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N° 277

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 octobre 2007.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2008 (n° 189)

TOME IX

SÉCURITÉ SANITAIRE

Par Mme Martine BILLARD,

Députée.

___

Voir le numéro : 276 (annexe n° 41).

INTRODUCTION 5

I.- LES ASPECTS BUDGÉTAIRES 7

A. LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DE LA MISSION SÉCURITÉ SANITAIRE ET LEUR ÉVOLUTION 7

B. LES MOYENS AFFECTÉS AUX MISSIONS DES AGENCES SANITAIRES 8

1. L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) 8

2. L’Agence française de sécurité sanitaire alimentaire (AFSSA) 9

3. L’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET) 11

4. L’Agence de la biomédecine (ABM) 11

5. L’Institut national de veille sanitaire (InVS) 12

6. L’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) 13

II.- LA SÉCURITÉ SANITAIRE DES EAUX DESTINÉES À LA CONSOMMATION HUMAINE 15

A. FORTEMENT ENCADRÉÉ PAR DES NORMES EXIGEANTES ET MOBILISANT DE MULTIPLES ACTEURS, LA SÉCURITÉ SANITAIRE DE L’EAU FAIT L’OBJET DE NOMBREUX CONTRÔLES LUI ASSURANT GLOBALEMENT UNE BONNE QUALITÉ 16

1. La sécurité sanitaire de l’eau est devenue un enjeu majeur fortement réglementé 16

a) La directive européenne du 23 octobre 2000 fixe un objectif général de « bon état écologique et chimique de l’eau » 16

b) La directive du 3 novembre 1998 fixe le cadre réglementaire européen en matière d’eau potable 16

c) Le code de la santé publique recense les principaux éléments du dispositif réglementaire actuel 17

d) La loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique et le plan national Santé Environnement ont fixé des objectifs ambitieux en matière de sécurité sanitaire de l’eau 18

e) La loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques a opéré de notables avancées en matière de sécurité sanitaire de l’eau 19

3. La sécurité sanitaire de l’eau fait coopérer de multiples acteurs 19

a) les administrations centrales et déconcentrées 19

b) Les entreprises de l’eau 20

c) Les collectivités locales 20

d) Les agences de sécurité sanitaire intervenant dans le domaine de l’eau 20

e) Les agences de l’eau 23

4. Les nombreux contrôles permettent d’aboutir à des résultats conformes à la réglementation 24

a) Le suivi de la qualité de l’eau potable est partagé entre les directions départementales des affaires sanitaires et sociales et les responsables de la distribution 24

b) L’eau distribuée en France est de bonne qualité 25

B. LA PERSISTANCE DE DIFFICULTÉS ET L’ÉMERGENCE DE NOUVEAUX DÉFIS REQUIÈRENT DES ADAPTATIONS CONSTANTES 26

1. Certaines difficultés déjà identifiées continuent de retenir l’attention 26

a) Les pesticides 26

b) Les nitrates 28

2. De nouveaux risques émergents, encore mal évalués, ont fait leur apparition 30

a) Les résidus de médicaments 30

b) Le cas particulier des antibiotiques et des bactéries antibiorésistantes dans les eaux 32

c) Les produits dérivés de molécules ayant subi des transformations dans l’environnement 33

3. Des adaptations restent nécessaires pour renforcer la sécurité sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine 34

a) Les actions d’amélioration des ressources d’eau doivent être poursuivies 34

b) C’est en protégeant de façon globale l’environnement que l’on protégera mieux la santé des consommateurs d’eau 34

c) Les petits services locaux de distribution devraient être regroupés ou mutualiser leurs services techniques 35

d) Il convient d’adopter des mesures simples en matière de risques émergents 35

e) La sécurité sanitaire de l’eau doit devenir une préoccupation partagée par tous 36

f) Il ne faut pas baisser la garde en matière de risque terroriste 37

g) La volonté d’économiser l’eau en récupérant les eaux de pluie ne doit pas conduire à créer de nouveaux risques sanitaires 37

h) Les efforts de recherche sur l’eau doivent être augmentés 37

TRAVAUX DE LA COMMISSION 39

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 45

INTRODUCTION

Depuis plusieurs années, le choix a été clairement fait par le bureau de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de différencier plus nettement des rapports spéciaux les avis budgétaires présentés par les rapporteurs sur le projet de loi de finances.

Le présent rapport ne déroge pas à cette pratique qui s’inscrit d’ailleurs pleinement dans l’esprit de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances qui est de permettre aux parlementaires de mieux suivre les conditions dans lesquelles les services de l’État et les établissements publics qui en dépendent assument et assurent l’exécution des fonctions qui leur incombent.

Les questions financières, qui relèvent par nature davantage du champ de compétence de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, ne feront en conséquence l’objet que d’une brève présentation dans le présent avis et seront essentiellement abordées sous l’angle des moyens affectés aux agences sanitaires mises en place ces dernières années pour renforcer la veille et la sécurité sanitaire en France.

En conséquence, l’accent a été mis dans ce rapport sur la question de la sécurité sanitaire de l’eau.

À l’issue de nombreuses auditions dont la liste figure en annexe, le double constat suivant peut être établi :

– la sécurité sanitaire de l’eau, fortement encadrée par des normes exigeantes, fait l’objet de nombreux contrôles qui assurent globalement une qualité de l’eau destinée à la consommation humaine conforme à la réglementation ;

– la persistance de certaines difficultés, comme l’émergence de nouveaux défis encore mal évalués, requièrent certaines adaptations.

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

La rapporteure pour avis a demandé que les réponses lui parviennent le 24 septembre 2007. À cette date, 47 % des réponses lui étaient parvenues. À la date butoir, ce pourcentage était de 58,25 % (83 % pour les réponses dépendant du seul ministère de la santé, de la jeunesse et des sports).

I.- LES ASPECTS BUDGÉTAIRES

A. LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DE LA MISSION SÉCURITÉ SANITAIRE ET LEUR ÉVOLUTION

Pour 2008, les moyens demandés au titre de la mission interministérielle « Sécurité sanitaire » s’établissent à 676,27 millions d’euros pour les autorisations d’engagement et à 712,55 millions d’euros pour les crédits de paiement. Par rapport au précédent exercice 2007, les crédits de la mission augmentent donc globalement de 11,8 % en autorisations d'engagement et de 8,3 % en crédits de paiement. Le plafond des emplois autorisés en équivalent temps plein est de 5 012 (- 2,4 %). Cette hausse significative des crédits masque néanmoins des tendances différentes selon les deux grands programmes qui constituent la mission.

En ce qui concerne le programme « Veille et sécurité sanitaires », qui relève du ministère de la santé, de la jeunesse et des sports et qui vise à renforcer la capacité de réponse de l’État aux crises sanitaires, les autorisations d’engagement sont en augmentation de 78,1 %, passant de 104,6 millions d’euros en 2007 à 186,3 millions d’euros pour 2008. Les crédits de paiement connaissent une évolution similaire, à raison de 166,3 millions d’euros pour 2008 contre 104,6 millions d’euros en 2007, soit une progression de 59 %. Cependant, cette progression conséquente des crédits s’explique par la dotation faite au nouvel établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) chargé des actions de prévention et de gestion des moyens de lutte contre les risques sanitaires exceptionnels. Ce nouvel établissement créé par la loi n° 2007-294 du 5 mars 2007 relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur mobilise en effet à lui seul 75 millions d’euros cette année sur le programme. Par ailleurs, il faut souligner la sensible diminution depuis 2004 des moyens attribués à ce programme, compensée par l’utilisation des fonds de roulement. Cette technique comptable a aujourd’hui épuisé ses effets. L’État se devait donc d’intervenir de manière plus conséquente.

On ne peut bien entendu que se féliciter que des moyens importants soient prévus pour faire face à l’accroissement du risque épidémique, aux impératifs de l’urgence et à l’ampleur de la tâche que représentent la préparation et la gestion de crises sanitaires.

Il n’en est que plus regrettable que les crédits du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation », qui concerne le ministère de l’agriculture, soient cette année en diminution. Les autorisations d’engagement passent en effet de 500,6 millions d’euros à 490 millions d’euros, soit une diminution de 2,1 %. S’agissant des crédits de paiement, ils passent de 553,5 millions d’euros en 2007 à 546,3 millions en 2008, soit une diminution de 1,3 %.

B. LES MOYENS AFFECTÉS AUX MISSIONS DES AGENCES SANITAIRES

Les crédits inscrits par la loi de finances sur le programme veille et sécurité sanitaire sont essentiellement orientés vers le financement des agences sanitaires. Six opérateurs relèvent du programme « Veille et sécurité sanitaire ». Il s’agit de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), l’Agence française de sécurité sanitaire alimentaire (AFSSA), l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET), l’Agence de la biomédecine (ABM), l’Institut national de veille sanitaire (InVS) et l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS), nouvel opérateur créé en 2007.

Ainsi sur les 166 261 555 euros de crédits de paiement inscrits sur ce programme, 140 330 417 euros, soit 84 %, correspondent à des subventions à ces opérateurs, répartis comme suit :

Subventions aux agences par opérateur et par action du programme pour 2008

(en euros)

Action du programme

AFSSAPS

AFSSA

AFSSET

ABM

INVS

EPRUS

Total

Veille, surveillance, expertise et alerte

699 795

4 779 594

2 488 740

3 340 008

45 569 922

0

55 878 059

Rappel 2007

462 585

4 566 810

2 470 514

2 968 730

45 103 876

55 572 515

Gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises

0

125 537

113 330

0

5 922 066

75 000 000
AE

55 000 000
CP

81 160 933
AE

61 160 933 CP

Rappel 2007

0

119 948

112 500

0

5 887 340

6 119 788

Production et mise en œuvre de règles, de recommandations, de décisions et autres dispositifs

7 065 503

1 957 093

37 777

3 341 136

0

0

12 401 509

Rappel 2007

4 670 504

1 869 964

37 500

2 969 733

0

9 547 701

Information et formation

334 702

105 754

377 767

4 598 856

4 472 837

0

9 889 916

Rappel 2007

221 248

101 046

375 000

4 087 643

4 446 609

9 231 546

TOTAL

8 100 000

6 967 978

3 017 614

11 280 000

55 964 825

75 000 000 AE

55 000 000 CP

160 330 417 AE

140 330 417 CP

Rappel 2007

5 354 337

6 657 768

2 995 514

10 026 106

55 437 825

80 471 550

1. L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS)

L’AFSSAPS, établissement public de l’État placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé, s’est substituée depuis mars 1999 à l’Agence du médicament. Elle a, depuis la loi du 1er juillet 1998, des compétences très larges puisqu’elle participe à l’application des lois et règlements relatifs à : l’évaluation, aux essais, la fabrication, la préparation, l’importation, l’exportation, la distribution en gros, le conditionnement, la conservation, l’exploitation, la mise sur le marché, la publicité, la mise en service ou l’utilisation des produits à finalité sanitaire destinés à l’homme et des produits à finalité cosmétique. Dans ce cadre, l’AFSSAPS a compétence pour procéder à l’évaluation des bénéfices et des risques liés à l’utilisation de ces produits à tout moment et notamment lorsqu’un élément nouveau est susceptible de remettre en cause l’évaluation initiale.

Pour 2008, la subvention de l’État à l’AFSSAPS, qui ne représente qu’environ 15 % des ressources de l’agence (l’essentiel des ressources provenant de taxes sur les produits pharmaceutiques et de droits sur les dossiers présentés), devrait être de 8,1 millions d’euros, donc supérieure à celle de la loi de finances initiale pour 2007 (5,354 millions d’euros) sachant que la diminution du montant de la subvention pour charges de service public pour 2007 prenait en compte une mobilisation du fonds de roulement disponible à fin 2006 pour un montant de 11 millions d’euros.

Aucun emploi nouveau n’est prévu dans le projet de loi de finances malgré le nombre de missions croissantes de l’AFSSAPS (analyse des biocides, cosmétovigilance, nouvelles missions confiées par la loi n° 2004-806 relative à la politique de santé publique de 2004 concernant la régulation et le suivi des micro-organismes et toxines) et les exigences accrues en matière de transparence, ce qui a nécessité un effort de productivité et un redéploiement des personnels.

Un contrat de performance 2007-2010 a été mis en place entre l’État et l’AFSSAPS après son approbation en juillet 2007 par le conseil d’administration de l’agence.

2. L’Agence française de sécurité sanitaire alimentaire (AFSSA)

Créée par la loi du 1er juillet 1998 afin de renforcer la veille et la sécurité sanitaires dans le domaine des aliments, l’AFSSA est un établissement public administratif placé sous la triple tutelle des ministères chargés de la santé, de l’agriculture et de la consommation.

