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N° 281

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 octobre 2007.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2008 (n° 189),

TOME V

JUSTICE

ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE ;
PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

PAR Mme Michèle TABAROT,

Députée.

Voir le numéro : 276 (annexe 25).

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir à la rapporteure au plus tard le pour le présent projet de loi.

À cette date, environ 70 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteure qui remercie les services du ministère de la Justice de leur collaboration.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

I. — L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE 11

A. DES CRÉDITS EN PROGRESSION FORTE AU SERVICE D’UNE PRIORITÉ DU BUDGET DE L’ÉTAT 11

1. Une hausse importante et constante des crédits alloués à l’administration pénitentiaire 11

a) Les crédits du programme « administration pénitentiaire » sont en hausse de 6,4 % en crédits de paiement par rapport à 2007 11

b) L’administration pénitentiaire bénéficie en outre indirectement de crédits inscrits au titre d’autres missions du budget de l’État 13

2. La poursuite de l’ambitieux programme immobilier lancé en 2002 14

a) Les caractéristiques particulières du parc pénitentiaire 14

b) La poursuite de la mise en œuvre du programme de construction de 13 200 places 15

3. Un niveau de recrutement très élevé 18

a) Un nombre d’ETPT en augmentation pour une création nette de 1 100 postes 18

b) Les réformes statutaires engagées en 2007ou envisagées pour 2008 21

c) Les mesures indemnitaires prévues pour 2008 23

B. QUELLE PRISE EN CHARGE POUR LES « DÉLINQUANTS SEXUELS » ? 27

1. La problématique particulière des personnes condamnées pour des infractions de nature sexuelle 28

a) L’augmentation du nombre de personnes condamnées pour des infractions de nature sexuelle 28

b) La nécessaire prise en charge spécifique de ces détenus 29

2. Soigner et préparer la sortie : quelle prise en charge en détention ? 29

a) Le cadre légal : l’injonction de soins 29

b) L’offre de soins : les SMPR et l’ouverture prochaine des UHSA 30

c) Comment améliorer la prise en charge en détention ? 33

3. Prévenir la récidive : quel suivi à la sortie ? 34

a) Les soins de ville 34

b) Le placement sous surveillance électronique mobile (PSEM) 36

c) L’hôpital fermé 39

C. LE BILAN DES PREMIERS MOIS DE FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES POUR MINEURS 40

1. Le profil des mineurs détenus 41

2. Les conditions de détention en EPM 43

a) Une prise en charge renforcée… 43

b) … induisant des coûts de fonctionnement élevés 45

3. Un premier bilan de la participation commune de l’administration pénitentiaire et de la PJJ au sein des EPM 45

a) Un dispositif de retour d’expérience a été mis en place 46

b) De premiers enseignements ont déjà pu être tirés 47

II. — LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE 51

A. UN BUDGET DE CONSOLIDATION 52

1. Des crédits en progression par rapport à 2007 de 6,44 % en autorisations d’engagement et de 1,6 % en crédits de paiement 52

2. Un nombre d’ETPT en augmentation pour une création nette de 100 emplois en 2008 55

a) Le plafond d’autorisations d’emplois est en augmentation par rapport à 2007 55

b) L’entrée en vigueur de la LOLF a favorisé une meilleure gestion des ressources humaines au sein de la PJJ 57

3. Un accroissement continu des capacités d’hébergement de la PJJ 58

a) La restructuration du patrimoine immobilier de la PJJ… 58

b) … s’accompagne d’un accroissement de ses capacités d’hébergement 60

B. QUEL BILAN POUR LES CENTRES ÉDUCATIFS FERMÉS ? 60

1. Une montée en charge progressive du dispositif 60

a) Les CEF ont été institués par la LOPJ de 2002 60

b) Le nombre de places prévues par la LOPJ sera quasiment atteint en 2009 61

2. La mise en place expérimentale en 2008 de 5 CEF à prise en charge médico-psychiatrique renforcée 62

a) La dégradation de la santé mentale des mineurs hébergés dans les structures de la PJJ… 62

b) … conduit le ministère de la Justice à mener une expérimentation de CEF à prise en charge médico-psychiatrique renforcée 63

3. Quel bilan pour les CEF au bout de 4 ans de fonctionnement ? 64

a) Le public pris en charge est un public particulièrement difficile 64

b) Le bilan au regard des risques de récidive est positif, quoique perfectible 65

c) La réduction du coût de journée doit être recherchée 67

C. LA PJJ EST AU CœUR DE LA QUESTION DE L’EXÉCUTION DES DÉCISIONS DE JUSTICE PÉNALE POUR LES MINEURS 68

1. La question des « mesures en attente » est une préoccupation majeure 68

a) Le problème des mesures en attente 68

b) Les solutions envisagées 69

2. Le problème récurrent de la dette de l’État au secteur associatif habilité devrait trouver une solution cette année 70

EXAMEN EN COMMISSION 73

PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE POUR AVIS 97

DÉPLACEMENTS DE LA RAPPORTEURE POUR AVIS 99

ANNEXES 101

Mesdames, Messieurs,

Premier budget de la législature, le projet de loi de finances pour 2008 consacre la Justice comme une de ses priorités : alors que le budget de l’État augmente dans son ensemble de 1,6 % par rapport à 2007, c'est-à-dire du montant de l’inflation, celui du ministère la Justice augmente de 4,5 %, soit près de trois fois plus.

La remarquable augmentation des crédits de ce ministère fait suite à celles qu’il a déjà connues les années précédentes : + 4 % en 2005, + 4,6 % en 2006 et + 5 % en 2007, traduisant la continuité de l’engagement en faveur de la Justice des gouvernements qui se sont succédés depuis 2002. Votre rapporteure tient à saluer les efforts importants ainsi engagés pour doter la Justice des moyens nécessaires à son bon fonctionnement.

Cette priorité se traduit également en termes de créations d’emplois : alors que l’État supprime globalement 22 900 emplois en 2008, la Justice bénéficie quant à elle de 1 615 créations d’emplois. C’est l’administration pénitentiaire qui compte le plus grand nombre d’ouverture de postes : il s’agit de recruter et de former les personnels qui feront fonctionner les nouveaux établissements pénitentiaires qui vont ouvrir à partir de 2008.

Le présent avis porte sur deux programmes de la mission « Justice » : « Administration pénitentiaire » et « Protection judiciaire de la jeunesse », dont les crédits progressent respectivement de 6,4 % et 1,6 %, après les très fortes hausses de respectivement 5 % et 8,6 % l’an dernier.

Le budget de la mission Justice pour 2008 s’élève à 6,519 milliards d’euros en crédits de paiement, dont 2,383 milliards pour l’administration pénitentiaire et 809 millions d’euros pour la PJJ, soit respectivement 36,6 % et 12,4 % du total.

Le périmètre de ces deux programmes est demeuré inchangé par rapport à celui de la loi de finances pour 2007.

Le programme « Administration pénitentiaire » comporte trois actions (1), dont deux actions opérationnelles : la première concerne la garde et le contrôle des personnes placées sous main de justice, la deuxième l’accueil et l’accompagnement des détenus, la troisième action étant consacrée au soutien et à la formation.

Pour sa part, le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » comporte quatre actions : outre les deux actions de soutien et de formation des personnels, elle comprend une action concernant la mise en œuvre des mesures judiciaires prononcées à l’égard des mineurs délinquants et l’autre ayant ce même objet pour les mineurs en danger et les jeunes majeurs.

En regard de chacune de ces actions, il a été fixé un certain nombre d’objectifs qui reflètent les trois axes prioritaires de l’action menée tant par l’administration pénitentiaire que par la PJJ :

—  du point de vue des citoyens : augmenter l’efficacité finale, notamment en luttant contre la récidive et en réinscrivant les jeunes suivis par la PJJ dans le droit commun de l’action sociale et de la réinsertion ;

—  du point de vue des « usagers » : accroître la qualité du service rendu, notamment en matière d’accueil des familles et d’accès aux soins ;

—  du point de vue des contribuables : parvenir à une meilleure efficience, c’est à dire optimiser l’utilisation des moyens humains et matériels dont disposent ces administrations.

Votre rapporteure se félicite de l’augmentation importante des crédits inscrits encore cette année pour ces deux programmes, qui traduit le respect des engagements contenus dans la loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002.

Poursuivant sa démarche menée dans les avis établis au nom de votre commission des Lois pour les projets de loi de finances pour 2006 et pour 2007, votre rapporteure a souhaité étudier plus particulièrement certains thèmes.

S’agissant de l’administration pénitentiaire, votre rapporteure a tout d’abord souhaité, à la veille de la discussion d’un projet de loi relatif aux délinquants dangereux, faire le point sur les moyens alloués à la prise en charge des auteurs d’infractions à caractère sexuel. Dans ce cadre, elle s’est rendue au Centre de semi-liberté de Haubourdin, près de Lille, pour visiter un des pôles centralisateurs du placement sous surveillance électronique mobile (« bracelet électronique »).

Elle a également souhaité établir un premier bilan des tout premiers mois de fonctionnement des Établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) et s’est rendue à celui de Meyzieu, près de Lyon.

S’agissant de la PJJ, votre rapporteure a souhaité, dans le prolongement des analyses contenues dans les précédents avis, procéder à une évaluation de l’efficacité des centres éducatifs fermés (CEF) au regard des coûts importants qu’ils représentent. D’une manière générale, votre rapporteure souhaite inscrire son analyse dans la démarche d’évaluation induite par la LOLF : parce qu’elle met en regard les objectifs de l’action publique et les moyens pour y parvenir, la LOLF incite en effet à l’adoption d’un raisonnement économique mesurant le rapport entre les coûts et les avantages d’une mesure. Dans ce cadre, elle a souhaité visiter le CEF de Savigny-sur-Orge dans l’Essonne.

Enfin, en qualité de rapporteure du « volet mineurs » de la mission d’information de votre commission des Lois sur l’exécution des décisions de justice pénale, votre rapporteure a souhaité faire le point sur les délais d’exécution des mesures ordonnées par les juges des enfants et mises en œuvre par la PJJ, ainsi que sur le retard de paiement de l’État au secteur associatif habilité, qui a pu être préjudiciable à la bonne exécution de certaines mesures, mais qui, selon les informations transmises, est en voie de résorption.

*

* *

I. — L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

A. DES CRÉDITS EN PROGRESSION FORTE AU SERVICE D’UNE PRIORITÉ DU BUDGET DE L’ÉTAT

1. Une hausse importante et constante des crédits alloués à l’administration pénitentiaire

a) Les crédits du programme « administration pénitentiaire » sont en hausse de 6,4 % en crédits de paiement par rapport à 2007

Après une augmentation de 5 % en 2007, les crédits alloués au programme « administration pénitentiaire » augmentent de 8,3 % en autorisations d’engagement et de 6,4 % en crédits de paiement en 2008. Cette hausse importante et continue des moyens alloués à l’administration pénitentiaire entend répondre aux objectifs importants que le Gouvernement s’est fixés en matière de création de places de détention, de renforcement des conditions de sécurité des établissements pénitentiaires et d’amélioration des conditions de vie des détenus.

Les crédits de l’administration pénitentiaire inscrits au projet de loi de finances pour 2008 s’élèvent ainsi au total à 3,1 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2,383 milliards d’euros en crédits de paiement.

Le périmètre des actions du programme « administration pénitentiaire », qui avait évolué l’an denier, n’a cette année pas été modifié, ce qui permet un meilleur contrôle parlementaire de l’évolution des crédits de ce programme.

• L’action n° 01 « Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice » regroupe les dépenses d’équipement et de personnel pour la garde des détenus. Elle représente 62,9 % des autorisations d’engagement du programme (contre 65,5 % l’an dernier), avec un montant de 1,950 milliard d’euros.

Par rapport à l’an dernier ont été obtenus 31 millions d’euros supplémentaires en crédits de paiement venus abonder les enveloppes consacrées, en titre V, à la poursuite des programmes de construction et de maintenance immobilière et aux partenariats public-privé (PPP).

• L’action n° 02, intitulée « accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice », issue de la fusion opérée en 2007 des anciennes actions 02 (« accueil des personnes en détention ») et 03 (« accompagnement et réinsertion des personnes placées sous main de justice ») retrace l’ensemble des conditions nécessaires à l’accueil et à l’accompagnement des personnes détenues dans des conditions dignes et satisfaisantes (maintenance et entretien des établissements, réinsertion) et représente 25 % des autorisations d’engagement du programme (contre 23,4 % l’an dernier), soit 775 millions d’euros.

Par rapport à l’an dernier, une enveloppe supplémentaire de 20 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement (titre III) va permettre de faire face aux dépenses de loyers, d’ouverture, d’accompagnement et de fonctionnement des nouveaux établissements. De plus, 129,7 millions d’euros d’autorisations d’engagement permettront de notifier les marchés de fonctionnement – marchés de longue durée – des nouveaux établissements.

En revanche, une mesure de transfert vers le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » des crédits d'accompagnement des mineurs au sein des nouveaux EPM induit une réduction de 0,33 million d’euros des crédits inscrits à l’action 02 (en autorisations d’engagement et en crédits de paiement).

• L’action n° 04, « soutien et formation » (issue de la fusion en 2007 des actions 04 « soutien » et 05 « formation »), vise trois axes prioritaires : la fourniture de moyens pour l’administration générale, le développement du réseau informatique et la formation du personnel. Elle représente 12,1 % des autorisations d’engagement du programme (contre 11,1 % l’an dernier), soit 376 millions d’euros.

Pour cette année, une enveloppe supplémentaire de 7,6 millions d’euros en en autorisations d’engagement et 6,8 millions d’euros en crédits de paiement s’ajoute aux crédits de fonctionnement (titre III) en raison d’une réévaluation des crédits d'intervention opérée dans le cadre du rapport annuel de performance 2006.

Les tableaux ci-après présentent la ventilation des crédits par action ainsi que leur évolution sur un an.

EN AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT

 

Crédits votés en LFI pour 2006

Crédits consommés en 2006

Crédits votés en LFI pour 2007

Crédits demandés pour 2008

Évolution 2008-2007

Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice (Action 01)

1 923

1 532

1 878

1 950

+ 3,83 %

Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice (Action 02)

750

713

672

775

+ 15,32 %

Soutien et formation (Action 03)

146

205

314

376

+ 19 ,7 %

Total

2 819

2 450

2 864

3 101

+ 8,27 %

En millions d’euros

EN CREDITS DE PAIEMENT

 

Crédits votés en LFI pour 2006

Crédits consommés en 2006

Crédits votés en LFI pour 2007

Crédits demandés pour 2008

Évolution 2008-2007

Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice (Action 01)

1 235

1 199

1 288

1 395

+ 8,30%

Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice (Action 02)

749

706

672

645

- 4 %

Soutien et formation (Action 03)

146

203

281

343

+ 22 %

Total

2 130

2 108

2 241

2 383

+ 6,33 %

En millions d’euros

Votre rapporteure tient cependant à souligner que les moyens alloués à l’administration pénitentiaire ne seront pleinement efficaces que s’ils ne font pas l’objet de décisions de gel ou d’annulation de crédits comme cela a pu être le cas au cours des années passées.

b) L’administration pénitentiaire bénéficie en outre indirectement de crédits inscrits au titre d’autres missions du budget de l’État

Votre rapporteure rappelle qu’aux crédits affectés à ce programme en propre s’ajoutent des crédits inscrits dans d’autres missions, mais qui intéressent au premier chef l’administration pénitentiaire.

C’est tout d’abord le cas des crédits alloués au Contrôleur général des lieux de privation de liberté, nouvelle autorité indépendante instituée par la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 (publiée au Journal officiel du 31 octobre), qui sera, notamment, chargée du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires et des centres éducatifs fermés. Lors de son audition par notre Commission, le Garde des Sceaux a indiqué que ces crédits seront inscrits par un amendement gouvernemental au programme « Coordination du travail gouvernemental » pour un montant de 2,5 millions d’euros. Le coût global sera réparti entre les ministères de la justice, de l’intérieur, de l’immigration, de l’intégration, l’identité nationale et du co-développement et de la défense, ministères responsables de lieux de privation de liberté. Ce budget doit permettre au Contrôleur général de recruter une équipe d’environ 40 personnes.

Aux crédits de l’administration pénitentiaire s’ajoutent également des crédits inscrits sur la mission « Santé ». Ces crédits permettront ainsi de financer la création des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) de Lyon et Rennes, qui ouvriront en 2009 pour accueillir les détenus souffrant de troubles psychiatriques rendant nécessaire leur prise en charge dans une structure de soins adaptée. Ils permettront aussi le recrutement de 300 nouveaux médecins coordonnateurs, dont le nombre doit passer de 150 en 2007 à 450 en mars 2008, c’est-à-dire d’ici la pleine entrée en vigueur des dispositions relatives à l’injonction de soins contenues dans la loi du 10 août 2007 sur le traitement de la récidive. Le ministre de la Santé a par ailleurs indiqué que les indemnités de ces médecins coordonnateurs seraient doublées. Il s’agit de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour assurer un suivi effectif des soins et des traitements imposés par les juges de l’application des peines aux délinquants sexuels, notamment.

2. La poursuite de l’ambitieux programme immobilier lancé en 2002

La LOPJ de 2002, prenant la suite des deux précédents grands programmes de construction d’établissements pénitentiaires décidés en 1986 par M. Albin Chalandon (construction de 13 000 places) et en 1995 par M. Pierre Méhaignerie (4 000 nouvelles places), a prévu la réalisation d’un grand programme de modernisation du parc immobilier affecté à l’administration pénitentiaire à travers la construction de 13 200 places nouvelles de détention, dont 1 800 correspondent à la poursuite d’opérations déjà engagées.

Ces trois programmes démontrent clairement la volonté de ces gouvernements d’agir concrètement et massivement en faveur de l’amélioration des conditions de détention, qui passe par la résolution de deux problèmes très souvent dénoncés : la vétusté du parc pénitentiaire français et la surpopulation carcérale.

a) Les caractéristiques particulières du parc pénitentiaire

Au 1er janvier 2007, l’administration pénitentiaire dispose d’un parc de 190 établissements, situés en métropole et outre-mer, comprenant 116 maisons d’arrêt, 25 centres de détention, 4 maisons centrales, 31 centres pénitentiaires, 13 centres de semi-liberté et 1 centre pour peines aménagées. Si on ajoute à ces établissements l’Établissement public de santé national de Fresnes, les sièges des directions interrégionales et ceux des directions et services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP), le patrimoine immobilier de l’AP représente une surface de plus de 2 800 000 m² dont la quasi totalité est en propriété domaniale : il s’agit de l’un des plus importants ensembles immobiliers appartenant à l’État.

Très étendu, le parc pénitentiaire est également caractérisé par sa grande dispersion sur le territoire, chaque département – à l’exception du Gers – disposant au moins d’une maison d’arrêt, par sa spécificité fonctionnelle, et par son ancienneté – 57 % des établissements ont été construits avant 1920 – et donc la vétusté de certains établissements.

L’administration pénitentiaire a cependant fait un effort important de modernisation depuis la fin des années quatre-vingts puisqu’elle a fait procéder à la fermeture de 30 établissements vétustes ou inadaptés et à la construction de 42 nouveaux établissements. À ces programmes s’ajoutent par ailleurs les importants travaux de rénovation des grands établissements de Fleury-Mérogis, Marseille-Baumettes et Paris-La Santé et du centre de détention de Nantes.

b) La poursuite de la mise en œuvre du programme de construction de 13 200 places

La LOPJ de 2002 a prévu la construction de 13 200 nouvelles places de détention, réparties en trois volets :

—  10 800 places réservées à la réalisation de nouveaux établissements pénitentiaires (9 200 places en métropole, dont deux maisons centrales, et 1 600 outre mer) ;

—  2 000 places destinées à l’application des nouveaux concepts pénitentiaires spécifiquement dédiés à la réinsertion (quartiers courtes peines) ;

—  420 places destinées aux mineurs dans 7 établissements spécialisés (EPM).

