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APRÈS L'ART. 21 TER
N° 234
ASSEMBLÉE NATIONALE
24 septembre 2010

IMMIGRATION, INTÉGRATION ET NATIONALITÉ - (n° 2814)

Commission
 
Gouvernement
 

AMENDEMENT N° 234

présenté par

M. Letchimy, M. Manscour, Mme Taubira, Mme Berthelot et Mme Jeanny Marc

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ARTICLE ADDITIONNEL

APRÈS L'ARTICLE 21 TER, insérer l'article suivant :

L’article L. 411-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est abrogé. 

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement a pour objet à revenir sur les dispositions introduites par la loi 2007-1631 du 20 novembre 2007 soumettant le regroupement familial à la connaissance de la langue française et des « valeurs de la République ».

Ces dispositions visent en effet à restreindre de manière inacceptable l’usage effectif du droit élémentaire à la vie familiale ou à en retarder de manière abusive le bénéfice sur la base de fausses évidences.

Premièrement, l’absence de connaissance de la langue française ne peut être considérée en elle-même comme un obstacle à l’intégration dans la société française. Cette idée s’inscrit en prolongement d’une logique simpliste, dont le rapport BENISTI de 2005 avait en son temps été un parfait témoignage, selon laquelle l’absence de maîtrise de la langue française serait en elle-même source de délinquance et de troubles sociaux. Ne pas connaître le français ne saurait être assimilé au fait de ne pouvoir s’exprimer et communiquer, notamment dans le cadre familial, amical et intergénérationnel. Rien n’empêche de communiquer par le biais d’une autre langue, notamment par personne interposée, même si l’exercice est plus compliqué. Sauf à considérer qu’il existe des ensemble culturels et linguistiques par nature incompatibles avec la vie en société et la société française en particulier, l’absence de maîtrise de la langue française ne peut donc être en elle-même considérée comme un obstacle à l’intégration sociale ou une incapacité à assurer ses fonctions sociales. Alors qu’il existe bien d’autres marqueurs de l’attachement à et de l’ancrage d’une personne dans la société française, elle ne saurait donc être constitutive d’un refus du bénéfice d’un droit aussi fondamental que le droit à la famille.

Le législateur en convient d’ailleurs lui-même puisque cette condition de connaissance de la langue française n’est, par exemple, pas exigée pour les personnes étrangères relevant de « l’immigration choisie », éligibles aux dispositifs « carte bleue européenne » ou « compétences et talents ». Pour ces personnes, la connaissance de la langue française n’a pas à être vérifiée. Elle n’est pas conçue comme indispensable à l’intégration. Cette différence dans le traitement des étrangers selon leur niveau économique, lequel recoupe souvent en pratique des différences territoriales, relève ainsi et en second lieu d’un véritable « racisme social », lui-même adossé à des présupposés d’ordre xénophobe.

Deuxièmement,  « les valeurs de la République » représentent une notion trop incertaine, mouvante dans le temps et soumise aux aléas du débat public et politique national pour qu’elle puisse servir de fondement au refus du bénéfice du droit au regroupement familial. On peine par ailleurs à comprendre dans quelles conditions et sur la base de quelles procédures, ces « valeurs » sont mises en forme et enseignées aux candidats souhaitant résider sur le territoire français.

Enfin, cette disposition conduit à institutionnaliser une présomption d’incompatibilité de certaines catégories d’étrangers avec la société française, dont le principe même repose, à nouveau, sur des présupposés xénophobes.