Dans le but d’assurer la protection de la santé humaine, l’AFSSA exerce des fonctions d’évaluation des risques sanitaires et nutritionnels, de recherche et d’appui scientifique et technique aux autorités publiques dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments depuis la production des matières premières jusqu’à la distribution au consommateur final. Elle a également un rôle de veille et d’alerte ainsi qu’un devoir d’information et de transparence dans son champ particulier d’intervention. Pour les médicaments vétérinaires, l’AFSSA dispose de compétences spécifiques, y compris de police sanitaire, qu’elle exerce au sein de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV).

La loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006 lui a confié la mission, à compter du 1er juillet 2006, d’évaluer les « intrants végétaux » (produits phytopharmaceutiques, adjuvants, matières fertilisantes et supports de culture), afin de séparer l’évaluation de la gestion des risques et de renforcer les capacités d’expertise. La compétence transférée à l’AFSSA consiste en l’évaluation des risques pour l’homme, l’animal et l’environnement, l’évaluation de l’efficacité, l’émission de recommandations portant notamment sur leurs conditions d’emploi.

Pour 2008, la subvention au titre du ministère chargé de la Santé est fixée à 6 967 978 euros. Elle recouvre notamment 500 000 euros pour financer le programme de recherche pluriannuel sur les épisodes toxiques ayant affecté en 2005 et 2006 la production conchylicole du bassin d’Arcachon et 210 616 euros pour financer les actions de soutien aux laboratoires d’hydrologie.

Malgré cette augmentation de 476 387 euros par rapport à 2007 où les recettes au titre de la subvention du ministère de la Santé se sont élevées à 6 491 591 euros, M. Olivier Caillou, secrétaire général de l’AFSSA, a fait part de ses inquiétudes quant à la possibilité de financer et développer les missions inscrites dans le contrat d’objectifs et de moyens signé le 4 avril 2007 avec les trois ministres de tutelle ainsi que par le ministre du budget.

Les perspectives pour 2008 font en effet apparaître de grands axes d’évolution avec le développement des capacités de l’agence en matière d’évaluation, de recherche et d’activités de laboratoire national de référence dans le domaine de l’eau, la poursuite du plan de renforcement de l’ANMV, l’extension du périmètre des missions de l’agence par l’intégration du laboratoire interdépartemental d’analyses des aliments de Rungis et l’adaptation et le renforcement des capacités et des outils de l’agence nécessaires à l’évaluation de l’application et de l’efficacité du programme national nutrition santé (PNSS2), notamment grâce à la création de l’observatoire de la qualité alimentaire.

La préoccupation d’absorber les dépenses inéluctables et de financer les investissements tout en dégageant des moyens pour les missions nouvelles est d’autant plus marquée qu’après les prélèvements effectués en 2007 sur le fonds de roulement, le niveau de celui-ci se situe désormais au niveau de la réserve prudentielle de 5 millions d’euros, alors qu’il était encore de 12,343 millions au début de l’exercice 2007.

Conformément à la demande de l’agence, les tutelles se sont engagées dans le cadre du contrat d’objectifs et de moyens à prendre en charge l’évolution des dépenses inéluctables telles que le glissement vieillesse technicité (GVT), les conséquences de la revalorisation du point d’indice ou de mesures catégorielles et les hausses de taux de cotisation de pension des fonctionnaires détachés à l’agence. Les tutelles se sont également engagées à examiner le plan triennal d’investissement prévu par le contrat afin de garantir à l’agence une capacité suffisante de financement de ses investissements. En contrepartie, l’AFSSA devra continuer de rechercher à diversifier ses ressources hors subventions de l’État.

3. L’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET)

Établissement public administratif de l’État placé sous la tutelle des ministres chargés de l’environnement, de la santé et du travail, l’AFSSET a été créée en complément de l’ensemble des agences de sécurité sanitaire pour contribuer à assurer la protection de la santé humaine dans les domaines de l’environnement et du travail.

Ses missions ont été élargies par l’ordonnance 2005-1087 du 1er septembre 2005 et son décret d’application de juin 2006. Il s’agit d’une agence publique d’évaluation des risques fondée à partir des structures de l’Agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE), elle-même créée par la loi 2001-398 du 9 mai 2001. Dans le but d’assurer la protection de la santé humaine, l’AFSSET a pour mission l’évaluation des risques sanitaires liés à l’environnement et l’expertise scientifique en vue d’éclairer le gouvernement dans sa politique de sécurité sanitaire dans les deux domaines complémentaires de la protection des travailleurs et des milieux environnementaux.

La subvention 2008 au titre du ministère chargé de la santé s’établit à 3 017 614 millions d’euros alors que la subvention pour 2007 s’élevait à 2,996 millions d’euros, soit une légère augmentation de 0,73 %.

4. L’Agence de la biomédecine (ABM)

L’ABM, établissement public administratif de l’État placé sous la tutelle du ministre de la santé qui succède à l’Établissement des greffes (EFG), a été créé par la loi sur les droits des malades de 2002 et par le décret n° 2005-420 du 4 mai 2005 conformément aux dispositions de la loi relative à la bioéthique du 6 août 2004. Quoique rattaché au programme « Veille et sécurité sanitaire », l’ABM n’exerce pas à proprement parler de mission de sécurité sanitaire. Son rôle opérationnel en matière de greffes d’organes, de tissus et de cellules ne la rattache pas vraiment à la notion d’alerte. Outre les missions relatives au prélèvement et à la greffe d’organes, de tissus et de cellules, l’agence intervient dans quatre grands domaines de la biologie et de la médecine humaine : la reproduction, l’embryologie et la génétique, la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.

L’ABM dispose pour la période 2007-2010 d’un contrat de performance qui a été signé le 22 mars 2007 et qui reflète les orientations stratégiques que les tutelles lui assignent pour les années à venir et en particulier la montée en puissance de ses nouvelles attributions. Les orientations stratégiques de l’ABM visent notamment à poursuivre l’amélioration de l’accès à la greffe, à contribuer à l’amélioration des conditions de prises en charge de l’assistance médicale à la procréation (AMP), du diagnostic prénatal et des examens des caractéristiques génétiques, à promouvoir la recherche dans les domaines de compétences de l’agence et une recherche éthique sur l’embryon, à assurer l’information des citoyens et des professionnels de santé et à contribuer à la réflexion éthique, à la diffusion et au respect des principes éthiques dans les activités relevant de sa compétence.

Les recettes prévues pour 2007 s’établissent à 57,263 millions d’euros, dont 10,026 millions de subvention de l’État au titre du ministère de la santé. La subvention pour charges de service public prévue pour 2008 est de 11,280 millions d’euros. Les moyens prévus pour 2008 prennent notamment en compte la création de 12 postes supplémentaires, portant ainsi le total à 241 équivalents temps plein (ETP) correspondant à la poursuite de la prise en charge par l’agence de Biomédecine des nouvelles missions qui lui sont assignées par la loi du 6 août 2004, et la poursuite de la mise en œuvre du schéma directeur des systèmes d’information visant notamment à améliorer la gestion des listes d’attente de greffes et l’évaluation des activités relevant de l’agence.

Mme Carine Camby, directrice générale, s’est félicitée de la signature de ce contrat de performance en avril 2007, fruit d’un important travail d’élaboration stratégique et de la création de 12 ETP supplémentaires.

5. L’Institut national de veille sanitaire (InVS)

Établissement public de l’État placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé, créé initialement par la loi du 1er juillet 1998 et son décret d’application de mars 1999, l’InVS a vu ses missions élargies et renforcées dans le domaine de la sécurité sanitaire par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. Prenant la suite du Réseau national de santé publique (RNSP) créé en 1992, l’InVS recueille les données épidémiologiques sur la santé des Français, analyse l’évolution des risques sanitaires, détecte tout événement de nature à modifier l’état de santé de la population, déclenche l’alerte en cas de menace et identifie dans l’urgence les causes d’une altération de la santé publique.

La subvention du ministère de la santé à l’InVS s’établira à 55 964 825 euros, en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit en légère progression par rapport à la loi de finances initiale pour 2007 (55,44 millions d’euros). Cette subvention représentait en 2007 plus de 95 % des recettes de l’établissement.

La progression de la subvention pour 2008 est liée au financement du programme d’activité de l’Institut : renforcement des principaux réseaux institutionnels (centres nationaux de référence, réseau toxico-vigilance, registres du cancer, …), non institutionnels (laboratoires d’analyses médicales, urgences hospitalières, médecins libéraux …) et à la poursuite d’enquêtes importantes (séroprévalence vaccinale en population, enquête sur la prévalence du saturnisme chez les enfants). En outre, l’InVS doit reprendre l’intégralité du financement des GROG, réseaux de médecins de ville en charge de la surveillance de la grippe, jusqu’alors réalisé par la direction générale de la santé (DGS).

Au cours de son audition, M. Georges Salines, responsable du département santé environnement, a indiqué que la contrainte budgétaire imposait à l’InVS de faire des choix drastiques, y compris dans le domaine de l’eau.

6. L’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS)

Afin de faire face à l’accroissement du risque épidémique, aux impératifs de l’urgence et à l’ampleur de la tâche que représentent la préparation et la gestion de crises sanitaires, la loi n° 2007-294 du 5 mars 2007 relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur a institué le nouvel établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) chargé des actions de prévention et de gestion des moyens de lutte contre les risques sanitaires exceptionnels. L’établissement est actuellement en voie de constitution après la publication du décret n° 2007-1273 du 27 août 2007.

Trois grandes missions incombent à l’EPRUS, établissement de l’État à caractère administratif (EPA) placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé.

L’EPRUS assure en premier lieu l’administration de la réserve sanitaire nouvellement créée, constituée de volontaires (professionnels de santé en activité, retraités, étudiants en formations médicales et paramédicales sous certaines conditions de formation) et appelée à intervenir en cas de menace sanitaire de grande ampleur pour mettre à la disposition du système de santé des renforts entraînés et structurés, que ce soit dans les cabinets libéraux ou dans les établissements de santé publics ou privés. C’est en effet auprès du directeur général de l’établissement public que les réservistes souscrivent un contrat d’engagement à servir dans la réserve sanitaire d’intervention ou de renfort et c’est également le directeur général qui a pour mission d’affecter les réservistes sur le terrain, en fonction des besoins exprimés par les préfets du département ou de la zone de défense concernés.

Il lui incombe également de mener, à la demande du ministre chargé de la santé, des actions de prévention et de gestion des risques sanitaires exceptionnels et en particulier de constituer des stocks de produits nécessaires à la protection de la population face aux menaces sanitaires graves. L’établissement reprend ainsi les missions antérieurement dévolues au Fonds de prévention des risques sanitaires institué par l’article 97 de la loi n° 2006-1040 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, en remplacement du fonds de concours dit « fonds Biotox ».

Enfin, l’EPRUS peut également, à la demande du ministre chargé de la santé, fabriquer et distribuer des médicaments et dispositifs médicaux qui correspondent « à des besoins de santé publique, thérapeutiques ou diagnostiques non couverts par ailleurs », en raison soit d’une rupture ou d’une cessation de commercialisation, soit d’une production en quantité insuffisante, soit encore lorsque toutes les formes nécessaires ne sont pas disponibles. L’EPRUS dispose à ce titre du statut d’« établissement pharmaceutique » et se trouve soumis au contrôle de l’Agence française de sécurité des produits de santé (AFSSAPS).

Cet établissement est financé à parité par l’assurance maladie et par l’État. La dotation inscrite dans le projet de loi de finances pour 2008 (75 millions d’euros en autorisations d’engagement et 55 millions d’euros de crédits de paiement) permettra de financer les actions programmées pour faire face à la menace d’une pandémie grippale, aux risques bioterroristes, au renouvellement de stocks de vaccins contre la méningite et à la montée en charge de l’établissement, notamment la rationalisation de la logistique des produits du stock national santé et la mise sur pied de la réserve sanitaire.

Plusieurs agences ont souligné l’insuffisance des moyens dont elles sont dotées face aux besoins en investissements, à l’extension des missions qui leur sont confiées et aux exigences fortes qui s’expriment en matière de recherche.

II.- LA SÉCURITÉ SANITAIRE DES EAUX DESTINÉES
À LA CONSOMMATION HUMAINE

La relation entre la qualité de l’eau consommée et l’état de santé de la population a été mise en exergue dès le Ve siècle avant Jésus-Christ par Hippocrate et le caractère vital de cet élément, qui compose 60 % du corps d’un humain adulte et dont nous consommons en moyenne un litre et demi par jour, explique la préoccupation des autorités sanitaires à mettre à disposition de tous une eau potable de bonne qualité sanitaire afin d’écarter tout risque de pathologie d’origine hydrique.

La généralisation progressive de systèmes d’adduction d’eau potable a certes conduit à une diminution très sensible des risques sanitaires d’origine hydrique tout au long du XXe siècle et il est également vrai que la France n’a pas connu depuis longtemps de crise sanitaire dans le domaine de l’eau.

