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ART. 24 TER
N° 67
ASSEMBLÉE NATIONALE
1er juillet 2011

RÉPARTITION DES CONTENTIEUX ET ALLÈGEMENT DE CERTAINES PROCÉDURES JURIDICTIONNELLES - (n° 3604)

Commission
 
Gouvernement
 

AMENDEMENT N° 67

présenté par

M. Jardé et M. Hunault

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ARTICLE 24 TER

Rédiger ainsi cet article :

« I. – L’article 1 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires est ainsi rédigé :

« Art. 1er. – Un expert de justice est un professionnel, hautement qualifié, spécialiste d’un ou plusieurs domaines du savoir, de la technique ou d’une profession déterminés, au fait des procédures applicables devant les juridictions où il exerce ses missions et justifiant des compétences et de l’expérience requises pour faire autorité.

« L’expert de justice, qu’il appartienne à l’ordre judiciaire ou administratif, est désigné par le juge, afin de lui apporter, à l’occasion d’un litige, les éléments relevant de sa compétence technique, établis dans le seul intérêt de la manifestation de la vérité, propres à éclairer la juridiction.

« Prestataire de services, au sens du droit de l’Union européenne, l’expert de justice est rémunéré sous forme d’honoraires fixés, sur sa proposition, par la juridiction qui l’aura désigné, dans des conditions précisées par décret.

« Dans le cadre de sa mission, l’expert de justice participe au fonctionnement du service public de la justice dans le respect des règles du procès équitable. Indépendant, impartial et soumis à des règles de déontologie, établies par décret en Conseil d’État, il prête serment selon des modalités prévues par l’article 6. Il est un collaborateur occasionnel du service public de la justice   

« II. – L’article 2 de la même loi est ainsi rédigé :

« Art. 2. – I. – Il est établi, par spécialité, pour l’information des juges, des listes d’experts devant les différents ordres de juridiction.

« II. – Les décisions d’inscription ou de réinscription prises par l’autorité chargée de l’établissement de la liste sur laquelle a vocation de figurer ou figure l’expert sont motivées et peuvent faire l’objet d’un recours juridictionnel, soit devant la Cour de cassation pour les experts de justice judiciaires, soit devant le Conseil d’État pour les experts de justice administratifs. Les seules conditions requises pour l’inscription sont la compétence, l’expérience et la moralité du candidat.

« III. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions et modalités d’établissement des listes prévues au premier alinéa et la procédure de recours devant chacune des juridictions suprêmes. 

« III. – Après le mot : « dénomination », la fin du premier alinéa de l’article 3 de la même loi est ainsi rédigée : « fixée pour les experts de chacune des listes par décret en Conseil d’État. ».

« IV. – L’article 5 de la même loi est ainsi modifié :

« 1° Au premier alinéa du I, les mots : « peut être décidé, selon le cas, par le premier président de la cour d’appel ou le premier président de la Cour de cassation soit à la demande de l’expert » sont remplacés par les mots : « est décidé par l’autorité mentionnée au II de l’article 2, soit à la demande de l’expert, soit lorsqu’il accède à l’honorariat, ».

« 2° Les deuxième et dernier alinéas du I sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« L’autorité mentionnée au II de l’article 2 procède également au retrait de l’expert lorsque celui-ci n’est plus en mesure de remplir les conditions requises lors de son inscription ou sa réinscription, ou encore lorsqu’il est frappé de faillite personnelle ou d’une sanction disciplinaire, pénale ou administrative faisant obstacle à une inscription ou une réinscription sur une liste d’experts. ».

« 3° À la fin du premier alinéa du II, les mots : « ayant procédé à l’inscription » sont remplacés par les mots : « « mentionnée au II de l’article 2 : ».

« 4° L’avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :

« La radiation d’un expert d’une liste d’experts, quel que soit l’ordre de juridiction dont il relève, excepté le cas où elle intervient à la demande de l’expert, emporte de plein droit sa radiation de toutes les autres listes où figure ledit expert. ».

« V. – L’article 6 de la même loi est ainsi modifié :

« 1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Les experts prêtent serment, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, d’accomplir leur mission, de faire leur rapport et de donner leur avis en leur honneur et conscience. ».

« 2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Les personnes, autres que les experts honoraires, désignées pour remplir une mission d’expertise devront prêter serment chaque fois qu’elles seront commises par une juridiction, lorsqu’elles ne figurent sur aucune des listes mentionnées au I de l’article 2. ».

