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ART. PREMIER QUATER
N° 82
ASSEMBLÉE NATIONALE
17 juin 2011

PARTICIPATION DES CITOYENS AU FONCTIONNEMENT DE LA JUSTICE PÉNALE
ET JUGEMENT DES MINEURS - (n° 3532)

Commission
 
Gouvernement
 

AMENDEMENT N° 82

présenté par

le Gouvernement

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ARTICLE PREMIER QUATER

Supprimer cet article.

EXPOSÉ SOMMAIRE

La commission des lois a adopté un article 1er quater complétant le code de procédure pénale afin de permettre à la victime de former appel sur l’action publique contre les arrêts d’acquittement rendus par les Cour d’assises, en l’absence d’appel du ministère public.

Cette modification soulève toutefois de très importants problèmes de principe, juridiques et pratiques.

Elle transforme en effet de façon radicale notre procédure pénale, en portant atteinte aux équilibres existant depuis plus de deux siècles lorsqu’il a été reconnu à la victime le droit de mettre en mouvement l’action publique en se constituant partie civile afin de saisir la juridiction de jugement, mais jamais le droit d’exercer l’action publique, et donc de former des recours.

Compte tenu de son ancienneté, la règle selon laquelle la victime « n’exerce » pas l’action publique paraît constituer un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

La modification adoptée par la commission des lois revient donc sur ce principe en ce qu’elle permet une privatisation de notre procédure, un retour à une procédure accusatoire basée sur l’idée de vengeance privée qui autorise un acharnement procédural de la victime contre la personne innocentée par la juridiction du premier degré, alors même que le parquet estime, à l’issue des débats, un appel injustifié.

Elle confond la partie civile et le ministère public, et donc confond les intérêts particuliers avec l’intérêt général.

Elle donne paradoxalement plus de pouvoir à la victime qu’au procureur de la République lui-même puisqu’en cas d’acquittement par une cour d’assises l’appel ne peut être formé que par le procureur général, et pas par le procureur de la République lui-même.

En pratique, elle exigera que se tiennent des procès d’assises d’appel alors même que le ministère public a renoncé à continuer de soutenir l’accusation.

La victime sera donc la seule à ce procès à demander une condamnation, et, par conséquent, à requérir une peine.

Par ailleurs, il existera une très forte probabilité, en raison de l’existence d’un premier acquittement, par une décision qui sera désormais motivée, et en raison de l’absence d’appel du parquet, que soit prononcé un nouvel acquittement, et que ce procès d’appel ait eu lieu pour rien, sauf à renforcer le traumatisme de la victime.

Il convient donc de maintenir le droit existant, d’autant que celui-ci préserve les droits des victimes. Celle-ci peut en effet, même en cas d’acquittement, faire appel pour obtenir des dommages et intérêts. La juridiction d’appel, si elle ne peut alors remettre en cause « au pénal » la décision d’acquittement en déclarant la personne pénalement responsable et en la condamnant à une peine, peut cependant avoir un avis différent de celui de la juridiction du 1er degré et considérer, « au civil », que les faits ont été commis, que leur auteur en est civilement responsable et que la victime doit être indemnisée.

Il faut enfin souligner que permettre l’appel des victimes sur l’action publique en cas d’acquittement ne serait en rien le « prolongement naturel » de leurs droits de contester un classement sans suite du parquet par une citation directe ou une plainte avec constitution de partie civile, ou de faire appel d’une ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction. La situation n’est nullement comparable, car ces droits ont pour objet de permettre à la victime de porter l’affaire devant une juridiction de jugement, en contrepartie notamment du pouvoir de classement en opportunité du parquet. Ils n’impliquent aucunement qu’après que la juridiction de jugement a été saisie et s’est prononcée, la victime puisse à elle seule rendre obligatoire la tenue d’un nouveau procès pénal.