Toutefois, certaines crises sanitaires récentes, comme celles du sang contaminé, de l’encéphalite spongiforme bovine ou de la grippe aviaire par exemple, ont profondément ébranlé la confiance des citoyens dans la qualité des produits qui leur sont distribués. De plus, dans un climat général de détérioration de l’environnement dû à un modèle de société productiviste, des signaux inquiétants de dégradation de la qualité des ressources en eau utilisées pour la production d’eau potable (nappes d’eau souterraines, rivières) se sont fait jour, avec la mise en évidence de pollutions diffuses de produits comme les nitrates et les pesticides, dont les effets sur la santé liés à l’ingestion de faibles doses pendant de longues périodes ne sont pas encore parfaitement établis. Ces dix dernières années, la sensibilité des appareils d’analyse de l’eau a progressé, abaissant jusqu’au nanogramme (unité de mesure de poids équivalent à un millionième de milligramme, ou un milliardième de gramme) par litre les seuils de détection de beaucoup de produits. Aujourd’hui, il est donc possible de mettre en évidence dans l’eau des substances comme des médicaments ou des perturbateurs endocriniens dont la présence dans l’eau ne laisse pas d’inquiéter.

Au regard de ces éléments et des inquiétudes qui y sont liées, il est dès lors apparu nécessaire de faire un état des lieux de la sécurité sanitaire de ce qu’on appelle couramment l’eau du robinet, ou encore « eau potable », « eau courante », « eau de distribution publique », « eau distribuée », « eau d’alimentation » ou « eau de boisson », mais que la terminologie consacrée dans les textes réglementaires désigne par « eau destinée à la consommation humaine ». Le champ retenu exclu donc délibérément les eaux minérales, les eaux thermales et les eaux de loisirs (baignades et piscines). Néanmoins, l’étendue du sujet, sa haute technicité et ses très importants enjeux sanitaires mériteraient des investigations plus approfondies que celles, forcément limitées, qu’autorise le cadre d’un avis budgétaire.

A. FORTEMENT ENCADRÉÉ PAR DES NORMES EXIGEANTES ET MOBILISANT DE MULTIPLES ACTEURS, LA SÉCURITÉ SANITAIRE DE L’EAU FAIT L’OBJET DE NOMBREUX CONTRÔLES LUI ASSURANT GLOBALEMENT UNE BONNE QUALITÉ

L’eau destinée à la consommation humaine est susceptible d’être contaminée par deux vecteurs principaux : d’une part par des micro-organismes pathogènes (bactéries, virus ou parasites) qui peuvent être à l’origine de maladies infectieuses, essentiellement des gastro-entérites, et qui constituent le principal risque direct et immédiat pour la santé lié à la pollution de l’eau, d’autre part par des polluants chimiques (pesticides, nitrates, hydrocarbures, métaux lourds …) qui peuvent affecter la santé à long terme sachant que, sauf pollution accidentelle massive qui peut avoir des effets immédiats, c’est l’ingestion sur de longues périodes de substances présentes en faibles quantités qui peut poser un problème.

Aussi, conformément à des directives communautaires, le code de la santé publique fixe-t-il des critères de qualité pour la composition de l’eau afin d’éviter sa contamination par des micro-organismes pathogènes ou des polluants.

L’eau fait ainsi l’objet d’un contrôle sanitaire strict par le biais de règles techniques et administratives de vérification de sa composition microbiologique et chimique qui fait intervenir de nombreux acteurs depuis sa source jusqu’à son utilisation, en passant par son traitement, son stockage et sa distribution.

1. La sécurité sanitaire de l’eau est devenue un enjeu majeur fortement réglementé

a) La directive européenne du 23 octobre 2000 fixe un objectif général de « bon état écologique et chimique de l’eau »

La directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établit un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau. Elle impose qu’à l’échéance de l’année 2015 les masses d’eau souterraines atteignent « le bon état », c’est-à-dire reviennent à leur état originel de référence, hors impact des activités associées aux rejets des activités humaines.

b) La directive du 3 novembre 1998 fixe le cadre réglementaire européen en matière d’eau potable

La directive 98/83/CE du 3 novembre 1998 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine constitue le cadre réglementaire européen en matière d’eau potable. L’eau potable, aux robinets des consommateurs, doit au minimum respecter dans chaque État membre de l’Union européenne les exigences de qualité fixées par cette directive qui concerne notamment les eaux fournies par un réseau de distribution public ou privé.

Les exigences de qualité de la directive 98/83/CE sont fondées sur les évaluations menées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Elles s’inspirent largement des valeurs guides définies en 1994 et 1998 par l’OMS pour plus d’une centaine de substances, une valeur guide étant une estimation de la concentration d’une substance dans l’eau de boisson qui ne présente aucun risque au regard des connaissances actuelles pour la santé d’une personne qui consommerait cette eau pendant toute sa vie.

Pour certains paramètres tels que les pesticides, une autre approche a été retenue dans la directive au titre du principe de précaution, considérant qu’il fallait tenir compte du fait que la présence, même en quantité très faible, de substances issues d’activités agricoles, industrielles ou humaines, traduit une contamination de la ressource et que d’autres substances plus ou moins détectables avec les moyens analytiques actuels peuvent les accompagner. Pour ce type de substances, la directive fixe donc pour objectif de réduire la présence de ces composés au plus bas niveau de concentration possible.

c) Le code de la santé publique recense les principaux éléments du dispositif réglementaire actuel

La directive 98/83/CE du 3 novembre 1998 a été transposée en droit français par le décret n° 2001-1220 du 20 décembre 2001 qui a été codifié depuis mai 2003 dans le code de la santé publique. Celui-ci fixe ainsi :

– des règles techniques de protection et de prévention visant à assurer un bon fonctionnement de l’ensemble du système, du captage jusqu’au robinet du consommateur (instauration de périmètres de protection des captages d’eau et modalités de conception et d’entretien des réseaux de distribution d’eau publics et privés par exemple) ;

– des règles relatives à des procédures administratives (autorisation pour exploiter les captages d’eau et les stations de traitement d’eau potable par exemple) ;

– des exigences de qualité (normes de qualité) ;

– des modalités de suivi de la qualité des eaux et notamment de mise en œuvre du contrôle sanitaire (paramètres à rechercher et fréquence des contrôles par exemple). Les responsables de la distribution d’eau ont l’obligation d’exercer une surveillance permanente de la qualité de l’eau qu’ils délivrent aux consommateurs et sont tenus, à ce titre, d’effectuer un examen régulier de leurs installations et de réaliser un programme d’analyses en fonction des dangers identifiés sur le système de production et de distribution d’eau ;

– des dispositions en matière d’information. Une bonne transmission des informations entre les autorités sanitaires et les responsables de la distribution d’eau est essentielle, en particulier en cas de non-conformité de la qualité de l’eau. Les consommateurs doivent ainsi être obligatoirement informés en cas de problème de qualité de l’eau distribuée, lorsqu’une dérogation aux limites de qualité est octroyée par le préfet ou lorsqu’il y a un risque de non-respect de la qualité de l’eau.

d) La loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique et le plan national Santé Environnement ont fixé des objectifs ambitieux en matière de sécurité sanitaire de l’eau

La loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique a défini 100 objectifs de santé publique dont l’un concerne la qualité de l’eau distribuée par les réseaux publics. Il s’agit de diviser par deux, d’ici 2008, le pourcentage de la population alimentée par une eau de distribution publique dont les limites de qualité ne sont pas respectées pour les paramètres microbiologiques et les pesticides. Cet objectif permet d’apprécier le niveau d’application de la réglementation européenne et nationale pour la distribution publique. Le suivi des indicateurs microbiologiques et pesticides se justifie par le fait qu’une bonne qualité microbiologique des eaux d’alimentation est essentielle afin de limiter l’apparition de pathologies telles que les gastro-entérites tandis que la présence de pesticides dans l’eau potable, outre ses effets néfastes sur la santé, donne des indicateurs pertinents de la dégradation des ressources en eau.

En prolongement de la loi de santé publique, le Plan national Santé Environnement (PNSE) 2004-2008 a défini comme objectif prioritaire (action n° 10) la protection de la totalité des captages à l’échéance 2010 et fixé l’objectif intermédiaire de 80 % des captages protégés fin 2008. Cette action est aujourd’hui déclinée dans la quasi-totalité des plans régionaux de Santé Environnement (PRSE). L’instauration de périmètres de protection autour des points de prélèvements d’eaux, souterraines et superficielles, constitue un moyen de prévention efficace pour faire obstacle aux conséquences des pollutions ponctuelles ou accidentelles de la ressource sur la qualité de l’eau distribuée. Cette prévention de la détérioration des ressources en eau pour la fabrication d’eau potable permet ainsi de réduire le niveau de traitement nécessaire à la production d’eau potable ou, dans certains cas, de distribuer l’eau sans traitement en donnant aux gestionnaires le temps de réagir face à une pollution accidentelle. L’instauration des périmètres de protection est à l’initiative de la collectivité locale. Des subventions sont accordées par les agences de l’eau, pour inciter les collectivités locales à engager toutes les démarches nécessaires à la protection de leur ressource en eau. La mise en œuvre de la protection des captages par un périmètre de protection est résumée dans le tableau suivant :

Évolution du pourcentage de captages d’eau destinée à la consommation humaine protégés par un périmètre de protection (du point de vue de l’usager)

 

Unité

2005 Réalisation

2006 Réalisation

2007 Prévision

2007 Prévision actualisée

2008 Prévision

2009 Cible

Pourcentage de captages protégés

%

41,9

48,9

60

60

80

90

Précisions méthodologiques : rapport du nombre de captages protégés (c’est-à-dire bénéficiant d’une procédure de déclaration d’utilité publique) sur le nombre de captages total du territoire national utilisés pour la production d’eau potable.

Source de données : les données proviennent du ministère chargé de la santé (base de données SISE-EAUX) et d’informations recueillies directement auprès des DDASS.

Compte tenu de ces donnés, il est à craindre que les prévisions ne soient pas respectées. Les actions 11 (limiter les pollutions des eaux et des sols dues aux pesticides et à certaines substances potentiellement dangereuses) et 21 (développer les outils pour mieux évaluer les risques sanitaires des substances chimiques et biologiques) du PNSE sont également étroitement liées à la sécurité sanitaire de l’eau.

e) La loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques a opéré de notables avancées en matière de sécurité sanitaire de l’eau

La loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques donne à l’État et aux collectivités territoriales les moyens d’atteindre en 2015 l’objectif de « bon état écologique et chimique de l’eau » inscrit dans la directive 2000/60 du 23 octobre 2000.

La loi renforce en premier lieu les mesures permettant de lutter contre les pollutions diffuses d’origine agricole. C’est notamment l’objet des articles 33 à 44 de la loi qui prévoient un contrôle administratif plus étroit de la mise sur le marché et de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et un meilleur suivi de leur traçabilité. En second lieu, les pollutions diffuses liées aux installations d’assainissement non collectif font également l’objet de plusieurs mesures. La loi pose notamment le principe d’un renforcement du contrôle des installations par les communes. Enfin, certaines mesures visent à renforcer la protection de certains cours d’eau ou de secteurs (zones d’alimentation des captages, zones humides, zones d’érosion diffuse) dans lesquels les eaux présentent d’ores et déjà un bon état écologique et chimique.

Ce cadre réglementaire très complet ne doit toutefois pas conduire à faire une confiance aveugle aux normes. En matière d’eau potable, la réglementation court en effet toujours le risque d’être en retard par rapport à la réalité. Comme l’a souligné l’hydrobiologiste Claude Danglot, une eau « réglementairement potable » n’est pas forcément une eau « sanitairement potable », c’est-à-dire qui ne rend pas malade à long terme !

3. La sécurité sanitaire de l’eau fait coopérer de multiples acteurs

a) les administrations centrales et déconcentrées

Au sein des administrations centrales, la direction générale de la santé (DGS) du ministère chargé de la santé joue un rôle majeur puisqu’elle a en charge la sécurité sanitaire des usages de l’eau, l’identification des risques, la contribution à l’élaboration des réglementations ou recommandations internationales ou nationales en liaison avec les autres ministères concernés. Elle veille également à l’application des mesures de contrôle sanitaire des eaux, évalue leur mise en œuvre et gère des alertes sanitaires lors de pollutions accidentelles ou en cas de suspicion de contamination ou d’alerte épidémique. Le ministère de l’agriculture et de la pêche d’une part et le ministère de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables d’autre part sont également concernés à des titres divers par ce qui concerne l’assainissement, l’amélioration de la qualité de l’eau et la préservation des ressources.

