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ART. 7 BIS
N° 31
ASSEMBLÉE NATIONALE
7 juillet 2010

ADAPTATION DU DROIT PÉNAL À L'INSTITUTION DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE - (n° 2517)

Commission
 
Gouvernement
 

AMENDEMENT N° 31

présenté par

Mme Ameline, rapporteure
au nom de la commission des affaires étrangères
saisie pour avis

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ARTICLE 7 BIS

Après le mot :

« crimes »,

rédiger ainsi la fin de l’alinéa 3 :

« peut être exercée si aucune juridiction internationale ou nationale ne demande la remise ou l’extradition de la personne et si aucune procédure concernant ces crimes n’est en cours devant la Cour pénale internationale. ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à supprimer à la fois le monopole du ministère public dans le déclenchement des poursuites et les dispositions selon lesquelles la Cour pénale internationale devrait décliner expressément sa compétence pour que la justice française puisse juger l’auteur d’un crime visé par le Statut de Rome.

Sur le premier point, le monopole du ministère public pose problème au regard des droits des victimes, qui ne pourraient pas mettre elles-mêmes l’action publique en mouvement en se constituant partie civile. Certes le monopole du ministère public dans le déclenchement des poursuites existe d’une manière générale (article 113-8 du code pénal) dans tous les cas où la loi pénale française est applicable à des délits commis hors du territoire national, du fait de la nationalité de l’auteur des infractions (article 113-6 du code pénal) ou de la victime (article 113-7 du code pénal). Il s’applique aussi lorsque la justice française est compétente pour juger d’un suspect dont notre pays refuse l’extradition (article 113-8-1 du code pénal) et aux différentes situations dans lesquelles la justice française peut poursuivre un étranger ayant sa résidence habituelle sur le territoire de la République (pour les cas de tourisme sexuel impliquant des mineurs, de clonage reproductif et d’activités mercenaires, qui constituent des délits).

Mais imposer cette limitation dans le cas des crimes les plus graves n’apparaît ni nécessaire ni pertinent. Ce n’est pas nécessaire car la crainte de voir déposer de très nombreuses plaintes n’est pas fondée : en matière de torture, seule une quinzaine de plaintes a été déposée en France sur le fondement de la convention du 10 décembre 1984 pour l’application de laquelle la France s’est reconnue une compétence universelle, et deux procès ont été menés à leur terme. Il n’y a aucune raison que l’on assiste à une explosion du nombre de plaintes contre des auteurs présumés de crimes contre l’humanité ou de crimes de guerre. Ce n’est pas non plus pertinent, car la France a toujours été très attachée à la défense des droits des victimes, tant en droit interne qu’au niveau international. Elle a notamment obtenu que ceux-ci soient mieux pris en compte devant la Cour pénale internationale. Ce monopole induirait en outre une différence de traitement entre les victimes selon les crimes dont elles ont eu à souffrir (crimes contre l’humanité ou crime de guerre d’une part, actes de torture ou de terrorisme d’autre part).

Sur le second point, il n’est évidemment pas question que la justice française fasse de la concurrence à la Cour pénale internationale en prétendant enquêter sur une affaire qui aurait été soumise à la Cour ou juger une personne que cette dernière poursuit. Mais le Statut de Rome ne prévoit aucun mécanisme permettant à la Cour de décliner sa compétence. En effet, en application du Statut, c’est la Cour qui est amenée à intervenir en complément des juridictions nationales, et non l’inverse.

Du moment qu’aucune procédure concernant les crimes en question n’est en cours devant la Cour pénale internationale, et qu’aucun Etat n’a demandé son extradition, la justice française doit pouvoir être compétente pour poursuivre le suspect.