Les programmes précédents ayant mis en évidence un délai particulièrement long entre la décision politique de construire un établissement pénitentiaire sur un emplacement donné et sa réalisation effective, de l’ordre de sept années voire davantage, le Gouvernement a souhaité, dès 2002, accélérer les procédures de construction au moyen, d’une part, de la création de l’Agence de maîtrise d’ouvrage des travaux du ministère de la justice (AMOTJ) et d’autre part, du recours aux dispositions dites « AOT-LOA » (autorisation d’occupation temporaire du domaine public – location avec option d’achat) introduites par la loi d’orientation pour la sécurité intérieure (LOPSI) du 29 août 2002, qui permettent à l’État de conclure avec le titulaire d’une autorisation d’occupation temporaire un bail portant sur des bâtiments à construire pour les besoins, notamment, de la justice.

Par ailleurs, la livraison des nouveaux établissements du programme de 13 200 places n’étant pas envisagée avant la fin de l’année 2007, a été engagé à l’été 2003 un dispositif d’accroissement des capacités du parc pénitentiaire à la demande du Garde des Sceaux, afin de répondre rapidement au problème de surpopulation carcérale par la création de places supplémentaires de détention au sein des établissements existants. Ce dispositif a permis, d’une part d’assurer une livraison rapide de places par réaffectation de zones non employées, et, d’autre part, de participer à une bonne optimisation du parc actuel sur le long terme en complétant les bâtiments existants par des constructions pérennes pour les sites pénitentiaires qui s’y prêtent. Il est prévu à terme de dégager plus de 2 600 places d’hébergement sur l’ensemble du territoire, dont 350 places dédiées à la semi-liberté. Actuellement, 1 500 places ont d’ores et déjà été réalisées.

L’année 2008 sera marquée par la livraison de 7 nouveaux établissements pénitentiaires :

—  4 établissements pour majeurs, situés à Saint-Denis de la Réunion, Roanne (42), Mont-de-Marsan (40) et Lyon-Corbas (69), pour un total de 2 556 places ;

—  3 nouveaux EPM situés à Orvault (44), Porcheville (78) et Meaux-Chauconin (77), pour un total de 180 places.

Le tableau ci-dessous présente le calendrier prévisionnel d’ouverture de ces établissements :

Localisation

Type

Date

Orvault (44)

EPM 60 places

Janvier 2008

Porcheville (78)

EPM 60 places

Janvier 2008

Chauconin (77)

EPM 60 places

Juin 2008

Saint Denis de la Réunion

Maison d’arrêt 576 places

Juillet 2008

Roanne (42)

Centre de détention 600 places

Septembre 2008

Mont de Marsan (40)

Centre pénitentiaire 690 places

Septembre 2008

Lyon-Corbas (69)

Centre pénitentiaire 690 places

Décembre 2008

L’achèvement de l’ensemble de ces chantiers mobilisera 81 millions d’euros de crédits de paiement en 2008.

Au cours de l’année 2009, ce sont encore 7 nouveaux établissements qui doivent être livrés : à Poitiers (86), au Havre (76), au Mans (72), à Nancy (54), à Béziers (34), à Bourg-en-Bresse (01) et à Rennes (35), pour un total de 4 570 places.

Le tableau ci-dessous présente le calendrier prévisionnel d’ouverture de ces établissements :

Localisation

Type

Date

Nancy (54)

Centre pénitentiaire 690 places

Mai 2009

Poitiers (86)

Centre pénitentiaire 690 places

Juin 2009

Bourg en Bresse (01)

Centre pénitentiaire 600 places

Septembre 2009

Rennes (37)

Centre pénitentiaire 690 places

Septembre 2009

Le Mans (72)

Centre pénitentiaire 400 places

Septembre 2009

Béziers (34)

Centre pénitentiaire 810 places

Décembre 2009

Le Havre (76)

Centre pénitentiaire 690 places

Décembre 2009

Outre les établissements pénitentiaires pour adultes et les EPM, la LOPJ de 2002 a également prévu un programme de construction de 2 000 places en quartiers courtes peines, concept innovant destiné à remplacer les établissements à sécurité allégée.

Ce programme consiste à créer des quartiers qui, tout en faisant partie intégrante des maisons d’arrêt, sont spécifiquement dédiés aux courtes peines, ce nouveau dispositif concernant exclusivement les condamnés à des peines inférieures ou égale à un an, ce qui exclut les condamnés à de plus longues peines dont le reliquat serait inférieur ou égal à un an.

Les quartiers spécifiques réservés aux courtes peines seront situés sur les emprises pénitentiaires des maisons d’arrêt, à proximité immédiate des autres quartiers de chaque établissement ce qui permettra une mutualisation des certaines fonctions administratives, financières et du greffe.

Les trois premiers sites choisis sont les maisons d’arrêt de Fleury-Mérogis, où un quartier spécifique pour les courtes peines de 120 places doit être réalisé en 2008, de Toulouse–Seysses, où 60 places sont prévues en 2008, et de Nantes, au sein du nouveau Centre pénitentiaire prévu pour 2010. L’administration pénitentiaire s’est par ailleurs engagée dans une démarche prospective, commandant des enquêtes et des études de faisabilité pour les autres constructions à venir.

Des crédits sont par ailleurs spécifiquement dédiés aux opérations de rénovation et de sécurisation des établissements (mise aux normes de 20 nouveaux miradors en 2008, installation de filins anti-hélicoptères dans de nouveaux établissements, équipement de systèmes d’alarmes performants dotant chaque agent d’un équipement de téléphonie adapté, installation de nouveaux tunnels d’inspection à rayons X et de systèmes de brouillage des téléphones portables ; pour ce dernier chantier, un marché public national cadre est en cours de finalisation pour permettre des installations massives des dispositifs de brouillage fixes et mobiles selon les structures).

Au total, la Direction de l’administration pénitentiaire s’inscrit en matière immobilière dans une logique pluriannuelle qui doit lui permettre, par une meilleure connaissance de son patrimoine et de la valeur de celui-ci, d’optimiser sa gestion immobilière. Une grande partie du parc pénitentiaire français sera ainsi modernisée à l’issue des programmes en cours et prévus dans le cadre de la LOPJ de 2002.

Un des nouveaux indicateurs figurant dans le projet annuel de performance pour 2008 mesure d’ailleurs le taux de performance de la production immobilière qui indique l’écart entre le coût de la place programmée et le coût de la place livrée et l’écart entre la date de livraison programmée et la date de livraison constatée. Votre rapporteure sera attentive au cours des années à venir à l’évolution de ce nouvel indicateur.

3. Un niveau de recrutement très élevé

a) Un nombre d’ETPT en augmentation pour une création nette de 1 100 postes

En matière d’emplois, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001 fait référence à la notion de plafond d'emplois équivalents temps plein travaillé (ETPT) autorisés pour une année donnée. Aussi, tout ETPT non consommé l'année N est-il perdu en année N+2, contrairement à la notion d'emplois budgétaires qui, une fois créés, demeuraient acquis. La date d’organisation des concours et, par voie de conséquence, le moment d’entrée en fonction des nouvelles recrues a un impact en termes d’ETPT. En effet, si la personne recrutée occupe son poste dès le début d’année, elle comptera pour un ETPT plein, ce qui n’est pas le cas de celle entrant en fonction au mois de septembre et qui, parce qu’elle n’exercera ses fonctions que pendant un tiers de la première année civile, consommera un tiers d’ETPT.

Dès lors, l’administration pénitentiaire, conduite à consommer un maximum d’ETPT au regard du plafond alloué par la loi de finances, a établi des schémas de recrutements adaptés et fait appel à des agents contractuels afin de combler les postes non pourvus par des titulaires. Néanmoins un certain nombre d’ETPT restent non pourvus en raison d’un problème général d’attractivité, particulièrement visible sur certaines filières (technique notamment).

Le plafond d'autorisation d'emplois de l'administration pénitentiaire inscrit dans le projet de loi de finances pour 2008 est de 32 139 ETPT, contre 31 297 en 2007 et 31 020 en 2006, soit 842 ETPT de plus qu’en 2007.

Ce plafond se décline par action de la manière suivante :

Action

PLF pour 2007

PLF pour 2008

Évolution sur un an

Action 01 : garde et contrôle des personnes placées sous main de justice

21 604

22 849

+ 1 245

Action 02 : accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice

7 774

6 138

- 1 636

Action 03 : Soutien et formation

1 919

3 152

+ 1 233

Total du programme

31 297

32 139

+ 842

Une cartographie des emplois existants a été établie par l’administration pénitentiaire, en tenant compte de la notion de fonction exercée à titre principal par chaque agent. Cette grille d’analyse doit ainsi permettre d’identifier à quelle action contribue chaque agent selon l’emploi qu’il occupe.

Le tableau ci-dessous décrit la répartition prévisionnelle du plafond d’autorisation d’emplois rémunérés par l’État en 2008 par catégories et actions (2) :

 

Catégories d'emplois

Nombre d'ETPT

Magistrats

Cat A et A+
personnel d’encadrement

Cat B+
greffes, insertion, éducation

Cat B administratifs et techniques

Cat C' personnels de surveillance

Cat C
administratifs et techniques

Programme : Administration pénitentiaire

(Évolution sur un an)

32 139

(+ 842)

17

(+ 0)

1 340

(+ 25)

3 724

(+ 27)

985

(+ 36)

23 156

(+ 691)

2 917

(+ 63)

Action 01 : garde et contrôle

22 849

0

550

1 490

167

20 146

496

Action 02 : accueil des personnes en détention

6 138

0

457

2 123

394,

2 084

1 080

Action 03 : accompagnement et réinsertion

3 152

17

333

111

424

926

1 341

Sur les 842 ETPT supplémentaires, 82 % sont des emplois de surveillance. Selon les informations transmises à votre rapporteure, ce sont 1 100 postes qui sont créés dès le budget de 2008 pour les établissements qui ouvriront en 2009, afin de permettre à ces nouveaux agents de recevoir une formation complète à l’ENAP.

Le taux d’encadrement, qui rapporte le nombre de surveillants à celui des détenus, est de 0,37 surveillant par détenu, – soit 2,62 détenus par surveillant – alors qu’il est de 0,42 au Royaume-Uni, 0,64 en Suède et 0,72 en Italie, ce qui doit être considéré comme un signe de son efficacité.

Ce taux d’encadrement va encore diminuer avec les nouveaux établissements. En effet, de plus grande taille, ces derniers ont un ratio surveillant/détenu moins élevé. Au total, le « programme 13 200 » permettra, à prestation équivalente, d’économiser ainsi 220 emplois, soit plus de 10 millions d’euros. Dès 2008, l’économie induite par l’optimisation du taux d’encadrement se chiffre à 30 agents, soit 1,4 millions d’euros.

Votre rapporteure avait souligné l’an dernier les difficultés que rencontrait l’administration pénitentiaire pour le recrutement des surveillants.

Si le nombre de candidatures reste élevé, d’une part le nombre de candidats « utiles » est faible, d’autre part la déperdition entre le nombre de reçus et le nombre d’élèves qui entrent en formation à l’ENAP est importante (autour de 10 %). Cette déperdition est en partie liée à l’image de l’administration pénitentiaire dans l’opinion publique ainsi qu’au manque d’attractivité des métiers pénitentiaires et à leur pénibilité par rapport à d’autres métiers d’autorité et de contrainte (police, gendarmerie). Dès lors que les candidats connaissent mieux l’institution pénitentiaire, la déperdition par démission est beaucoup plus réduite compte tenu d’avantages statutaires non négligeables. C’est pourquoi l’administration pénitentiaire a décidé d’organiser à destination des candidats admissibles une session de présentation de l’administration pénitentiaire et du métier de surveillant.

Afin de susciter un grand nombre de candidatures aux concours de surveillants, l’administration pénitentiaire mène, en outre, depuis plusieurs années, des campagnes de communication relatives aux métiers pénitentiaires dans les médias. Simultanément, un centre d’appels répond aux demandes d’informations des candidats. Un module interactif accessible depuis le site du ministère de la Justice et le site de l’Agence Nationale pour l’Emploi renvoyant à un formulaire de demande de dossier d’inscription a été par ailleurs mis en ligne sur Internet.

Il est à noter également que, par dérogation aux principes de la fonction publique, l’administration pénitentiaire est autorisée à mettre en place dans le cadre du concours de surveillants un recrutement séparé d’hommes et de femmes (3). Traditionnellement, 20 % du nombre global de postes offerts au concours est réservé aux candidates. Pour autant, ce pourcentage n’est qu’indicatif et peut être, compte tenu du nombre total des admis et sous réserve de l’accord du jury, augmenté ou diminué.

Entre 2000 et 2003, l’objectif étant de constituer des promotions de 500 élèves au minimum et le trop faible niveau des candidats hommes ne permettant pas d’atteindre ce nombre, il a logiquement été fait appel plus massivement à des femmes.

Les surveillantes sont affectées dans les établissements pour femmes mais peuvent également exercer leurs fonctions au sein de centres de détention pour hommes. Compte tenu des spécificités du métier pénitentiaire, un pourcentage trop élevé de femmes au sein de ces centres de détention peut, à terme, poser des problèmes de fonctionnement et d’organisation du service (les surveillantes ne peuvent en effet procéder à des fouilles intégrales des hommes détenus). C’est pourquoi, à l’issue d’une réflexion menée depuis plusieurs années, le pourcentage de postes réservés aux femmes est désormais fixé à 15 % au maximum.

b) Les réformes statutaires engagées en 2007ou envisagées pour 2008

L’administration pénitentiaire est engagée dans un mouvement de grande ampleur de rénovation des statuts de ses personnels, marquée par une revalorisation d’ensemble.

—  Réforme statutaire des directeurs des services pénitentiaires et modification des modalités d’organisation des épreuves des concours pour leur recrutement

Les directeurs des services pénitentiaires forment un corps chargé de l’encadrement supérieur des services pénitentiaires. Ils exercent les fonctions d’encadrement, de direction, de conception, d’expertise et de contrôle des établissements, circonscriptions et services de l’administration pénitentiaire chargés des personnes placées sous main de justice et mettent en œuvre la politique définie à cet effet.

Les missions dévolues à ces personnels ayant considérablement évolué en raison notamment d’une population pénale toujours plus nombreuse et de l’accroissement subséquent de leur charge de travail et de leurs responsabilités, il est apparu nécessaire de réformer les statuts particuliers du corps des directeurs des services pénitentiaires ainsi que des deux statuts d’emplois. Deux décrets du 15 mai 2007 réforment ainsi le statut particulier du corps des directeurs des services pénitentiaires ainsi que le statut particulier d’emploi des directeurs des services pénitentiaires.

S’agissant de la réforme du corps des directeurs des services pénitentiaires, elle emporte modification du nombre de grades et d’échelons (deux grades au lieu de trois actuellement, 10 échelons pour le premier grade et 6 pour le grade « hors classe ») pour une mise en cohérence avec l’ensemble des constructions statutaires des corps de la fonction publique de catégorie A. Une obligation de mobilité est également imposée par la limitation de la durée d’affectation à 4 ans sur le même emploi, durée renouvelable pour deux ans maximum sur décision de l’administration. Par ailleurs est instaurée une obligation de formation à l’ENAP pour une période de douze mois aux fonctionnaires ayant fait l’objet d’un détachement dans le corps des directeurs des services pénitentiaires ou d’une nomination au choix.

La réforme du statut particulier du corps des directeurs des services pénitentiaires entraîne une restructuration des statuts d’emploi. Les directeurs régionaux des services pénitentiaires, désormais appelés « directeurs interrégionaux » (dénomination plus en cohérence avec les appellations préconisées par le ministère de la fonction publique), doivent désormais avoir exercé des fonctions diversifiées en direction interrégionale ou en administration centrale essentiellement, dans la mesure où les emplois fonctionnels font appel à des compétences transversales, juridiques et financières. Le nouveau statut d’emploi précise par ailleurs que l’emploi de directeur interrégional comprend 7 échelons par l’adjonction d’un échelon « hors échelle C » au bénéfice des directeurs interrégionaux de Paris, Lille, Marseille.

À la suite de cette réforme statutaire des directeurs des services pénitentiaires, une réflexion sur l’évolution de leur positionnement au sein de l’administration pénitentiaire a été engagée, qui a fait apparaître la nécessité de modifier le texte relatif au recrutement de ce corps d’encadrement – les modalités de recrutement des directeurs des services pénitentiaires sont actuellement définies par un arrêté du 1er septembre 1977 modifié –, afin de mettre en adéquation les épreuves des deux concours avec les besoins de l’administration pénitentiaire et leur nouveau positionnement issu de la réforme.

Les modalités de recrutement ont donc été profondément modifiées afin notamment de les mettre en cohérence avec les autres corps de même niveau au sein de la fonction publique d’État : pour le concours externe, le nombre des épreuves tant pour l’admissibilité que pour l’admission a été renforcé pour atteindre 5 épreuves obligatoires et pour le concours interne, ce nombre passe à 3 épreuves obligatoires pour l’admissibilité et pour l’admission.

En outre, la nature des épreuves a été modifiée pour rechercher une plus grande adéquation avec les nouvelles missions dévolues dorénavant aux membres du corps des directeurs des services pénitentiaires : il s’agit d’épreuves plus proches de celles prévues par les autres concours de catégorie A (note de synthèse, entretien avec un jury, culture générale, épreuves techniques de droit public, droit pénal, procédure pénale, finances publiques…). Par ailleurs, le jury chargé de sélectionner les lauréats de ces concours a été ouvert à d’autres départements ministériels.

—  Réforme de la filière des personnels d’insertion et de probation et ajustement des modalités de recrutement aux concours de conseillers d’insertion et de probation et de chefs des services d’insertion et de probation de l’administration pénitentiaire

L’année 2008 devrait être mise a profit pour réfléchir à une modification des statuts des personnels d’insertion et de probation. L’évolution de leurs missions depuis 2005, les différentes réformes judiciaires intervenues et la volonté de promouvoir les alternatives à l'incarcération nécessitent en effet une redéfinition des fonctions de conseiller d’insertion et de probation, de directeur d’insertion et de probation et de chef de service d’insertion et de probation.

Afin de rendre plus cohérentes les conditions de recrutement des conseillers et des chefs des services d’insertion et de probation de l’administration pénitentiaire, il est d’ores et déjà prévu de procéder à des ajustements pour les épreuves, dans le but de les aligner sur les celles des concours de niveau équivalent (épreuve de culture générale plus longue, entretiens d’individuels avec le jury, notamment).

Compte tenu de l’importance de la mission de ces personnels, votre rapporteure sera particulièrement attentive à la mise en œuvre prochaine de cette réforme des conditions de leur recrutement.

—  Modifications des modalités de recrutement des personnels de surveillance de l’administration pénitentiaire

Le concours de recrutement des surveillants sera lui aussi modifié pour être mieux adapté aux profils recherchés par l’administration pénitentiaire.

L’admissibilité ne devrait plus comporter qu’une seule épreuve, décomposée en trois éléments : une série de questions à choix multiples, des questions de raisonnement logique faisant appel aux qualités d’analyse, d’observation, de déduction et de bon sens du candidat ainsi que la rédaction d’un compte-rendu établi à partir d’un ou de plusieurs documents relatifs à un événement ou un incident susceptible de survenir dans un établissement pénitentiaire. La composition sur un sujet d’actualité ou un thème général est supprimée, cette épreuve étant jugée inadaptée pour évaluer les facultés des candidats à exercer les fonctions de surveillants de l’administration pénitentiaire.

Afin que les candidats déclarés admissibles puissent découvrir l’administration dans laquelle ils vont évoluer, préalablement à l’épreuve d’admission, il est par ailleurs prévu qu’une présentation leur soit faite des missions de l’administration pénitentiaire et du métier de surveillant pénitentiaire.