À l’échelon déconcentré, ce sont essentiellement les directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS) qui interviennent en matière de sécurité sanitaire, sachant que la préservation des ressources en eaux stratégiques ou les objectifs spécifiques de qualité des ressources sont examinés à l’échelon des bassins hydrographiques où les préfets coordonnateurs de bassin ont en charge, en liaison avec le comité de bassin, l’élaboration du schéma directeur d’aménagement et de gestion de l’eau (SDAGE).

b) Les entreprises de l’eau

Les entreprises privées qui assurent la gestion des services d’eau et d’assainissement jouent également un rôle déterminant. Les opérations de contrôle des DDASS sont en effet complétées par les actions de surveillance réalisées par les exploitants et les gestionnaires des usines de production et des réseaux de distribution. La maîtrise des risques sanitaires repose ainsi sur la surveillance permanente que le responsable de la distribution de l’eau est tenu d’exercer.

c) Les collectivités locales

La loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques a posé le principe de la compétence communale en matière de distribution d’eau potable à l’article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales. Dans ce cadre, les communes arrêtent un schéma de distribution d’eau potable déterminant les zones desservies par le réseau de distribution. Elles peuvent également assurer la production d’eau potable, ainsi que son transport et son stockage. La compétence principale en matière de distribution d’eau est donc assurée principalement par les communes et par la coopération intercommunale qui est très marquée dans ce domaine puisqu’elle concerne les trois quarts des communes.

Les autres collectivités locales (département et région) ont très peu de responsabilité en matière de sécurité sanitaire de l’eau compte tenu de cette compétence première dévolue aux communes. Toutefois, les départements s’impliquent fortement dans ce domaine de la distribution de l’eau dans le cadre de l’aménagement de leur territoire et des services à la population. Ces derniers se positionnent prioritairement en partenaire financier et de suivi des politiques de l’eau : distribution d’une eau potable de qualité et en quantité suffisante
– élaboration d’un schéma départemental d’adduction d’eau –, protection et préservation de la ressource, aménagement durable du territoire.

d) Les agences de sécurité sanitaire intervenant dans le domaine de l’eau

La loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l’homme, a créé plusieurs agences de sécurité sanitaire dont trois interviennent plus particulièrement dans le domaine de l’eau.

 L’Institut national de veille sanitaire (InVS)

La mission de l’InVS est de surveiller l’état de santé de la population, d’alerter les pouvoirs publics en cas de risque sanitaire dans le domaine des maladies infectieuses et de réaliser ou coordonner des investigations épidémiologiques

 L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA)

L’AFSSA est spécialement chargée d’évaluer les risques sanitaires et nutritionnels que peuvent présenter les eaux destinées à la consommation humaine. Les enjeux sanitaires concernent les risques liés à la consommation directe de l’eau ou à son rôle de vecteur de contamination physico-chimique ou microbiologique. Dans ce cadre, l’agence assure une veille scientifique portant sur les phénomènes émergents afin d’anticiper les besoins en matière d’expertise et de définir de nouvelles priorités pour la surveillance des eaux. Elle s’emploie à la qualité des travaux d’expertise et à mener à bien l’accréditation du laboratoire d’études et de recherche en hydrologie de Nancy.

L’agence développe également un rôle d’animation dans le domaine de la sécurité sanitaire de l’eau destinée à consommation humaine en se positionnant à la tête d’un réseau de partenaires œuvrant dans le domaine de la qualité des eaux, et renforce ses partenariats avec les acteurs de la recherche et de l’analyse (laboratoires, organismes de normalisation).

L’AFSSA a également en charge la production des connaissances relatives à l’eau et la diffusion des résultats de ses travaux. Elle dispose d’une unité d’évaluation des risques liés à l’eau au sein de la direction de l’évaluation des risques nutritionnels et sanitaires et d’un réseau de laboratoires dont le laboratoire d’études et de recherche en hydrologie de Nancy.

Le contrat d’objectif et de moyens (COM), signé le 4 avril 2007 entre l’AFSSA et les trois ministres de tutelle (santé, agriculture et consommation) ainsi que par le ministre du budget, énonce 10 orientations stratégiques, déclinées en objectifs opérationnels. L’orientation stratégique n° 10 vise plus particulièrement à développer l’action de l’agence dans le domaine de la sécurité sanitaire de l’eau destinée à la consommation humaine.

Les dispositions relatives à la sécurité sanitaire
du contrat d’objectif et de moyens de l’AFSSA

L’orientation stratégique visant à développer l’action de l’AFSSA dans le domaine de la sécurité sanitaire de l’eau destinée à la consommation humaine se décline en cinq objectifs :

Objectif 10-1 – Développer le rôle de l’agence dans l’évaluation des risques liés à l’eau destinée à la consommation humaine à l’écoute des priorités fixées par les pouvoirs publics. L’Afssa contribue également à l’élaboration, à la mise en œuvre et au suivi des programmes et dispositifs nationaux mis en place par les ministères de tutelle (Plan national santé environnement, Plan cancer, Observatoire des résidus des pesticides) en appuyant ses recommandations sur une évaluation des risques mobilisant ses compétences internes et celles des autres acteurs publics du domaine de l’eau. L’agence poursuit l’élaboration des lignes directrices pour l’évaluation des matériaux au contact de l’eau, engage celles pour les produits et procédés de traitement en cohérence avec les évolutions réglementaires ;

Objectif 10-2 – Assurer que le laboratoire d’études et de recherche en hydrologie de Nancy remplit la mission de laboratoire de référence au niveau national dans le domaine de l’eau : La France ne dispose pas encore de laboratoire jouant le rôle de laboratoire national de référence dans le domaine de l’eau. Il apparaît souhaitable de confier au laboratoire d’études et de recherche en hydrologie de Nancy cette mission au niveau national dans le domaine de l’eau. L’agence doit obtenir l’accréditation de ce laboratoire pour les programmes concernant la qualité de l’eau de boisson et animer techniquement le réseau des laboratoires agréés pour le contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine et des eaux minérales naturelles ;

Objectif 10-3 – Impulser et conduire une politique de recherche publique intégrée, en appui à l’évaluation des risques liés à l’eau destinée à la consommation humaine et en cohérence avec la politique de l’agence : À cet effet, elle doit dresser le bilan de la recherche publique et privée en France et en assurer la mise à jour biennale. À partir des axes prioritaires de recherche identifiés, elle collaborera avec l’Agence nationale de recherche pour qu’elle assure la prise en compte de ces besoins dans le cadre de sa programmation ;

Objectif 10-4 – Inscrire l’Afssa dans un système d’agences et fédérer un réseau d’expertise dans le domaine de l’eau : l’objectif est d’apporter une cohérence d’ensemble à l’évaluation des risques en matière d’eau destinée à la consommation humaine. L’agence doit ainsi développer des synergies avec les autres instances d’évaluation des risques, de l’état de santé des populations, de veille et d’alerte sanitaire, ainsi qu’avec les organismes de recherche.

Objectif 10-5 – Contribuer aux travaux menés dans le cadre communautaire et international dans le domaine de l’eau : l’AFSSA a vocation à participer à l’évaluation des risques dans divers groupes de travail de la Commission européenne et à assistants les représentants du ministère de la santé lors de la négociation de la réglementation communautaire. Elle suivra les travaux des groupes de travail mis en place par l’Autorité européenne de sécurité alimentaire (AESA) et la Commission européenne ;

D’autres objectifs du COM, comme par exemple ceux relatifs à l’évaluation des produits phytosanitaires, contribuent également à la protection de la qualité des eaux distribuées.

 L’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement (AFSSET)

L’AFSSET exerce ses activités à la fois dans le domaine des risques sanitaires liés à l’environnement pour la population en général et dans celui des risques sanitaires pour la population en situation de travail.

S’agissant plus spécifiquement du domaine de l’eau, l’AFSSET est l’instance d’expertise sur les risques liés aux eaux de loisirs (baignades, piscines), l’assainissement ainsi que sur les risques liés à l’inhalation d’eaux contaminées par exemple par les légionelles. Elle est également chargée de prendre en compte les interactions éventuelles entre différents facteurs (agents chimiques, agents biologiques et agents physiques) et différents milieux (eau, air).

Contrairement au contrat d’objectifs et de moyens (COM) de l’AFSSA, il n’existe pas dans le COM de l’AFSSET d’objectifs spécifiquement dédiés à la sécurité sanitaire de l’eau. Cette mission est en effet englobée dans le champ des risques sanitaires liés à l’environnement pour la population en général. Ainsi, l’objectif n° 16, qui prévoit d’« adopter un protocole permettant d’informer les pouvoirs publics sur les risques émergents (ou nouvellement identifiés) » et l’objectif n° 17, qui entend « répertorier et hiérarchiser les besoins de recherche ou d’étude repérés en évaluation de risque, en analyse des situations de risque ou en veille », concourent tout particulièrement à prévenir les risques dans le domaine de l’eau.

e) Les agences de l’eau

Les agences de l’eau interviennent en matière de sécurité sanitaire dans trois domaines principaux.

– La protection des captages est le domaine principal d’intervention des agences qui participent d’ailleurs à l’objectif du plan national Santé Environnement d’atteindre 100 % des captages protégés à la fin du programme. Elles apportent notamment des aides à la procédure administrative pour la déclaration d’utilité publique et réalisent également des acquisitions foncières. Les agences ont comme objectif d’assurer la protection de 12 000 captages supplémentaires sur la durée de leur programme. Sur la période 2007-2012, les agences consacreront 377 millions d’euros à l’ensemble des actions visant à la protection de la ressource.

– L’entretien des réseaux est le second domaine d’intervention des agences de l’eau. Si l’entretien des réseaux d’adduction d’eau potable relève des collectivités locales (financement par le prix de l’eau) et n’entre pas directement dans les missions des agences, elles leur apportent toutefois, dans un souci de gestion globale, un appui sous forme d’aides financières, ces aides étant conditionnées à la protection des captages (ou à l’existence d’une procédure visant à la protection).

– Le traitement des eaux est le troisième domaine d’intervention des agences. Elles apportent ainsi des aides, concernant notamment la construction, l’amélioration et l’extension de dispositifs de traitement et de mise aux normes de l’eau destinée à la consommation humaine. Comme pour l’entretien des réseaux, les aides des agences au traitement sont conditionnées par l’existence de mesure en faveur de la protection de la ressource. Le principe est que des aides au « curatif » dépendent de l’existence de mesures « préventives ». Dans le cadre du plan Vigipirate, les agences participent également à l’objectif de sécurisation et de contrôle des accès aux installations de captages, de traitement, de stockage et de distribution des eaux.

4. Les nombreux contrôles permettent d’aboutir à des résultats conformes à la réglementation

L’eau destinée à la consommation humaine fait l’objet de nombreux contrôles garantissant que la qualité de l’eau distribuée est globalement conforme à la réglementation.

a) Le suivi de la qualité de l’eau potable est partagé entre les directions départementales des affaires sanitaires et sociales et les responsables de la distribution

Il convient de distinguer le contrôle réglementaire de l’eau, encore appelé contrôle sanitaire des eaux d’alimentation, qui est organisé par les directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS), services déconcentrés du ministère chargé de la santé placés sous l’autorité des préfets, et la surveillance que sont tenus de mettre en œuvre les responsables de la distribution d’eau qui s’exerce au moyen d’enregistrements en continu de la qualité des eaux (capteurs) et par des contrôles réguliers sur le terrain et en laboratoire.

Le choix des points de contrôle (au niveau des captages d’eau, à la sortie des stations de traitement ou sur le réseau de distribution), la fréquence des analyses et la nature des paramètres contrôlés sont définis par le code de la santé publique.

L’ensemble de ces analyses du contrôle sanitaire est réalisé par des laboratoires agréés par le ministre chargé de la santé. Chaque année, près de 300 000 prélèvements d’eau sont ainsi réalisés dans le cadre du contrôle sanitaire des eaux d’alimentation, tandis que plus de 4,5 millions de résultats analytiques sont recueillis et expertisés. L’ensemble des résultats du contrôle sanitaire des eaux sont ensuite colligés dans la base de données SISE-Eaux (Système d’Information en Santé-Environnement sur les Eaux) du ministère de la santé.

b) L’eau distribuée en France est de bonne qualité

Plusieurs rapports publiés (1) par la DGS mettent en évidence la bonne qualité de l’eau d’alimentation vis-à-vis des exigences de qualité microbiologiques et physico-chimique. Tous paramètres pris en compte (microbiologiques et physico-chimiques), le taux de conformité est de l’ordre de 99 % pour les unités de distribution de plus de 5 000 habitants.

La Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (2) (FP2E) a de son côté communiqué lors de son audition par la rapporteure pour avis les éléments statistiques relatifs à ses exploitations qui mettent en évidence 99,65 % de conformité bactériologique et 98,59 % de conformité physico-chimique et a fait état de 95,9 % de conformité en moyenne en France, tous opérateurs confondus.

