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BIOÉTHIQUE (Deuxième lecture) - (n°
Commission |
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Gouvernement |
AMENDEMENT N°
présenté par
M. Breton et M. Souchet
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ARTICLE
Supprimer cet article.
EXPOSÉ SOMMAIRE
Cet amendement vise à revenir à la version adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture.
Quatre arguments sont généralement invoqués pour défendre la levée de l’interdiction : d’abord la nécessité de poursuivre le projet parental ; ensuite, le fait que les embryons concrétisent le projet parental en lui permettant de survivre au décès de l’un des membres du couple. Le transfert post mortem serait ainsi la seule solution pour lui permettre d’aboutir.
Cet argument devrait alors également conduire à autoriser, par dérogation, la gestation par autrui, lorsque la femme est décédée, pour permettre la naissance de l’enfant qu’elle souhaitait avoir avec son compagnon.
En outre, le fait que le couple puisse à tout moment interrompre l’assistance médicale à la procréation en se séparant ou en révoquant son consentement, même après la création de ces embryons, montre bien que la survie du projet parental dépend avant tout de la survie du couple lui-même, ce couple qui doit accueillir l’enfant dans une famille constituée.
Le troisième argument avancé tient à l’absence de différence entre le décès survenant avant l’implantation et le décès survenant au cours de la grossesse. Or il y a bien entre ces deux situations une différence majeure. Dans un cas, l’enfant est conçu avant le décès et devient orphelin en raison d’un accident de la vie ; dans l’autre, on décide volontairement de le faire naître orphelin en mobilisant les moyens médicaux nécessaires.
Enfin, le dernier et principal argument avancé est celui de la détresse de la femme, soumise à un choix impossible sur la destinée des embryons du couple : accepter qu’ils soient détruits, qu’ils servent à la recherche scientifique, ou qu’ils soient donnés à un autre couple. Un tel argument, compassionnel, est éminemment respectable. Cependant, il ne saurait guider exclusivement le législateur lorsqu’il a pour conséquence une remise en cause majeure de principes et de garanties essentielles.
En première lecture, l'Assemblée a jugé nécessaire de maintenir l’interdiction du transfert post mortem d’embryons, en rappelant que l’intérêt de l’enfant devait prévaloir. Or il est de son intérêt de ne pas naître orphelin. Si la vie et ses accidents font parfois peser sur des enfants le fardeau du deuil d’un père qu’ils n’ont pas connu, il n’est pas souhaitable que la société mobilise les technologies médicales pour placer en connaissance de cause l’enfant dans une telle situation.
Le but légitime de l’assistance médicale à la procréation est de donner naissance à l’enfant dans une famille constituée d’un père et d’une mère qui pourront l’élever. Le décès de l’un des deux avant l’achèvement du processus de procréation médicalement assistée annihile le projet parental parce que l’un des parents n’est plus, et que tous les soins et l’amour du second n’y suppléeront pas.
Il est d’ailleurs paradoxal qu’au moment où l’on rappelle que le père est celui qui est présent auprès de l’enfant et l’élève, on consacre la figure d’un père défunt lié à son enfant par un lien biologique et par le projet parental conçu avec la mère.
L’intérêt de l’enfant est aussi d’échapper au poids du deuil et d’avoir une enfance comme les autres enfants. Or l’histoire originelle des enfants nés d’un transfert post mortem d’embryons serait impossible, puisqu’un mort ne peut procréer. La simple comparaison, dans le livret de famille, des dates de décès du père et de naissance de l’enfant, qui pourront être distantes de plus de deux ans, manifestera la réalité de cet engagement impossible.
En outre, le risque que l’enfant soit désiré comme un remède au deuil n’est pas nul.
Le transfert d’embryons post mortem constitue par ailleurs une transgression majeure de la finalité de l’assistance médicale à la procréation, dont le but ne peut être que de remédier à une infertilité pathologique médicalement constatée et non de pallier le décès de l’un des membres du couple, même s’il s’était engagé pour un protocole à ce premier titre.
Le dispositif dérogatoire proposé pour autoriser le transfert est particulièrement complexe et juridiquement très incertain.
À titre d’exemple, le mariage ou le remariage de la femme interdit le transfert d’embryons, mais pas le fait de se mettre en ménage avec un autre homme. Doit-on prendre le risque d’une déstabilisation aussi importante de principes de notre droit et de règles incontestées par ailleurs, pour un nombre si faible de cas, à peine un par an ?
Enfin, cette autorisation est susceptible d’ouvrir la voie à des procréations envisagées dans un contexte de mort prévisible ou imminente, ce qui n’est évidemment pas souhaitable. Elle poserait aussi la question de l’insémination posthume.
C’est pour l’ensemble de ces raisons, d’ordre à la fois pratique, éthique et juridique, que nous considérons qu’il n’est pas souhaitable de remettre en cause l’interdiction du transfert posthume d’embryons pour faire naître des « bébés du souvenir ».