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APRÈS L'ART. 10
N° 454
ASSEMBLÉE NATIONALE
9 mars 2009

PROTECTION DE LA CRÉATION SUR INTERNET - (n° 1240)

Commission
 
Gouvernement
 

AMENDEMENT N° 454

présenté par

M. Bloche, M. Christian Paul, Mme Erhel, Mme Karamanli,
M. Mathus, M. Brottes, M. Françaix, M. Gagnaire
et les membres du groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

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ARTICLE ADDITIONNEL

APRÈS L'ARTICLE 10, insérer l'article suivant :

I. – Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

« Après l'article L. 132-34, il est inséré une section 6 ainsi rédigée :

« Section 6 :

« Contrat de collaboration à une entreprise de presse autre qu’audiovisuelle

« Art. L. 132-35. – Au sens de la présente section on entend par publication de presse la publication et les exploitations éditoriales qui la reprennent en tout ou partie, la prolongent ou la complètent, opérées sous la responsabilité éditoriale, le titre et la marque d’une entreprise de presse, quels qu’en soient le support, les modes de diffusion et de consultation, les formes de commercialisation. Sont expressément exclus les services de radio ou de télévision au sens de l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication modifiée ainsi que les services de communication au public en ligne constitués principalement de programmes audiovisuels dont la forme et le contenu sont comparables à ceux des services de radio ou de télévision.

« Le contrat liant un journaliste professionnel ou assimilé au sens de l’article L. 7111-4 du code du travail, qui contribue à titre permanent ou occasionnel à la création d’une publication de presse, et une entreprise de presse emporte cession à cette dernière, sauf clause contraire, des droits d’exploitation de ses œuvres dans le cadre de la publication de presse, sous réserve des dispositions de l’article L. 132-38 du présent code.

« Cette cession a pour contrepartie obligatoire le versement au journaliste de droits fixés par convention ou accord collectif en application des articles L. 2222-1 et suivants du code du travail ou le cas échéant, de l’article L. 2232-24 du même code.

« Les dispositions du présent article s’appliquent aux journalistes professionnels non permanents du secteur de l’image fixe, à la condition de l’établissement, par voie contractuelle via la négociation collective, d’un barème minimal de rémunérations au titre des œuvres exploitées dans la publication de presse. La cession prévue au présent article ne s’applique qu’aux œuvres commandées par l’entreprise de presse aux journalistes professionnels non permanents du secteur de l’image fixe, en vue de leur exploitation dans la publication de presse. La convention ou l’accord collectif prévu à l’alinéa 3 du présent article prévoit la délimitation de cette cession ainsi que les conditions d’exploitation de leurs œuvres dans une autre publication de presse par les journalistes professionnels non permanents du secteur de l’image fixe.

« Art. L. 132-36. – La convention ou l’accord collectif visé à l’article précédent prévoit une période d’exploitation de référence pendant laquelle la cession des droits d’exploitation a pour seule contrepartie la rémunération salariale versée au journaliste, quels que soit le nombre, le mode et la fréquence des exploitations. Cette période est déterminée en considération de la périodicité de la publication de presse et ne peut être inférieure à un jour franc suivant la première communication au public.

« Au-delà de cette période et dans le cadre de la publication de presse, les droits versés au journaliste sont déterminés par voie contractuelle via la négociation collective conformément aux dispositions du présent code. Cette rémunération n’a pas le caractère de salaire.

« Ces conventions ou accords peuvent opter pour la gestion collective des droits concernés, par le biais des sociétés de perception et de répartition de droits visées aux articles L. 321-1 et suivants du présent code.

« Art. L. 132-37. – À défaut de convention ou d’accord collectif conclu dans les douze mois suivant la promulgation de la présente loi, ou dans les six mois suivant la date d’expiration d’un précédent accord, la période de référence, ainsi que les modes et bases de rémunération pour la cession au-delà de la période précitée, sont déterminés par une commission de conciliation, sur saisine de la partie la plus diligente, entreprise de presse ou organisation syndicale.

« Cette commission est présidée par un magistrat de l’ordre judiciaire désigné par le premier président de la Cour de cassation et composée, en outre, en nombre égal, de représentants des entreprises de presse et de représentants des organisations syndicales de journalistes professionnels. Les organisations appelées à désigner les membres de l’instance de conciliation ainsi que le nombre de personnes que chacune est appelée à désigner, les modalités de fonctionnement de l’instance de conciliation sont déterminés par décret.