Par ailleurs, le bilan des objectifs fixés par la loi de santé publique et le plan national Santé Environnement laisse également apparaître des résultats encourageants en tendance. En effet, la proportion de la population alimentée par de l’eau non conforme au cours de l’année pour les paramètres microbiologiques est passée de 8,8 % en 2000 à 4,4 % en 2006. S’agissant des pesticides, la population alimentée par de l’eau au moins une fois non conforme a diminué de 43 % entre 2003 et 2006 (la proportion de la population concernée s’élève à 9 % en 2003 et à 5,14 % en 2006). D’autre part, le rythme de protection des captages continue de progresser et le nombre de nouveaux captages protégés atteint désormais 1 000 réalisations annuelles. Mais au 23 juillet 2007, sur les 35 000 captages français, seuls 50,5 % bénéficient désormais d’une protection réglementaire, ce qui correspond à 58 % de la population desservie.

Le cadre réglementaire strict et les multiples contrôles tout au long de la chaîne font que l’eau distribuée en France est globalement conforme à la réglementation. D’après le centre d’information sur l’eau, le niveau de satisfaction et la perception en terme de sécurité par les Français sont d’ailleurs bons puisque 82 % d’entre eux estiment que les eaux destinées à la consommation humaine sont sûres.

Cependant, le respect nécessaire de la réglementation implique des traitements coûteux qui se répercutent sur les consommateurs et nécessite parfois des interdictions de consommation. Cela n’empêche pas de s’interroger également sur les risques liés à certains problèmes persistants ou émergents et ne doit pas conduire à éluder la question des nécessaires adaptations.

B. LA PERSISTANCE DE DIFFICULTÉS ET L’ÉMERGENCE DE NOUVEAUX DÉFIS REQUIÈRENT DES ADAPTATIONS CONSTANTES

L’attention de la communauté scientifique s’est jusqu’à aujourd’hui essentiellement concentrée sur la pollution des milieux aquatiques par les rejets de produits chimiques d’origine industrielle et agricole. Le phénomène nouveau de contamination des eaux induite par les résidus de médicaments à usage humain et vétérinaire commence à être de plus en plus pris en considération.

1. Certaines difficultés déjà identifiées continuent de retenir l’attention

Différents rapports relatifs à la qualité des eaux font état de la dégradation des ressources au cours des quarante dernières années, notamment vis-à-vis des pollutions diffuses de nitrates et pesticides. Dans plusieurs départements, des centaines de captages utilisés pour la production d'eau destinée à la consommation humaine ont ainsi dû être abandonnées au profit de ressources plus profondes et moins dégradées.

a) Les pesticides

S’agissant des pesticides (ce terme regroupe les produits phytosanitaires et les biocides), l’Institut Français de l’environnement (IFEN) indique : « qu’au cours des années 2003 et 2004 sur un échantillon de 10 000 points de surveillance de la qualité des eaux, la présence de pesticides a été relevée sur 96 % des points de mesure dans les cours d’eau et 61 % des points de mesure pour les eaux souterraines. Les niveaux de contamination sont souvent significatifs : en eaux de surface, 49 % des points de mesure ont une qualité moyenne à mauvaise (ne peut satisfaire les équilibres écologiques ou la production d'eau potable), et en eaux souterraines, 27 % des points nécessiteraient un traitement spécifique d’élimination des pesticides s’ils étaient utilisés pour la production d’eau potable. On trouve des pesticides à des concentrations telles que les milieux aquatiques peuvent être perturbés ou les seuils admissibles dépassés pour la production d’eau potable sans mise en œuvre de traitement spécifique des pesticides dans 58 points d’eau superficielle et 10 points en eau souterraine ».

En 2006, l’étude de conformité des eaux distribuées vis-à-vis des pesticides, réalisée par la DGS en lien avec les DDASS, indique une amélioration de la qualité de l’eau. Néanmoins, la consommation de l’eau du robinet a dû être restreinte pour les usages alimentaires dans 19 départements et ces situations anormales ont concerné environ 110 600 personnes en 2006, soit 0,18 % de la population.

La connaissance de l’action à long terme des pesticides sur la santé humaine reste incomplète. Certains pesticides sont suspectés d’avoir des effets à long terme sur la santé (toxicité vis-à-vis des fonctions de reproduction, potentiel mutagène et potentiel cancérigène dans plusieurs espèces, …).

L’exemple du chlordécone, pesticide utilisé dans les bananeraies, aux Antilles, montre que les contaminations peuvent persister à un niveau élevé longtemps après l’interdiction d’utilisation des substances responsables, en eau superficielle comme en eau souterraine. Selon l’étude (3) récente du cancérologue Dominique Belpomme rendue publique le 18 septembre 2007 à la suite d’une mission scientifique en Martinique et en Guadeloupe, les expertises scientifiques menées sur les pesticides conduisent au constat d’un « désastre sanitaire aux Antilles » avec notamment des eaux durablement polluées par le chlordécone, que la France a interdit sur son territoire en 1990 – sauf aux Antilles où il n’a été interdit qu’en 1993 – et le paraquat, substances qui ont une durée de vie de plusieurs siècles.

L’audition du professeur Gilles-Eric Saralini, dont l’équipe à l’université de Caen a publié au printemps 2007 une étude (4) sur les effets toxiques jusqu’alors inconnus du Roundup sur les cellules embryonnaires humaines, a permis de faire le point sur le Roundup principal herbicide utilisé au monde. Le professeur Séralini a indiqué que son équipe voulait confirmer et approfondir la compréhension des effets déjà observés sur les cellules de placenta, auxquelles elles ont été comparées, et sur lesquelles son équipe avait déjà travaillé en 2005. Son étude met en évidence que « les actions délétères du Roundup sont relevées à partir de doses très faibles (le produit vendu en magasin est dilué jusqu’à 10 000 fois) et elles sont confirmées, en particulier au niveau de la perturbation des hormones sexuelles à des doses non toxiques, notamment avec des extraits de placenta frais (5) ».

Au cours de son audition, le professeur Gilles-Eric Séralini a par ailleurs appelé l’attention sur le fait que le produit Roundup, tel qu’il est vendu, est beaucoup plus toxique que le produit qui est connu et homologué pour être son principe actif, le glyphosate. Il a en conséquence dénoncé les lacunes de la réglementation européenne sur l’étude des mélanges et des perturbateurs hormonaux. En effet, la réglementation européenne pour les homologations des produits phytosanitaires énumère des molécules, mais ne prévoit pas l’étude des composés commercialisés. Or c’est le mélange final qui peut avoir des conséquences sur la santé. D’après lui, le Roundup est, à n’en point douter, un mélange bien plus nocif que le seul glyphosate qui fait partie de sa composition alors que c’est le glyphosate seul qui a été analysé pour obtenir les autorisations et non le Roundup en tant que tel. Pour le professeur Gilles-Eric Séralini, les résidus de Roundup sont parmi les plus polluants des eaux de surface. De ce fait, il apparaît nécessaire de modifier la réglementation pour prendre en compte cette problématique.

Les risques directs ou indirects des pesticides pour l’homme et les écosystèmes constituent ainsi un enjeu de société majeur qui a justifié la mise en place en 2006 d’un plan interministériel de réduction des risques liés aux pesticides.

Le plan interministériel de réduction des risques liés aux pesticides

Le plan interministériel de réduction des risques liés aux pesticides (PIRRP) a été publié en juin 2006 pour la période 2006-2009. Il répond aux engagements pris par le gouvernement dans le plan national Santé Environnement (PNSE) publié en juin 2004 ainsi que dans le Plan d’action « agriculture » de la stratégie française pour la biodiversité publié en novembre 2005.

Ce plan comporte plusieurs objectifs parmi lesquels :

– réduire de 50 % les quantités utilisées des pesticides les plus dangereux d’ici 2009 ;

– interdire ou, quand ce n’est pas possible, limiter la mise sur le marché et l’utilisation de produits contenant des substances cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR) ;

– promouvoir les opérations engagées de récupération et d’élimination des produits phytosanitaires non utilisables et de leurs emballages ;

– rendre obligatoire, tous les cinq ans, une formation à la sécurité des salariés agricoles exposés aux pesticides ;

– établir des normes afin d’assurer une meilleure protection des utilisateurs, dans les domaines des systèmes d’épuration des cabines des pulvérisateurs et tracteurs agricoles à air épuré, les emballages et les équipements de protection individuelle ;

– renforcer la veille et la recherche.

Le premier comité de suivi du plan, associant la société civile, s’est réuni le 16 mars 2007. Les mesures législatives relevant de ce plan ont été adoptées dans la loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006. Il s’agit en particulier de la traçabilité des ventes de produits phytosanitaires, du contrôle des pulvérisateurs et de la transformation de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) en « redevance pollutions diffuses ».

À cet égard, la rapporteure s’inquiète des déclarations du Président de la République lors de la présentation du résultat du « Grenelle de l’environnement » dans la mesure où celui-ci propose des objectifs en deçà de ceux prévus par le plan interministériel mentionné ci-dessus et de ceux fixés au niveau européen, ce qui est pour le moins surprenant.

b) Les nitrates

En ce qui concerne les nitrates qui proviennent essentiellement de la pollution d’origine agricole, l’IFEN indique que depuis le début des années 1970, la qualité des cours d’eau se dégrade, même si elle semble s'être stabilisée au cours de la dernière décennie.

Le rapport du ministère chargé de la santé « L’eau potable en France, qualité de la ressource » mentionne qu’en 2002, 553 captages d’eau brute sur 13 486 ressources contrôlées ont présenté une teneur en nitrates supérieure à 50 mg/l, limite fixée dans la directive relative à la qualité des eaux souterraines.

Le principal risque connu des nitrates est la méthémoglobinémie du nourrisson : les nitrates se transforment en nitrites dans l’estomac ; ces nitrites peuvent alors provoquer la transformation de l’hémoglobine du sang en méthémoglobine, impropre à fixer l’oxygène. Aucun cas de méthémoglobinémie lié à l’eau d’alimentation n’est heureusement aujourd’hui recensé en France. Les nitrates sont également suspectés de contribuer à l’apparition de certains cancers. De plus, de fortes teneurs en nitrates dénotent l’état d’une ressource fortement dégradée susceptible de devenir dans des délais brefs impropre à la consommation humaine en l’absence de mise en œuvre de mesures adaptée (protection de la ressource, abandon du captage, mélange d’eau, traitement, …).

La lutte contre la pollution par les nitrates est donc devenue un enjeu pour la qualité des eaux de surfaces et des eaux souterraines. De nombreux types de pratiques ont ainsi été promus dans le cadre des mesures agro-environnementales (MAE) pour la période 2000-2006 afin de limiter la fertilisation azotée minérale ou globale qu’il s’agisse du raisonnement des pratiques de fertilisation, de l’agriculture biologique ou de la gestion extensive des prairies par exemple. Afin de renforcer l’efficacité de ces mesures et leur impact sur le milieu, ces mesures sont depuis 2007 ciblées sur des zones à fort enjeu environnemental, en particulier dans les bassins versants définis comme prioritaires au titre de la directive cadre sur l’eau, pour lutter contre les risques de pollutions diffuses liées aux nitrates. Les financements du ministère de l’agriculture et de la pêche pourront être complétés par les contributions d’autres financeurs, tels les agences de l’eau et les collectivités territoriales.

Les nitrates sont par ailleurs un des domaines où la France manque à certaines de ses obligations.

État des manquements français aux obligations européennes
en matière de sécurité sanitaire de l’eau

Aucun contentieux européen n’existe au titre de l’article 228 du traité en matière d’eau distribuée aux usagers. Ce maintien du respect des limites de qualité de l’eau est assuré en certains secteurs du territoire grâce à des efforts particuliers compte tenu de la dégradation des ressources (interconnexion des réseaux, dilution, traitement).

La contamination de la ressource rend toutefois le respect des limites de qualité de plus en plus délicat dans certaines régions et trois contentieux sont ainsi en cours.

Il s’agit en premier lieu de l’affaire C-147/07 – Pollution des eaux destinées à la consommation humaine (nitrates et pesticides) dans les départements de Vendée, Deux-Sèvres et Charente-Maritime (manquement aux dispositions de la directive 98/83/CE relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine). La Commission européenne a décidé, le 13 mars 2007, d’envoyer la France devant la Cour de justice des communautés européennes afin de faire constater le manquement quant à la qualité de l’eau distribuée pour les paramètres nitrates et pesticides dans les trois départements en cause.

Deux autres contentieux sont en cours :

– l’affaire C-266/99 – Nitrates de Bretagne (manquement aux dispositions de la directive 75/440 sur la qualité des eaux superficielles destinées à la production d’eau alimentaire) porte sur la qualité des eaux brutes dans les ressources et non pas sur la qualité des eaux distribuées aux consommateurs. La décision de saisine de la Cour de justice de communautés européennes du 21 mars 2007 est actuellement assortie d’un sursis à exécution. La France risque dans cette affaire d’être condamnée à une amende supérieure à 28 millions d'euros, assortie d'une astreinte journalière de 117 882 euros. Toutefois, la commission européenne a décidé le 12 septembre 2007 de suspendre jusqu’à la fin 2009 la saisine de la Cour européenne. En effet, le ministère de l’agriculture s’est engagé à ce que tous les bassins versants encore en contentieux passent sous la barre des 50 mg/l d’ici à la fin 2009 et à fermer quatre sites avant 2009 car le retour à la conformité en regard des teneurs en nitrates n’est pas envisageable.

