortir de cette tarification administrée bénéficieront, en remplacement de la taxe sur les salaires, d'un régime de TVA à 5,5 % sur les tarifs hébergement et dépendance. Or, l'assujettissement à un régime de TVA à 5,5 % sur la totalité des charges est de toute évidence plus avantageux pour un établissement qu'une taxe de 12 %, les salaires correspondant à 70 à 80 % des charges. Les établissements publics et du secteur privé non lucratif qui, par définition, ne cherchent pas à dégager de dividendes, pourront baisser leurs tarifs, sauf s'ils décident de consacrer ces marges bénéficiaires à des opérations d'amélioration de leurs prestations (recrutement de personnels, aménagements nouveaux...). Sur ce point, la mission souhaiterait pouvoir disposer d'un bilan chiffré des répercussions de cette réforme de l'habilitation à l'aide sociale sur le montant des prix de journée. Au-delà de cet assouplissement, la mission se pose la question de la pertinence de l'aide sociale. Il lui semblait plausible que des investissements publics en faveur de la création ou de la rénovation d'établissement puissent réduire les demandes d'aide sociale, les charges des personnes accueillies se trouvant moins lourdes. Or, les auditions n'ont pas totalement confirmé cette hypothèse. Le président de l'Assemblée départementale de France (ADF) a ainsi précisé que l'aide à la pierre apportée par le département de la Dordogne devrait atteindre 50 % de l'investissement total pour que le volume des dépenses d'aide sociale diminue (30). Il est regrettable qu'aucune étude n'ait été menée sur les stratégies d'investissement des différents départements. En conclusion, la mission doit encore une fois prendre acte de l'insuffisance des instruments d'analyse, ceux-ci ne permettant pas, à l'heure actuelle, d'établir s'il est plus efficace de chercher à atténuer les charges d'investissement pour les opérateurs en leur accordant des subventions, ou d'alléger les charges supportées par les personnes hébergées en conservant le dispositif de l'aide sociale parmi d'autres prises en charge. 3. Faut-il développer l'assurance dépendance individuelle ? La mission, qui souligne la nécessité prioritaire d'un renforcement de la prise en charge des personnes âgées par des mécanismes publics, n'a cependant pas négligé d'étudier les initiatives individuelles et privées parmi les pistes susceptibles d'améliorer la solvabilité des personnes âgées. Apparu en France il y a une vingtaine d'années, le marché de l'assurance dépendance s'est toutefois relativement peu développé. Le nombre d'assurés est mal connu, le montant des rentes reste relativement faible (31). Les enquêtes d'opinion récentes commanditées par les compagnies d'assurance (32) mettent en évidence les difficultés des clients potentiels à se projeter dans une situation dégradée et à évaluer le coût de la perte d'autonomie, bien qu'ils refusent l'idée d'être ultérieurement une charge pour leur famille. Par ailleurs, de nombreux contrats actuellement commercialisés présentent l'inconvénient de faire perdre à l'assuré le capital investi s'il ne devient pas dépendant. Ce défaut met en évidence la définition imprécise de l'assurance dépendance. Le principe est-il de s'assurer contre les risques de dépendance stricto sensu, ce qui exclurait de percevoir une rente pour régler le tarif hébergement d'un EHPAD ? Ou bien cette rente pourrait-elle compléter les ressources que la personne âgée dépendante consacre à son logement, aussi bien à l'adaptation de son logement individuel, rendue nécessaire par son état de dépendance, qu'à son hébergement en institution ? En ce qui concerne l'appréciation du risque et son calcul, des incertitudes demeurent pour les assureurs qui ne disposent pas de données fiables quant à l'évolution du niveau de santé et de dépendance des futurs souscripteurs. Se pose par ailleurs la question de la prise en charge des personnes présentant un risque de santé aggravé ou dont l'état de dépendance serait fonction de l'évolution d'une maladie déclarée. Des candidats à l'assurance pourraient s'en voir refuser l'accès. De nouvelles inégalités seraient ainsi créées entre les personnes âgées. Enfin, la mission a examiné l'incitation à la souscription d'une assurance dépendance individuelle recommandée par la Cour des comptes. Elle considère que ce dispositif de gestion inter-temporelle du risque ne règle pas le problème du financement de besoins croissants qui se présente à court et moyen terme. La plus grande difficulté n'est cependant pas d'encourager l'assurance dépendance individuelle mais, le cas échéant, de la rendre obligatoire. En tout état de cause, si l'assurance dépendance individuelle est présentée comme un outil susceptible d'améliorer, sous certaines conditions, les ressources des personnes âgées, la mission ne la considère pas comme un moyen d'éviter ou de limiter le recours aux prestations sociales. 4. Quelles perspectives pour le prêt viager hypothécaire ? L'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés a introduit deux nouveaux produits de crédit : l'hypothèque rechargeable et le prêt viager hypothécaire. Le prêt viager hypothécaire s'apparente à un viager : un établissement de crédit prête une somme, en prenant comme garantie une hypothèque constituée sur un immeuble. Cette somme est remboursable soit au décès de l'emprunteur (le remboursement est fait grâce à la vente du bien concerné) soit lors de la vente du bien hypothéqué. L'introduction de ce dispositif est partie du constat que le capital immobilisé par les personnes âgées propriétaires de leur logement (33) représente souvent la plus grande part de leur patrimoine, et qu'elles peuvent souhaiter en extraire des liquidités pour les transmettre, soit de leur vivant à leurs enfants, soit pour faire face aux dépenses liées à leur dépendance ou encore pour améliorer leur train de vie. On notera toutefois qu'aux États-Unis où cette formule a été créée, moins de 50 000 foyers y ont eu recours fin 2004. Cet intérêt limité s'expliquerait par le faible levier financier du produit, son coût, son manque de transparence et les difficultés d'évaluation du bien hypothéqué. Le dispositif mis en place en France prévoit un certain nombre de garanties éclairant et protégeant le candidat emprunteur. Il doit être au courant du fait que sa succession sera débitrice, dans la limite de la valeur de l'immeuble au jour du décès et sauf renonciation, de la dette qu'il a souscrit. Sa dette est donc bien plafonnée à la valeur de l'immeuble à l'issue de l'opération. Pour préserver les intérêts de l'emprunteur et éviter qu'il ne cède à vil prix l'immeuble, objet de la garantie, un expert procède à l'estimation de l'immeuble s'il existe un différend sur ce point. Des mesures complémentaires ont été introduites dans le code de la consommation, notamment l'interdiction totale du démarchage sur ce type de produits. La mission considère l'introduction du prêt viager hypothécaire comme une faculté ouverte à ceux qui souhaitent disposer de cette façon de leur capital, et non comme un substitut à la solidarité nationale ou locale évitant le recours aux prestations sociales existantes. Des études mériteraient d'être menées pour rapprocher les mesures de réduction d'impôt et d'exonération de charges sociales, ciblées ou non sur la dépendance, en faveur des personnes âgées vivant à domicile, des dispositions applicables aux personnes âgées vivant en établissement. La Cour des comptes a effectué un recensement des dépenses fiscales en faveur des personnes âgées. Des deux tableaux ci-après, il ressort que : - les aides fiscales ne visent pas spécifiquement les personnes dépendantes ; - l'encouragement porte essentiellement sur l'emploi à domicile. Dépenses fiscales ciblées sur la dépendance
Source : Cour des comptes sur données DGI. Dépenses fiscales non ciblées sur la dépendance
Source : Cour des comptes sur données DGI. En ce qui concerne l'hébergement en établissement, le seule mesure fiscale actuelle consiste en une réduction d'impôt liée aux frais de la section dépendance en EHPAD, dont le montant s'élève à 25 % dans la limite de 3 000 euros, soit 750 euros (article 199 quindecies du code général des impôts). Ce dispositif pourrait être étendu à toutes les dépenses d'hébergement pour en alléger le coût pour les résidents et leur famille. Sur ce point, M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a reconnu devant la mission que l'harmonisation des régimes de déduction fiscale liée à la dépendance méritait d'être étudiée. D. ENVISAGER UNE ÉVOLUTION DES RESPONSABILITÉS DES DÉPARTEMENTS DANS LA PRISE EN CHARGE DE L'HÉBERGEMENT 1. Les effets d'une politique volontariste des départements en direction des personnes âgées Il résulte des documents communiqués par les représentants des directions des affaires sociales des conseils généraux auditionnés par la MECSS qu'une politique dynamique et volontariste en faveur de l'investissement dans des opérations de financement d'établissement d'hébergement pour personnes âgées permet de diminuer le prix de journée à la charge des résidents. Les données fournies par le Conseil général des Vosges (cf. tableau ci-dessous) en sont une bonne illustration. Une subvention à hauteur de 40 %, assortie d'une reprise de celle-ci, permet de diminuer le coût d'hébergement d'un peu moins 7 euros par jour. Impact de l'aide à la pierre mise en place par le conseil général des Vosges
2. Le champ des responsabilités des départements va en toute logique continuer à évoluer Le rôle essentiel du département dans la prise en charge des personnes âgées résulte d'une législation qui, depuis vingt ans, a abouti à lui confier la responsabilité de l'action sociale en faveur des personnes âgées. La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a précisé la définition et le champ de la territorialisation des schémas gérontologiques départementaux, dont la responsabilité est confiée aux départements en relation avec les services de l'État et les agences régionales d'hospitalisation (ARH). Cette loi confère donc un rôle accru au département dans l'action sociale et médico-sociale, puisque c'est à lui seul qu'il revient désormais de définir les orientations et la mise en œuvre de l'action sociale et médico-sociale. Ainsi, les départements ont aujourd'hui la responsabilité d'articuler les différents éléments de la gamme de la prise en charge de la dépendance. C'est à ce titre, par exemple, qu'ils se voient transférer les crédits de fonctionnement afférents au financement des centres locaux d'information et de coordination (CLIC). Les CLIC sont des services sociaux et médico-sociaux qui participent à la coordination gérontologique de proximité et exercent des fonctions d'accueil, de conseil et d'orientation des personnes âgées, participant à l'articulation entre prise en charge sanitaire et médico-social et accompagnement social. En revanche, ils n'ont pas la maîtrise des enveloppes soins (en service de soins infirmiers à domicile [SSIAD] et en établissement). Certaines difficultés budgétaires des établissements sont liées au décalage dans le temps entre les décisions prises par le président du conseil général - qui arrête les prix de journée hébergement et dépendance - et la notification de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) concernant les soins. En effet, certaines dépenses de personnel (les aides-soignantes et les aides médico-psychologiques) se répartissent en termes de financement entre l'assurance maladie et le département. Faute de connaître le montant exact des enveloppes accordées, la gestion des personnels est perturbée. Le champ d'action et d'initiative des collectivités territoriales est restreint en matière d'hébergement, dans la mesure où la création d'établissements est subordonnée à la disponibilité des crédits d'assurance maladie en matière de dotations de soins. Se pose donc la question de la gestion d'une enveloppe globale consacrée à la prise en charge de la perte d'autonomie. Dans cette logique, un transfert de charges et une responsabilité plus complète des départements sont à envisager. En tant que pilotes de l'action sociale, leurs services disposeraient ainsi d'une vision globale des dispositifs de prise en charge de la dépendance. Les chevauchements actuels de compétence entre l'assurance maladie et l'APA seraient évités dans le fonctionnement des aides. Sur ce point : - Le rapport de la Cour des comptes expose deux voies possibles : une décentralisation accrue qui ferait des départements le point d'accès unique aux prestations de dépendance ou bien la création d'un cinquième risque confiant aux caisses de sécurité sociale la prise en charge globale de la dépendance. - Le rapport à paraître du centre d'analyse stratégique (ex-Commissariat général du Plan) propose a minima d'expérimenter la gestion par les départements volontaires d'une enveloppe globale déléguée par la CNSA sur la base d'une péréquation nationale. Compte tenu du rôle déterminant des départements dans la définition des actions sociales et médico-sociales qui se trouvent fortement imbriquées dans le champ sanitaire en ce qui concerne les personnes âgées, la mission estime que la réflexion sur une réorganisation de leurs responsabilités dans la gestion de l'ensemble des financements destinés à la prise en charge de la dépendance mérite d'être poursuivie. Si le choix du département pour assurer cette fonction de gestion présente des avantages en termes de proximité et d'expérience en matière sociale, il établit une discrimination inadmissible entre les personnes âgées en établissement et les autres catégories de population dont les dépenses de soins restent gérées au niveau national. Progressivement, plusieurs pays européens dont la situation démographique et économique peut être comparée à celle de la France, ont reconnu la dépendance comme un risque en soi et fait le choix de confier la gestion de son financement à un échelon décentralisé dans le cadre de leur politique globale de protection sociale. La mission est convaincue que la question de la réorganisation de la gestion des financements consacrés à la prise en charge des populations âgées et vulnérables entre le niveau national et les collectivités territoriales ne peut être indéfiniment éludée. E. POURSUIVRE L'EFFORT DE SOLIDARITÉ NATIONALE Au-delà de ces mesures, des ressources nouvelles devront nécessairement être affectées ou transférées au financement de l'hébergement des personnes âgées, compte tenu de l'augmentation prévisible des besoins et quelle que soit l'évolution des capacités contributives des résidents. 1. L'inéluctable prise en charge financière par la collectivité Sur ce point, la MECSS rejoint la recommandation de la Cour des comptes, relative à l'inéluctable prise en charge par la collectivité d'une part croissante de la dépendance. On ne peut, face à la vague attendue du vieillessement, escompter des familles un soutien croissant parce que, d'une part le nombre des aidants potentiels progressera moins vite que celui des personnes âgées dépendantes, et d'autre part parce que l'évolution des modes de vie rend de plus en plus difficile et délicate l'organisation de l'entraide familiale. Selon le rapport de la Cour des comptes, les ressources dont dispose la CNSA pour les personnes âgées dépendantes sont toujours insuffisantes pour couvrir les besoins estimés d'ici 2020. L'hébergement des personnes âgées devra donc bénéficier de financements supplémentaires : soit par l'impôt, national ou départemental, soit par les cotisations sociales, soit par les familles. En ce qui concerne l'aide informelle des familles, de nombreuses raisons font craindre qu'elle ne devienne de plus en plus délicate : l'éloignement fréquent des enfants du domicile de leurs parents âgés, le phénomèrne croissant de séparation des couples, l'arrivée des classes d'âge moins nombreuses aux âges où on est susceptible de prendre en charge les parents, ainsi que l'augmentation progressive du taux d'activité féminine. C'est pourquoi la mission privilégie les mécanismes publics de prise en charge de l'hébergement en établissement et de la dépendance en général, qui ne peuvent cependant être envisagés qu'une fois mis en œuvre les dispositifs qu'elle préconise, visant à réduire le coût d'hébergement à la charge des résidents les plus modestes. 2. Le choix des modes de prise en charge financière relève d'un arbitrage politique Les obstacles techniques qui ont été avancés pour s'opposer à l'extension aux professions indépendantes de la contribution solidarité autonomie mériteraient d'être éclaircis par la Direction du budget. S'agissant des retraités, il a été pris en compte, lors des débats relatifs à la mise en place de la contribution, qu'ils n'exerçaient plus d'activité professionnelle et ne pouvaient donc pas effectuer une journée de travail supplémentaire. Leur assujettissement semble pourtant justifié par la destination même du produit de la contribution. Par ailleurs, selon votre rapporteure, des doutes subsistent sur le produit effectif de la contribution et son impact réel sur les différents secteurs économiques et le PIB. Cette mesure entraîne forcément une charge supplémentaire pour les entreprises et les collectivités publiques, qui ne peut être compensée pour les entreprises que si elles ont la possibilité de s'organiser pour produire davantage de richesses. Or, les secteurs n'ont vraisemblablement pas tous pu augmenter leur production. Selon M. Pierre Morange, coprésident de la MECSS, et les membres de la mission appartenant au groupe UMP, cette analyse aboutit, de fait, à proposer la suppression de la législation sur la réduction du temps de travail, mécanisme rigide qui a limité la possibilité pour les entreprises de s'organiser pour produire davantage de richesses. C'est pourquoi, l'appel à la contribution sociale généralisée (CSG) apparaît à votre rapporteure comme la solution techniquement et économiquement la plus adaptée, puisqu'elle touche toutes les formes de revenus de la population entière. S'il était fait le choix de la hausse de la CSG, celle-ci devrait toutefois avoir pour contrepartie la suppression, pour les salariés, de la cotisation de solidarité. Cette proposition n'a toutefois pas fait consensus au sein de la mission. M. le coprésident Pierre Morange et les membres du groupe UMP ont en effet estimé que les nouvelles recettes résultant de la mise en place de la journée de solidarité, associées à une rationalisation des moyens des hôpitaux, ainsi qu'aux autres mesures préconisées dans ce rapport, doivent d'abord être mises en œuvre, afin de savoir si elles répondent aux besoins actuels et futurs en matière de quantité de places, de qualité de soins et de neutralisation sur le « reste à charge » pour les personnes les plus modestes ; ceci avant d'envisager d'autres sources de financement issues de la CSG ou d'autres contributions. Au terme de ses travaux sur le financement des établissements d'hébergement des personnes âgées, la mission souligne que la question du « reste à charge » de leurs résidents n'avait fait l'objet d'aucune étude ou analyse éclairante pour les parties concernées : pouvoirs publics, opérateurs publics et privés, personnes âgées et leurs familles. Sur ce point, la réforme de la tarification des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) a réparti de façon précise et rigoureuse les charges de ce type de structure au sein des sections tarifaires « dépendance », « soins » et « hébergement ». Ainsi, la réforme a permis de mieux identifier les financements relatifs aux soins - qui sont à la charge de l'État (via l'assurance maladie) - et les financements relatifs à la dépendance - qui sont à la charge du département (via l'allocation personnalisée d'autonomie), le résident acquittant un ticket modérateur correspondant au niveau de dépendance le plus faible. Par contre, au sein de la section hébergement, les responsabilités sont beaucoup plus floues et émiettées. En l'absence de compétence obligatoire relative aux financements, le montant du tarif hébergement à payer incombe en définitive toujours à la personne âgée. Lorsque les revenus de cette dernière sont insuffisants, l'aide sociale à l'hébergement et les aides au logement sont les seuls dispositifs de prise en charge de droit commun possibles. Dans ces conditions, la mission estime que l'aide personnalisée au logement réservée aux établissements conventionnés doit pouvoir bénéficier à tous les résidents de tout type de structure d'hébergement. L'amélioration de la solvabilisation des personnes âgées doit par ailleurs être accompagnée de mesures concrètes allégeant le prix de journée. Certaines des recommandations de la mission sont déjà mises en œuvre ou peuvent l'être assez rapidement. Elles visent essentiellement le réaménagement des sections tarifaires, le financement des mises aux normes techniques, l'assouplissement de règles comptables et de placement financier, ainsi que l'augmentation du volume des prêts aidés pour la construction ou la rénovation d'établissements pour personnes âgées. Avec cette première série de recommandations, et dans une logique d'adéquation des dispositifs de prise en charge des personnes âgées, la mission préconise également une meilleure organisation des passerelles indispensables à l'accompagnement individuel de la personne entre établissements de santé et médico-sociaux. Cela suppose une optimisation et une reconversion de l'offre globale de soins et d'accueil afin de dégager des marges de manoeuvre financières qui permettront d'adapter les structures d'accueil et d'hébergement aux besoins réels des personnes âgées. D'autres recommandations sont destinées à appuyer les initiatives de terrain innovantes dans la façon de prendre soin de la personne âgée. Elles invitent également toutes les parties concernées à organiser les passerelles nécessaires à l'accompagnement individuel de la personne âgée entre les structures sanitaires et sociales et médico-sociales. Les bonnes pratiques préconisées doivent toutefois dépasser le stade des recommandations en ce qui concerne la formation et la qualification des personnels qui interviennent auprès des résidents. Les personnels ne pourront être attentifs et motivés sans avoir été être formés à des techniques spécifiques de soins aux personnes âgées évitant la grabatisation et l'excès médicamenteux. Enfin, les auditions ayant mis en évidence un défaut de connaissance des coûts, des montants de financements accordés, ainsi que des montants de dépenses réalisées, chaque acteur ne traitant pas les informations dont il peut disposer selon les mêmes critères et avec le même niveau de finesse, la mission insiste sur la nécessité de mettre en place un système d'information exhaustif, indispensable aux résidents et à leur famille, ainsi qu'aux professionnels des secteurs sanitaire, social et médico-social, publics et privés. LES ORIENTATIONS SUGGÉRÉES PAR LA MECSS La mission suggère les mesures conjoncturelles et structurelles suivantes pour contenir les coûts d'hébergement et améliorer la solvabilisation des personnes âgées accueillies en établissement : 1. Réorganiser les sections tarifaires des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), afin que les dépenses de personnel administratif, celles afférentes à l'animation sociale et au personnel de service non qualifié intervenant auprès des résidents, ainsi que les frais d'amortissement des investissements réalisés ne relèvent plus exclusivement du tarif hébergement à la charge des résidents. 2. Adapter la réglementation relative à la sécurité incendie et prévoir les financements adéquats. 3. Augmenter le volume des prêts aidés en faveur des projets de construction ou de rénovation d'établissements accueillant des personnes âgées. 4. Assouplir les règles comptables relatives à l'amortissement des subventions d'investissement des collectivités territoriales. 5. Autoriser les établissements publics sociaux et médico-sociaux à placer leurs réserves de trésorerie pour accroître leur capacité à autofinancer leurs investissements. 6. Unifier le régime et la récupération de la TVA sur les investissements applicables aux établissements accueillant des personnes âgées. 7. Étendre le bénéfice des aides personnelles au logement aux résidents de toutes les catégories d'établissement d'hébergement et les attribuer par personne hébergée et non plus par ménage. 8. Favoriser les passerelles pour accompagner la personne âgée entre l'hôpital, la filière des soins d'aval (hôpital local, hospitalisation à domicile, soins de suite et de réadaptation...), les établissements et services médico-sociaux et sociaux, et un domicile adapté. 9. Optimiser les modalités de prise en charge par une reconversion de lits d'hôpitaux en places destinées aux personnes âgées qui relèveraient du secteur médico-social, mais qui n'ont, en l'état actuel de l'offre, ni la possibilité, ni les moyens d'y être accueillies. 10. Rationaliser les moyens financiers, techniques et humains des hôpitaux pour améliorer la réponse aux besoins des personnes âgées, notamment en développant les services de court séjour équipés en personnels formés à la gériatrie. * * * Par ailleurs, la mission souhaite la prise en compte d'un certain nombre d'impératifs, ainsi que l'ouverture d'un débat public s'agissant de : 11. Désigner clairement et impérativement l'autorité compétente en matière de financement des investissements des établissements d'hébergement pour personnes âgées. 12. Mettre en place un système d'information et d'évaluation fiable prenant la mesure du caractère diversifié et évolutif de la demande et offrant aux décideurs une typologie permettant de comparer les coûts réels. 13. Doter l'administration d'un système de suivi de l'évolution des coûts d'hébergement supportés par les résidents des établissements. 14. Envisager des financements supplémentaires faisant appel à la solidarité nationale : « accroître la dépense socialisée » en faveur de la prise en charge financière de la dépendance si les mesures préconisées se révèlent insuffisantes pour répondre aux objectifs précités. 15. Mettre en oeuvre des références de bonnes pratiques destinées à faire progresser la notion de « prendre soin » en associant une réflexion sur le désir de sollicitude des personnes âgées, des actions de prévention et un accompagnement social. 16. Prévoir un large programme de formation qualifiante, non seulement à l'intention des personnels soignants, mais aussi des agents de service côtoyant les personnes âgées hébergées en établissement, dans le but notamment d'offrir de réelles passerelles professionnelles entre les secteurs et les lieux d'activité. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné le rapport d'information présenté par Mme Paulette Guinchard, rapporteure de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), sur le financement des établissements d'hébergement des personnes âgées, au cours de sa séance du mercredi 17 mai 2006. Un débat a suivi l'exposé de la rapporteure. Le président Jean-Michel Dubernard a remercié Mme Paulette Guinchard pour son intervention et insisté pour que soit valorisé ce rapport de la MECSS, qui est un bel exemple de travail parlementaire réunissant majorité et opposition. M. Pierre Morange, coprésident de la MECSS, s'est félicité de la qualité du rapport qui préconise des solutions courageuses, réalistes et pragmatiques dans un esprit de responsabilité prenant en compte les contraintes budgétaires et humaines. Même si des divergences ont été constatées entre la majorité et l'opposition sur les recommandations pour le financement de l'offre d'hébergement, il faut constater que sur de nombreux points un réel consensus a pu être trouvé. Tous les membres de la MECSS se sont accordés sur l'idée que la sécurité sociale devait augmenter sa participation pour améliorer la solvabilisation des personnes dépendantes hébergées en EHPAD et parvenir ainsi à réduire leur « reste à charge ». En revanche, des divergences sont apparues sur la nécessité de créer un prélèvement social supplémentaire pour financer la dépendance. M. Denis Jacquat a déclaré partager les propos du président Jean-Michel Dubernard et de M. Pierre Morange sur la qualité du rapport présenté par Mme Paulette Guinchard et souhaité revenir sur un élément primordial : le « reste à charge » mensuel des personnes âgées hébergées en EHPAD est de 420 euros, supérieur à leur revenu moyen. Ce coût très élevé ira en augmentant dans les années à venir en raison de la croissance du coût d'hébergement, de l'incapacité des enfants à couvrir les besoins financiers de la majorité des personnes âgées dépendantes et de la diminution de la solvabilité des personnes âgées dépendantes du fait de l'arrivée en retraite de personnes ayant eu des revenus d'activité faibles et ayant recours aux dispositifs de solidarité nationale. Le rapport de la MECSS doit provoquer un sursaut pour que soient prises des mesures adaptées à ces situations économiques d'insolvabilité. Saluant le travail réalisé par Mme Paulette Guinchard et le bon esprit au sein de la MECSS, M. Georges Colombier, après avoir fait part de son regret de n'avoir pu s'investir autant qu'il le souhaitait dans la mission à cause de sa participation simultanée à la commission d'enquête sur l'affaire d'Outreau, a exprimé un satisfecit sur le contenu du rapport, insistant particulièrement sur la nécessité de trouver une solution pour limiter les coûts d'hébergement restant à la charge des familles et sur les moyens permettant d'offrir une plus grande reconnaissance aux personnes âgées. Lors des auditions des associations de résidents des EHPAD, le thème du coût exorbitant des tarifs d'hébergement, résultant de la prise en compte des frais de construction et de réhabilitation, est systématiquement abordé. Les familles elles-mêmes des personnes âgées de plus de 80 ans se plaignent de la mauvaise prise en charge financière. Mme Danièle Hoffman-Rispal s'est félicitée de l'existence même du travail de la mission, rappelant que depuis trois ans elle suscite un débat sur le financement des établissements d'hébergement des personnes âgées lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Plusieurs pistes de réflexion sont à évoquer. Il conviendrait dans un premier temps de modifier les règles comptables de ces établissements dans le sens d'une plus grande clarification des flux financiers, pour éviter notamment que les conseils généraux soient amenés à payer deux fois les EHPAD lorsqu'ils décident de leur verser des subventions. La DGAS travaille sur ce point. Il est possible d'empêcher cette situation avec la dotation d'investissement transférable, mais les textes ne sont pas clairs et le département de Paris n'ose pas s'engager sur cette voie. Rien que pour l'humanisation des EHPAD, on constate une envolée des coûts. La mise en place des normes J se traduit ainsi par un coût de 9 000 euros par lit à Paris. Plus globalement, il convient de résoudre la contradiction actuelle qui consiste à ce que toute amélioration dans la prise en charge des personnes - qu'elle se traduise par la formation du personnel d'encadrement ou par le développement des animations en direction des hôtes - conduit immanquablement à une envolée des coûts d'hébergement essentiellement supportée par les familles. L'expérience « humanitude » de Marmande, évoquée par la rapporteure, montre en effet que même lorsque le montant des formations est peu élevé, 15 000 euros pour 50 personnes, le coût global pour l'établissement reste important, environ 120 000 euros, car il faut pourvoir au remplacement temporaire du personnel en formation. Les familles n'en peuvent plus de payer des coûts d'hébergement croissants, même lorsque l'on veut améliorer la situation des résidents. Alors même que les conseils de la vie sociale des établissements publics contiennent 30 % de personnes payantes, les débats sont violents sur ce sujet. Par ailleurs, la MECSS pourrait faire étudier la question des PLS et la clarification des rôles. Concernant l'animation, il faut recruter des animateurs qui sont indispensables pour améliorer la vie des résidents. Mais il faut éviter d'augmenter le « reste à charge » dès qu'on veut améliorer la situation des résidents des EHPAD. Après avoir indiqué qu'il partageait les conclusions du rapport, M. Alain Néri a insisté sur la question centrale du « reste à charge », question d'autant plus cruciale qu'elle s'inscrit dans un contexte où le montant des retraites va décroissant et où la situation économique rendra de plus en plus incertain le financement de l'hébergement des aînés par leurs enfants. Le recours à l'aide sociale des départements sera ainsi rendu quasiment obligatoire. Il importe donc de réfléchir dès maintenant à la question du financement et des niveaux administratifs compétents. On peut craindre que les ressources de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie ne soient insuffisantes pour financer les schémas gérontologiques et les schémas concernant les personnes handicapées. Concernant la compétence en matière d'investissement, il faut préconiser la compétence des départements, mais les conseils généraux devront recevoir les ressources financières indispensables. En réponse aux propos de M. Danièle Hoffman-Rispal, M. Jean-Pierre Dupont a déclaré que l'amélioration du service rendu aux personnes âgées ne se traduit pas nécessairement par une envolée des coûts supportés par les familles, pourvu qu'une action publique efficace soit mise en place. Le département de Corrèze, qui fait partie de la région la plus âgée d'Europe, le Limousin, a ainsi décidé de prendre la question du vieillissement de la population à bras le corps. Le conseil général subventionne à hauteur de 40 %, sans plafond, la restructuration des établissements d'accueil à la condition d'une mise aux normes européennes, d'un assujettissement à une convention tripartite et de la mise en place de structures Alzheimer. La Corrèze a également créé 205 postes d'aide médico-psychologique dans les EHPAD, qui n'existaient que dans les foyers, pour assurer l'animation et prendre en charge la dépendance. Ces 205 postes sont financés par le conseil général, sans répercussion sur le prix de journée car il s'agit d'une subvention. En réponse aux différents intervenants, la rapporteure a indiqué que l'ambition du rapport est moins d'offrir des solutions définitives, que d'ouvrir un débat. C'est en particulier le cas pour la définition de la compétence en matière de financement des investissements des EHPAD. En application de l'article 145 du Règlement, la commission a décidé, à l'unanimité, le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication. ANNEXE 1 : COMPOSITION DE LA MECSS Présidents Mme Paulette Guinchard M. Pierre Morange Membres Mme Martine Carrillon-Couvreur Mme Marie-Françoise Clergeau M. Georges Colombier M. Jean-Pierre Door M. Pierre-Louis Fagniez Mme Jacqueline Fraysse Mme Cécile Gallez Mme Catherine Génisson M. Gaëtan Gorce M. Maxime Gremetz Mme Muguette Jacquaint M. Olivier Jardé M. Jean-Marie Le Guen M. Claude Leteurtre M. Jean-Luc Préel M. Jean-Marie Rolland ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
ANNEXE 3 : COMPTES RENDUS DES AUDITIONS AUDITIONS DU 6 OCTOBRE 2005 Audition de M. Stéphane Le Bouler, coordinateur santé, M. Pierre Morange, coprésident : La MECSS reprend aujourd'hui ses auditions publiques. Avant de commencer les travaux de cette nouvelle session, je rappelle que la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale a, en particulier, renforcé les pouvoirs de la MECSS. Celle-ci entend les utiliser pleinement. Elle saisira notamment le gouvernement et les organismes de sécurité sociale concernés par ses conclusions. En application des nouvelles dispositions, ils devront répondre dans un délai de deux mois. La mission d'évaluation et de contrôle, comme elle l'avait décidé début juillet, a poursuivi durant l'été sa réflexion sur l'organisation et le coût de gestion des branches de la sécurité sociale et le rapport sur ce sujet devrait être prochainement présenté par M. Jean-Pierre Door, rapporteur. S'agissant du Plan Biotox, deuxième thème d'étude de la MECSS pour cette année, j'indique que, exceptionnellement, en raison du caractère confidentiel défense du rapport que la Cour des comptes a établi sur ce sujet et qu'elle viendra présenter la semaine prochaine, les auditions du mercredi 12 octobre auront lieu à huis clos et seront réservées aux membres de la MECSS. Nous commençons maintenant notre cycle d'auditions sur le financement des établissements d'hébergement des personnes âgées. Notre premier invité est M. Stéphane Le Bouler, qui est coordinateur santé, responsable de la mission établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes au Commissariat général du plan. Ce dernier a remis, en réponse à une demande du précédent gouvernement, un premier rapport sur l'évaluation des besoins en places dans les établissements d'hébergement des personnes âgées. M. Philippe Bas, ministre en charge des personnes âgées, a adressé au mois d'août dernier une nouvelle demande au commissariat général du Plan. Vous nous en parlerez. Je laisse la parole à Mme Paulette Guinchard, rapporteure, qui, vous le savez, connaît particulièrement bien ce sujet. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Notre mission va particulièrement s'intéresser à la connaissance du système de financement de l'ensemble des établissements qui prennent en charge des personnes âgées. Vous-même avez été chargé par le gouvernement d'un travail sur l'évolution des besoins en hébergement et je souhaite que vous nous disiez quels points vous paraissent les plus importants et quels éléments vous ont amené à faire un certain nombre de propositions. Mais, j'insiste, c'est vraiment une clarification du système de financement qui nous paraît primordiale. M. Stéphane Le Bouler : Le premier rapport nous avait été commandé en février par Mme Catherine Vautrin, et il a été remis en juillet. Le gouvernement nous a alors commandé deux volets complémentaires, plus spécifiquement consacrés aux questions de financement et de répartition territoriale des besoins. En ce qui concerne l'évaluation des besoins en hébergement, nous avons d'abord dressé un état des connaissances, à partir des enquêtes Handicaps-Incapacités-Dépendances (HID) de l'INSEE et Établissements d'hébergement des personnes âgées (EHPA) de la DREES, qui marquaient déjà un progrès important. Cet état a constitué la base de départ qui a permis d'établir des hypothèses communes d'évolution de la dépendance dans les cinq, dix et vingt ans à venir. Nous sommes partis de trois hypothèses, et notre travail nous a permis d'en mettre deux en avant, en laissant de côté la plus optimiste. Nous avons ensuite modélisé cinq scénarii de prise en charge des personnes âgées dépendantes en établissements, à partir du critère essentiel de l'isolement de la personne et sur la base de 406 200 personnes de plus de 75 ans hébergées fin 2003 en maisons de retraite et en établissements de soins. Les discussions au sein de la mission ont permis de réduire à trois le nombre de ces scénarii, en excluant les hypothèses de plus fort taux d'entrée en institution et de plus fort maintien à domicile. Parmi les scénarii restant, un peut être qualifié de tendanciel, c'est-à-dire qu'il suppose que le taux de prise en charge en établissements se maintienne pendant toute la période, seuls les effectifs de personnes âgées dépendantes évoluant ; un autre table sur un maintien accru à domicile, avec un recours aux établissements pour les seuls GIR 3 et 4 ; le dernier prévoit un nombre accru de résidents en établissements parmi les GIR 1 et 2. Pour 2010, c'est-à-dire demain en termes de construction, nous n'avons retenu que le scénario tendanciel. Avec l'hypothèse d'un maintien accru à domicile, nous envisageons une diminution de 3 à 16 % du nombre de places requises en 2015 et en 2025. Avec un nombre supérieur de résidents en établissements, le besoin en place s'accroîtrait, aux mêmes dates, de 20 à 53 %. J'ajoute que ces chiffres doivent être considérés en tenant compte du nombre de places déjà créées en 2004 et en 2005 avec le plan vieillissement-solidarité. Nous avons ensuite essayé de dresser l'état du parc actuel afin de connaître le besoin de renouvellement, qui s'ajoute à celui de créations de places nouvelles. Tous nos interlocuteurs ne sont toutefois pas d'accord sur la signification de ces besoins de renouvellement. Certains mettent en avant la taille des chambres et considère que 37 % du parc sont obsolètes dès lors que les chambres individuelles font moins de 16 m² et les chambres doubles moins de 20 m². D'autres s'attachent plutôt aux éléments de confort ou de sécurité. Nous avons aussi essayé de regarder l'état du parc en fonction du critère de répartition territoriale. Pour cela nous avons tracé une carte de France qui tient compte de l'ensemble des établissements. Il est évident que nous aurions eu une autre carte si nous nous étions intéressés uniquement aux maisons de retraite ou aux foyers logements. La carte que nous avons obtenue permet de comparer les différents points du territoire avec une moyenne nationale, mais pas de repérer précisément les besoins. Nous constatons aussi une difficulté à évaluer la dépendance au niveau départemental. En effet l'enquête HID, menée de 1998 à 2001, était nationale, et très lourde puisqu'elle portait sur 18 000 personnes, mais son extension n'a concerné que sept départements et une région. Pour ces derniers, nous avons une connaissance précise de la population dépendante, pour tous les autres nous ne pouvons faire que des approximations, même si la montée en charge de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) nous permet désormais d'avoir une image plus fidèle des besoins, traduits en demandes d'allocations. Sans doute les conseils généraux et les services départementaux disposent-ils de ressources et de connaissances qui leur permettent d'approcher ces besoins de façon plus fine. M. Philippe Bas, ministre en charge des personnes âgées, nous a demandé, au moment de la remise du rapport, d'approfondir un scénario dit « équilibré » de prise en charge des personnes âgées dépendantes, qui permette de faire droit à la notion de libre choix de ces personnes et qui se situe entre le scénario tendanciel et celui du maintien accru à domicile. Dans ce registre, nous avons travaillé sur la prise en charge en établissements, mais aussi sur toute la gamme des prises en charge, qui va de l'aide ménagère aux unités de soins de longue durée. Nos études ont également porté sur l'ensemble des coûts, sur le dispositif de péréquation, sur le portage des projets, sur les éléments de cadrage et le financement global de la dépendance, sur les bonnes pratiques de planification gérontologique ainsi que sur les moyens d'aider davantage les départements dans l'exercice de cette tâche. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Vous êtes donc entrés dans une nouvelle phase de votre travail, mais je suppose que ce que vous avez déjà fait a permis une meilleure compréhension des systèmes de financement. J'aimerais avoir votre sentiment sur la façon d'aborder la question de la prise en charge et de l'accompagnement des personnes âgées. L'outil le plus complet dont on dispose est l'enquête HID et je suis quelque peu surprise qu'un aussi grand nombre de départements aient choisi de la refuser. Mais avez-vous identifié d'autres moyens de connaissance de la dépendance, en particulier pour les conseils généraux qui ont besoin de comprendre et d'analyser le phénomène ? Que sait-on par ailleurs de l'évolution des durées moyennes de séjour et de la demande des personnes âgées et de leurs familles ? A-t-on mis en corrélation cette durée avec l'âge et l'évolution des besoins, en allant au-delà de l'enquête HID ? Les différents types d'établissements vous paraissent-ils adaptés à la demande ? Comment sont pris en compte les nouveaux dispositifs d'accueil de jour et d'accueil temporaire ainsi que les réseaux de soins ? J'aimerais aussi savoir comment vous prenez en compte les besoins : je m'étonne que la prospective porte d'abord sur la taille des chambres. Il me semblait que d'autres critères pouvaient être utilisés pour une véritable analyse de la demande. Ainsi, je m'intéresse particulièrement aux travaux menés actuellement sur le temps d'écoute et de dialogue avec les personnes âgées. M. Stéphane Le Bouler : S'agissant des questions de financement, les travaux vont porter sur l'accessibilité financière pour les usagers, les projets d'équipement et de services et leur financement, les éléments de cadrage macro-économique pour ce qui concerne les charges, les éléments de financement de la dépendance. Pour l'accessibilité financière, il faut bien entendu travailler sur l'évolution des capacités contributives, sur les perspectives en matière de revenus et le patrimoine des personnes âgées et de leurs familles. Au début de nos travaux, nous entendions beaucoup parler des effets de la loi Fillon portant réforme des retraites sur les revenus des futurs retraités ; c'est une question qui mérite d'être creusée. Il faut aussi étudier un certain nombre de prestations attribuées au titre de la politique du logement et l'APA. Il conviendrait par ailleurs de pouvoir mesurer les dépenses fiscales : nous sommes incapables d'identifier, dans l'ensemble des réductions d'impôt liées à la garde à domicile, ce qui relève des personnes âgées dépendantes. Face aux capacités contributives, il faut bien sûr travailler sur la tarification des services. Peut-être faut-il envisager une nouvelle réforme de la tarification ou une simplification, mais c'est un sujet sensible. Il faut aussi se demander ce que signifie le libre choix avec le système de tarification actuel. Est-on parvenu, avec l'APA, à mettre en œuvre la neutralité du choix pour les personnes âgées, ce qui était un des objectifs poursuivis ? M. Pierre Morange, coprésident : Aux questions pertinentes de notre rapporteure, vous répondez par d'autres questions, ce qui n'est guère productif. Elle vous a en particulier interrogé sur l'état des lieux financier, c'est-à-dire sur l'ensemble des ressources qui ont vocation à financer le secteur de la dépendance : APA, sécurité sociale, fonds sociaux des caisses, départements, centres communaux d'action sociale (CCAS), mais aussi contribution des familles. Est-il possible de tracer des lignes directrices, d'identifier l'origine des financements, bref, de clarifier l'ensemble du sujet ? M. Stéphane Le Bouler : Peut-être faut-il passer outre les résistances des organismes de statistiques pour aboutir à un compte « approché » de la dépendance. Une difficulté, sur des masses très importantes, est d'évaluer les dépenses fiscales correspondant à la prise en charge de la dépendance. S'agissant du coût des investissements pour la création de places ou pour la rénovation, on peut avoir des fourchettes assez précises. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Sait-on réellement qui investit, c'est-à-dire qui paie les constructions et les travaux ? Quelle est la part des maisons de retraite, des départements, des organismes publics ? M. Stéphane Le Bouler : Nous n'avons pas d'analyse des tours de table de financement, c'est un travail qui reste à faire. Nous disposons simplement d'éléments quant aux initiatives prises depuis quelques années par les différents opérateurs. On constate que les structures privées à but lucratif se sont désengagées, bien avant les structures publiques, des logements-foyers, alors qu'elles ont fait un effort important pour les maisons de retraite. Les plus gros opérateurs privés sont bien plus avancés dans la signature des conventions tripartites que les structures privées non lucratives et que les organismes publics. On ne voit pas beaucoup de rationalité dans la façon dont certains responsables départementaux justifient la manière dont a été financée telle ou telle opération. Le but est-il de maintenir un prix de journée raisonnable, et comment ? Ou s'agit-il de parvenir à l'autofinancement des structures ? On ignore aussi largement si les caisses sont toujours engagées dans ces opérations, avec des prêts à taux zéro ou d'autres formules de financement. Certains voudraient que le département soit non seulement le planificateur, mais aussi le financeur subsidiaire, ce qui n'est pas conforme aux lois de décentralisation. M. Georges Colombier : Pouvez-vous nous en dire davantage sur le devenir des logements-foyers ? Ils doivent, lorsque les locaux s'y prêtent, aller vers une médicalisation et répondre aux exigences de sécurité liées au vieillissement des personnes accueillies. Quels sont les modes de financement possible pour cette mise à niveau ? M. Stéphane Le Bouler : Il y a eu sur ces questions un certain nombre d'expertises, par le Conseil général des Ponts et Chaussées et, plus récemment, par la direction générale de l'action sociale (DGAS) et par la direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction (DGUHC) du ministère de l'équipement. Pour autant, on n'a pas de vision claire des perspectives des structures porteuses pour la rénovation des logements-foyers. Environ 20 % du parc, où on accueille déjà une population largement dépendante, ont vocation à être restructurés et à passer en EHPAD, perdant ainsi leur vocation d'origine. En raison de ses caractéristiques architecturales, une autre partie du parc paraît devoir être consacrée à un autre usage ou disparaître. Et puis il y a tous les établissements intermédiaires, qui ont accueilli des personnes âgées dépendantes non par vocation mais parce qu'elles le sont devenues au fil du temps ou parce qu'elles y sont venues pour des raisons de proximité. Ces établissements se tournent aujourd'hui vers les départements, qui ont tendance à considérer qu'ils n'en ont pas directement la responsabilité, d'autant qu'il est souvent plus intéressant, pour eux, de créer une place d'EHPAD que de rénover une place en logement-foyer. La question du rôle des bailleurs sociaux est également posée. Enfin, les communes qui se sont lancées dans de telles opérations n'ont pas forcément les moyens de procéder aux rénovations. Les logements-foyers posent également un problème de planification gérontologique car, la plupart du temps, ils n'apparaissent même pas dans les programmes des départements : on sait qu'ils accueillent des personnes âgées dépendantes, mais ils demeurent hors de la programmation car ils ne relèvent pas des circuits habituels de financement. Aussi, quand il s'agira pour nous de faire des recommandations de planification départementale, insisterons-nous sans doute sur l'intégration de cette ressource dans la planification. Parce qu'elles font le lien entre le domicile et l'établissement, ces structures ont peut-être encore des choses à nous apprendre sur les futurs modes de prise en charge. Pour autant, l'état du parc et les problèmes de responsabilité financière ne permettront sans doute pas de maintenir durablement l'essentiel de ce parc, qui représente 23 % de l'ensemble des 670 000 places existantes. M. Jean-Luc Préel : En Vendée, les logements-foyers fonctionnent depuis l'origine comme des maisons de retraite, tout simplement parce que les HLM qui ont bénéficié des prêts aidés par l'État pour les locaux à usage locatifs (PLA) pour les construire les ont appelés ainsi, mais les chambres et sanitaires sont satisfaisants pour les personnes âgées dépendantes. J'ai apprécié que vous rappeliez dans votre rapport que, dans les sociétés anciennes, il appartenait aux familles de se préoccuper de leurs anciens. Ce qui pose donc problème, c'est l'évolution de notre société. De nouvelles structures sont apparues, comme les maisons d'accueil rural pour personnes âgées (MARPA) qui sont en fait des maisons de famille accueillant une douzaine de personnes âgées, mais, dans la mesure où elles deviennent dépendantes, la question de la médicalisation se pose et j'aimerais savoir si vos travaux vous permettent de préconiser une taille minimale qui permette aux établissements de supporter les dépenses de fonctionnement. Par ailleurs, quand, dans un établissement accueillant 80 personnes, désormais essentiellement dépendantes, on a une seule garde de nuit, on peut s'interroger sur ce que doit être, humainement, l'encadrement idéal. Avez-vous une idée à ce propos ? M. Stéphane Le Bouler : Sur la taille des établissements, un consensus semble se dessiner autour de 60 à 80 places, mais sans véritable argument déterminant en termes de rationalité. Autant cette taille peut se comprendre pour les opérateurs à but privé lucratif, qui sont organisés en réseau et réalisent ainsi des économies d'échelle, autant, pour les opérateurs publics et associatifs, elle semble correspondre plus à des contraintes de sécurité et à la disponibilité des surfaces qu'à de véritables considérations économiques. S'agissant du taux d'encadrement, le premier rapport donnait toute une gamme d'estimations sur les besoins en effectifs liés aux différentes hypothèses. Au grand dam de la Fédération hospitalière de France (FHF), nous n'avons pas testé leur proposition d'un encadrement de 0,9 agent par place, considérant qu'avec les conventions tripartites et la politique de médicalisation, des étapes importantes avait déjà été franchies ces dernières années, le taux d'encadrement ayant fortement augmenté de 1996 à 2003. Mais cette hypothèse pourra être testée dans le prochain rapport. Quand bien même les finances publiques pourraient supporter de telles dépenses, rien ne garantit que l'attractivité de ces métiers serait suffisante pour qu'on puisse à la fois compenser les départs en retraite et recruter massivement. La proposition de la FHF s'inspire du taux d'encadrement dans les établissements pour handicapés lourds, il n'est pas évident pour autant qu'elle soit ici pleinement rationnelle. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Les questions de mes collègues montrent combien il est important de savoir qui est porteur de l'investissement. Or, vous n'avez pas répondu sur la part que représente l'investissement dans le prix de journée qui reste à la charge des personnes âgées. Avez-vous travaillé sur cette question ? J'espère que la suite de nos auditions nous permettra d'obtenir des réponses. Avez-vous par ailleurs intégré dans votre réflexion la question de l'évolution de la durée moyenne de séjour, en relation avec l'âge moyen d'entrée dans les maisons de retraite ? C'est peut-être un des moyens de comprendre l'évolution des besoins. Avez-vous enfin constaté et pris en compte une évolution liée aux réseaux de soins gérontologiques ? Je pense en particulier aux travaux que la Mutualité sociale agricole (MSA) a elle-même menés sur les MARPA et, surtout, sur les réseaux de soins, qui semblent de nature à faire évoluer considérablement les dispositifs d'accompagnement et de prise en charge. M. Stéphane Le Bouler : Les données qui vous ont été fournies à partir de l'enquête EHPA de la DREES ne portaient que sur des échantillons. On attend donc - je l'espère avant la fin de nos travaux et des vôtres - une exploitation de ces éléments en ce qui concerne les caractéristiques des personnes hébergées, la durée moyenne de séjour et l'âge d'entrée. M. Pierre Morange, coprésident : Une des personnes que nous allons auditionner estime à 36 mois la durée moyenne de séjour. Pouvez-vous, même si vous attendez plus de données, commenter cette estimation, car jusqu'ici cette audition nous a surtout permis de mesurer le champ de notre ignorance partagée. M. Stéphane Le Bouler : La question doit être considérée en fonction du statut des établissements. Un des problèmes des logements-foyers est que les gens restent très longtemps, y compris quand ils deviennent dépendants. Dans les unités de soins de longue durée, la durée de séjour n'est pas du tout la même. L'estimation de 36 mois est sans doute surtout valable pour les maisons de retraite. Je reviens aux réseaux de soins. Nous nous sommes aperçus avec étonnement que la coordination entre les agences régionales de l'hospitalisation (ARH), les DDASS et les départements, donc entre la planification sanitaire et la planification gérontologique, n'avait aucune base officielle et ne reposait que sur les bonnes relations entre les responsables des uns et des autres. De même, si le plan Hôpital 2007 a entraîné d'importantes restructurations, la question de la vocation des hôpitaux locaux à structurer les réseaux gérontologiques et à accueillir des personnes âgées dépendantes n'a pas été posée. Il ne paraîtrait donc pas déraisonnable de rationaliser quelque peu ces exercices de programmation. La DATAR et d'autres organismes mettent l'accent sur ce qu'apportent les réseaux gérontologiques, et des expériences très intéressantes sont menées. Mais on a toujours du mal à distinguer ce qui relève de l'incantation de ce qui relève d'une mise en œuvre raisonnée, et il faut désormais que tout cela se traduise en termes de gouvernance du système de santé. Le fait que les départements aient désormais la pleine responsabilité de la planification gérontologique, pour les établissements comme à domicile, est un gage de développement des structures. M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie d'avoir conclu sur une note d'optimisme. Nous avons pu mesurer l'immensité du champ d'investigation, ce qui ne fait que confirmer la pertinence du thème que la MECSS a choisi. Nous aurons à cœur d'avancer sur la mesure des besoins, sur la réflexion prospective et sur les moyens nécessaires. * Audition de M. David Causse, délégué général adjoint M. Pierre Morange, coprésident : Nous accueillons maintenant M. David Causse, délégué général adjoint de la Fédération hospitalière de France. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : La Fédération hospitalière de France fait un travail d'analyse sur les questions de financement, qui préoccupent particulièrement notre mission, et c'est ce qui justifie votre présence ce matin. Nous souhaitons donc vous entendre sur la connaissance des systèmes de financement, aussi bien pour chaque structure que de façon globale, mais aussi sur un certain nombre de questions plus précises : les dispositifs actuels de financement répondent-ils à la typologie des établissements ? Le système de tarification est-il adapté à cette typologie ? Quelles sont les modalités de financement des investissements ? Avez-vous étudié plus particulièrement la prise en compte de l'amortissement des investissements dans le prix de journée qui reste à la charge des personnes âgées ? M. David Causse : Je vous remercie, au nom de la Fédération hospitalière de France, de nous avoir invités à vous faire part de nos réflexions. Notre fédération rassemble la représentation des conseils d'administration de l'ensemble des établissements publics de santé - les hôpitaux -, mais aussi des établissements publics sociaux et médico-sociaux : maisons de retraite et établissements pour personnes handicapées. Cela représente au total plus de 2 000 sites, 76 000 lits de longs séjours étant rattachés à quelque 1 000 hôpitaux, soit 95 % des capacités d'hébergement, et 100 000 lits de maisons de retraite étant rattachés à des établissements publics de santé. Pour les établissements autonomes, qui n'ont pas d'activité sanitaire, il y a aussi près de 100 000 lits, sans parler des autres facettes de la graduation de l'activité en direction des personnes âgées, comme les services de soins infirmiers à domicile - près de 8 000 places -, les places d'accueil de jour et les places d'accueil temporaires, qui sont là, dans une perspective de qualité de vie et d'optimisation des moyens, pour retarder le plus possible l'entrée en établissement. Vous me demandez de tracer une perspective d'ensemble. De mon point de vue, c'est le mot démographie qui résume le grand défi auquel est confrontée l'organisation sanitaire et sociale, mais aussi économique et culturelle, de notre pays. Nous allons être en effet, de façon beaucoup plus rapide que cela n'a été envisagé lors de la réforme des retraites, face à un véritable choc. Après l'hémorragie de la guerre de 14-18 qui a entraîné l'effondrement, 80 à 90 ans plus tard, des effectifs de population, 1924 a été l'année de la remontée du nombre de naissances. Si on considère qu'aujourd'hui l'âge de perte d'autonomie, de troubles mnésiques, de difficultés de la vie quotidienne rendant incontournable l'aide à domicile, voire, dans le cas de troubles des fonctions supérieures, l'entrée en établissement, est de 83 à 84 ans, on s'aperçoit que c'est dès 2007-2008 que nous allons être confrontés à de très grandes difficultés, même si on peut espérer encore des progrès thérapeutiques. Pour les personnes âgées comme pour leurs familles, dans certains territoires, rechercher une place deviendra alors un véritable enfer. Cela a d'ailleurs déjà commencé dans certaines régions. Et les choses sont encore plus complexes si on prend en compte les difficultés d'accès financier à ces places. Le deuxième mot clé est celui d'épidémiologie. Les travaux menés par Jean-François Dartigues et son équipe ont permis d'identifier les enjeux de la pandémie d'Alzheimer. Avec, selon le degré de sévérité, entre 600 000 et 800 000 cas déclarés et plus de 100 000 nouveaux cas par an, on voit bien qu'il y a un enjeu très particulier autour des troubles des fonctions supérieures. De ce point de vue nous sommes, dans l'articulation et la graduation entre domicile et établissement, à la fois victimes et bénéficiaires de notre succès. En effet, si nous savons faire tout ce qui relève de l'aménagement matériel - adaptation d'une salle de bains, installation d'un ascenseur, aménagement de la luminosité - nous ne sommes pas capables de répondre à des polypathologies marquées par des troubles des fonctions supérieures et qui empêchent de rester chez soi, en dépit du dévouement du conjoint, de la fille ou de la belle-fille - car cet effort porte essentiellement sur les femmes. Ce sont ces troubles qui rompent le subtil équilibre de l'aide à domicile auquel les proches étaient parvenus. Les établissements doivent donc être en même temps des lieux de vie, des lieux accueillants, mais ils ne correspondent plus à l'image d'Épinal des maisons de retraite d'il y a vingt ans et des bonnes grand-mères aux yeux bleus pétillants et aux cheveux blancs légèrement argentés : aujourd'hui, un résident sur deux est atteint de troubles des fonctions supérieures. On voit bien que l'intuition qu'avaient eue les pouvoirs publics, il y a une dizaine d'années, que la nécessité de médicaliser les maisons de retraite était bonne. Les ressources que la collectivité y a consacrées étaient nécessaires. Beaucoup reste néanmoins à faire pour une réévaluation, parce que les moyens engagés ont été irréguliers et parce que le niveau d'équipement laisse penser que les personnes âgées en perte d'autonomie sont en fait des assurés sociaux de seconde zone. En effet, dans une maison de retraite dite « médicalisée », l'assurance-maladie n'engage que 28 à 33 euros par personne et par jour, soit seulement l'équivalent d'une heure de travail d'une aide-soignante, alors que les professionnels considèrent qu'il faudrait deux ou trois heures. C'est de là que vient le décalage entre le sentiment justifié des familles de payer très cher et la nécessité dans laquelle elles se trouvent de devoir parfois aider la personne âgée à manger ou à faire sa toilette. Cela tient simplement au fait que la disproportion entre la partie mutualisée de l'effort et celle qui est assumée individuellement est bien plus grande que dans tous les autres domaines de l'action sanitaire et sociale. Votre question sur la typologie des établissements et des offres me permet de rappeler la diversité des intervenants dans l'aide, l'accompagnement et l'hébergement des personnes âgées. Le secteur public est prédominant en volume, qu'il s'agisse de celui que représente notre fédération ou de celui que gèrent les centres communaux d'action sociale, plus présents dans le domaine des logements-foyers. Le secteur privé associatif est également important, surtout pour l'aide à domicile. Enfin le secteur privé commercial s'est développé ces dernières années de manière particulièrement dynamique. Je considère que c'est parce que ces secteurs sont différents qu'ils sont complémentaires, et je crains souvent que les pouvoirs publics ne soient tentés de renoncer à cette diversité. Pour la FHF, la contiguïté avec le secteur hospitalier est un atout très important : on voit bien que le diagnostic précoce de l'Alzheimer est un acte de haute technicité. On voit aussi que, pour la filière des soins gériatriques, qui part parfois des urgences, il y a un grand intérêt à disposer d'une offre d'hébergement médicalisé qui s'articule avec le vivier de professionnels de santé que constitue l'hôpital. Dans l'hébergement médicalisé, coexistent longs séjours et maisons de retraite. Fort heureusement, le Gouvernement a abandonné le projet qu'il nourrissait cet été d'assimiler les deux types d'hébergement. La tentation resurgit toutefois dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2006. Pourtant certaines pathologies sont impossibles à prendre en compte par les maisons de retraite, qui ne peuvent accueillir les personnes en GIR 1 et 2 dont l'état médical n'est pas stabilisé. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Cela signifie-t-il que le financement unique actuel est inadapté ? Les gens qui demandent une place en établissement recherchent-ils du long séjour plutôt qu'un accueil classique en maison de retraite ? Ressentez-vous une évolution profonde des demandes ? M. David Causse : Je l'ai dit, dans une maison de retraite dite « médicalisée », on peut au mieux assurer une permanence d'aide-soignante. J'y insiste car, en cas d'incendie, s'il était impossible d'évacuer les résidents, nous aurions tous - décideurs comme opérateurs - à répondre du fait d'avoir laissé ces personnes dans un tel état de vulnérabilité. Les unités de longs séjours se caractérisent par, au mieux, la permanence d'une infirmière 24 heures sur 24. On a bien besoin d'une telle permanence dans un certain nombre de cas. Ces établissements sont également adossés à un plateau technique et à ses ressources humaines. Je ne pense pas que ces différences invalident un schéma de tarification extrêmement inventif, qui ne pose pas de problème de structure mais plutôt de débit. Ce qui est intéressant dans le système actuel de financement c'est qu'il allie une dotation globale de l'assurance-maladie ou des collectivités territoriales, un financement attribué à la personne au titre de la perte d'autonomie de GIR (groupe iso-ressources de la grille AGGIR) 1 à 4 et un financement par la personne, c'est-à-dire le tarif d'hébergement ou la prise en charge par l'aide sociale départementale si la personne et sa famille n'ont pas les moyens nécessaires. Les pouvoirs publics ont eu la bonne idée d'associer les trois types de financement possibles. Il n'y en a pas d'autre ! La question qui se pose est donc celle de l'équilibre entre les trois. Il existe une demande de lieux de vie définitifs, médicalisés pour les personnes dont l'état instable ne permet pas qu'elles soient en maison de retraite. Par ailleurs, le standing retenu pour la « médicalisation » des maisons de retraite - une heure d'aide-soignante, charges comprises, par personne - place de fait ces maisons dans l'impossibilité de faire face à l'essentiel des flux, c'est-à-dire d'accueillir des personnes présentant des troubles des fonctions supérieures. Les directeurs sont ainsi amenés à gérer les GIR moyens pondérés en fonction de la tension et du degré de découragement de leurs équipes, c'est-à-dire à ne pas admettre, faute de pouvoir les soutenir collectivement, les personnes présentant des troubles les plus sévères. Il y a par ailleurs une vraie différence entre les implantations urbaines et rurales. Si un bon nombre de places, y compris en secteur privé commercial, ont été créées ces dernières années, elles l'ont été surtout dans les villes, là où la pérennité de l'investissement immobilier est garantie. Cela amène à se demander quelle sera l'offre et quels seront les opérateurs dans les territoires ruraux, d'autant qu'on sait que si le niveau moyen des retraites est de 1 100 euros par mois - soit 37 à 38 euros par jour -, on tombe à moins de 800 euros pour les retraites des paysans et à 600 pour celle des femmes. Or, le secteur public, qui est le moins cher, arrive à un prix de journée de près de 43 euros en milieu rural, ce qui représente un très gros effort pour les personnes âgées et leurs familles. On le voit, l'offre accessible à la majorité de la population ne correspond pas à la réalité de ses ressources. M. Georges Colombier : Je souhaite m'attarder un instant sur la comparaison entre longs séjours et maisons de retraite. J'ai constaté, en particulier en milieu rural, qu'au prix d'efforts importants, ces dernières accueillent, avec des moyens moindres, des personnes dont la dépendance est aussi lourde, allant même parfois jusqu'aux soins palliatifs. Vous avez raison par ailleurs de dire que les familles paient cher. Ce qu'elles ne comprennent pas, c'est de devoir supporter la part d'investissement, qui peut être très importante dans un établissement neuf ou qui vient d'être humanisé. Que je sache, quand on utilise un gymnase, on ne paie pas d'investissement et d'ailleurs même pas le fonctionnement. M. David Causse : Je partage entièrement votre analyse. J'ai dit beaucoup de bien de la réforme de la tarification, qui a traversé des heurs et malheurs ces dernières années et qui s'est même trouvée en apnée fin 2002-début 2003, ce secteur ayant été oublié sous le mandat de M. Jean-François Mattei (M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, proteste). M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons bien compris votre rappel historique, mais je vous invite plutôt à répondre à la question de M. Georges Colombier. Je rappelle quand même que M. Mattei a fait un travail remarquable en faveur de la tarification à l'activité dans les établissements de santé et qu'il s'était fortement investi dans le plan Hôpital 2007, afin de valoriser un patrimoine malheureusement laissé en déshérence. S'agissant de l'accessibilité financière, pouvez-vous nous parler des écarts de coûts entre les établissements, qui peuvent aller de un à trois, sans que cela soit obligatoirement lié au coût du foncier ou à la masse salariale ? M. David Causse : La réforme de la tarification engagée par les pouvoirs publics, interrompue, puis reprise par M. Hubert Falco, a de nombreux mérites, mais elle a aussi des limites. Si on a logiquement fixé un curseur de la perte d'autonomie, avec la grille AGGIR, inventée par plusieurs gériatres et par la CNAMTS, on a simplement oublié qu'on pouvait être en perte d'autonomie sans être malade et malade sans perdre son autonomie. Il existe une autre grille, PATHOS, qui permet d'identifier objectivement les besoins de soins. Or, ceux qui sont dispensés par les établissements de long séjour et par les maisons de retraite ne sont pas du tout les mêmes. Les pouvoirs publics ont rapidement perçu cette nuance, et M. Falco avait clairement demandé à ses services, en cas de doute sur la grille AGGIR, d'aller chercher des informations complémentaires par PATHOS. Une analyse plus fine des services rendus par les établissements peut donc être faite par la CNAMTS. Vous avez évoqué le sujet majeur de la fin de vie et des soins palliatifs, vis-à-vis desquels les médecins traitants intervenant en maison de retraite sont mal à l'aise, faute d'y être habitués. On constate ainsi une propension assez fréquente à réhospitaliser les personnes âgées au dernier moment, ce qui est à la fois coûteux et préjudiciable à leur qualité de vie, sans que cela apporte une véritable espérance de vie supplémentaire. De ce point de vue, la FHF a salué la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, notamment en ce qu'elle a apporté pour l'apprentissage et le développement des soins palliatifs dans le secteur médico-social. Parmi nos amendements au PLFSS 2006, figure la possibilité d'avoir des équipes d'hospitalisation à domicile, formées aux soins palliatifs et aptes à intervenir en maison de retraite afin d'éviter les réhospitalisations. Mme la Rapporteure évoquait tout à l'heure la durée de séjour en établissement. Elle est actuellement de 30 à 36 mois en moyenne, mais on atteint un turn-over par décès d'un quart par an. Or on parle ici de 680 000 lits et si on évite la moitié des réhospitalisations pour la fin de vie des sujets, on fera beaucoup de bien à l'ensemble du système sanitaire et social de notre pays. Ce gouvernement a lancé un programme de développement massif de l'hospitalisation à domicile ; il serait heureux qu'il ne laisse pas de côté les personnes âgées en établissements. J'en viens à la question sur les différences de tarifs et de coûts d'hébergement. La diversité de l'offre entraîne la diversité des schémas économiques de fonctionnement. J'ai chiffré le budget par personne d'une maison de retraite entre 28 et 33 euros par jour, financés par l'assurance-maladie. Pour un GIR 1 ou 2, il faut compter 10 à 12 euros par jour au titre de l'APA en établissement. Ce n'est pas là que l'hétérogénéité entre les établissements est la plus forte mais pour les tarifs d'hébergement, qui représentent presque 70 % des coûts. L'offre publique et privée associative à but non lucratif est régulée de facto par les conseils généraux qui fixent les tarifs au titre de l'habilitation à l'aide sociale, pour la totalité des établissements publics et pour 90 % des établissements privés associatifs. Or, un conseil général se détermine en fonction de la charge qu'il accepte de supporter lui-même : chaque fois qu'il accepte une augmentation du coût d'hébergement journalier pour les résidents, il met en perspective ce que sont leurs ressources personnelles, en sachant pertinemment que si les tarifs augmentent trop, les demandes de prise en charge au titre de l'aide sociale, qui pèsent également sur le conseil général, augmenteront en proportion. On a donc une offre régulée en termes de tarifs, qui se situent, en province, entre 38 et 45 euros, alors que, dans le secteur privé commercial non habilité, on est entre 60 et 65 euros. Il ne faut pas chercher plus loin l'origine de son dynamisme et de la création de nouvelles structures : une telle marge de manoeuvre ne peut que susciter la confiance des banques auxquelles le plan de financement est soumis. Les écarts sont encore plus importants en région parisienne où, sans que les pensions soient plus importantes, l'offre publique est assez chère, avec des tarifs journaliers de 60 à 80 euros par jour - on peut d'ailleurs comparer les 80 euros de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris avec les 55 euros des hospices civils de Lyon -, l'offre privée lucrative atteignant 100 à 110 euros et même 140 euros pour un très haut standing. Je pense que personne ici n'escompte une pension qui lui permettrait d'accéder à de telles structures. Ce sont ces données qui nous amènent, avec les associations d'usagers, à nous interroger, non sur une homogénéisation de l'offre, mais sur une régulation des tarifs d'hébergement anormalement bas ou anormalement élevés. Certains conseils généraux demandent aux établissements publics ou privés associatifs d'offrir un hébergement à des tarifs trop bas : 36 euros par jour est un défi impossible à relever. Les conseils généraux bénéficient de plusieurs sources de financement pour ce secteur et il ne serait sans doute pas anormal de prévoir un tarif minimum. À l'inverse, est-il normal qu'un établissement qui pratique des tarifs très élevés réclame la même dotation que les maisons de retraite publiques ? Ces sujets sont très importants pour les associations de retraités et pour France-Alzheimer. Parler de régulation n'empêche pas de poser la question du contenu. J'ai dit que les maisons de retraite disposaient de la combinaison heureuse de trois sources de financement complémentaire. M. Georges Colombier a raison de s'interroger sur la répercussion de l'amortissement des frais financiers : puisque, dans un établissement financé par le plan Hôpital 2007, l'assurance-maladie paie les murs, pourquoi le sujet âgé serait-il considéré comme un assuré social de seconde zone ? Et il est d'autres domaines dans lesquels la répartition des charges pourrait être différente : aujourd'hui la totalité des charges du directeur de l'établissement pèse sur le tarif d'hébergement, alors qu'il est aussi responsable de l'administration des soins. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Proposez-vous que la tarification soit modifiée pour que les investissements soient pris en compte d'une façon différente ou demandez-vous que la responsabilité financière incombe totalement au conseil général et à l'État ? M. David Causse : Je répondrai en faisant référence au principe de l'exercice médical primum non nocere. Je veux ici témoigner de l'épuisement et même de la désespérance des personnels des maisons de retraite, qui ont appliqué très rapidement une réforme très importante, et qui se sont fortement mobilisés alors que les moyens financiers ne suivaient pas toujours - même si notre Fédération a salué les efforts importants annoncés par M. Philippe Bas pour 2006. M. Pierre Morange, coprésident : Merci de le souligner ! M. David Causse : Ces personnels expriment une forte demande de stabilité, et il serait donc irresponsable de ma part de demander une réforme en profondeur de la tarification. Il conviendrait surtout de revoir la prise en charge de certains coûts dans les tarifs d'hébergement. On demande à l'aide personnalisée à l'autonomie de financer un peu de temps d'animation socio-éducative dans les établissements, mais on pourrait aussi la libérer de certaines charges puisqu'on est dans le seul cas où le temps de psychologue clinicien - dont on mesure l'importance pour cette population - n'est pas financé par l'assurance-maladie. On pourrait aussi jouer sur un autre levier avec le plan vieillissement-solidarité lancé par M. Jean-Pierre Raffarin en novembre 2003, dans la mesure où des marges de manœuvre sont disponibles dans le volet personnes âgées de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Je m'explique : la journée de solidarité - le fameux lundi de Pentecôte ou, plus prosaïquement, les 0,3 % de la masse salariale - a un plein effet cette année. Mais, à la différence du Fonds handicapés, pour lequel le déblocage des crédits sera global le 1er janvier prochain, on a souhaité, pour les personnes âgées, mobiliser les ressources par cinq tranches de 200 millions d'euros. Le décalage entre le prélèvement et son affectation a ainsi entraîné la constitution de réserves de l'ordre de 400 millions d'euros. La FHF plaide depuis l'annonce du plan pour que cette ressource, non pérenne par essence, soit utilisée, sur le modèle du plan Hôpital 2007, sous forme de contrats entre l'État, les conseils généraux et les établissements, afin de stimuler l'investissement dans le secteur médico-social. Cela permettrait de rompre avec ce paradoxe qui fait que les investissements, notamment de sécurité, ne peuvent être réalisés par les établissements publics parce que les tarifs d'hébergement sont bloqués par l'habilitation à l'aide sociale. Il me semble que M. Philippe Bas a l'intention d'aller plus loin, sur ce terrain, que ce qu'a fait déjà Mme Catherine Vautrin en 2005, en affectant aux contrats de plan État-région une première enveloppe de 50 millions provenant de ces marges de manœuvre. Le chef de cabinet de M. Philippe Bas m'a indiqué, lors de la présentation du PLFSS 2006, qu'elles pourraient être à nouveau mobilisées pour adresser un signal fort aux établissements publics et privés associatifs habilités à l'aide sociale. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Pour que les choses soient claires, nous demanderons à la DGAS une analyse des investissements de l'État et de la CNAMTS au cours des dix dernières années. Par ailleurs, j'aimerais savoir combien d'établissements de la FHF ont signé des conventions tripartites. Estimez-vous que le dispositif est suffisant ou qu'il faut donner un coup d'accélérateur, en particulier en qui concerne l'animation ? M. David Causse : Tout se passe comme si on ne commençait à travailler qu'en octobre. Alors que les crédits sont délégués par le gouvernement à ses services déconcentrés à la fin du premier quadrimestre, le nombre de signatures est encore très bas à ce jour. C'est un phénomène que nous observons chaque année. Les schémas que je vous ai remis le montrent clairement, ainsi d'ailleurs que les effets de la politique de stop and go dans ce secteur. Il faut obtenir des services déconcentrés des dates de mise en application plus précoces. Certains directeurs n'ont toujours pas leur budget de soins pour 2005. S'agissant des signatures de conventions, les établissements publics sont les meilleurs élèves de la réforme, avec de forts taux de lits conventionnés, pour les maisons de retraite mais aussi pour les unités et services de long séjour. Le tableau que vous avez à votre disposition montre qu'on est à 70 000 places conventionnées sur 100 000 pour les maisons de retraite rattachées aux établissements publics de santé, à 100 000 sur 120 000 pour les maisons de retraite publiques autonomes et à 50 000 sur 83 000 pour les USLD. En ce qui concerne les effets de la réforme de la tarification, il me semble que votre mission devrait rechercher comment, au niveau macro-économique et dans un souci de bonne gestion de l'argent public, apprécier à la fois les besoins liés à la perte d'autonomie et les besoins de soins, en particulier grâce au référentiel PATHOS. Vous pourriez aussi vous intéresser aux soins de ville. Parmi les promesses faites au secteur de l'hébergement des personnes âgées qui n'ont pas été tenues, il y a celle du transfert d'une partie de l'enveloppe des soins de ville pour accompagner les décisions du gouvernement sur la médicalisation de l'accueil des personnes âgées. Il conviendrait en particulier de prendre en compte le fait que des infirmiers libéraux intervenaient dans certaines maisons de retraite avant qu'elles ne fassent l'objet d'une médicalisation et d'une convention. La FHF souhaite l'adoption d'un amendement ce sens au PLFSS. Enfin, il me semble que vous devriez vous pencher sur la régulation des tarifs d'hébergement que j'ai précédemment évoquée, afin d'équilibrer ce qui relève de l'effort financier individuel et familial et ce qui relève de la collectivité. M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie d'avoir répondu de façon précise à nos questions. Le but de cette mission, je le rappelle, est d'aborder les thèmes essentiels à l'avenir de notre système de protection sanitaire et sociale, sans chercher à faire le procès de l'histoire ni à se livrer à cet exercice à double tranchant qui consiste à imputer les responsabilités aux uns et aux autres. * Audition de MM. Alain Cordier, président du Conseil de la Caisse nationale M. Pierre Morange, coprésident : Nous accueillons maintenant M. Alain Cordier, président du Conseil de la CNSA, et M. Denis Piveteau, directeur général. Je donne tout de suite la parole à Mme la Rapporteure pour qu'elle leur pose les premières questions. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Nos questions portent d'abord sur le mode de financement des établissements pour personnes âgées, la connaissance que l'on peut avoir des flux et des besoins, les adaptations susceptibles d'être proposées, la façon dont travaillera la CNSA et ses priorités, la répartition des crédits alloués au plan Vieillissement et solidarités, l'articulation entre le sanitaire et le médico-social. Plus précisément, quel est le montant des crédits spécifiquement destinés aux investissements des établissements ? Comment, d'autre part, rationaliser les dotations affectées au développement des établissements et services ? Comment est envisagée la répartition des moyens entre les départements ? Vise-t-on à améliorer le taux d'équipement ? À compenser les taux de médicalisation les plus faibles par des dispositifs de soins à domicile plus développés ? Quelle sera, enfin, l'approche de la question du « reste à charge » des familles des personnes âgées ? M. Alain Cordier : Nous sommes très heureux d'avoir cet échange avec vous, échange qui devra naturellement se poursuivre et s'approfondir, car notre institution est encore dans sa phase de mise en place. La CNSA, en effet, a été installée le 2 mai dernier, a tenu son premier Conseil le 5 juillet, à peu près en même temps que lui était transféré le Fonds de solidarité vieillesse, et le Conseil du 11 octobre débattra notamment de la future convention d'objectifs et de gestion (COG), élément qui sera très structurant pour nos travaux au cours des quatre années à venir, ainsi que des comptes prévisionnels 2006. Nous n'avons naturellement pas pu nous exprimer en amont de la fixation de l'ONDAM médico-social pour 2006, mais en juin prochain, lorsque nous aurons atteint notre régime de croisière, nous serons en mesure de donner un avis sur l'ONDAM 2007. C'est pourquoi il est important que nous nous donnions des rendez-vous réguliers, au demeurant prévus par la loi, qui nous fait obligation, et c'est d'ailleurs une excellente chose, de remettre au Gouvernement et au Parlement un rapport annuel, aux alentours du 15 octobre. Ce rapport précisera la nature des engagements financiers souscrits, et comportera des éléments de perspective, ainsi que des propositions visant à faire évoluer le dispositif. Nous serons donc mieux armés pour répondre une fois achevée l'actuelle phase de mise en place, mais je tiens à dire, d'ores et déjà, que les questions que vous vous posez sont des questions que nous nous posons aussi, et auxquelles les travaux que nous avons engagés depuis six mois nous donneront bientôt des éléments de réponse. Je voudrais, ce préalable étant posé, souligner les éléments profondément novateurs et dynamiques liés à la création de la CNSA. En premier lieu, la CNSA vise, à l'heure où nous fêtons les soixante ans de la sécurité sociale, c'est-à-dire de l'effort de solidarité consenti par la collectivité dans le domaine des soins, à engager un effort analogue pour tout ce qui a trait aux conséquences des situations de déficience durable - ce que certains appellent le modèle « réadaptatif ». Le nom de l'institution dit d'ailleurs bien ce qu'il veut dire : Caisse nationale de solidarité « pour l'autonomie ». Cette solidarité, qui peut prendre la forme d'aides financières, techniques ou en personnel, a pour but d'aider les personnes à retrouver l'autonomie nécessaire, indépendamment de ce que peut leur apporter le secteur sanitaire, le secteur « curatif ». Cela nous amènera naturellement, dans les années à venir, à nous poser de plus en plus certaines questions, de frontières en particulier : frontière entre le médical et le médico-social, le curatif et le réadaptatif, frontière entre l'allocation d'adulte handicapé et la prestation compensatrice de handicap. Mais nous devrons bien veiller, dans nos réflexions juridiques et financières, à ce que le système soit aussi neutre que possible pour la personne, que l'on ne saurait « saucissonner » entre ce qui relève, dans son cas, du sanitaire ou du médico-social. L'autre point important est que le législateur a voulu un modèle permettant de répondre à l'objectif de gestion de proximité, que ce soit par les collectivités locales, en l'occurrence les conseils généraux, ou par les services extérieurs de l'État - DRASS et DDASS. Ce souci de proximité, de personnalisation - qui ressort dans le nom même de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) - a été le fil directeur des débats législatifs de 2004 et 2005. Mais beaucoup dépendra, dans la réalisation de cet objectif, de la façon dont s'organisera la programmation au niveau régional, notamment au moyen des programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie, les PRIAC. M. Pierre Morange, coprésident : Nous comprenons et partageons la philosophie de votre propos, mais le temps qui nous est imparti nous impose un effort de plus grande brièveté dans les réponses. J'ajoute au passage une question supplémentaire à celles, fort pertinentes, de Mme la Rapporteure : parmi les crédits du plan Vieillissement et solidarités, quelle est la ventilation des dépenses entre rénovation des établissements, créations nettes de capacités, services de soins infirmiers à domicile, renforcement de la médicalisation et pérennisation du dispositif de l'APA ? M. Alain Cordier : Pardonnez-moi d'avoir été, en effet, un peu long, mais je voulais insister sur ce souci de proximité et d'égalité, qui devra être présent dans la configuration de la procédure budgétaire de l'exercice 2006. Dès lors que nous sommes dans un schéma ascendant et non pas descendant, les choses se dérouleront en quatre temps. Au premier trimestre 2006, il y aura remontée d'informations sur les besoins, au niveau des établissements comme à celui des départements - c'est notamment l'enjeu des PRIAC. Au deuxième trimestre, la CNSA pourra ainsi exercer son rôle d'évaluation, de comparaison, de régulation, et le Conseil, où sont représentés l'État, les collectivités locales, le monde associatif, les institutions qualifiées telles que la FHF, la Mutualité, les partenaires sociaux, portera en juin une appréciation sur la nature des engagements financiers, de façon à éclairer la délibération du Parlement, à l'automne, sur l'ONDAM médico-social, notamment pour ce qui est de l'articulation entre établissements et aide à la personne, entre établissements et soins à domicile. Enfin, une fois les choix arrêtés par la représentation nationale, il nous reviendra de les « mettre en musique ». Il convient de bien mesurer l'effort financier consenti. Le « lundi de Pentecôte », c'est-à-dire la contribution de 0,3 %, doit rapporter environ 2 milliards d'euros par an, auquel s'ajoutera le milliard apporté par le relèvement de 0,1 point de la CSG, ces montants pouvant naturellement varier selon la conjoncture économique. Sur ce total de quelque 3 milliards, plus des deux tiers, c'est-à-dire la totalité du milliard attendu du dixième de point de CSG supplémentaire et 1,2 milliard sur les 2 milliards produits par la contribution annuelle de solidarité, iront aux personnes âgées. Cela représente une majoration de 40 à 50 % de l'effort de solidarité nationale en leur faveur. Toute la question est de savoir comment en répartir le bénéfice intelligemment, c'est-à-dire en tenant compte des besoins des personnes, mais aussi de l'évaluation, aussi précise que le permettra la remontée des informations, de la gamme et de la qualité des prestations offertes. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Comment distinguer, concrètement, ce qui relève de l'assurance maladie et ce qui relève de la prise en charge médico-sociale ? C'est une question que je me pose tout particulièrement à propos des services de soins à domicile, qui sont de l'ordre du curatif. Comment s'assurera-t-on, dans le cadre des programmes régionaux, qu'il y aura bien séparation avec ce qui est de l'ordre de la compensation du handicap ? M. Denis Piveteau : Si l'on définit les besoins comme l'écart entre l'offre et la demande, il faut d'abord, pour connaître les besoins, connaître l'une et l'autre. Or, s'agissant de la prise en charge des personnes âgées, on les connaît mal toutes les deux ! L'objectif de la CNSA, qui n'aura de vraie prise sur l'information et sur les décisions qu'à partir du début de 2006, est d'améliorer cet état de choses. Nous sommes donc en train de recenser, avec l'administration de l'État, tous les dispositifs d'information existants. Si la COG va dans le sens de ce que nous souhaitons, l'information pourra mieux remonter vers la CNSA, les services de l'État demeurant naturellement destinataires. Actuellement, et sous réserve de vérifications plus approfondies auprès des administrations centrales concernées, il me semble qu'il y a, grâce à un nouveau logiciel qui s'appelle SAISEHPAD et qui est exploité par la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS), un bon suivi de la médicalisation dans les établissements pour personnes âgées dépendantes, médicalisation qui a progressé grâce aux nouvelles conventions tripartites améliorant la prise en charge des soins. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : N'était-ce pas ce que faisait auparavant la mission MARTHE (mission interministérielle d'appui à la réforme de la tarification de l'hébergement des personnes âgées) ? M. Denis Piveteau : La DHOS a toujours suivi ce logiciel, même lorsqu'il était exploité par la mission MARTHE. En revanche, le suivi des créations de places en établissement ou en structure d'accueil temporaire relève de la direction générale de l'action sociale (DGAS), qui procède, si j'ai bien compris, non pas par remontées régulières d'informations, mais par enquêtes auprès des DDASS, dont je crois savoir qu'elles sont plus régulières sur l'hébergement temporaire que sur les créations de places proprement dites. Notre souhait est que la COG nous permette d'aider les DRASS et les DDASS, par un dialogue fonctionnel, technique, à élaborer les programmes interdépartementaux d'analyse des besoins et de propositions budgétaires, car demain l'allocation des ressources se fera sur la base des propositions des régions, dans le cadre d'un mécanisme semi-remontant - c'est l'enjeu de la réforme. Il nous faut donner un appui méthodologique aux DDASS et aux DRASS, afin qu'elles élaborent leurs propositions sur la base de cadres et de standards communs, et que nous puissions avoir avec elles un suivi du niveau de l'offre. Actuellement, les calendriers et les modalités de remontée des informations diffèrent beaucoup entre les deux administrations centrales concernées. Nous allons chercher à structurer et à organiser tout cela, dans le cadre d'un dialogue régulier avec les DDASS et les DRASS. L'un des enjeux de la COG est cette nécessaire centralisation de l'information, centralisation et non pas captation, j'y insiste. S'agissant de la demande, les systèmes existants de remontée des informations sont très certainement insuffisants. Il nous faudra faire preuve d'ambition, et mener avec les services déconcentrés de l'État une réflexion stratégique sur la dématérialisation, la saisie des données le plus en amont possible, de préférence au niveau des établissements eux-mêmes, afin que ces services puissent se consacrer, au-delà de la collecte des données, à leur analyse ? Car la meilleure analyse, ce sera celle qui se fera au plus près du terrain, au niveau des DDASS et des DRASS : pour bien analyser un chiffre, un ratio, il faut connaître l'établissement qu'il y a derrière. À nous de leur proposer des tableaux de bord et des indicateurs chiffrés, à elles d'expliquer et d'analyser leurs propres données. Pour l'analyse de la demande des personnes, il n'y a pas de processus systématique, dans la mesure où le niveau de dépendance des personnes âgées par région ou par département n'est pas connu comme l'est celui des personnes handicapées, du fait de l'existence des COTOREP et des CDES, qui permettent d'identifier l'ensemble de la file d'attente. Il y a des personnes âgées qui ne demandent rien, et donc des besoins ignorés, non mesurables par définition. On ne connaît que celles qui demandent une allocation, et pour le reste on s'appuie sur des données démographiques générales. C'est l'enjeu des PRIAC, les programmes interrégionaux d'accompagnement, que de trouver et de centraliser l'information où elle se trouve, c'est-à-dire sans doute, pour l'essentiel, dans les services des conseils généraux. M. Alain Cordier : Nous savons intuitivement qu'il existe des besoins très forts, très lourds, mais nous sommes incapables de les qualifier ou de les quantifier. Or, la création de la CNSA offre justement l'occasion de tenter d'homogénéiser les systèmes d'information, de mettre à plat ce qui existe aujourd'hui. C'est dans une deuxième étape que nous nous attacherons à améliorer encore la qualité de cette information. C'est pour nous une raison de plus d'être demandeurs de rendez-vous réguliers avec vous, lors desquels nous ferons le point. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Je partage tout à fait votre souci d'appréhender l'ordre de grandeur des besoins. C'est une question dont nous voyions bien, lors de la création de l'APA, qu'elle était encore insuffisamment posée. Ma crainte est que nous ayons établi d'emblée une séparation trop étanche entre le sanitaire et le médico-social, et que cela ait pour effet d'accroître les coûts, tout en répondant mal aux besoins. Peut-être les PRIAC permettront-ils d'améliorer l'analyse, mais ce n'est pas sûr, car les dispositifs locaux sont également séparés : en Franche-Comté, par exemple, le schéma régional d'organisation sanitaire (SROS) « troisième génération » ne prend pas du tout en compte la problématique médico-sociale. Or les problèmes de financement et de prise en charge en établissement vont nous obliger à nous poser la question d'une façon encore plus précise. M. Jean-Luc Préel : C'est un problème bien français : nous voulons toujours séparer les choses d'une façon rationnelle. C'est ainsi que nous avons créé une nouvelle caisse pour la dépendance, et que nous nous retrouvons avec une frontière, très difficile à délimiter, entre les soins - qu'il s'agisse des soins à domicile ou des soins en établissement - et le traitement de la dépendance. La logique voudrait que les soins à domicile soient financés uniquement par la CNSA, mais les professions libérales interviennent aussi à domicile, ce qui est d'ailleurs heureux, et leur intervention est prise en charge par l'assurance maladie. Et à l'hôpital, il y a des services de gérontologie ou de gériatrie, mais qui sont inadaptés à une grande partie des personnes qui s'y trouvent, car elles ne sont là que parce qu'elles n'ont pas trouvé de place d'hébergement. Comment sortir de ces problèmes artificiels de frontières ? Dans mon département, nous avons eu beaucoup de chance, car un établissement voulait créer un CANTOU (centre d'activités naturelles tirées d'occupations utiles) qui n'était pas financé, et le préfet a obtenu du ministère, pour cette année, une médicalisation du CANTOU. Je suis d'ailleurs un peu étonné, car je me demande qui finance : la caisse d'assurance maladie, ou la CNSA ? M. Denis Piveteau : L'ambiguïté de la CNSA fait aussi sa force. Il y a au moins une frontière qui ne nous gêne pas : c'est celle entre les soins et la dépendance en établissement, les crédits répartis par nous étant en réalité des crédits de l'assurance maladie. Certes, c'est un peu illogique, puisqu'il s'agit des crédits de l'ONDAM médico-social, qui finance les sections de soins des établissements médico-sociaux, mais ça garantit au moins l'unité de soins entre les deux volets. Restent entières, cela dit, la question de la frontière avec les soins de ville, qui pose le problème de la connaissance globale des coûts dans la mesure où le forfait de soins n'est que partiel et ne couvre pas certains soins de ville, et la question de la frontière avec le sanitaire, qui pose notamment la question des unités de soins de longue durée (USLD). Dans le premier cas, il s'agit d'un déficit de connaissance. Il n'est pas question d'englober les soins de ville dans une caisse qui gérerait la dépendance, car on ne peut pas décomposer l'acte infirmier en une partie qui serait technique et une partie qui serait les soins. Ce qu'il faut avoir, c'est une vision d'ensemble, pas forcément une gestion unifiée des enveloppes. Dans le second cas, au contraire, il y a, du côté du sanitaire, cette unité de gestion des enveloppes, car pour la prise en charge en établissement des personnes âgées très lourdement dépendantes, une forte médicalisation est indispensable, sans pour autant qu'on doive renoncer à un projet de vie, à un projet de type médico-social. De ce point de vue, la disposition contenue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2006 constitue une demi-mesure. La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, pour garantir l'unité de vues, avait clairement rattaché l'enveloppe des USLD à celle que gère la CNSA, et voici qu'il semble qu'on veuille la maintenir quelque temps encore dans le cadre du sanitaire. Les choses ne pourront rester longtemps en l'état, et il faudra se doter sans tarder d'une vision plus fine de ce qui doit relever du sanitaire et de ce qui doit relever de la dépendance. Notre première priorité pour 2006 est de mettre en place les outils qui nous permettront de démarrer, et en particulier la méthodologie des PRIAC pour la connaissance et l'analyse des besoins. Nous sommes en train de travailler, avec les DRASS et les DDASS de cinq régions pilotes - Picardie, Aquitaine, Rhône-Alpes, Île-de-France et Centre - à un schéma-type de ce que pourrait être un PRIAC, sur la base duquel nous généraliserons le processus en fin d'année, afin que les régions puissent élaborer un premier PRIAC au printemps et que nous puissions disposer d'une première analyse des besoins avant de donner notre avis sur l'ONDAM médico-social 2007. S'agissant du lien avec le sanitaire, les PRIAC sont un enjeu important, puisqu'ils se situent au niveau interdépartemental. Il y a une certaine tension des périmètres géographiques, car la loi du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales, a affirmé la prééminence du département dans l'élaboration des schémas gérontologiques, alors que du côté de l'État c'est la région, avec notamment l'agence régionale d'hospitalisation (ARH), qui constitue le périmètre pertinent. Le PRIAC fait un peu le grand écart entre les deux, et requiert des services de l'État l'élaboration d'une programmation interdépartementale, synthèse qu'il est seul à pouvoir réaliser, étant donné qu'il a un regard supra-départemental et que le DRASS est membre de l'ARH. On pourrait, bien sûr, s'attaquer plus radicalement à cette complexité, mais compte tenu du partage actuel des compétences, c'est de cette façon-là qu'on essaie de gérer les tensions territoriales. Cela ne lève pas tous les obstacles, car la carte sanitaire, fondée sur les « territoires de santé », qui sont au demeurant un découpage assez judicieux, fondé sur l'analyse des besoins, ne correspond pas forcément aux limites administratives. Il y aura donc toujours cette petite tension à gérer, même en re-régionalisant le regard porté sur le médico-social. C'est une chose dont il faut avoir conscience. M. Alain Cordier : Nous sommes confrontés depuis trente ans au moins, c'est-à-dire depuis la loi de 1975, à ces problèmes de frontières. Je suis convaincu que certaines clarifications pourront être apportées progressivement. Mais aujourd'hui, il faut mettre à profit la création de la CNSA pour cristalliser et mettre à plat les éléments d'information et de réflexion sur les différents enjeux. Si, au cours de la première année, nous parvenons à acquérir une vision plus précise des besoins et de la relation entre l'offre et la demande, cette première année aura été une année utile. S'agissant des unités de soins de longue durée, dont le dispositif législatif prévoit le rattachement au budget de la CNSA, que celle-ci n'aspire pas à étendre à tout prix son territoire ni à afficher un budget en augmentation. La démarche consistant à élucider, par des coupes transversales, ce qui, dans les situations personnelles, relève du sanitaire ou du médico-social est bonne, mais l'objectif final, quels que soient les tuyaux de financement, est que le service rendu aux personnes soit de la meilleure qualité possible, et que la séparation entre unités de soins de longue durée et établissements pour personnes âgées dépendantes ne soit pas un facteur supplémentaire d'ignorance des besoins. Au-delà des débats institutionnels et juridiques, l'important est d'homogénéiser l'approche de l'offre, de la demande, des besoins. C'est l'esprit dans lequel nous voulons travailler en 2006. M. Denis Piveteau : S'agissant de l'investissement, il y a lieu de se poser trois questions : combien, quoi, comment ? Combien ? La CNSA a des réserves, puisqu'en 2004, en 2005 surtout, et accessoirement en 2006, l'ensemble des sommes collectées au titre de la journée de solidarité n'aura pas été engagé complètement. La montée en puissance du plan Vieillissement et solidarités devait être progressive : on prévoyait 2 500 nouvelles places par an pendant quatre ans. On a décidé ensuite de donner un coup d'accélérateur, si bien qu'il y aura en fait 2 500 nouvelles places en 2004, 5 000 en 2005, 5 000 en 2006, et plus encore l'année suivante. Les marches de l'escalier sont devenues plus hautes à mesure que les besoins se révélaient, notamment après le premier rapport du Commissariat général du Plan en juillet dernier. Mais le prélèvement, lui, a été opéré dans son intégralité dès la première année. Les réserves seront affectées par parts inégales aux personnes handicapées et aux personnes âgées, et le législateur a voulu que les deux vases ne communiquent pas. En 2005, 350 millions d'euros iront aux personnes âgées, 150 millions aux personnes handicapées. En 2006, sous réserve, bien sûr, du vote de l'ONDAM par le Parlement, il y aura 180 millions pour les personnes âgées et une somme résiduelle pour les personnes handicapées. Au total, donc, les personnes âgées bénéficieront donc de plus d'un demi-milliard d'euros. J'ajoute qu'il s'agit de sommes qui n'ont pas vocation à se renouveler, et qu'elles n'ont donc pas vocation non plus à financer des dépenses qui se renouvellent, mais plutôt des dépenses non pérennes, des dépenses d'investissement - quoique les choses n'aient pas encore été affirmées aussi nettement. Le bruit avait ainsi couru qu'elles pourraient servir à financer la dernière année du plan, mais cela poserait des problèmes l'année d'après. Voilà qui m'amène à répondre à la question : quoi ? Les investissements peuvent être de plusieurs sortes : création nette de capacités, mises aux normes techniques - sécurité, incendie -, mais aussi lutte contre la vétusté des établissements. Je dois souligner, à ce propos, que s'il est une information qui, actuellement, ne remonte pas, c'est l'information sur l'état de l'existant - sur la taille des chambres, le nombre de personnes par chambre, la présence d'un lavabo ou d'une douche, bref, tous les éléments qui font que l'offre est ou n'est pas une offre conforme à la dignité des personnes, car on ne peut pas simplement additionner des places d'hébergement comme si elles se valaient toutes. Comme on ne pourra pas poursuivre tous ces objectifs à la fois, il faudra, si on veut que ça marche, définir et afficher clairement, à l'intention des services déconcentrés, une stratégie d'investissement, afin que, toujours dans un processus semi-remontant, l'état des besoins remonte en fonction de cette stratégie, ce qui nous permettra de nous assurer que l'argent soit dépensé au mieux, au lieu de faire descendre des enveloppes sans avoir aucune garantie qu'elles seront employées à bon escient et dans les délais. Je réponds là à la question du « comment ». M. Alain Cordier : Je voudrais, pour ma part, insister sur deux ou trois points. Premièrement, l'utilisation des réserves pour des dépenses reconductibles poserait nécessairement des problèmes à terme, avec une incapacité de financement à l'horizon 2007-2008. Le Conseil de la CNSA exercera toute sa vigilance sur ces questions financières. Autant il exprime, en amont des décisions de la représentation nationale, de simples avis, non décisionnels, autant les arbitrages ultérieurs relatifs à l'utilisation des réserves imposent une obligation de transparence devant le Conseil de la CNSA. Nous serons très vigilants quant aux tentations de certains d'utiliser ces financements de court terme pour des dépenses de long terme. L'existence même d'un Conseil suppose une parfaite transparence. Après, il reviendra aux uns et aux autres d'assumer leurs choix. Ce sera un élément très important de nos débats au cours des prochaines années. En second lieu, je veux souligner que nous n'allons pas passer l'année 2006 à nous gratter l'oreille en nous demandant que faire. Beaucoup de réflexions et de travaux sont d'ores et déjà en cours. D'une importance particulière est le travail mené de façon expérimentale dans plusieurs régions, car il est symbolique de ce que peut apporter la CNSA : l'élaboration, sur un mode contractuel, conventionnel, de schémas communs, afin de trouver les meilleures approches. Le travail d'animation des réseaux des DDASS et des DRASS, travail qui n'a pas été suffisamment fait jusqu'à présent, et le travail avec les conseils généraux, travail qui débouchera sur des éléments conventionnels, nous feront entrer dans un cercle vertueux : élaboration commune d'une méthodologie, analyse commune de la remontée d'informations, afin de trouver ensemble la meilleure destination possible de l'effort de solidarité nationale, tant dans le domaine des soins à domicile qu'en établissement. Je ne voudrais pas que vous ayez le sentiment que rien ne se passera en 2006. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Je voudrais poser une autre question importante, mais vous n'y répondrez peut-être pas cette fois-ci, car elle fait intervenir la comparaison des systèmes de financement des différents pays européens. Quel mode d'organisation vous paraît le plus intéressant, s'agissant de la prise en charge en établissement comme du lien entre le sanitaire et le médico-social ? M. Denis Piveteau : Le département « Établissements et services » au sein de la CNSA ne comptait que deux personnes au 15 septembre. Mais nous sommes encore dans notre phase de montée en puissance. M. Alain Cordier : Je vous remercie d'avoir abordé cette question des comparaisons internationales. Je me suis réjoui de constater que la loi du 11 février 2005 prévoit une articulation entre la CNSA et des structures étrangères, voire, le cas échéant, des schémas de partenariat ou de conventionnement. Nous n'en sommes pas là, mais avons vraiment l'intention de nous saisir de cette possibilité, car il peut y avoir à l'étranger des expériences réussies dont nous pourrions nous inspirer. Inversement, si certaines idées que nous pourrions avoir s'avéraient avoir échoué dans les pays qui les ont appliquées, mieux vaut le savoir. Une des commissions du Conseil aura, entre autres missions, celle de réfléchir à ces comparaisons internationales, j'insiste sur le fait que la loi permet d'aller assez loin, de lancer des études comparatives dans le cadre de coopérations transnationales, même si notre structure n'a pas vraiment d'équivalent dans les dispositifs d'autres pays. Parmi ces éléments à comparer, il y a notamment ces lancinants problèmes de frontières. M. Denis Piveteau : Je voudrais dire quelques mots de la rationalisation du financement. En établissement, le financement est ternaire, complexe, et repose sur ce paradoxe qui veut que le tarif de soins est bâti à partir de la grille AGGIR, c'est-à-dire d'une analyse de la dépendance des personnes, à quoi s'ajoute un forfait. On pourrait, notamment dans les établissements qui accueillent des personnes lourdement dépendantes, combiner deux outils de mesure, l'un pour la dépendance et l'autre pour la charge en soins. C'est l'un des enjeux du partage des unités de soins de longue durée entre lits relevant du sanitaire et lits relevant d'un médico-social à forte « doctorisation » - pour reprendre l'expression du président du Syndicat national de gérontologie clinique. Il faudrait, pour cela, avoir un meilleur outil de mesure de la charge en soins, comportant au moins quelques gabarits, quelques standards, car la façon dont le forfait est actuellement calculé n'est pas suffisante, ni satisfaisante pour les établissements qui accueillent les personnes âgées dépendantes. Mais il faut savoir que cela ne contribuera pas à simplifier une tarification qui est déjà bien complexe. Donc, prudence ! De vrais progrès sont à faire, par ailleurs, sur les formes alternatives. On n'a pas assez réfléchi aux conditions de prise en charge de l'accueil temporaire, de l'accueil de jour, du transport, ni au lien entre tarification et taux d'occupation. C'est là qu'existe un vrai champ, une vraie demande, qui plus est non révélée, puisqu'en l'absence d'offre elle ne pense pas à s'exprimer. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : J'ai interrogé les autres personnes que nous avons entendues ce matin sur les durées moyennes de séjour dans les établissements, qui sont en train d'évoluer profondément. La question est celle de la qualité de la fin de vie des personnes âgées, de la façon dont on prend en charge leurs derniers mois. Nos dispositifs actuels, construits autour des dernières années de vie, autour du handicap et de la dépendance, sont-ils encore pertinents ? Actuellement, la durée moyenne, en long séjour, tend vers huit ou neuf mois, huit ou neuf mois pendant lesquels on est complètement dans le champ du sanitaire. Cela ne crée-t-il pas une situation nouvelle ? Les questions que nous nous posons ne sont-elles pas des questions périmées, qui datent de dix ans, voire plus ? La question de la fin de vie, celle des soins palliatifs dans les établissements médico-sociaux sont vraiment importantes. Nos financements sont-ils vraiment adaptés ? Il faut absolument que nous progressions dans la connaissance de ces situations. M. Alain Cordier : L'ancien directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) que je suis peut vous confirmer que ces questions sont absolument majeures. Nous ne progresserons que si nous sommes capables de dépasser les frontières institutionnelles, ne serait-ce qu'entre DGAS et DHOS au sein du ministère de la santé. Le poids des personnes âgées dépendantes dans les dépenses hospitalières est très important, aussi bien en court séjour qu'en soins d'urgence. N'oublions pas non plus que, dans « médico-social », il y a « médico », et que la question de la mort est un élément très important, même si, bien sûr, toute mort n'a pas la même signification en termes sanitaires. J'avais développé, à l'AP-HP, des unités mobiles de soins palliatifs. Cela pose aussi le problème de la prise en charge de la mort à domicile, qui suppose une formation accrue du personnel de soins à domicile. C'est un volet qui, dans le budget de la CNSA, bénéficiera d'une attention soutenue. Il y a vraiment place, au-delà des débats institutionnels et financiers, pour un travail très approfondi, visant à mieux appréhender les questions nouvelles que pose à notre dispositif juridique et financier, vous avez parfaitement raison de le souligner, le vieillissement de la population. M. Pierre Morange, coprésident : Messieurs, je vous remercie. Notre mission, qui porte, je le rappelle, sur les établissements médico-sociaux, conclura ses travaux en février 2006. D'ici là, nous aurons reçu, en novembre, le rapport de la Cour des comptes, et, en janvier, celui du Commissariat général du Plan. Les trois auditions de ce matin nous font mesurer l'ampleur de notre ignorance, qui ne fait que conférer à notre tâche une justification supplémentaire, compte tenu de l'enjeu démographique, sanitaire, moral et philosophique auquel la solidarité nationale doit apporter dans un délai très bref des réponses extrêmement concrètes. AUDITIONS DU 20 OCTOBRE 2005 Audition de MM. Jean-Jacques Trégoat, directeur général de l'action sociale (DGAS) au ministère de la santé et des solidarités, Jean-Pierre Hardy, chef du bureau Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Nous avons le plaisir d'accueillir M. Jean-Jacques Trégoat, directeur général de l'action sociale au ministère de la santé et des solidarités, M. Jean-Pierre Hardy, chef du bureau de la réglementation financière et comptable, et M. Serge Canape, adjoint au chef du bureau des personnes âgées à la DGAS. Notre objectif est de comprendre la façon dont évolue le financement des différentes catégories de maisons de retraite. Vos réponses à nos questions permettront de compléter les renseignements très précis que vous nous avez communiqués par écrit. Le nombre des conventions tripartites signées depuis 2001 est-il conforme aux prévisions ? Pourquoi ces conventions sont-elles presque toujours signées en fin d'année ? Pourquoi certaines régions et certains départements rechignent-ils à les signer ? Qui est responsable du suivi de la réforme de la tarification ? Sur ces différents sujets, comment se répartissent les responsabilités entre la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et la direction générale de l'action sociale ? Disposez-vous d'outils pour mesurer la qualité des établissements, dont l'amélioration est le second objectif de la réforme de la tarification, avec le souci d'équilibrage entre les différentes catégories de structures ? L'écart de coût de un à trois que vous évoquez dans les documents transmis concerne-t-il le montant global de prise en charge ou les frais que la personne âgée doit acquitter elle-même ? La réforme de la tarification a-t-elle contribué à réduire les écarts ? M. Jean-Jacques Trégoat : Compte tenu de la précision de vos questions, nous serons peut-être amenés à vous apporter des compléments de réponses par écrit. La direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS), par décision de juillet 2000, avait la responsabilité du suivi statistique, du financement et de l'élaboration d'outils d'information concernant la politique conduite en faveur des personnes âgées. La DGAS avait compétence en ce qui concerne les personnes handicapées, mais nous travaillons en étroite collaboration avec la DHOS ainsi qu'avec la direction de la sécurité sociale, puisque nous élaborons des circulaires budgétaires en commun. Au 1er janvier 2006, la donne changera complètement puisque la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) deviendra le pilote du suivi et de l'analyse de l'hébergement en établissement, des soins et des écarts de tarification, mais aussi de la répartition des établissements sur le territoire. Elle sera en outre chargée de l'adaptation de l'offre à la demande, qui passe par le développement de dispositifs intermédiaires comme l'accueil de jour, l'hébergement temporaire, les soins infirmiers à domicile ou les petites unités de vie. À cet effet, la CNSA sera dotée d'outils informatiques et statistiques qui faisaient défaut à l'administration centrale. Nous signerons prochainement une convention fixant les objectifs assignés à la CNSA pour les cinq ans à venir. Au 1er août 2005, 4 052 conventions avaient été conclues, soit 50 % de l'objectif en nombre de signatures et 60 % de l'objectif en nombre de places. En 2005, 277 conventions ont été conclues alors que l'objectif est de 1 500, mais nous savons que, chaque année, l'essentiel des signatures intervient en novembre et décembre. Cette forte saisonnalité s'explique par le souci des conseils généraux d'engranger un maximum de signatures tout en reportant les financements sur l'année suivante. Au demeurant, les départements et les établissements ont des appréciations différentes par rapport au conventionnement, certains d'entre eux, dissuadés par l'effet de cliquet anti-retour, refusant de s'engager directement. Pour limiter ces comportements dommageables, nous avons émis des propositions tendant à pénaliser ceux qui restent dans l'expectative. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Pouvez-vous citer les départements qui retardent délibérément les signatures de conventions tripartites ? M. Jean-Jacques Trégoat : Nous connaissons les départements dans lesquels peu de signatures ont été enregistrées mais, pour savoir si ce retard est volontaire ou pas, il faudrait que nous consultions les DDASS et les directions départementales des affaires sanitaires et sociales. Toutefois, hormis en Haute-Normandie, où le refus de signer des conventions est caractérisé, le phénomène s'explique par un faisceau de raisons : la situation de l'établissement, l'existence d'avantages acquis qui n'incitent pas à sauter le pas, l'attente de conditions plus favorables, le renvoi à l'année suivante pour reporter l'affectation des crédits ou encore le manque d'effectifs de la DDASS. Nous nous efforçons de tenir compte des spécificités de certaines catégories d'établissements pour lesquels la norme « DOMINIC + 35 » - dotation minimum de convergence, plus 35 % -, qui reste l'objectif général à atteindre, est trop défavorable. Celle-ci a été assouplie pour les petits établissements de vingt-cinq à soixante places, où les coûts fixes sont très élevés, et pour ceux qui accueillent une proportion significative de personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer. J'ajoute que les effectifs des DDASS sont extrêmement contraints, notamment dans l'arc régional nord-est, et que nos collègues, en département, sont mobilisés sur une multitude d'opérations allant de la création de maisons départementales des personnes handicapées à la mise en place des contrats aidés en passant par la valorisation des acquis de l'expérience, sans oublier le plan de climatisation, qui les a beaucoup occupés depuis deux ans. Les conventions tripartites sont certes une priorité, mais elles passent après plusieurs « super-priorités ». Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Nous souhaitons aussi connaître les financements correspondant aux conventions signées. Sont-ils conformes aux prévisions ? M. Jean-Jacques Trégoat : Nous vous communiquerons un document à ce propos. Les crédits engagés étaient de 3,5 millions d'euros en 2000, 45 millions en 2001, 281 millions en 2002, 204 millions en 2003, 235 millions en 2004 et 117 millions en 2005, soit un total cumulé de 886 millions pour un objectif initial de 900 millions d'euros. M. Jean-Pierre Hardy : La saisonnalité des signatures est aussi due à la prédominance du secteur public, qui a tendance à sacraliser l'annuité budgétaire. Il est difficile de convaincre les établissements qu'ils peuvent passer une convention en cours d'exercice ; ils préfèrent attendre le 1er janvier pour répartir la tarification sur les trois sections (hébergement, soins et dépendance) et ouvrir trois comptes de résultat. Les réalités départementales sont extrêmement diverses, avec des doses variables d'établissements privés commerciaux, privés associatifs et publics de différents statuts - maisons de retraite hospitalières ou liées aux collectivités territoriales. Or les établissements privés, commerciaux comme associatifs, ont davantage intérêt à signer une convention car ils sont généralement peu médicalisés. De même, les départements à forte implantation héliotrope, situés sur les rives de l'Atlantique et de la Méditerranée, se caractérisent par un taux de signature supérieur à la moyenne ; il conviendrait de croiser cette donnée avec celle des strates juridiques. Au contraire, les départements comme la Haute-Marne, où la plupart des établissements sont publics, enregistrent peu de signatures, à cause de l'effet de clapet anti-retour. Je note enfin que certains blocages infra-politiques, imputables à des services administratifs, ont été levés il y a quelques mois. L'écart de coût de un à trois signalé dans le rapport de 2002 de l'inspection générale des affaires sociales, de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de l'administration concernait uniquement les soins. Cet écart tend à se resserrer, sous l'effet des conventions tripartites, pour ne plus être que de un à deux. Concernant le coût d'hébergement, les écarts sont beaucoup plus importants. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Avez-vous une idée des écarts concernant le coût qui reste à la charge de la personne âgée ? M. Jean-Jacques Trégoat : Nous disposons seulement d'une enquête, que nous vous transmettrons, portant sur l'hébergement, les soins et la dépendance dans une dizaine de départements. La mission MARTHE - mission interministérielle d'appui à la réforme de la tarification de l'hébergement des personnes âgées -, qui a de facto été reprise par le cabinet du ministre chargé des personnes âgées, n'a désormais plus de raison d'être dans la mesure où la CNSA va prendre en main la coordination du système, l'État conservant évidemment la responsabilité du pilotage et de la définition des objectifs assignés à la Caisse. Cinq ans après les premières signatures, nous bénéficions maintenant d'un certain recul pour évaluer l'effet de conventions tripartites sur la qualité des établissements. M. Serge Canape : D'autant que les conventions les plus anciennes vont bientôt faire l'objet d'un renouvellement et que de nombreuses DDASS ont mis sur pied un processus local d'évaluation de l'amélioration de la qualité. Nous recensons ces initiatives et, pour les homogénéiser, nous créerons avant la fin de l'année un groupe de travail national qui aura pour mission d'établir une grille de quinze à vingt-cinq indicateurs. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Quand rendra-t-il ses conclusions ? M. Jean-Jacques Trégoat : Vraisemblablement à la fin du premier trimestre 2006 car il suffira de compiler et de synthétiser le travail approfondi accompli par les DDASS. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : La réforme de la tarification aura certainement permis de réduire les écarts en ce qui concerne les tarifs de soins et les tarifs dépendance, mais la connaissance des écarts concernant le montant qui reste à la charge de la personne âgée ou de sa famille mérite d'être améliorée. Avez-vous mené des études sur ce sujet ? Le problème est lié à celui de la prise en charge du coût de l'investissement. Les textes identifient-ils clairement un niveau de collectivité responsable des investissements ? M. Jean-Jacques Trégoat : Dans certains départements, les investissements pèsent lourdement sur le coût d'hébergement restant à la charge des personnes. En tout cas, juridiquement, la responsabilité de l'investissement incombe aux départements. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : En vertu de quel texte ? M. Jean-Jacques Trégoat : L'État n'a pas la responsabilité de ces investissements, mais il ne se désintéresse pas du problème pour autant. Il avait décidé d'accomplir un effort particulier au titre des contrats de plan État-région, mais ceux-ci ont pris du retard, comme dans d'autres domaines, et nous nous sommes battus, budget après budget, pour débloquer les autorisations de programme et surtout les crédits de paiement nécessaires. Nous espérons que le taux d'exécution desdits contrats de plan, pour ce qui concerne les équipements en faveur des personnes âgées, atteindra 60 % fin 2005 ; c'est beaucoup par rapport à la tendance passée, mais peu si l'on considère que cette génération de contrats ne court que jusqu'en 2006. Nous avons en outre obtenu de la CNSA un concours de 50 millions d'euros, dont 60 % sont consacrés à l'accélération des contrats de plan, soit, avec les 25 millions prévus par la loi de finances, un total de 55 millions pour tenir notre objectif. Mme Catherine Génisson : Mais d'un point de vue juridique, les investissements relèvent-ils strictement des conseils généraux ? D'autre part, le retard pris dans la concrétisation des contrats de plan État-région - qui participent très largement à ces investissements - est-il imputable à l'État ou aux collectivités territoriales ? Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Le matelas financier de la CNSA sera-t-il consacré à des investissements ? M. Jean-Jacques Trégoat : Une grosse partie des moyens de la CNSA consacrés aux personnes handicapées servira à payer la prestation de compensation tandis que, pour ce qui concerne les personnes âgées, tout dépendra de la montée en charge des créations de places, voire de la médicalisation. C'est précisément la raison pour laquelle la réserve sera sanctuarisée. Mais quel usage en sera-t-il fait ? Si je ne puis préjuger des décisions ministérielles, je constate que le Gouvernement cherche à l'utiliser le plus judicieusement possible. La capacité d'investissement des établissements est freinée par des obstacles de différentes natures. Sur ce dossier très technique, nous ne sommes pas restés passifs et nous avons identifié trois ou quatre pistes de modifications législatives susceptibles de leur procurer des moyens supplémentaires. M. Jean-Pierre Hardy : Le responsable direct de l'investissement - constructions, mobilier, cuisine, etc. - est bien entendu l'établissement, personne morale de droit public ou privé. Cela dit, le département, qui facture l'hébergement - de même que la dépendance, l'État prenant en charge les soins -, tient compte, dans sa tarification, des amortissements et des frais financiers consécutifs aux investissements. Le payeur principal est donc l'usager car celui-ci n'est généralement pas bénéficiaire de l'aide sociale départementale, dans la mesure où il entre en maison de retraite pour cause de dépendance et non plus par manque de moyens comme cela se passait le plus souvent dans les années 1960 et 1970. Lorsque les gestionnaires préfèrent limiter le recours à l'emprunt et réduire les frais financiers, la construction d'un bâtiment neuf se traduit mécaniquement par 4 % d'augmentation du prix de journée, auquel sont incorporés les amortissements et les frais financiers. Une série de mesures vont être prises non seulement pour faciliter l'affectation des excédents d'investissement mais aussi pour réduire l'imputation des amortissements. Étonnamment, la situation financière des établissements n'est pas mauvaise, hormis le haut des bilans, à cause du besoin en investissements. Mais, grâce aux mécanismes de paiement à terme échu, de dépôt et de cautionnement, les établissements publics disposent de quatre-vingt-dix jours de trésorerie, que nous voulons ramener à trente jours en les encourageant à ne plus emprunter. Malgré l'avis négatif de Bercy, nous souhaiterions aller plus loin en autorisant les établissements publics à procéder à des placements financiers dont les revenus alimenteraient l'investissement. Pour dégager de l'autofinancement, il conviendrait également de fixer deux tarifs selon que l'usager bénéficie ou non de l'aide sociale. Le problème de la fiscalité est beaucoup plus délicat : les établissements publics autonomes ne récupèrent pas la TVA sur les constructions, contrairement à ceux dépendant d'un centre communal d'action sociale, tandis que le secteur commercial, en plein développement, bénéficie du régime de loueur en meublé professionnel, très intéressant du point de vue fiscal. La dépendance et les soins sont solvabilisés respectivement par l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et l'assurance maladie. Le véritable enjeu des années à venir est le coût de l'hébergement, qui n'est pas complètement socialisé. Et nous sommes soumis à des contraintes strictes : fixer un tarif plancher serait contraire à la libre administration des collectivités territoriales, et fixer un tarif plafond serait contraire à la liberté du commerce et de l'industrie. Mme Cécile Gallez : En plus des travaux de rénovation classiques, les établissements doivent faire face à des exigences draconiennes en matière de travaux de sécurité. Les foyers-logements, par exemple, ont été classés successivement en type U, en type J puis en type J'. La sécurité est certes nécessaire mais ces contraintes ne sont-elles pas excessives ? Ne serait-il pas envisageable d'accorder des prêts à taux zéro aux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ? Mme Catherine Génisson : Nombre de maisons de retraite, notamment en milieu rural, jouent un rôle fondamental dans la prise en charge locale des personnes âgées, comme elles l'ont prouvé lors de la canicule, sans pour autant respecter les normes définies au niveau national. Les obligations pas toujours compréhensibles et très coûteuses sous lesquelles croulent ces établissements entraînent bien souvent des fermetures pures et simples. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : En quoi les règles de financement applicables aux champs du handicap et des personnes âgées dépendantes diffèrent-elles ? Comment expliquez-vous que le secteur privé à but lucratif, ces dix dernières années, ait été le plus actif dans la création de places d'accueil de personnes âgées dépendantes ? N'est-ce pas dû à l'impossibilité d'identifier dans les textes l'échelon administratif responsable des investissements ? J'insiste également sur le problème des normes sanitaires et de sécurité soulevé par mes collègues. M. Jean-Jacques Trégoat : Ces sujets mériteraient de longs commentaires. Certaines normes sont de nature réglementaire, d'autres de nature législative, voire communautaire. En ce qui concerne la climatisation des maisons de retraite, l'État a imposé une norme par décret et a exceptionnellement financé les dépenses à hauteur de 40 %. En tant que fonctionnaire, je n'ai pas à me prononcer sur le principe de précaution. Ce qui est sûr, c'est que la représentation nationale unanime a jugé pertinent de faire climatiser les établissements pour apporter une réponse au risque de canicule. L'autre levier est l'augmentation du taux d'encadrement qui, grâce aux conventions tripartites, a déjà fait l'objet d'un effort considérable entre 1996 et 2003 puisqu'il a été porté à 0,57. Dès lors qu'apparaissent des enjeux de santé publique, concernant la climatisation, l'amiante, les légionelles ou encore la sécurité électrique, nous nous devons de faire appliquer les normes, y compris lorsqu'elles émanent d'autres ministères comme ceux du logement ou de l'intérieur. Dans la mesure où le foyer-logement se substitue au domicile, nous examinons, avec les ministères de l'intérieur et du logement, la possibilité de réduire les normes qui leur sont applicables, au moins pour une partie des bâtiments, même si les normes J constituaient un progrès par rapport aux normes U. Il s'agit de gagner en souplesse tout en garantissant la sécurité des personnes et des gestionnaires d'établissement, qui ne doivent pas être mis en porte-à-faux. Ce chantier énorme devrait déboucher courant 2006 car nous disposons déjà de la typologie des personnes âgées hébergées en foyer-logement, par groupes iso-ressources et par âge, et nous avons établi l'état des lieux précis du patrimoine : dans quel état se trouvent les bâtiments ? Sont-ils construits en hauteur ? En plusieurs parties ? Seraient-ils facilement convertibles en établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD) ? Je rappelle que ces foyers-logements ne sont pas marginaux puisqu'ils sont au nombre de 3 000 et représentent 153 000 places, soit plus du quart du nombre total d'établissements et près du quart du nombre total de places. La transformation intelligente de foyers-logements en EHPAD ou en structures d'un autre type constitue un enjeu fondamental. Quoi qu'il en soit, je suis favorable à ce que les normes, pour cette catégorie d'établissements, restent très raisonnables ou du moins n'explosent pas. Nous recommandons aussi une harmonisation des critères de contrôle des commissions de sécurité sur tout le territoire national, ce qui requiert, de la part du ministère de l'intérieur, la publication d'un texte producteur de droit. Mme Cécile Gallez : Je confirme que les commissions de sécurité émettent des appréciations très divergentes. Par ailleurs, je préconise pour ma part le maintien d'un nombre élevé de foyers-logements, car ces établissements sont parfaitement adaptés aux femmes qui craignent de rester seules chez elles sans pour autant être invalides. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Sur cette question très importante, la MECSS fera des propositions. Compte tenu de l'heure, je propose que nous vous entendions de nouveau dans les deux mois à venir mais, en attendant, je souhaiterais que vous répondiez à deux questions. Pourquoi le secteur privé a-t-il ouvert tant de places ? En quoi les règles de financement applicables aux champs du handicap et des personnes âgées dépendantes diffèrent-elles ? M. Pierre Morange, coprésident : De quels outils disposez-vous pour, d'une part, apprécier le stock et le flux de places, dans le domaine de la dépendance comme dans celui du handicap, d'autre part, adapter l'offre d'hébergement aux besoins actuels et du futur ? Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Cette question immense mériterait au moins une demi-heure d'échanges ; elle englobe en effet les problématiques relatives aux grilles AGGIR - autonomie, gérontologie, groupes iso-ressources - et PATHOS, mais aussi celle du financement du long séjour. M. Pierre Morange, coprésident : Nous vous remercions de nous fournir des réponses écrites afin que, lors de notre prochaine rencontre, nous puissions approfondir ce sujet. M. Jean-Jacques Trégoat : D'accord. M. Philippe Bas, ministre en charge des personnes âgées, nous a demandé de faire progresser rapidement notre méthodologie pour donner de la hauteur à notre vision. La DGAS s'efforce par conséquent d'établir un continuum de prise en charge, allant du maintien complet au domicile jusqu'au placement complet en établissement, avec tous les cas de figure intermédiaires, afin de tenir compte de la diversification des populations : les personnes à prendre en charge ont en effet de soixante à cent vingt ans, certaines d'entre elles font des allers-retours entre deux systèmes et la dépendance, dans certains cas cliniques, intervient très tôt. Nous fournissons donc des outils au niveau local et celui-ci se les approprie pour répondre à la demande d'hébergement et de soins. Nous avons notamment mis au point un outil très intéressant, les PRIAC (programmes interdépartementaux d'accompagnement de la dépendance), qui permettent de rapprocher les données des agences régionales d'hospitalisation, des directions régionales des affaires sanitaires et sociales, et des schémas régionaux d'organisation sanitaire et sociale, afin de hiérarchiser et de financer les besoins, dans toutes leurs composantes - médecine libérale, médecine hospitalière, etc. Quant à la CNSA, elle sera dotée d'outils destinés à réduire les inégalités et à apporter des réponses plus qualitatives aux problèmes. Ainsi, les services de l'État auront davantage de moyens et davantage de temps pour piloter le système. M. Jean-Pierre Hardy : La législation autorise les établissements à recourir à l'emprunt s'ils ont l'accord de l'autorité compétente, c'est-à-dire du conseil général, pour les maisons de retraite habilitées à l'aide sociale. Au demeurant, toute collectivité, commune, caisse de retraite ou caisse de sécurité sociale, a la possibilité de subventionner des investissements, mais cela n'a aucun impact sur le coût d'hébergement puisqu'il faut alors procéder à des amortissements. Le secteur des personnes âgées est, de fait, soumis au même régime que celui des personnes handicapées, à deux différences près : dans celui-ci, le coût de revient journalier est supérieur, mais la totalité de la dépense est socialisée. Si les opérateurs privés ont choisi d'investir dans l'hébergement des personnes âgées, c'est que la demande, dans ce secteur, est solvable. L'offre s'est donc adaptée, certains grands groupes privés proposant une gamme d'établissements allant de l'Ibis au Hilton en passant par le Novotel, avec des prestations de restauration, des loisirs et des animations identiques. Ils sont en outre intéressés par le régime de loueur en meublé professionnel, qui offre un régime fiscal relativement intéressant et une liberté de prix totale. M. Pierre Morange, coprésident : Nous vous remercions pour ces explications, en espérant vous revoir très prochainement. * Audition de MM. Bernard Cazeau, sénateur, président du conseil général M. Pierre Morange, coprésident : J'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue à M. Bernard Cazeau, sénateur, président du conseil général de la Dordogne, président de la commission politiques sociales et familiales de l'Assemblée des départements de France, et à M. Jean-Michel Rapinat, chef du service développement social de l'ADF. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : La mission cherche à cerner les flux de financement consacrés à l'hébergement des personnes âgées. Aussi aimerions-nous savoir comment vous envisagez le rôle des départements en matière d'hébergement des personnes âgées, quel est le montant de l'investissement réalisé et quel est son niveau selon les départements. Nous souhaitons également connaître l'évolution constatée au cours des dernières années. M. Bernard Cazeau : Aujourd'hui, les départements sont pratiquement chargés de toute l'action médico-sociale, ce qui explique d'ailleurs l'inquiétude des présidents de conseils généraux quant au transfert de recettes. Cela concerne en particulier l'hébergement des personnes âgées, pour lequel, au niveau national, les recettes globales s'établissent à 2,4 milliards d'euros environ. Elles émanent de l'État, au travers du Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (FFAPA), à hauteur de 1,45 milliard, la part des familles et les récupérations diverses représentant 954,9 millions. Mais les départements participent à la prise en charge des personnes âgées pour quelque 2 milliards d'euros et consacrent 3,669 milliards aux dépenses d'APA. Autrement dit, la part de l'État dans la dépense globale est de 30 % et celle des départements de 70 %. On comprend mieux les reproches qui s'expriment : la solidarité nationale et la solidarité locale ne s'équilibrent pas, contrairement à ce qui avait été envisagé lors de la création de l'APA. Encore faut-il ajouter que la part des départements est variable. Si l'on tient compte, hors APA, des aides ménagères et des aides complémentaires, la dépense totale engagée par les départements pour les personnes âgées s'élève à 5,6 milliards d'euros. Sachant que l'ONDAM médico-social pour les personnes âgées s'établit à 4,8 milliards, on constate à nouveau que l'engagement des départements en faveur des personnes âgées est supérieur à celui de l'État, alors même qu'ils doivent aussi faire face à la très lourde charge du RMI, évaluée à 5,2 milliards. On a ainsi une idée de l'action entreprise par les départements en faveur des personnes âgées dépendantes, qu'elles soient maintenues à domicile ou hébergées en établissement. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Notre connaissance des flux financiers consacrés aux personnes âgées est loin d'être parfaite. Des analyses plus détaillées sont nécessaires, ce qui suppose une concertation entre les départements et la sécurité sociale. Ce sera tout l'enjeu des PRIAC, les programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie. Les départements ont donc la responsabilité de l'action sociale en faveur des personnes âgées ; considérez-vous qu'ils ont aussi celle des investissements ? Par ailleurs, comment se justifient les disparités frappantes relevées dans les coûts d'hébergement ? M. Bernard Cazeau : Les investissements sont indispensables et les départements les réalisent pour répondre à la demande de places en établissements. De nombreux départements, sinon tous, font le maximum pour maintenir le plus longtemps possible les personnes âgées à domicile. Ils le font pour des raisons humaines aisément compréhensibles et pour des raisons médicales bien connues, mais aussi parce que le coût du maintien à domicile est incontestablement plus faible que celui de l'hébergement en établissement ; de plus, le maintien à domicile permet de créer des emplois. En Dordogne, la moyenne d'âge des personnes hébergées en établissement est de 85 ans, et l'on ne fête plus les centenaires tant elles sont nombreuses. Cette évolution impose l'augmentation de la prise en charge, qui n'est plus seulement sociale mais qui doit, souvent, être médicalisée. Voilà qui explique l'augmentation non négligeable des coûts, qu'il s'agisse des coûts d'établissement proprement dit ou des frais de personnel, sachant qu'aux personnels soignants s'adjoignent d'autres personnels qui contribuent, par leur participation à la vie des établissements, à retarder la survenue de déséquilibres neurovégétatifs chez les pensionnaires. Je n'ai pas de chiffres précis à vous fournir, car la situation varie du tout au tout selon les départements. On comprendra facilement que le coût du foncier n'est pas le même en région parisienne que dans la Creuse. Or, la dérive du prix du foncier explique pour beaucoup la forte variation des prix de journée. En Dordogne, il est de 43,53 € par jour, soit 1 306 € par mois, zone basse de la fourchette. M. Pierre Morange, coprésident : La tarification de l'hébergement en établissement tient-elle compte de l'amortissement et des frais financiers ? M. Bernard Cazeau : La bonne gestion l'impose, en Dordogne comme dans les autres départements. Pour qu'il en aille autrement, les départements devraient être prodigieusement riches ! Mme Paulette Guinchard, rapporteure : L'ADF dispose-t-elle d'une étude sur les stratégies d'investissement des différents départements ? M. Bernard Cazeau : Nous n'avons pas réalisé d'analyse globale. J'appelle d'ailleurs votre attention sur la nécessaire prudence qui doit prévaloir. La situation des départements varie à de nombreux égards, qu'il s'agisse de leur richesse, du nombre de personnes âgées qui y résident et de l'importance de la dépendance constatée. On compte ainsi de nombreuses personnes âgées dépendantes dans les campagnes du sud de la France, car beaucoup ont souhaité s'établir dans des régions ensoleillées pour y passer leur retraite, en bénéficiant de prix qui leur semblaient plus acceptables qu'ailleurs. Étant donné l'ampleur des disparités, ce serait faire une mauvaise manière aux départements que de prétendre les comparer. Contrairement à mon habitude, je ne donnerai pas pour exemple le département des Hauts-de-Seine, et je me bornerai à demander comment l'on pourrait valablement comparer le budget de l'Essonne avec celui de la Dordogne, de la Creuse ou de la Corrèze. Chacun comprendra qu'une comparaison valide n'est pas possible. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Je cherchais à savoir, sans porter de jugement, quelle connaissance l'ADF a des investissements réalisés par les départements en matière d'hébergement en établissement. M. Bernard Cazeau : Quand cette étude aura été réalisée, on constatera tout au plus que certains départements peuvent faire davantage que d'autres parce qu'ils en ont les moyens. Cela soulignera le besoin impérieux d'une péréquation nationale. M. Pierre Morange, coprésident : C'est la vocation de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), et nous avons bien compris combien la comparaison est malaisée. Pouvez-vous nous indiquer si, dans chaque département, un mécanisme a été créé, tendant à compenser les taux d'équipement les plus faibles par des dispositifs de soins à domicile plus développés ? M. Bernard Cazeau : Pour ce qui me concerne, mon intention n'est pas de transformer la Dordogne en une grande maison de retraite. La population de certains départements compte déjà plus de 40 % de personnes âgés de plus de 75 ans. J'ai dit la volonté générale de maintenir les personnes âgées à domicile le plus longtemps possible, ce qui s'envisage mieux dans les campagnes, grâce à la prise en charge partielle par les voisins, la vie sociale étant plus développée dans les départements ruraux que dans les grandes villes, comme on l'a vu lors de la canicule. Pour autant, la création d'établissements est nécessaire, et les départements construisent lorsqu'il le faut. Pour ma part, j'ai décidé qu'il devrait y avoir un établissement d'hébergement public ou associatif, par canton. C'est à eux que l'aide est réservée, même si cette offre est complétée par une offre privée. M. Pierre Morange, coprésident : On sait qu'à cet égard les stratégies diffèrent selon les départements. Quelle est votre opinion à ce sujet ? M. Jean-Michel Rapinat : La question que vous nous posez est celle de l'offre de services. Il est difficile de la prendre en compte, compte tenu du fait que le potentiel fiscal diffère selon les départements. Nous espérons trouver le moyen de mesurer le niveau moyen de dépendance d'une population sur un territoire donné. Il faudrait, pour adapter l'offre de service, établir un « groupe iso-ressources » moyen pondéré par département. En effet, certains départements cumulent les handicaps : un potentiel fiscal faible, une population dépendante nombreuse et un taux moyen de dépendance très élevé. Voilà pourquoi une péréquation est indispensable. Les départements se sont demandés s'ils allaient plutôt se tourner vers l'offre privée, notamment pour la prise en charge de la maladie d'Alzheimer. Mais tout dépend aussi des offres qui leur sont faites. De même que pour la prise en charge des personnes handicapées, les offres vont parfois du simple au double pour une même population. M. Pierre Morange, coprésident : Comment de tels écarts se justifient-ils ? M. Jean-Michel Rapinat : Par l'histoire de la prise en charge. S'agissant des personnes handicapées, la prise en charge était généralement assurée par des associations. Pour ce qui est des personnes âgées, les établissements n'ont pas tous réagi de la même manière aux évolutions qu'ont représenté la création de l'APA, la réforme de la tarification et la réduction du temps de travail. De plus, on partait de structures existantes dont les modalités de fonctionnement n'étaient pas les mêmes, qu'il s'agisse du personnel ou de la prise en charge proprement dite. La réforme de la tarification a suscité des critiques mais elle a permis de différencier le coût de la dépendance et celui des soins et, ce faisant, d'envisager la question différemment. Toutefois, à ce jour, on a du mal à réduire les différences de coûts et des écarts demeurent en raison de l'hétérogénéité de l'offre de départ. Il en est parfois résulté des tensions entre les départements et les gestionnaires d'établissements, qui ont des arguments à faire valoir. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Le directeur général de l'action sociale, que nous venons d'entendre, nous a dit que la compétence de l'investissement revient au département. Partagez-vous ce point de vue ? M. Bernard Cazeau : La loi nous donne cette compétence, que nous exerçons par le biais de subventions ou par celui du prix de journée. La décentralisation a donné aux départements la responsabilité de l'action sociale, et il est en effet bien davantage de leur ressort que de celui de l'État de traiter ces questions. Encore faudrait-il que deux problèmes en suspens soient réglés. S'agissant de l'APA, la répartition entre la part de l'État et celle des départements devrait être rééquilibrée pour passer de 30 % et 70 % actuellement à 50 % chacun. Pour ce qui est du RMI, son financement devrait être envisagé par le biais d'un impôt plus dynamique ou d'une compensation intégrale. Si ces rectifications étaient faites, les départements seraient parfaitement à même d'assumer l'ensemble de l'action sociale, y compris les investissements, auxquels ils contribuent en fonction de leur richesse respective. Une évolution s'impose, car ces problèmes sont réels. Le conseil général de la Dordogne est sur le point de voter un budget supplémentaire de 2 millions d'euros destiné à couvrir une dépense de RMI excédentaire ; et le département ne compte que 400 000 habitants ! Toute compétence doit être transférée complètement ou pas du tout. C'est d'ailleurs le fait que la prise en charge du handicap soit une compétence partagée qui pose problème. M. Jean-Michel Rapinat : Avant la création de l'APA, les départements étaient principalement préoccupés par la tarification. Actuellement, il s'agit bien davantage d'une approche « qualité » : les conseils généraux recherchent la qualité de la prise en charge. Aussi, une fois réglée la question de la coordination d'ensemble, les autres questions pourront être progressivement traitées différemment. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Certains départements ont choisi l'aide à la pierre. C'est le cas pour la Dordogne, à hauteur de 20 %, et d'autres départements ont décidé d'y consacrer davantage. Savez-vous lesquels, et avez-vous analysé l'impact de l'aide à la pierre sur l'évolution du prix de journée ? M. Bernard Cazeau : Le département de la Dordogne a financé 110 opérations en vingt ans, à hauteur de 50 millions, opérations qui ont suscité pour 200 millions d'euros de travaux. M. Jean-Michel Rapinat : On constate un fort engagement d'un quart au moins des départements, mais il est difficile de le quantifier. Une première phase a consisté à rénover les établissements existants, mais l'on est déjà passé à une deuxième phase. On constate la même implication des départements dans l'investissement en faveur des établissements d'hébergement pour personnes âgées que dans l'investissement en faveur du logement. M. Pierre Morange, coprésident : L'ADF a-t-elle une idée exacte de l'offre complète, ou des éléments d'information peuvent-ils lui manquer ? M. Jean-Michel Rapinat : L'articulation des schémas gérontologiques départementaux grâce au PRIAC permettra l'harmonisation de la planification. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : J'en reviens à l'aide à la pierre et à ses conséquences sur l'aide sociale. L'ADF a-t-elle fait un bilan à ce sujet ? Certains considèrent que plus l'investissement public en faveur de la création ou de la rénovation des maisons de retraite est important, plus la demande d'aide sociale diminue. Mais, pour la DGAS, la réduction de la demande d'aide sociale découle bien davantage de l'augmentation du nombre des personnes âgées dépendantes. Quel est votre sentiment ? M. Bernard Cazeau : Nous constatons en Dordogne que le fait de subventionner l'équipement ne réduit pas la demande d'aide sociale, à la fois parce que les coûts d'investissement augmentent et parce que la tarification ternaire a accru de façon non négligeable les coûts d'hébergement, heureusement compensés par l'APA après que la sécurité sociale s'est désengagée de certaines dépenses. Pour que le volume de l'aide sociale diminue en Dordogne, le conseil général devrait porter l'aide à la pierre à 50 % de l'investissement total. M. Jean-Michel Rapinat : Une étude pourrait être réalisée à ce sujet en partenariat entre l'ADF, la CNSA et l'Observatoire décentralisé de l'action sociale (ODAS). M. Pierre Morange, coprésident : La récupération sur succession a-t-elle un impact sur les finances des départements ? M. Jean-Michel Rapinat : Avec la création de l'APA, nous sommes passés d'une aide sociale classique à une aide sociale universelle. Ainsi, il était envisagé que 800 000 personnes seraient aidées à fin 2005 ; nous en sommes à 900 000 à ce jour. Les recettes sont en baisse et la philosophie elle-même a changé depuis 2002-2003. D'autre part, les personnes actuellement aidées sont âgées de plus de 75 ans ; l'aide qui leur est allouée au travers de l'APA l'est pendant une durée relativement courte, mais il arrive fréquemment que des aides engagées soient versées au-delà de la date des décès. Ces sommes, dont le total est loin d'être négligeable, doivent être récupérées, ce qui prend un certain temps. Le chèque emploi universel contribuera peut-être à traiter différemment l'aide à la personne, et donc à résorber le volume des sommes indues à récupérer. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Le représentant de la Fédération hospitalière de France a proposé d'encadrer les tarifs d'hébergement en fixant un minimum et un maximum au prix de journée. Qu'en pensez-vous ? M. Bernard Cazeau : Les départements estiment que les prix de journée demandés résultent d'une gestion très serrée. D'autre part, ils ne sont pas très favorables à ce qu'on légifère pour leur laisser ensuite le soin de régler l'addition. Ils ne se satisfont pas non plus que l'on prétende que tous les départements seraient dans la même situation, alors que leur hétérogénéité est patente et que les ressources de leur population le sont également. Chacun sait que les pensions agricoles ne sont pas du même montant que celles des salariés en milieu urbain. Chaque président de conseil général doit pouvoir limiter la demande, en assurant une gestion convenable, pour ne pas grever la fiscalité locale. Je ne vois pas comment, sauf à faire une péréquation nationale, on pourrait établir des prix de journée fixes. Or, en matière de péréquation, on sait ce qu'il advient des promesses - on l'a encore vu avec l'APA : quinze départements en ont profité, mais pour ce qui est des autres... Et qui ignore que, dès que l'on parle de péréquation, les départements riches se mettent à hurler ? Il faut tenir compte de la diversité des situations. Vous aurez compris que je ne suis pas favorable à la fixation autoritaire des prix de journée. Je pense, en disant cela, traduire l'état d'esprit de mes collègues, dont certains auraient vraisemblablement une expression moins modérée que la mienne à ce sujet. M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie. AUDITIONS DU 3 NOVEMBRE 2005 Audition de Mmes Dominique Beaumont, directrice de la direction vosgienne M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Dominique Beaumont, directrice chargée des personnes âgées et des personnes handicapées au conseil général des Vosges, Mme Nadine Brulé, chef du service des établissements et de la tarification du conseil général des Vosges, M. Francis Lacoste, directeur de la solidarité du conseil général des Landes, et M. Yves Schaeffer, directeur général adjoint chargé de l'action sociale du conseil général du Nord. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Nous cherchons tout d'abord à bien connaître les modalités de financement des maisons de retraite, au titre de l'aide sociale comme de l'aide à la pierre. Avez-vous mené un travail d'analyse sur ces flux financiers et leur évolution ? Quel est le prix de journée restant à la charge des familles ? Quelle incidence ont les politiques publiques sur ce coût ? Notre deuxième sujet de préoccupation porte sur l'évolution des populations accueillies, en termes d'âge et de durée moyenne de séjour. Mme Dominique Beaumont : Le conseil général des Vosges a le souci d'améliorer la qualité des établissements tout en essayant de maintenir des coûts relativement bas. C'est pourquoi, depuis la décentralisation, nous finançons les investissements à hauteur de 40 %. Les chambres à deux ou trois lits, par exemple, sont maintenant rares, quoique le coût de journée reste raisonnable : le tarif moyen facturé aux usagers est de 38 euros. Mme Nadine Brulé : Notre parc départemental est relativement sain car nous le modernisons et nous le restructurons depuis plus de vingt ans. Nous subventionnons également beaucoup d'animations et de spectacles, dont une petite partie seulement du coût est répercutée sur le prix de journée. M. Pierre Morange, coprésident : Vous avez évoqué un coût moyen. Mais quel est l'écart entre les coûts plafond et plancher ? Par ailleurs, une comptabilité analytique est-elle tenue sur le coût de journée afin de ventiler les différents postes de dépenses et de pouvoir ainsi se livrer à une comparaison de votre politique sociale avec celle des autres départements ? Mme Nadine Brulé : Nous n'avons pas les éléments de réponse en tête mais nous pourrons vous communiquer ces données par écrit. Tous secteurs confondus, le tarif moyen d'hébergement est de 33,45 euros, mais celui-ci est 15 % plus cher dans le privé que dans le public. Les écarts entre établissements sont considérables puisque la fourchette va de 29,14 à 42,22 euros. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Dans votre parc, quelles sont les parts respectives du public, du privé à but lucratif et du privé à but non lucratif ? Mme Nadine Brulé : Les établissements publics sont prédominants. M. Francis Lacoste : Dans les Landes, nous comptabilisons 4 200 lits et soixante-cinq établissements, dont un privé à but lucratif, six associatifs et cinquante-huit publics. Aucun établissement privé n'a été créé depuis la décentralisation. La moitié des structures publiques sont gérées de façon autonome et l'autre moitié par des collectivités territoriales. Le prix de journée moyen tourne autour de 40 euros. Il varie de 30 à 50 euros, les cinq établissements de long séjour, qui représentent 600 lits, étant les plus chers. Nous menons également une politique d'aide à l'investissement dotée de 2,5 millions d'euros par an, soit 15 % du total. Nous remarquons qu'il devient difficile de trouver des financements pour la construction, hormis quelques aides directes, les prêts sans intérêts de la CNAVTS, la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, étant délivrés au compte-gouttes. M. Pierre Morange, coprésident : Quel est le poids des personnes ressortissant de l'aide sociale ? M. Francis Lacoste : Nous en dénombrons 1 500. M. Pierre Morange, coprésident : Comment expliquez-vous que la part des investissements pris en charge par le conseil général soit de 40 % dans les Vosges et de 15 % dans les Landes alors que les prix de journée sont similaires ? M. Francis Lacoste : En ce qui nous concerne, nous ne prenons pas le foncier en compte. M. Pierre Morange, coprésident : Et quel est l'impact du prix du foncier ? Mme Nadine Brulé : Il atteint 15 à 16 euros minimum, hors immobilier. M. Francis Lacoste : Les collectivités locales apportent généralement le foncier viabilisé. M. Pierre Morange, coprésident : Disposez-vous d'une visibilité sur la répartition des différents postes qui structurent le prix de journée ? M. Francis Lacoste : Grossièrement, le personnel revient à 70 ou 75 % et l'immobilier à 10 ou 15 %. Mme Nadine Brulé : Dans les Vosges, pour ce qui concerne l'hébergement, hors dépendance, les charges de personnel sont légèrement inférieures à 70 %. Je pourrai vous fournir la ventilation complète. M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons effectivement besoin de chiffres très précis prenant en compte l'ensemble des paramètres. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Dans certains établissements de mon département, 25 à 30 % du prix de journée est consacré au remboursement des emprunts. Les Vosges et les Landes sont deux des départements où l'aide à la pierre est importante, mais qu'en est-il de l'aide sociale ? M. Francis Lacoste : En 1997, l'aide sociale nous revenait à 14 millions d'euros. Le pic a été atteint en 2001 avec 16,8 millions d'euros. La création de l'APA, l'allocation personnalisée d'autonomie, a fait décroître les dépenses en 2002 et 2003. Toutefois, une nouvelle augmentation a été enregistrée dès 2004, avec 15,5 millions d'euros. M. Georges Colombier : L'APA a été mise sur pied pour le maintien à domicile, l'incidence financière étant moins significative pour les personnes hébergées en établissement. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Je note tout de même qu'elle a servi à faire diminuer la participation des départements au titre de l'aide sociale ! M. Francis Lacoste : Ce n'est qu'un poste budgétaire parmi d'autres... Mme Dominique Beaumont : En 2004, nous avons dépensé 4,44 millions d'euros pour l'aide sociale à l'hébergement - c'est-à-dire hors APA -, au profit de 743 résidents. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Il convient de ramener ces chiffres à la population de personnes âgées. Mais les départements des Landes et des Vosges ne sont-ils pas de taille équivalente ? M. Pierre Morange, coprésident : Si, et leurs structures démographiques sont analogues. Mme Dominique Beaumont : Je précise que nous sommes passés en paiement net, ce qui signifie que nous n'encaissons plus de ressources. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : C'est-à-dire ? Mme Dominique Beaumont : Soit le département règle la totalité du prix de journée puis encaisse les ressources de l'usager, soit l'établissement encaisse lui-même ces ressources, le département ne versant alors que la différence, ce qui est le cas dans les Vosges. La base de calcul est donc différente selon les départements. M. Yves Schaeffer : Le département du Nord compte 293 établissements dont 82 logements-foyers, 21 300 lits et 8 000 personnes relevant de l'aide sociale, soit 30 % de la population considérée. La dépense brute d'aide sociale, en 2005, s'élèvera à quelque 92 millions d'euros, plus 180 millions d'euros au titre de l'APA. Le prix de journée moyen est de 42,46 euros dans les EHPAD, les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, et de 47,60 euros dans les établissements de long séjour. Si l'on ajoute les GIR 5 et 6, ces montants grimpent respectivement à 46,62 et à 51,11 euros. Les écarts absolus sont très importants mais la dispersion est modérée - je pourrai vous fournir les chiffres exacts. Nous menons depuis longtemps une politique de soutien à l'investissement, à hauteur de 40 %, ce qui facilite le bouclage du financement des créations et des restructurations d'établissements. Pour information, en matière d'accueil des personnes handicapées, nous ne prenons en charge que 10 % des investissements, mais les élus réfléchissent à une inflexion de leur politique. M. Pierre Morange, coprésident : Comment expliquez-vous les différences de tarifs avec les Landes et les Vosges ? Par le taux d'aide à l'investissement ? Par le fait que vos établissements sont implantés en zone urbaine ? M. Yves Schaeffer : Le Nord est effectivement un département très urbanisé. Par ailleurs, nous menons un effort important en matière de création d'emplois et de taux d'encadrement. L'instauration de l'APA a eu un impact de l'ordre de trois à cinq points sur le prix de l'hébergement mais le mouvement à la hausse est rapidement reparti, eu égard, en particulier, au renchérissement des coûts de personnel. M. Pierre Morange, coprésident : Quelle est la croissance tendancielle du prix de journée ? M. Yves Schaeffer : Elle atteint un peu plus de 3 % par an. Mme Nadine Brulé : Dans les Vosges, elle est de 2,8 %. M. Francis Lacoste : Nous essayons nous aussi de nous tenir à ce taux. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Les départements des Landes et du Nord prennent-ils également en charge une partie de l'animation ? M. Francis Lacoste : L'animation est un volet important de notre politique. Des emplois jeunes ont été créés puis pérennisés dans ce secteur, un service public d'animation départemental jouant le rôle de centre de ressources et de coordinateur. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Les animations sont-elles facturées dans le prix de journée ? M. Francis Lacoste : Tout à fait. M. Yves Schaeffer : Dans le Nord aussi. Le département encourage la création d'emplois aidés de façon à réduire les coûts. M. Pierre Morange, coprésident : Quel est le profil de l'évolution de la masse salariale ? M. Yves Schaeffer : Les agents recrutés en emploi aidé ne sont pas toujours très stables. Lorsqu'ils s'en vont, nous avons la possibilité de procéder à un renouvellement de poste sur la même catégorie de contrat ou sur une autre. J'indique par ailleurs que le département subventionne des actions spécifiques au titre de sa délégation culture ou de sa délégation personnes âgées. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Quelle est la répartition entre secteurs public et privé ? M. Yves Schaeffer : Nous avons conventionné 171 établissements publics et 101 privés, dont la majeure partie sont à but non lucratif, mais la formule du privé lucratif tend à se développer. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Selon vous, à quelle collectivité incombe la responsabilité de l'investissement ? M. Pierre Morange, coprésident : Ce n'est pas une question piège, mais une question sur laquelle nous nous interrogeons. Mme Dominique Beaumont : Cette compétence n'est ni réglementaire ni législative, mais volontaire : elle procède de la volonté d'offrir des conditions d'hébergement correctes tout en maintenant un coût à la charge des résidents raisonnable. Cela explique que certaines caisses de retraite participent au financement des établissements, avec pour contrepartie des réservations de chambres en faveur de leurs ayants droit. M. Francis Lacoste : Je suis tout à fait d'accord. M. Yves Schaeffer : C'est effectivement, pour l'essentiel, une politique volontariste. M. Pierre Morange, coprésident : L'absence de norme réglementaire ou législative nous renvoie à la réforme de la prise en charge de la dépendance, avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, et les programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie, les PRIAC. Quel regard portez-vous sur cette nouvelle organisation ? M. Georges Colombier : Les associations de familles de résidents n'estiment-elles pas anormal de payer l'investissement, l'établissement n'étant pas destiné à leur appartenir un jour ? Les personnes de condition modeste, qui ont travaillé toute leur vie, y laissent toutes leurs économies, et, dans certains cas, leurs enfants aussi sont saignés. Les sportifs, eux, ne paient pas l'investissement du gymnase dans lequel ils s'entraînent ! M. Francis Lacoste : Nous ne sommes pas interpellés sur cet aspect en particulier. Le prix de journée, en moyenne, atteint 1 200 euros par mois, mais dans les départements ruraux, où les allocataires du minimum vieillesse sont nombreuses, le taux de bénéficiaires de l'aide sociale est élevé. M. Georges Colombier : Les familles considèrent que l'État ou les départements devraient aller plus loin dans le financement des investissements. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Les conseils généraux qui accomplissent un gros effort au titre de l'aide à la pierre rognent-ils sur l'aide sociale ? Les départements ne remplissent-ils pas le vide créé par l'absence de détermination de la compétence ? M. Yves Schaeffer : Si le département développe une politique d'aide à la pierre, c'est précisément pour essayer de maîtriser les tarifs. De fait, les élus reçoivent de plus en plus de critiques ou de questions à propos du coût d'hébergement, lequel, au demeurant, a évidemment un effet direct sur le nombre de bénéficiaires de l'aide sociale. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Nous avons vraiment besoin d'informations sur vos politiques, notamment pour étudier l'évolution des aides. Mme Cécile Gallez : Pourquoi tant de personnes âgées s'installent-elles dans des établissements belges ? Quelle est la différence de coût avec la France ? M. Yves Schaeffer : Les tarifs d'hébergement sont certes un peu plus faibles en Belgique mais bon nombre de prestations y sont facturées en sus. La comparaison doit donc être effectuée de façon très fine, établissement par établissement. La question du prix ne me paraît pas décisive. Si les gens partent en Belgique, c'est aussi à cause du déficit de places d'accueil confortables dans le département du Nord, qui a connu et connaît encore des difficultés sociales et économiques très importantes, et s'est longtemps caractérisé par l'existence de nombreux hospices, notamment dans le secteur hospitalier. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Quels sont le taux d'encadrement global et celui affecté au prix de journée ? Mme Nadine Brulé : Il varie de 0,17 à 0,25 pour l'hébergement et de 0,12 à 0,15 pour la dépendance. Au total, avec les soins, nous arrivons à un ratio de 0,54. M. Francis Lacoste : En moyenne, le taux est de 0,30 pour l'hébergement, de 0,14 pour la dépendance et de 0,15 à 0,17 pour les soins. M. Yves Schaeffer : Les chiffres du Nord sont assez voisins ; je vous les communiquerai. Nous avons créé 800 équivalents temps plein dans le cadre des conventionnements. M. Francis Lacoste : Paradoxalement, les relations avec la CNSA concernent davantage le secteur du handicap que celui des personnes âgées. Mme Dominique Beaumont : Nous n'avons guère de contacts avec la CNSA, si ce n'est pour le financement de l'APA. Nous sommes en phase de transition. M. Yves Schaeffer : Nous n'entretenons de relations suivies avec la CNSA qu'au sujet du handicap, notamment en vue de la création des Maisons du handicap. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Des PRIAC seront-ils élaborés dans vos régions ? M. Francis Lacoste : Nous avons connaissance de la future mise en place du dispositif mais nous n'en savons pas davantage. M. Yves Schaeffer : Le département du Nord continue à copiloter le schéma, malgré les évolutions de la loi. En retour, l'État va nous associer à l'élaboration de son PRIAC. Nous attendons de ce document une plus grande visibilité sur la programmation des crédits d'État. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Comment êtes-vous associés à la mise en place des schémas régionaux d'organisation sanitaire et sociale (SROSS) de troisième génération ? Mme Dominique Beaumont : Dans les Vosges, nous avons participé à un groupe de travail sur la prise en charge des adultes handicapés vieillissants, dans le cadre du SROSS gériatrie. M. Georges Colombier : À ce propos, disposez-vous de structures spécifiques pour les personnes handicapées vieillissantes ? Quelle est votre politique dans ce domaine ? Mme Dominique Beaumont : Nous nous efforçons de proposer des formules le plus souples possible, qui puissent être adaptées à la situation de chacun. Les personnes handicapées restent dans leur structure d'accueil au-delà de soixante ans lorsque les services nécessaires y sont disponibles. Deux de nos établissements pour adultes handicapés ont également ouvert une section maison de retraite. Certaines personnes handicapées vieillissantes entrent directement en établissement traditionnel à leur sortie, par exemple, du CAT - centre d'aide par le travail. Enfin, des mamans âgées entrent en maison de retraite accompagnées de leur enfant handicapé, trisomique ou autre. Ces populations requièrent une prise en charge adaptée, tout comme la catégorie des publics sortant de CHRS - centre d'hébergement et de réinsertion sociale - à l'âge de soixante ans. Le problème mérite une attention particulière car il va se développer. M. Yves Schaeffer : Le conseil général du Nord a été associé aux différents volets du SROSS. M. Francis Lacoste : Celui des Landes a été associé au volet gériatrie, mais pas au volet handicap. M. Pierre Morange, coprésident : La frontière entre le secteur médico-social et celui des personnes âgées n'est pas toujours aisée à tracer, avec l'existence de financements croisés. Quelles zones de chevauchement doivent selon vous êtes clarifiées ? Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Avez-vous été associés, en particulier, à la réflexion sur l'évolution des HAD, les hospitalisations à domicile ? Mme Dominique Beaumont : Nous en avons entendu parler lors de réunions de la filière gériatrique. Il semblerait que le taux d'infirmières libérales et de SSIAD, c'est-à-dire de services de soins infirmiers à domicile, dans les Vosges, soit relativement bas. Il conviendrait de commencer par renforcer les moyens des SSIAD afin de garantir la proximité. M. Francis Lacoste : Nous avons été associés à la mise sur pied du nouveau système d'HAD mais ce dossier est plutôt d'initiative hospitalière. M. Pierre Morange, coprésident : Avez-vous le sentiment de financer des services qui devraient relever d'autres compétences, notamment dans le domaine médical ? Mme Dominique Beaumont : Nous sommes surpris de constater que des personnes en situation de dépendance très forte, qui pourraient prétendre à des soins à domicile, ne bénéficient que d'aides très partielles. Jusqu'où peut aller le travail d'une aide à domicile ? Même si la souplesse permet de répondre à toutes les situations, l'absence de consignes strictes est préjudiciable et nous avons demandé aux CLIC, les centres locaux d'information et de coordination gérontologique, de recenser ces situations difficiles, de manière à bien savoir qui fait quoi. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Les informations données par les CLIC vous semblent-elles fiables ? Mme Dominique Beaumont : Les CLIC sont bien utiles, en matière d'information comme de coordination. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Comment le travail sanitaire et social s'articule-t-il avec celui des médecins généralistes et des infirmières libérales ? Mme Dominique Beaumont : Pour les infirmières libérales, cela fonctionne bien. Pour les médecins généralistes, les CLIC doivent prendre leur bâton de pèlerin et faire le tour de la totalité des médecins traitants. M. Pierre Morange, coprésident : Mme la rapporteure reconnaît son bébé ! M. Francis Lacoste : Des efforts restent à faire du côté du financement du glissement du sanitaire vers le social. Les personnes âgées meurent de moins en moins à l'hôpital et de plus en plus en maison de retraite, où il importe donc de disposer de moyens pour assurer l'accompagnement de fin de vie. Or les économies accomplies par le secteur sanitaire ne se retrouvent pas dans l'escarcelle du secteur social. De surcroît, un déficit en infirmières libérales risque de se faire bientôt sentir dans certaines zones, et la charge de travail sera reportée sur les aides-soignantes ou les auxiliaires de vie sociale. M. Pierre Morange, coprésident : Disposez-vous de chiffres précis sur l'évolution du taux de décès dans les EHPAD et le nombre de jours d'hospitalisation pendant les six derniers mois de vie ? Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Cette question est très importante. M. Francis Lacoste : Le taux de rotation moyen, si j'ose dire, excède 30 % : 1 300 des résidents de nos établissements décèdent chaque année. Dans certains établissements, le renouvellement approche même 50 %. M. Yves Schaeffer : Dans le Nord, le taux de décès atteint 35 %. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Les SROSS comportent tous un volet soins palliatifs. Les ARH - agences régionales de l'hospitalisation -, vous ont-elles sollicités sur cet aspect ? Mme Cécile Gallez : Le nombre de places de jour ou temporaires évolue-t-il, en particulier à l'intention des personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer ? M. Francis Lacoste : Ces deux types d'accueil progressent. Mme Cécile Gallez : Dans quelles proportions ? M. Francis Lacoste : Pas assez rapidement. M. Yves Schaeffer : La prise en charge des soins, dans les EHPAD, reste insuffisante, alors que les durées de séjour à l'hôpital se réduisent et que les personnes de retour dans leur EHPAD ont besoin d'un suivi médical. Des glissements sont-ils opérés vers les volets hébergement et dépendance ? Je note que près de 60 % des GIR sont des GIR 4, essentiellement pour de l'aide ménagère améliorée. S'agissant du domicile, je ne constate pas de glissement au titre de l'APA. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Pouvez-vous nous donner des chiffres complets, y compris en dynamique, sur les quatre ou cinq années ? Je retiens que vous êtes très peu associés aux travaux des ARH alors que les enjeux sont cruciaux. Une personne âgée n'est pas suivie de façon identique selon qu'elle termine sa vie à l'hôpital ou en maison de retraite. Du point de vue de la qualité de la prise en charge, les choses évoluent positivement mais, du point de vue financier, la personne hébergée en maison de retraite paie le prix de journée et non le forfait hospitalier : une vraie inégalité est donc en train de s'installer. Il serait intéressant, par exemple, de connaître le pourcentage de personnes qui décèdent à l'hôpital dans vos départements. M. Georges Colombier : Il convient en effet de réajuster le tir dans la tarification, peut-être en réévaluant la part correspondant à la médicalisation. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Il serait utile que, dans le cadre des dispositions de la loi sur la fin de vie, l'ARH finance les soins palliatifs dans les établissements de personnes âgées. Je regrette que vous n'ayez pas été consultés sur ce point, alors que les SROSS de troisième génération sont en cours d'élaboration. M. Pierre Morange, coprésident : En tant que responsables de terrain, votre expérience vous inspire certainement des suggestions pour simplifier le fonctionnement opérationnel de la prise en charge de la dépendance et du handicap. N'hésitez pas à nous les faire parvenir pour aider le travail du législateur ; le cas échéant, nous pourrons en faire part au pouvoir exécutif en vue d'une mise en application réglementaire, voire leur donner une traduction législative. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Le prêt social location accession, va-t-il réellement disparaître ? M. Francis Lacoste : M. Borloo, si je ne me trompe, a laissé entendre qu'il ne supprimerait pas ce dispositif. Mme Nadine Brulé : Dans notre département, plusieurs opérations sont en passe d'obtenir un PSLA. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Je vous remercie pour ces témoignages d'acteurs de terrain, souvent plus instructifs que les analyses des responsables nationaux. * Audition de Mme Bernadette Coulon-Kiang, directrice générale du centre d'action sociale de la ville de Paris, de M. Alain Ananos, directeur général adjoint des services M. Pierre Morange, coprésident : Je souhaite la bienvenue à Mme Bernadette Coulon-Kiang, directrice générale du centre d'action sociale de la ville de Paris, à M. Alain Ananos, directeur général adjoint des services et directeur général du centre communal d'action sociale de la ville de Besançon, à Mme Marie-Pierre Petitot, directrice du pôle autonomie de la ville de Besançon, et à M. Pierre Benhamou, directeur du pôle senior et directeur général adjoint des actions gérontologiques du centre communal d'action sociale de la ville de Bordeaux. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Nous avons pour objectif d'étudier en profondeur le financement des dispositifs d'accueil de personnes âgées. À cet effet, nous souhaitons que vous nous présentiez vos analyses des flux financiers, des défauts du système et des difficultés que vous rencontrez. Pourquoi l'investissement revient-il si cher dans le prix d'hébergement ? Comment s'organise le lien entre les secteurs médico-social, social et sanitaire ? Comment vos investissements ont-ils évolué au cours des dernières années, en particulier sur la partie hébergement ? Mme Bernadette Coulon-Kiang : Le centre d'action social de la ville de Paris gère treize EHPAD - les établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes - et cent vingt-cinq foyers-logements. Nous avons lancé, en 2001, un plan pluriannuel d'investissement très lourd, d'environ 200 millions d'euros. Il était à l'origine orienté vers l'amélioration des conditions d'accueil et d'hébergement dans les EHPAD, mais la sécurité incendie a pris le pas puisqu'elle absorbera au moins 70 % de l'enveloppe, compte tenu de la nécessité d'appliquer la norme J. Tous les EHPAD sont donc mis aux normes ou en cours de mise aux normes, et nous procédons dans le même temps à l'amélioration du bâti ainsi qu'à l'aménagement d'unités de vie protégée pour les malades d'Alzheimer : 350 nouveaux lits ont été créés en trois ans et notre objectif est d'atteindre 500 lits avant la fin de la mandature. L'âge d'entrée en maison de retraite étant de plus en plus tardif, cette modélisation - quinze ou vingt chambres autour de lieux de vie, rénovation des salles de bains aux normes handicapées, développement de la domotique - vaudra rapidement, me semble-t-il, pour l'ensemble des résidents. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Qui paie ? Mme Bernadette Coulon-Kiang : Le centre d'action sociale et la collectivité territoriale à hauteur d'un tiers chacun, le solde devant être obtenu par le biais de prêts dont la collectivité se porte garante. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Quelle incidence y a-t-il sur le coût à la charge des personnes ? Mme Bernadette Coulon-Kiang : Tous ces travaux doivent être amortis sur trente ans environ ; cela suppose une répercussion sur le prix de journée, c'est-à-dire le prix d'hébergement : nous nous apprêtons à facturer une augmentation annuelle de 5 à 6 %, ce qui n'est pas sans poser de problèmes. Nous avons sollicité le ministère à plusieurs reprises pour qu'il accepte que les subventions de l'État, de la région et de la ville soient considérées comme transférables ou amortissables. M. Pierre Morange, coprésident : À quel titre la région intervient-elle ? Mme Bernadette Coulon-Kiang : Le conseil régional, fin 2004, a pris une délibération pour s'associer aux travaux de rafraîchissement des lieux de vie, mais également aux travaux d'amélioration et de construction des résidences pour personnes âgées, dépendantes ou non. M. Pierre Morange, coprésident : Quel est le prix de journée actuel pour l'hébergement ? Mme Bernadette Coulon-Kiang : Il varie de 55 à 70 euros, le plafond concernant un établissement, appartenant à un bailleur social, que nous louons. M. Pierre Morange, coprésident : Et quel sera l'impact de l'amortissement des investissements ? Mme Bernadette Coulon-Kiang : Il pèsera entre 15 et 30 %, selon les travaux. M. Pierre Morange, coprésident : Cela justifie-t-il une augmentation de 5 à 6 % par an ? Mme Bernadette Coulon-Kiang : Absolument. La masse salariale est relativement faible - 50 % environ, englobant le personnel d'entretien et médical -, mais s'y ajoutent les frais de fonctionnement, notamment le plus gros de la restauration et de la lingerie, ainsi que de gestion et d'administration. M. Pierre Morange, coprésident : Il serait intéressant que nous disposions d'éléments de comptabilité analytique sur le forfait d'hébergement pour être en mesure de dresser des comparaisons pertinentes à partir de paramètres communs. Mme Bernadette Coulon-Kiang : Je vous ferai parvenir toutes ces données. M. Pierre Morange, coprésident : Employez-vous du personnel médical ? Mme Bernadette Coulon-Kiang : Médical et médico-social : infirmiers, aides-soignants, médecins, ergothérapeutes, kinésithérapeutes et, sous forme de vacations, quelques psychiatres. Tout cela représente beaucoup de monde. M. Pierre Morange, coprésident : Précisément, avez-vous dressé des profils de masse salariale pour déterminer les formules d'emploi les plus pertinentes ? Peut-être certains emplois devraient-ils relever d'une autre compétence. Mme Bernadette Coulon-Kiang : La masse salariale relative au forfait soins pèse également sur le forfait hébergement puisque nous en assumons la gestion. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Quelle est la part du foncier dans l'amortissement ? Mme Bernadette Coulon-Kiang : Le foncier n'est pas amortissable. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : J'imagine cependant que vous en tenez compte. Comment se répercute-t-il financièrement ? Mme Bernadette Coulon-Kiang : Dans l'amortissement, nous ne répercutons que les travaux de construction et de restructuration. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Mais qui paie le foncier ? Mme Bernadette Coulon-Kiang : La collectivité territoriale. La construction est entièrement amortissable et, à Paris, elle est très chère : de l'ordre de 15 à 20 % de plus qu'en province, soit 23 à 25 millions d'euros pour un EHPAD, tous frais confondus. M. Pierre Benhamou : À Bordeaux, le coût de construction du lit s'élève à 100 000 euros, hors foncier. Mme Bernadette Coulon-Kiang : À Paris, c'est pratiquement le double. M. Pierre Morange, coprésident : Pardonnez-moi d'insister lourdement mais ce rapport du simple au double me laisse perplexe car, même si les salaires de l'Île-de-France sont supérieurs à ceux des autres régions, les entreprises de province peuvent tout autant participer aux procédures d'appel d'offres. Mme Bernadette Coulon-Kiang : Je vous rappelle que les appels d'offres sont même européens : les quatre grands groupes répondent, créent le marché et fixent les prix, de manière officieuse, notamment à Paris. Les différences tiennent à la difficulté d'implanter et de gérer les chantiers. Cela dit, dans le montant que je vous ai donné, je compte absolument tout : maîtrise d'œuvre, délégation de maîtrise d'ouvrage, révisions et mobilier de premier équipement. Le coût des travaux seul fait tomber le montant à 17 millions d'euros, ce qui représente encore 50 % de plus qu'à Bordeaux. Lorsque nous avons lancé le projet, nous ne pensions pas atteindre de telles sommes mais, lors du dépôt des permis de construire auprès de la préfecture de police, nous avons eu de très mauvaises surprises concernant l'interprétation de la norme J par la commission de sécurité parisienne. M. Alain Ananos : À Besançon, l'application de la norme J représente 500 000 euros par établissement et équivaut à un point de fiscalité, sans réelle valeur ajoutée. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Qu'apporte la norme J ? M. Alain Ananos : Elle sécurise le bâtiment mais n'apporte aucune valeur ajoutée en termes de politique du vieillissement et d'aide à la personne. Les investissements dans les logements-foyers liés à la norme J et aux travaux de confort, lorsqu'ils seront achevés, auront fait passer de 8 à 25 % la part de l'investissement dans la redevance acquittée par les résidents. Je précise que la ville et le conseil général interviennent respectivement à hauteur de 10 % et de 20 %, le reste étant obtenu par des prêts et d'autres interventions publiques. M. Pierre Benhamou : Nous gérons trois EHPAD, seize résidences de personnes âgées - ou RPA - et un logement-foyer. Nous avons pour projet d'investissement principal de transférer à Bordeaux un établissement qui dépend de nous mais est situé sur une autre commune. Cet EHPAD comportera quatre-vingt-dix lits et des possibilités d'accueil de jour. Le volet foncier sera pris en charge par la ville. Pour le reste, le financement de l'opération sera assuré à 40 % par le conseil général, à 20 % par la ville et le CCAS, le centre communal d'action sociale, et à 40 % sous forme d'emprunts, dont les anuités seront répercutées sur le prix de journée, actuellement inférieur à celui de nos deux autres EHPAD - 34,98 euros contre 43 ou 45 euros. La norme J porte essentiellement sur la sécurisation du bâti, la contrainte principale étant la présence de personnel vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce qui n'est pas forcément justifié dans un établissement d'hébergement simple de personnes âgées valides et autonomes. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Quel est le prix de journée dans les logements-foyers? Mme Marie-Pierre Petitot : Le prix de journée moyen de l'hébergement, à Besançon, est de 18,36 euros, sachant que s'ajoutent éventuellement les dépenses liées à la dépendance. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Comment expliquez-vous cette différence assez considérable entre les logements-foyers et les EHPAD ? Est-elle imputable au système de financement ou aux effectifs du personnel ? M. Pierre Benhamou : Pour les logements-foyers, le taux d'encadrement moyen est de l'ordre de seize ETP pour cent places. Pour les EHPAD, il oscille entre cinquante-deux et cinquante-quatre ETP pour cent places. Le différentiel porte donc principalement sur les charges de personnel. Et les logements-foyers présentent la particularité de bénéficier d'une dotation forfaitaire pour les soins. Mme Bernadette Coulon-Kiang : À Paris, le taux d'encadrement est de vingt ETP pour cent places en logement-foyer et peut approcher quatre-vingts ETP pour cent places en EHPAD. M. Alain Ananos : La disparition de la dotation forfait soins, actuellement en débat, conduirait à transférer un coût important sur la collectivité. M. Pierre Morange, coprésident : Pourquoi le taux d'encadrement des EHPAD est-il supérieur à Paris ? Mme Bernadette Coulon-Kiang : C'est certainement historique, puis ce taux a été acté et consolidé dans les conventions tripartites. M. Pierre Morange, coprésident : Peut-être le poids respectif des différentes catégories de personnels - sociaux et médicaux - explique-t-il aussi cette différence. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Normalement, le coût du personnel chargé des soins ne peut être répercuté sur le prix d'hébergement. Quels sont exactement les effectifs affectés au tarif hébergement ? M. Pierre Benhamou : Sur la partie soins, le personnel de l'établissement est complété par l'intervention de professionnels libéraux. Quant à la partie hébergement, elle recouvre principalement les ASH - les agents des services hospitaliers - et le personnel administratif. Mme Bernadette Coulon-Kiang : Ainsi que tout le personnel de l'animation, qui pèse très lourdement chez nous, Paris ayant mis l'accent sur cette dimension. M. Alain Ananos : L'hébergement supporte 70 % du personnel du logement-foyer. Par contre, les activités de prévention du vieillissement, d'ouverture sur le quartier et d'animation ne sont pas prises en charge sur la redevance mais sur le budget principal au titre du développement social. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Avez-vous une idée de ce que cela représente en termes de coût pour la collectivité ? M. Alain Ananos : Nous avons identifié, dans notre comptabilité analytique, le coût de l'action intergénérationnelle, en rassemblant toutes les politiques publiques menées autour de la population âgée, mais une partie de ce coût est comptabilisée dans le volet « action territoriale », car nous nous efforçons aussi de reconstruire un parcours de vie. Pour répondre à votre question, il faudrait que nous consolidions les différents niveaux d'intervention. Je note par ailleurs que nous sommes confrontés à de plus en plus de personnes âgées pauvres, pour lesquelles la question du prix de journée est délicate. Dans les logements- foyers, 45 % de la population déclare des revenus inférieurs à 1 000 euros et plus de 10 % perçoit moins que les minima sociaux. Plus de 10 % des accueils d'urgence concernent des personnes âgées, ce groupe étant le plus concerné après celui des jeunes de moins de vingt-cinq ans. La modernisation et l'adaptation des logements-foyers vont par conséquent se heurter aux contraintes de pouvoir d'achat. Nous rencontrons des situations extrêmement tendues qui nécessitent de demander des exonérations de redevance. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Les logements-foyers n'étant pas admissibles à l'aide sociale, la question de la pauvreté ne se pose pas de la même façon selon les deux types d'hébergement. Quels sont l'âge moyen et surtout le niveau de dépendance constatés dans les logements-foyers? M. Pierre Morange, coprésident : Et la durée de séjour moyenne ? M. Alain Ananos : L'âge moyen d'entrée en logement-foyer est maintenant de quatre-vingt-deux ans. Mme Bernadette Coulon-Kiang : Et de quatre-vingt-six ans en EHPAD. M. Alain Ananos : La durée moyenne de séjour des résidents en logement-foyer- atteint sept ans mais, une fois entrés en établissement spécialisé, leur espérance de vie tombe à trois ou quatre ans. Mme Marie-Pierre Petitot : Le degré de dépendance, qui se mesure au GIR moyen pondéré - le GMP - atteint 185. M. Pierre Benhamou : À Bordeaux, 70 % des résidents des EHPAD sont à l'aide sociale. En RPA, l'âge moyen d'entrée est de soixante-seize ans et l'âge moyen de sortie est de quatre-vingt-cinq ans, le taux d'occupation s'élevant à 94 % dans nos seize établissements. Le GIR moyen pondéré va de 120 à 210. Dans les EHPAD, le GMP va de 700 à 740, ce qui explique également les écarts d'effectifs. Mme Bernadette Coulon-Kiang : Nous constatons les mêmes tendances à Paris : la durée moyenne de résidence est au plus de trois ans, les personnes âgées entrant souvent au-delà de quatre-vingt-huit ans. Par ailleurs, 80 % des résidents sont à l'aide sociale, avec un GMP compris entre 750 et 950. En RPA, l'âge moyen est de soixante-dix ans, mais avec deux types de situations : beaucoup de personnes ayant atteint soixante ans, voire un peu plus jeunes, en situation difficile, anciens SDF, anciens résidents en chambre d'hôtel ou anciens concierges d'immeuble ; des personnes âgées qui arrivent à soixante-dix ou soixante-quinze ans et se sentent isolées. Dans les résidences médicalisées ou les logements-foyers avec section de cure médicale, les patients sont en très forte précarité et éligibles à l'aide sociale. La sortie de section de cure pose d'ailleurs un problème en matière de tarification. M. Georges Colombier : Je suis surpris que 70 % des résidents relèvent de l'aide sociale alors que, dans l'Isère, nous ne recevons presque plus de dossiers de demandes. Vos résidents parviennent-ils à joindre les deux bouts et à régler la facture ? M. Pierre Benhamou : Ce taux de 70 % correspond aux résidents des EHPAD éligibles à l'aide sociale, sachant que le prix de journée y est relativement élevé et que de plus en plus de personnes éprouvent par conséquent des difficultés à l'acquitter. M. Alain Ananos : La précarisation des personnes âgées frappe nos résidents mais aussi les personnes âgées qui restent à domicile. C'est ce qui nous entraîne à mettre en œuvre une politique de développement social en direction du troisième âge en général. Dans les cinq logements-foyers de Besançon, nous commençons à enregistrer des impayés. Mais nous constatons aussi que les liens familiaux et sociaux restent puissants : les deux tiers des résidents reçoivent des visites familiales ; avec les amis et les bénévoles des associations, plus de 75 % de personnes sont entourées. Nous avons complété cette solidarité intergénérationnelle par la création de services de compagnie et de visites à domicile, ce qui permet aussi de procéder à de la redistribution en entrant dans des logiques d'emploi et de développement. M. Georges Colombier : Les résidents des logements-foyers sont-ils obligés de manger en restauration collective, ou peuvent-ils cuisiner dans leur appartement ? M. Alain Ananos : Ils ont le choix. Pour la restauration collective, nous avons également dû mettre nos installations aux normes : nous avons créé une cuisine unique pour l'ensemble des logements-foyers, en adoptant une logique de circuit court et en travaillant avec les producteurs locaux, ce qui nous permet de réduire de douze à six les effectifs de cuisiniers, soit 150 000 à 200 000 euros susceptibles d'être redéployés sur la modernisation. Mais l'investissement supporté par la collectivité se chiffre tout de même à 300 000 euros. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Qui détient, selon vous, la compétence de l'investissement immobilier ? Avez-vous été contactés par les ARH - Agences régionales de l'hospitalisation - à propos de l'élaboration des SROSS de troisième génération sur la gériatrie et les soins palliatifs ? Les dispositifs d'aide au logement individuelle vous paraissent-ils au point ? M. Pierre Morange, coprésident : Quelles suggestions opérationnelles concernant les investissements ou le fonctionnement des maisons de retraite auriez-vous à cœur de voir se matérialiser, par voie réglementaire ou législative ? M. Georges Colombier : Les résidents ou leurs familles critiquent-ils le fait qu'une grosse partie de l'investissement leur est facturée alors que l'établissement ne leur appartient pas ? Mme Bernadette Coulon-Kiang : Si quelqu'un parvient à se retrouver dans le dédale du mode de financement des logements-foyers et des EHPAD, je lui saurai gré d'écrire un livre à ce sujet... Compte tenu du vieillissement de la population, il serait bon que l'État instaure un mode de financement propre pour nous aider à créer de nouveaux établissements et à améliorer les conditions de vie dans ceux déjà existants. D'autre part, je préconise une clarification du système de prêts pour nous aider à choisir la meilleure formule parmi toutes celles qui se superposent - PALULOS, PLUS et PSLA. Je répète que nous essayons depuis un an d'obtenir la confirmation de la transférabilité des subventions. Cela permettrait de les inscrire en recettes dans le budget d'exploitation et ainsi de compenser le coût de l'amortissement. Il est en effet anormal que des citoyens paient en quelque sorte deux fois l'impôt. La transférabilité suppose toutefois que le financeur se réengage lorsque apparaît un nouveau besoin de financement - cela intéresse davantage les collectivités territoriales que l'État, mais celui-ci devrait au moins se sentir concerné. À Paris, nos relations avec l'ARH ont été un peu assombries par la fermeture de lits d'unités de soins de longue durée, par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Nous souhaitons relancer, avec les services hospitaliers, des protocoles HAD et SSIAD pour constituer des plates-formes de soins et d'accompagnement dans les logements-foyers. En ce qui concerne l'hospitalier pur, nous éprouvons beaucoup de difficultés à appliquer les protocoles prévus par la loi dans le cadre du plan bleu, les hôpitaux buttant sur leur pénurie de moyens et de lits. Nous comprenons leur réticence à signer de conventions de réciprocité car ils ne se sentent pas sûrs de les tenir, mais il serait tout de même utile que nous aboutissions. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Le travail avec la DRASS - direction régionale de l'action sanitaire et sociale - dans le cadre du SROSS, est donc allé relativement loin. Quel est l'écho de l'ARH ? Mme Bernadette Coulon-Kiang : L'écho est très favorable sur le principe. Il faut au moins que les établissements deviennent éligibles à l'APL, l'aide personnalisée au logement, car l'ALS, l'allocation de logement social, est très insuffisante. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Il serait utile de calculer le montant total consacré aux personnes âgées par le secteur public, État et collectivités territoriales confondues. Mme Bernadette Coulon-Kiang : En tout cas, les familles ne sont pas du tout d'accord pour subir des augmentations. M. Pierre Benhamou : Je serais tenté de dire que la compétence sur le secteur public immobilier est exercée par les payeurs, c'est-à-dire le conseil général, la collectivité territoriale d'accueil et le public. En tout état de cause, la lisibilité est insuffisante pour que les projets avancent et aboutissent rapidement. Il existe par ailleurs une confusion et même un amalgame entre la problématique du logement social pour les personnes âgées et le problème de la pénurie de logements sociaux au sens large. Il me semble que l'État devrait reprendre la main sur le financement de ce type d'opérations, la multiplicité des sources de financement compliquant l'obtention de crédits. Pour s'insérer dans la programmation pluriannuelle de la DDE, la direction départementale de l'équipement, il faut s'y prendre très tôt. Parallèlement, le conseil général est chef de file sur les investissements et les créations de places. Il serait vraiment intéressant de renforcer la lisibilité du système. Les relations que nous entretenons avec l'ARH sont uniquement de notre initiative. Nous travaillons essentiellement sur l'amélioration des sorties d'hospitalisation, très difficiles pour les personnes livrées à elles-mêmes. Pour éviter les incidents, les sorties d'hôpital doivent être combinées avec la mise en place de services à la personne, notamment pour la restauration. Le réseau ville-hôpital propose quelques embryons de fonctionnement mais rien de bien concret. L'APL est absolument nécessaire. Nous faisons systématiquement passer sous ce régime les établissements réhabilités mais une démarche plus volontariste serait souhaitable. La pression sur la personne âgée est d'autant plus forte que le montant résiduel à sa charge est élevé. L'APL doit donc prendre le relais au niveau le plus bas possible. Les résidents et même leurs familles connaissent relativement mal ce que recouvre le prix de journée. L'important, pour eux, est le montant à payer mais pas forcément sa ventilation. Les familles réclament essentiellement que leurs proches soient pris en charge de façon satisfaisante, avec le meilleur rapport qualité-prix. M. Alain Ananos : Il serait nécessaire que l'État donne une impulsion pour clarifier le mode de financement de la construction et de l'adaptation du logement social. À Besançon, nous modifions les normes pour entrer dans une logique de développement durable et de services autour de la personne maintenue dans son lieu de vie, dans son quartier. Il faut dire que nous bénéficions de la présence d'un institut régional du vieillissement et d'un maillage associatif très dense. Cela nous renvoie directement à la question de la mort de la personne âgée dans son habitat. L'inquiétude des familles porte en effet souvent sur la prise en charge de la fin de vie. J'ignore s'il s'agit d'investissement ou de fonctionnement mais, en tout cas, cela va dans le sens du lien, du vivre-ensemble et de la prévention du vieillissement. Aujourd'hui, tout est axé sur le curatif, avec une surmédicalisation, et l'individu est privé de la dimension vie collective. Mme Marie-Pierre Petitot : Notre CCAS a relativement peu de relations avec l'ARH mais il a été associé aux travaux du SROSS de troisième génération. Nous avons apporté une contribution sur les signaux faibles. D'abord, les personnes en proie à des difficultés psychiques, qui se retrouvent désaffiliées socialement et en très grande précarité, sont très vite confrontées à un problème de logement car elles ne sont pas à leur place dans le parc social ordinaire ; elles entrent donc dans des logements sociaux de type CHRS, des logements-foyers ou des pensions de famille. Ensuite, les logements-foyers constituent également une bonne réponse à la montée de l'isolement social, dans la mesure où ils apportent une sécurité, pas forcément médicale mais sociale. Enfin, nous avons évoqué la nécessité de mettre sur pied des passerelles entre le sanitaire et le social, non seulement pour traiter les sorties d'hospitalisation mais également pour mener un travail au sujet des parcours de vie entre le domicile et le logement adapté. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Quel écho avez-vous reçu de l'ARH ? Mme Marie-Pierre Petitot : Pour l'instant, aucun. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Je vous remercie pour la qualité de vos interventions ainsi que des documents que vous nous avez remis. Celui de la mairie de Paris, en particulier, nous sera d'un grand apport pour notre réflexion sur la problématique du financement du logement. Je vous prierais de nous apporter des réponses écrites sur les thèmes que nous venons d'aborder - notamment la décomposition des prix de journée d'hébergement, l'évolution des aides à la pierre et de la prise en charge par l'aide sociale, la progression du taux d'encadrement, l'application de la norme J, les durées moyennes de séjour et l'âge moyen d'entrée -, mais aussi pour décrire les fonctionnements du système et nous faire des propositions d'évolution. AUDITIONS DU 17 NOVEMBRE 2005 Audition de M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale M. Pierre Morange, coprésident : La MECSS poursuit aujourd'hui ses auditions publiques sur le thème du financement des établissements d'hébergement des personnes âgées en accueillant tout d'abord M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale au ministère de la santé et des solidarités, accompagné de Mmes Sonia Beurier et Céline Lambert. J'indique que M. Philippe Séguin, Premier Président de la Cour des comptes, viendra présenter à la mission le 1er décembre prochain le rapport que la Cour vient de rendre public sur les personnes âgées dépendantes. Je laisse la parole à notre rapporteure. