Accueil > Documents parlementaires > Amendements
Version PDF
ART. PREMIER
N° 7
ASSEMBLÉE NATIONALE
18 juin 2010

MODERNISATION DES PROFESSIONS JUDICIAIRES ET
JURIDIQUES RÉGLEMENTÉES - (n° 2621)

Commission
 
Gouvernement
 

AMENDEMENT N° 7

présenté par

M. Remiller, M. Gatignol, M. Lazaro, M. Favennec, M. Christian Ménard,
M. Chossy, M. Jardé, M. Souchet, M. Luca, M. Lorgeoux, M. Reiss,
M. Birraux, M. Mach, Mme Besse et Mme Grosskost

----------

ARTICLE PREMIER

Supprimer cet article.

EXPOSÉ SOMMAIRE

Sous une apparence « technique », l’article 1er du projet de loi a une portée considérable car il met en péril les fondements de notre système juridique et, partant, induit un changement profond de société.

L’affaiblissement de la sécurité financière de l’Etat et la consécration de la dérégulation.

Dans l’« étude d’impact » du projet de loi, il est affirmé que « la confiance particulière qui est reconnue aux officiers publics, en tant que délégataires de la puissance publique, justifie qu’une force probante plus importante soit reconnue aux actes authentiques ».

De même, le rapport Darrois rappelait-il que les notaires « ont pour mission de contribuer à la sécurité juridique, notamment en matière immobilière ».

Ce constat, d’évidence, de la suprématie de l’acte authentique par rapport à l’acte sous seing n’a pas empêché, toutefois, le projet de loi d’envisager la création d’un acte contresigné par avocat dont la force probante serait, en réalité, au moins égale à celle de l’acte authentique et dont la finalité sera de concurrencer l'acte acte authentique. Ainsi :

- l'octroi d'une force probante comparable à celle de l'acte authentique.

- la présomption d'information complète des parties sur les conséquences, c'est à dire sur le contenu, de l'acte.

- la difficulté accrue d'une procédure de faux qui supposera de mettre en cause non seulement la signature de l'une ou l'autre des parties, mais aussi, nécessairement, celle du ou des avocats contresignant

témoignent d'une volonté de créer un produit de substitution à l'acte authentique qui ne pourra qu'éloigner les citoyens du bénéfice des protections que leur accorde le statut d'officier public, en réduisant le champ d'application de l'acte authentique et, corrélativement, l'activité des notaires au point de les faire disparaître.

L’introduction dans notre droit de l’acte sous seing privé contresigné par avocat aurait pour conséquence inéluctable d’affaiblir l’Etat et toute la société française, avec la marginalisation puis la disparition programmée d’officiers publics, les notaires, en charge de la régulation de biens et services, depuis des siècles.

Il n’est évidemment pas raisonnable, par les temps qui courent, de mettre en place un système qui priverait l’Etat de sa notation AAA par la diminution prévisible des fonds détenus et sécurisés chaque année par les notaires tant au titre de leurs activités principales qu’au titre de leurs activités accessoires (cessions de fonds de commerce, gestion locative, gestion des fonds de succession, etc…), de l’ordre de 600 milliards d’euros, assurant une ressource stable pour la Caisse des dépôts et consignations de 20 milliards d’euros ! La Grèce, l’Espagne, le Portugal, pays aujourd’hui à la signature décotée, nous envient cette manne… Faut-il le rappeler les notaires et les avocats ont un statut différent, les premiers étant délégataires de la puissance publique ont obligation de déposer les fonds auprès de la CDC, alors que les seconds, professionnels libéraux, auraient toute latitude pour les déposer dans les banques commerciales.

Dans le même temps où les Etats-Unis semblent évoluer vers la prise de conscience, et le rejet, des déviances dévastatrices du capitalisme financier, où la Chine, nation dominante de demain, a voté en août 2005 une loi notariale qui se rapproche de la loi de Ventôse nourrie par l’esprit du code civil, et où la quasi-totalité des pays du pourtour méditerranéen sont demandeurs d’un dispositif réglementaire de régulation de la circulation de la vie sociale, économique et financière dans la Cité, le projet de loi, en organisant la mise en concurrence des officiers publics, propose de faire basculer la France dans un système de droit de type anglo-saxon, et aux professionnels du droit de s’impliquer dans les excès et les tares d’une « judiciarisation » de plus en plus envahissante, qui, au lieu d’apporter l’équilibre, la sécurité et la justice, provoquerait l’explosion des mécanismes de protection et la destruction de l’esprit des lois qui a inspiré le Consulat. Il serait pour le moins paradoxal de voir, dans moins de dix ans, des notaires américains et des lawyers français.

La fin de la sécurité juridique et l’explosion des contentieux.

Cet acte engendrerait de lourdes difficultés, non seulement sociales et économiques, en un mot politiques, mais aussi pratiques.

En effet, sans que cette énumération soit exhaustive, les professionnels du droit eux-mêmes et leur clientèle se trouveraient confrontés à une multiplicité de formules :

- l’acte sous seing privé conçu et signé directement par les parties entre elles,

- l’acte sous seing privé établi et signé directement par les parties elles-mêmes et contresigné par l’avocat,

-l’acte sous seing privé rédigé par les parties mais non contresigné par l’avocat, soit à la demande des parties, soit en raison du refus de l’avocat,

- l’acte sous seing privé rédigé par un autre professionnel du droit, du chiffre ou de l’immobilier, sans contreseing de l’avocat,

- l’acte sous seing privé rédigé par un autre professionnel que l’avocat mais soumis volontairement à son contreseing,

- l’acte sous seing privé rédigé par un avocat, mais non contresigné par lui, soit parce qu’il aura refusé, soit par décision des parties,

- l’acte sous seing privé rédigé par un avocat et contresigné par lui.

Accordera-t-on la même force probante selon que le contreseing aura été apposé dans l’une ou l’autre de ces configurations ? N’est-il pas dangereux que le contreseing fasse pleine foi de l’écriture et de la signature ?

Ainsi donc, le nouvel acte que représenterait l’acte contresigné par avocat, distinct de l’acte sous seing privé usuel et de l’acte authentique, institutionnaliserait une inextricable confusion dans l’esprit de la clientèle et dans l’exercice lui-même du métier du notaire comme de l’avocat, confusion qui ne pourrait que provoquer une accélération brutale et considérable du contentieux. L’article 1317 du code civil définissant clairement l’acte authentique comme « celui qui a été reçu par officiers publics ayant le droit d’instrumenter dans le lieu où l’acte a été rédigé, et avec les solennités requises », et le régime des actes sous seing privé étant déjà réglementé par les articles 1322 à 1328 du code civil au termes desquels tous les professionnels du droit, du chiffre, et les particuliers eux-mêmes, peuvent en établir, toute disposition législative complémentaire est nécessairement superfétatoire et nuisible.