« VI. – L’article 6-2 de la même loi est ainsi modifié :

« 1° Au septième alinéa, lest mots : « la cour d’appel » sont remplacés par les mots : « le Conseil d’État ».

« 2° Après la dernière occurrence du mot : « une », la fin de la dernière phrase de l’avant-dernier alinéa est ainsi rédigée : « des listes mentionnées au I de l’article 2. ».

« VII. – L’article 6-3 de la même loi est ainsi rétabli :

« Art. 6-3. – L’action en responsabilité dirigée contre un expert pour des faits se rapportant à l’exercice de ses fonctions se prescrit selon les dispositions du droit commun, étant observé que le point de départ se situe à compter de la fin de la mission. ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

L’inscription sur les listes d’experts de justice est actuellement régie par la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 modifiée et le décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 relatif aux experts judiciaires.

L’amendement présenté a pour but de mettre la réglementation française en conformité avec les exigences et constats posés par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt rendu le 17 mars 2011 dans l’affaire Peňarroja (C-6372/09 et C-373/09)

Cette décision a dit pour droit que  « l’article 49 CE, auquel correspond actuellement l’article 56 TFUE, s’oppose à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle l’inscription sur une liste d’experts judiciaires traducteurs est soumise à des conditions de qualification sans que les intéressés puissent obtenir connaissance des motifs de la décision prise à leur égard et sans que celle-ci soit susceptible d’un recours de nature juridictionnelle effectif permettant de vérifier sa légalité, notamment quant au respect de l’exigence, résultant du droit de l’Union, que leur qualification acquise et reconnue dans d’autres États membres ait été dûment prise en compte. ».

Si la solution retenue par la CJUE dans son arrêt Peňarroja concerne en premier lieu les experts traducteurs, il apparaît que les principes dégagés par la Cour imposent une large refonte des dispositions relatives à l’inscription et aux missions des experts de justice.

Plus précisément, afin de pouvoir prendre en considération au stade de l’inscription, ainsi que l’exige la CJUE, la qualification acquise et reconnue dans d’autres Etats membres par des candidats à l’inscription sur une liste d’expert, la loi n° 71-498 précitée doit intégrer les prescriptions suivantes :

Les missions accomplies par les experts de justice sont des prestations de services au sens de l’article 50 CE  (TFUE) °;

Un expert de justice est un professionnel justifiant de la ou des qualifications requises pour réaliser la mission définie par le juge ;

Un expert de justice est un professionnel capable de démontrer ses compétences et expériences acquises auprès de cours suprêmes en France ou dans tout autre Etat membre de l’Union européenne ;

Aussi, le principe même des listes établies par des cours d’appel est remis en cause dans la mesure où le lieu de résidence ou d’exercice professionnel du demandeur à l’inscription peut aboutir à créer une discrimination à l’égard des professionnels des autres Etats membres de l’Union.

C’est la raison pour laquelle, par le présent amendement, il est proposé de réformer la procédure d’inscription sur une liste dédiée des experts de justice.

Par ailleurs, cet amendement entend maintenir une qualité essentielle de l’expert de justice reconnue depuis longtemps par le Conseil d’Etat dans sa décision Aragon du 26 février 1971, Req. : N° 77.459 : celle de collaborateur occasionnel du service public. Le rôle de l’expert de justice est fondamental pour permettre au juge de se prononcer en toute connaissance de cause au terme d’un litige.

Dans le même sens, en inscrivant dans la loi que l’expert de justice est un collaborateur occasionnel du service public de la Justice, le Parlement ne ferait que suivre la préconisation n°19 du rapport de la commission de réflexion sur l’expertise co-présidée par Madame Bussière, Premier président de la Cour d’appel de Bordeaux, et Monsieur Stéphane Autin, Procureur général près la Cour d’appel de Pau, qui a été remis au garde des sceaux le 30 mars 2011.

Ce rapport en page 5 rappelle que « dans le système français l’expert judiciaire, qui exerce par ailleurs sa profession (médecin, architecte…), est considéré par la jurisprudence comme « un collaborateur occasionnel du service public de la justice ».

Enfin, par cet amendement, il est substitué à l’appellation « Experts judiciaires » celle d’ « Experts de justice » plus conforme à la réalité, dans la mesure où les experts accomplissent leurs missions devant les deux ordres de juridiction : judiciaire et administratif. C’est pourquoi il est également proposé de créer des listes d’experts dans les deux ordres de juridiction, les unes devant les jurictions devant l’ordre judiciaire, les autres devant l’ordre administratif.