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je commencerai par vous demander si vous disposez des outils permettant de recenser dans les comptes de la nation l'ensemble des financements consacrés aux personnes âgées. Est-on par ailleurs capable d'apprécier le coût réel d'une place en établissement, quel qu'il soit, et de comprendre pourquoi ce qui reste à la charge des personnes âgées ou des familles est aussi important, et pourquoi il existe de tels écarts ? M. Dominique Libault : Au sein de l'administration centrale, la direction de la sécurité sociale (DSS) n'est pas « leader » sur le dossier des établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD), qui relève plutôt de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS). Notre rôle est plutôt de veiller au respect de la loi de financement de la sécurité sociale, donc de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM), en particulier de l'ONDAM médico-social, et à la cohérence des différents acteurs. En effet, la création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) ne doit pas faire oublier que d'autres acteurs concourent au financement public des actions en faveur des personnes âgées, notamment l'assurance maladie et l'assurance vieillesse. À ce titre, la DSS est donc également concernée. Il est évident qu'on n'a pas une bonne connaissance des financements que la collectivité nationale consacre aux personnes âgées. C'est d'ailleurs pourquoi nous étions favorables à la création de la CNSA, dont nous attendons l'émergence d'un pilotage de l'ensemble du système, qui permettrait sans doute d'en améliorer la connaissance. Ce n'est pas chose aisée car il y a beaucoup d'intervenants : départements, caisses de sécurité sociale, CNSA. Si les financements dédiés peuvent être assez facilement repérés, l'exercice est beaucoup plus difficile pour les autres financements, en particulier pour les soins de ville et les personnes à domicile. En effet, l'assurance maladie suit les dépenses de soins de ville à partir du numéro de sécurité sociale, mais elle ignore si la personne est hébergée en établissement ou non. On comprend donc qu'on ait du mal à identifier les soins de ville pour les personnes hébergées. Or, pour optimiser les dépenses, on a bien besoin de les connaître. M. Pierre Morange, coprésident : Comment ne pas s'étonner d'une méconnaissance aussi flagrante alors que la dépendance croît ? Avez-vous des propositions à faire pour que la connaissance progresse ? M. Dominique Libault : Dans son rapport sur les personnes âgées dépendantes, la Cour des comptes traite quand même la question des dépenses d'assurance maladie pour les plus de 75 ans. Elle estime à 7,8 milliards d'euros les dépenses de soins de ville et à 1,6 milliards d'euros celles de l'hospitalisation, soit un total de prestations d'assurance maladie de 9,4 milliards d'euros. On a donc des données, mais nous avons besoin d'un suivi régulier et c'est une des ambitions essentielles des conventions d'objectifs et de gestion (COG) que nous allons conclure avec la CNSA et avec la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Pouvez-vous nous dire quelles dépenses provenant des soins de ville ont été affectées comme prévu à la réforme de la tarification ? Je n'ai pu obtenir aucun chiffre à ce jour. Mme Sonia Beurier : Il y avait eu une estimation au début de la réforme, mais nous n'en avions pas le montant exact, qui ne sera connu qu'a posteriori, par les remontées des directions départementales de l'action sanitaire et sociale (DDASS). On sait que sur le total des crédits affectés à la médicalisation, 190 millions d'euros concernent les soins de ville. Mme Céline Lambert : L'estimation initiale était de 450 millions d'euros sur la totalité du plan de médicalisation des EHPAD. À mi-parcours, on peut donc dire que 20 % des crédits engagés au titre des conventions tripartites sont consacrés à des dépenses précédemment supportées par l'enveloppe soins de ville. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Avez-vous une estimation du montant consacré à une personne âgée dépendante qui vit à domicile, par rapport à la dépense en établissement ? M. Dominique Libault : On ne dispose que d'études très ponctuelles et je souhaite que ce sujet soit une priorité de celles que nous mènerons en 2006, en sachant que les montants engagés varient selon le niveau de dépendance et que nous avons besoin d'une typologie pour comparer les coûts réels. Il faudrait aussi, pour avoir une vue complète, agréger les soins de ville dispensés en établissement et les forfaits. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Faute de tels outils de connaissance et d'analyse, sur quelles bases se prennent les décisions ? M. Dominique Libault : Les décisions se prennent plutôt en fonction de la volonté des personnes âgées et de leurs familles. Nous nous efforçons donc de nous adapter à la demande sociale. Mais je suis d'accord avec vous : pour éclairer les décideurs, il serait bon d'avoir plus d'éléments sur les conséquences des choix qui sont faits. Par exemple, s'il est vrai que, dans un grand nombre de cas, le maintien à domicile est moins coûteux, les choses sont moins évidentes pour les très fortes dépendances. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : La mutualité sociale agricole (MSA) a mené un travail dans son réseau de soins gérontologistes et elle dispose de chiffres. M. Dominique Libault : Il appartiendrait plutôt à la CNAMTS de mener de telles études pour les salariés. Toutes les informations sont dans les caisses, mais, je le répète, la difficulté tient au fait qu'on est incapable de savoir si la personne se trouve ou non en établissement. Pour progresser, il faudrait des enquêtes très spécifiques, que nous pourrions prévoir dans le cadre de la COG. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Disposez-vous de chiffres qui prouvent que répondre au souhait des personnes âgées de rester chez elle coûte moins cher ? Mme Céline Lambert : Tout dépend du degré de dépendance et du besoin de soins de la personne qu'on maintient à domicile. La CNAMTS pourrait vous donner, sur les dépenses cumulées en service de soins infirmiers à domicile (SSIAD), des chiffres qui montrent que le coût moyen des soins est plus élevé qu'en EHPAD. Voilà qui relativise le sentiment général. L'ancien Commissariat général au plan est en train de préparer, en complément de celui sur les besoins de créations de place un établissement, un rapport qui devrait s'interroger sur l'articulation entre offre à domicile et offre en établissement. M. Jean-Luc Préel : Il y a une quinzaine d'années, une étude menée dans le Calvados avait montré que le coût global d'un hébergement en établissement était équivalent à celui d'un maintien à domicile. Le vrai problème c'est que le financement du maintien à domicile incombe pour une bonne partie au conseil général ou à la famille. De ce point de vue, cette usine à gaz que constitue la CNSA va simplement rendre les choses encore plus complexes. Il faudrait donc non seulement que le rapport que présentera la mission explique quels seront les besoins demain, mais aussi qu'il dise comment y répondre. M. Dominique Libault : On a dit que les soins à domicile étaient difficiles à appréhender, mais pour les établissements non plus il n'y a pas un coût unique, et on a aussi besoin d'une typologie. On ne peut pas se situer dans la logique de la tarification à la DOMINIC + 35 - dotation minimum de convergence, plus 35 % - pour tout le monde. Mme Cécile Gallez : Si une personne veut rester à domicile alors qu'elle est très handicapée, cela coûte aussi cher qu'en établissement. Vous avez donc raison : tout dépend du degré de dépendance. M. Pierre Morange, coprésident : On distingue les grosses masses financières affectées actuellement à la prise en charge la dépendance, mais de quels éléments d'analyse disposez-vous à l'horizon de quinze ou de vingt ans ? M. Dominique Libault : Le gouvernement avait demandé au Commissariat général au Plan d'évaluer les besoins en nombre de places d'hébergement pour les personnes âgées dépendantes. Les données fournies dans le rapport qu'il a remis sont les dernières dont nous disposons, mais les fourchettes étant assez larges, elles comportent donc une importante marge d'incertitude. Cela tient à la difficulté à appréhender les conditions de vieillissement de la population. Jusqu'ici, l'espérance de vie sans dépendance a crû beaucoup plus vite que la dépendance, mais les choses peuvent évoluer. Des actions de prévention de la dépendance sont prévues dans la COG de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), et on peut donc penser qu'il sera possible de maintenir plus longtemps les personnes à domicile, d'autant que cela correspond à la demande. À l'inverse, la rénovation des établissements peut aider à vaincre la répugnance des familles à y placer leurs anciens. Tout cela s'inscrit dans les efforts du ministre pour offrir une palette de solutions qui réponde le mieux possible aux besoins des personnes âgées et de leurs familles. M. Pierre Morange, coprésident : À l'occasion d'une précédente audition, Mme Bernadette Coulon-Kiang, directrice générale du Centre d'action sociale de la ville de Paris nous a dit qu'en dehors même du problème du foncier, la construction d'une place en EHPAD revenait deux fois plus cher en région parisienne qu'en province. Comment peut-on expliquer une telle différence ? M. Dominique Libault : Jusqu'à la lecture du compte rendu de cette audition, je n'avais jamais entendu parler d'un écart aussi important et je n'ai pas d'explication. Peut-être faudrait-il adapter la stratégie d'implantation. J'observe pour ma part qu'on a bien du mal à parvenir à une tarification homogène entre les établissements, pour des raisons qui sont parfois compréhensibles mais pas toujours. Or cela pose un véritable problème pour faire respecter l'ONDAM médico-social voté par le Parlement. Cette hétérogénéité des coûts, qui ne s'explique en effet pas uniquement par le foncier ou par les différents publics accueillis, est inquiétante. M. Pierre Morange, coprésident : Qui serait habilité à effectuer une étude sur ce point ? M. Dominique Libault : La CNSA, qui est désormais pilote en la matière. Mais elle n'est pas seule : il y a beaucoup de données à ce propos dans les caisses. M. Pierre Morange, coprésident : Nous aimerions aussi avoir votre analyse des conventions tripartites, de leur évolution et de leur devenir. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Estimez-vous qu'il serait nécessaire de les faire évoluer et sur quels points ? M. Dominique Libault : Cette fois, le pilote est la direction générale de l'action sociale (DGAS) et je sais que vous avez déjà auditionné son directeur, M. Jean-Jacques Trégoat. Je constate qu'on s'émancipe quelque peu des règles du jeu qui avaient été fixées au départ. Sans doute étaient-elles trop rigides au regard de la complexité du sujet, mais à aller trop loin dans ce sens on risque d'arriver à un dispositif trop hétérogène. Je n'ai pas d'explication sur les écarts observés sur le territoire en ce qui concerne la signature de ces conventions. Je sais qu'un certain nombre de conseils généraux sont réticents et que les établissements qui gagnent à adopter la nouvelle tarification sont logiquement les premiers à signer. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Inclurez-vous dans la COG conclue avec la CNSA des dispositions visant à établir une comparaison entre le champ du handicap lourd et celui des personnes âgées lourdement handicapés ? M. Dominique Libault : Cela semble indispensable car la CNSA doit avoir une vision globale des personnes âgées et des personnes handicapées, afin de pouvoir faire des comparaisons qui n'ont pas été possibles jusqu'ici. Pour autant, je ne veux pas prendre d'engagement pour la prochaine COG, car il s'agit d'un sujet très complexe. En effet, le financement des maisons d'accueil spécialisé (MAS), pour lesquelles l'assurance maladie finance tout, y compris l'hébergement, n'est pas comparable à celui des EHPAD. La première étape sera donc de parvenir à une meilleure connaissance afin d'envisager ultérieurement des comparaisons. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Si je vous comprends bien, mieux vaut avoir un accident vasculaire grave à 50 ans, quand tout est pris en charge, qu'à 90 ans, quand on doit payer soi-même une grande partie de l'hébergement. M. Dominique Libault : Mieux vaut ne jamais avoir un tel accident. M. Jean-Luc Préel : Une question très naïve : aujourd'hui les conventions tripartites sont signées par l'État, le conseil général et l'établissement ; puisque la CNSA constituera demain la référence et disposera d'une certaine autonomie, ne serait qu'il pas plus logique que ce soit elle qui signe les conventions en lieu et place de l'État ? M. Dominique Libault : Cette idée d'autonomie n'a rien d'original puisqu'on reprend ce qui existe déjà dans le champ de la sécurité sociale pour la maladie, la vieillesse ou les allocations familiales. Pour ma part, je défends ce système dans lequel l'État détermine les politiques et les caisses gèrent le dispositif. Et, pour être plus naïf encore, je me demanderai pourquoi ce n'est pas l'assurance maladie qui signe ces conventions puisque c'est son argent qui est engagé. On a d'ailleurs réfléchi à une éventuelle modification des règles du jeu au moment de la création de la CNSA, mais on a considéré qu'il y avait suffisamment d'acteurs dans le système pour ne pas déstabiliser l'organisation des conventions tripartites, ce qui aurait rendu les choses encore plus complexes. J'ajoute que la CNSA n'a pas d'implantation dans les départements, qu'elle s'appuie donc sur les services déconcentrés et qu'il ne paraît vraiment pas utile qu'elle dispose de services propres. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Y aura-t-il un lien direct entre la CNSA et les services déconcentrés, ou continuera-t-on à passer par la DGAS ? M. Dominique Libault : Des relations directes pourront s'instaurer, mais le ministre restera le garant de la cohérence de ce qui est demandé à ses services déconcentrés. Ce sera un point de la convention qui sera conclue entre l'État et la CNSA. M. Pierre Morange, coprésident : M. Philippe Bas, ministre en charge des personnes âgées, a annoncé un plan de modernisation de 350 millions d'euros pour les EHPAD et de 150 millions pour les établissements d'accueil des personnes handicapées. Pouvez-vous nous donner des détails concernant les objectifs de ce plan ? J'aimerais également que vous nous indiquiez le canevas de la future COG de la CNSA. M. Dominique Libault : La DSS n'a en rien la responsabilité de gérer ce plan, et je ne puis donc vous donner d'information supplémentaire. La première COG sera très méthodologique, afin de bien cerner le rôle de chacun, de se mettre d'accord sur les chantiers prioritaires, de préciser qui fait quoi et comment sont organisés les services déconcentrés, les études, le suivi financier. Aujourd'hui, faute d'un véritable pilotage financier de cet ensemble, je n'ai pas de visibilité de l'exécution de l'ONDAM médico-social pour 2005. M. Pierre Morange, coprésident : Mais quels seront les objectifs de la COG ? M. Dominique Libault : Pour l'heure, il s'agit plus de mettre en place des outils que de définir des politiques publiques. Je rappelle qu'une réforme importante est intervenue dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale afin d'offrir plus de souplesse dans la création de places. Jusqu'ici, il fallait que les crédits soient disponibles en totalité sur les douze mois de l'année dans l'ONDAM médico-social afin d'éviter que ce dernier soit dépassé. Cette rigidité retardait les réalisations et les crédits étaient sous consommés. L'assouplissement s'accompagnera d'une programmation très précise pour éviter le dépassement. M. Pierre Morange, coprésident : Nous souhaiterions avoir le projet de COG de la CNSA. M. Dominique Libault : Je rappelle que les discussions en cours sont pilotées par la DGAS, mais cela ne devrait poser aucun problème. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je reviens sur le plan de modernisation des établissements qui prévoit 500 millions d'euros : le directeur de la CNSA nous a dit qu'ils étaient pris sur les recettes non dépensées du jour férié. Or, il me semblait que le total 2004-2005-2006 était plus important. Pouvez-vous préciser les chiffres ? Par ailleurs, on constate que la prise en charge sanitaire d'une personne âgée dépendante est assurée par l'assurance maladie et l'ONDAM soins de ville si elle fait appel à une infirmière libérale, et par l'ONDAM médico-social si elle fait appel à un SSIAD ou si elle est en établissement. Une telle hétérogénéité, qui n'est pas sans conséquence, vous paraît-elle normale ? La durée de séjour est en train de diminuer et, en dehors de la maladie d'Alzheimer, on a de plus en plus recours aux établissements pour la fin de vie. Les conseils généraux ont donc plutôt intérêt à privilégier l'hospitalisation à domicile car c'est la sécurité sociale qui prendra tout en charge, alors qu'en établissement c'est à eux ou à la famille qu'incombera le financement. Il y a là une vraie inégalité. Avez-vous travaillé sur ce sujet ? M. Dominique Libault : S'agissant de votre première question, je précise que les 500 millions d'euros correspondent uniquement au montant des réserves non dépensées sur l'exercice 2005. On a créé la double tarification dans les établissements parce qu'historiquement il y avait une part sociale importante à côté de la part sanitaire. Dans la mesure où ils accueillent de plus en plus des gens très dépendants, voire en fin de vie, on en arrive à ce que des situations assez proches soient prises en charge de façon très différente. Des solutions peuvent être recherchées. Il paraît difficile d'envisager un transfert total des EHPAD vers l'assurance maladie. Ce n'est d'ailleurs pas le choix des collectivités locales qui sont attachées à la possibilité de mener une politique globale de proximité en direction des personnes âgées. Mais on peut aussi considérer qu'il n'y aucune raison que les familles soient exonérées de toute participation dans le cadre de l'hôpital. Pour ma part, une participation forfaitaire ne me paraîtrait pas anormale. M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie. * Audition de M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'Union nationale M. Pierre Morange, coprésident : Je souhaite la bienvenue à M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) et de la Caisse d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), ainsi qu'à M. Jean-Marc Aubert, directeur de l'organisation et de la gestion des soins à la CNAMTS. Je rappelle que M. Philippe Séguin, Premier Président de la Cour des comptes, viendra présenter à la mission, le 1er décembre prochain, le rapport public particulier de la Cour concernant les personnes âgées dépendantes, mais notre mission souhaiterait déjà connaître votre sentiment sur l'évaluation de la dépense de soins de ville en faveur des personnes âgées. M. Frédéric Van Roekeghem : Comme vous le savez, le sujet est d'une rare complexité, mais je m'efforcerai de clarifier ce qui peut l'être, non sans avoir rappelé avant toute chose que si l'assurance maladie obligatoire est le financeur principal des interventions auprès des personnes âgées dépendantes, elle n'est pas le gestionnaire principal du dispositif, puisque les décisions sont prises soit par les départements, soit par les agences régionales de l'hospitalisation (ARH), soit par les directions régionales de l'action sanitaire et sociale (DRASS) dans le cadre du conventionnement. Le rapport de la Cour des comptes auquel vous avez fait référence évalue à quelque 9,5 milliards d'euros le financement par l'assurance maladie des sommes consacrées aux personnes âgées dépendantes en 2003, sur un total de 15,5 milliards. L'enveloppe médico-sociale de l'ONDAM permet de constater que les dépenses liées aux établissements d'hébergement pour personnes âgées et aux services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) se sont élevées cette année-là à 3,3 milliards d'euros, dotation en augmentation de 10 % par rapport à l'année précédente. S'y ajoute un montant estimé par la Cour à 2,2 milliards d'euros entre forfaits pour les unités de soins de longue durée (USLD) et subventions indirectes des hôpitaux aux établissements d'hébergement rattachés. Doivent aussi être prises en compte les dépenses de soins de ville, évaluées à 2,33 milliards d'euros - dont 1,1 milliard de soins infirmiers libéraux, 398 millions de médicaments, 239 millions de produits inscrits sur la liste des produits et prestations remboursées et 212 millions de soins de masseurs-kinésithérapeutes. Viennent enfin les prestations hospitalières, pour 1,612 milliard d'euros. Le cumul des forfaits EHPAD, des crédits SSIAD et des dépenses pour soins de ville et hospitalisation conduit donc la Cour à estimer à plus de 9,4 milliards d'euros les dépenses de l'assurance maladie bénéficiant aux personnes âgées dépendantes. La Cour déplore que la réforme de la tarification ne se soit pas accompagnée d'une clarification de la répartition des charges. Il s'agit là de l'organisation générale du système, dans laquelle, je le redis, l'assurance maladie, organisme financeur, intervient assez peu, sinon par le biais de quelques outils de conseil et en négociant avec les fournisseurs de soins que sont les professionnels libéraux. Il ressort du paysage brossé par la Cour des comptes que l'action publique a été très orientée vers les offreurs de soins et assez peu vers les personnes, ce qui explique sans doute en partie pourquoi l'on éprouve tant de mal à distinguer ce qui relève du financement par l'assurance maladie et du financement de la dépendance. Il y a d'évidence une continuité dans la vie des individus, et ce n'est pas parce que l'on devient dépendant que l'on n'a plus besoin de soins ! Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Quelle connaissance réelle a-t-on du financement des soins de ville ? La réforme de la tarification prévoyait un transfert de ces dépenses vers l'ONDAM médico-social ; avez-vous les moyens d'identifier les dépenses qui doivent être ainsi réaffectées ? Plus généralement, comment pourrait-on mieux distinguer ce qui relève de la dépendance et ce qui relève de l'assurance maladie ? Les soins infirmiers sont-ils réglés par l'assurance maladie ou par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) ? Quand peut-on dire d'un individu qu'il n'est plus malade mais dépendant ? Où placer la frontière entre maladie et dépendance ? M. Frédéric Van Roekeghem : Nos financements étant principalement fléchés en fonction des modalités d'intervention de l'offre, nos interventions ne sont pas homogènes sur l'ensemble du territoire ; on constate, par exemple, qu'il y a beaucoup plus d'infirmières libérales dans le sud de la France qu'au Nord. Ce n'est pas sans incidence sur l'offre de soins. M. Jean-Marc Aubert : De fait, dans le Midi, de 80 % à 90 % de l'activité des infirmières est consacrée aux soins aux personnes, pour 10 à 15 % seulement dans le nord du pays. M. Pierre Morange, coprésident : C'est que l'héliotropisme entraîne une grande concentration de personnes âgées au sud de la France. M. Jean-Marc Aubert : La demande de soins techniques ou de soins aux personnes s'organise manifestement en fonction de la disponibilité des infirmières. Dans les départements où l'on ne compte que 40 infirmières pour 100 000 habitants, on ne recense que des demandes de soins techniques, mais là où elles sont 250 pour le même nombre d'habitants, l'essentiel de leur activité consiste en des soins médico-sociaux et non en des soins médico-techniques. C'est un exemple de répartition du financement liée à l'offre de soins. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : A-t-on constaté que dans les départements où les infirmières libérales sont les plus nombreuses, il y a moins de services de soins à domicile ? M. Frédéric Van Roekeghem : Le lien est relativement faible car le manque de coordination est manifeste entre les interventions des personnels relevant du financement au titre des établissements d'hébergement et celles des professionnels libéraux. Dans le domaine médico-social particulièrement, il est nécessaire et urgent de mieux mettre en regard médecine en établissement et médecine de ville, d'autant qu'il y a une continuité évidente entre domaine médical et domaine médico-social. M. Pierre Morange, coprésident : Vous liez donc les disparités régionales constatées à la disparité de l'offre de soins. Cela étant, si les infirmières se concentrent sur les actes techniques, les actes de soins sont effectués par les aides-soignantes, qui deviennent alors des sortes d'infirmières « bis ». On ne peut donc pas dire que l'offre de soins génère la demande. M. Frédéric Van Roekeghem : Partout où l'offre de soins infirmiers augmente, on constate une modification de la nature des actes, dont la plus grande partie est alors consacrée aux soins. De ce fait, actuellement, la prise en charge des personnes âgées dépendantes n'est pas homogène sur l'ensemble du territoire parce que la répartition des infirmières libérales ne l'est pas. Si on pense qu'il faut veiller à l'égalité de traitement, on doit constater qu'elle n'est pas assurée aujourd'hui. M. Pierre Morange, coprésident : Si je vous ai bien entendu, l'affectation des enveloppes budgétaires est structurée en fonction de l'offre de soins et non en fonction des besoins des patients. À quelles recommandations vous conduit ce constat ? Comment améliorer l'adéquation de l'offre aux besoins des personnes dépendantes ? M. Frédéric Van Roekeghem : Si la CNAMTS se réorganise, c'est précisément pour se réorienter vers ses assurés. Il convient en premier lieu de procéder à une meilleure analyse médico-économique de la consommation de soins selon les pathologies pour tenter de rationaliser l'offre de soins. Il faut aussi favoriser l'accompagnement à domicile ou la création de structures légères lorsque c'est possible, pour pouvoir, à terme, mieux spécialiser les établissements. M. Pierre Morange, coprésident : Quand procéderez-vous à l'analyse médico-économique que vous présentez comme le préalable indispensable à toute rationalisation ? M. Frédéric Van Roekeghem : La création de la CNSA conduira à définir qui est le pilote. Ce sera une bonne chose car la multiplication des intervenants nuit à l'efficacité générale des dispositifs. Selon moi, priorité doit être donnée au développement de la connaissance médico-économique de la partie des dépenses consacrée aux soins. M. Pierre Morange, coprésident : Nous en sommes bien d'accord, mais comment comptez-vous vous y prendre ? M. Frédéric Van Roekeghem : Une étude complète ayant été menée à ce sujet dans la région Midi-Pyrénées, nous savons quels sont les coûts globaux et la répartition des dépenses en fonction des grandes pathologies. Nous avons obtenu de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) l'autorisation d'étendre cette étude à l'ensemble du territoire ; elle sera entreprise au 1er trimestre 2006. Nous vous transmettrons ces deux études. M. Pierre Morange, coprésident : Il nous serait utile de prendre connaissance de la première étude. Est-elle d'ordre statistique ? M. Frédéric Van Roekeghem : C'est une photographie. Mais le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie nous incite à évoluer en ce qui concerne la dépendance. M. Pierre Morange, coprésident : Vous aurez compris que nos questions tendent à évaluer les moyens qu'il faudra mettre en œuvre, avec l'implication que cela aura sur l'assiette du financement. M. Frédéric Van Roekeghem : Le problème est qu'actuellement, peu nombreux sont ceux qui se préoccupent de croiser la question de l'accompagnement des personnes malades ou dépendantes et celle de l'optimisation des moyens financiers collectifs. C'est ce que nous souhaitons faire. Nous nous inspirerons des travaux du Haut-Conseil - et vous savez sans doute que Mme Dominique Polton a été récemment nommée directrice de la stratégie des études et des statistiques de la CNAMTS. Il s'agit de construire une vision prospective intégrant à la fois l'évolution du nombre de personnes susceptibles d'être prises en charge au titre de la dépendance et celle des traitements médicaux. Ce sont des travaux de long terme indispensables, car l'assurance maladie doit recentrer sa réflexion sur ses assurés et gérer de manière beaucoup plus active les protocoles de soins. C'est ainsi que j'envisage le pilotage général. Lorsque des personnes sont en établissement, elles sont prises en charge globalement. Mais lorsqu'elles restent à leur domicile, de nombreux services interviennent, dont le coût repose pour beaucoup sur les familles. Pourtant, à domicile comme en établissement, les personnes âgées veulent des aides soignantes lorsqu'elles en ont besoin, des soins par un kinésithérapeute si nécessaire et, le cas échéant, la visite de leur médecin traitant. On peut légitimement s'interroger pour savoir si la distinction des sources de financement, aussi nécessaire soit-elle par souci de clarification, a un sens pour la personne elle-même. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Votre réflexion a-t-elle porté sur l'évolution des dépenses rapportée à celle de la qualité de la prise en charge ? La mutualité sociale agricole (MSA) a fait une étude poussée à ce sujet ; qu'en est-il de la CNAMTS ? Sur un autre plan, la durée moyenne de séjour dans les maisons de retraite diminue et le nombre des décès augmente dans les EHPAD, ce qui signifie que les établissements ont, de plus en plus, la charge de la fin de vie. Certaines des dépenses engagées dans ce contexte ne devraient-elles pas être prises en charge par l'assurance maladie ? M. Jean-Marc Aubert : La CNAMTS n'a pas réalisé d'étude équivalente à celle de la MSA car nous avons centré nos travaux sur d'autres sujets pour éviter les redondances. M. Frédéric Van Roekeghem : J'ajoute qu'étant donné l'âge de la population qu'elle couvre et son implantation, la MSA est particulièrement bien placée pour réaliser une telle étude. Pour ce qui est de la durée moyenne de séjour en établissements, il est exact que les EHPAD accueillent une proportion croissante de personnes âgées classées en GIR 4. C'est logique puisque les gens, souhaitant rester chez eux le plus longtemps possible, intègrent les établissements de plus en plus tard. Il est vrai que de ce fait le problème du suivi de la fin de vie se pose, mais l'assurance maladie n'est pas la mieux à même de juger si les financements accordés aux EHPAD sont adaptés à cette évolution. Tout ce que je puis dire, c'est que l'effort de la collectivité a augmenté dans de très fortes proportions : les crédits destinés aux EHPAD ont augmenté de plus de 10 % entre 2003 et 2004, et ce rythme sera tenu, voire amplifié, en 2005. Mais cet effort très important est-il pour autant globalement efficace ? Puisque l'on connaît le souhait des personnes âgées de rester à leur domicile le plus longtemps possible, l'offre de soins qui leur est proposée est-elle appropriée ? On constate que certains pays étrangers privilégient nettement l'hospitalisation à domicile plutôt que l'hébergement dans un établissement. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Comment se répartissent les charges de personnel dans les établissements pour personnes âgées entre l'assurance maladie, ce qui relève de la dépendance et ce qui est couvert par la personne elle-même ? M. Frédéric Van Roekeghem : Comme vous le savez, des clés forfaitaires ont été instituées. Il reste à savoir si les établissements disposent d'une comptabilité analytique suffisamment précise pour vérifier si les dépenses ainsi définies correspondent aux dépenses réelles. Aucune consolidation nationale n'a été faite à ce sujet, mais je me renseignerai pour savoir si certains établissements se sont livrés à une telle analyse. Mme Cécile Gallez : S'agissant des soins à domicile, exige-t-on toujours une forte part de soins infirmiers et de kinésithérapie pour intervenir ? Par ailleurs, quelle est la répartition des coûts selon qu'il s'agit de logements-foyers ou d'EHPAD ? M. Jean-Marc Aubert : L'assurance maladie n'a pas un rôle de gestionnaire. Ces données relevaient de la direction générale de l'action sociale (DGAS) jusqu'au 1er janvier dernier ; elles relèvent désormais de la CNSA. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Plusieurs responsables de centres communaux d'action sociale (CCAS) s'interrogent sur les modalités de financement des logements-foyers, se demandant ce qui est préférable, du forfait soins ou du recours aux professionnels libéraux. On sait que plusieurs pays étrangers préfèrent faire appel aux professionnels libéraux et n'ont pas de personnel à demeure. Quelle est votre opinion ? Le sujet est-il débattu dans les Caisses régionales d'assurance maladie (CRAM) ? M. Frédéric Van Roekeghem : On peut effectivement se poser la question des modalités de financement des logements-foyers au regard de la nouvelle tarification et des besoins de médicalisation - bien que les résidents des logements-foyers ne soient pas dans le même état de dépendance que ceux qui intègrent les EHPAD. Je n'ai connaissance d'aucune étude à ce sujet. M. Jean-Marc Aubert : Le problème est celui de la coordination des soins. Pour les personnes faiblement dépendantes, il faudrait faire évoluer les choses pour privilégier un système de santé mieux coordonné, comme par exemple en Angleterre, pays dans lequel le médecin traitant se charge de l'ensemble du suivi de son patient, les pathologies les plus lourdes mises à part. La généralisation du médecin coordinateur est une bonne chose, mais il est aussi nécessaire de renforcer le rôle du médecin traitant, autrement dit, de privilégier la coordination des soins dans le cadre ordinaire. M. Frédéric Van Roekeghem : La création de la CNSA répondait au besoin qu'un organisme couvre ce champ-là, mais il faut une interface. On en revient à la question initiale : le système n'est-il pas trop orienté vers l'offre de soins et insuffisamment vers l'accompagnement des personnes, qu'elles dépendent de l'assurance maladie ou du financement par les départements ? Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Certaines unions régionales des caisses d'assurance maladie (URCAM) ont étudié la consommation médicamenteuse des personnes âgées dans les EHPAD. Quel bilan pouvez-vous dresser à ce sujet ? M. Frédéric Van Roekeghem : C'est un dossier prioritaire car, en matière de prévention, nous avons deux objectifs : la lutte contre le risque iatrogène et la vaccination antigrippale. Nous sommes en cours d'élaboration, avec nos médecins conseils, d'un plan d'amélioration de la consommation médicamenteuse par les personnes âgées dans les établissements d'hébergement. L'aide des médecins traitants sera nécessaire ; ce sera donc l'un des thèmes de la prochaine négociation conventionnelle. Les médecins coordinateurs peuvent mieux réguler la consommation médicale dans chaque EHPAD. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : L'institution des médecins coordinateurs a-t-elle permis de mieux maîtriser la consommation de médicaments ? M. Jean-Marc Aubert : Nous ne disposons d'aucune étude nationale à ce sujet, mais peut-être certaines URCAM ont-elles réalisé des travaux spécifiques. M. Frédéric Van Roekeghem : Nous vous transmettrons, si vous le souhaitez, les conclusions du groupe de travail de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) conduit par M. Pierre Deloménie sur la prise en charge des médicaments dans les maisons de retraite médicalisées. Il se dit en particulier favorable à la réintégration d'une partie des dispositifs médicaux dans le forfait soins. M. Pierre Morange, coprésident : Une des conséquences des conventions tripartites est que les professionnels libéraux ont quitté en masse les EHPAD où ils exerçaient auparavant. Comment expliquez-vous cela ? M. Frédéric Van Roekeghem : Certains médecins libéraux se plaignent que les conventions ont favorisé le salariat plus que leurs interventions, ce qui n'est pas totalement faux. M. Jean-Marc Aubert : Nous n'avons pas de connaissances précises sur la manière dont les soins sont assurés dans les établissements : une fois le forfait alloué, nous ne savons pas s'il financera des salariés ou des libéraux. Mais le phénomène que vous avez décrit nous a été rapporté. M. Pierre Morange, coprésident : C'est même un phénomène massif, et le procédé n'est pas très élégant envers des professionnels qui accomplissaient jusqu'alors un travail remarquable. Il serait d'ailleurs bon de pouvoir comparer les deux périodes pour savoir si le nouveau système est aussi rationnel qu'on le pensait en l'instituant. L'assurance maladie a-t-elle gagné à la réforme ? Surtout, le patient bénéficie-t-il d'une qualité de soins égale ? M. Jean-Marc Aubert : Nous n'avons constaté aucune rupture dans l'évolution des dépenses de soins. M. Pierre Morange, coprésident : Selon certaines informations qui nous sont parvenues, depuis que les forfaits ont été institués, des actes infirmiers sont effectués par des aides-soignantes qui n'en ont pas la compétence. Est-ce exact ? Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : La présence, dans les EHPAD, de différentes catégories de personnels de santé est source d'incohérence dans la qualité des soins et dans la consommation médicamenteuse. La présence d'un médecin coordinateur devait permettre d'améliorer cette situation. Dans ce domaine, la plus grande prudence est de rigueur. M. Frédéric Van Roekeghem : Je le redis : l'assurance maladie n'a aucun pouvoir de tutelle sur les établissements médico-sociaux, et c'est seulement en raison de nos relations avec nos partenaires libéraux que nous savons qu'ils se plaignent de la substitution du salariat à leurs interventions. Quant à savoir si le nouveau système est efficace, c'est à la DGAS qu'il revient de le dire, car nous n'avons aucune légitimité pour conduire de telles études. L'État dispose des données nécessaires, c'est à lui de les produire. L'assurance maladie n'a aucun moyen de savoir comment les dépenses se répartissent au sein des établissements ; seuls leurs gestionnaires le savent. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Le problème est que de plus en plus d'agents de service hospitalier (ASH) font des actes infirmiers. Avez-vous des éléments permettant de confirmer que des actes infirmiers sont réalisés par des gens qui ne sont pas formés pour cela ? M. Jean-Marc Aubert : L'assurance maladie ne dispose pas d'informations à ce sujet et n'a pas la compétence légale qui lui permettrait d'en avoir. M. Pierre Morange, coprésident : Il serait toutefois intéressant de comparer les prescriptions au cours des deux périodes pour savoir si les actes prescrits sont effectivement réalisés par des personnels compétents, qu'ils soient salariés ou libéraux. M. Frédéric Van Roekeghem : Je partage sans réserve votre préoccupation mais, contrairement à la DGAS, nous n'avons ni la compétence requise pour procéder à la comparaison que vous souhaitez, ni de pouvoir de tutelle sur le contrôle des actes, ni de données sur la répartition entre infirmières et aides soignantes et entre intervenants salariés et intervenants extérieurs. M. Pierre Morange, coprésident : Nous interrogerons donc la DGAS. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Combien de personnes travaillent sur l'accompagnement des personnes âgées à la CNAMTS, au niveau national ? M. Jean-Marc Aubert : Deux ou trois personnes, si l'on est optimiste. M. Frédéric Van Roekeghem : La réorganisation en cours tend à corriger la disparité entre les priorités et la répartition des moyens dans les établissements de tête. L'assurance maladie dispose de ressources humaines importantes, mais elles doivent être réorientées vers les assurés plutôt que vers les offreurs de soins. M. Pierre Morange, coprésident : À quel stade en êtes-vous de l'élaboration de la convention d'objectifs et de gestion de l'assurance maladie ? Les recommandations de la MECSS y seront-elles bien reprises ? M. Frédéric Van Roekeghem : Le conseil de la CNAMTS fixera, en décembre ou janvier, ses orientations pour la négociation de la COG qui aboutira en mars. Nous avons pris connaissance des recommandations de votre mission. Actuellement, nous consultons les directeurs de caisse primaire pour recueillir leurs propositions sur l'évolution du réseau afin de préparer le projet d'orientation qui sera prêt le mois prochain. Nous tiendrons compte de vos recommandations dans l'élaboration de ce projet. M. Pierre Morange, coprésident : Nous souhaitons que le délai de réponse de deux mois à nos recommandations soit respecté. Notre mission ne se réunit pas uniquement pour auditionner : elle souhaite voir déclinées les mesures issues de sa réflexion tendant à améliorer le système de sécurité sociale français. Nous le voulons d'autant plus que nos recommandations ont été adoptées à l'unanimité par la mission. Nous souhaitons donc qu'elles constituent l'ossature de votre COG. M. Frédéric Van Roekeghem : Le délai de deux mois sera respecté et nous vous répondrons par écrit avant que les négociations s'engagent avec les partenaires sociaux. M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie. * Audition de MM. Michel Peltier, directeur régional des affaires sanitaires et sociales d'Île-de-France, Christian Meurin, directeur départemental des affaires sanitaires M. Pierre Morange, coprésident : Je vous souhaite à tous la bienvenue et je donne immédiatement la parole à notre rapporteure. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : L'objet de notre mission est d'abord de bien comprendre le financement de l'ensemble du dispositif médico-social et sanitaire en faveur des personnes âgées. Nous cherchons en particulier à approfondir la question du coût de l'hébergement en établissement et nous nous demandons si les personnes âgées et les familles vont pouvoir continuer à le supporter. J'aimerais comprendre pourquoi on est arrivé à de tels montants, en dépit de la réforme de la tarification. Je commencerai par quelques questions : - Comment analysez-vous votre rôle de DRASS et de DDASS en matière d'hébergement des personnes âgées ? - Quels sont, au sein de vos directions, les effectifs affectés à la prise en charge de la dépendance ? - Quel est l'état des lieux, dans vos territoires respectifs, en ce qui concerne le nombre et la qualité des places d'hébergement pour personnes âgées ? - Est-il possible de connaître le montant des financements affectés à la prise en charge de la dépendance ? - Quels moyens mettez-vous en oeuvre pour améliorer la connaissance dans le champ sanitaire comme dans celui des établissements médico-sociaux ? - Quelle est votre politique en matière d'amélioration des taux d'équipement en maisons de retraite dans vos régions respectives ? M. Michel Peltier : La DRASS a d'abord un rôle de répartition de l'enveloppe régionale des crédits de l'assurance maladie en enveloppes départementales. Cette répartition doit s'appuyer sur une connaissance des besoins et sur une logique de programmation. La connaissance des besoins est assez difficile, les paramètres démographiques étant les plus accessibles. En Île-de-France, nous avons un important effort de rattrapage à faire, notre taux d'équipement étant sensiblement inférieur à la moyenne nationale. Si nous voulions que notre région soit équipée selon le même standard que l'ensemble des régions françaises, il nous faudrait créer 8 000 places en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et en unités de soins de longue durée (USLD). Et, si on considère que le nombre de personnes âgées doublera d'ici 2030 et que le nombre des personnes dépendantes augmentera dans une proportion moins importante, ce sont au total 21 000 places qui seront nécessaires. On observe par ailleurs que le taux d'équipement varie du simple au double entre le centre et la périphérie, essentiellement en raison du coût du foncier. Certains départements se sont beaucoup investis, d'autres moins. Le rôle de la région est d'essayer d'équilibrer les réponses sans se contenter de suivre l'initiative des promoteurs, d'autant qu'on observe que les projets de création sont plus nombreux dans les départements qui sont déjà les mieux équipés. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Certains départements versent-ils une aide à la pierre importante ? M. Michel Peltier : Je l'ignore. Ces dernières années, les moyens ont beaucoup augmenté : de 2002 à 2005, l'enveloppe médico-sociale en Île-de-France a progressé de 52 %. Sur les crédits de l'assurance maladie, l'investissement en faveur des personnes âgées a été très important. Nous allons disposer, grâce à la loi récente sur le handicap, d'un outil essentiel : le programme interdépartemental pour la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées (PRIAC). Ce travail de programmation sera effectué en étroite concertation avec les collectivités territoriales et les autres acteurs, notamment les agences régionales de l'hospitalisation (ARH), afin de renforcer la synergie entre ce qui se fait dans le champ hospitalier et dans le champ médico-social. Il permettra de densifier l'offre, de la rééquilibrer territorialement et de l'adapter aux besoins des personnes âgées. Si on suit la tendance des promoteurs, on a des projets situés majoritairement dans les départements les mieux équipés, tournés plus vers la prise en charge de la dépendance moyenne - alors que nous souhaiterions orienter les prises en charge institutionnelles vers la dépendance lourde - et concernant en majeure partie le secteur privé à but lucratif sans habilitation à l'aide sociale, ce qui risque de poser des problèmes d'accès aux établissements pour certaines personnes âgées. Nous avons aussi la volonté d'accompagner les évolutions de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), qui a pour objectifs de se recentrer sur les soins et de moderniser ses unités de soins de longue durée. Et nous sommes engagés dans un programme de création de places pour compenser les pertes de capacités que vont entraîner ces restructurations. Des mouvements de crédits sont déjà en cours entre l'enveloppe AP-HP et l'enveloppe médico-sociale d'Île-de-France. Le ministre de la santé a nommé une chargée de mission, Mme Hélène Gisserot, afin de mettre en œuvre concrètement cette stratégie de compensation. Pour répondre à une autre de vos questions, j'indique qu'au sein de la DRASS d'Île-de-France, sur un total de 300 personnes, 3,5 à 4 équivalents temps plein s'occupent du secteur des personnes âgées. M. Pierre Morange, coprésident : Avez-vous pu, à l'occasion de la compensation des suppressions de lits à l'AP-HP, établir une comparaison entre le coût d'une reconversion est celui d'une création ex nihilo ? M. Michel Peltier : D'un point de vue budgétaire, nous entendons aller au-delà de la stricte compensation de la fermeture de lits. C'est la taille même de la structure AP-HP qui conduit à un niveau de tarification assez élevé et, avec les montants transférés, nous devrions pouvoir créer 1 200 à 1 500 lits pour 800 suppressions. Mais il m'est difficile d'être plus précis car nous ne sommes qu'au début du processus. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Les EHPAD seront appelés à supporter les charges de personnels jusqu'ici assumées par l'assurance maladie. Cela signifie qu'il y aura moins de personnel pour accompagner les personnes âgées car sinon le budget sera insuffisant, sauf à considérer que l'AP-HP est vraiment très mal gérée. En fait, je crains que ces charges supplémentaires n'incombent aux conseils généraux et aux personnes âgées elles-mêmes, alors que le coût d'hébergement est déjà très élevé en région parisienne. Dans ces conditions, vous pourrez facilement créer de nombreuses places... M. Pierre Morange, coprésident : C'est un sujet important car, avec l'évolution du parc hospitalier, l'investissement va être de plus en plus à la charge des patients. M. Michel Peltier : Je pense qu'on peut optimiser les moyens dans des unités plus petites. J'ajoute que l'AP-HP ne se désintéressera pas de ce qui va être créé et que les nouvelles structures pourront s'appuyer sur son plateau technique. Il est également possible qu'elle mette des terrains et des locaux à leur disposition. Je souhaite aussi que nous nous inscrivions dans une logique d'appels à projets communs avec les conseils généraux. Mme Cécile Gallez : Vous dites que la répartition des établissements n'est pas équilibrée au sein de votre région. Dans mon département, le conseil général a lancé un plan gérontologique dans lequel il n'accepte de créations de lits que dans les secteurs les plus défavorisés. En Île-de-France, le financement est-il immédiatement disponible dès que la création a été reçu un avis favorable du comité régional de l'organisation sociale et médico-sociale (CROSMS) ? M. Michel Peltier : Non, car sur les crédits d'assurance maladie on ne fonctionne pas à guichets ouverts mais en enveloppe annuelle répartie. Cela étant, nous essayons de répartir l'offre et de compenser un écart de taux d'équipement qui va de 35 à 124 pour 1 000 selon les départements. La programmation régionale cherche à privilégier les départements les moins équipés et tous les projets ne sont pas financés de la même façon. Des départements sont très en-dessous de la moyenne d'équipements, Paris et la Seine-Saint-Denis, tandis que la Seine-et-Marne est très au-dessus. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je souhaite également savoir quelles sont les difficultés que rencontrent actuellement les établissements en matière de financement, pour l'investissement comme pour le fonctionnement. Quelles seraient selon vous les évolutions nécessaires pour faciliter la réalisation des investissements et le financement des dépenses de fonctionnement ? Pouvez-vous par ailleurs nous dire comment les DDASS ont-elles été associées à la préparation des schémas régionaux d'organisation sanitaire de troisième génération, pour la partie personnes âgées et dépendance ? J'aimerais aussi que chacun réponde à ma question sur les effectifs. M. Christian Meurin : A la répartition globale des ressources au niveau régional fait suite une répartition entre les établissements. Des conventions tripartites sont instruites depuis 2001 pour faire entrer les établissements dans la réforme de la tarification. Dans le Finistère, un peu moins de la moitié des établissements sont aujourd'hui conventionnés et les premières conventions, conclues pour trois ans, commenceront à être renouvelées l'an prochain. Sur 120 agents, à peu près cinq équivalents temps pleins sont consacrés à ce thème, dont un et demi seulement en catégorie A, et pour partie sous statut contractuel depuis le lancement de la réforme. Nous avons aussi une mission de planification car nous préparons la troisième génération du schéma départemental, le deuxième couvrant la période 1999-2005. Sur les 630 créations de places prévues, seulement 230 ont été réalisées en raison de notre incapacité à médicaliser toutes les places supplémentaires inscrites dans ce schéma. Arrêté conjointement par le préfet et par le président du conseil général, il s'agissait d'un outil opposable, dans lequel devaient s'inscrire les créations de places. Cette mission nous mobilise fortement. Pour sa part, le conseil général emploie cinq attachés pour le secteur des personnes âgées, qui englobe la tarification des services de soins infirmiers à domicile. Nous avons 11 800 places d'hébergement en établissement, en grande majorité éligibles à la réforme de la tarification, réparties dans près de 120 établissements, dont la moitié sont conventionnés. Avec 153 places pour 1 000 personnes de plus de 75 ans, notre taux d'équipement est inférieur à la moyenne régionale, qui est de 171 pour 1 000. L'importance du parc d'hébergement collectif varie beaucoup d'un département à l'autre, de même que celle de la partie médicalisée de ce parc. Les Côtes-d'Armor et le Finistère sont les plus défavorisés, alors que ce sont aussi les départements où l'évolution démographique est la plus forte. De même, le Finistère a le taux le plus faible de services de soins infirmiers à domicile, avec 17,5 places pour 1 000 personnes de plus de 75 ans, alors que le taux régional de 18 pour 1 000 est supérieur à la moyenne nationale. On peut donc regretter que les places soient réparties en tenant compte du taux régional et non des variations entre les départements. S'agissant du financement, nous rencontrons des difficultés à passer des conventions tripartites en raison du plafond de la norme DOMINIC + 35 - dotation minimum de convergence, plus 35 %. En effet, au début de la réforme, le Finistère était déjà pour les forfaits de soins, en raison d'un effet mécanique important, à la DOMINIC + 29. Les établissements avaient donc très peu voire pas du tout à attendre de la réforme de la tarification. Même s'il n'existe pas de normes en matière d'encadrement, depuis l'entrée en vigueur de la réforme, nous avons été obligés d'adopter une approche normative pour être équitables dans l'instruction des conventions. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Vous pensez que des normes précises pourraient vous aider. M. Christian Meurin : Oui, d'autant que de nouvelles réglementations sont intervenues. Ainsi, il nous faut désormais tenir compte également du statut des médecins coordonnateurs et de leur rémunération, qui ne figuraient pas dans beaucoup des anciens forfaits de soins. Le fait d'avoir repoussé à plusieurs reprises les délais de conventionnement incite les établissements qui sont en dépassement à ne pas passer de convention. L'absence de normes est un facteur d'inéquité entre les établissements en ce qui concerne l'encadrement en personnel de soins. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Existe-t-il des normes pour les personnes handicapées ? M. Christian Meurin : Oui, pour certains établissements, en particulier les maisons d'accueil spécialisé (MAS). Elles ne sont qu'indicatives mais elles sont respectées. La différence de statut entre les établissements et les écarts de coûts du personnel soignant sont des obstacles au conventionnement. Ces différences s'observent en particulier entre la fonction publique territoriale et les établissements sous gestion associative, qui représentent 40 % des établissements dans mon département. Pour ce dernier, le coût d'un poste infirmier est de 50 000 euros toutes charges comprises, contre 36 000 euros dans la fonction publique territoriale. En outre, le fait d'ignorer ce que sera l'avenir des USLD pousse les établissements hospitaliers qui en sont gestionnaires à la plus grande prudence, même si les taux de dépendance sont parfois supérieurs dans certains EHPAD. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Disposez-vous de chiffres à ce propos ? M. Christian Meurin : Nous pouvons vous fournir les taux de dépendance comparés par établissement. Cela renvoie à la mesure de la charge de travail : si la grille AGGIR nous permet de l'apprécier pour la dépendance, tel n'est pas le cas en matière de soins. C'est aussi ce qui dissuade les gestionnaires des USLD d'entrer dans la réforme de la tarification. Un autre frein à la conclusion des conventions tripartites et à la clarification du financement est l'intérêt des établissements, mais aussi des infirmiers eux-mêmes dans mon département, à maintenir les interventions d'infirmiers libéraux dans l'enveloppe des soins de ville. M. Pierre Morange, coprésident : Avez-vous la capacité de vérifier si, dans les maisons de retraite, les actes médicaux sont accomplis par des personnels qui ont la compétence pour cela et non par des agents de service hospitalier (ASH) ? M. Christian Meurin : Oui, en particulier quand nous sommes saisis sur plainte des familles et en cas de signalement, mais aussi dans un cadre médico-légal, en associant médecin du conseil général et médecin conseil de l'assurance maladie. Mais nous n'avons pas les moyens de mener un travail plus systématique. La volonté du département est de ne pas favoriser le parc privé à but lucratif mais de rendre possible quand cela devient nécessaire un accès à un hébergement collectif de proximité, par une répartition plus équitable, en fonction des taux d'équipement par territoire. C'est aussi dans ce cadre que s'inscrit notre politique de médicalisation. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : La réforme de la tarification a-t-elle permis de faire diminuer le coût moyen de l'hébergement ? M. Christian Meurin : Non. Les opérations « sincérité des comptes » ont mis en évidence des transferts de charges et montré notamment que le secteur hospitalier supportait des charges d'hôtellerie, qui étaient indûment imputées sur des dotations de soins de l'assurance maladie. On a vu aussi des postes d'aides-soignantes imputés sur des sections d'hébergement. Tout cela faisait obstacle à une clarification des enveloppes entre l'hébergement, la dépendance et les soins. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Votre département a-t-il une politique d'aide à la pierre ? M. Christian Meurin : Oui, le conseil général subventionne les opérations autour de 20 %. Il accompagne l'État dans les opérations inscrites au contrat de plan et va au-delà, avec une politique pluriannuelle. Le schéma de 1999 prévoyait 630 créations de places et nous en avons ouvert 240. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Avez-vous des propositions à nous faire pour réduire la part qui reste à la charge des personnes âgées ou de leur famille ? M. Christian Meurin : Il me semble qu'on pourrait agir sur la partie dépendance, grâce à une majoration de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Nous nous interrogeons surtout sur les questions d'investissement. Avez-vous mené un travail sur la part de l'amortissement dans le tarif d'hébergement ? M. Christian Meurin : Non, nous nous sommes d'abord consacrés à la médicalisation et à la prise en charge des soins. Nous savons que le conseil général a adopté un plafond de tarification à 45 euros par jour, mais cette question n'est pas de la compétence des services déconcentrés de l'État. M. Michel Dmuchowski : Le département de la Haute-Garonne compte 1,1 million d'habitants mais l'on pourrait presque, en en parlant, évoquer « Toulouse et le désert haut-garonnais », puisque 750 000 habitants se concentrent dans la ville et son agglomération. De surcroît, l'agglomération toulousaine accueille chaque année de 12 000 à 13 000 nouveaux habitants, et l'on prévoit qu'il en arrivera 20 000 par an au cours des cinq prochaines années en raison du développement de l'industrie aéronautique. Jusqu'à présent, la population du département était relativement jeune mais, en Haute-Garonne comme ailleurs, les gens vieillissent ; de plus, beaucoup de personnes âgées viennent rejoindre leurs familles qui s'installent dans le département. Or, la Haute-Garonne, et l'agglomération toulousaine particulièrement, souffrent d'un manque flagrant d'établissements pour personnes âgées. En outre, les établissements existants sont inadaptés. Plus d'un tiers sont gérés par le secteur privé lucratif, 40 % par le secteur associatif et 20 % seulement par le secteur public - encore ne s'agit-il pas d'établissements autonomes, mais de logements-foyers ou de maisons de retraite, gérés par les CCAS. La Haute-Garonne compte 150 établissements et, sur un effectif de 140 personnes, la DDAS affecte au suivi des maisons de retraite deux cadres A - y compris une contractuelle dont l'avenir n'est pas assuré - et un cadre B ; un autre cadre B est chargé du suivi du maintien à domicile. Un chef de service chapeaute cette équipe très réduite - ce que l'on ne manque pas de me faire remarquer lorsqu'il s'agit de fixer les objectifs en début d'année. Je ne répéterai pas ce qu'a dit mon collègue du Finistère à propos des tâches qui sont les nôtres mais j'insisterai sur notre rôle de planification, tout en soulignant que le schéma gérontologique départemental n'est pas encore établi. Les choses n'avancent pas assez vite ; or, nous devons présenter les dossiers au CROSMS et, dans un département tel que le nôtre, ces dossiers concernent également des créations d'établissements. Faute de schéma, ces créations se font sans références, ce qui n'est pas satisfaisant. Notre mission d'inspection et de contrôle est très poussée dans le département. Il nous a en effet fallu conduire un très important travail relatif aux établissements « clandestins » - lesquels, autrement dit, fonctionnaient sans autorisation. Nous en avons agréé, comme ils auraient dû l'avoir été initialement, lorsque cela était possible mais, dans une dizaine de cas, nous avons engagé des procédures judiciaires et, avec l'aide du parquet et du conseil général, nous avons été amenés à transférer des personnes âgées dans d'autres structures. Les responsables de sept de ces établissements ont été condamnés - pour certains lourdement - par le tribunal correctionnel en décembre dernier ; deux instructions sont encore en cours. Mais l'existence de ces établissements est, d'une certaine manière, la conséquence de l'insuffisance de places disponibles, notamment à Toulouse et dans son agglomération. Elle tient aussi à ce que de nombreux établissements privés à but lucratif pratiquent des prix de journée très élevés, si bien qu'ils ne font pas tous le plein. Les familles, dans l'urgence, se tournent vers ce qu'elles trouvent. Nous avons été obligés de mettre fin à ce système. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Qui a compétence sur le financement des investissements pour les établissements ? M. Michel Dmuchowski : Juridiquement, personne ! C'est une question de volontarisme politique de la part de chaque conseil général. Pour ce qui le concerne, le département de la Haute-Garonne n'a pas décidé d'aide à la pierre ; pourtant, une politique d'aide à la pierre dynamique et dotée de moyens significatifs permettrait de limiter les coûts. Dans la pratique, les établissements « se débrouillent » car, le parc étant vétuste, il faut bien procéder aux travaux d'entretien et de sécurité nécessaires. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : La question du coût de l'hébergement est-elle abordée dans les comités départementaux des retraités et personnes âgées (CODERPA) ? Y évoque-t-on des cas de maltraitance ? M. Michel Dmuchowski : Depuis le 1er janvier, le CODERPA a basculé au conseil général mais son utilité ne se dément pas. Une question y est évoquée de manière récurrente : celle du coût de la prise en charge en établissement, et singulièrement de la part restant à la charge de la personne âgée. C'est une des questions que nous souhaitons voir abordée dans le cadre du schéma gérontologique. M. Christian Meurin : L'insuffisance de l'encadrement et du personnel soignant est, elle aussi, fréquemment évoquée. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Qu'en est-il de la maltraitance ? M. Christian Meurin : La question n'est pas abordée en ces termes. En fait, on pourrait presque parler d'une « maltraitance institutionnelle » due à l'insuffisance de personnel. M. Michel Peltier : En Île-de-France, où près de 120 inspections sur sites ont eu lieu, de 80 à 90 % ont été déclenchées par des plaintes. S'agissant de l'investissement, je rappelle que les contrats de plan État-région comprenaient un volet « aide à l'investissement », plutôt envisagé sous l'angle de l'amélioration de la qualité des établissements existants. Mais, comme vous le savez, ces contrats ont du mal à être tenus en raison des difficultés de financement par l'État. Ainsi, pour la région Île-de-France, la moitié seulement des engagements auront été honorés fin 2005, alors que le contrat prend fin en 2006. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Il serait intéressant d'interroger toutes les DRASS sur l'application des contrats de plan. M. Michel Dmuchowski : Dans notre département, l'augmentation du nombre de plaintes et de saisines est manifeste. Elles n'ont pas trait à des maltraitances mais aux prix de journée, jugés trop élevés au regard des prestations servies. Les plaintes se multiplient parce que les familles se préoccupent bien davantage de cette question qu'il y a vingt ans et parce qu'elles savent désormais à qui s'adresser. Mais elles traduisent aussi la situation de certains établissements où l'insuffisance en personnel est criante. Je ne citerai qu'un cas, celui de cet établissement de quatre-vingt places où le service de nuit est assuré par une aide-soignante et un agent de service hospitalier, sans infirmière, alors que certains résidents relèveraient bien davantage d'une unité de long séjour que d'un EHPAD. M. Christian Meurin : Les plaintes tiennent aussi à la pénurie de places, si bien qu'elles sont plus nombreuses dans les zones urbaines. Mais nous n'avons pas connaissance de plaintes pour maltraitance en tant que telles. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : On peut s'interroger sur le niveau d'investissement nécessaire pour parvenir à une maîtrise d'une offre de qualité. Il serait sans doute intéressant de faire le lien entre l'aide à la pierre et la présence du secteur privé. Le Commissariat général au plan doit avoir analysé cela. M. Michel Dmuchowski : En Haute-Garonne, il n'y a pas d'aide à la pierre, les promoteurs qui veulent créer un établissement se débrouillent et c'est donc logiquement que les établissements à but lucratif sont les mieux placés. Il me semble que si on aidait les investissements, dans le cadre d'une politique départementale et nationale, on maîtriserait bien mieux l'équilibre de l'offre d'hébergement. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Quelles sont vos relations avec la CNSA ? M. Michel Dmuchowski : Nous n'avons pas de relations particulières pour le moment. La priorité doit selon nous être donnée à la mise en place de la maison départementale des personnes handicapées. M. Christian Meurin : Le département du Finistère est fortement mobilisé sur les enjeux de répartition, dont on ne connaît pas les nouvelles règles. On sait que la CNSA assurera le suivi national pour les personnes handicapées. Le conseil général imagine qu'il en ira de même pour les personnes âgées et il souhaite faire bénéficier le département d'un rattrapage en taux d'équipement, en s'adressant à la CNSA et en nous associant à cette démarche. M. Michel Peltier : Nos relations avec la CNSA sont bonnes et étroites, depuis son installation. La démarche de programmation est prévue par la loi sur le handicap et les programmes départementaux de prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées sont menés en totale concertation entre la CNSA et les services déconcentrés. Un travail expérimental a été mené dans quelques régions, dont l'Île-de-France, pour mettre au point la programmation, qui permettra de déterminer les enveloppes régionales et départementales mais aussi la façon dont la caisse s'alimentera en informations. La CNSA vient de distribuer dans les régions des crédits d'investissement pour les personnes âgées, prenant ainsi le relais des contrats de plan. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : On mobilise donc les réserves de la CNSA pour honorer les contrats de plan. Je vous remercie et je vous invite à nous faire remonter toutes les informations que vous jugerez utile sur les coûts, la répartition et les moyens des établissements. M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie également et je vous rappelle qu'au delà de sa mission de contrôle et d'évaluation, la MECSS est ouverte à toutes les suggestions qui permettraient d'améliorer les choses, en matière législative comme réglementaire. AUDITIONS DU 1ER DÉCEMBRE 2005 Audition de MM. Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, Jean-François Carrez, président de la cinquième chambre, Georges Capdeboscq, conseiller maître à la cinquième chambre, Jean-Pierre Bayle, conseiller maître M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons le plaisir et l'honneur de recevoir, pour cette première audition de la matinée, M. Philippe Séguin, Premier Président de la Cour des comptes, M. Jean-François Carrez, président de la 5e chambre, MM. Georges Capdebosq et Jean-Pierre Bayle, conseillers maîtres à la 5e chambre, M. Jean-Louis Beaud de Brive, conseiller maître, président de la chambre régionale des comptes de Midi-Pyrénées, Mme Rolande Ruellan, conseillère maître, présidente de la 1ère section de la 6e chambre, M. Noël Diricq, conseiller maître à la 6e chambre, et Mme Marine Camiade, auditrice à la 5e chambre. Je donne tout de suite la parole à M. le Premier Président, pour qu'il nous fasse part des analyses de la Cour sur la problématique des personnes âgées dépendantes. M. Philippe Séguin : Les préoccupations qui ont été de celles de la Cour ces derniers mois rejoignent en partie celles qui sont les vôtres aujourd'hui, et je suis heureux de pouvoir présenter devant vous les grandes lignes de notre travail sur les personnes âgées dépendantes. Notre société vieillit, et de plus en plus de familles sont désormais confrontées à des situations de dépendance et à la question de leur prise en charge. Le problème est tout sauf théorique, et constitue pour chacun de nous un défi considérable sur le plan matériel et financier, à titre individuel comme à titre collectif. Le défi est de taille : comme vous le savez, le nombre de personnes âgées dépendantes est appelé à progresser de 50 à 70 % d'ici 2040. De 800 000 en 2000, ce nombre pourrait en effet passer à 1 000 000 en 2020 et à 1 300 000 en 2040. Les maladies entraînant des troubles psychiques pourraient, quant à elles, toucher plus de 135 000 nouvelles personnes par an. C'est à la fois pour mieux mesurer l'enjeu et pour évaluer les réponses qu'ont commencé à y apporter les pouvoirs publics que la Cour a décidé de se saisir de ce sujet et d'y consacrer un rapport public particulier. Ce document nous a demandé deux ans de travail et nous a conduits à mener notre enquête tant au niveau national, auprès des ministères notamment, qu'au niveau local, dans les directions départementales et régionales de l'action sanitaire et sociale, les conseils généraux et les établissements publics d'hébergement. Nos investigations ont mobilisé deux chambres de la Cour, la 5e et la 6e, ainsi que 13 chambres régionales des comptes, ce qui nous a donné un échantillon très représentatif. Les travaux de votre Mission se concentrent sur les questions plus particulières de financement de l'investissement en établissement. C'est un sujet que la Cour a abordé aussi, mais indirectement. Son angle d'attaque a été plus global et elle a cherché à dresser un tableau d'ensemble des modalités de prise en charge, à domicile et en établissement, des financements et de l'organisation institutionnelle actuels. Première question posée, celle de l'offre de services : celle-ci est-elle suffisante, adaptée et bien répartie ? Quel a été l'impact des réformes récentes comme la mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) ou la réforme de la tarification ? Le désir profond des personnes est de rester le plus longtemps possible chez elles. L'aide à domicile était déjà à ce titre l'objectif prioritaire dans le rapport Laroque de 1962. Des progrès ont été réalisés depuis avec la mise en œuvre de l'APA ou le développement des services de soins à domicile. Néanmoins, l'offre reste trop dispersée et encore bien inférieure aux besoins. Les personnels sont très peu qualifiés et le secteur est peu attractif du fait de conditions de travail difficiles et d'une faible rémunération. Les besoins de modernisation du secteur sont donc importants, mais l'État peine à y répondre. Il n'a pas su arbitrer entre un objectif qualitatif privilégiant les interventions de personnels qualifiés et un objectif quantitatif qui le conduit à ouvrir largement le secteur à des personnes en difficulté et en demande d'emploi quel que soit leur niveau de qualification. Autre paradoxe : alors que les associations d'aide à domicile sont soumises à tout un ensemble d'exigences administratives, d'agréments et d'autorisations, la qualité de leurs prestations n'est finalement presque jamais contrôlée et les départements commencent tout juste à vérifier si les intervenants à domicile financés par l'APA viennent effectivement apporter l'aide prévue. Si l'objectif est effectivement de permettre aux personnes de rester le plus longtemps possible chez elles, il devient aujourd'hui urgent d'accélérer la modernisation du secteur de l'aide à domicile. La Cour dessine en ce sens plusieurs voies : désigner un interlocuteur unique de la personne âgée, promouvoir des services intégrés polyvalents - à la fois services de soins infirmiers à domicile et services d'aide à domicile -, développer la formation et orienter les personnes âgées les plus fragiles vers les personnels les plus qualifiés - alors qu'il se passe souvent le contraire aujourd'hui. Enfin, on aurait tout intérêt à reconsidérer et à mieux soutenir le rôle de l'entourage en faisant de l'« aide aux aidants » un volet du plan d'aide APA et en développant des structures d'accueil temporaire pour procurer aux familles des temps de « répit ». Ce dernier point est important : aider un peu plus l'entourage peut avoir un fort « effet de levier » et permettre à l'ensemble du dispositif de maintien à domicile de tenir. Néanmoins, il faut bien convenir que le maintien à domicile a ses limites, notamment pour les personnes les plus dépendantes et celles atteintes de troubles psychiques. Dans certains cas, l'entrée en institution apparaît comme la solution la mieux adaptée. La Cour s'est également penchée sur les conditions d'hébergement en institution et s'est à cet égard posé deux types de questions : celle de la capacité du parc existant à accueillir un nombre croissant de personnes âgées et celle de l'adaptation des structures à des résidents de plus en plus âgés et dépendants. En termes de capacité, les situations sont très hétérogènes d'un département à l'autre mais on note une baisse globale du taux d'équipement, le rythme de création de places étant inférieur à la croissance du nombre des personnes âgées. Cette baisse est d'autant plus préoccupante que les besoins à venir sont évalués d'ici 2010 entre 36 000 et 100 000 lits. Si on y ajoute les besoins en investissement pour la mise aux normes et la réhabilitation qu'exigent 20 à 30 % des places, les besoins d'investissement pourraient atteindre 10 à 30 milliards d'euros dans les vingt prochaines années. Par ailleurs, les établissements d'hébergement sont confrontés à des enjeux d'un nouvel ordre : le résident d'aujourd'hui n'a rien à voir avec celui d'hier. Plus âgé, plus fragile, il nécessite plus de soins et d'aide, tandis que les exigences en matière de qualité, de confort, ou d'animation se font également plus pressantes. La réforme de la tarification des établissements et la campagne de conventionnement, lancées en 1997, avaient précisément pour ambition d'accroître la médicalisation et la qualité de l'accueil et de favoriser la convergence entre établissements. De fait, les établissements conventionnés ont effectivement bénéficié de moyens supplémentaires, en effectifs soignants notamment. La prestation spécifique dépendance puis l'APA ont permis de mieux prendre en charge les frais liés à la dépendance. Malgré tout, la Cour dresse un bilan mitigé de la réforme. Elle déplore notamment sa grande complexité et l'instabilité réglementaire qui a constitué, à elle seule, un véritable défi pour les gestionnaires d'établissements et pour les autorités chargées du suivi de la réforme. Par ailleurs, les modalités de mise en œuvre retenues n'ont permis d'atteindre l'objectif de convergence que partiellement, et l'avenir de certaines catégories d'établissements n'est toujours ni défini ni assuré. On constate également que le programme de médicalisation est en quelque sorte « rattrapé » par l'accroissement du niveau de dépendance des personnes nouvellement accueillies. La médicalisation et les taux d'encadrement restent insuffisants, même dans les établissements conventionnés. Les autorités pilotant la réforme n'ont su mesurer ni l'évolution de la qualité ni celle des tarifs d'hébergement à la charge des résidents, autant de sujets qui intéressent pourtant au premier chef les familles. Face à des charges de fonctionnement croissantes et à de forts besoins d'investissement, les tarifs d'hébergement tendent à augmenter alors qu'actuellement ils sont déjà difficilement assumés par les personnes les plus modestes. Ainsi, la réforme n'a atteint que partiellement ses objectifs. En outre, elle n'a pas été un exemple d'efficience. Les crédits alloués n'ont pas été véritablement encadrés, et l'assurance maladie est à ce jour dans l'incapacité de chiffrer le coût de la réforme, notamment le coût des soins de ville dont peuvent bénéficier les résidents en sus des forfaits de soins déjà attribués. De ce bilan en demi-teinte, la Cour tire plusieurs recommandations ; elle estime notamment nécessaire de revoir les modalités de la réforme de la tarification, en supprimant progressivement les dispositifs entravant la convergence et en assurant un meilleur encadrement des crédits d'assurance maladie. Il parait également indispensable que l'administration se dote d'un système de suivi de l'évolution des coûts d'hébergement et des effets de la réforme sur la qualité des installations et des services rendus. Enfin, pour répondre à la très grande dépendance ou aux situations nécessitant une forte médicalisation, la Cour recommande la redéfinition du rôle des unités de soins de longue durée pour qu'il existe une catégorie de services permettant la proximité d'un plateau technique et une surveillance médicale continue. Si je devais résumer d'un mot cette première série de constats sur l'offre de services, je dirais qu'avant même l'arrivée de la vague annoncée de nouveaux cas de dépendance, le système paraît déjà débordé et mal adapté. Et il n'est pas certain que, dans sa configuration actuelle, il puisse faire face aux besoins à venir. Deux questions se posent tout particulièrement : celle de son financement et celle de son organisation institutionnelle. La Cour s'est livrée pour la première fois à un travail de chiffrage, au terme duquel elle a estimé les dépenses publiques en faveur des personnes âgées dépendantes à 15 milliards d'euros environ, dont 60 % sont pris en charge par l'assurance maladie, 10 % par les autres risques, 20 % par les départements et 10 % par l'État. Ce montant est appelé à augmenter fortement sous l'effet du vieillissement, mais aussi sous celui d'exigences accrues en matière de qualité des prestations, qui impliquent l'accroissement des besoins en personnels, notamment qualifiés, et la modernisation des structures d'accueil. On a déjà évoqué le rôle déterminant des familles. Néanmoins, face à la vague attendue du vieillissement et de l'augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes, on ne peut pas escompter des familles un soutien croissant, d'une part parce que le nombre des aidants potentiels va progresser moins vite que celui des personnes âgées dépendantes, et d'autre part parce que l'évolution des modes de vie rend difficile l'organisation de l'entraide familiale. La collectivité est donc appelée à prendre en charge une part croissante du coût de la dépendance. Mais il faut avoir à l'esprit que, même en comptant les recettes créées en 2004 avec la suppression d'un jour férié, les ressources actuelles ne suffiront pas à faire face à l'enjeu financier à venir. Les recettes de la journée de solidarité apporteront chaque année un peu plus d'un milliard d'euros alors que d'ici une quinzaine d'années, l'APA et les prestations d'assurance maladie demanderont à elles seules, selon les estimations de la Cour, entre 6 et 9 milliards d'euros supplémentaires. Et que dire du besoin d'investissement, qui pourrait quant à lui atteindre entre 10 et 30 milliards d'euros alors que les dispositifs d'aide publique en la matière restent marginaux ? La Cour ne veut pas dire que l'effort soit insurmontable, mais elle souligne que, sans anticipation, le défi financier ne pourra pas être relevé. Or les travaux de projection sont encore trop rares. Le plan « Vieillissement et solidarités » mis en œuvre à la suite de la canicule de l'été 2003 ne concerne que le très court terme et ne dresse aucune perspective au-delà de 2007. Nous insistons donc à plusieurs reprises dans le rapport sur la nécessité de mieux chiffrer les besoins et de mieux préparer l'effort financier à venir. Il faudra dépenser plus, sans doute, mais il faudrait aussi dépenser mieux et faire des choix. Nous avons ainsi voulu montrer que les ressources actuelles ne sont pas utilisées de façon optimale. Certaines dépenses, notamment les dépenses fiscales, sont globalement très importantes, mais ne bénéficient qu'en minorité aux personnes qui sont dans les situations les plus difficiles. C'est pourquoi la Cour recommande de cibler davantage les aides sur les personnes présentant les plus hauts niveaux de dépendance et percevant les plus bas revenus. Le dernier point à souligner au sujet du financement - et qui permet de faire la transition avec les remarques sur l'organisation institutionnelle qui suivent - concerne la complexité du système, qui a atteint un tel degré que l'on ne parvient que difficilement à savoir qui paye quoi et qui va être appelé à payer plus. Cette complexité se retrouve dans l'organisation institutionnelle, marquée aujourd'hui par un enchevêtrement extrême des responsabilités et des compétences. Si le département joue désormais un rôle central dans la politique en faveur des personnes âgées, la décentralisation n'a pas été poussée à son terme. Le département continue à partager bon nombre de compétences avec l'État, l'assurance maladie et les caisses de retraite. Il aurait pourtant été possible d'organiser la prise en charge de la dépendance de manière plus simple, et plus cohérente. Deux voies étaient envisageables : la voie d'une décentralisation accrue qui aurait fait des départements le point d'accès unique aux prestations de dépendance, y compris les prestations d'assurance maladie ; ou la voie de la création d'un cinquième risque confiant aux caisses de sécurité sociale la prise en charge globale de la dépendance. Cette seconde voie aurait notamment eu l'avantage de permettre une meilleure intégration des préoccupations sanitaires et médico-sociales, qui sont, dans les situations de dépendance, fortement imbriquées. Il est assez remarquable de constater que les gouvernements successifs ont systématiquement évité de faire ce choix. Il est vrai que, dans les deux cas, les transferts de charges entre acteurs auraient été massifs et auraient modifié profondément les rapports de force qu'ils entretiennent. Un tel choix aurait pourtant eu bien des vertus et aurait marqué une refondation de la prise en charge de la dépendance. A cet égard, la création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), institution hybride entre l'agence et la caisse, illustre une nouvelle fois cette posture d'évitement. La CNSA apporte bien sûr un certain nombre d'avancées : lieu d'expertise et d'animation de la politique en faveur de l'autonomie des personnes âgées comme des personnes handicapées, elle s'attachera également à mieux connaître l'état de l'offre et des besoins et à mieux répartir les crédits entre établissements et services. Malheureusement, elle ne simplifie en rien le système et ne remet en cause ni l'hétérogénéité des financements ni la dispersion des décideurs. La complexité du système ne serait pas vraiment condamnable si elle ne concernait que les administrations parisiennes. Mais elle a des conséquences concrètes et immédiatement mesurables pour les personnes âgées et leurs familles, qui sont de ce fait confrontées à une multitude d'intervenants peu ou mal coordonnés. Ce schéma maintient des cloisonnements d'inspiration très administrative, pour ne pas dire technocratique, là où la personne dépendante ressent un besoin global, qui inclut les soins et une aide médico-sociale. Face à ces difficultés, on peut toujours recommander que les différents acteurs travaillent ensemble ; on peut toujours encourager une meilleure coordination, une plus grande concertation. On peut également développer des commissions dédiées à ces convergences, mais au-delà du fait que cela exige une énergie considérable, il n'est pas certain que cela suffise à répondre à l'enjeu posé. C'est pourquoi la Cour a voulu insister sur la nécessité de faire des choix, institutionnels notamment ; il faut choisir un pilote, et cesser de démultiplier les systèmes co-financés et co-gérés, qui, il faut bien le dire sont monnaie courante dans le secteur social et médico-social. M. Pierre Morange, coprésident : Avant de donner la parole à Mme la Rapporteure, j'ai une première question : étant donné que le coût de l'hébergement est de plus en plus difficilement assumé par les familles et que la part de la contribution sociale généralisée (CSG) reversée à la CNSA est affectée à la prise en charge de la dépendance, c'est-à-dire à la médicalisation, à quelle nouvelle ressource pourrait-on recourir pour faire diminuer le coût de l'hébergement payé par l'usager ? Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Les travaux de la Cour des comptes fournissent une base solide à notre réflexion, mais je m'interroge sur certains points. Je me demande en particulier sur quels éléments objectifs reposent les projections, concernant par exemple le nombre de personnes qui seront atteintes de démence sénile, de troubles psychiques ou du comportement. Infirmière psychiatrique de profession, je me souviens que nombre de maladies étaient naguère considérées comme de graves problèmes de santé publique et ne le sont plus aujourd'hui, car on sait les traiter. Aussi m'interrogé-je quand je lis qu'on prévoit 125 000 nouveaux cas d'Alzheimer par an. La Cour insiste sur la nécessité de se donner de meilleurs outils de connaissance et de prospective, mais quels dispositifs précis préconise-t-elle à cette fin ? M. Philippe Séguin : Le président Carrez va vous répondre, mais vous aurez observé la largeur et donc la prudence des fourchettes que nous donnons. J'ajoute, qu'à la demande du gouvernement, la Cour examine, en temps réel, les six premiers mois de fonctionnement de la CNSA et les modalités d'affectation des premières ressources collectées. Elle publiera un rapport sur ce point au mois de janvier prochain. M. Jean-François Carrez : La Cour n'a évidemment pas la capacité de produire elles-mêmes des données ou analyses épidémiologiques. Ce qui nous a frappés, cependant, c'est à quel point on manque d'évaluations précises, y compris du point de vue médical, de la situation et de l'évolution des personnes. La dépendance est un sujet largement sous-exploré, et les fourchettes sont effectivement très larges : on estime ainsi le nombre de nouveaux cas d'Alzheimer entre 100 000 et 165 000 par an, sans que cela s'appuie sur des données très solides. Il faut espérer que la CNSA favorisera la production d'informations plus fiables. Plusieurs organismes, dont le Commissariat général du Plan, essaient de mieux estimer l'ampleur des phénomènes et l'évolution des coûts, mais nous avons parfois l'impression que, pris de peur devant les chiffres qu'on découvre, ils ont tendance à privilégier l'hypothèse la plus optimiste. Notre intuition est au contraire que les estimations pèchent par modestie. C'est ainsi que certaines hypothèses que l'INSEE avait faites sur l'évolution de l'APA à l'horizon 2020 ou 2040 ont été dépassées, notre rapport le montre, dès 2005 ! Pour répondre à votre question sur les nouvelles ressources, il est certain que celles dont dispose la CNSA pour les personnes âgées dépendantes, c'est-à-dire 1,2 milliard d'euros, sont insuffisantes à couvrir des besoins estimés d'ici 2020, selon le rapport de la Cour, à 6 ou 7 milliards d'euros dans le meilleur des cas et à 10 ou 11 milliards d'euros dans l'hypothèse la plus haute. Même si l'on suppose que l'assurance maladie serait capable de suivre la progression pour la partie qui la concerne, et même si la contribution des familles est appelée à s'accroître, le problème ne sera pas résolu sans financement supplémentaire : soit par l'impôt, national ou départemental, soit par les cotisations sociales, soit par les familles. S'agissant de l'aide à l'investissement pour l'hébergement, la logique du système actuel est d'amortir les coûts dans le prix de journée, étant entendu qu'il y a des dispositifs départementaux d'aide à la pierre, les villes apportant éventuellement un complément. Mais cela suffit à peine à rénover ou mettre aux normes le parc existant, sans même parler de l'augmentation des capacités, sur laquelle on a fait quelque peu l'impasse. A la différence du secteur privé commercial, qui arrive sans trop de difficulté, en sélectionnant fortement sa clientèle, à intégrer le coût des investissements dans le prix de journée, le public et le privé non lucratif ont un faible volume de constructions. Le rapport de la Cour montre que l'impact du coût de la rénovation sur le prix de journée est important, même s'il y a eu une légère atténuation au moment de la création de l'APA, et même si les investissements ne représentent qu'entre 10 et 30 % des dépenses. Si l'on ne trouve pas un nouveau mode d'aide au financement de ces investissements, on n'y arrivera pas. M. Jean-Marie Le Guen : Quel est le poids du foncier ? M. Jean-François Carrez : Il est faible quand les collectivités l'apportent ou le mettent à disposition, auquel cas il ne s'amortit pas dans le prix de journée. Mais à Paris, le prix d'un lit est prohibitif à cause, justement, du foncier : il est de 100 000 à 200 000 euros. Il y a donc des cas où le problème est quasi résolu, d'autres où il est très loin de l'être. M. Pierre Morange, coprésident : Un représentant du centre communal d'action sociale de Paris nous a dit que le coût de la construction varie du simple au double entre la province et Paris, et ce même sans inclure le foncier, ce qui est proprement stupéfiant ! Il faudrait rechercher les explications de ce phénomène, qui n'est sûrement pas réductible à la seule complexité du tissu urbain parisien. Avez-vous des idées particulières sur les nouvelles ressources auxquelles l'on pourrait recourir pour financer la prise en charge de la dépendance ? Vous me direz que c'est au politique qu'il revient d'arbitrer entre les trois sources possibles de financement que vous évoquiez, mais il n'est pas interdit aux magistrats de la Cour des comptes d'avoir un avis. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je vais poser la question de façon plus directe encore. Vous dites clairement qu'il faudra passer à un dispositif de taux d'encadrement, prévu par la loi de 1975 pour l'ensemble des établissements mais jamais appliqué. Pensez-vous vraiment que la solution réside dans un encadrement clair ? Et si l'on veut éviter que le coût de l'investissement ne se répercute sur le prix de journée, quel est le meilleur système ? Allocation logement ou aide à la pierre ? Et dans le cas de l'aide à la pierre, à quel niveau doit-il intervenir ? Départemental ? National ? M. Jean-Louis Beaud de Brive : En matière de tarifs d'hébergement, quelle est la situation actuelle ? Dans la nouvelle tarification ternaire, il y a une section d'hébergement dans les établissements, et ceux-ci doivent, de par les textes, inclure l'amortissement dans la section d'investissement. Dans certains, qui sont anciens, tout est déjà amorti ; dans d'autres, qui viennent d'être construits ou rénovés, l'amortissement est élevé et a un fort impact sur le prix de journée. S'imputent également les frais financiers si l'établissement a emprunté pour investir, et il aura d'autant plus recouru à l'emprunt que le taux de subvention du départements est faible. Tout cela explique que la situation soit relativement hétérogène d'un établissement et d'un département à l'autre. M. Jean-Marie Le Guen : N'est-il pas aberrant que l'impact soit direct sur le prix de journée ? Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : C'est moi qui ai signé le décret. M. Jean-Louis Beaud de Brive : C'est le principe de la tarification ternaire introduite en 1999 : une section soins financée par l'assurance maladie, une section dépendance financée en majorité par l'APA et un peu par les personnes, une section hébergement financée par les résidents. M. Pierre Morange, coprésident : Quand on voit que l'écart des coûts de prise en charge va de un à trois, on peut douter que cela s'explique uniquement par des facteurs comme ceux que nous venons d'aborder, même si le taux de subvention apporté par le département peut varier entre zéro et 40 %. M. Jean-Louis Beaud de Brive : Nous avons fait une étude, portant sur dix départements, pour connaître le prix moyen de journée dans les structures publiques et privées non lucratives. Il en ressort que le taux de dispersion est assez élevé. A Paris, le coût de la construction est deux fois plus élevé qu'ailleurs, mais cette différence ne se retrouve pas dans le prix de journée, qui n'est que de 40 à 50 % supérieur. Cette situation de grande dispersion est cependant à nuancer du fait des différentes politiques d'aide sociale menées par les conseils généraux, et qui peuvent avoir pour effet d'atténuer le coût de la prise en charge. Chaque année, les établissements doivent soumettre au conseil général leur budget et leur tarification, qui sont l'objet d'une négociation, compte tenu, justement, des aides sociales à l'hébergement, dont le total, à l'échelle de la France, représente un milliard d'euros. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Il faut poser la question de la clarification des tarifs d'hébergement, car un jour quelqu'un finira par déposer plainte pour discrimination. En long séjour, par exemple, on est confronté à la question de la fin de vie : sa prise en charge relève-t-elle de la dépendance ou du sanitaire ? La solution réside peut-être dans un forfait spécifique, du type forfait hospitalier, avec encadrement accru des aides au logement et identification plus forte de la compétence d'investissement. Jusqu'où êtes-vous allés dans vos réflexions sur ce point ? Mme Rolande Ruellan : Il ne faut jamais perdre de vue qu'il y a, derrière tout cela, des fonds publics. La CNSA fera sans doute des études détaillées, mais actuellement, on n'a pas une vision très claire de ce que doit être la bonne répartition des personnes âgées entre les unités de soins de longue durée, les maisons de retraite et les services de gérontologie des hôpitaux - où se trouvent des personnes en fin de vie qui ne sont pas en état d'être transportées ailleurs. Mais je ne suis pas sûre que l'on puisse poser en principe, compte tenu de l'état des finances publiques et sociales, que toutes les personnes qui sont en train de finir leurs jours en maison de retraite, et qui n'ont pas forcément besoin de soins considérables, doivent être exonérées, au motif qu'à l'hôpital elles ne paieraient rien - sauf le forfait hospitalier, qui a régulièrement augmenté ces dernières années, mais que les mutuelles prennent en charge, alors que seules les assurances privées prennent en charge les forfaits en établissement. Il faut réfléchir sur les limites de l'effort global de la collectivité. La Cour a pointé l'insuffisance du ciblage des avantages fiscaux. Un meilleur ciblage permettrait de récupérer de l'argent, mais encore faudrait-il avoir la certitude que les gens sont dans des formules d'hébergement qui correspondent à leur état. Actuellement, la pénurie est telle que les familles n'ont guère le choix et que les hôpitaux ne peuvent pas se débarrasser d'une personne qui n'a pas d'autre hébergement ailleurs. C'est toute la répartition des dépenses publiques, y compris fiscales, qui doit être repensée. M. Jean-Louis Beaud de Brive : Nous avions, dans notre travail de chiffrage, évalué à 300 millions d'euros l'aide personnalisée au logement versée aux personnes âgées dépendantes en institution. Reste à savoir ce que cela représente, pour les bénéficiaires, au regard du coût de l'hébergement. Notre rapport, d'autre part, appelle l'attention, sans d'ailleurs proposer de solutions, sur l'ampleur des investissements à réaliser dans les prochaines années. Il faudra corriger l'imputation sur le prix de journée afin que la contribution des familles ne s'alourdisse pas de façon excessive. M. Jean-François Carrez : Il n'y a pas de solution à écarter a priori, pas même celle qui consisterait à faire supporter le coût par l'assurance maladie. Il n'est pas absurde que le prix de journée payé par le résident comporte une part de l'amortissement de la construction dans laquelle il est logé. Toute la question est de savoir jusqu'à quel niveau c'est supportable et au-delà de quel niveau il faut introduire une régulation. La logique voudrait plutôt que cette régulation intervienne sous forme d'une aide à la pierre, mais on peut explorer la piste des aides au logement, qui ont davantage cours dans les logements-foyers que dans les maisons de retraite proprement dites. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Le choix du système de financement est lié à celui du niveau de compétence : doit-il être national, départemental ? Les responsables de la CNSA se sont bien rendus compte que l'on ne peut pas séparer la problématique sanitaire, gérée par les agences régionales de l'hospitalisation, de la problématique médico-sociale, qui relève des départements, et c'est pourquoi l'une des premières choses qu'ils ont faites a été de lancer les programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie (PRIAC). La question de savoir si l'on prend en charge du sanitaire ou du médico-social est capitale, que ce soit dans le domaine du handicap, des personnes âgées ou, maintenant, de la fin de vie - car la durée moyenne de séjour en établissement des personnes âgées dépendantes est de plus en plus courte. Est-ce que celle-ci doit être prise en charge par l'assurance maladie ou par un dispositif spécifique ? Est-ce qu'elle doit l'être différemment selon l'âge, selon qu'on a, par exemple, plus ou moins de soixante ans ? Ce sont des questions qui ne sont jamais abordées, mais auxquelles il faudra bien répondre le jour où nous serons attaqués devant la Cour européenne de justice pour discrimination. M. Pierre Morange, coprésident : Le Premier Président a bien résumé les choses en disant qu'on n'a jamais tranché le débat entre la création d'un cinquième risque et une logique de décentralisation plus poussée. Il est illusoire de chercher à établir à tout prix une frontière entre le médical et le médico-social. C'est le fond du problème. Mme Rolande Ruellan : Il ne revient pas à la Cour, sur des sujets aussi politiques, de choisir entre des options, mais d'ouvrir la réflexion. Cela dit, on peut naturellement envisager une autre répartition des contributions financières, et mon sentiment, à titre personnel, est que le tabou de la décentralisation a fait obstacle à la mise en place, s'agissant des personnes âgées, d'un système cohérent. On a voulu, au nom de l'égalité, offrir sur tout le territoire des prestations définies au plan national, mais qui sont des prestations d'aide sociale financées par les départements, de sorte qu'il a fallu établir une péréquation entre eux. Toute cela parce qu'on n'a pas voulu remettre en cause la compétence départementale comme on l'a fait pour l'aide médicale, maintenant assumée par la couverture maladie universelle. Faut-il nationaliser la partie soins et la partie dépendance, financer l'APA par un dispositif de type cinquième risque et laisser aux collectivités l'aide sociale à l'hébergement et les subventions aux investissements des établissements ? En tout cas, il faut définir plus clairement qui paye quoi. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Les contrôles opérés sur les finances des maisons de retraite font-ils apparaître l'existence d'une comptabilité analytique digne de ce nom dans ces établissements ? M. Jean-Louis Beaud de Brive : Nous avons travaillé sur un échantillon d'une cinquantaine d'établissements, et la synthèse que nous avons faite traduit des situations très contrastées. La qualification des personnels, y compris de direction, est très inégale : certains établissements voient les directeurs intérimaires se succéder à un rythme rapproché, d'autres ont heureusement des gestionnaires très qualifiés. La capacité à maîtriser la comptabilité analytique est donc extrêmement variable, et dans certains cas les comptes étaient loin d'être fiables et sincères, comme nous l'avons d'ailleurs écrit. M. Jean-Marie Le Guen : La difficulté ne tient pas seulement au manque de connaissances, mais aussi à la différence dans les stratégies d'approche face à la dépendance et aux maladies neuro-dégénératives. Selon l'énergie, en effet, que l'on mettra à développer les actions de prévention à l'approche du grand âge, actions qui demandent d'ailleurs moins de médical que de social, l'impact en aval sera plus ou moins fort. Actuellement, ce ne sont pas les mêmes personnes qui ont la responsabilité de la prévention de la dépendance et celle de sa prise en charge, ce qui aboutit à une aberration financière et humaine, dans la mesure où les premiers, n'ayant d'autre stimulation à réussir que leur conscience et leur surmoi, peuvent être tentés de s'en remettre aux seconds, tout en créant parallèlement un goulet d'étranglement au niveau de la prise en charge dans le but de protéger l'hôpital. Les querelles sur les chiffres recouvrent en fait des politiques de prévention et de prise en charge extrêmement différentes, entre lesquelles il faudrait arbitrer, de même qu'il faudrait arbitrer entre médicalisation et socialisation de la problématique de la dépendance, ainsi que de celle de la fin de vie. L'idéal serait d'avoir à la fois une unité de commandement et un système récompensant les bonnes pratiques, mais un tel volontarisme signifierait un profond bouleversement de notre offre de soins. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : J'ai été frappée de ce que dit le rapport de la Cour sur l'absence de contrôle de la qualité du service rendu, tant à domicile qu'en hébergement, alors même que la nouvelle tarification devait permettre de mieux prendre en compte cette dimension. Plus de coordination est évidemment souhaitable, et les centres locaux d'information et de coordination gérontologique (CLIC) ont beaucoup apporté, de ce point de vue, dans certains endroits - mais pas dans tous. Peut-on utiliser l'arme de la fiscalité pour aider à l'organisation du secteur ? Peut-être, mais la loi Borloo, qui vise à multiplier les emplois de services, va encore compliquer les choses, car il y a ambiguïté, voire contradiction entre le développement de ces emplois et la recherche de la qualité. Vous l'aviez d'ailleurs bien vu, M. le Premier Président, quand vous étiez ministre des affaires sociales, et l'étude d'exemples étrangers nous serait utile. Il y a également une question plus technique, que la Cour a soulevée et que nous devrons relayer. Une partie de la réforme de la tarification est liée au glissement financier d'une partie des soins de ville vers la médicalisation des établissements, mais nous n'avons aucune information précise là-dessus. Avec le recul, je me demande si c'était, du point de vue de la qualité de la prise en charge, une très bonne idée. Mme Rolande Ruellan : Il y a sans doute aussi des économies à faire. Or, on a fait, je le dis comme je le pense, divers cadeaux aux groupes de pression, sur le forfait global et le forfait partiel, ou du fait que les médicaments ne sont pas compris dans le forfait lorsqu'il n'y a pas de pharmacie à usage intérieur. C'est en partie à cause de petites choses comme celle-là que les dépenses d'assurance maladie ont dérapé par rapport à ce qui était prévu. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Sans doute, mais dans certaines maisons de retraite, la prise en charge de certains traitements très coûteux est difficile en cas de forfait global. Il faudrait d'ailleurs aborder plus franchement le problème de la consommation de médicaments par les personnes âgées, surtout à la lumière des chiffres fournis par le rapport de la Cour, qui indiquent qu'entre entre 10 000 et 18 000 personnes, âgées ou non, meurent chaque année d'une surconsommation ou d'une erreur de prescription - et ce aussi bien à domicile qu'en hébergement, en dépit de la présence de médecins et de soignants ! M. Jean-Marie Le Guen : En dépit de cette présence ou à cause d'elle. M. Pierre Morange, coprésident : Le médicament sera l'un des thèmes d'étude de la MECSS en 2007, et nous analyserons notamment les comportements des consommateurs comme des prescripteurs. Sans vouloir déflorer le rapport que la Cour rendra public en janvier, quelle impression d'ensemble retire-t-elle des débuts du fonctionnement de la CNSA ? M. Philippe Séguin : Formellement, le Premier ministre nous a demandé de vérifier que l'argent du lundi de Pentecôte était bien parvenu jusqu'à la Caisse. Il semble que tel soit bien le cas. Pour le reste, le rapport est en cours d'élaboration, et je m'interdis d'aller plus loin. Pour apporter une petite touche d'exotisme, je voudrais dire un mot du rapport, déjà paru, de la Cour sur l'immigration. Les décennies qui viennent seront marquées par une très forte poussée de l'immigration de main-d'œuvre, répondant à des besoins exprimés de façon pressante par la quasi-totalité des pays de l'Union européenne, et se chiffrant en dizaines de millions de personnes. La question que la Cour s'est posée, et à laquelle a réfléchi la 5e chambre présidée par M. Carrez, est celle de savoir si cette ponction sur les pays d'origine est compatible avec le maintien de leur capacité de développement. Il y a de nouvelles formes de coopération à inventer, auxquels les pays en question, ceux du Maghreb notamment, réfléchissent d'ailleurs de leur côté, et l'une des choses qu'ils prévoient très expressément, par exemple, est d'accueillir sur leur sol une partie de nos personnes âgées dépendantes, dans la mesure où ils ont un système médico-social relativement développé et où leurs coûts sont sans commune mesure avec ceux que nous pratiquons. C'est une dimension dont il nous faudra tenir compte. M. Jean-Marie Le Guen : La France siphonne à son profit les deux tiers des médecins d'Afrique francophone, ce qui entrave fortement le développement du système de santé dans ces pays. Mme Rolande Ruellan : Pour répondre à Mme la Rapporteure, la Cour a travaillé, il y a plusieurs années, sur la consommation médicamenteuse des personnes âgées et a relevé que les laboratoires ne font pas d'essais sur des patients âgés, de sorte que certains produits sont potentiellement dangereux pour eux. M. Jean-Louis Beaud de Brive : Il y a un acteur de la prévention dont on n'a presque pas parlé : c'est la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS). Or elle en fait de plus en plus, notamment en direction des personnes en GIR 5 et 6, qui sont les moins dépendantes. M. Pierre Morange, coprésident : Il est démontré qu'une vraie politique de prévention des maladies cardio-vasculaires recule l'âge d'entrée en établissement et raccourcit les durées de prise en charge. M. Jean-Marie Le Guen : Le rôle de la CNAVTS est-il d'être un nouvel acteur des politiques de prévention ? M. Philippe Séguin : Cela n'améliorerait pas forcément la lisibilité du système. M. Pierre Morange, coprésident : Une des préconisations de notre premier rapport était de spécialiser chacun des acteurs dans son domaine de compétences, en tablant sur la mutualisation des énergies pour obtenir une optimisation du résultat. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je reviens sur la proposition de la Cour de créer le véritable outil de prospective qui, actuellement, n'existe pas. J'avais proposé, dans mon rapport au Premier ministre, la création d'un institut national du vieillissement, ayant vocation à faire de la prospective à la fois dans le champ médical, dans le champ financier, dans celui de la prise en charge sur le terrain, etc. Ce sont les scientifiques et le ministère de la recherche qui s'y sont opposés, car ils voulaient tout centrer sur la génétique. Et l'on voit bien le mal qu'ont eu et qu'ont encore les gériatres pour se faire une place dans les CHU ! Il faut souhaiter que la CNSA sera un lieu où l'on pourra réfléchir à l'ensemble de ces questions, mais je crains un peu qu'elle ne privilégie l'organisationnel plutôt que la prospective. M. Jean-Marie Le Guen : Il faut certes une recherche transversale associant sciences sociales et sciences biologiques, mais attention à ne pas empiler sans cesse de nouvelles structures ! Sommes-nous capables de créer une sorte de « tour de contrôle », un organisme de mission capable de susciter et de financer des actions de recherche sans se transformer à brève échéance, comme c'est souvent le cas en France, en un organisme gestionnaire ? M. Pierre Morange, coprésident : Mesdames, messieurs, je vous remercie. Je remercie notamment M. le Premier Président d'avoir évoqué cette perspective de coopération Nord-Sud, qui permettrait peut-être d'en finir avec un cercle vicieux mortifère pour le continent africain. * Audition de M. François Carayon, sous-directeur de la 6e sous-direction M. Pierre Morange, coprésident : J'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue à M. François Carayon, sous-directeur de la 6e sous-direction du budget au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, à M. Guillaume Gaubert, chef du bureau comptes sociaux et santé, et à M. Pierre Houpikian, administrateur civil au même bureau. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Pouvez-vous préciser la fiscalité - taxe sur les salaires, taxe professionnelle, TVA, taxe foncière, taxe d'habitation, impôt sur les sociétés - actuellement applicable aux établissements, selon le type d'établissement ? Pouvez-vous d'autre part nous dire de quels moyens vous disposez pour évaluer si l'ensemble des ressources affectées à la dépense publique en faveur des personnes âgées dépendantes est effectivement orienté vers son objet ? M. François Carayon : Je pense utile de rappeler que la direction du budget n'est qu'une des directions du ministère des finances et qu'elle a une approche globale des dépenses. Cette direction, qui n'est pas un service gestionnaire, n'a pas la tutelle de premier rang sur les établissements - celle-ci appartient au ministère de la santé - et pas davantage de service statistique. Enfin, ses attributions sont différentes de celles de la direction de la législation fiscale et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). S'agissant des masses financières en jeu, nous vous avons transmis des tableaux de synthèse. Je saisis l'occasion qui m'est donnée pour saluer le travail accompli par la Cour des comptes. La Cour a évalué à 15 milliards d'euros les dépenses en faveur des personnes âgées dépendantes en 2003, et le poids de la dépense fiscale en faveur des personnes âgées dépendantes ou non à 6,7 milliards d'euros cette année-là. Toutefois, ni l'abattement correspondant aux impôts locaux, ni celui relatif à la redevance télévisuelle, ne sont inclus dans ce montant. Autrement dit, seule est envisagée la dépense fiscale de l'État, ce qui est une vision restreinte. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : À quoi correspond concrètement la dépense fiscale de l'État ? M. François Carayon : Aux exonérations liées à l'emploi d'un salarié à domicile, au taux réduit de TVA sur les équipements et à la réduction d'impôt particulière pour les établissements spécialisés. Nous avons recensé une grande partie des dépenses dans la mission « Solidarité et intégration » du projet de loi de finances pour 2006. Ce recensement recoupe pour une large partie celui de la Cour des comptes, en actualisant les données. Toutefois, le périmètre choisi par la Cour est un peu plus large que le nôtre. Je suis certain que nos collègues de la direction de la législation fiscale seraient en mesure de vous répondre de manière plus précise que je ne le puis, mais je n'éluderai pas votre question de fond, qui porte sur l'appréciation globale du dispositif. La Cour des comptes, s'interrogeant sur le point de savoir si ces dépenses fiscales bénéficient bien aux personnes âgées dépendantes, remarque à bon droit que le bénéfice de la dépense va à l'ensemble des personnes âgées sans ciblage précis des personnes dépendantes et souligne d'autre part que, puisque la dépense fiscale se traduit par un abattement, il n'y a pas non plus de fléchage vers les personnes à faibles revenus. Toutefois, une évolution s'est dessinée avec l'exonération de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) de l'impôt sur les revenus et l'instauration, dans le cadre de la loi Borloo du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne, d'un crédit d'impôt au titre des aides financières versées par les comités d'entreprise pour les emplois à domicile. L'analyse de la Cour n'en demeure pas moins incontestable : il n'y a pas de ciblage majoritairement dirigé vers la dépendance. S'agissant de la dépense fiscale, nous ne disposons ni d'indicateur d'efficacité, ni de mesure d'impact sinon au cas par cas, dans le cadre d'études. Sur ce point également, votre mission pourrait se tourner avec profit vers la direction de la législation fiscale. M. Pierre Morange, coprésident : Je retiens de vos propos l'insuffisance des outils de mesure, ce qui contredit la philosophie de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Il faudra manifestement progresser sur ce point. M. François Carayon : L'apport essentiel de l'analyse de la Cour des comptes est son approche transversale, dont l'intérêt est autrement plus marqué que lorsque l'on doit se contenter d'études compartimentées. M. Pierre Morange, coprésident : La Cour a cependant pointé l'absence d'évaluation. J'aimerais connaître votre sentiment sur les suggestions faites par la Fédération hospitalière de France devant notre mission, relatives à l'exonération de la taxe sur les salaires et à la pérennisation du taux de TVA réduit pour les travaux de rénovation. Cela relève bien sûr d'une décision politique, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez sur le plan strictement technique. M. François Carayon : L'article 41 du projet de loi de finances pour 2006 tend à affecter 95 % de la taxe sur les salaires aux régimes sociaux pour compenser les allégements de cotisations. On assiste donc au retour vers la sécurité sociale de la quasi-intégralité du produit de cette taxe, ce qui doit être souligné. Je rappelle d'autre part que, dans une logique d'équité, cette taxe est payée par les établissements qui ne sont pas soumis à la TVA. Et comme c'est une ressource extrêmement importante pour les organismes publics, on voit mal la collectivité nationale s'en priver d'autant que, comme je l'ai rappelé, son produit revient dans la sphère sociale. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Votre direction s'est-elle penchée sur les moyens de clarifier les compétences en matière d'investissement ? Quels dispositifs fiscaux pourrait-on concevoir pour alléger la part de l'investissement dans le prix de journée ? M. François Carayon : La Cour des comptes a en effet constaté la dispersion des compétences, d'autant plus marquée dans ce domaine que coexistent les champs médico-social et sanitaire. L'approche retenue pour la prise en charge des personnes âgées étant de partir des besoins de la personne et de procéder à une évaluation au plus près, il s'en est suivi des cloisonnements. Deux schémas sont donc possibles. Le premier consiste à distinguer le médico-social du sanitaire et à tracer la frontière la plus étanche possible, le second de considérer l'ensemble du parc comme une offre médico-sociale et sanitaire globale. Se pose alors la question de la responsabilité et de la place respective des agences régionales de l'hospitalisation (ARH) et des préfets. Les pouvoirs publics se sont efforcés, à juste titre, de rapprocher ces différents acteurs, car on ne peut qu'être frappé par le constat de l'assurance maladie selon lequel 18 % des journées d'hospitalisation en lits de médecine concernent des personnes qui relèvent bien davantage du secteur médico-social. Autant dire que cet hébergement ne devrait pas être fait à l'hôpital, au prix de journée de l'hôpital. Il y a là une très importante marge de redéploiement des moyens, qui devrait tendre à créer des lits adaptés aux besoins des personnes âgées tout en faisant face au défi financier de la médicalisation. La nécessaire restructuration du parc signifie qu'une meilleure coopération entre les agences régionales de l'hospitalisation et les préfets doit être de rigueur. Dans cette optique, on pourrait même tout faire pour accroître le poids des ARH, afin d'intéresser l'ensemble des acteurs concernés à la transformation des lits d'hospitalisation soit en lits médicalisés soit en soins de suite. Par « acteurs intéressés », j'entends les patients, les établissements, les collectivités et les personnels ; tous y gagneraient. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Ces propositions figurent-elles dans la convention d'objectifs et de gestion (COG) en cours de négociation avec la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) ? Existe-t-il par ailleurs, au ministère du budget, un groupe de travail sur les questions de fiscalité et d'investissement des établissements ? M. François Carayon : On peut, effectivement, utiliser la COG comme levier pour réaffecter les moyens, en accroissant l'intervention de l'assurance maladie. Mais cela passe par la réorganisation de l'administration sanitaire et sociale. Je fais partie du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, et je suis frappé de constater que les parlementaires qui y siègent souhaitent que l'on travaille sur l'ensemble du champ hospitalier. On en arrivera rapidement à s'interroger sur l'interaction avec le domaine médico-social. M. Pierre Morange, coprésident : Si je vous entends bien, la COG en cours de négociation ne contient à ce jour aucune mesure précise concernant la nécessaire réaffectation de 18 % des journées d'hospitalisation. Quelles sont donc les orientations privilégiées dans une COG qui devrait constituer un ensemble de mesures concrètes ? M. François Carayon : Le projet de COG de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) est entièrement consacré au médico-social, mais des liens sont prévus avec la CNAMTS pour favoriser les échanges d'informations relatives au suivi médico-social. Il est exact qu'à ce jour, rien n'est dit des lits d'hospitalisation occupés pour un autre objet que celui qui devrait être le leur. M. Pierre Morange, coprésident : Mais qui élabore donc les critères de la COG ? Il me semblerait pour le moins curieux que l'organisme sous tutelle détermine ses propres orientations ! M. François Carayon : La négociation d'une COG se fait en plusieurs étapes. Elle commence par une discussion entre l'organisme considéré et notre direction sur la méthodologie et les axes stratégiques et se poursuit par la rédaction d'un projet de convention par l'organisme concerné, projet auquel nous réagissons. En l'espèce, nous avons réagi au projet qui nous a été présenté au conseil d'administration du 11 octobre dernier en écrivant à la CNSA que cette première version devait être complétée. M. Pierre Morange, coprésident : Cela signifie-t-il que vous avez formulé des recommandations tendant à enrichir ou à réorienter ce projet ? M. François Carayon : Les échanges que nous avons aujourd'hui devraient nous permettre de l'enrichir. M. Pierre Morange, coprésident : Sans doute, mais quels sont les axes directeurs actuels du projet de COG en cours de négociation ? M. François Carayon : De notre point de vue, la COG doit porter sur le pilotage financier des établissements, sur l'accompagnement des départements dans la mise en œuvre de la politique de l'autonomie - qu'il s'agisse des normes ou de la définition des enveloppes - et sur la diffusion des bonnes pratiques de gestion et de prise en charge dans le cadre de la décentralisation. M. Pierre Morange, coprésident : Cela vous amène-t-il à réfléchir sur les moyens de dégager des marges de manœuvre budgétaire et sur les gisements d'économies possibles, avec l'objectif d'accroître le ratio coût/efficacité pour réaffecter les sommes ainsi débloquées en faveur des plus défavorisés ? M. François Carayon : Il est vrai que des indicateurs pointant les écarts, qu'il s'agisse du nombre de places créées en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes par euro dépensé, ou du coût de revient en investissement ou en fonctionnement - tout en tenant compte des spécificités locales -, ne manqueraient pas d'intérêt, aussi bien pour les gestionnaires d'établissements que pour ceux qui les contrôlent. La CNSA collecte ces données et les fera apparaître. Le quatrième axe qui doit se traduire dans la COG est précisément la mise en place par la CNSA d'un système d'information. Il y a là un vaste champ d'action qui montre tout l'intérêt du rôle de coordination dévolu à la Caisse. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Si l'on demande trop à la CNSA, elle va craquer ! Étant donné les gigantesques sommes en jeu, je suis surprise qu'aucun service du ministère des finances ne soit chargé d'accompagner les départements. Il y a pourtant là une responsabilité collective de l'administration et des politiques. Il ne me semblerait pas cohérent que la CNSA se trouve chargée d'établir un dispositif statistique qui, de par sa nature même, pourrait être pris en charge par les différents ministères intéressés. M. François Carayon : Chacun est frappé par le grand nombre d'acteurs du dispositif institutionnel. Si chacun travaille dans son coin, il a peu de moyens propres. Tout l'intérêt de la CNSA est qu'elle peut être utilisée comme un outil pivot pour faire remonter les informations et contribuer ainsi aux choix stratégiques. Mais cela suppose en effet la coordination des administrations. A cet égard, le groupe de travail constitué dans le cadre de ce qui était encore le Commissariat général du Plan sera d'une aide très précieuse, car tous les acteurs y sont représentés pour traiter des perspectives démographiques et des modalités de prise en charge. Mais c'est là un travail de fond qui diffère du travail quotidien. Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Le ministre a annoncé que 180 millions d'euros du budget de la CNSA pour 2006 seraient affectés aux réserves au lieu d'être dépensés. Pourquoi ? M. François Carayon : Le budget primitif de la CNSA est parfaitement transparent. Compte tenu de la programmation pluriannuelle de créations de places, nous pouvons profiter que des sommes ne soient pas affectées pour définir à quoi elles serviront au cours des années à venir. Il n'est pas choquant que la dépense n'ait pas lieu en 2006 si elle est faite plus tard puisque, chaque année, il faudra créer des places supplémentaires, en fonction de ce qui aura été défini dans objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) médico-social. Mais je n'ai pas qualité pour interpréter les déclarations du ministre. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je ne suis pas convaincue par le bien fondé de l'accumulation de réserves alors que des besoins précis sont insatisfaits et que les personnes âgées concernées ne vivront pas longtemps. M. François Carayon : On ne peut nous reprocher une approche financière tendant à assurer la montée en charge de la dépense dans la durée. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Notre mission recommandera que chaque ministère concerné se dote d'une unité de prospective relative aux personnes âgées. La France n'est pas préparée à prendre en charge sa population vieillissante ; le constat de la Cour des comptes à ce sujet est très juste. M. François Carayon : J'insiste à nouveau sur la nécessité de la collégialité ; chaque ministère ne doit pas travailler dans son coin, tous doivent travailler ensemble. À cet égard, je tiens à souligner que nous n'entendons aucunement nous substituer au ministère des affaires sociales, qui a la compétence technique. M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie. Sachez que notre mission est très attentive à toute suggestion visant à rationaliser la dépense, à optimiser les moyens, à repérer les gisements d'économies latentes et à simplifier le dispositif. M. François Carayon : Dans cette optique, nous souhaitons que la négociation de la prochaine COG de la CNAMTS soit l'occasion de faire prendre à cet organisme des engagements précis quant à son mode de travail avec la CNSA. C'est un élément déterminant, car tous les exemples étrangers montrent qu'il faut parvenir à dépasser le clivage entre domaine sanitaire et domaine médico-social. M. Pierre Morange, coprésident : Nous en sommes convaincus. * Audition de Mme Myriam Revel, sous-directrice en charge de l'organisation M. Pierre Morange, coprésident : J'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue à Mme Myriam Revel, sous-directrice en charge de l'organisation du système de soins à la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) au ministère de la santé et des solidarités, à M. Michel Gentile, chef du bureau de l'organisation de l'offre régionale de soins et des publics spécifiques, et à M. Marc Bourquin, responsable du pôle « allocation budgétaire » du département des établissements et services médico-sociaux de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. M. Marc Bourquin, auparavant chef du pôle «personnes âgées» à la sous-direction des finances de la direction de l'hospitalisation, assure la transition entre la DHOS et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Qu'en est-il de la conception et de la définition des soins de longue durée après que la loi du 11 février 2005 a chargé la CNSA de la répartition des dotations aux unités de soins de longue durée (USLD) ? Peut-on évaluer la proportion respective des personnes âgées en unité de soins de longue durée qui relèvent de soins médicaux au long cours et de celles relevant d'une prise en charge médico-sociale en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ? Dans quelle mesure les USLD peuvent-elles devenir des établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD) et être soumises aux mêmes règles tarifaires ? Les USLD peuvent-elles conserver leur statut sanitaire en choisissant le conventionnement ? Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Comment distinguer les besoins respectifs des personnes à accueillir en USLD et de celles qui vont en maison de retraite ? Combien d'agents de la DHOS sont chargés du dossier des personnes âgées ? Mme Myriam Revel : Je vous transmets les excuses de M. Jean Castex, directeur de la DHOS, empêché. La prise en charge des personnes âgées et son intégration dans l'organisation des soins est, pour la DHOS, le premier des enjeux. A l'organisation des soins, on trouve M. Michel Gentile et une directrice d'hôpital. À la sous-direction financière, le poste qu'occupait M. Marc Bourquin n'est pas pourvu à ce jour ; d'autres agents travaillent sur cette question, mais pas à plein temps ; ils traitent aussi, par exemple, de la tarification à l'activité. Mais une mission de « suivi de la politique gériatrique » confiée aux professeurs Claude Jeandel et Pierre Pfitzenmeyer et à M. Philippe Vigouroux a été installée auprès du ministre. C'est pour nous un renfort de qualité, tout comme celui que nous apporte M. Dominique Deroubaix. Nous travaillons également avec des gériatres et des directeurs d'hôpital. Par ailleurs, pour accompagner la redéfinition des USLD votée dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 avec un calendrier très contraint, l'Inspection générale des affaires sociales a confié à M. Michel Thierry mission de coordonner l'administration et les organismes - CNSA et CNAMTS -, ce qui nous permettra de faire le partage entre les établissements qui seront transformés en établissements médico-sociaux au vu des besoins des personnes qui y sont accueillies et ceux qui doivent pour partie garder une USLD sanitaire pour prendre en charge les patients dont l'état de santé requiert une surveillance médicale permanente. Il s'agit d'une mission d'accompagnement d'un an. Le groupe de travail placé sous l'autorité de M. Michel Thierry élabore le référentiel définissant les caractéristiques des personnes relevant de soins de longue durée. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Comment, donc, distinguer les besoins respectifs des personnes qui doivent être accueillies en USLD et de celles qui vont en maison de retraite ? M. Michel Gentile : C'est un peu compliqué, car il faut tenir compte à la fois de la dépendance et de l'éventualité d'une polypathologie chronique susceptible de décompensation, mais l'on parvient très bien à faire la distinction en s'appuyant sur la base de données nationale ERNEST. Il va sans dire que le choix des critères et des outils ne sont pas neutres dans la définition de la répartition entre USLD et EHPAD. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Il m'intéresserait de savoir comment les autres pays ont fait la part de ce qui relève du sanitaire et de ce qui relève de la dépendance, car j'ai le sentiment profond que nous sommes en train de monter une usine à gaz et que, selon les critères retenus, les enjeux de financement seront très différents pour les personnes âgées, l'assurance maladie et les départements. Mme Myriam Revel : Le financement relève de l'assurance maladie pour la partie « soins », quelque soit le statut de l'établissement. On souhaite maintenir le conventionnement tripartite ; on souhaite aussi que la redéfinition soit neutre pour les personnes concernées et leur entourage. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Qu'en sera-t-il de la prise en charge des personnes âgées de moins de soixante ans atteintes de polypathologies et qui se trouvent dans un état de fragilité extrême ? Mme Myriam Revel : La redéfinition tiendra compte des personnes âgées de moins de soixante ans qui ont besoin de soins lourds. M. Michel Gentile : Il s'agit le plus souvent des séquelles de traumatismes crâniens et du décours des affections neurologiques. La redéfinition prendra en compte les pathologies instables ou potentiellement instables. Il faut savoir que la France ne compte que 1 500 médecins généralistes ayant la capacité de gérontologie et moins de 100 gériatres. C'est très peu. On les trouve pour quelques-uns installés en ville, mais ils exercent essentiellement dans les hôpitaux. Aussi les EHPAD éprouveront-ils des difficultés dans la prise en charge des patients à pathologies lourdes avec un risque de décompensation, qui requiert un plateau technique minimum. C'est tout l'intérêt de la mission Thierry, chargée de définir des coupes transversales. M. Marc Bourquin : La séparation entre le volet sanitaire et le volet médico-social simplifiera le financement. Elle est nécessaire car le paramétrage actuel des ressources ne permet pas la prise en charge des pathologies à risque de décompensation. Pour répondre à la question de M. le Président, oui, les USLD peuvent conserver leur statut sanitaire en choisissant le conventionnement. À ce jour, 50 % sont conventionnés et une petite fraction seulement a choisi, à l'occasion du conventionnement, la fusion avec les maisons de retraite gérées par les hôpitaux : cela concerne 5 000 places sur 37 000 places conventionnées. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Les agences régionales de l'hospitalisation (ARH) ont-elles accompagné le mouvement ? M. Marc Bourquin : C'est très variable selon les régions. Mme Myriam Revel : Les schémas régionaux d'organisation sanitaire de troisième génération ont précisément pour mandat de resserrer les liens. M. Pierre Morange, coprésident : En théorie, certes, mais la pratique reste à démontrer. Il est proposé de rapprocher la population qui a vocation à être en EHPAD et celle qui doit être accueillie en USLD renforcée. Puisqu'elles sont dans l'enceinte hospitalière, ne peut-on envisager une réflexion sur l'organisation des hôpitaux, avec des services de médecine interne plus polyvalents et ayant une compétence gérontologique ? Des USLD pourraient ainsi être transformés en EHPAD hospitaliers. De telles passerelles permettraient de prendre en charge la polypathologie tout en tenant compte des contraintes financières. Mme Myriam Revel : L'un des nouveaux points les plus intéressants du dispositif est que la répartition entre EHPAD et USLD requiert la décision conjointe du préfet et de l'ARH, ce qui suppose le diagnostic commun de l'organisation de la gradation de la prise en charge. Préfets et directeurs d'ARH n'auront donc pas le choix : ils devront travailler ensemble sur la base de coupes transversales et se mettre d'accord. Pour ce qui est de la polyvalence, le choix a été fait de développer les courts séjours dans les établissements hospitaliers ; c'est un choix fort. Deux hypothèses étaient concevables : augmenter les services de médecine polyvalente où accueillir les personnes âgées, ou bien renforcer la gériatrie en constituant des équipes mobiles devant pouvoir s'appuyer sur des services de court séjour gériatrique. C'est celle qui a été retenue, et la dynamique progresse. Là où l'on ne pourra créer de tels services faute de gérontologues en nombre suffisant, il faudra absolument que des gériatres extérieurs puissent venir faire des consultations et former les équipes. Il faut donc raisonner à l'échelle des territoires de santé, ce qui est l'enjeu des schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS) de troisième génération, pour faire le lien entre le médico-social et le sanitaire. La dotation nationale de développement des réseaux finance déjà 61 réseaux mais le recul manque pour une première évaluation. Nous élaborons avec le professeur Claude Jeandel « le cahier des charges de la prise en charge », et le recours à la compétence gériatrique est au cœur de ce projet. La direction générale de l'action sociale (DGAS) est associée à tous ces travaux. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : La Cour des comptes ayant dressé, pour la première fois, un bilan complet de la situation, elle fait des constats très durs et donne des pistes de réflexion, observant qu'il faut en passer par un niveau d'encadrement, ce qui n'est pas le cas à ce jour. Cela sera-t-il fait ? Par ailleurs, dans le cadre de la redéfinition, pensez-vous nécessaire de faire évoluer le dispositif d'investissement concernant les EHPAD ? De qui, selon vous, relève la compétence en ce domaine ? Travaillez-vous à une autre répartition de la dépense ? M. Marc Bourquin : De fait, dans le prix de l'hébergement, la dépense d'investissement pèse pour 92 % sur l'usager ou ses obligés alimentaires, proportion particulièrement élevée si on la compare à ce qui se pratique à l'étranger. Ainsi, le prix de journée moyen est de 30 euros en Belgique et de 55 euros en France. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Des éléments de comparaison plus fournis avec les autres pays européens nous seraient utiles. M. Pierre Morange, coprésident : À quoi attribuez-vous cette différence ? Au coût du travail ? Aux aides publiques à l'investissement ? M. Marc Bourquin : La définition des tâches n'est pas tout à fait la même. Je rappelle par ailleurs que, dans la configuration française actuelle, lorsque l'hébergement suppose une aide sociale, c'est le département qui est en première ligne. J'étais déjà dans la salle lorsque vous auditionniez M. François Carayon, et je vous ai entendus l'interroger sur les déclarations du ministre relatives aux réserves de la CNSA en 2006. Je précise à ce sujet qu'en raison d'un décalage purement conjoncturel, la CNSA ne pourra dépenser les 800 millions d'euros qui reviennent aux personnes âgées. 500 millions d'euros de réserves ont déjà été affectés par le plan de M. Philippe Bas, ministre en charge des personnes âgées, à raison de 350 millions pour les personnes âgées et de 150 millions pour les personnes handicapées. Ces montants, importants au regard de ce qui était prévu dans les contrats de plan - dix fois moins - seront affectés aux établissements agréés à l'aide sociale, l'objectif étant de susciter l'effet de levier le plus important possible et de faire ce qui, sans cela, ne se serait pas fait. La réflexion doit donc porter sur le périmètre et sur les clefs de répartition. D'ailleurs, l'un des problèmes qui ont conduit à la réforme de la tarification, c'est que l'allocation pour soins se fait en fonction du niveau de dépendance et non du besoin de soins. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je demeure perplexe devant ce que je considère être l'édification d'une usine à gaz. Je sais que le choix des dispositifs de mesure se pose partout mais les nôtres sont remarquables par leur complexité et leur lourdeur ! Avez-vous évalué les besoins en matière d'investissement et de taux d'encadrement à venir, tous éléments qui ont une incidence sur le montant du « reste à charge » ? M. Marc Bourquin : Il n'existe pas d'étude globale sur le coût d'une place en établissement, dont on sait qu'il est évalué à 120 000 euros en Île-de-France et à 80 000 euros ailleurs. S'agissant du taux d'encadrement, il est très difficile de l'imaginer uniforme. En effet, dans un EHPAD classique où vivent des personnes âgées certes dépendantes mais qui n'ont que peu de troubles psychiques, on peut accepter un taux d'encadrement plus faible que si la population concernée est majoritairement atteinte de la maladie d'Alzheimer. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Quels outils ont utilisé les autres pays européens ? M. Marc Bourquin : On peut les rassembler en plusieurs groupes. Dans les pays du Sud, le maintien à domicile a un très grand rôle. Dans les pays scandinaves, où l'approche est très institutionnelle, les ressources de l'assurance maladie ont été très fortement accrues et l'on compte presque un agent par personne en établissement, ce qui se retrouve dans les comptes publics. La complexité de la réforme s'explique par l'approche retenue, qui était de n'avoir que des gagnants. Si des « béquilles » sont venues compliquer le dispositif, c'est pour éviter qu'aucun établissement ne perde des ressources. J'observe que le conventionnement tripartite a permis d'accroître de 40 % en moyenne le taux d'encadrement par la création de 6,5 postes de personnel soignant, en moyenne toujours. Ce n'est pas assez, mais ce n'est pas négligeable, d'autant que c'est là où les ressources étaient les plus faibles que les créations sont les plus nombreuses. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Faites-nous savoir quels types d'établissement ont le plus profité de la réforme. M. Marc Bourquin : Nous vous le dirons. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Quel sentiment vous inspirent le rapport de la Cour des comptes et les critiques qu'il contient ? Mme Myriam Revel : Ces critiques sont, pour la plupart, liées au mode de financement des EHPAD. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Elles portent aussi sur la qualité du service rendu à domicile. Mme Myriam Revel : C'est un problème majeur qui est soulevé là, et qui relève plutôt de la DGAS. Mais nous en tenons compte par la création des réseaux. C'est une réponse en soi, puisqu'il s'agit d'éviter l'isolement des intervenants et d'améliorer la qualité de la prise en charge par des formations qui augmentent leur niveau de compétence. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : La Cour pose clairement la question de la coordination. Mme Myriam Revel : Au centre local d'information et de coordination (CLIC) de Plaisir, on note une très forte implication du conseil général. Cela a eu une incidence flagrante sur la gestion des effets de la canicule ; tous les intervenants se connaissant, une coordination parfaite s'est mise en place. Il faut donc prévoir des temps de travail en commun et des cahiers de synthèse laissés au domicile des personnes suivies. Sans aucun doute, les choses sont compliquées par l'entrecroisement des compétences entre l'assurance maladie et le département, mais des exemples existent qui montrent que cela peut fonctionner. À nous de travailler pour faciliter la tâche des différents acteurs ; si une volonté conjointe se manifeste, cela doit pouvoir se faire. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je partage votre point de vue, mais force est de constater que notre système de décision ne tient pas compte de ces questions de fond. S'agissant du lien entre volet médico-social et volet sanitaire, quel rôle jouent les établissements médico-sociaux ? Mme Myriam Revel : A Plaisir, l'EHPAD est associé au CLIC, ce qui devrait être la norme puisque, comme la loi en dispose, les SROS de troisième génération prévoient des conférences sanitaires rassemblant élus, usagers, établissements de santé, professionnels libéraux et personnels médico-sociaux. M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie. Sachez que notre mission examine avec intérêt toutes les suggestions qui lui sont faites. AUDITIONS DU 15 DÉCEMBRE 2005 Audition de M. Yves Humez, directeur général de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA), accompagné de M. Jacques Portier, directeur de la santé Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Avant de commencer les auditions sur le financement des établissements d'hébergement des personnes âgées, j'indique, qu'en application de l'article LO 111-9-3 du code de la sécurité sociale, les préconisations de la MECSS, figurant dans le rapport présenté par M. Jean-Pierre Door, sur l'organisation et le coût de gestion des branches de la sécurité sociale ont été notifiées, le 24 novembre dernier, par le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, les coprésidents de la MECCS et le rapporteur, au Gouvernement, et plus précisément à MM. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du gouvernement. En application du même article, les préconisations de la MECSS ont été également notifiées aux présidents des conseils d'administration et directeurs des caisses et organismes nationaux du régime général de sécurité sociale, c'est-à-dire la CNAMTS, la CNAVTS, la CNAF, l'ACOSS et l'UCANSS. Les différents destinataires sont tenus d'y répondre dans un délai de deux mois. II a été demandé à chacun d'entre eux de fournir, pour chacune des préconisations de la MECSS, des réponses précises, avec indication, le cas échéant, des moyens et du calendrier de mise en œuvre. La MECSS, qui a une mission de contrôle permanent, sera très attentive aux réponses qui seront apportées. Par ailleurs, je rappelle que, dans sa réunion du 7 décembre 2005, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a, sur proposition de la MECSS, retenu trois thèmes d'étude pour la Mission en 2007 : 1. La prescription, la consommation et la fiscalité des médicaments ; 2. Les affections de longue durée ; 3. Le bilan et les perspectives du régime général d'assurance vieillesse. Dans cette perspective et en application de l'article 47-1 de la Constitution, une demande d'enquêtes préalables sur ces trois sujets a été adressée à la Cour des comptes. II lui a été en particulier demandé de procéder à des comparaisons internationales afin d'identifier les meilleures pratiques. Enfin, j'indique qu'en raison de la période de suspension des travaux de l'Assemblée nationale à l'occasion des fêtes de fin d'année et de la nouvelle année - que je souhaite bonnes à toutes et à tous -, les prochaines auditions publiques de la MECSS auront lieu le 19 janvier 2006. Nous poursuivrons nos travaux sur le financement des établissements d'hébergement des personnes âgées. J'ai maintenant le plaisir d'accueillir M. Yves Humez, directeur général de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), que la MECSS a déjà entendu le 12 mai dernier sur son premier thème d'étude. Je souhaite également la bienvenue aux collaborateurs qui l'accompagnent : - M. Jacques Portier, directeur de la santé à la CCMSA, - M. Gérard Soumet, directeur de l'action sanitaire et sociale et des et des services aux personnes à la CCMSA, - et Mme Maryse Aïo, directrice adjointe de la Coopérative d'échange de ressources en ingénierie sociale (CERIS) qui fédère le réseau d'associations - créé par la MSA - qui interviennent dans le champ social et médico-social. Je vous remercie pour les documents que vous nous avez fournis, que nous avons étudiés avec intérêt. Je vous rappelle que nous travaillons plus particulièrement sur le coût de l'hébergement, et plus précisément sur le reste à charge des personnes âgées, et sur la qualité de l'hébergement. Nous nous posons notamment la question du lien entre social, médico-social et sanitaire et il semble que vous puissiez nous aider dans notre réflexion à ce propos. Peut-être nous sera-t-il également possible de nous intéresser à la qualité et aux formes de prise en charge que vous privilégiez. Je commencerai donc par vous poser quatre questions. Premièrement, les études externes que la MSA a fait réaliser montrent que la durée de séjour dans les maisons d'accueil rural pour personnes âgées (MARPA) est plus élevée que dans d'autres structures d'accueil. Les personnes âgées peuvent-elles rester et restent-elles dans ces structures jusqu'à la fin de leur vie ? Deuxièmement, le principe assumé par la MSA selon lequel les MARPA ne sont pas médicalisées ne vaut-il pas que pour des résidents dont le niveau de dépendance est relativement faible ? Qu'en est-il des personnes désorientées, atteintes de troubles cognitifs ? Avez-vous envisagé de créer des MARPA spécialisées ? Troisièmement, pouvez-vous préciser dans quel contexte certains conseils généraux appliquent la réglementation « APA (allocation personnalisée d'autonomie) en établissement » plutôt qu'« APA à domicile » ? Enfin, pouvez-nous nous préciser les contraintes auxquelles vous faites référence en ce qui concerne une éventuelle habilitation à l'aide sociale des MARPA ? M. Yves Humez : Je vous remercie pour votre invitation. Je me suis entouré de spécialistes qui apporteront des réponses précises à vos questions. Je rappelle que nous sommes particulièrement intéressés par la réflexion que vous menez, d'autant que la structure d'âge de notre public nous amène peut-être à rencontrer des difficultés plus rapidement que les autres établissements. Nous comptons désormais 117 MARPA, et une soixantaine de projets sont en cours. Ces maisons illustrent parfaitement notre souci permanent de ne pas lancer les choses d'en haut mais de répondre à la demande qui nous vient du bas. M. Gérard Soumet : Nous suivons avec une attention particulière la question de la fin de vie dans les MARPA, dans le cadre d'une action que nous avons engagée depuis plusieurs années et qui consiste à les mettre en réseau au fur et à mesure de leur création. C'est ainsi qu'a été constituée la CERIS, la coopérative nationale dont Mme Maryse Aïo assure l'animation. Cela permet aux MARPA de partager les informations sur des questions aussi fondamentales que la coordination et l'évolution des structures dans le temps. Nous constatons en effet que beaucoup de personnes âgées finissent leur vie dans les MARPA et nous avons même des statistiques sur les décès. Le fait qu'on meure dans ces établissements s'explique d'abord parce que leur vocation première est d'être des structures de proximité, adaptées au milieu rural et où les personnes âgées entrent donc souvent à un âge avancé, avec des problèmes de dépendance et de perte d'autonomie variables. Toutefois, les MARPA ne sont pas des structures spécialisées pour les grands dépendants. Vous savez bien, Madame la présidente, que dans un département comme le Doubs, une personne âgée qui vit dans un village peut vouloir quitter son domicile parce qu'elle se sent seule, parce qu'elle n'est pas en sécurité ou parce qu'elle n'a pas d'entourage. Cela explique que la population des MARPA est assez diverse. En général, quand une personne âgée devient dépendante, nous avons la capacité de la garder jusqu'au bout. Il y a toutefois un certain nombre de situations auxquelles nous ne pouvons pas faire face, en particulier quand la personne devient extrêmement dépendante psychiquement. Nous cherchons alors, avec l'accord des familles, des solutions d'hébergement dans des structures mieux adaptées. Mme Maryse Aïo : Chaque MARPA résulte d'un projet de développement social local. Avant la création, une étude des besoins mobilise les professionnels de santé ainsi que les représentants des personnes âgées et des collectivités locales. C'est ce qui permet, dès le départ, une appropriation du concept par les différents acteurs qui sont parties prenantes au projet et prêts à s'investir ensuite. C'est primordial. Les premières MARPA ayant fonctionné en milieu rural très isolé, nous avons à chaque fois regardé s'il y avait des services de soins infirmiers à domicile. Car il ne saurait y avoir de MARPA sans un maillage avec les professionnels. À l'inverse, dans certains territoires, leur création a permis de revitaliser les relations, en particulier avec les services infirmiers et les professionnels de santé. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Les MARPA figurent-elles au sein d'un réseau de soins gérontologiques ? Mme Maryse Aïo : Elles en sont proches, mais ne sont pas à l'intérieur. Cela fait partie de nos projets, avec le développement des réseaux. M. Yves Humez : Dans le cadre de notre réflexion sur un projet global de maillage et sur les différentes solutions de proximité, nous prenons en compte les hôpitaux locaux et les maisons médicales de demain. Mais pour avancer, il faudrait que nous soyons entendus partout or, si certains conseils généraux portent nos projets, ailleurs le concept n'est pas accepté. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Pourquoi ? M. Gérard Soumet : A cause de la question de la médicalisation. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Vous nous dites que les gens décèdent souvent dans les MARPA, mais avez-vous des études sur le niveau de dépendance juste avant la mort ? Par ailleurs, pour les personnes les plus lourdement handicapées, en particulier celles qui présentent des troubles du comportement très importants et que vous ne pouvez garder, parvenez-vous à une prise en charge par le réseau sanitaire du secteur ? M. Gérard Soumet : Nos statistiques annuelles montrent que les deux tiers des sorties sont dues aux décès, le reste allant essentiellement vers l'hôpital car, comme pour les personnes restant à domicile, il est fréquent que la fin de vie coïncide avec une période aiguë de maladie conduisant à l'hospitalisation. Grâce aux médecins et aux services de soins infirmiers, nous arrivons à faire beaucoup de choses comme à domicile, mais c'est sans doute parce qu'on prend davantage soin des personnes dans les MARPA qu'elles y restent jusqu'à la fin de leur vie. Toutefois, quand une personne arrive avec un GIR pondéré moyen important, la MARPA n'est sans doute pas totalement adaptée, car la qualité du projet de vie y est essentielle, les maisons étant destinées à l'accompagnement non pas d'une structure mais de la personne. Ainsi, quand, dans une petite unité d'une vingtaine de personnes, on a plusieurs cas de dépendance lourde, cela pose problème et on est parfois obligé d'envisager le placement dans un autre établissement. M. Jean-Luc Préel : À l'origine, j'ai trouvé très intéressant le concept de toutes petites structures réservées aux valides, avec un projet social, et tenues par une maîtresse de maison, chacun participant à l'activité de la maison. Mais je me suis tout de suite demandé, dans la mesure où chacun souhaite aujourd'hui rester à domicile et où on développe des services pour cela, à qui s'adresseraient les MARPA et comment serait prise en charge la dépendance, car une fois qu'on est entré, il est rare que les choses s'améliorent et l'évolution naturelle tend plutôt à une dépendance sans cesse accrue. Je vois donc mal comment des petites structures pourraient être adaptées à cette prise en charge de la dépendance, et il ne faudrait pas que la médicalisation des MARPA détourne les services de soins infirmiers (SSIAD) de leur activité de soins à domicile. M. Jacques Portier : Le fait d'avoir dans ces petites structures un petit nombre de personnes âgées, avec un personnel qui assure un suivi et un accompagnement de tous les instants, conduit à une plus lente dégradation de l'autonomie. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : C'est ce que vous dites souvent, mais disposez-vous d'études qui étayent cette affirmation ? M. Jacques Portier : Tout à fait ! Nous menons un travail important sur les conditions de prise en charge de la santé des personnes hébergées dans ces structures. La société spécialisée à laquelle nous avons fait appel dresse actuellement un état des lieux, avant d'en venir ultérieurement aux préconisations. Il semble bien que la prise en charge soit meilleure qu'à domicile et que dans les grandes structures et que la dégradation de l'état de santé soit plus lente. Je crois aussi que les conditions de prise en charge une fois que la dépendance s'est installée, avec effectivement des structures externes comme les service de soins infirmiers à domicile, mais aussi les associations d'aides ménagères, permettent un meilleur accompagnement. Mme Maryse Aïo : Des observations ont aussi été réalisées par des médecins de conseils généraux, qui croyaient peu à la viabilité économique des MARPA et à leur capacité à accompagner les personnes, mais qui, constatant que la durée moyenne de séjour était plus longue, ont cherché à comprendre pourquoi. Parce qu'il s'agit d'un projet ouvert, moins stigmatisant que l'établissement d'hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD), situé à proximité des centres bourgs, avec des échanges avec l'extérieur, où la personne est intégrée dans un projet, accueillie, où on prend en compte sa trajectoire de vie dont on lui permet de connaître une nouvelle étape, la MARPA est aussi un moyen de stimuler la personne. Certaines récupèrent d'ailleurs des capacités lorsqu'elles y arrivent. Si nous avons conduit, avec l'appui de la Fondation de France, de la MSA et des caisses de retraite complémentaire qui financent les MARPA, cette étude sur la qualité et la continuité des soins, c'est parce que nos observations empiriques, mais aussi notre écoute de ce que nous disent les responsables des maisons sur leurs difficultés à accueillir plus de personnes âgées et les personnes âgées plus dépendantes, nous y poussaient. C'est aussi pour connaître les meilleures conditions de fonctionnement que nous avions besoin de clarifier les choses. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Comme l'a dit M. Jean-Luc Préel, ce sont soit les services de soins à domicile soit les infirmiers libéraux qui interviennent. Vous êtes-vous demandé si vous mobilisiez l'ensemble de leurs capacités ? Mme Maryse Aïo : Tel n'est pas le cas. Quand la MARPA mobilise beaucoup ces services, c'est au plus pour sept résidents sur vingt, et jamais de façon permanente. J'ajoute que les services de soins infirmiers à domicile sont très attentifs à la répartition équitable des soins sur un territoire et que la collaboration avec les infirmiers libéraux est très efficace sur le terrain. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Avez-vous constaté, avec la mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie, une évolution des demandes d'entrée dans les MARPA ? Je suis pour ma part surprise de la forte diminution de la durée moyenne en long séjour et je me demande si ce n'est pas l'APA à domicile qui pousse les gens à rester plus longtemps chez eux et à ne venir dans les structures qu'au dernier moment. M. Yves Humez : Nous n'avons pas de données précises, mais cela fait partie des sujets sur lesquels des études seront conduites. Notre concept est celui d'un substitut du domicile et nous entendons qu'il le reste. Quiconque visite une MARPA y constate la bonne qualité de vie. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Vous défendez en effet un concept fondé sur le substitut au domicile et la non-médicalisation. Savez-vous si cela se fait aussi à l'étranger, et y avez-vous des contacts ? Participez-vous, en France, à un travail avec ceux qui se posent les mêmes questions que vous ? Mme Maryse Aïo : À l'étranger encore trop peu, bien que cela figure dans nos projets car nous n'ignorons pas l'existence de réseaux européens. En France, oui : nous travaillons avec la Fondation de France, l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS) et l'Union nationale des centres communaux d'action sociale (UNCCAS), car nos sujets sont proches. La Fédération nationale des MARPA jouit également d'une certaine reconnaissance parce qu'on parle de plus en plus de services rendus localement et que nous sommes souvent appelés par des petites unités de vie (PUV), qui sont proches des MARPA et qui ont besoin de conseils. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : À l'occasion du travail réalisé par l'office parlementaire d'évaluation des politiques de santé (OPEPS) sur la maladie d'Alzheimer, nous avons visité aux Pays-Bas, à Haarlem, une petite structure pour personnes atteintes de cette maladie, avec une médicalisation venant de l'extérieur et dont le concept était très proche du vôtre. Avez-vous des expériences en dehors du milieu rural ? Pouvez-vous également nous dire comment sont dirigées les maisons ? Je crois qu'il n'y a pas de président mais une maîtresse de maison. Mme Maryse Aïo : Avec le concept d'origine, qui prévoyait une maîtresse de maison dans une petite unité de vie accueillant au maximum seize résidents, l'exigence de professionnalisme était moindre. Il y a eu depuis des avancées en matière d'action sociale et de gérontologie. Les besoins en gestion des établissements, en pilotage, en partenariats, font que les responsables d'établissements sont désormais recrutés au minimum à « bac plus 2 ». La filière des conseillères en économie sociale et familiale paraît excellente pour préparer des personnes présentant ce profil. Certains professionnels qui cherchent à quitter le secteur sanitaire s'intéressent aussi aux MARPA, parce qu'elles donnent plus de sens à leur activité. M. Gérard Soumet : Nous nous sommes impliqués dans la conception de structures qui nous semblent adaptées au milieu rural, en particulier à la capacité d'investissement des communes, mais aussi aux caractéristiques de vie des personnes. Nous ne nous sommes toutefois pas préoccupés uniquement du concept, mais aussi de ce que devenaient les maisons au fur et à mesure de leur ouverture. C'est ce qui nous a permis d'évoluer. Nous sommes partis d'une organisation avec une maîtresse de maison et un encadrement assez léger de trois personnes et nous sommes maintenant passés à un responsable d'établissement plus professionnel et à un encadrement de 6,5 équivalents temps plein pour 24 résidents, en application de la loi du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie, qui a donné un statut aux petites unités de vie. Notre accompagnement vise à éviter que, dès la création, les collectivités territoriales et les promoteurs locaux ne se trompent sur un certain nombre d'aspects importants, mais aussi à accompagner la vie de chacune des résidences, par exemple en proposant systématiquement des formations et des lieux de rencontre à leurs responsables. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Utilisez-vous le Fonds de modernisation du maintien à domicile pour la formation de vos directeurs ? Mme Maryse Aïo : Non, au départ c'est la Fédération nationale des MARPA qui a beaucoup investi dans la formation. Maintenant, nous concevons les formations, mais ce sont les maisons elles-mêmes qui les financent puisqu'elles contribuent aux plans de formation. Nous souhaitons d'ailleurs développer la formation de l'ensemble des personnels et nous inscrire dans les règles ordinaires de fonctionnement. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Pourquoi avez-vous doublé la présence de personnel ? M. Gérard Soumet : La première MARPA date de 1987, depuis lors nous avons été amenés à renforcer le personnel destiné à prendre soin des personnes âgées, qui entrent chez nous de plus en plus tard, en moyenne à 84 ans, et chez lesquelles la dépendance est de plus en plus importante. Les EHPAD, qui sont censés accueillir des personnes lourdement dépendantes, ont souvent, pour des raisons budgétaires, beaucoup de mal à assurer un suivi rapproché et cette fonction de « prendre soin » n'y est pas bien assurée. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Quelles sont la nature des emplois et la formation de ceux qui les occupent ? Mme Maryse Aïo : Nous allons de plus en plus vers la validation des acquis de l'expérience (VAE) dans les formations d'auxiliaires de vie sociale (AVS). Il y a parfois des aides-soignantes, mais ce n'est pas pour exercer le métier comme dans les structures sanitaires. M. Jacques Portier : Je reviens sur une question précédente : 28 des 117 MARPA sont en milieu urbain. J'ai participé, à coté de Tours, au montage d'un tel établissement, dont le promoteur était votre collègue M. Philippe Briand. Si le maire fait un effort pour le foncier, cela ne pose aucun problème : on trouve des associations et des intervenants aussi bien qu'en milieu rural, et l'établissement fonctionne à la satisfaction de l'entourage et des personnes accueillies. M. Gérard Soumet : Nous ne créons pas de MARPA sans un travail préalable sur le terrain qui dure parfois un à deux ans afin de créer un lien social fort avec le réseau associatif et les collectivités. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : J'ai suivi la création de plusieurs établissements et je sais le travail qui a été fait. J'aimerais que nous en venions maintenant aux questions financières. Vous dites que cette forme de prise en charge coûte moins cher, mais nous manquons d'éléments tangibles. Seul l'hôpital Vaugirard a fait un travail de comparaison entre la prise en charge en établissement et hors établissement, en termes de coût et de qualité de vie des personnes. Vous avez dit que l'implication des collectivités était importante, avez-vous réglé le problème de l'APA ? Certaines MARPA sont-elles habilitées à l'aide sociale ? Mme Maryse Aïo : Il s'agit d'habilitations partielles, liées à la situation de la personne et à ses besoins et qui prennent par exemple la forme de la prise en charge des repas, en complément de ce que la personne finance elle-même. M. Gérard Soumet : Dans la loi du 20 juillet 2001, dont un article détermine le statut de base des PUV, il est prévu que l'APA à domicile joue quand il y a moins de 25 résidents. Mais on observe des différences dans l'application des textes par les conseils généraux, selon la façon dont on inclut la prise en compte du coût de la dépendance dans le calcul de l'APA à domicile. Pour les structures associées à l'UNIOPSS, les personnes appartenant à la structure qui prennent soin et qui accomplissent un certain nombre d'actes quotidiens doivent entrer, au prorata de cette activité, dans le calcul de l'APA. Une clarification paraît donc nécessaire. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Vos tarifs sont bien en dessous de la moyenne de ceux des EHPAD et j'aimerais savoir ce qui figure réellement dans le prix de journée, en termes de comptabilité analytique. Mme Maryse Aïo : Dans le tarif demandé chaque mois aux résidents, le loyer représente 35 %, le coût des personnels 42 %, les services supplémentaires facultatifs comme les repas, le ménage et la lingerie 25 %. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Le porteur du projet de construction loue ensuite le bâtiment à l'association ? Mme Maryse Aïo : À l'origine, il y a une collectivité locale, qui peut ensuite déléguer la maîtrise d'ouvrage, souvent à un office d'HLM. Ensuite, la gestion est confiée soit au CCAS pour les MARPA publiques, soit à l'association gestionnaire pour les MARPA associatives. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Ce système vous paraît-il celui qui permet le mieux de maîtriser l'amortissement ? Mme Maryse Aïo : Le dispositif est bien adapté aux besoins des collectivités locales. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je précise ma question : permet-il de maîtriser la part du prix de journée correspondant à l'amortissement immobilier ? Mme Maryse Aïo : Ce point fait partie de ceux sur lesquels nous allons travailler en 2006. L'évolution du coût de la construction, mais aussi le fait que chaque collectivité veut avoir la plus belle MARPA possible, entraînent un renchérissement. Nous entendons donc appeler l'attention sur la nécessité de maîtriser une dérive des coûts qui a une incidence importante sur le montant des loyers, alors qu'il s'agit de logement social. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Le fait qu'il s'agisse de logement social fait-il que vous ne cherchez pas d'autres financements ? M. Gérard Soumet : Parce qu'il s'agit de logement social, nous avons droit à un financement favorisé - les prêts locatifs sociaux (PLS) -, et les résidents peuvent percevoir l'aide personnalisée au logement (APL). De plus, il n'y a pas de charges foncières pour le terrain, puisque la création d'une MARPA suppose que la commune cède le terrain viabilisé, sans coût. Comme nous souhaitons accueillir des personnes qui ont une faible pension de retraite, il faut agir à la fois sur le prix du terrain et sur le mode de financement, par des prêts locatifs et des subventions. Celles-ci s'étagent de 10 % au moins à 40 % parfois. Bien entendu, plus le subventionnement est faible, plus le coût est important pour les résidents. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Comment parvient-on à 40 % de subventions ? M. Gérard Soumet : Par des subventions des communes, des conseils généraux et parfois des caisses de retraite. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : S'agissant de l'investissement, le dispositif en vigueur vous semble-t-il convenir ou pensez-vous préférable d'envisager des partenariats public-privé - dispositif qui ne me convainc pas - ou d'instituer une obligation d'investissement public ? Mme Maryse Aïo : Le mode de financement actuel nous convient, à la condition que la programmation le permette et que les PLS prévus soient réservés à ces constructions-là. M. Yves Humez : Certains départements comptent plus d'une dizaine de MARPA. Puisque le dispositif fonctionne et que le rapport qualité-prix est intéressant, tant en termes de vie sociale que de coût, on peut se demander pourquoi ne pas multiplier de telles structures, à condition, bien sûr, que l'accès aux prêts locatifs aidés soit garanti. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Les résidents des MARPA ressortissent-ils tous de la MSA ? M. Yves Humez : Non. Nous avons retenu une approche par territoire. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Des assouplissements réglementaires vous semblent-ils nécessaires ? Quel est l'impact de la réglementation relative à la sécurité sur le montant des investissements ? Mme Maryse Aïo : Certaines MARPA bénéficient de la dotation de développement rural. Dans ce cas, il n'y a théoriquement pas de cumul possible avec les PLS, mais l'application de cette règle varie, ce qui entraîne des disparités entre les départements. Cela doit être clarifié. Il faut aussi, je l'ai dit, veiller à la programmation. Enfin, s'agissant de l'APA, l'approche est strictement binaire - établissements ou domicile - contrairement aux dispositions prévues dans les textes. Les solutions alternatives sont insuffisamment reconnues, voire considérées comme dérangeantes par des inspecteurs des affaires sanitaires et sociales qui sont pour les uns spécialisés dans l'aide sociale à domicile, pour les autres dans l'aide sociale en établissements et qui ne souhaitent pas mêler les dispositifs. Il faut sans cesse négocier, ce qui est paradoxal puisque les dispositions légales existent, et cette bataille permanente peut freiner la création de nouvelles structures. M. Noël Diricq, conseiller maître à la Cour des comptes : Parmi les réalisations de la MSA, il faut notamment souligner l'intérêt de celles qui viennent d'être qualifiées de « troisième voie », dans un contexte national marqué par le développement des maladies neuro-dégénératives dont on sait que leur prise en charge devrait souvent relever de ce type de structures, qui pour l'instant peinent à être mises en oeuvre. Par ailleurs, comment la MSA prend-elle en compte les perspectives démographiques de moyen-long terme dans les orientations de sa politique d'investissement ? D'autre part, la MSA a une approche originale et il serait dommage que les autres régimes, même s'ils ne sont pas directement opérateurs, ne profitent pas des acquis de cette expérience. Des échanges ont-ils lieu ? Arrive-t-il aux autres caisses d'interroger la MSA ? M. Yves Humez : Nous avons tenu compte du vieillissement de la population, mais étant donné l'allongement de la durée de vie, la population âgée de plus de quatre-vingts ans est appelée à s'étoffer sérieusement au cours de la prochaine décennie. Compte tenu de la demande potentielle, il y a donc encore beaucoup à faire. Nous aimerions bien rencontrer nos collègues des autres régimes de sécurité sociale, ce qui se produit parfois. Mais il y a une différence d'approche dans la relation avec l'usager. Nous sommes un régime mutualiste qui, fort de ses délégués cantonaux, s'attache à répondre aux besoins exprimés par sa base. Les MARPA sont nées, comme les réseaux gérontologiques, de demandes du terrain. Au départ, nous avons mené seuls ces expérimentations, car les deux autres régimes ne souhaitaient pas s'investir mais les choses évoluent peu à peu. Ainsi, s'agissant des réseaux gérontologiques, la CNAMTS et la CANAM nous ont rejoints, mais leur investissement n'est pas le même que le nôtre. M. Jean-Luc Préel : Qu'en est-il de l'intéressant projet de maisons médicales ? Plus largement, la création de l'UNCAM ne vous paraît-elle pas compromettre l'avenir de la MSA ? Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Cette dernière question, qui ne me paraît pas être en relation directe avec le thème de nos travaux, devrait appeler une réponse brève. M. Yves Humez : Elle le sera. Nous venons de renouveler nos conseils d'administration et de lancer une réflexion stratégique sur ce que nous pensons devoir être notre offre sociale et notre offre de services. Nous avons des idées à ce sujet, nous espérons être entendus et nous comptons continuer de travailler à leur mise en œuvre, tout en adaptant notre réseau pour améliorer la gouvernance de notre régime. Nous observons avec satisfaction que la notion de guichet unique reprend de la vigueur car nous sommes convaincus de longue date qu'il faut offrir une réponse globale aux besoins exprimés. M. Jacques Portier : Nous sommes particulièrement attentifs à la question de la démographie des professions de santé, peu encourageante, surtout en zones rurales. C'est ce qui nous a conduits à projeter des maisons médicales, structures de soins conçues pour rompre l'isolement et permettre l'exercice professionnel dans un environnement favorable. Dans le même esprit, nous avons lancé une expérimentation avec les pharmaciens, invités à compléter leur activité d'officine en jouant un rôle dans les EHPAD, pour contrôler les posologies par exemple. Nous nous attachons aussi à mettre au point, en partenariat avec les collectivités locales, un système de transport généralisé permettant aux personnes âgées de se rendre dans les lieux de soins. Enfin, dans le cadre des réseaux gérontologiques, des expérimentations visent la prise en charge de la maladie d'Alzheimer, qui peut varier selon les phases de la maladie. Nous avons donc une approche globale des besoins sociaux et sanitaires de nos assurés. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je vous remercie. Toutes vos propositions et suggestions seront les bienvenues, particulièrement celles qui viseraient à étendre aux autres régimes vos expériences réussies. * Audition de MM. Pascal Champvert, président de l'Association des directeurs d'établissements d'hébergement pour les personnes âgées (ADEHPA) et Claudy Jarry, président de la Fédération nationale des associations de directeurs d'établissements Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je vous souhaite la bienvenue. Les travaux actuels de notre mission portent sur le montant du « reste à charge » pour les personnes hébergées en établissements et sur les liens entre secteur médical et secteur social. Dans ce cadre, j'aimerais savoir quel jugement vous portez sur les modalités de financement de l'immobilier. M. Pascal Champvert : Un mauvais jugement, car l'investissement pèse pour l'essentiel sur les personnes âgées et leurs familles. Les contrats de plan permettraient des progrès mais l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a montré que les retards se multiplient, le plus souvent du fait de l'État. Il peut y avoir quelques subventions des départements ou des communes et des prêts sans intérêt de la sécurité sociale ou des caisses complémentaires. Mais, comme la Cour des comptes l'a relevé, c'est bien sur les résidents et leurs familles que pèse le plus gros de la charge. Ils financent en effet, en moyenne, 60 % du coût global, ce qui est beaucoup trop. L'assurance maladie en supporte 30 %, les départements 10 %. M. Jean-Luc Préel : Comment expliquer que, dans certaines régions, des ouvertures de lits soient autorisées par le Comité régional de l'action sanitaire et sociale (CROSS) alors qu'elles ne sont pas financées, ce qui crée des disparités inéquitables entre les départements ? Pensez-vous que la création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) simplifiera les financements alors même que des conventions tripartites ont déjà été signées ? Comment pourrait-on améliorer la logique du dispositif ? M. Claude Jarry : Ce que nous souhaitons, c'est un financement à la hauteur de l'enjeu, l'enjeu étant qu'un effectif de 250 000 personnes est nécessaire. Les recettes supplémentaires issues de la suppression d'un jour férié auraient été utiles mais, malheureusement, seule une modeste partie de ce montant a été dirigée vers la prise en charge des personnes âgées - et ce, dans une relative confusion, puisque nos concitoyens ne le savent pas. Je rappelle qu'en 2005, 500 millions d'euros devaient leur être consacrés, et 350 millions d'euros thésaurisés. Mais, considérant que le conventionnement a porté sur 171 millions d'euros et que le précédent gouvernement avait prévu 180 millions d'euros par an, force est de constater que ce formidable élan de solidarité a pour résultat que l'on a un peu moins qu'avant. Puisqu'une partie des sommes a été dévoyée, qu'au moins on se serve du reste. Or, non seulement les 500 millions d'euros prévus sont notoirement insuffisants mais l'on constate avec stupéfaction que les parties intéressées ont été incapables de les utiliser - et ce sera pire cette année, ce qui conduit à thésauriser. Certes, un petit geste a été fait l'an dernier, le gouvernement accordant 50 millions d'euros supplémentaires et le ministre a annoncé l'octroi d'un complément cette année, ce qui est heureux. Mais nous sommes le 15 décembre et le versement de ces ressources supplémentaires ne fait l'objet d'aucune modalité connue. Ainsi, il n'y a pas suffisamment de fonds publics en amont et l'on ne parvient pas à mobiliser ce qui est disponible. À cette situation, il y a des raisons multiples. Dans un premier temps, l'incitation au conventionnement s'est traduite par une certaine largesse dans la négociation, largesse qui a permis d'augmenter de 0,1 point le taux d'encadrement. Mais ces premières signatures ont eu lieu avec ceux qui voulaient avancer et, aujourd'hui, on nous rappelle fermement la règle « DOMINIC - dotation minimum de convergence - majorée de 35 % ». Or chacun sait que l'on ne peut fonctionner convenablement avec une telle contrainte. La deuxième vague d'établissements est donc moins encline au conventionnement parce qu'elle n'en voit pas l'intérêt. De plus, il peut arriver que des directeurs de petites structures, tout entiers pris par les problèmes quotidiens, n'aient pas l'esprit à l'élaboration des conventions ; le décret relatif à la qualification des directeurs d'établissement peut arranger les choses. La dynamique n'y est pas non plus chez les deuxièmes partenaires que sont les directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS). Enfin, le conventionnement engage les collectivités, troisièmes partenaires, dans une démarche coûteuse qui rendrait nécessaire un appel d'impôt impopulaire... Enfin, il faut savoir que les directeurs d'établissements sont mobilisés six mois par an pour l'établissement du budget et des comptes administratifs et que les budgets étant donnés, au mieux, l'été, les décisions prises à l'automne ne peuvent s'appliquer que l'année suivante. M. Jean-Luc Préel : Qu'en est-il des ouvertures de lits autorisées par le CROSS alors qu'elles ne sont pas financées ? M. Pascal Champvert : Ce que dit la Cour des comptes, et que nous ne cessons de répéter depuis des années, c'est que le retard constaté est dû à l'insuffisante coordination des politiques dans le secteur. En dépit des plans successivement adoptés depuis 1975, malgré la réforme de la tarification, malgré le plan « Vieillissement et solidarités », il manque du personnel dans les établissements, il manque du personnel pour les services à domicile, il manque des places d'hébergement, et les personnes âgées payent de trop lourdes charges. Nous avons évalué le retard accumulé par rapport à ce qui avait été annoncé par l'État et nous l'estimons à 500 millions d'euros pour la période 2001-2006. Je souligne que ce calcul a été fait en prenant pour base ce qui avait été annoncé et non à partir des besoins ; si nous voulions seulement faire ce qui se fait en Allemagne, notre effort devrait être doublé - et je ne parle pas de ce qui serait nécessaire pour nous aligner sur la Suisse, le Danemark, le Luxembourg ou la Norvège. Et si j'avance ce montant avec une telle prudence, c'est que l'on éprouve les plus grandes difficultés à retracer un compte global de la dépendance permettant de suivre les différents financements des différents intervenants. D'autre part, on ne peut passer sous silence que le fait d'avoir couplé autorisation et financement, ce que toute la profession a contesté, a eu pour conséquence des retards dans la création d'établissements. Le découplage promis par le ministre apportera une bouffée d'oxygène bienvenue. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : J'ai pris acte des différentes raisons que vous avez données au retard du conventionnement. Mais seulement 300 conventions signées quand on en annonçait 1 500 à fin 2005, c'est peu. M. Pascal Champvert : Quelques autres le seront avant la fin de l'année mais l'on comprend bien qu'il n'y a pas d'intérêt à signer de nombreuses conventions s'il y a peu d'argent. Là est l'explication du blocage. Les ressources étaient insuffisantes en 2005, il y en aura un peu plus en 2006... Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Selon vous, la CNSA sera-t-elle efficace ? M. Claude Jarry : On ne peut mettre en doute une institution qui s'installe, il faut attendre. J'observe toutefois que tout reposait sur une démarche qualité, mais que cela a été oublié et que l'on est tombé dans une démarche de forfait. Nous étions favorable au conventionnement, car les audits donnent des éléments intéressants pour déterminer ce qui fonctionne et ce qui reste à faire. C'est intéressant pour tous : le personnel mais aussi les familles représentées au sein des conseils de la vie sociale. On met en place une démarche qualité avec un objectif à atteindre. On dit en quoi ce qui est fait aujourd'hui n'est pas satisfaisant, voire peut être dénoncé puisqu'on a beaucoup parlé de maltraitance. Nous sommes donc sur la ligne de départ, avec un objectif d'autant plus impérieux que la judiciarisation et la médiatisation nous mettent la pression, mais on ne donne pas à l'équipe, aux familles, à tous ceux qui font la force d'un établissement les moyens de leur démarche. Demanderait-on à Ferrari de gagner un grand prix avec un moteur d'une génération précédente ? Dans la mesure où il n'y a plus d'impulsion, ceux qui y ont cru sont déçus et ceux qui n'y ont pas cru se disent qu'ils avaient raison. Sur quels critères peut-on mobiliser aujourd'hui ? Pas sur la démarche qualité, puisqu'on n'est pas dans le forfait alors qu'on nous avait dit qu'il fallait évoluer vers lui de manière graduelle, mais que nous serions accompagnés. Aujourd'hui, on nous demande de faire un projet tout de suite et d'entrer dans la « DOMINIC + 35 ». On est ainsi retombé dans ce qu'on connaissait avant : peu de moyens, peu d'ambition et donc peu de dynamique. Les choses sont même pires puisqu'il y a la déception en plus. M. Pascal Champvert : Je partage largement ce qui vient d'être dit, la seule différence est que nous étions beaucoup plus sceptiques dès le départ car nous avions le sentiment qu'il n'y aurait pas assez pour tout le monde. Du coup, comme nous le pressentions, tout le monde n'a pas pu signer, les logements-foyers et les unités de soins de longue durée (USLD) ayant été exclus de la réforme, et on a été obligé de saupoudrer, comme on l'a vu au cours de l'exercice 2005, avec la « DOMINIC + 35 ». À partir du moment où une enveloppe est fixée, les directeurs départementaux de l'action sociale sont piégés car à signer trop de conventions dès le début, ils risquent de ne plus avoir assez d'argent à distribuer et de ne pas atteindre leurs objectifs, tels que les leur avaient assignés les précédents ministres, M. Hubert Falco et Mme Catherine Vautrin. Mais ce n'est pas le nombre de signatures qui compte ! Aujourd'hui chacun sait que ce que nous disons depuis des années est vrai : après le rapport de la Cour des Comptes, les études du Commissariat général du plan, on ne peut plus nous dire que demander un doublement du personnel relève de la démagogie. Dès lors qu'on fait le constat de ce retard il faut engager des moyens pour le rattraper, mais aussi lever un certain nombre d'obstacles. Pour traiter des enjeux financiers, nous avons demandé qu'une grande conférence nationale réunisse l'ensemble des acteurs. M. Philippe Bas nous a dit que la prochaine Conférence de la famille en serait l'occasion, et cela va dans le bon sens. Mais il faut aussi lever les obstacles techniques. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Lesquels ? M. Pascal Champvert : Tout d'abord, ces signatures de conventions. Le principe était bon, mais dès lors qu'il apparaît que c'est un facteur de blocage, il faut assouplir le mécanisme. Que va-t-on faire des établissements qui renouvellent leur convention en 2006, et qui, à l'origine, ont signé à un niveau plus élevé qu'aujourd'hui ? Le lien entre autorisation et financement est aussi un obstacle à la création d'établissements. Tout ce qui permettra que tous les crédits soient débloqués ira dans le bon sens. Un certain nombre d'établissements n'ont pas signé parce que la convention est un pur exercice de style en raison de l'application de la « DOMINIC + 35 ». Or, dans le même temps, le législateur a accru les obligations des établissements, notamment en renforçant les droits et libertés des personnes accueillies dans les établissements pour personnes âgées comme dans tous les établissements médico-sociaux. Il y a donc d'un côté les exigences de plus en plus importantes des personnes âgées et de leurs familles, ce que la société leur accorde légitimement, de l'autre un cadre très contraint, avec des moyens très en retard. Entre les deux, on aura à coup sûr des problèmes de responsabilité. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Vous n'introduisez pas dans votre réflexion la question du « reste à charge » dans le prix d'hébergement. Quelles propositions feriez-vous pour qu'il reste à un niveau acceptable ? M. Pascal Champvert : J'ai dit d'emblée qu'il était beaucoup trop important. Si on mutualise une grande partie de l'hébergement, les personnes âgées et leurs familles vont faire des économies, mais il faut savoir qui va payer. C'est bien pourquoi nous demandons une grande conférence nationale. Le rapport d'évaluation de M. Jean Leonetti concernant la journée nationale de solidarité constate qu'il faudra trouver d'autres modes de financement que le jour férié et trace quelques pistes : CSG, impôt sur les successions, impôt sur les sociétés. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Mais il ne dit pas concrètement comment faire... M. Pascal Champvert : C'est simple : il faut modifier la tarification des établissements, diminuer le tarif d'hébergement, faire en sorte que certaines charges comme l'amortissement ne soient plus indûment supportées par ce tarif. En tant que directeur d'hôpital, si je vais discuter avec mon adjoint des trombones et des boîtes de conserve, je suis payé par l'assurance maladie, mais si je travaille dans une maison de retraite, je suis payé, y compris quand je fais une réunion avec les médecins et les infirmières sur la continuité des soins, par la personne hébergée. Ça n'a aucun sens ! Il faudrait qu'au moins un tiers, si ce n'est les deux tiers du salaire d'un directeur, soit supporté par l'assurance maladie ou par le forfait dépendance. Et on peut multiplier les exemples : les psychologues sont payés sur le forfait dépendance alors qu'ils devraient être payés par l'assurance maladie comme c'est le cas dans les hôpitaux ; les aides-soignantes, quand elles travaillent en maison de retraite, sont payées pour une petite partie sur l'hébergement, ce qui est totalement anormal ! Que ce soit dans les hôpitaux ou dans les services de soins à domicile, les aides-soignantes sont entièrement payées par l'assurance maladie. Remettre tout ceci en cause suppose une nouvelle répartition, dont il faut débattre très largement. M. Claude Jarry : Je veux dénoncer une mécanique de plus en plus fréquente et à laquelle j'ai moi-même dû recourir, comme nombre de ceux qui sont dans l'incapacité de répondre aux besoins, y compris des établissements ayant signé une convention. Quand on dit qu'on manque de personnel, il s'agit de celui dont on a besoin pour couvrir un besoin, mais pas uniquement. Prenons l'exemple d'un établissement que je dirige. Pour couvrir le week-end, en dehors de la nuit, nous avons besoin de neuf personnes par jour, soit 18 personnes. Quand on a 12 équivalents temps plein, on est contraint de recourir au temps partiel non choisi. Le problème est celui de l'attractivité de ces professions. Dans le cadre du budget prévisionnel 2006, j'ai dû proposer la création d'un temps plein d'agent de service hospitalier (ASH), pour l'essentiel à la charge des usagers, pour faire des soins, donc pour décharger les aides-soignantes et rendre les postes plus attractifs. Le conseil de la vie sociale n'est pas prêt à payer n'importe quoi, mais il l'accepte car il comprend que la qualité a un coût. Dans la mesure où on a une contrainte budgétaire forte, tout ce qui vient en plus, notamment en termes de qualité, se répercute sur le prix d'hébergement et est à la charge du résident. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Vous êtes en train de dire que la réforme de la tarification, qui avait pour objectif principal d'identifier ce qui relevait du soin et de la dépendance dans ce qui était supporté respectivement par les personnes âgées et par la sécurité sociale, est en train d'être balayée et que vous en êtes à nouveau à faire supporter une partie des soins par le tarif d'hébergement. Il faudrait que vous fournissiez tous les éléments précis à notre mission. Vous nous dites que des soins sont effectués par des personnels non qualifiés. Avez-vous une idée du nombre de postes concernés ? M. Claude Jarry : Il n'y a pas d'étude précise dans notre secteur. Mais nous pouvons calculer l'écart entre les postes prévus dans les conventions de première génération et ceux qui ont effectivement été accordés. Car ce dont je vous parle, c'est de la qualité décidée ensemble, en conseil de la vie sociale avec les familles. Mais ensuite, on nous a imposé la « DOMINIC + 35 ». Chez nous, il était prévu 2,5 postes non financés, ainsi qu'un poste de secrétariat et un poste d'homme d'entretien. Aujourd'hui, nous ne nous posons plus la question de l'entretien des espaces verts... Faute des postes prévus dans la convention, soit on abandonne la qualité, soit on la maintient mais ce sont les usagers qui la paient, soit on revient en arrière, ce qui est un crève-cœur. On peut aussi quantifier le nombre de postes financés par le conseil général et non par l'État, je pense en particulier aux aides-soignantes et aux aides médico-psychologiques (AMP). Je dirige trois établissements, dont deux créés en 2002, pour lesquels j'ai un surplus sur la section dépendance, que je restitue chaque année, et un déficit sur la section hébergement. Je demande régulièrement à l'État de me donner les postes prévus dans la convention tripartite. Eh bien, à un moment donné, quand on ne peut plus attendre, il faut prendre ses responsabilités. C'est ce que nous avons fait pour le doublement du personnel de nuit, en finançant un poste d'ASH. Voilà ce que nous vivons ! Je veux aussi insister sur le poids des hospitalisations. Le plan de rattrapage pour la sécurité sociale portera le forfait hospitalier à 15 euros l'an prochain. On nous dit régulièrement que nos établissements ont vocation à accueillir des personnes de plus en plus dépendantes, qui peuvent être amenées à aller à l'hôpital dans le cadre du réseau de soins dans lequel nous sommes invités à nous inscrire. Or, chaque journée à l'hôpital fait « gagner » 15 euros à l'usager à l'aide sociale, car ils sont retranchés de sa facture, mais les fait supporter à la collectivité. Au total, pour un établissement comme ceux que je dirige, ce manque à gagner représente 10 000 euros par an, ce n'est pas rien. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Vous semble-t-il normal qu'une grande partie des gens aillent ainsi à l'hôpital ? M. Claude Jarry : Naturellement non. Le plateau technique de l'hôpital nous est extrêmement précieux, mais le parcours qu'y effectue une personne âgée est très pathogène. Mais c'est un effet de la faiblesse de notre taux d'encadrement : il y a bien des hospitalisations injustifiées, comme celles du week-end ou de la nuit, parce que nous n'avons pas d'infirmières. M. Pascal Champvert : Sur le fait que des charges sont indûment supportées par les personnes âgées, je donnerai un exemple. Nous avons soutenu fortement, du point de vue de la promotion professionnelle, la valorisation des acquis de l'expérience des aides-soignantes. L'idée est bien que les gens qui ont pratiqué des activités d'aide-soignant pendant longtemps peuvent obtenir le diplôme. Mais, en clair, on institutionnalise le fait que, depuis des années, des ASH - des femmes de ménage - font des toilettes de personnes hébergées, donc des actes soignants, en dehors de toute légalité, au risque que l'établissement soit condamné en cas d'accident. Or, la plupart de ces ASH sont payées par le forfait hébergement. Certaines directions des affaires sanitaires et sociales (DDASS) les laissent sur le forfait soins, en fermant les yeux sur les diplômes, mais c'est exceptionnel. Je veux aussi insister sur des problèmes de santé publique qui vont émerger de plus en plus. Le premier est l'insuffisante prise en charge psychiatrique des personnes âgées et très âgées. La plupart des hôpitaux psychiatriques expliquent que leur principale préoccupation, notamment en zone urbaine, est l'accompagnement de la jeunesse dans les banlieues et qu'ils ne sont plus en mesure d'accompagner les personnes âgées. Le nombre de personnes qui ne peuvent avoir accès au suivi psychiatrique dont elles auraient besoin, en maison de retraite et a fortiori à domicile, devient préoccupant. Deuxième problème, l'accès aux soins à l'hôpital. Avec la tarification à l'activité (T2A), les hôpitaux publics et les cliniques privées sont poussés à faire sortir les gens le plus vite possible. Or, par exemple après une opération, nous ne pouvons reprendre les personnes âgées qui sont sorties très rapidement de l'hôpital. Des conflits naissent ainsi entre les hôpitaux et les établissements. Le cahier des charges des conventions tripartites prévoit à juste titre la signature de conventions entre les hôpitaux et les établissements pour personnes âgées. Extrêmement peu l'ont été avec des hôpitaux psychiatriques. Avec les mesures post-canicule et les plans bleus, les services de l'État ont incité les hôpitaux publics à le faire, mais elles restent extrêmement marginales et même, dans certains départements, ne sont pas signées car il est difficile de passer un accord entre les hôpitaux et les maisons de retraite. Cela confirme le manque de moyens des établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD) pour accompagner les personnes qui sortent de l'hôpital. Enfin, on souligne trop peu qu'un certain nombre d'établissements, qui ont signé une convention avec un GIR moyen pondéré (GMP), donc un niveau moyen de handicap des personnes âgées accueillies, ne veulent pas le voir augmenter. Ils ont raison, car les financements, qui y sont prétendument liés, n'augmenteront pas, ce qui est logique puisque les DDASS ont déjà des difficultés à passer des conventions avec d'autres établissements. Nous conseillons aux établissements, dès lors que les moyens n'augmentent pas, de faire en sorte que la charge de travail et la charge d'accompagnement - et donc le GMP - n'augmentent pas non plus. Cela signifie qu'une sélection est opérée à l'entrée des établissements et que, quand on est en GIR 1 ou 2, en particulier en zone urbaine, on a du mal à trouver une place. Qui plus est, de nombreux services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) font la même chose car les soins supposent parfois plusieurs visites de plusieurs infirmiers par jour. L'accueil de ces personnes, qui sont pourtant celle qui en auraient le plus besoin, risque donc de devenir de plus en plus difficile, même si M. Philippe Bas, ministre en charge des personnes âgées, a annoncé un doublement du nombre de places - ce qui ne fera quand même que 20 000 alors que le Commissariat général du Plan dit qu'il en faudrait 40 000. À ce propos, la transparence voudrait qu'on nous dise où les 10 000 nouvelles places ont été créées. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Avez-vous une idée de la durée moyenne de séjour dans vos établissements ? M. Pascal Champvert : On a écrit qu'elle était d'un an et demi à deux ans, mais je ne suis pas sûr que, dans le social, la durée moyenne de séjour soit une bonne façon d'appréhender la réalité des choses. En effet, certains entrent en établissement pour personnes âgées pour un mois ou deux alors qu'ils ne devraient pas y entrer puisqu'il y a des établissements pour accompagner la fin de vie et que nous-mêmes n'en avons pas les moyens. Je pense donc qu'il faudrait aider dignement ces personnes à terminer leur vie chez elles. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je comprends que vous affirmiez que vos établissements ne sont pas faits pour cela, mais on peut quand même s'interroger sur une évolution de la demande vers la prise en charge de la fin de vie. Car si les gens viennent dans les établissements pour mourir, M. Claude Jarry a raison de dire que la tarification à l'activité est inadaptée. M. Pascal Champvert : On annonce depuis dix ans la mort des logements-foyers ou du moins leur transformation en EHPAD. La réforme de la tarification avait d'ailleurs repris cette idée. Or on constate que beaucoup de logements-foyers sont sortis de cette réforme et continuent à accueillir des personnes âgées. Voilà un élément de la demande. Et j'entends bien que les établissements doivent déterminer leurs projets en fonction de cette dernière. M. Claude Jarry : Il n'appartient pas aux directeurs d'établissement de « faire » la demande ou le besoin, ils sont là pour y répondre. Il faut être objectif : un certain nombre de choses ont quand même changé ces derniers mois. La réflexion sur les petites unités de vie (PUV) - j'ai écouté l'audition précédente sur les MARPA - a permis d'élargir le spectre de l'offre. Demain, plus que des places, ce sont des solutions que nous devrons proposer, et notre offre devra donc être capable d'évoluer avec le besoin. Déjà, nombreux sont ceux qui pratiquent l'accueil de jour avec ramassage à domicile. En amont et en aval de l'EHPAD, dont l'hôpital restera un partenaire précieux, il y aura toute une gamme de solutions, en particulier pour prendre en compte une dépendance sans doute plus importante. Nous aurons donc besoin à la fois de plus de moyens pour les structures qui l'accueilleront et d'un maillage dans un réseau qui prenne en compte la réalité du territoire. Je crois aussi qu'on est sorti d'une logique du tout-médicalisé et du tout-conventionné. Ce qui compte maintenant, c'est l'offre de prestations, le choix offert aux gens. Tant qu'il y aura des opérateurs, des promoteurs, des conseils d'administration, des conseils de la vie sociale qui croiront en leur projet d'établissement, il y aura des choses à faire. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : La Cour des comptes montre bien que la complexité des circuits de décision et de financement ne permet pas forcément que les projets soient implantés sur le territoire le plus pertinent. Pensez-vous que la CNSA pourra soutenir cette dynamique ? M. Claude Jarry : Je souhaite que cette dynamique vienne du terrain et que la CNSA soit suffisamment à l'écoute pour l'accompagner. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Vous croyez beaucoup à l'implication des conseils généraux à partir des schémas départementaux gérontologiques ? M. Claude Jarry : Je constate que les collectivités territoriales, même si quelques-unes sont à la traîne, ont compris le problème et s'investissent dans ce secteur. Peut-être attendaient-elles aussi qu'on procède à des simplifications : le blocage sur les logements-foyers et sur les petites unités de vie posait problème. Cela étant, je pense qu'il faut simplifier mais sans aller vers des normes trop rigides qui pourraient bloquer l'initiative, et donc en faisant confiance à la négociation sur le terrain. Prenons l'exemple des petites structures de vie communautaire, non médicalisées, de type CANTOU : le concept était intéressant, mais il a été récupéré par la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAVTS) et modélisé, et sa reproduction pose problème. Cela confirme que c'est sur le projet qu'il faut mettre l'accent. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Vous proposez rien moins que de remettre en cause l'ensemble des dispositifs, et pas seulement la réforme de la tarification. L'expérimentation prévue explicitement par la loi du 2 janvier 2002 n'est pas utilisée. J'aimerais que vous nous fassiez des propositions très concrètes en vue d'améliorer la logique territoriale et d'offrir plus de souplesse. M. Claude Jarry : Dans les réunions que nous organisons, nous partageons nos expériences. À Géront Expo, à une table ronde à laquelle je participais aux côtés de M. Jean-Jacques Trégoat, directeur général de l'action sociale, un directeur départemental de l'action sociale s'est demandé pourquoi l'information sur les expériences qui étaient présentées ne lui était pas parvenue. Je crois, en effet, qu'il y a énormément d'initiatives sur le terrain, mais que l'information ne remonte pas. M. Pascal Champvert : La commission prospective de la CNSA va essayer de favoriser les innovations, de les faire connaître et de les soutenir. Je voulais insister, à propos du suivi des comptes et des objectifs, sur une véritable dérive autour des questions de sécurité incendie. Quand les commissions de sécurité rendent des avis conformes aux textes existants, le seul problème est de trouver les financements nécessaires aux travaux. Mais il est anormal que certaines aillent jusqu'à dire le droit et à imposer des travaux que la réglementation n'exige pas. Or, on ne peut former recours contre leurs avis - car il ne s'agit pas de décisions -, et si nous attaquons le maire ou le préfet qui suit l'avis de la commission, le jugement n'est pas rendu par le tribunal administratif avant plusieurs années, ce qui nous met dans une situation inextricable. Nous avons saisi depuis très longtemps le ministère du logement et la direction générale de l'action sociale, mais ils se heurtent au blocage du ministère de l'intérieur, qui a autorité sur les commissions de sécurité incendie et sur les pompiers. Ce blocage administratif, souvent sans lien avec une sécurité raisonnable des personnes hébergées, a des conséquences financières considérables. Je suis donc persuadé que seul le Parlement peut aujourd'hui faire évoluer les choses. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Nous avons déjà été alertés sur ce point. Dans son premier rapport, le Commissariat général du Plan montre que la création de places est depuis plusieurs années uniquement portée par le secteur privé à but lucratif. Avez-vous une explication ? M. Pascal Champvert : Le secteur commercial est capable de lever des fonds bien plus vite que le secteur public. Je dirige un établissement public et je connais donc bien le parcours du combattant qu'il faut suivre pour obtenir une subvention auprès d'une trentaine d'organismes qui ont chacun une procédure différente. Là aussi, une simplification s'impose. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : La question, que nous nous posons depuis le début, de l'identification des dispositifs d'investissement, est donc essentielle. M. Pascal Champvert : Absolument. Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je vous remercie pour vos interventions passionnées et je vous rappelle que nous attendons toutes les propositions écrites que vous souhaiterez nous faire parvenir, notamment à propos de la formation des personnels. * Audition de M. Yves Journel, président du syndicat national des établissements Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je vous souhaite la bienvenue. Notre mission fait porter ses travaux actuels sur le financement des maisons de retraite et sur le coût de l'hébergement pour les personnes âgées et leurs familles. Elle s'intéresse aussi à l'approche médico-sociale. Une étude du Commissariat général du Plan montre que les créations de places ont principalement lieu dans le secteur commercial. Pensez-vous que les différents opérateurs - secteur public, secteur associatif non lucratif, secteur commercial - soient sur un pied d'égalité en matière de financement ? M. Yves Journel : Oui, puisqu'ils rendent le même service avec les mêmes moyens. Que le secteur privé commercial ait accès à des modes de financement de l'immobilier, c'est possible, mais c'est la seule différence. Pour le reste, le prix de revient par jour et par résident est le même pour tous, et il me semble utile de le décomposer. Le prix de revient s'analyse en trois blocs : prise en charge du soin, prise en charge de la dépendance, hébergement. Or, la prise en charge du soin s'élève à 17 euros pour le secteur commercial et à 19 euros pour les autres secteurs, mais ce montant ne tient compte, ni de l'amortissement du coût de l'immobilier, ni des charges liées à l'administration et à la direction. De même, la prise en charge de la dépendance, à raison de 30 % des frais de personnel relatifs aux aides-soignantes et aux aides hôteliers, est d'environ 10 euros pour le secteur commercial et de quelque 12 euros pour les autres secteurs, sans que l'on tienne davantage compte de l'amortissement d'immeubles dont l'adaptation à des personnes handicapées requiert pourtant des aménagements particuliers. Tout le reste est imputé à la section hébergement. Par « reste », il faut entendre l'alimentation pour 4 euros au minimum, les autres achats pour 5 euros, les services extérieurs pour 8 euros, les impôts et taxes pour 2 euros, soit 19 euros auxquels s'ajoutent 3 euros d'amortissement des agencements intérieurs. À ces 22 euros il faut adjoindre les charges de personnel, à hauteur de 70 % du coût des aides hôteliers, soit 20 euros par jour. Que constate-t-on? Que pour cette seule section on a déjà dépensé 42 euros, ce qui correspond au revenu moyen des personnes âgées en France, sans que l'immeuble, qui coûte plus ou moins cher selon les lieux, soit financé. Or, les immeubles étaient beaucoup moins cher il y a dix ans qu'ils ne le sont aujourd'hui, en raison de l'édiction de normes nouvelles et parce que l'on a créé des chambres particulières et de plus vastes espaces collectifs, passant au total de 37 m² à 52 m² par lit, ce qui n'est pas une mauvaise chose. Mais dans le même temps le coût des travaux et de la charge foncière a augmenté si bien que le coût du lit varie désormais de 70 000 à 120 000 euros. Il en résulte un loyer quotidien de 17 à 18 euros alors que le loyer moyen, hors établissements, n'est que de 5 à 7 euros. En résumé, le prix de revient global de l'hébergement est de 60 euros alors que le revenu moyen des personnes est de 42 euros. On est dans une impasse, que le secteur commercial résout en fixant un tarif moyen de 60 euros, avec un quartile à 47 euros - ce sont souvent des établissements anciens dont les immeubles sont amortis - et un quartile à 80 euros. C'est ce qui lui permet de financer son parc immobilier. Aux autres secteurs on impose des contraintes tarifaires, et si le tarif fixé est inférieur à 60 euros, ils doivent chercher des financements. Le vrai problème, c'est la différence entre une charge objective de 60 euros et une ressource inférieure d'un tiers. En réalité, la prise en charge des soins par la collectivité est nettement insuffisante, car beaucoup est omis dans la prise en charge actuelle : les locaux, les process, les frais de direction et d'administration. Lorsque le taux d'encadrement est de 0,3, il n'y a pas de comité d'entreprise ; lorsque l'effectif s'accroît, la gestion du |