– l’affaire C-280/02 – Eaux résiduaires urbaines (manquement aux dispositions de la directive 91/271 relative au traitement des eaux résiduaires urbaines) présente le risque financier le plus élevé puisqu’il est estimé entre 300 et 400 millions d’euros. Ce contentieux résulte de l’insuffisante désignation de zones sensibles à l’eutrophisation et de l’absence de mise aux normes des stations d’épuration dont l’échéance était fixée au 31 décembre 1998 pour un peu plus de quatre-vingts agglomérations.

La persistance de pollutions diffuses par les nitrates et pesticides nécessite ainsi des traitements curatifs de l’eau (filtres à charbon actif) et des interconnexions de réseaux de distribution pour permettre de continuer à délivrer une eau du robinet conforme à la majeure partie de la population. Le traitement des résidus de médicaments apparaît encore plus problématique. L’apparition de nouveaux risques émergents, moins connus et plus difficile à traiter, requiert donc une attention particulière.

2. De nouveaux risques émergents, encore mal évalués, ont fait leur apparition

En fait, il est probable que ces polluants émergents existent depuis plusieurs années mais ils ont pris une visibilité nouvelle avec les progrès réalisés dans les méthodes analytiques des eaux et avec l’observation de la faune aquatique.

a) Les résidus de médicaments

La contamination du milieu aquatique par les médicaments est désormais un phénomène reconnu. Les substances médicamenteuses présentes dans les ressources en eau proviennent à la fois des rejets d’eaux usées de l’industrie pharmaceutique, de l’utilisation en médecine humaine avec des rejets bien localisés (hôpitaux), mais aussi des rejets diffus résultant des traitements à domicile et enfin de l’utilisation en médecine vétérinaire pour la protection préventive et curative du cheptel contre les maladies ou comme promoteurs de croissance.

Le président de la commission santé et environnement de l’Académie de pharmacie, M. Jean-Marie Haguenauer, a ainsi indiqué que plus de trente classes de médicaments sont présentes dans les eaux superficielles, ce qui démontre selon lui que les stations d’épuration ne permettent pas de diminuer de façon suffisante les émissions de médicaments, certaines n’en filtrant par exemple que 30 %. D’après lui, aucune évaluation du risque lié à la présence de médicaments dans l’eau du robinet n’a encore été faite et les études sur les conséquences sur la biodiversité, les effets œstrogéniques ou mutagènes demeurent très partielles.

De la même façon, les représentants de l’agence de l’eau Loire-Bretagne ont indiqué que sur la base des premiers résultats de recherche de substances pharmaceutiques dans les eaux du bassin Loire-Bretagne effectuée en collaboration avec le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), 100 % des échantillons analysés ont révélé la présence de molécules pharmaceutiques à usage humain, avec la présence de trois à vingt-quatre composés par échantillon.

Certains scientifiques évoquent désormais le fait que des composés présents à l’état de traces dans l’eau (au seuil du nanogramme – 10– 9 – voir du picogramme – 10– 12 – par litre) au sein desquels figurent notamment des résidus de médicaments sont susceptibles d’effets sur la santé, par exemple de perturbation de l’activité endocrinienne.

Certains herbicides, des produits de dégradation de détergents industriels et surtout certains médicaments comme les hormones de synthèse utilisées dans les contraceptifs agissent comme de véritables hormones sexuelles et vont perturber les fonctions endocriniennes des poissons. Des recherches d’une équipe du CEMAGREF (Institut de recherche pour l’ingénierie de l’agriculture et de l’eau) ont ainsi démontré dès 2004 que des polluants chimiques présents dans les rivières peuvent avoir une action féminisante sur les poissons (anomalies au niveau de leur appareil génital, protéine importante dans le développement de l’œuf – la vitellogénine – dosée en quantité anormale dans certains d’entre eux). Ces observations révèlent que les poissons ont été exposés à des polluants dont l’effet ressemble à celui des hormones sexuelles féminines.

Les travaux de révision de la directive 98/83/CE du 3 novembre 1998 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, visant à l’adapter aux connaissances scientifiques disponibles, ont conclu fin octobre 2003, en raison de méthodes d’analyses qui sont en cours de mise au point, de l’absence de test biologique global permettant de mesurer l’effet de ces résidus et de la difficulté de rechercher ces molécules prises individuellement, qu’il n’est pas opportun d’inclure dans l’immédiat la recherche de ces paramètres dans le contrôle sanitaire courant des eaux d’alimentation.

Afin de développer sa propre connaissance sur le sujet, le ministère chargé de la santé a confié (subvention pluriannuelle de 500 000 euros pour la période 2006-2008) en 2006 à l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), d’une part, la réalisation d’une étude, à mener en liaison avec l’AFSSAPS et les industriels du médicament, concernant l’identification et la hiérarchisation des molécules d’intérêt et, d’autre part, la réalisation (via ses divers laboratoires d’analyses) d’un inventaire des niveaux de contamination des eaux destinées à la consommation humaine sur un panel de molécules. Au sein de l’AFSSA, l’agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) s’occupe de l’évaluation scientifique des dossiers d’autorisation de mise sur le marché (AMM) de médicaments vétérinaires. Parmi ses missions, l’ANMV doit protéger la santé du consommateur et de l’animal, ainsi que l’environnement. Dans ce cadre, les résidus de médicaments dans les eaux l’intéressent donc directement.

Des campagnes de mesures des résidus de médicaments dans les eaux destinées à la consommation humaine ont été lancées par le ministère chargé de la santé en 2006 et 2007 dans trois régions françaises (Basse-Normandie, Rhône-Alpes, Midi-Pyrénées) et l'impact sanitaire des effluents hospitaliers fait désormais l’objet d’investigations particulières qu’il convient d'amplifier pour contribuer à l'interprétation sanitaire à donner aux inventaires actuellement réalisés.

Une des grandes difficultés du suivi des médicaments dans l’environnement est due à la très grande variété des molécules tant sur le plan de leurs propriétés pharmacologiques que sur ceux de leur structure chimique et de leurs propriétés physicochimiques.

b) Le cas particulier des antibiotiques et des bactéries antibiorésistantes dans les eaux

D’après l’hydrobiologiste Claude Danglot, la thématique des gènes de résistance aux antibiotiques est un problème sérieux encore mal connu en France. Aujourd’hui, 70 % du rejet d’antibiotiques dans l’environnement aquatique provient d’un usage vétérinaire.

L’utilisation d’antibiotiques chez l’animal comme agents thérapeutiques ou comme promoteurs de croissance, particulièrement dans l’élevage intensif (poulets, porcs…) peut entraîner une réduction de l’efficacité de ces produits en médecine vétérinaire mais aussi en médecine humaine par suite du développement de souches antibiorésistantes de micro-organismes pathogènes. Le développement d’une résistance chez certains micro-organismes pathogènes peut s’accompagner de l’apparition d’un « déterminant de résistance » chez un autre micro-organisme et constitue un danger.

Tout usage d’antibiotique peut ainsi contribuer à l’antibiorésistance et représente donc un danger qu’il convient d’éviter. Le principal danger d’une antibiothérapie vétérinaire est l’émergence et la sélection de germes résistants (ou de gènes de résistance). Le professeur Claude Danglot a expliqué que quand des bactéries sont sous une pression antibiotique, des bactéries résistantes peuvent apparaître par mutation. Celles-ci se multiplient au détriment des bactéries non résistantes et elles peuvent également transmettre plus ou moins facilement leur résistance à d’autres espèces de bactéries : une salmonelle peut par exemple transmettre un gène de résistance à un coliforme. Le risque le plus important se situe au niveau de la flore du tube digestif car on peut craindre une transmission de gènes de résistances depuis la flore de l’animal à celle de l’homme via la chaîne alimentaire. On sait également, même si ce phénomène est peu documenté, que des germes résistants sont envoyés dans l’environnement.

S’agissant de la présence dans l’eau destinée à la consommation humaine, de bactéries résistantes aux antibiotiques, les instances d'expertise nationales (AFSSET, AFSSA) ont émis un avis le 11 décembre 2006 en réponse à la saisine de 2003 de la DGS concernant l’évaluation du risque sanitaire lié à la présence dans l’eau destinée à la consommation humaine de bactéries résistantes à des antibiotiques humains et animaux.

L'AFSSA conclut que les eaux destinées à la consommation humaine en France, comportant des bactéries éventuellement antibiorésistantes, ne peuvent être considérées comme un milieu favorisant l’augmentation de l’antibiorésistance bactérienne et à plus forte raison, comme une voie d’exposition pouvant entraîner des conséquences sur la santé, notamment par suite des traitements de potabilisation qui constituent plusieurs barrières vis-à-vis de la contamination. Toutefois, l’AFSSA recommande que l’utilisation raisonnée des substances antibiotiques reste une priorité d’action, de maintenir une veille constante sur la problématique générale de l’antibiorésistance et souligne également la nécessité d'assurer un bon contrôle de la qualité microbiologique des eaux de consommation et de bien maîtriser la fiabilité des filières de potabilisation.

Pour l’instant, les concentrations de résidus de médicaments retrouvées dans les eaux demeurent extrêmement faibles. Pour M. Georges Salines, responsable du département Santé Environnement de l’InVS, le problème reste même selon lui à démontrer car une étude réalisée sur les médicaments les plus consommés (hors œstrogène) a montré que pour cinq de ces médicaments, une consommation de deux litres d’eau du robinet par jour pendant une vie entière équivaudrait à une seule prise. Il est toutefois important d’évaluer également les mélanges de substances pour ces types de molécules, ce qui n’est pas encore le cas. Il reste surtout préoccupant de constater qu’il existe encore aujourd’hui un manque considérable de connaissances scientifiques sur le devenir des médicaments dans l’environnement.

c) Les produits dérivés de molécules ayant subi des transformations dans l’environnement

Dans l’environnement, du fait du rayonnement solaire, de réactions chimiques ou même du contact avec certains micro-organismes, les molécules rejetées subissent des transformations. Celles-ci peuvent conduire à l’apparition de nouvelles molécules dont les effets sur l’environnement et la santé humaine peuvent potentiellement être dangereux, voire même plus dangereux que la molécule d’origine. Or ces molécules ne sont pas recherchées ni étudiées aujourd’hui. Il y a sans doute là un chantier important à ouvrir.

3. Des adaptations restent nécessaires pour renforcer la sécurité sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine

L’eau destinée à la consommation humaine est globalement de bonne qualité mais des améliorations peuvent encore être recherchées tant la maîtrise de la sécurité sanitaire de l’eau potable exige une vigilance de tous les instants depuis la ressource jusqu’au robinet du consommateur.

a) Les actions d’amélioration des ressources d’eau doivent être poursuivies

Si la qualité de l’eau distribuée est globalement conforme à la réglementation, celle des réserves et des ressources a tendance à se dégrader. M. Jean-Charles Bocquet, directeur général de l’UIPP fait une lecture critique de certains rapports de l’Institut français de l’environnement (IFEN) sur l’état des masses d’eau en soulignant qu’ils synthétisaient des données provenant de milliers d’organismes sans cohérence des méthodes d’analyse.

Il n’en demeure pas moins que l’état des lieux réalisé en 2004 par les agences de l’eau, les directions régionales de l’environnement et le bureau de recherche géologique et minière (BRGM) montre clairement qu’à l’échelon national, 50 % des masses d’eau souterraine risquent de ne pas atteindre le bon état fixé par la directive cadre sur l'eau en 2015.

Les actions d'amélioration des ressources en eau doivent donc être poursuivies et confortées, voire engagées dans certaines zones du territoire. En particulier, les efforts de mise en place de périmètres de protection engagés doivent être poursuivis et amplifiés pour atteindre l’objectif fixé par le plan national Santé Environnement (PNSE) de 100 % des captages protégés à échéance de 2010.

b) C’est en protégeant de façon globale l’environnement que l’on protégera mieux la santé des consommateurs d’eau

Afin d’intégrer la sécurité sanitaire de l’eau dans une dimension environnementale plus vaste, il convient d’aller plus loin que l’instauration de périmètres de protection forcément limités dans l’espace. La rapporteure pour avis a par exemple été intéressée par la mise en place par certaines agences de l’eau, comme l’agence de l’eau Loire-Bretagne, d’actions de bassins versants qui correspondent aux actions contractuelles associant agriculteurs, collectivités et particuliers qui, à partir d’un diagnostic reconnu, définissent des mesures d’action concrètes (réduction de teneur en nitrates, action sur l’épandage des pesticides) pour améliorer l’environnement dans son ensemble.