Les deux épreuves d’admission, un entretien de personnalité et des épreuves sportives, demeurent quant à elles inchangées.

c) Les mesures indemnitaires prévues pour 2008

—  Suppression de la nouvelle bonification indiciaire (NBI)

Actuellement, le régime indemnitaire des personnels relevant de l’administration pénitentiaire repose essentiellement sur la « prime de sujétions spéciales » dont le taux varie de 20 à 24 % du traitement indiciaire brut, selon le corps d’appartenance des fonctionnaires. À cette indemnité s’ajoute l’indemnité pour charges pénitentiaires (ICP) qui concerne l’ensemble des personnels à l’exception des directeurs des services pénitentiaires et des personnels d’insertion et de probation. Enfin, la nouvelle bonification indiciaire (NBI) est également versée en complément de ce régime indemnitaire dans le cadre de l’exercice de fonctions déterminées et du contingentement budgétaire du nombre d’emplois éligibles.

Le versement de la NBI est source de nombreuses contestations, portant tant sur la répartition des points d’indice que sur la liste des emplois éligibles. Le nombre de recours contentieux sur ce sujet s’est élevé à plus de 800 ces trois dernières années.

La réforme actuellement engagée consiste à redéployer les crédits budgétaires affectés au versement de la nouvelle bonification indiciaire vers l’indemnité pour charges pénitentiaires. Cette mesure doit permettre d’éviter la contrainte du contingentement des emplois et surtout, de favoriser un traitement équitable des fonctionnaires qui, exerçant les mêmes fonctions, peuvent percevoir le même régime indemnitaire.

Par ailleurs, la suppression de la NBI attribuée à l’encadrement supérieur exerçant ses fonctions au sein des services de l’administration pénitentiaire doit permettre la refonte du régime indemnitaire attribué aux directeurs des services pénitentiaires par un redéploiement vers l’indemnité de fonctions et d’objectifs (IFO).

La refonte du régime indemnitaire attribué aux directeurs des services pénitentiaires a ainsi pour objectif de développer la prise de responsabilité et de prendre en compte des sujétions particulières liées à chaque emploi. Cette mesure de simplification administrative aboutit également à l’extinction d’une source croissante de revendications.

—  La réforme de l’indemnité pour charges pénitentiaires (ICP)

L’indemnité pour charges pénitentiaires (ICP) est une composante du régime indemnitaire des personnels de l’administration pénitentiaire, à l’exception des directeurs des services pénitentiaires et des personnels d’insertion et de probation qui bénéficient d’un mécanisme différencié.

La refonte de l’ICP vise, afin de simplifier les opérations de gestion et de liquidation des traitements par les services déconcentrés de l’État, à intégrer la prime de chaussures dans le coefficient de base. Cette mesure permettra de supprimer quelque 26 000 opérations de saisie informatique chaque trimestre.

Compte tenu de la suppression de la NBI, l’ICP sera désormais composée de deux parts :

—  la première part d’un montant minimal annuel de 837,50 euros sera variable selon un coefficient fixé de 1 à 4. Cette première part variera selon les dotations budgétaires et les fortes sujétions inhérentes à certains emplois particuliers essentiellement exercés en établissement pénitentiaire ;

—  la seconde part permettra de verser l’équivalent de la nouvelle bonification indiciaire aux fonctionnaires qui la percevaient directement ou, en cas de contentieux, après décision de justice favorable.

—  La refonte du régime indemnitaire des directeurs des services pénitentiaires et des chefs d’établissements : création d’une indemnité de fonction et d’objectif (IFO)

Actuellement, le régime indemnitaire des directeurs des services pénitentiaires repose sur le versement de la prime de sujétions spéciales, de l’indemnité de responsabilité et de la NBI.

La prime de sujétions spéciales est calculée en pourcentage du traitement brut (21 % à compter du 1er janvier 2006) tandis que le montant de l’indemnité de responsabilité, qui varie de 2 665 à 5 000 euros, tient compte du grade et des fonctions occupées. Le montant de cette indemnité peut être modulé de 50 % à la hausse ou à la baisse, selon la manière de servir des agents.

Ce système induit une certaine rigidité dans les marges de variation des primes et ne prend pas en compte l’ensemble des sujétions spécifiques et du niveau des responsabilités exercées par chacun des directeurs des services pénitentiaires.

Compte tenu de ces difficultés et de la suppression de la NBI, a été créée une indemnité de fonctions et d’objectifs (IFO), qui remplace toutes les autres indemnités, répondant ainsi à plusieurs objectifs de management et de simplification administrative.

En premier lieu, la mise en place d’une modulation complète des primes favorise le passage d’une logique statutaire dans le versement du régime indemnitaire à une logique reposant sur les fonctions, les responsabilités et sur la manière de servir des fonctionnaires d’encadrement supérieur de l’administration pénitentiaire.

Le montant de la prime variera selon le niveau de responsabilité, les contraintes liées au poste, la taille de l’établissement et la nature spécifique de la structure. Les possibilités de modulation seront très souples, afin de disposer de marges de manœuvre en fin de gestion et d’un moyen de gratification et de motivation dans l’exercice des fonctions d’encadrement.

Par ailleurs, le versement de l’IFO est subordonné à l’exercice effectif des fonctions. Ainsi, les élèves et les stagiaires ne la percevront que pendant les périodes de stage pratique en établissements pénitentiaires, à l’exclusion des périodes d’enseignement théorique à l’ENAP.

En second lieu, les changements d’affectation et les mutations obligent à la notification de multiples arrêtés ministériels d’attribution, de suppression ou de modification de la NBI, induisant une charge importante de travail pour les services administratifs en charge des traitements ainsi que pour les services du Trésor, charge de travail qui sera dès lors réduite.

Il est à noter que cette réforme est étendue aux membres du corps de commandement du personnel de surveillance qui exercent les fonctions de chef d’établissement pénitentiaire ou d’adjoint. Il s’agit de privilégier les fonctions par rapport à une logique statutaire, ce qui paraît tout à fait opportun s’agissant d’une réforme indemnitaire qui privilégie une logique fonctionnelle.

L’indemnité de fonctions et d’objectifs sera ainsi composée de deux parts :

— la première part, fonctionnelle, attribuée selon un montant annuel de référence n’est pas modulable et varie selon les emplois occupés en direction interrégionale et en établissements ;

— la seconde part, modulable, d’un coefficient de 0 à 8 est constituée des crédits actuellement affectés à l’indemnité de responsabilité. Les montants annuels seront déterminés en fonction des emplois exercés.

Selon les informations transmises à votre rapporteure, la réforme indemnitaire se traduit par un redéploiement de l’ensemble des crédits et un abondement complémentaire de 147 046 euros. L’enveloppe indemnitaire totale sera ainsi portée à près de 1,8 million d’euros par an.

Votre rapporteure tient à saluer le dévouement dont font preuve les personnels pénitentiaires dans le difficile exercice de leur mission.

Ils subissent au quotidien la violence verbale, voire physique des détenus, mais aussi, du fait de leur fonction, des agressions à l’extérieur des établissements par d’anciens détenus ou de simples particuliers. 30 agressions physiques à l’extérieur des établissements pénitentiaires ont ainsi été dénombrées en 2006.

Au total en 2006, 604 agressions physiques ont été enregistrées à partir des comptes-rendus d’événements transmis par les directions interrégionales de l’administration pénitentiaire, contre 400 en 2000 (4), ainsi que le montre le tableau ci-après :

 

Nombre d’agressions
(au 31 décembre)

Population carcérale
(Moyenne annuelle)

Fréquence des agressions
(Nombre d’agressions/Population carcérale)

2000

400

50 625

0.78 %

2001

345

48 318

0.71 %

2002

586

53 510

1.10 %

2003

635

58 574

1,08 %

2004

686

60 126

1,14 %

2005

661

58 660

1,13 %

2006

604

58 295

1,04%

Face à ces comportements, l’administration pénitentiaire a mis en place des formations d’acquisition des gestes appropriés pour prévenir les risques d’agression.

Dans le cadre de la construction des nouveaux établissements pénitentiaires, une réflexion a par ailleurs été menée sur la meilleure adaptation de l’espace de circulation et de travail des agents (au bénéfice d’un large champ de vision …) afin de limiter les risques d’agression.

En outre, à la suite de la parution en 2005 d’un rapport intitulé « La violence carcérale en question », un des auteurs a été chargé de piloter depuis le début de l'année 2007 un groupe de travail sur la problématique des violences en prison qui présentera des préconisations tendant à réduire les agressions dans les deux ans à venir. Votre rapporteure ne manquera pas d’analyser avec beaucoup d’attention les conclusions de ce prochain rapport.

B. QUELLE PRISE EN CHARGE POUR LES « DÉLINQUANTS SEXUELS » ?

De multiples affaires mettant en cause des « délinquants sexuels » – avec toutes les réserves que cette expression appelle – et des pédophiles, parfois récidivistes, ont conduit le Gouvernement à élaborer un projet de loi sur les délinquants dangereux, projet qui devrait être prochainement examiné par notre Assemblée. Votre rapporteure a donc jugé utile de faire le point sur la prise en charge actuelle des personnes condamnées pour des infractions de nature sexuelle, lors de leur détention et à leur sortie de prison.

Elle a ainsi entendu deux praticiens éminents : le Docteur Odile Dormoy, chef du SMPR de la Santé et le Docteur Roland Coutanceau, Président de la ligue pour la santé mentale, qui lui ont fait part de leurs remarques et leurs attentes, parfois différentes, en matière de prise en charge d’auteurs d’infraction à caractère sexuelle.

1. La problématique particulière des personnes condamnées pour des infractions de nature sexuelle

a) L’augmentation du nombre de personnes condamnées pour des infractions de nature sexuelle

Le code pénal définit précisément la notion d’agression sexuelle : son article 222-22 dispose que « constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ». Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que l’état de contrainte ou de surprise peut résulter du très jeune âge des enfants qui les rend incapables de réaliser la nature et la gravité des actes qui leur sont imposés (Crim, 7 décembre 2005).

La peine encourue en cas de viol est de 15 ans de réclusion criminelle, l’article 222-24 du code pénal prévoyant une aggravation de la peine portant la peine encourue de 15 à 20 ans de réclusion, notamment lorsqu’il est commis sur un mineur de 15 ans. L’article 222-27 du même code précise, quant à lui, que les agressions sexuelles autres que le viol sont punies de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende (peines portées à 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende en cas de circonstance aggravante).

Le nombre des personnes écrouées qui ont été condamnées pour viols ou autres agressions sexuelles est en très forte hausse. Depuis 10 ans, il a augmenté de plus de 70 %, ainsi que le montre le tableau ci-après :

Nombre de condamnés écroués en fonction de la nature de l'infraction depuis 1997
(stock Métropole et Outre-mer)

Année (au 1er janvier)

Crimes de sang  (5)

Infraction à la législation sur les stupéfiants

Violence sur les personnes

Viols et autres agressions sexuelles

Proxénétisme

Homicide involontaire

Vol qualifié

Escroquerie, abus de confiance, faux et usage, recel

Vol simple

Autres (6)

Ensemble

1997

3 044

6 150

1 969

4 823

235

539

3 203

1 363

5 444

3 263

30 033

1998

3 058

5 654

2 189

5 523

126

467

3 646

1 452

4 820

3 240

30 175

1999

3 127

5 207

2 428

6 103

139

411

3 907

1 408

4 343

3 142

30 215

2000

3 259

4 674

2 735

6 763

123

516

3 871

1 440

3 795

3 672

30 848

2001

3 144

4 085

3 184

7 135

107

719

3 458

1 320

3 253

3 040

29 445

2002

3 133

3 593

3 800

7 061

102

962

3 467

1 606

3 529

2 796

30 049

2003

3 022

3 930

4 897

7 331

86

1 501

3 186

1 935

3 546

2 587

32 021

2004

3 238

4 897

5 903

7 446

107

1 913

3 276

2 315

3 126

2 577

34 798

2005

3 226

5 581

6 382

7 962

101

2 005

3 269

2 576

2 741

2 467

36 310

2006

3 261

5 347

6 757

7 838

110

2 075

3 565

2 623

2 771

2 686

37 033

2007

3 608

5 751

8 588

8 268

91

2 218

4 232

3 112

3 313

2 735

41 916

La part des condamnés pour agressions sexuelles représentait 16 % des condamnés en 1997, 23,5 % en 2002 et près de 20 % en 2007 (cette diminution relative s’expliquant essentiellement par la forte augmentation des condamnés pour violences sur les personnes, mais non par une diminution de ces agressions en termes absolus).

b) La nécessaire prise en charge spécifique de ces détenus

L’accroissement du nombre de personnes condamnées pour agressions sexuelles et la dégradation de la santé mentale des détenus dans leur ensemble, que votre rapporteure avait étudiée l’année dernière, sont deux phénomènes distincts.

Pour autant, les personnes condamnées pour agressions sexuelles nécessitent une prise en charge particulière, notamment psychiatrique.

La prise en charge médicale des personnes condamnées qui présentent un trouble de nature psychiatrique, au cours de leur détention et à leur sortie de prison, est un élément crucial de la politique pénale. Dans ce cadre l’administration pénitentiaire agit en partenariat avec le ministère de la Santé, mais pas uniquement : une politique globale de la réinsertion est menée en collaboration avec les travailleurs sociaux et les magistrats pour prévenir la récidive.

2. Soigner et préparer la sortie : quelle prise en charge en détention ?

La question des soins en détention est une question cruciale : il s’agit de mettre à profit la période passée en détention pour assurer des soins adaptés aux personnes condamnées. À la prise en charge judiciaire s’ajoute ainsi une prise en charge médico-psychologique qui doit favoriser la réinsertion de la personne et ainsi mieux prévenir la récidive.

a) Le cadre légal : l’injonction de soins

À l’heure actuelle, des traitements peuvent être prodigués en détention, sur une base volontaire – hormis le cas de l’hospitalisation d’office pour les personnes détenues atteintes de troubles mentaux particulièrement graves. Si le refus de soins n’est pas punissable, il peut cependant conduire à limiter les réductions de peines supplémentaires au titre de l’article 721-1 du code de procédure pénale au motif que le détenu ne manifeste pas « des efforts sérieux de réinsertion sociale ».

La loi sur la récidive du 10 août 2007 (7) a renforcé la prise en charge médicale des personnes condamnées pour les infractions les plus graves, principalement de nature sexuelle, notamment par l’incitation à accepter des soins en détention pour les auteurs des infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru.

La généralisation de l’injonction de soins reste cependant soumise à trois réserves : dans tous les cas, les personnes condamnées ne pourront être soumises à une injonction de soins que s'il est établi, après une expertise médicale, qu'elles sont susceptibles de faire l'objet d'un traitement et, par ailleurs, la juridiction de jugement ou le juge de l'application des peines a toujours la possibilité de ne pas prescrire cette injonction, alors même que l’expertise y a conclu favorablement ; enfin, le principe du consentement aux soins n’est pas remis en cause. Les règles de déontologie médicale interdisent en effet au médecin de soigner une personne contre sa volonté.

Pour autant, si le traitement forcé du délinquant est exclu, le refus de suivre un traitement médical peut en revanche entraîner l’exécution de la sanction pénale : l’incitation aux soins est ainsi très forte puisque la date de libération dépendra de la volonté de la personne condamnée de suivre effectivement des soins en détention, la loi du 10 août 2007 sanctionnant dans certains cas le refus de soins par l’absence de réductions supplémentaires de peine ou de libération conditionnelle.

b) L’offre de soins : les SMPR et l’ouverture prochaine des UHSA

• À l’heure actuelle, les soins psychiatriques aux personnes détenues sont organisés par le décret n° 86-602 du 14 mars 1986, qui confie le dispositif de soins psychiatriques en milieu pénitentiaire au service public hospitalier, et par la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 par laquelle l’organisation et la mise en œuvre de la prise en charge sanitaire des personnes détenues sont transférées au service public hospitalier.

Le partage des tâches entre le ministère de la Santé et l’administration pénitentiaire est donc assez clair en la matière : c’est le service public hospitalier qui assure les soins dispensés aux personnes détenues dans tous les établissements pénitentiaires, à charge pour l’administration pénitentiaire d’assurer la sécurisation des équipements.

Les soins ambulatoires sont pris en charge médicalement par le service médico-psychologique régional (SMPR) s’il existe (26 établissements pénitentiaires en disposent) ou, à défaut, par le secteur psychiatrique hospitalier dont dépend l’unité de consultation et de soins ambulatoires (UCSA) de l’établissement pénitentiaire, conformément au protocole signé entre chaque établissement et l’hôpital de rattachement.

Les maisons d’arrêt de Fresnes et des Baumettes disposent quant à elles d’une unité psychiatrique d’hospitalisation (UPH) où sont transférés les détenus présentant des troubles psychiatriques graves.

Les détenus les plus gravement atteints sont envoyés sous le régime de l’hospitalisation d’office dans une des quatre unités pour malades difficiles (UMD) qui existent à Cadillac (Gironde), Villejuif (Val-de-Marne), Sarreguemines (Moselle) et Montfavet (Vaucluse). Les UMD, implantées dans des centres hospitaliers spécialisés, assurent l’hospitalisation des patients qui présentent un tel danger pour autrui que les soins, la surveillance et les mesures de sûreté nécessaires ne peuvent être mis en œuvre que dans une unité spécifique.

La capacité d’accueil totale des quatre UMD existantes est de 520 lits. Toute personne admise dans une UMD doit être informée de ses droits et obligations. Les décisions de maintien ou de sortie des personnes hospitalisées dans l’unité reviennent à une commission de suivi médical composée du médecin inspecteur de la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales (DDASS) chargé des problèmes de santé mentale et de trois psychiatres.

Même si ce dispositif a considérablement amélioré la prise en compte des pathologies et troubles mentaux des détenus, il se révèle encore insuffisant du fait de l’ampleur des besoins en prison.

Les principales difficultés sont les suivantes :

—  la possibilité réduite des SMPR d’accueillir les patients en hospitalisation complète du fait du manque de présence sanitaire et des difficultés d’accès aux établissements pénitentiaires durant la nuit ;

—  les réticences des établissements de santé à recevoir des personnes détenues en hospitalisation d’office en l’absence de garde statique par les forces de l’ordre ;

—  l’insuffisance globale des moyens, notamment du nombre des psychiatres intervenant en établissements pénitentiaires.

D’une façon générale, l’évolution des méthodes de la psychiatrie a consacré les soins en milieu ouvert au détriment des soins en structures fermées, rendant plus difficile l’accueil des personnes détenues au regard de la sécurité et des risques d’évasion notamment. Une telle situation conduit souvent à des séjours plus courts et à un confinement de fait en chambre d’isolement, ce qui est préjudiciable à la qualité des soins.

• Pour remédier à cette situation, la LOPJ de 2002 a prévu la mise en place d’unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) pour l’hospitalisation complète des personnes détenues atteintes de troubles mentaux.

L’entrée en fonction des UHSA constituera ainsi une amélioration de l’offre de soins dont bénéficient les patients détenus : il sera mis fin à l’hospitalisation complète en SMPR et toute personne détenue atteinte de troubles mentaux nécessitant une hospitalisation complète sera hospitalisée dans les UHSA, avec ou sans son consentement.

Lors de son audition par notre Commission, le Garde des Sceaux a indiqué que les premières UHSA entreront en service en 2009 à Lyon (60 places) et à Rennes (40 places), celle de Lyon devant être plus spécifiquement consacrée à la prise en charge des délinquants pédophiles dans le cadre de soins particuliers.

Au total, le programme d’implantation des UHSA comportera deux tranches, permettant respectivement la création de 440 et 265 places.

—  La première tranche sera réalisée de 2008 à 2011 et portera sur 440 places. Les lieux d’implantation pressentis pour cette première tranche sont les suivants :

DRSP concernée

Ville

Ouverture

Capacité

DISP Lyon

Lyon Le Vinatier

2009

60

DISP Rennes

Rennes

2009

40

DISP Paris

Orléans

2010

40

DISP Toulouse

Toulouse

2010

40

DISP Strasbourg

Nancy-Laxou

2010

40

DISP Paris

Villejuif

2011

60

DISP Bordeaux

UMD de Cadillac

?