« La commission se détermine à la majorité des membres présents en tenant compte des accords conclus dans le type de presse considéré. En cas de partage des voix, le président a voix prépondérante.

« Elle prend sa décision dans les trois mois suivant la date de sa saisine. Sa décision a effet pour une durée de trois ans, sauf accord des intéressés intervenu avant ce terme.

« Art. L. 132-38. – La transmission des droits du journaliste pour toute exploitation par l’entreprise de presse d’une ou plusieurs de ses œuvres, effectuée en dehors de la publication de presse, est subordonnée à la conclusion d’un accord individuel ou collectif délimitant le domaine d’exploitation des droits cédés et les modalités de la rémunération correspondante, conformément aux dispositions du présent code.

« Sans préjudice des dispositions prévues à l’article L. 121-8, toute exploitation de ses œuvres par un journaliste dans une publication de presse autre que celle dans laquelle elles sont initialement parues est subordonnée à l’autorisation préalable de l’entreprise de presse éditrice de cette dernière et ce, tant qu’elle poursuit régulièrement son exploitation. ».

II. – Le code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 7113-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Son exploitation est régie par les dispositions figurant en section VI du code de la propriété intellectuelle. »

2° Le dernier alinéa de l’article L. 7113-2 est ainsi rédigé :

« Son exploitation est régie par les dispositions de l'article L.132-35 et suivants du code de la propriété intellectuelle. ».

III. – Les présentes dispositions sont d’application immédiate et s’imposent à toute exploitation postérieure à l’entrée en vigueur de la présente loi, quelle que soit la date de création des œuvres exploitées.

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vient modifier le droit d’auteur des journalistes de la rédaction d’une publication de presse. Il est directement inspiré par le "Blanc", document de compromis entre des représentants des éditeurs de presse écrite et des représentants syndicaux des journalistes visant à adapter les droits d’auteur des journalistes à l’univers numérique. Ce document a été validé par les états généraux de la presse écrite qui recommande sans réserve d’ « appliquer le « Blanc ».

Trois principes fondamentaux doivent être respectés: la neutralité du support (papier/numérique) ; la sécurité juridique de l’éditeur à travers la reconnaissance d’une cession automatique de droits exclusifs, ces derniers devant être distingués des exceptions légales ; corrélativement, la garantie des droits attachés aux journalistes et à leur statut.

Les propositions faites par cet amendement visent à conjuguer d’une part, des droits exclusifs, dont l’éditeur doit conserver la maîtrise et la gestion directe, avec pour contrepartie indissociable la rémunération correspondante des journalistes, et d’autre part, des exceptions aux droits d’auteur qui, par définition hors du champ de la gestion directe, ne doivent pas affecter l’exploitation de la publication.

Cet amendement institue l’éditeur cessionnaire exclusif des droits sur les contributions journalistiques laissant à la voie contractuelle, via la négociation collective, les modalités de mise en œuvre adaptées à chaque forme de presse, notamment s’agissant de la contrepartie indissociable de cette cession : la rémunération des journalistes. Il est précisé que le droit de recueil, prévu à l’article L.121.8 alinéa1 du CPI, est maintenu.

Ce nouveau dispositif introduit des critères d’application fondés sur la temporalité de l’exploitation, qui font la part entre les exploitations de la publication présumées se rattacher à une consultation d’actualité et celles présumées se rattacher à une consultation documentaire, la contrepartie des premières étant incluse dans la rémunération initiale et celle des secondes devant être déterminée par voie contractuelle.

Il prévoit également la mise en place d’une commission de conciliation qui permet aux éditeurs et aux journalistes de dépasser les éventuels blocages dans la mise en place de tels accords ou dans la négociation liée à leur renouvellement, de sorte que chacune des parties soit assurée en toutes circonstances, pour l’éditeur de la pérennité de ses exploitations, et pour les journalistes du bénéfice des droits correspondants.

Une période de transition est aménagée pour permettre l’intégration progressive des accords existants dans le nouveau dispositif.

En définitive, cette nouvelle organisation des droits d’auteur des journalistes ne doit pas se limiter aux seuls cas de reprise d’une production papier vers une publication numérique (qui dans bien des cas s’en distinguera par sa production propre) mais au contraire fournir le cadre général dans lequel s’inscriront les accords professionnels touchant aux droits d’auteur des journalistes, quelles que soient la technologie utilisée (papier, numérique) et l’organisation du travail mise en place (mono-media, bi-média, multi-média) et la qualification juridique de la publication.