Dans le même esprit, la rapporteure pour avis se félicite également des tendances qui se dégagent au niveau européen sur l’intégration du suivi des conséquences sur l’environnement dans l’analyse des risques avant une mise sur le marché de médicaments. L’AFSSAPS a ainsi indiqué qu’une ouverture vers l’environnement, bien au-delà des traditionnelles études épidémiologiques limitées à la santé pour l’homme, se dessinait dans les instances européennes. Cette démarche novatrice, que la rapporteure pour avis appelle de ses vœux, se fonde sur le raisonnement de bon sens selon lequel ce qui est bon pour l’environnement est bon pour l’eau de boisson.

Une amélioration de la sécurité sanitaire de l’eau ne pourra également pas s’exonérer d’une réflexion sur les moyens de s’orienter vers une agriculture moins consommatrice de produits susceptibles de créer des pollutions diffuses. Certains exemples rappelés par le professeur Gilles-Éric Séralini, comme ceux des villes de Grenoble et de Rennes qui se sont passées de Roundup et ont diminué l’utilisation des pesticides, en général l’utilisation de techniques alternatives comme le désherbage thermique ou à base de sel, et les exemples de l’Allemagne, où des villes ont racheté des terrains pour favoriser l’agriculture biologique montrent qu’un changement de paradigme n’est pas forcément utopique et se traduit concrètement par une amélioration des eaux destinées à la consommation humaine.

c) Les petits services locaux de distribution devraient être regroupés ou mutualiser leurs services techniques

La rapporteure pour avis est particulièrement préoccupée par la multiplicité des réseaux de distribution (environ 27 000 sur tout le territoire) qui se caractérisent par une grande disparité géographique puisqu’on compte moins de dix unités de distribution (UDI) par département en zone de forte densité urbaine et jusqu’à près de 900 en zone de montagne. On note également l’existence d’un grand nombre de petites structures, la moitié des UDI alimentant moins de 2 % de la population. Il est hautement probable que certains de ces réseaux ne disposent pas de tous les services techniques leur permettant d’assurer dans les meilleures conditions sanitaires une gestion de l’eau ad hoc.

M. Michel Joyeux, directeur à la direction qualité et environnement de la société anonyme de gestion des eaux de Paris (SAGEP), a par exemple indiqué que pour certaines zones rurales françaises, les traitements sont parfois des plus rudimentaires et les contrôles assez limités, ce qui augmente le risque sanitaire lié à la contamination microbiologique. L’InVS a abondé dans ce sens en indiquant que si le risque infectieux est très faible dans les grandes villes, il est plus important pour les petites UDI de montagne car les petits réseaux ne sont pas toujours bien suivis technologiquement. À cet égard, la question du regroupement des structures de captage et de distribution mérite d’être étudiée.

d) Il convient d’adopter des mesures simples en matière de risques émergents

L’incertitude qui pèse sur les risques liés à la présence de résidus médicamenteux dans l’eau destinée à la consommation humaine milite pour une démarche de précaution. Dans l’attente d’acquisition de connaissances plus étayées, il est néanmoins possible de prendre dès maintenant des mesures conservatoires.

D’après le professeur Claude Danglot, des mesures simples d’interdiction de l’usage d’antibiotiques comme promoteur de croissance au Danemark en 1995 ont par exemple amélioré les conditions sanitaires dans des proportions importantes avec un effondrement de l’antibiorésistance chez l’homme. De la même façon, des mesures très peu coûteuses comme le traitement des matières fécales dans les élevages, l’équipement de tous les hôpitaux avec une station d’épuration, ainsi que la diffusion de techniques utilisant des pastilles désinfectantes pour les malades à domicile, pourraient être rapidement mises en place. Le développement de bonnes pratiques sur l’usage des médicaments et en particulier des antibiotiques est également de nature à réduire les éliminations diffuses de médicaments et la possible propagation des antibiorésistances.

À partir du moment où, comme l’a rappelé le professeur Jean-Marie Haguenauer, les industries pharmaceutiques sont une des sources identifiées du rejet de médicaments dans les eaux superficielles, il pourrait également être utilement envisagé d’inciter fortement ces industries à faire une évaluation de leurs rejets en sortie d’usine.

e) La sécurité sanitaire de l’eau doit devenir une préoccupation partagée par tous

L’eau destinée à la consommation humaine est déjà encadrée par une réglementation et des critères de qualité stricts. La rapporteure pour avis est ainsi convaincue que de nouvelles interventions législatives ou réglementaires ne sont pas forcément nécessaires, mises à part peut-être quelques mesures simplificatrices qui seraient bien utiles et dont certaines sont déjà intervenues en matière de condition d’agrément des laboratoires. Le cadre juridique existant est en effet satisfaisant, même si la rapporteure appelle de ses vœux une évolution de la réglementation pour que les autorisations de mise sur le marché se fassent sur le produit tel qu’il est commercialisé et pas seulement sur la molécule qui en est le principe de base et pour qu’une obligation de suivi de la qualité de l’eau des captages abandonnés soit introduite afin de préserver la possibilité d’observer l’état de la ressource.

Néanmoins, l’attention portée sur le respect de ces réglementations pourrait être grandement facilitée par un travail de sensibilisation de tous les citoyens aux enjeux de la sécurité sanitaire de l’eau. Certaines actions ont déjà été engagées, il convient de les poursuivre, notamment en développant les bonnes pratiques.

L’union des industries et de la protection des plantes (UIPP), dans le but de sécuriser l’élimination des déchets issus de l’utilisation des produits de protection des cultures, a créé ADIVALOR, société de droit privé qui réunit dans son actionnariat l’ensemble des organisations représentatives de la filière (industriels, distributeurs – coopératives et négoces – et exploitants agricoles). Cette filière nationale de gestion des déchets phytopharmaceutiques a développé une collecte nationale des emballages vides qui a traité 3 900 tonnes en 2006 tandis que 1 445 tonnes de produits phytopharmaceutiques non utilisables ont été éliminées la même année sur 66 départements. La loi sur l’eau du 31 décembre 2006 dispose d’ailleurs que les agences de l’eau peuvent reconnaître les démarches de bonnes pratiques en versant des primes. Cependant, les arrêtés précisant les critères d’accès aux primes ne sont pas encore publiés.

Il n’en reste pas moins que la meilleure des bonnes pratiques est de réduire massivement l’utilisation des pesticides. En ce sens, il n’est pas normal que ce soient les consommateurs ou la puissance publique qui financent les primes. Il serait logique que la filière responsable de ces pollutions prenne en charge ces dépenses.

f) Il ne faut pas baisser la garde en matière de risque terroriste

Des mesures ont déjà été mises en œuvre en matière de sécurisation des réseaux de distribution. M. Michel Joyeux, directeur à la SAGEP, a ainsi détaillé au cours de son audition les diverses mesures prises par la société « Eau de Paris » pour prévenir tout risque terroriste (installations de contrôle vidéo, systèmes anti-effraction, …). Dans le cadre du plan Vigipirate, un contrôle en continu du chlore est également mis en place afin que toute « chute de chlore » déclenche immédiatement une alerte et des réponses rapides qui peuvent notamment consister à orienter l’eau de façon différente pour isoler une zone.

g) La volonté d’économiser l’eau en récupérant les eaux de pluie ne doit pas conduire à créer de nouveaux risques sanitaires

La récupération de l’eau de pluie pour une utilisation dans l’habitat exige un certain nombre de précautions. Plusieurs des personnes auditionnées ont en effet fait état des risques sanitaires avérés (aux Pays-Bas et en Nouvelle-Zélande notamment) qui s’attachent à l’utilisation, à l’intérieur des bâtiments, de l’eau de pluie récupérée du fait notamment des risques liés à de possibles erreurs de branchement ou à une utilisation de l’eau pour d’autres usages que ceux initialement prévus. Il apparaît donc nécessaire d’approfondir cette question.

h) Les efforts de recherche sur l’eau doivent être augmentés

Il ressort très nettement de l’ensemble des auditions réalisées par la rapporteure pour avis qu’il est primordial d’intensifier les travaux de recherche et l’acquisition des connaissances sur les sources de contamination de l’eau. Le professeur Claude Danglot a par exemple regretté que la diminution du nombre des laboratoires publics et des crédits qui leur sont affectés ne permette pas toujours de consacrer des efforts suffisants de recherche sur l’eau. Cette réflexion a été reprise par plusieurs des personnalités auditionnées par la rapporteure pour avis. M. Michel Joyeux, directeur à la direction qualité et environnement de la société anonyme de gestion des eaux de Paris (SAGEP), a également déploré la raréfaction de structures publiques et le morcellement de la recherche. D’après lui, il y a un véritable déficit de chercheurs qui travaillent sur l’eau potable. Le professeur Jean-Marie Haguenauer a de son côté souhaité que des crédits conséquents puissent être affectés pour faire des analyses sur les rejets hospitaliers, notamment sur les antibiotiques et les médicaments anticancéreux.

Au regard de ce constat quasi unanime d’une recherche très dispersée, avec une intervention publique faible, la mission d’impulsion de la recherche confiée à l’AFSSA est essentielle et doit être encouragée. Elle suppose des moyens beaucoup plus importants que ceux attribués actuellement. La rapporteure pour avis se félicite que l’AFSSA ait déjà contribué à former une cinquantaine de thésards aux préoccupations de sécurité sanitaire, encourage l’objectif de faire du laboratoire d’études et de recherche en hydrologie de Nancy un laboratoire de référence dans le domaine de l’eau et appuie l’objectif fixé à l’AFSSA d’impulser et de conduire une politique de recherche publique intégrée en appui à l’évaluation des risques liés à l’eau destinée à la consommation humaine.

Globalement, la rapporteure estime qu’il convient de relancer les investissements, non seulement pour développer la recherche mais aussi pour garder à niveau les moyens de contrôle.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné pour avis, sur le rapport de Mme Martine Billard, les crédits pour 2008 de la mission « Sécurité sanitaire», au cours de sa première séance du mercredi 31 octobre 2007.

Un débat a suivi l’exposé de la rapporteure.

Après avoir fait part de son intérêt tout particulier pour l’étude des risques épidémiologiques, M. Jean-Pierre Door a rappelé qu’il est l’auteur du rapport sur le risque épidémique présenté au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologique (OPECST) et du rapport de la mission d’information sur la grippe aviaire. Le présent avis traite un sujet passionnant et majeur pour la France. De fait, les analyses soumises à la commission sont fort intéressantes.

S’agissant de l’évolution des crédits de la mission, il est important de souligner les efforts accomplis par le gouvernement, avec une progression de l’ordre de 10 % des crédits par rapport à l’année dernière. Il est vrai que ce chiffre est lié au progrès considérable que représente en France la constitution de l’Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS), mais c’est l’honneur de la France de s’être désormais dotée, comme seul l’a fait également le Royaume-Uni, d’un établissement public spécifique chargé des actions de prévention et de gestion des moyens de lutte contre les risques sanitaires exceptionnels – avec tous les moyens organisationnels ou en personnels, notamment avec l’organisation de la nouvelle réserve sanitaire, que cela implique – et à même de réagir en cas de risques majeurs (pandémies diverses, chikungunya, fièvres, menaces terroristes, etc.). Cette création récente doit donc être saluée.

Un certain nombre de thèmes auraient dû être abordés dès lors que l’on évoque la question de la sécurité sanitaire. Tout d’abord, il est important que la France, dans le cadre de l’action de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), élabore des mécanismes assurant la traçabilité des médicaments, de l’opération de production jusqu’à la distribution. De tels mécanismes existent déjà en matière vétérinaire. Cela ne serait pas inutile pour les médicaments qui sont aujourd’hui, dans un nombre non négligeables de cas, vendus sur internet ou produits à l’étranger. En outre, la question de la maladie dite de la « langue bleue » pourrait également être évoquée.

S’agissant de ce dernier sujet, le président Pierre Méhaignerie a mis en avant la compétence de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Jean-Pierre Door a estimé que la dimension sanitaire de cette question ne peut êtres sous-estimée. On voit bien que certains produits proviennent de pays atteints par cette maladie et les modes de contamination n’ont que faire des frontières, comme le montre l’exemple des contaminations par les moustiques. Par ailleurs, d’autres thèmes doivent encore être mentionnés : le rôle important joué par l’Établissement français du sang (EFS), la question de la prise en charge par l’Institut de veille sanitaire (InVS) de l’intégralité du financement des groupements régionaux d’observation de la grippe (GROG), réseau de médecins de ville en charge de la surveillance de la grippe, ou encore le problème de la diffusion de la tuberculose.

Mme Martine Billard a fait remarquer que le choix d’un thème précis développé dans le cadre de la deuxième partie de l’avis budgétaire rend par définition difficile la prise en considération l’ensemble de ces thématiques, au demeurant essentielles.