40

DISP Marseille

Marseille (site non défini)

?

60

DISP Lille

Lille (site non défini)

?

60

Capacité totale de la 1ère tranche

440 places

Par rapport aux informations transmises à votre rapporteure l’an dernier, la localisation de nombreux sites a été précisée, ainsi que la date prévisionnelle d’ouverture, même si pour trois de ces établissements cela reste à préciser.

—  La deuxième tranche sera réalisée à partir de 2010-2011 :

DRSP concernée

Ville ou Région

Capacité

DISP Dijon

Dijon ?

40

DISP Lille

Rouen ?

40

DISP Paris

Établissement de santé à définir

60

DISP de Bordeaux

Bordeaux ou Poitiers ?

40

DISP Marseille

Nice ?

40

MOM

Guadeloupe

Martinique

Réunion

45
(UHSA de 15 places chacune)

Capacité totale de la 2nde tranche :

265 places

c) Comment améliorer la prise en charge en détention ?

—  Mieux évaluer la dangerosité criminologique des personnes détenues pour leur apporter l’accompagnement adapté

Pour le docteur Roland Coutanceau, il est important de bien distinguer dangerosité psychiatrique et dangerosité criminologique : la première est définie comme le risque de passer à l’acte à un moment donné en raison de troubles mentaux (un passage à l’acte qui n’implique pas une agression sur autrui, tel le malade qui se défenestre pour échapper à des visions effrayantes) alors que la dangerosité criminologique se définit comme le risque qu’un individu commette une infraction.

Il est dans ce cadre essentiel d’évaluer la dangerosité criminologique des détenus avant leur sortie et de concentrer les efforts sur le temps de la peine.

À l’accompagnement médical doit alors être ajouté un accompagnement criminologique des détenus. Des groupes de parole, impliquant plusieurs détenus et un psychologue, doivent constituer aux yeux du docteur Coutanceau le cadre adapté à ce nécessaire accompagnement criminologique, complément indispensable à l’accompagnement médico-psychologique. Il préconise même l’instauration d’une obligation de suivi criminologique, qui, sur le modèle de l’injonction de soins, serait prononcée par les magistrats.

Ces groupes de parole pourraient être organisés par niveaux selon la probabilité de récidive des différents participants : il est nécessaire pour cela de mettre en place des outils quantitatifs et qualitatifs permettant de classer les détenus selon trois niveaux de probabilité de récidive : (fort, moyen et faible).

—  Un meilleur partage d’informations : la question du secret médical

Deux affaires récentes ont montré à quel point il est urgent de réfléchir à la meilleure manière de concilier le principe du secret médical avec la nécessaire information des personnels intervenant en détention sur la dangerosité des personnes détenues.

Il est tout d’abord indispensable que les informations circulent mieux entre praticiens : le cas d’une prescription de médicaments luttant contre les troubles de l’érection à un condamné pour pédophilie quelques jours avant sa sortie de prison n’aurait pas dû se produire si les dossiers médicaux avaient été effectivement partagés entre les différents praticiens intervenant en détention.

De nouvelles modalités d’échanges d’information sont également à trouver entre l’administration pénitentiaire et les praticiens, qui permettraient à la première d’obtenir des seconds, sans trahir le secret médical, les informations opérationnelles nécessaires pour évaluer la dangerosité d’un détenu et ainsi éviter que ne se reproduise, par exemple, une aussi effroyable affaire que celle de cannibalisme que nous avons connue il y a quelques mois.

—  La question des moyens financiers

Il est nécessaire de doter les établissements pénitentiaires des moyens humains nécessaires pour assurer les soins en détention. À défaut, on risque de perdre le bénéfice du temps de la détention qui aurait été utile pour la préparation à la sortie.

Le plan Santé mentale 2005-2008, prenant en compte la spécificité du milieu pénitentiaire, a d’ores et déjà prévu des améliorations de la prise en charge psychiatrique en détention :

—  par le développement et le renforcement de la compétence des différents professionnels pénitentiaires afin de leur permettre le repérage, au plus tôt, des troubles psychiques des personnes détenues, ce qui suppose des formations adaptées ;

—  par le renforcement de la présence de psychologues dans les équipes psychiatriques intervenant auprès des patients détenus dans le cadre général fixé par les orientations du plan psychiatrie et santé mentale, ce qui suppose des recrutements supplémentaires.

Votre rapporteure sera attentive aux engagements chiffrés qui seront pris par le Gouvernement pour répondre à ces attentes.

3. Prévenir la récidive : quel suivi à la sortie ?

Le problème crucial de la prise en charge des détenus dangereux est celui de l’accompagnement lors de leur sortie de détention. Il faut à tout prix éviter les « sorties sèches ».

La loi du 10 août 2007 sur la récidive a généralisé l’injonction de soins qui est imposée à la sortie de la détention dès lors que le détenu a été condamné pour une infraction pour laquelle un suivi socio-judiciaire était encouru, ce qui concerne notamment toutes les infractions de nature sexuelle.

Pour autant, l’injonction de soins, qui doit être mieux organisée, ne saurait suffire : dans certains cas, le placement sous surveillance électronique mobile s’avère nécessaire, dans d’autres, plus graves encore, il est envisagé d’avoir recours à une rétention de sûreté au sein d’un hôpital fermé.

a) Les soins de ville

• Le cadre juridique de l’injonction de soins a été modifié récemment par la loi sur la récidive du 10 août 2007 qui a généralisé sa mise en œuvre à la sortie de la détention dans trois cadres juridiques :

—  Dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire

Le suivi socio-judiciaire a été institué par la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs. Il peut soit être prononcé par la juridiction de jugement à titre de peine complémentaire lorsque la loi le prévoit, soit être décidé postérieurement par le juge de l'application des peines, au titre de mesure de sûreté. Le suivi socio-judiciaire s’accompagne d’obligations sociales ou médicales réalisées sous le contrôle du juge de l’application des peines.

Alors que ce n'était jusqu'à présent qu'une possibilité, laissée à l’appréciation du juge, après expertise médicale, le législateur a voulu que, au stade de la condamnation, tout suivi socio-judiciaire s'accompagne désormais d'une injonction de soins, à la double condition que l’expertise préalable y ait conclu favorablement et que le juge ne décide pas d’y renoncer.

—  Dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve

La juridiction de jugement qui prononce un emprisonnement peut ordonner qu'il sera sursis à son exécution et que la personne condamnée sera placée sous le régime de la mise à l'épreuve. Ce régime soumet le condamné à des mesures de contrôle, telles que l’obligation de répondre à toute convocation du juge de l’application des peines ou de le prévenir de tout changement d'emploi ou de résidence, auxquelles peuvent s’ajouter l’obligation de se soumettre à des examens médicaux, des traitements ou des soins.

La loi du 10 août 2007 a prévu qu’à l’issue de la partie ferme de la condamnation, le condamné est soumis à une injonction de soins à sa sortie de détention.

—  Dans le cadre de la surveillance judiciaire

La surveillance judiciaire, introduite par la loi de décembre 2005 sur la récidive, est une mesure de sûreté qui peut être ordonnée par le juge de l’application des peines à l’encontre d’un condamné considéré comme dangereux au moment de sa libération. Cette mesure concerne les personnes condamnées à une peine privative de liberté d'une durée d’au moins dix ans pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru. La durée de la surveillance judiciaire ne peut dépasser celle des réductions de peines dont le condamné a pu bénéficier.

La loi du 10 août 2007 a rendu systématique l’injonction de soins, qui faisait d’ores et déjà partie des obligations que pouvait comporter une surveillance judiciaire.

• L’organisation pratique des soins se heurte cependant à quelques difficultés.

Le principal problème réside dans l’absence de suivi entre la prise en charge en détention et le relais des soins à la sortie : les hôpitaux psychiatriques de ville refusent le plus souvent la prise en charge de ces patients, car ils n’ont pas d’adresse et parce que ces hôpitaux sont sectorisés. S’agissant des soins ambulatoires, les anciens détenus sont souvent livrés à eux-mêmes, devant engager eux-mêmes les démarches pour trouver un praticien qui voudra bien les prendre en charge.

Les médecins coordonnateurs sont pour l’heure trop peu nombreux pour assumer l’entièreté de leur mission. Leur nombre est évalué à 150, mais le ministère de la Santé a pris des engagements pour que soient recrutés, d’ici mars 2008, 300 nouveaux médecins coordonnateurs, dont les indemnités seront par ailleurs doublées.

Il est, pour votre rapporteure, capital de mieux assurer une réelle continuité des soins par des relations étroites entre les praticiens en détention et les structures extérieures.

Le Docteur Odile Dormoy a souligné l’importance de la continuité du suivi après la détention et a plaidé pour la création de sortes d’antennes de suivi permettant d’aider les détenus à leur sortie de prison pour trouver un praticien au sein d’un réseau de correspondants. Elle souhaite que le médecin coordonnateur rencontre la personne en détention et crée un lien avec le praticien qui assurera le suivi après la prison dès la détention.

Lorsqu’un détenu purge une longue peine dans un centre de détention éloigné de son domicile, il pourrait être envisagé pour engager le projet de soins à la sortie de le rapprocher de son futur lieu de vie, dans les derniers mois de la peine, par exemple en le transférant dans la maison d’arrêt la plus proche de son domicile.

b) Le placement sous surveillance électronique mobile (PSEM)

Parce que la remise en liberté d’une personne n’implique pas automatiquement la disparition de toute forme de dangerosité criminologique, la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales a prévu la possibilité de placer, sous certaines conditions, des condamnés sortant de détention sous surveillance électronique mobile (PSEM).

Ce dispositif présente les avantages de permettre de vérifier, grâce à un système de géolocalisation par satellite, que les personnes placées sous PSEM respectent les obligations et interdictions fixées par les autorités judiciaires et de détecter immédiatement leur non respect, mais aussi de favoriser la réinsertion de la personne, qui peut exercer une activité professionnelle, avec un accompagnement et un contrôle par le SPIP.

La loi du 12 décembre 2005 a prévu que le placement sous surveillance électronique mobile peut être ordonné dans trois hypothèses :

—  s’agissant des détenus bénéficiant d'une libération conditionnelle, pour les personnes condamnées pour un crime ou un délit pour lequel la mesure de suivi socio-judiciaire était encourue ;

—  s’agissant des détenus arrivés en fin de peine faisant l'objet d'une surveillance judiciaire, pour les personnes condamnées à une peine privative de liberté d’une durée égale ou supérieure à 10 ans et pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru ;

—  ou dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire, au titre de mesure de sûreté, à l’encontre des personnes majeures condamnées à une peine privative de liberté d’une durée égale ou supérieure à 7 ans.

Dans l’attente de la publication du décret en Conseil d’État devant préciser les modalités d’application de ce dispositif nouveau, la Chancellerie a décidé de mettre en œuvre une expérimentation de ce dispositif.

Cette expérimentation n’a concerné que les mesures de libération conditionnelle, en vertu de l’article 15 du décret du 30 mars 2006 relatif au traitement de la récidive des infractions pénales et a porté sur des personnes ayant donné leur consentement, condamnées à une peine d’au moins sept ans d’emprisonnement pour un crime ou un délit pour lequel la mesure de suivi socio-judiciaire était encourue. Elle s’est déroulée en deux phases :

—  La première phase d’expérimentation, d’une durée de 6 mois, a débuté en juin 2006. Deux premiers sites pilotes ont été retenus : il s’agit des directions régionales des services pénitentiaires de Rennes et de Lille, pour les établissements pénitentiaires se trouvant dans le ressort des cours d’appel de Caen et de Douai.

—  La seconde phase d’expérimentation, qui a début en janvier 2007, s’est élargie à l’ensemble des établissements pénitentiaires du ressort des directions régionales des services pénitentiaires de Lille, Rennes, Paris, et Marseille.

Depuis le 3 août 2007, date de publication du décret n° 2007-1169 du 1er août 2007 modifiant le code de procédure pénale (deuxième partie : Décrets en Conseil d'État) et relatif au placement sous surveillance électronique mobile, le PSEM peut être mis en œuvre tant dans le cadre de la libération conditionnelle que de celui du suivi socio-judiciaire ou de la surveillance judiciaire.

Une première application de ce décret a été faite le 24 septembre 2007 : pour la première fois, un pédophile jugé dangereux, ayant purgé la totalité de sa peine, a été libéré à Caen, doté d'un bracelet électronique mobile.

La libération de ce détenu avait été reportée de trente jours à la fin du mois d’août 2007 en raison de témoignages comparant sa dangerosité à celle d'un autre pédophile qui avait récidivé quelques jours après sa sortie de détention (8).

Le placement sous surveillance électronique mobile ne peut être ordonné qu’après que la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté a rendu un avis favorable et que la personne condamnée a fait l’objet d’un examen destiné à évaluer sa dangerosité et à mesurer le risque de récidive. Dans tous les cas, le consentement du placé est nécessaire.

La durée d’application du PSEM est de 2 ans renouvelable une fois pour les délits et deux fois pour les crimes, dans la limite de la durée de la libération conditionnelle, du suivi socio-judiciaire ou de la surveillance judiciaire prononcés par le magistrat.

L’ordonnance du juge de l’application des peines qui place un condamné sous PSEM comporte des obligations très strictes que la personne doit respecter : des lieux interdits (le domicile de la victime, les abords des écoles, par exemple) et des horaires d’assignation en un lieu déterminé (par exemple la résidence du condamné). Une cartographie des zones dites d’« inclusion » ou d’« exclusion », ainsi que des « zones tampons » est annexée à l’ordonnance de jugement et remise au condamné.

C’est le personnel de l’administration pénitentiaire qui assure la pose et la dépose des émetteurs sur les placés. Il saisit les dispositions des décisions judiciaires, notamment la cartographie des zones d’exclusion (ce qui suppose un lourd travail d’enquête réalisé en amont de la décision du juge pour étudier la faisabilité de la définition des zones d’inclusion et d’exclusion), et traite les alarmes de violation des interdictions. En revanche, les autres prestations liées à la surveillance électronique mobile sont entièrement externalisées à un prestataire privé qui met à disposition, exploite et assure la maintenance des dispositifs permettant le suivi et la surveillance à distance, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.

Votre rapporteure s’est rendue au centre de semi-liberté de Haubourdin près de Lille où est localisé un des quatre pôles centralisateurs de surveillance des placements sous surveillance électronique fixe et mobile. Elle a pu voir comment étaient organisés les dispositifs d’alerte en cas de franchissement des zones interdites par une personne placée sous PSEM. Le signal GPS du boîtier que porte le condamné permet à la société prestataire de constater le non respect des zones d’exclusion. Une alerte apparaît sur les écrans de contrôle du prestataire privé et du pôle centralisateur, étant entendu que le prestataire privé ne dispose, à la différence de l’administration pénitentiaire, que de données préservant l’anonymat des personnes.

Si le placé manque à ses obligations, il peut être réincarcéré (révocation de sa libération conditionnelle, ou mise à exécution de la peine d’emprisonnement prononcée en cas de manquement aux obligations d’un suivi socio-judiciaire ou, dans le cadre d’une surveillance judiciaire, réincarcération pour une durée ne pouvant excéder la durée des réductions peines dont le condamné a bénéficié).

Un nouveau marché public a été lancé par la direction de l’administration pénitentiaire visant à fournir pour l’année 2008 un minimum de 3 000 bracelets fixes et mobiles, le montant maximum du marché atteignant 60 millions d’euros.

c) L’hôpital fermé

Le Gouvernement doit prochainement présenter devant le Parlement un projet de loi instituant une nouvelle modalité de rétention de sûreté permettant de retenir dans un hôpital fermé les personnes qui sortent de détention mais demeurent considérées comme très dangereuses.

Ce projet s’inscrit dans la continuité d’une réflexion amorcée en 2004 par la commission Santé-Justice, présidée par M. Jean-François Burgelin, procureur général honoraire près la Cour de cassation, qui a étudié les voies d'amélioration de la prise en charge médico-judiciaire des auteurs d'infractions qui sont atteints de troubles mentaux ou qui présentent un profil dangereux, et de réfléchir au suivi des personnes qui, ayant fait l'objet d'une condamnation pénale, nécessitent un suivi psychiatrique, en particulier lors de leur détention.

Cette commission préconisait notamment la création de centres fermés de protection sociale destinés à accueillir, après l’exécution de leur peine, des personnes considérées comme toujours dangereuses.

Prolongeant le débat dans un cadre parlementaire, une mission d’information a été crée au Sénat en 2005 sur les mesures de sûreté susceptibles d’être prises à l’égard des personnes considérées comme dangereuses. Cette mission, conduite par MM. Philippe Goujon et Charles Gautier s’est rendue au Pays-Bas et en Allemagne pour recueillir des informations sur les dispositifs mis en place par ces pays pour maintenir dans des structures fermées des personnes ayant exécuté leur peine mais considérées comme toujours dangereuses, plaidant pour la création de telles structures en France.

Notre collègue Jean-Paul Garraud a plus récemment été chargé par le Premier ministre d’une mission sur la dangerosité et la prise en charge des individus dangereux. Son rapport préconise également la création d’une mesure de sûreté en milieu fermé.

Le Docteur Roland Coutanceau, entendu par votre rapporteure, s’est déclaré favorable à l’instauration de tels hôpitaux fermés, qu’il juge préférable aux UHSA : les UHSA ont constitué selon lui le compromis français pour éviter le tabou de la prison psychiatrique.

Au total, votre rapporteure souhaite souligner le fait qu’une meilleure prévention de la récidive suppose l’implication de tous les acteurs de la justice et de la santé. En ciblant les soins en détention sur les cas les plus problématiques, en apportant une meilleure coordination des soins avec les soins de ville en amont de la sortie, en développant le port du bracelet électronique mobile à la sortie et, en dernier recours, en maintenant les individus les plus dangereux dans des établissements spécialisés à l’issue de leur peine, on peut sensiblement améliorer la situation actuelle et assurer une meilleure protection de la société contre les individus les plus dangereux.

C. LE BILAN DES PREMIERS MOIS DE FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES POUR MINEURS

Afin de renforcer le dispositif de traitement des mineurs récidivistes ou violents, la LOPJ de 2002 a prévu la création de 420 places de détention dans des établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM). Il s’agit d’équipements nouveaux, dédiés uniquement à la détention des mineurs et, à ce titre, distincts des autres établissements pénitentiaires, y compris dans leur implantation foncière. Placés sous la responsabilité de l’administration pénitentiaire, ils bénéficient d’une intervention renforcée de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).

L’objectif de ce programme est d’offrir aux mineurs des conditions de détention conformes aux engagements internationaux de la France et se rapprochant des systèmes en vigueur chez nos voisins européens : en Allemagne par exemple, les mineurs exécutent leurs sentences dans des centres de détention pour mineurs, distincts de ceux des adultes. Différentes normes dégagées par les Nations unies et par le Conseil de l’Europe – Règles pénitentiaires européennes – encadrent les modalités d’incarcération des mineurs délinquants. Elles préconisent notamment que les mineurs privés de liberté soient placés dans des établissements leur étant spécialement dédiés et que les personnels en contact avec eux aient reçu au préalable une formation spécifique.

Le programme d’ouverture des EPM doit s’accompagner de la fermeture corrélative de 27 quartiers mineurs, dont 6 partiellement, correspondant au total à la fermeture de 430 places. Celle-ci s’étalera sur 2007 et 2008, en lien avec l’ouverture des EPM.

