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ART. 72
N° 303
ASSEMBLÉE NATIONALE
24 septembre 2010

IMMIGRATION, INTÉGRATION ET NATIONALITÉ - (n° 2814)

Commission
 
Gouvernement
 

AMENDEMENT N° 303

présenté par

M. Mamère, M. Braouezec
et les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine

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ARTICLE 72

Rédiger ainsi cet article :

« Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

« 1° L’article L. 622-1 est ainsi rédigé :

« Toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter dans un but lucratif l'entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d'un étranger en France sera punie d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 30 000 euros.

« Sera puni des mêmes peines celui qui, quelle que soit sa nationalité, aura commis le délit défini au premier alinéa du présent article alors qu'il se trouvait sur le territoire d'un État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 autre que la France.

« Sera puni des mêmes peines celui qui aura facilité ou tenté de faciliter dans un but lucratif l'entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d'un étranger sur le territoire d'un autre État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990.

« Sera puni de mêmes peines celui qui aura facilité ou tenté de faciliter dans un but lucratif l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger sur le territoire d'un État partie au protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, signée à Palerme le 12 décembre 2000.

« 2° Le 3° de l’article L. 622-4 est ainsi rédigé :

« 3° De toute personne physique ou morale qui sera intervenue pour préserver les droits, la dignité ou l’intégrité physique de l’étranger, et notamment tous les établissements et services visés à l’article L. 312-1 et L. 265-1 du code de l’action sociale et des familles, de toutes les associations de défense des droits et des associations à but humanitaire, et de leurs salariés et bénévoles lorsqu’ils agissent dans le cadre de ces établissements et services et de ces associations, ainsi que des agents publics. ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

De nombreuses associations se mobilisent au quotidien en accueillant et accompagnant des personnes en très grande difficulté. Elles pratiquent un accueil inconditionnel qui s'adresse aux personnes connaissant des problèmes psychologiques, des difficultés familiales, sortant de prison ou ayant perdu leur emploi. Il est à constater un accroissement des interpellations pratiquées dans des espaces où les associations proposent des services aux plus démunis, dans des centres d'hébergement, dans des lieux d'accueil de jour, etc., au nom des "quotas d'expulsion" qui sont désormais inscrits dans la politique de maîtrise des flux migratoires.

Des menaces pèsent ainsi sur les personnes qui viennent en aide aux plus démunis, dont les étrangers en situation irrégulière et peuvent être poursuivis sur le fondement de l'article L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) qui prévoit jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.

Le simple fait de demander au législateur de modifier l’article L. 622-4 du Ceseda constitue une reconnaissance explicite de l’existence du délit de solidarité, niée jusqu’à présent par le ministère de l'immigration.

Néanmoins, le projet de loi, en maintenant tel quel l’article L. 622-1, conserve le caractère extrêmement large du champ de l'incrimination d’aide au séjour irrégulier, et permet de poursuivre en définitive toute personne en relation avec un sans-papier !

Le seul changement porte sur le point 3° de l’article L 622-4 dans lequel « nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique de l'étranger » est remplacé par « nécessaire à la sauvegarde de la personne de l'étranger ».

La modification introduite laisse entier le délit de solidarité, l’infraction reste le principe et les immunités des exceptions.

La réforme reste donc contraire aux recommandations de la directive n° 2002/90/CE du Conseil de l'Union européenne du 28 novembre 2002, ainsi qu'à la Convention de Schengen du 19 juin 1990 où dans ces textes, le fait d'apporter une aide dans un but non lucratif ou une aide désintéressée constitue en soi un critère d'immunité.

Le remplacement des mots « sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique de l’étranger » par « sauvegarde de la personne de l’étranger » n’apporte rien car il ressort de l’analyse juridique et jurisprudentielle que les notions de « sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique d’une personne » et de « sauvegarde de la personne » sont quasi-identiques et entendues de façon très restrictive par les juridictions pénales.

Avec une telle rédaction, le texte persiste ainsi à dissuader quiconque aiderait de bonne foi et dans la durée un étranger en difficulté, sans savoir a priori s'il a ou non des "papiers". Il peut ainsi sanctionner le conseil juridique comme un hébergement de moyenne durée ou de vivre dans une communauté Emmaüs.