Revenant à la question spécifique de la qualité de l’eau, M. Jean-Pierre Door en a rappelé les implications multiples. Des campagnes d’information importantes sont nécessaires pour faire face efficacement à des risques médicaux ou bioterroristes. Parfois, des comportements en apparence anodins peuvent avoir des conséquences graves, comme le montre l’exemple des médicaments trop souvent jetés dans les lavabos.

Enfin, l’étude de l’ensemble de ces questions ne saurait faire l’économie d’une réflexion sur leur dimension internationale. Il existe certes un règlement sanitaire international. Mais il importe également de développer la coopération européenne en matière de lutte contre les risques sanitaires (telle la diffusion du virus grippal H5N1) ou bioterroristes, comme cela a déjà été rappelé à la ministre en charge de la santé, afin d’être plus performant.

Mme Véronique Vasseur a souligné à son tour la qualité du rapport et a souhaité apporter deux observations concernant les pollutions liées à l’agriculture ou aux médicaments. Comme le rapport le reconnaît, les agriculteurs ont réfléchi depuis longtemps à la protection des nappes phréatiques et la diffusion d’une politique d’agriculture raisonnée est aujourd’hui bien répandue. Ce n’est d’ailleurs pas l’agriculture qui est la plus responsable de la pollution des eaux. Ce sont les collectivités locales qui continuent d’employer des produits de nettoyage urbains alors qu’il existe des techniques alternatives de désherbage thermique comme le rappelle justement le rapport, et la SNCF dont on parle trop peu mais qui est pourtant le plus gros consommateur français de Roundup, qui doivent être montrées du doigt. Concernant les pollutions liées au rejet de médicaments, les récentes campagnes d’information tendant à limiter la prescription d’antibiotiques (« Les antibiotiques, c’est pas automatique ») vont indéniablement dans le bon sens.

M. Jean-Frédéric Poisson a déclaré partager globalement les huit orientations de la rapporteure pour avis bien qu’il faille reconnaître qu’elles ne sont pas d’importance égale. En matière de pesticide, il faut souligner l’état de connaissances insuffisant des effets sanitaires de la pollution de l’eau par ces produits. Les normes imposées par les directions départementales et des affaires sanitaires et sociales (DDASS) ne sont, de ce fait, pas toujours bien comprises par beaucoup d’élus locaux : pour un nanogramme d’atrazine par mètre cube en trop, une obligation de mise en conformité sous quinze jours peut par exemple être adressée au distributeur de l’eau et son non-respect est sanctionné par un arrêt de la distribution de l’eau. Il serait pourtant indispensable que la connaissance des seuils de tolérance et de risques sanitaires réels liés à la présence des pesticides soit étendue au-delà du cercle des seuls spécialistes.

En effet, le coût du respect des normes devient extrêmement élevé pour le consommateur et peut ainsi atteindre 25 à 30 % du prix du mètre cube d’eau consommé. Le consommateur est donc en droit de se voir expliquer les exigences de protection sanitaire qui sont à l’origine de ce coût. Les collectivités locales, comme les consommateurs, ont besoin de disposer d’informations sur le risque sanitaire réel. Il importe que le prix de l’eau soit stabilisé, ce qui ne pourra se faire que si une information sur les risques sanitaires et une véritable pédagogie du risque sont développées à l’égard de tous.

Le président Pierre Méhaignerie a souligné le rôle crucial de l’eau en matière d’alimentation et de santé puis s’est interrogé sur les conséquences de la multiplicité des établissements publics, sur la dispersion de la recherche et sur les répercussions de normes sanitaires et environnementales strictes, donc nécessairement coûteuses, sur les importations en économie ouverte.

En réponse aux différents intervenants, la rapporteure pour avis a fourni les éléments d’information suivants :

– Les normes de sécurité sanitaire de l’eau destinée à la consommation humaine se placent dans le strict respect des directives européennes et l’action de l’Union européenne dans ce domaine est donc déterminante. La France y prend d’ailleurs toute sa part et le laboratoire d’études et de recherches en hydrologie de Nancy constituera, par exemple, un maillon clef du réseau d’expertise européenne dans le domaine de l’eau.

– Il convient effectivement d’informer les citoyens sur les conséquences des rejets de médicaments dans les canalisations d’eaux usées. A ce sujet, on ne peut que regretter le faible développement de la récupération des médicaments par les pharmacies. Des pistes d’amélioration sont proposées dans le rapport comme la diffusion de techniques utilisant des pastilles désinfectantes pour les malades à domicile qui mériteraient d’être approfondies.

– L’usage des antibiotiques pour les élevages constitue un problème d’une ampleur au moins équivalente et il faut regretter que des études globales sur l’impact de leur rejet dans l’environnement n’existent pas encore.

– L’audition du professeur Gilles-Eric Seralini, président du comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique, a bien mis en évidence que l’autorisation de mise sur le marché délivrée pour le Roundup ne portait que sur son principe actif, le glyphosate, qui est bien moins toxique que le produit commercialisé. C’est une lacune de la réglementation européenne relative aux homologations des produits phytosanitaires qui ne prévoit pas l’étude des produits commercialisés. A cet égard, une évolution de la réglementation serait souhaitable, afin que les autorisations de mises sur le marché (AMM) se fassent sur le produit tel qu’il est commercialisé et pas seulement sur la molécule qui en est le principe de base.

– Il serait effectivement intéressant que la SNCF et Réseau ferré de France (RFF) fournissent des réponses sur le changement éventuel de leurs pratiques en matière d’usage du Roundup le long des voies ferrées.

– Une campagne d’information sur l’usage du Roundup et des pesticides devrait être faite auprès des « jardiniers du dimanche ».

– Les normes sanitaires imposées par les DDASS en matière de pesticide sont guidées par le principe de précaution. Il faudrait surtout disposer d’études plus précises sur les effets des pesticides, qui analyseraient notamment dans quelle mesure la pollution varie en fonction des périodes d’épandages.

– Le Roundup est le pesticide le plus vendu au monde : une modification des comportements d’utilisation doit donc être d’ampleur mondiale. La France, qui présidera l’Union européenne en 2008, pourrait porter des propositions tendant à réduire les contaminations par l’utilisation massive des pesticides. Il appartient en outre aux pays développés comme la France d’avoir une attitude responsable vis-à-vis des pays moins développés auxquels ils vendent des produits dangereux, comme on la vu par exemple avec le chloredecone qui est interdit en France métropolitaine depuis 1990 mais qui a continué à être vendu notamment aux Antilles jusqu’en 1993.

M. Jean-Pierre Door a rappelé à cet égard tout l’intérêt qui s’attache à un règlement sanitaire mondial et a souligné que, si l’atrazine, herbicide de synthèse, est interdit depuis longtemps, les nappes phréatiques n’en seront débarrassées qu’à très long terme.

La rapporteure pour avis a souligné qu’il en va de même pour d’autres produits, tels que le chloredecone et les polychlorobiphényles (PCB). Le plan interministériel de réduction des risques liés aux pesticides, qui recommande de réduire de 50 % d’ici la fin 2009 les quantités de pesticides les plus nocifs employés en France et d’interdire ou, quand ce n’est pas possible, de limiter la mise sur le marché et l’utilisation de produits contenant des substances cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMPR), comporte de bons objectifs. Les déclarations récentes du Président de la république lors de la présentation des résultats du Grenelle de l’environnement, très en retrait par rapport à ces objectifs, n’en sont que plus inquiétantes.

M. Jean-Pierre Door a fait observer que les collectivités locales sont soumises à des contraintes financières de plus en plus fortes du fait des obligations de remplacement des canalisations d’adduction d’eau en plomb et des exigences de mise en conformité des vieux réseaux.

La rapporteure pour avis a évoqué la polémique récente sur le coût élevé de l’eau et s’est déclarée favorable à la politique de soutien à la consommation de l’eau du robinet, à condition que la qualité de cette eau soit maintenue. Par ailleurs, si le rapport fait apparaître quelques motifs d’inquiétudes, ceux-ci concernent l’ensemble des captages d’eau et donc tout autant la qualité des eaux en bouteille. Il faut veiller en outre à ne pas multiplier les déchets plastiques. L’exemple de la ville de Paris, qui ne met plus de bouteilles d’eau mais des carafes à disposition lors de ses réunions, pourrait utilement être imité, y compris à l’Assemblée nationale.

M. Jean-Frédéric Poisson a souhaité ouvrir un débat de fond sur le principe de précaution. Comme le propose le rapport d’étape de la commission pour la libération de la croissance française présidée par M. Jacques Attali, le principe de précaution devrait être réécrit. Il y a en effet un problème de lisibilité et de cohérence dans la mise en œuvre de ce principe à l’heure actuelle. Comment peut-on par exemple comprendre que ce principe soit parfois invoqué pour la fixation de normes sanitaires extrêmement sévères en matière d’eau destinée à la consommation humaine alors qu’il est dans d’autres cas tout simplement mis de côté comme à propos du lien entre les vaccins contre l’hépatite B et de la multiplication du nombre des scléroses en plaque, la corrélation entre les deux phénomènes étant pourtant établie ?

M. Jean-Pierre Door a rappelé qu’en matière de sécurité sanitaire les collectivités locales sont tenues d’appliquer les critères de qualité pour la composition de l’eau fixés par les directives européennes. Celles-ci ont par exemple réduit de 50 à 25 mg le seuil de tolérance pour la présence de nitrates, alors qu’on ne sait même pas si une présence de 100 mg présenterait des risques.

La rapporteure pour avis a tenu à rappeler que la fixation de ces seuils résulte aussi de la prise en compte des effets sur de longues périodes de substances présentes même en faible quantité.

Puis, la rapporteure pour avis a indiqué que, compte tenu du manque de crédits destinés aux agences sanitaires, elle ne peut que donner un avis défavorable à l’adoption des crédits pour 2008 de la mission « Sécurité sanitaire ».

Contrairement à l’avis de la rapporteure pour avis, la commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2008 de la mission « Sécurité sanitaire ».

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Dr Claude Danglot, hydrobiologiste

Ø Eau de Paris société anonyme de gestion des eaux de Paris (SAGEP) – M. Michel Joyeux, directeur de la direction qualité et environnement

Ø Académie de pharmacie – M. Jean-Marie Haguenoer, toxicologue, président de la commission santé et environnement

Ø Agence de l’eau Loire-Bretagne – M. Etienne Lefebvre, directeur général adjoint, et M. Gabriel Riou, délégué régional

Ø Union des industries de la protection des plantes (UIPP) – M. Jean-Charles Bocquet, directeur général, et M. Antoine Crabit, chargé de mission affaires économiques

Ø M. Gilles-Eric Séralini, président du conseil scientifique du Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (CRII-GEN), Université de Caen

Ø Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (Fp2e) – M. Tristan Mathieu, délégué général, M. Marc Reneaume, directeur général adjoint de Véolia Eau France, M. Gilles Boulanger, directeur technique eau de la Lyonnaise des eaux, et Mme Martine Vullierme, directeur technique adjoint de Veolia-Eau

Ø Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) – Mme Burstin, adjointe au directeur général, M. Olivier Ballan, chef du département de l’inspection des produits biologiques, et M. Dominique Masset (unité veille et toxicologie)

Ø Institut national de veille sanitaire (InVS) – M. Georges Salines, responsable du département santé-environnementale, et M. Pascal Beaudeau

Ø Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) – Mme Pascale Briand, directrice générale, et M. Olivier Caillou, secrétaire général

Ø Direction générale de la santé (DGS) du ministère de la santé – M. Martial Mettendorff, secrétaire général adjoint à la direction générale de la santé, et Mme Jocelyne Boudot, sous-direction de la prévention des risques liés à l’environnement et à l’alimentation

Ø Établissement français du sang (EFS) – M. Jacques Hardy, président

Ø Agence de biomédecine – Mme Carine Camby, directrice

© Assemblée nationale

1 () On notera en particulier le rapport « L’eau potable en France 2002/2004 » disponible en version intégrale sur le site du ministère chargé de la santé www.sante.gouv.fr (rubrique : dossiers/ eau/ bilan de la qualité des eaux d’alimentation).

2 () Créée en 1938, la FP2E regroupe la quasi-totalité des entreprises privées assurant la gestion des services d’eau et d’assainissement. On compte parmi ses adhérents : Alteau, Lyonnaise des Eaux, Saede, Saur, Société des eaux de fin d’Oise, Sogedo, Veolia eau.

3 () Rapport d’expertise et d’audit externe concernant la pollution par les pesticides aux Antilles : conséquences agrobiologiques, alimentaires et sanitaires, et propositions d’un plan de sauvegarde.

4 () Time and Dose-Dependent Effects of Roundup on Human Embryonic and Placental Cells by Nora Benachour, Herbert Sipahutar, Safa Moslemi, Céline Gasnier, Carine Travert, Gilles-Eric Séralini.

5 () Communiqué de presse du Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN) de mai 2007 : effets de l’herbicide Roundup sur des cellules embryonnaires humaines.