Les quartiers mineurs qui sont maintenus en fonctionnement ont été récemment rénovés pour la plupart, conformément aux prescriptions de la LOPJ de 2002 qui a avait prévu un vaste programme de rénovation, d’extension et de mise aux normes des quartiers des mineurs en faveur de l’amélioration des conditions de vie en détention. En 2003, 125 places ont été créées aux normes définies pour les mineurs et 123 places ont été mises en conformité avec ces dernières. En 2004, 43 places ont été créées et 41 mises aux normes. En 2005, 113 ont été créées et 133 mises aux normes. Parallèlement, 146 places non conformes ont été fermées. En 2006, 43 places ont été créées et 9 mises aux normes. Au total, ce programme aura permis de créer, fin 2006, 411 places aux normes et d’en remettre 347 à niveau. Aujourd’hui la capacité totale d’accueil de mineurs est de 1 176 places dont 860 aux normes, sur 66 établissements pénitentiaires.

Les trois premiers EPM ont ouvert au cours des derniers mois à Lavaur (dans les environs de Toulouse) le 11 juin 2007, à Meyzieu (dans l’agglomération de Lyon), le 13 juin 2007 et Quievrechain (proche de Lille) au début du mois de septembre 2007. Le quatrième EPM vient par ailleurs d’ouvrir à Marseille.

En 2008 ouvriront trois nouveaux EPM : à Orvault (dans l’agglomération de Nantes), Porcheville (dans l’Ouest de l’Ile-de-France) et Meaux-Chauconin (dans l’Est de l’Ile-de-France).

Au total, les sept EPM seront situés à proximité des plus grandes agglomérations françaises, car les mineurs délinquants sont le plus souvent issus des grandes villes et il est souhaitable de ne pas rompre les liens familiaux de ces jeunes.

Le calendrier des ouvertures effectives ou prévisionnelles des EPM est le suivant :

EPM

Date de fin des travaux

Date de mise en service

Lavaur

Avril 2007

Juin 2007

Meyzieu

Avril 2007

Juin 2007

Quiévrechain

Mai 2007

Septembre 2007

Marseille

Juillet 2007

Novembre 2007

Orvault

Novembre 2007

Février 2008*

Porcheville

Décembre 2007*

Février 2008*

Meaux-Chauconin

Juin 2008*

Septembre 2008*

* dates prévisionnelles

Votre rapporteure a souhaité procéder à une première évaluation de ces établissements d’un type nouveau. Elle s’est rendue à l’EPM de Meyzieu près de Lyon pour appréhender la réalité sur le terrain.

1. Le profil des mineurs détenus

Avant d’étudier les conditions de détention en EPM, il n’est pas inutile de rappeler les caractéristiques principales de la population des mineurs qui sont détenus, que ce soit dans les quartiers pour mineurs des maisons d’arrêt ou dans les nouveaux EPM.

Au 1er septembre 2007, 682 mineurs étaient écroués en France sur un total de 60 677 détenus, représentant 1,1 % de la population pénale totale, selon la Statistique mensuelle la population écrouée et détenue en France publiée par la Direction de l’administration pénitentiaire (9).

Les comparaisons annuelles sont établies au 1er janvier de chaque année. Le tableau ci-après retrace l’évolution de la population mineure détenue depuis 2002 :

Mineurs détenus au 1er janvier de chaque année
(stocks)

2002

2003

2004

2005

2006

2007

Prévenus

630

592

467

414

479

461

Condamnés

196

216

272

209

253

268

Total

826

808

739

623

732

729

On ne constate aucune évolution linéaire du nombre de mineurs écroués mais au contraire une grande variabilité, qui se retrouve lorsque l’on analyse les chiffres au cours d’une même année.

Les mineurs détenus sont très majoritairement des garçons (95 % d’entre eux), âgés de plus de 16 ans (90 %), placés en détention pour délit (83 %) et plus particulièrement pour atteintes aux biens (près de 60 % du total). Dans près de 70 % des cas, les placements en détention ne dépassent pas 3 mois.

Des nuances et précisions peuvent cependant être apportées à ce tableau général :

—  Une évolution importante concerne la proportion de filles parmi les mineurs écroués. Malgré leur faible nombre en termes absolus, leur proportion a sensiblement augmenté entre le 1er janvier 2006 et le 1er janvier 2007, passant de 3,8 % à 5,3 % (respectivement 28 et 39 mineures écrouées). Il est à noter que cette évolution ne se vérifie pas dans la population globale, où la proportion de femmes demeure stable d’année en année : 3,7 % des personnes détenues étaient des femmes au 1er janvier 2006 et 3,9 % un an plus tard.

—  Les mineurs de moins de 16 ans, très peu nombreux en termes absolus, voient de même leur proportion augmenter entre 2006 et 2007 : ils représentent 9,7 % de la population mineure écrouée au 1er janvier 2006 contre 12,3 % un an plus tard (respectivement 71 et 90 mineurs de moins de 16 ans écroués).

—  Le nombre de mineurs prévenus a quant à lui quelque peu diminué entre 2006 et 2007 : au 1er janvier 2006, près de deux tiers d’entre eux étaient prévenus (soit 489 individus), alors qu’au 1er janvier 2007, leur part était de 63 % (soit 461 individus). Il est à noter que, bien que suivant la tendance à la baisse observée dans la population carcérale globale, ces proportions restent plus de deux fois supérieures à la part des prévenus dans l’ensemble de la population carcérale : 34 % au 1er janvier 2006 et 32 % un an plus tard.

—  En ce qui concerne les 268 mineurs condamnés au 1er janvier 2007, la quasi-totalité, 267 l’ont été dans le cadre d’une procédure correctionnelle. Parmi ces derniers, 225 (soit 84 %) exécutent une peine inférieure à 1 an (contre 36 % parmi l’ensemble de la population pénale).

Pour entrer dans le détail des procédures correctionnelles, la répartition par infraction au 1er janvier 2007 fait apparaître que les mineurs condamnés pour violences volontaires constituent la proportion la plus large, représentant 35 % de l’ensemble. Ils sont bien plus nombreux que les condamnés pour vol simple (19 %) ou pour vol qualifié (18 %), comme l’illustre le tableau ci-dessous :

MINEURS DÉTENUS CONDAMNÉS PAR TYPE D’INFRACTION PRINCIPALE
AU 1ER JANVIER, MÉTROPOLE ET OUTRE-MER (EFFECTIFS)

Année

Vol simple

Vol qualifié

Autres atteintes aux biens

Homicide volontaire

Coups et blessures volontaires

Infraction à la législation sur les stupéfiants

Viol, attentat aux mœurs

Autres

Ensemble

1997

53

21

4

6

13

5

13

18

133

1998

46

21

6

11

13

8

15

8

128

1999

40

44

6

10

18

8

23

12

161

2000

39

41

4

9

29

4

15

16

157

2001

31

41

5

5

31

5

24

20

162

2002

38

52

3

6

45

9

24

19

196

2003

59

29

11

5

59

8

24

21

216

2004

76

33

18

9

65

11

28

32

272

2005

57

26

12

10

53

9

21

21

209

2006

45

20

13

4

80

11

31

39

243

2007

50

47

11

6

93

7

21

33

268

2. Les conditions de détention en EPM

a) Une prise en charge renforcée…

Placés sous la responsabilité de l’administration pénitentiaire, bénéficiant de l’intervention permanente de la protection judiciaire de la jeunesse, les EPM sont conçus pour placer l’éducatif au cœur de la prise en charge des mineurs détenus en s’appuyant sur un encadrement renforcé.

Chaque EPM comprend 7 unités d’hébergement (1 unité dite « arrivants » de 6 places, 1 unité « filles » de 4 places et 5 unités « garçons » de 10 places chacune), un quartier disciplinaire, un plateau sportif complet, une unité médicale, un secteur scolaire, et une zone socio-culturelle (salles d’activités, bibliothèque, salle de spectacle…).

La configuration architecturale des EPM a été spécifiquement pensée au regard du profil des mineurs détenus : les EPM sont dotés d’un mur d’enceinte, sans mirador, et d’une grande cour centrale avec un terrain de sport. Ils sont conçus sur deux étages seulement, réduisant l’impression d’enfermement.

L’organisation générale d’un EPM se caractérise par un fort encadrement assurant une prise en charge régulière des mineurs 7 jours sur 7, sur une amplitude horaire de 14 heures. La surveillance de nuit incombe à l’administration pénitentiaire. Au total, le personnel d’un EPM comprend : 76 personnels pénitentiaires, dont 70 personnels de surveillance, 43 personnels de la PJJ, dont 36 éducateurs, 4 à 6 enseignants encadrés par un directeur pédagogique, une équipe médicale à hauteur de 5 équivalents temps plein, auxquels s’ajoutent les animateurs d’activités intervenant ponctuellement. Le total des personnels avoisine ainsi un ratio de deux adultes pour un mineur incarcéré.

Des agents des services hospitaliers et du service médico-psychologique régional (SMPR) dont dépend l’EPM complètent cette prise en charge globale par des interventions là encore adaptées aux problématiques propres aux adolescents.

Le fonctionnement des EPM se caractérise par une individualisation de la prise en charge de chaque mineur incarcéré.

La journée de détention s’étend de 7 h 30 à 21 h 30. Chaque mineur détenu se voit proposer un emploi du temps personnalisé, tenant compte de ses besoins et de ses difficultés, comprenant des heures d’enseignement général et technique à raison d’une vingtaine d’heures par semaine, ainsi que des heures d’activités socio-culturelles et sportives, réparties tout au long de la semaine, y compris les samedis et dimanches. L’ensemble de ces activités vise l’émergence de projets de sortie adaptés aux besoins de chaque jeune mais aussi l’engagement d’un processus de resocialisation.

Si l’hébergement de nuit est toujours individuel, sauf avis médical contraire, les temps collectifs sont vus comme essentiels dans l’approche éducative ; ainsi, les repas sont pris en commun, avec les surveillants et les éducateurs, les temps de récréation (promenade, activités ludiques,…) se font ensemble au sein de l’unité de vie.

Le fonctionnement des EPM est fondé sur un travail pluridisciplinaire : l’équipe de direction inclut réglementairement le chef d’établissement, issu de l’administration pénitentiaire, un personnel de surveillance, un représentant de la PJJ et un représentant de l’Éducation nationale. Elle se réunit au moins une fois par semaine pour partager les informations et coordonner les actions de prise en charge des mineurs.

Chaque unité de vie, qui compte 10 mineurs maximum, est animée par un binôme composé d’un surveillant, issu de l’administration pénitentiaire et d’un éducateur, issu de la PJJ, véritables référents des mineurs qui assurent le lien avec l’équipe pédagogique et les parents.

Le maintien des liens familiaux est un enjeu fort du projet éducatif des EPM. C’est d’ailleurs la question de la proximité du lieu de vie des parents qui décide en grande partie de l’incarcération d’un mineur en quartier mineur d’une maison d’arrêt ou en EPM. Les parents sont associés à la vie en détention de leur enfant, et informés chaque semaine des progrès réalisés et des difficultés rencontrées.

b) … induisant des coûts de fonctionnement élevés

Les moyens budgétaires consacrés à la mise en œuvre des EPM sont importants. La construction des 7 EPM a été réalisée pour un coût global de 110 millions d’euros. A ce coût se sont ajoutées les dépenses initiales accompagnant l’ouverture, soit environ 470 000 euros par EPM, comprenant les équipements immobiliers complémentaires non prévus au marché de construction, les acquisitions initiales, tels que véhicules ou moyens de défense. Au total, la construction d’une place en EPM revient à environ deux fois plus cher qu’une place en détention classique (à titre d’exemple, la construction de l’EPM de Meyzieu a coûté 13 millions d’euros pour 60 places alors qu’un établissement de 600 places revient environ à 60 millions d’euros).

Les dépenses reconductibles, en année pleine représentent quant à elles 1,3 million d’euros par an et par EPM, comprenant les crédits de fonctionnement, les coûts moyens liés à la programmation des activités par la PJJ et le coût de la gestion déléguée (dans tous les EPM, les fonctions logistiques de restauration, de nettoyage, de maintenance et d’hôtellerie sont déléguées à un prestataire privé, la société Sigès). Les coûts de personnel de l’administration pénitentiaire représentent par ailleurs 3,5 millions d’euros par an et par EPM.

Au total, la journée de détention revient à environ 150 euros par jour et par mineur incarcéré, soit environ trois fois plus cher qu’en détention classique.

3. Un premier bilan de la participation commune de l’administration pénitentiaire et de la PJJ au sein des EPM

Les EPM de Lavaur et de Meyzieu ont ouvert en juin 2007, celui de Quièvrechain au début du mois de septembre  : l’expérience tirée des premiers mois de fonctionnement de ces structures innovantes est un outil précieux pour l’administration pénitentiaire et la PJJ en vue de la préparation de l’ouverture des prochains établissements en 2008.

a) Un dispositif de retour d’expérience a été mis en place

L’administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse ont mis en place un dispositif de retour d’expérience alimenté par des tableaux de bord mensuels, ainsi que par des audits effectués in situ par les services de l’Inspection des services pénitentiaires et de l’Inspection de la PJJ. Cette méthodologie doit permettre notamment de rendre compte à échéance régulière de l’avancement de la mise en œuvre des EPM et d’évaluer leur « performance » au regard de l’objectif de prévention de la récidive.

Sur la base de ces premiers retours d’expérience, plusieurs points méritent d’être relevés :

—  Les capacités des différents établissements n’ont pas été pleinement utilisées : au 1er août 2007, l’EPM de Lavaur accueillait 26 mineurs dont 18 sont prévenus, et celui de Meyzieu 31mineurs, dont 20 prévenus. Les personnels affectés aux établissements ont donc évolué au gré de la montée en charge progressive des effectifs de mineurs détenus. A Lavaur, la direction de la PJJ avait initialement affecté 24 éducateurs, deux chefs de service éducatif, deux professeurs techniques, un psychologue, un adjoint administratif et un directeur de service, soit une équipe de 31 professionnels correspondant à la capacité d’accueil de la structure alors fixée à 40 places répartie dans quatre unités de vie réservées aux garçons, une aux filles et une aux arrivants. Une rapide augmentation du nombre d’incarcérations et une réorientation des mineurs au sein même de l’EPM ont contraint l’administration pénitentiaire à ouvrir une unité de vie supplémentaire et, par voie de conséquence, ont conduit la PJJ à y affecter 6 nouveaux éducateurs, soit 37 personnels de la PJJ au total.

D’une manière générale, on estime que la capacité réelle des EPM est de 50 places (le quartier arrivant, réservé aux périodes d’arrivée, et le quartier des filles, très peu utilisé, ne doivent en effet pas être comptabilisés dans cette capacité réelle totale).

—  Des problèmes de discipline se sont fait jour dès l’ouverture des établissements. Celui de Meyzieu a connu d’importantes dégradations matérielles et a engagé plusieurs procédures disciplinaires, dont une pour tentative d’agression sur un surveillant.

La majorité des mineurs détenus dans les EPM ont été transférés d’anciens quartiers mineurs d’autres établissements (ceux de Meyzieu venaient des quartiers mineurs des maisons d’arrêt de Lyon et de Villefranche-sur-Saône) et ont souvent eu du mal à identifier les EPM comme des établissements pénitentiaires, certains les qualifiant même de « nouvelles MJC », ce qui a pu entraîner des comportements violents. Avec ces mineurs, le rapport de force tournait au désavantage des personnels qui n’avaient pas encore l’habitude de cette nouvelle structure.

—  La collaboration des personnels de l’administration pénitentiaire et de la PJJ s’est avérée fructueuse, ainsi que votre rapporteure a pu le constater en se rendant à l’EPM de Meyzieu. L’innovation principale de ce nouveau type de structure réside dans le mode de prise en charge des mineurs, du fait de la mixité des personnels affectés dans ces établissements pénitentiaires.

Les rôles de chacun sont clairement définis : à l’Administration pénitentiaire reviennent les tâches d’hébergement et de sécurité ; à la PJJ, un travail sur la personne du mineur, visant à donner un sens à la peine, à ce temps propice – dans le meilleur des cas – à un travail d’introspection et de réflexion sur un rapport déviant à la loi. La PJJ accompagnera le mineur tout au long de son parcours en détention en vue de préparer la sortie la plus adaptée à ses besoins.

Éducateurs et surveillants ont trouvé leur place au sein de binômes qui fonctionnent bien. Ils coordonnent à chaque instant leurs interventions dans l’intérêt bien compris des mineurs. La PJJ met en œuvre, sur un temps court le plus souvent (si des mineurs peuvent être placés en EPM pour de longues peines, le temps moyen d’incarcération est de 3 mois) un programme de suivi des mineurs et d’aide à la construction d’un projet de sortie, en collaboration avec le magistrat qui a placé le mineur en détention et les services de milieu ouvert, afin que soit assurée une bonne continuité de l’action éducative.

b) De premiers enseignements ont déjà pu être tirés

Les visites régulières menées depuis l’ouverture des premiers EPM ont permis aux administrations de recenser les difficultés rencontrées à l’épreuve des faits, de rechercher les réponses adaptées et de mutualiser les initiatives les plus intéressantes. De ces premiers retours d’expérience, l’administration pénitentiaire et la PJJ ont retiré des enseignements qui les ont conduit à opérer d’ores et déjà quelques modifications dans l’organisation des EPM :

—  Il a tout d’abord été décidé d’instaurer le principe d’une montée en charge plus progressive des arrivées dans les prochains EPM, de façon à permettre un meilleur accueil et une meilleure observation des mineurs, notamment lorsqu’ils viennent de quartiers mineurs des maisons d’arrêt ;

—  Il a ensuite été décidé de créer dans chaque EPM une unité de vie avec une prise en charge renforcée : un petit nombre de mineurs particulièrement difficiles sera pris en charge selon un rythme différencié, plus adapté à leur profil particulier ;

—  L’organisation des cours a été repensée : au sein de chaque unité de vie sont constitués deux groupes de niveau, un groupe fort (niveau collège-lycée) et un groupe faible (remobilisation scolaire), ce qui permet de travailler en tout petits groupes, sans contacts entre mineurs de différentes unités de vie, dans le but d’éviter les risques de tension ;

—  Les emplois du temps ont été allégés pour rééquilibrer les temps collectifs et les moments individuels : une période de temps est laissée chaque soir avant le dîner aux mineurs pour qu’ils puissent à leur convenance être seuls dans leurs cellules ou en activités ;

—  Le principe des repas pris en commun au sein des unités de vie avec le binôme éducateur-surveillant est en revanche validé par l’expérience : il est très bien vécu par les personnels, qui y voient un moment privilégié d’échanges avec les mineurs et une poursuite de l’activité éducative. La plupart des mineurs détenus avaient perdu l’habitude de prendre leurs repas en groupe, à table et avec une alimentation équilibrée. La surveillance des repas fait ainsi partie intégrante du travail de réinsertion de ces jeunes ;

—  Devant les problèmes soulevés par les constructions, une série d’améliorations techniques sur le plan de la sécurité des bâtiments est en cours. A Meyzieu, toutes les serrures, dont la solidité était manifestement insuffisante, ont été remplacées.

—  L’administration pénitentiaire et la PJJ réfléchissent par ailleurs à l’instauration de régimes de détention progressifs qui viendraient soutenir la dynamique individuelle d’apprentissage et d’insertion d’un mineur.

Votre rapporteure souhaite souligner trois points qui lui paraissent devoir être améliorés :

—  Il est indispensable que l’administration se dote de moyens pour évaluer l’efficacité des EPM au regard des risques de récidive. Lors de sa visite de l’EPM de Meyzieu, votre rapporteure a constaté que certains mineurs en étaient déjà à leur troisième « séjour ». Votre rapporteure insiste sur la nécessité d’une continuité de la prise en charge éducative à la sortie de détention. Cette question cruciale est au cœur de la lutte contre la délinquance des mineurs.

Ce travail doit aussi associer les familles des mineurs : à Meyzieu, 10 % des mineurs concentrent 80 % des visites des familles. 9 mineurs sur 10 reçoivent peu ou pas de visite de leur famille, alors que, contrairement à Lavaur, il existe un réseau de transports publics pour se rendre aisément à l’EPM. Ce chiffre, qui recouvre des situations bien évidemment différentes, montre cependant à quel point les liens familiaux distendus favorisent la spirale de la délinquance.

—  Il semble nécessaire à votre rapporteure, au moins s’agissant des mineurs condamnés, d’axer davantage le travail éducatif, en lien avec les médecins psychiatres, sur la question du passage à l’acte et de la réitération de la transgression. Le travail éducatif en EPM ne peut être le même qu’en CEF car les mineurs qui y sont envoyés ont commis des actes graves. Les personnels rencontrés par votre rapporteure ont constaté chez certains jeunes une absence complète de normes de vie. Leur réinsertion passe inévitablement par un travail important sur les règles et sur la notion de transgression.

—  Il semble également important à votre rapporteure de revoir le régime disciplinaire des mineurs détenus : les décrets relatifs à la prise en charge des mineurs incarcérés ont été publiés les 9 et 11 mai 2007. Or, le décret du 11 mai a eu des conséquences inattendues ainsi que l’ont signalé à votre rapporteure les personnels de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Lyon : en rendant nécessaire une décision de la commission de discipline pour toute sanction disciplinaire, il a induit une perte de réactivité de la procédure disciplinaire applicable aux mineurs, la réunion de la commission de discipline supposant une notification préalable aux avocats, d’où un délai minimum d’une semaine entre l’acte commis et la sanction. De même, il ne prévoit de placement en quartier disciplinaire qu’en cas de menaces et non d’insultes aux personnels, alors que ces dernières sont très mal vécues par les personnels et peuvent s’avérer extrêmement violentes.

D’une manière plus générale, s’agissant de la délinquance des mineurs, la conviction de votre rapporteure est qu’il est nécessaire de maintenir une continuité dans la prise en charge des mineurs délinquants : il s’agit de trouver la réponse adaptée à chaque cas, une réponse rapide, proportionnée à l’acte de délinquance commis et adaptée à la personnalité du mineur mais en s’assurant de la cohérence des différentes réponses apportées à un même mineur. Cela suppose un raisonnement axé sur le mineur et non sur la mesure.

II. — LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

La direction de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) du ministère de la Justice concourt à la préparation – par ses missions d’investigation et de permanence auprès des tribunaux pour enfants – et à l’exécution des décisions prises par les juridictions pour mineurs, au pénal comme au civil. Ces décisions, qui sont mises en œuvre par le secteur public et le secteur associatif habilité, soit en milieu ouvert, soit dans des structures d’hébergement, concernent des mineurs délinquants (dont les crédits figurent à l’action 01 du programme « Protection judiciaire de la jeunesse »), des mineurs en danger et des jeunes majeurs (dont les crédits sont regroupés dans l’action 02 de ce programme).

L’activité de la PJJ est déséquilibrée à l’avantage des mesures pénales : sur un total de 110 000 mineurs pris en charge par la PJJ en 2006, 83 000 l’étaient au titre d’une mesure pénale, 9 000 d’une mesure de réparation et 18 000 au civil. En tendance, on constate une augmentation constante de la part de l’activité pénale de la PJJ, en raison de l’accroissement de la délinquance des mineurs et d’un recentrage de la PJJ sur sa mission de lutte contre cette délinquance. De fait, si l’activité civile est partagée avec les conseils généraux, seule la PJJ est chargée de la prise en charge pénale des mineurs délinquants.

Dans ce cadre, sa mission consiste à prévenir la récidive en maintenant une action préventive et éducative renforcée. Lors de son audition par votre commission des Lois, le Garde des Sceaux a rappelé que sa priorité est d’apporter une réponse adaptée et rapide à chaque acte de délinquance.

Face à l’aggravation des faits de violence commis par des délinquants de plus en plus jeunes, la politique de lutte contre la délinquance des mineurs a consisté ces dernières années en un élargissement de la palette des mesures visant à lutter contre les infractions graves et la récidive.

Ainsi, la loi 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a diversifié les réponses judiciaires en instaurant de nouvelles procédures, telles l’extension de la composition pénale aux mineurs de 13 à 18 ans ou l’introduction des procédures alternatives aux poursuites dans l’ordonnance de 1945. Afin de favoriser une meilleure réinsertion des mineurs délinquants, elle a par ailleurs créé une mesure éducative d’activité de jour (MAJ) reposant sur l’insertion professionnelle ou scolaire en milieu ouvert et qui donnera un cadre juridique aux actions que mène d’ores et déjà la PJJ en cette matière. Les possibilités de placement sous contrôle judiciaire des mineurs de 13 à 16 ans ont par ailleurs été étendues, la procédure de jugement à délai rapproché, désormais intitulée « présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs », a été assouplie, et une nouvelle possibilité d’exécution de peine aménagée en centre éducatif fermé (CEF) a été créée dans le cadre du placement à l’extérieur.

Afin de renforcer la répression effective de la récidive, la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs a, quant à elle, instauré des peines minimales de privation de liberté, applicables aux majeurs et aux mineurs, et, par ailleurs, élargi les exceptions que l’ordonnance de 1945 prévoit à l’atténuation des peines (« excuse de minorité ») pour les mineurs de plus de 16 ans.

Les objectifs et priorités de la politique gouvernementale ont été rappelés dans une circulaire du 28 juin 2007 relative à la lutte contre les violences imputables à des mineurs réitérants et récidivistes. Cette circulaire préconise particulièrement une meilleure cohérence de la réponse pénale et une exécution effective des peines prononcées.

Pour être menée à bien, cette mission suppose des moyens financiers suffisants et, surtout, bien employés. Dans un contexte budgétaire difficile, il est du devoir de chaque administration de veiller à la meilleure allocation des ressources possible. C’est à cette aune que votre rapporteure souhaite juger le budget de la PJJ pour 2008.

A. UN BUDGET DE CONSOLIDATION

1. Des crédits en progression par rapport à 2007 de 6,44 % en autorisations d’engagement et de 1,6 % en crédits de paiement

Le budget de la PJJ s’élève à 809 millions d’euros en crédits de paiement, dont 502 millions pour le secteur public (soit 62 %) et 307 millions pour le secteur associatif (soit 38 %). Ce montant global se répartit comme suit entre les différentes actions du programme :

PRÉSENTATION PAR ACTION DES CRÉDITS DEMANDÉS POUR 2008

Numéro et intitulé de l’action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Part en crédits de paiement

01

Mise en oeuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants

435 452 553

419 587 871

52 %

02

Mise en oeuvre des mesures judiciaires : mineurs en danger et jeunes majeurs

258 820 824

246 427 075

30 %

03

Soutien

143 328 076

102 990 746

13 %

04

Formation (Centre national de formation et d’études)

33 055 971

40 055 971

5 %

Totaux

870 657 424

809 061 663

100 %

—  En autorisations d’engagement, les crédits de la PJJ s’élèvent à 870,7 millions d’euros, soit une hausse par rapport à 2007 de 52,7 millions d’euros (+ 6,44 %) :

Autorisations d'engagement par nature de dépenses
(compris loyers budgétaires et transfert SPIP)

LFI 2007

PLF 2008

Évolution

Secteur public

479 349 891

536 387 424

57 037 533

11,90 %

dont personnels

393 733 432

409 352 424

15 618 992

3,97 %

dont fonctionnement

65 723 729

64 516 396

-1 207 333

- 1,84 %

dont investissement

16 854 882

55 038 553

38 183 671

226,54 %

dont intervention

3 037 848

7 480 051

4 442 203

146,23 %

Secteur habilité

338 600 000

334 270 000

-4 330 000

- 1,28 %

Total PJJ

817 949 891

870 657 424

52 707 533

6,44 %

—  En crédits de paiement, les crédits de la PJJ s’élèvent à 809 millions d’euros, soit une hausse de 12,7 millions d’euros par rapport à 2007 (+ 1,6 %) :

Crédits de paiement
par nature de dépenses

(compris loyers budgétaires et transfert SPIP)

LFI 2007

PLF 2008

Évolution

Secteur public

484 535 235

502 089 663

17 554 428

3,62 %

dont personnels

393 733 432

409 352 424

15 618 992

3,97 %

dont fonctionnement

65 723 729

63 218 635

- 2 505 094

- 3,81 %

dont investissement

22 040 226

22 038 553

- 1 673

-0,01 %

dont intervention

3 037 848

7 480 051

4 442 203

146,23 %

Secteur habilité

311 810 000

306 972 000

- 4 838 000

- 1,55 %

Total PJJ

796 345 235

809 061 663

12 716 428

1,60 %

Ces crédits permettront le financement des quatre priorités de la PJJ pour 2008 :

—  Lutter contre la récidive des mineurs en intensifiant les activités éducatives

Les éducateurs de la PJJ interviennent aussi bien en milieu ouvert, que dans les établissements d’hébergement (foyers, centres de placement immédiat, centres éducatifs fermés…) ou, depuis 2002, en détention (quartiers mineurs des établissements pénitentiaires et établissements pénitentiaires pour mineurs).

Compte tenu de l’ouverture sur deux ans de 7 EPM et de la poursuite du programme d’ouverture des CEF, de nouveaux recrutements d’éducateurs sont rendus nécessaires.

—  Disposer d’un hébergement collectif public adapté

En 2008, le chantier de la mise aux normes des établissements d’hébergement lancé à la suite de l’audit de 2004 sera achevé. 2 millions d’euros y seront consacrés cette année.

Par ailleurs, la construction de 8 établissements neufs, représentant un montant de 37 millions d’euros en autorisations d’engagement, sera lancée en 2008 avec le concours de l’Agence de maîtrise d’ouvrage des travaux du ministère de la Justice (AMOTJ) selon une formule innovante pour financer ses constructions : la location avec option d’achat (AOT-LOA). Ces établissements seront 7 foyers d’action éducative situés respectivement à Liévin (62), Quimper (29), La Roche-sur-Yon (85), Laon (02), Clermont-Ferrand (63), Melun (77) et Mont-de-Marsan (40), et un centre éducatif fermé (CEF) situé à Cambrai (59).

Au total, 49 millions d’euros d’autorisations d’engagement sont inscrits au PLF 2008 en immobilier contre 10,7 millions d’euros en 2007.

Par ailleurs, la prise en charge médico-psychiatrique des mineurs sera renforcée à titre expérimental dans 5 CEF, avec le recrutement de psychiatres, de psychologues et d’infirmiers supplémentaires, répondant ainsi aux besoins des jeunes qui y sont placés.

—  Rénover la formation des personnels de la PJJ

Le transfert de l’École nationale de Protection judiciaire de la jeunesse de Vaucresson à Roubaix sera effectif en 2008. Les premiers élèves seront accueillis à Roubaix en septembre 2008 au sein d’une promotion élargie de 200 élèves, contre 150 éducateurs formés annuellement jusqu’à cette année. 7 millions d’euros seront consacrés à l’achèvement du chantier (évalué à 23 millions d’euros au total).

La formation dispensée à l’ENPJJ a été repensée pour être mieux adaptée aux enjeux auxquels sont confrontés aujourd’hui  les éducateurs : il était nécessaire de faire évoluer les méthodes de formation pour les adapter aux publics confiés à la PJJ par les tribunaux et aux nouveaux cadres législatifs. Votre rapporteure se félicite de l’effort ainsi engagé.

D’une manière générale, l’adaptation de la formation des personnels aux publics pris en charge par la PJJ s’est faite au travers de modules expérimentaux à destination des personnels appelés à exercer leurs missions dans les structures nouvellement mises en place ou dans lesquelles le rôle de la PJJ a été modifié par la loi, mais également parfois par l’introduction de modules adaptés dans la formation initiale des éducateurs ou des autres catégories de personnels. Il en est ainsi depuis 2003 pour la formation des agents affectés en CEF qui ont été sensibilisés aux spécificités de la prise en charge des mineurs dans ce cadre juridique. De même, une formation d’adaptation spécifique pour les agents affectés dans des établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) a permis aux personnels, tant pénitentiaires que de la PJJ, de repérer les principaux axes de leur partenariat dans les nouveaux établissements : il s’agit principalement de créer une culture commune entre personnels appartenant à deux administrations différentes et de favoriser la cohésion des équipes et l’intervention des personnels agissant dans des registres différents.

—  Poursuivre la maîtrise des dépenses du secteur associatif

La maîtrise des dépenses du secteur associatif habilité, engagée depuis 2006 en concertation avec les conseils généraux et les fédérations associatives, permet de financer dans le cadre du budget 2008 l’ensemble des projets engagés et de résorber le retard de paiement de l’État (cf. infra).

2. Un nombre d’ETPT en augmentation pour une création nette de 100 emplois en 2008

a) Le plafond d’autorisations d’emplois est en augmentation par rapport à 2007

La LOLF fait référence à la notion de plafond d'emplois équivalents temps plein travaillé autorisés pour une année donnée, qui a remplacé celle d'emplois budgétaires.

Le plafond d’autorisation d’emplois pour le programme PJJ en 2008 s’élève à 9 027 équivalents temps plein travaillés (ETPT), contre 8 806 en 2007.

Les tableaux ci-après décrivent la répartition par action et par corps de ce plafond global.

—  Par action

Action

ETPT

Action 1 : Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants

4 774

Action 2 : Mise en oeuvre des mesures judiciaires : mineurs en danger et jeunes majeurs

2 051

Action 3 : Soutien

1 623

Action 4 : Formation

579

TOTAL

9 027

La répartition des emplois entre l’action 1 (prise en charge des mineurs délinquants au pénal) et l’action 2 (prise en charge des mineurs en danger et des jeunes majeurs au civil) est le résultat du recours accru des juges aux mesures judiciaires pénales et du recentrage de l’activité de la PJJ sur les mesures pénales. Ainsi, les personnels affectés à l’action 1 représentaient 50,8 % de l’ensemble des personnels en 2006, 51,9 % en 2007 et représenteront 52,9 % en 2008. Parallèlement, la part des personnels relevant de l’action 2 est en diminution : ils représentaient 23,8 % des personnels en 2006, 23,1 % en 2007 et en représenteront 22,7 % en 2008.

—  Par corps

Corps

ETPT en 2006

ETPT en 2007

ETPT en 2008

Magistrats

12

12

10

Personnel d'encadrement (10)

2 398

2 406

2 435

Personnels du greffe, de l'insertion et de l'éducatif (11)

3 666

3 728

4 136

Personnels administratifs et techniques (B)

365

365

382

Personnels administratifs et techniques (C) (12)

2 289

2 295

2 064

TOTAL

8 730

8 806

9 027

La répartition des emplois par corps montre une augmentation de la part de la catégorie « B : métiers du greffe, de l’insertion et de l’éducatif » depuis 2006. Les éducateurs représentent le cœur de métier de la PJJ et leur nombre croît directement avec l’activité de celle-ci : en 2006, la part de cette catégorie d’emplois représentait 43,5 % de l’ensemble des personnels, elle en représentait 45,3 % en 2007 et en représentera 45,8 % en 2008.

Entre 2007 et 2008, le nombre d’ETPT croît de 221, ce qui, compte tenu du fait que tous les ETPT ne sont pas effectivement pourvus – cf. infra –, doit se traduire par la création effective de 100 emplois selon les informations transmises à votre rapporteure par le ministère de la Justice. Compte tenu du contexte global dans lequel s’inscrit le PLF pour 2008, cette augmentation reste remarquable, d’autant que, depuis 2002, la PJJ a enregistré une augmentation de 1 500 emplois effectivement pourvus.

b) L’entrée en vigueur de la LOLF a favorisé une meilleure gestion des ressources humaines au sein de la PJJ

Les différents interlocuteurs que votre rapporteure a pu rencontrer lors des auditions qu’elle a menées ou des déplacements qu’elle a effectués ont souligné le fait de la LOLF, qui a globalisé les moyens alloués aux gestionnaires, a permis une gestion plus souple des ressources humaines au sein de chaque direction régionale de la PJJ.

Les 15 directeurs régionaux de la PJJ, qui sont chacun gestionnaire d’un budget opérationnel de programme (BOP), affectent au gré des besoins les crédits dont ils disposent, ce qui induit une meilleure allocation des ressources.

Dans le cadre des conférences annuelles de BOP, un contrat d’objectifs et de moyens (COM) exposant les objectifs chiffrés à atteindre et les moyens attribués pour l’année à venir est négocié pour chaque région, à partir d’un bilan des résultats obtenus au cours des exercices antérieurs. Si l’autonomie du responsable de BOP est très large, tant en matière de recrutement que d’affectation des personnels, il doit rendre régulièrement compte des résultats obtenus au regard des objectifs fixés par le COM. La mise en place d’une carte des emplois a permis de déterminer le plafond d’emplois de chacune des régions en fonction de critères objectifs, tout en maintenant l’autonomie des responsables de programme.

Autre facteur de souplesse, la PJJ est autorisée depuis décembre 2003 à recruter assez largement des agents contractuels. Au regard des particularités de gestion auxquelles est confrontée la protection judiciaire de la jeunesse et des objectifs fixés par la LOPJ de 2002, la direction de la PJJ a en effet obtenu du ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire l’autorisation de recruter 10 % de ses effectifs budgétaires sur une base contractuelle. Depuis l’entrée en vigueur de la LOLF, ce dispositif a été reconduit chaque année : dans le cadre de chaque programmation budgétaire initiale est fixé le nombre maximum d’agents non titulaires pouvant être recrutés (en ETPT), avec répartition indicative de ces effectifs par direction régionale. S’agissant de l’année 2007, le plafond d’emplois de contractuels pour la protection judiciaire de la jeunesse a été porté de 950 à 1 150.

Le recrutement de personnels contractuels présente des avantages liés directement aux spécificités de la PJJ :

—  Ils permettent d’assurer le fonctionnement en continu des établissements d’hébergement en réduisant à son minimum la vacance frictionnelle résultant des aléas de la gestion des personnels, dû au temps de latence s’écoulant entre un départ et une mutation de remplacement, décidée après passage en commission administrative paritaire ;

—  Ils permettent d’adapter très finement la répartition des personnels aux variations de prescriptions des magistrats, notamment en matière d’investigations ;

—  Ils sont un excellent moyen d’intégrer progressivement des professionnels ayant une expérience diversifiée. Ainsi, très souvent, les personnels contractuels réussissent par la suite les concours de la PJJ ;

Si votre rapporteure se félicite de cette situation et de l’amélioration induite de la prise en charge des mineurs à moyens constants, elle reste particulièrement attentive à cette importante question des recrutements de la PJJ, d’autant que des difficultés subsistent en la matière :

—  Il est important tout d’abord de noter que les crédits du titre II s’avèrent insuffisants pour pourvoir tous les emplois autorisés par le plafond d’emplois voté en loi de finances. Ainsi, en 2006, l’ensemble des emplois autorisés au titre de la loi de finances initiale n’ont pas été consommés : au total 334 emplois n’ont pas été répartis, faute de masse salariale correspondante.

—  Le recours accru au recrutement d’agents contractuels s’explique aussi par les difficultés rencontrées par la PJJ pour le recrutement d’agents titulaires. À titre d’exemple, peu nombreux ont été les éducateurs titulaires qui se sont portés volontaires pour travailler dans les nouveaux établissements pénitentiaires pour mineurs. À titre d’exemple, à l’EPM de Meyzieu, les éducateurs recrutés sont pour moitié des contractuels et pour moitié des personnes recrutées sur titre.

3. Un accroissement continu des capacités d’hébergement de la PJJ

a) La restructuration du patrimoine immobilier de la PJJ…

Lors de son audition par votre rapporteure, M. Philippe-Pierre Cabourdin, directeur de la Protection judiciaire de la jeunesse a souligné les rigidités dont souffre traditionnellement la PJJ en matière de gestion immobilière, mais aussi les efforts qui ont été engagés pour répondre à ces difficultés.

Le parc immobilier de la PJJ présente la particularité d’être composé, pour l’essentiel, de petits bâtiments qui ne sont pas tous adaptés à la prise en charge de mineurs. Au 1er juillet 2007, il comptait 550 unités dispersées sur 360 sites, totalisant une surface de plus de 364 000 m², dont 281 000 m² en propriété, auxquels il convient d’ajouter les locaux mis à la disposition de la PJJ. Ces locaux sont souvent de grandes maisons à étages qui ne répondent pas toujours aux normes de sécurité en vigueur, ce qui a obligé la PJJ à lancer de lourds travaux de rénovation à la suite des conclusions de l’audit réalisé en 2003.

La PJJ s’est engagée depuis plusieurs années sur un programme de rationalisation de la gestion immobilière de ses structures et services publics, notamment par la création d’un bureau dédié aux équipements au sein de l’administration centrale en septembre 2003. Ce bureau a essentiellement pour mission d’élaborer, en relation avec les directions régionales, la programmation des investissements publics, de gérer le BOP immobilier de la PJJ, d’approuver les programmes techniques et fonctionnels ainsi que les principales étapes du déroulement des opérations immobilières dans chaque région et de décider des cessions et des acquisitions.

Ce programme prévoit par ailleurs une assistance accrue de l’administration centrale aux échelons déconcentrés, l’administration centrale jouant un rôle de pilote et d’animateur de la politique immobilière. Cette assistance est marquée par la fourniture aux directions régionales de repères méthodologiques pour la maîtrise d’ouvrage et pour le suivi des projets immobiliers. Des « référentiels fonctionnels et techniques » ont déjà été élaborés pour les centres éducatifs fermés (CEF), les structures administratives, les foyers d’hébergement et les centres d’activité de jour.

La PJJ a par ailleurs entrepris une politique ambitieuse de valorisation de son patrimoine, qui se traduit notamment par la cession ou la restructuration de sites ou de bâtiments aujourd’hui inadaptés. Elle relaye ainsi la politique gouvernementale de cessions des actifs immobiliers de l’État en remettant aux Domaines des implantations essentiellement situées dans les centres villes et qui sont peu adaptées à ses missions ou qui nécessitent d’importants travaux de réhabilitation.

En 2006, poursuivant son approche volontariste entamée en 2005, la PJJ ainsi a vendu une douzaine de sites pour un montant supérieur à 2,8 millions d’euros. Au titre de l’année 2007, trois nouvelles cessions ont été effectuées au cours du premier semestre à Reims, Rodez et Saint-Lô et dix-huit sont susceptibles d’intervenir d’ici la fin de l’année pour un montant total estimé de 17,7 millions d’euros. Le site de l’ancienne école nationale de la PJJ et son annexe, situé à Vaucresson, représente à lui seul un montant de 10 millions d’euros. La municipalité a déjà indiqué son souhait d’acquérir les deux emprises, notamment pour y réaliser des logements sociaux. La vente devrait se réaliser en fin d’année 2007 ou en début d’année 2008.

Les produits des différentes cessions, versés sur le compte d’affectation spéciale « dépenses immobilières », font bénéficier la PJJ de crédits destinés à la poursuite de l’amélioration et à l’entretien de ses équipements immobiliers, les crédits de paiement pour 2007 étant très largement consacrés à la construction de la nouvelle école à Roubaix, dont l’ouverture est prévue en 2008. Les ressources du compte d’affectation spéciale ont déjà permis d’accroître les volumes d’investissements de la PJJ de plus de 2 millions d’euros en 2006 et de 7 millions d’euros en 2007.

Cet important programme de cession nécessite en contrepartie la recherche de nouvelles implantations mieux adaptées pour couvrir les besoins en hébergement. Dans le contexte actuel, caractérisé par des prix de l’immobilier particulièrement élevés et la difficulté de trouver de nouvelles implantations, l’ouverture d’une structure d’hébergement de la PJJ n’étant pas toujours vue d’un bon œil par les riverains, cette recherche s’avère extrêmement délicate. C’est pourquoi un marché national de prospection foncière a été passé avec un prestataire extérieur en vue d’aider les services déconcentrés de la PJJ à trouver de nouveaux sites.

b) … s’accompagne d’un accroissement de ses capacités d’hébergement

L’état dégradé du patrimoine de la PJJ et la nécessité de créer de nouveaux équipements pour répondre aux priorités des conseils de sécurité intérieure de 1998 et 1999 (qui ont créé les centres de placement immédiat et les centres éducatifs renforcés) et la loi d’orientation et de programmation pour la justice de 2002 (qui a instauré les centres éducatifs fermés) nécessitait une forte programmation immobilière.

Poursuivant l’effort de construction de structures nouvelles, ce sont 130 nouvelles places d’hébergement qui seront livrées en 2008, dont 118 dans des centres éducatifs fermés. En 2009, 8 nouvelles structures ouvriront, pour lesquelles les crédits, qui s’élèvent à quelque 37 millions d’euros d’autorisation d’engagement, sont inscrits dans le PLF pour 2008.

Dans un contexte budgétaire tendu, la PJJ a fait appel à un financement dit en « AOT-LOA » (autorisation d’occupation temporaire – location avec option d’achat) pour ces 8 opérations immobilières. Le financement par « AOT-LOA » confie à un opérateur privé la construction des bâtiments. Une convention d’assistance à la maîtrise d’ouvrage a été par ailleurs signée avec l’Agence de maîtrise d’ouvrage des travaux du ministère de la Justice (AMOTJ).

B. QUEL BILAN POUR LES CENTRES ÉDUCATIFS FERMÉS ?

Prolongeant les premières analyses contenues dans ses avis établis au nom de notre commission des Lois sur les budgets pour 2006 et 2007, votre rapporteure a souhaité évaluer l’efficacité des CEF dont le nombre s’est depuis considérablement accru : il existe aujourd’hui 32 CEF en activité (contre 18 à la même époque l’an dernier), soit 338 places (contre 170 l’an dernier).

Pour cela, elle s’est rendue dans le CEF de Savigny-sur-Orge dans l’Essonne où elle a pu s’entretenir avec les responsables du centre, les éducateurs, mais aussi les mineurs hébergés, ce qui lui a permis de mieux appréhender les problématiques propres à ce type de structures.

1. Une montée en charge progressive du dispositif

a) Les CEF ont été institués par la LOPJ de 2002

L’article 33 de l’ordonnance du 2 février 1945, introduit par la LOPJ de 2002, définit les CEF comme des structures publiques ou privées habilitées dans lesquelles les mineurs délinquants multirécidivistes de 13 à 18 ans sont placés, pour une durée de 6 mois renouvelable une fois, en application d’un contrôle judiciaire, d’un sursis avec mise à l’épreuve, d’une libération conditionnelle ou, depuis la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, dans le cadre d’un placement à l’extérieur (13). Ces mineurs font l’objet de mesures de surveillance strictes, assorties d’un suivi éducatif et pédagogique renforcé : on parle alors de « prise en charge éducative contrainte ».

La violation des obligations auxquelles le mineur est astreint en vertu des mesures qui ont conduit à son placement en CEF peut entraîner, selon les cas, son placement en détention provisoire ou son incarcération.

Le placement en CEF représente, dans bien des cas, une alternative à l’incarcération et constitue pour les magistrats un moyen de hiérarchiser l’intensité de leurs décisions, en confiant un mineur à une structure distincte de la détention mais qui propose un cadre éducatif contraignant, grâce à des moyens humains importants et qui envisage la contrainte comme une protection autant que comme un moyen éducatif. L’objectif fondamental du placement en CEF est d’éloigner les mineurs de leur cadre habituel, leur enseigner les savoirs fondamentaux et leur donner un projet professionnel pour les faire sortir de la spirale de la délinquance.

b) Le nombre de places prévues par la LOPJ sera quasiment atteint en 2009

À la fin du mois d’octobre 2007, 32 CEF étaient en activité. À l’horizon 2009, 47 CEF seront ouverts, dont 37 gérés par le secteur associatif et 10 par le secteur public, pour un total de 512 places disponibles. Cette capacité, légèrement inférieure aux objectifs fixés par la LOPJ (600 places), correspond cependant aux besoins et s’inscrit dans un schéma global de prise en charge des mineurs délinquants. On trouvera en ANNEXE un tableau et une cartographie des différents CEF implantés sur tout le territoire.

Votre rapporteure souhaite rappeler que les débuts de la mise en place du programme CEF ont été marqués par quelques difficultés.

Des difficultés de nature immobilière, tout d’abord : la PJJ n’a pas la maîtrise de ses implantations géographiques, qui sont souvent davantage déterminées par les contextes politiques locaux que par les besoins en termes de délinquance. Par ailleurs, il est arrivé que, malgré la volonté et l’engagement politique local, les projets d’implantation ne voient finalement pas le jour en raison de l’hostilité des habitants de la commune. Les locaux choisis sont soit des locaux anciens réaménagés, soit de nouveaux bâtiments qu’il a été nécessaire de construire, ce qui a allongé la mise en œuvre du programme. Pour ce qui est du secteur public, l’application des règles des marchés publics porte à trois ans le délai minimum de mise en service d’une nouvelle structure. La PJJ a aussi rencontré le problème de la défaillance financière de certains porteurs de projet associatif durant la phase de construction des locaux.

Il faut, en outre, faire coïncider la fin des travaux avec la nomination effective des personnels nécessaires à son fonctionnement. Or, les CEF ont aussi rencontré des difficultés de personnel : du fait du nombre insuffisant d’éducateurs titulaires s’étant portés volontaires, la PJJ a dû faire appel à des éducateurs contractuels qui ont dû recevoir une formation spécifique. Un autre problème réside dans la difficulté à stabiliser les équipes chargées du pôle santé, la mise à disposition de médecins psychiatres étant particulièrement difficile.

2. La mise en place expérimentale en 2008 de 5 CEF à prise en charge médico-psychiatrique renforcée

a) La dégradation de la santé mentale des mineurs hébergés dans les structures de la PJJ…

Dans son avis sur les crédits de la PJJ inscrits au PLF pour 2007, votre rapporteure avait souligné que des progrès pouvaient être faits en matière de prise en charge médico-psychologique des mineurs placés en CEF, notamment une meilleure prise en considération des problématiques psychiatriques et des troubles du comportement.

Elle avait souligné la dégradation de l’état de santé des mineurs, qui préoccupe particulièrement les professionnels en charge de ces structures : une dégradation de leur état de santé physique (consommation de produits toxiques, troubles de l’alimentation, grossesses précoces…) mais aussi psychique (dépressions, pathologies identifiées par les psychiatres engendrant des comportements perturbateurs, des violences, des dégradations, des brutalités et de grandes difficultés à établir des relations avec autrui…). Elle avait appelé pour ces jeunes au développement d’un réel partenariat de la PJJ avec le secteur pédo-psychiatrique.

Des études menées par ailleurs sur les mineurs placés en détention montrent la dégradation de la santé mentale de ces jeunes : une étude de la santé mentale de la population pénitentiaire connue des SMPR, étude transversale descriptive menée du 1er au 30 juin 2001, a montré que, sur les 93 mineurs (sur un total de 4 788 patients détenus) alors suivis par les 23 SMPR existants, 16 % (soit 15 mineurs) avaient des antécédents de suivi antérieur par le secteur de psychiatrie. Trois diagnostics sont plus fréquemment mentionnés : troubles des conduites, trouble de la personnalité de type dyssocial et trouble du comportement lié à l'intoxication aiguë à l’alcool.

Lors de son déplacement au CEF de Savigny-sur-Orge, votre rapporteure a appris que la moitié des jeunes qui arrivent dans ce CEF font l’objet d’une injonction de soins ou présentent des troubles de nature psychiatrique.

b) … conduit le ministère de la Justice à mener une expérimentation de CEF à prise en charge médico-psychiatrique renforcée

Le Garde des Sceaux a annoncé le 22 juin dernier, dans un discours prononcé à Bobigny, sa décision de mener, à partir de janvier 2008, dans 5 CEF existants une expérimentation consistant à renforcer la prise en charge médico-psychiatrique des mineurs qui y sont reçus. Le CEF de Savigny-sur-Orge (Essonne), que votre rapporteure a visité, fait partie des sites choisis pour l’expérimentation, avec 4 CEF gérés par le secteur associatif habilité : Valence (Drôme), Moissannes (Haute–Vienne), Saint–Venant (Pas–de–Calais) et La Jubaudière (Maine–et–Loire).

L’équipe thérapeutique traditionnelle des CEF est composée d’un psychologue et d’un infirmier. La prise en charge renforcée dans les 5 CEF concernés par l’expérimentation consistera dans le recrutement de praticiens supplémentaires, dans une limite maximale de 5 ETPT pour chacune des structures, soit un psychiatre, un psychologue et trois infirmiers. Compte tenu de l’importante pénurie de médecins psychiatres dans notre pays, la mise en œuvre de cette expérimentation pourrait cependant rencontrer quelques difficultés.

Le budget alloué à cette expérimentation pour l’année 2008 a été évalué à 2 millions d’euros, soit 0,4 million d’euros par CEF.

L’objectif de cette expérimentation est de prendre en charge de façon conjointe, c’est-à-dire sur les plans à la fois éducatif et psychiatrique, les jeunes dont les troubles du comportement ne peuvent être pleinement traités dans les CEF dits « classiques ». Ce sont des adolescents pour lesquels la prise en charge psychiatrique hospitalière n’est pas justifiée, du fait de l’absence de pathologies psychiatriques avérées, mais qui, en raison de leur comportement, mettent à mal les structures éducatives dans leur ensemble.

La durée de l’expérimentation est prévue pour un an. Elle fera l’objet d’une évaluation permanente, tant par la PJJ que par la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins du ministère de la Santé, et d’un bilan à mi–parcours qui devront permettre d’évaluer l’opportunité de sa généralisation.

Les 5 CEF concernés par l’expérimentation ne seront pas « spécialisés » dans un type de profils de mineurs ayant des troubles du comportement. Continueront d’y être envoyés les mineurs des régions concernées. La comparaison de l’efficacité relative du renfort psychiatrique qui sera faite au bout de 6 mois permettra d’évaluer si tous les CEF doivent en bénéficier.

3. Quel bilan pour les CEF au bout de 4 ans de fonctionnement ?

Depuis 2003, date de l’ouverture des premiers CEF, 1 215 mineurs ont été accueillis, dont 130 filles, ce qui donne un recul suffisant pour établir un bilan de ces structures innovantes. Votre rapporteure souhaite évaluer, ainsi qu’y invite la LOLF, le bilan coût-avantage des CEF : il semble légitime de se demander si les moyens dévolus au CEF permettent de lutter efficacement contre la délinquance des mineurs.

a) Le public pris en charge est un public particulièrement difficile

Avant d’aborder la question du bilan, il convient de rappeler que les mineurs placés en CEF sont des mineurs particulièrement difficiles, qui nécessitent une prise en charge spécifique.

Les mineurs envoyés dans les CEF sont des mineurs multirécidivistes que des placements dans d’autres structures de la PJJ n’ont pas suffi à détourner de leur parcours délinquant. Bien souvent, les magistrats considèrent le placement en CEF comme la dernière étape possible avant l’incarcération (14).

À leur arrivée au CEF, l’ensemble des jeunes accueillis est en échec total. Aucun dispositif existant n’a pu apporter à leur cas de réponse adéquate, qu’elle soit judicaire ou sociale. Les études ont montré que :

—  30 % des mineurs pris en charge étaient incarcérés avant d’être placés dans un CEF, ce chiffre atteignant 45 % pour les mineurs âgés de 16 à 18 ans ;

—  90 % d’entre eux ont déjà été condamnés ou poursuivis ;

—  70 % ont fait l’objet d’une mesure de protection administrative avant leur placement ;

—  76 % avaient déjà fait l’objet d’un placement judiciaire et 33% avaient même déjà été placés plus de 3 fois avant le placement en CEF.

La prise en charge des mineurs dure 6 mois, renouvelable une fois (pour une durée qui varie selon les profils et les projets développés mais ne peut être supérieure à 6 mois). Au cours de cette période, les mesures éducatives connaissent trois phases, ainsi que cela a été expliqué à votre rapporteure lors de sa visite de l’établissement de Savigny-sur-Orge : la phase d’accueil et d’observation fait une large place au volet santé (entretiens avec des médecins et des psychologues, activités sportives, cours de physiologie et de nutrition destinés à améliorer l’hygiène de vie de jeunes très souvent totalement déstructurés). Puis vient la mise en place de l’insertion pour laquelle le CEF de Savigny fait notamment appel à un prestataire extérieur pour des cours de remobilisation professionnelle. Enfin, la dernière phase consiste dans une préparation plus active à la sortie au cours de laquelle les éducateurs préparent avec le mineur soit une prise en charge par une autre structure d’hébergement, soit un retour en famille.

b) Le bilan au regard des risques de récidive est positif, quoique perfectible

• L’objectif fondamental des CEF est de favoriser la réinsertion des mineurs pris en charge pour prévenir la récidive. Cette réinsertion est multiforme :

—  réinsertion scolaire et/ou professionnelle

Des cours de remise à niveau scolaire – enseignement des savoirs de base – sont dispensés par des enseignants, en partenariat avec l’Éducation nationale. Il arrive parfois, comme ce fut le cas au CEF de Savigny, que la direction rencontre des difficultés pour recruter un enseignant qui ait un profil spécifique et qui connaisse bien les publics accueillis.

Parallèlement à ces enseignements (obligatoires pour les mineurs de moins de 16 ans) est mené un travail visant à la construction d’un projet individuel, grâce à une prise en charge éducative particulièrement intensive et conçue sur la durée.

—  réinsertion familiale

Les personnels des CEF soulignent l’importance de travailler sur le maintien, voire la reconstruction, des liens avec les familles, souvent en grande détresse et présentant parfois des pathologies chez l’un ou l’autre parent.

On estime que 20 % des mineurs accueillis en CEF depuis 2003 vivaient avant leur placement en dehors de tout cercle familial. Les actes délictueux commis par les mineurs sont souvent révélateurs d’un dysfonctionnement familial qui appelle un accompagnement éducatif auprès des familles, pendant mais aussi après le séjour en CEF. Une salle est réservée dans le CEF de Savigny aux rencontres avec les familles, qui peuvent avoir lieu en semaine comme le week-end. Au bout de quelques mois passés dans le centre, les jeunes peuvent aussi avoir l’autorisation de passer quelques jours dans leur famille, si leur comportement et la structure familiale le permettent.

• Les CEF présentent un bon bilan en matière de récidive puisque 61 % des mineurs sortis des CEF ne récidivent (15) pas dans l’année qui suit leur placement, ce qui constitue une réussite compte tenu du parcours antérieur de ces jeunes.

Votre rapporteure est très attachée à connaître le parcours des jeunes après leur sortie de CEF. Elle avait cité l’an dernier une étude réalisée en juin 2006 par la Direction de projet des CEF du ministère de la Justice concernant les 608 mineurs sortis de CEF au cours des 6 mois précédents et qui a montré que, s’agissant des modalités de prise en charge à la sortie, 53 % de ces jeunes avaient été placés dans une structure d’hébergement classique de la PJJ, en famille d’accueil ou en lieu de vie thérapeutique, 32 % avaient bénéficié d’un retour dans leur famille avec un suivi éducatif, 13 % avaient été incarcérés et 2 % avaient été hospitalisés en service pédo-psychiatrique. S’agissant de la scolarité de ces jeunes à la sortie des CEF, l’étude avait montré que 16 % des mineurs avaient bénéficié d’une remise à niveau scolaire leur permettant d’être réintégrés dans le dispositif de droit commun, 32 % d’un retour direct dans un cursus de scolarité classique, 27 % d’un pré-apprentissage ou d’un apprentissage, et 25 % d’une formation professionnelle.

Les mineurs qui sortent des CEF sont désormais systématiquement suivis pendant un an par la direction départementale de la PJJ du département où ils résident, ce qui permet d’évaluer leur réinsertion.

Pour autant votre rapporteure s’interroge sur les outils statistiques mis en place pour mesure la récidive : le recul d’un an est insuffisant et il est absolument indispensable de suivre désormais sur plusieurs années les mineurs qui sortent de CEF pour évaluer complètement l’efficacité de ces derniers en la matière.

D’une manière générale, votre rapporteure juge insuffisants les outils de mesure dont dispose la PJJ pour évaluer la récidive des mineurs. Ainsi, l’indicateur 5.1. du PAP 2008 relatif au taux de récidive des jeunes pris en charge au pénal est établi grâce à l’exploitation de l’outil « panel mineurs », dispositif qui suit quelques mineurs passés devant le juge des enfants durant l’année suivant leur comparution : il est constitué de 4% de la population de mineurs suivis en Justice dont les infractions sont recensées tant que les faits sont antérieurs à leur majorité.

Il s’agit d’un outil statistique qui garde la mémoire des « événements judiciaires » survenant à un échantillon de mineurs au fur et à mesure qu’ils se produisent, et qui permet de procéder à des analyses allant au delà de la simple connaissance des flux annuels de ces événements.

Cette méthode rencontre cependant deux limites non négligeables : tout d’abord sont exclus du panel les jeunes de plus de 17 ans pour pouvoir les suivre dans l’année qui suit, alors même que l’on sait que les mineurs délinquants sont surtout de grands adolescents. La seconde limite tient au périmètre limité aux seuls sites judiciaires recensant les données (44 juridictions les plus importantes sont équipées), excluant les populations des villes petites et moyennes et tous les départements ruraux.

Une fois énoncées ces limites, l’exploitation des données montre que pour chacune des années 2002 à 2006, près de deux mineurs sur trois ayant fait l’objet en année N d’une décision judiciaire au titre de l’ordonnance de 1945 n’ont fait l’objet ni de poursuite ni de mesure alternative aux poursuites dans l’année suivant la fin de la mesure.

Année de
l'enquête

Année de fin de mesure (N-1)

Mineurs du panel

Résultat de l'enquête

Tous mineurs ayant terminé une mesure en N-1

dont mineurs ayant une décision durant l'année N

Mineurs n'ayant ni récidivé ni réitéré dans l'année N

Récidive et réitération dans l'année suivante

2002

2001

273

181

66 %

34 %

2003

2002

393

263

67 %

33 %

2004

2003

407

260

64 %

36 %

2005

2004

398

261

66 %

34 %

2006

2005

471

302

64 %

36 %

Taux moyen sur 5 ans

1 942

1 267

65 %

35 %

c) La réduction du coût de journée doit être recherchée

Les jeunes se répartissent dans les CEF à raison de 8 à 12 dans chacune des structures, encadrés par 24 à 27 personnels qui assurent une prise en charge continue 24 heures sur 24, tout au long de l’année. Le faible nombre de mineurs hébergés dans chaque structure combinée à l’effectif important rendu nécessaire par une prise en charge continue explique un coût de journée très élevé des CEF.

Le prix prévisionnel de journée pour 2008 est évalué à 580 euros par mineur et par jour dans les structures du secteur associatif et de 616 euros pour le secteur public (16). Les coûts sont donc en baisse puisque le coût d’une journée de placement en CEF était de 683 euros en moyenne en 2004. Cette réduction vient d’un meilleur taux d’occupation des centres : il était de 55 % en 2004 et s’élève à 75 % des places installées en 2007, soit un taux conforme au cahier des charges des CEF. Le taux d’occupation de chaque CEF est suivi chaque semaine par la direction de la PJJ et les places disponibles sont indiquées sur le site Intranet du ministère de la Justice, permettant aux magistrats d’avoir, en temps réel, l’information qui leur est nécessaire avant toute décision de placement.

Votre rapporteure s’interroge sur l’opportunité d’augmenter le nombre de mineurs pris en charge dans chaque CEF pour réduire encore le coût de journée. Sans doute le nombre de 10 à 12 mineurs est-il déjà important s’agissant de mineurs particulièrement difficiles et nécessitant un encadrement très rapproché ainsi qu’une préparation intense à la sortie. Pour autant, votre rapporteure souhaite que soit étudiée la possibilité d’augmenter ces capacités par des évaluations précises dans chaque CEF.

Il apparaît au total que les CEF répondent à de réels besoins de prise en charge des mineurs particulièrement ancrés dans la délinquance et pour lesquels les mesures classiques se sont révélées insuffisantes.

C. LA PJJ EST AU CœUR DE LA QUESTION DE L’EXÉCUTION DES DÉCISIONS DE JUSTICE PÉNALE POUR LES MINEURS

1. La question des « mesures en attente » est une préoccupation majeure

Une mission d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale a été créée au début de la législature à l’initiative du Président de votre commission des Lois, M. Jean–Luc Warsmann. Cette mission se préoccupe tout notamment des délais d’exécution des décisions pénales concernant les mineurs et de l’épineuse question des mesures en attente.

a) Le problème des mesures en attente

Est considérée comme mesure en attente toute décision judiciaire notifiée au service éducatif depuis 15 jours et qui n’a toujours pas été prise en charge par la PJJ. Le nombre de mesures en attente à la fin de l’année est rapporté au nombre de mesures en cours au dernier jour de l’année. En 2006, le taux de mesures en attente était de 3 % toutes fonctions éducatives confondues, au civil comme au pénal.

Le taux de mesures en attente décroît régulièrement depuis 2000 où il atteignait 9 %. Ainsi, entre 2002 et 2006, le taux de mesure en attente est réduit de moitié (de 6 % à 3 %) alors que le nombre de mesures en cours progressait de 22 %. Cette amélioration porte autant sur l’investigation (de 15 % à 3 % entre 2002 et 2006) que le milieu ouvert (de 6 % à 4 % entre 2002 et 2006). Ce taux est nul en matière de placement où les délais de prise en charge sont inférieurs à la journée en hébergement collectif et à la semaine en hébergement autonome ou en famille d’accueil.

Le tableau ci-après présente le nombre de mesures en attente et le taux de mesures en attente, rapportées aux mesures en cours depuis 2000, laissant apparaître le mouvement de réduction de ces mesures.

Secteur
public

Mesures en attente
(tous fondements juridiques)

Mesures en cours
(tous fondements juridiques)

Mesures en attente / mesures
en cours

Année

Milieu
ouvert

Investi-gation

Total

Milieu
ouvert

Investi-gation

Total

Milieu
ouvert

Investi-
gation

Total

2000

2 795

531

3 326

34 001

4 420

38 421

8 %

12 %

9 %

2001

2 541

573

3 114

36 495

4 047

40 542

7 %

14 %

8 %

2002

2 060

556

2 616

36 506

3 667

40 173

6 %

15 %

7 %

2003

1 528

450

1 978

38 032

5 578

43 610

4 %

8 %

5 %

2004

1 967

255

2 523

40 557

3 433

43 990

5 %

7 %

6 %

2005

1 931

255

2 186

42 040

4 030

46 070

5 %

6 %

5 %

2006

1 239

196

1 435

43 492

5 592

49 084

4 %

3 %

3 %


Les problèmes sont concentrés sur le milieu ouvert (qui représente 60 % des mesures pénales prononcées en moyenne)
. À titre d’exemple, 734 sanctions éducatives (stages de formations civique et réparations, essentiellement) ont été confiées au secteur public en 2006 (contre 372 en 2005 et 52 en 2004, soit une progression très rapide). Leur délai de prise en charge moyen est de 89 jours, dont 55 jours entre la date de décision du magistrat et sa notification au service éducatif, en raison des délais de rédaction et de notification du jugement au condamné.

La question des mesures en attente est ainsi d’autant plus préoccupante qu’au délai imputable à la PJJ s’ajoute celui imputable aux greffes.

Il faut trouver les moyens de remédier à une situation particulièrement insupportable s’agissant de mineurs en construction dont les actes délinquants doivent recevoir une réponse adaptée et rapide pour être efficace.

b) Les solutions envisagées

Lors de son audition par votre commission des Lois, le Garde des Sceaux a indiqué avoir pris deux mesures afin de résoudre le problème du retard imputable aux greffes des tribunaux :

—  La généralisation de la mise en place des bureaux d’exécution des peines (BEX) pour les mineurs

De nombreuses juridictions ont engagé les études nécessaires pour la création d’un BEX auprès de leur tribunal pour enfants. À ce jour, plus de 60 projets de BEX pour mineurs sont prévus, dont la moitié seront effectivement en place avant la fin de l’année 2007. Ils s’ajouteront aux 10 qui ont d’ores et déjà été créés depuis le début de l’année 2007 (à Arras, Cahors, Cambrai, Carcassonne, Dunkerque, Foix, La Roche-sur-Yon, Melun, Poitiers et Senlis). Dans ces juridictions, les audiences du tribunal pour enfants sont le plus souvent suivies d’une permanence du BEX pour mineurs.

  L’affectation de crédits pour le recrutement de vacataires dans les juridictions au cours du second semestre 2007

Des crédits ont été débloqués en juin 2007 pour le recrutement de 500 vacataires au second semestre, qui ont été affectés dans plus d’une vingtaine de greffes de tribunaux pour enfants ou des BEX pour mineurs. Ces personnels supplémentaires doivent permettre de traiter le stock des jugements à notifier et de réduire sensiblement les délais globaux.

2. Le problème récurrent de la dette de l’État au secteur associatif habilité devrait trouver une solution cette année

Le secteur associatif habilité a pâti depuis 2003 d’une sous-budgétisation récurrente de son financement, induisant sur les crédits ouverts de l’année N des reports de charges de l’année N-1 très importants, réduisant mécaniquement les ressources de financement des associations pour l’exercice en cours.

Cette situation pose de graves problèmes aux associations qui mettent œuvre les mesures ordonnées par les juges des enfants (assistance éducative et enfance délinquante) : des problèmes de trésorerie mais aussi, pour certaines, une incertitude sur leur pérennité et donc pour la garantie de la mise en œuvre des missions éducatives et préventives qui leur sont confiées.

Le report de charges était évalué à 90 millions d’euros en juin 2006 : M. Pascal Clément, alors Garde des Sceaux, avait réduit cette dette de l’État au secteur associatif habilité par un déblocage de crédits à hauteur de 40 millions euros (10 millions d’euros de reports de crédits, 15 millions d’euros provenant de la réserve de précaution, 1 million d’euros issu de la redistribution de crédits de fonctionnement du secteur public de la PJJ vers le secteur associatif habilité et 5,5 millions d’euros issus de la mise en œuvre de la fongibilité asymétrique aux niveaux national et local).

La dette de l’État à l’égard du secteur associatif habilité s’élevait cependant à 55 millions d’euros à la fin de l’année 2006. Par ailleurs, la multiplicité des dotations complémentaires, leur caractère aléatoire et leur mise en œuvre parfois tardive ont rendu difficile la programmation des dépenses et l’exécution de la gestion 2006. Cette situation a eu pour conséquence de détériorer la situation financière de nombreuses associations dont le paiement de l’activité s’est réalisé en fonction des dotations complémentaires accordées.

L’actuel Garde des Sceaux s’est engagé à apurer totalement la dette en 2008. Le report de charge de 2006 sur 2007 est estimé à 36 millions d’euros. Lors de son audition par votre commission des Lois, la ministre a indiqué avoir donné des instructions pour qu’un retour à la normale intervienne rapidement et évalué les retards de paiements à la mi-octobre 2007 à 2 millions d’euros environ.

Le Gouvernement a contraint le secteur associatif à une stricte maîtrise des crédits, notamment grâce au recentrage de la protection des jeunes majeurs sur ses aspects éducatifs, à la poursuite de ses efforts de rationalisation et au renforcement de la complémentarité avec le secteur public.

Le tableau ci-dessous dresse le bilan des moyens dont dispose le secteur associatif habilité pour assurer ses différentes missions :

Activités du secteur associatif habilité

Exécution 2006

Prévisions 2007

Prévisions 2008

Hébergement traditionnel mineurs délinquants

43

49

55

Hébergement jeunes majeurs

77

57

50

Action éducative en milieu ouvert jeunes majeurs

4

4

4

Investigation orientation éducative

44

56

59

Enquêtes sociales

16

16

18

Réparations pénales

6

7

8

Centres éducatifs renforcés et Centres de placement immédiat

45

50

57

Centres éducatifs fermés

25

42

56

Mesure d'activité de jour

   

3

*

* *

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 17 octobre 2007, la Commission a procédé à l’audition de Mme Rachida Dati, Garde des Sceaux, ministre de la justice, sur les crédits de ce ministère.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a souligné sa volonté d’améliorer la qualité de la justice dans l’intérêt du justiciable. Aujourd’hui, 66 % des Français considèrent que leur justice fonctionne très mal. Ils lui reprochent d’être lente et de manquer d’efficacité. Ils ont le sentiment qu’elle ne s’applique pas de la même manière partout et pour tous.

Les Français doivent pouvoir se reconnaître dans cette justice qui est rendue en leur nom. Ils attendent qu’elle se montre plus ferme avec la délinquance, et plus humaine avec les victimes. Ils attendent qu’elle rende ses décisions dans des délais raisonnables et qu’elle les fasse exécuter. Ils attendent enfin qu’elle soit plus facile d’accès. Ils veulent qu’elle s’adresse à eux dans un langage compréhensible. Ils attendent qu’elle s’acquitte efficacement de ses missions au service du bien commun.

Il faut donc rénover l’organisation de la justice, la rendre plus cohérente, plus rationnelle, plus efficace. Cette action demande de la volonté et du courage. Elle appelle la mobilisation de tous. Elle est déjà en marche, avec les réformes qui ont été engagées depuis mai dernier. Le Parlement y prend sa part, les projets qu’il a déjà adoptés en témoignent.

Le Gouvernement est conscient des défis que la justice doit relever. Il a fait du budget de la justice une priorité dans son projet de loi de finances pour 2008. Ainsi, le projet de budget de la justice augmente de 4,5 %, pour atteindre 6,52 milliards d’euros, tandis que le budget de l’État ne progresse que de 1,6 %. Dans le même temps, 1 615 créations d’emploi sont prévues pour la justice, alors que l’État ne remplace pas 22 900 départs en retraite dans l’ensemble de ses ministères.

En faisant ce choix clair, le Gouvernement confie à la Garde des Sceaux une grande responsabilité. Il faut sans plus attendre moderniser le système pénitentiaire pour mieux enrayer la récidive ; changer le regard que les victimes portent sur la justice, en changeant celui que la justice pose sur elles ; améliorer le fonctionnement des juridictions.

Le premier axe est celui de la modernisation du système pénitentiaire.

La loi du 10 août 2007 a permis de prendre de front le phénomène de la délinquance, en particulier celui de la récidive. Une politique pénale n’est légitime que si elle repose sur le respect de la personne humaine en détention, c’est d’ailleurs un point auquel Michèle Tabarot, rapporteure pour avis, est particulièrement sensible.

Le futur Contrôleur général des lieux de privation de liberté aura la mission de veiller au respect de ces droits fondamentaux.

La loi pénitentiaire qui sera présentée en novembre redéfinira le rôle et les missions de la prison. Elle améliorera les conditions de prise en charge des détenus et les conditions de travail des personnels.

La France doit par ailleurs disposer du nombre de places en détention dont elle a besoin. Elle doit aussi améliorer la réinsertion des détenus.

En 2008, 1 100 postes supplémentaires seront créés au sein de l’administration pénitentiaire. Sept nouveaux établissements ouvriront leurs portes, dont trois spécialement dédiés aux mineurs.

Les « séjours » de courte durée en prison et les sorties « sèches », sans mesures d’accompagnement, préparent mal à la réinsertion. Lutter contre la récidive suppose ainsi de développer l’aménagement des peines, afin de permettre aux condamnés de retrouver une place dans la société.

Ainsi, 5,4 millions d’euros seront consacrés au financement des bracelets électroniques fixes ou mobiles et ce sont quelques 3 000 bracelets qui seront disponibles dès 2008. Par ailleurs, un million d’euros sera consacré au financement des associations qui aident à la réinsertion des condamnés.

Les mineurs reçoivent une attention particulière dans la politique pénale. Les centres éducatifs fermés ont montré leur efficacité : 61 % des adolescents qui en sortent ne récidivent pas. En leur donnant les repères qui leur ont manqué, ces centres leur offrent une nouvelle chance.

Dix nouveaux centres ouvriront en 2008, ce qui portera leur nombre à 43. En outre, cinq d’entre eux seront dotés d’une prise en charge pédopsychiatrique renforcée répondant ainsi à une demande des juges pour enfants et des éducateurs.

Le budget pour 2008 permet la création de cent emplois supplémentaires qui permettront de renforcer l’action de la PJJ dans les centres fermés et dans les établissements pour mineurs.

Le deuxième axe vise à changer le regard que la justice pose sur les victimes. Pour ces dernières, les procédures judiciaires relèvent souvent d’un « parcours du combattant ». Les victimes ont le sentiment que la justice a pour elles moins de considération que pour les condamnés. Trop souvent, les faits leur donnent raison.

La ministre a donc exprimé la volonté d’améliorer la réponse judiciaire qui leur est faite. Des progrès ont déjà été accomplis, en particulier grâce aux bureaux de l’exécution des peines, dispositif qui sera généralisé. Il faut mieux accompagner les victimes, leur garantir que les peines prononcées seront bien exécutées et améliorer leur indemnisation.

Une série de mesures a été annoncée, qui seront mises en œuvre en 2008 : un service d’assistance au recouvrement des victimes d’infraction (SARVI) sera créé. Un juge délégué aux victimes sera instauré. Les missions du juge qui préside la commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) seront élargies. L’action des associations sera confortée par une augmentation de 15 % de leurs crédits.

Le sénateur Roland du Luart a présenté la semaine dernière un rapport qui propose de nombreuses pistes pour réformer l’aide juridictionnelle. Elles seront étudiées pour que le dispositif fonctionne mieux, pour qu’il soit plus juste et pour que son coût pour l’État soit stabilisé.

Troisième axe : l’organisation judiciaire doit se moderniser en profondeur.

Avec 400 emplois supplémentaires, le projet de budget pour 2008 renforce le fonctionnement des juridictions. Outre le remplacement des départs en retraite, les juridictions bénéficieront de 187 emplois de magistrats supplémentaires et d’un nombre équivalent de greffiers, car, sans greffier, aucun magistrat ne peut prendre de décision.

Le budget permettra également la promotion de 149 fonctionnaires de catégorie C et la création de 26 emplois de secrétaires administratifs de catégorie B.

La justice est avant tout constituée d’hommes et de femmes qui se dévouent avec passion à leur métier. Pour qu’ils puissent être fiers de leurs missions, il faut leur donner les moyens de l’accomplir efficacement et dans la sérénité. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis, en est parfaitement conscient.

Les bâtiments de la Justice doivent être adaptés à leur travail : 121 millions d’euros seront consacrés à la rénovation de certains tribunaux, ainsi qu’à la mise aux normes de sécurité incendie et d’accessibilité pour les handicapés.

La justice doit être rendue dans la sérénité mais aussi en toute sécurité. Chacun a en tête les drames de Metz et de Laon. On ne peut accepter qu’ils se reproduisent. Plusieurs rapports avaient été rendus sur ce sujet au cours des cinq dernières années, les commissions d’hygiène et de sécurité avait rendu de nombreuses conclusions de non-conformité. Dès son arrivée, la ministre a souhaité que les tribunaux qui ne l’étaient pas soient remis aux normes et que la sécurité dans les juridictions soit mieux assurée. C’est aujourd’hui le cas dans 90 % d’entre elles, soit par l’installation de portiques avec des agents de surveillance, soit par l’affectation de personnel supplémentaire, soit par la mise aux normes des installations. 20 millions d’euros ont été débloqués dès le mois de juin 2007 pour cela. Cet effort sera poursuivi en 2008, puisque quelque 39 millions d’euros y seront consacrés.

Il faut également tenir compte des attentes de nos concitoyens en faveur d’une justice plus rapide, plus compréhensible, et plus facile d’accès. La justice doit recourir aux progrès qu’offrent les nouvelles technologies. La numérisation des procédures pénales et civiles sera opérationnelle dès le 1er janvier 2008. Demain, le justiciable et son avocat pourront recevoir un jugement par courrier électronique. Ils pourront suivre l’avancement de leur procédure sans avoir à se déplacer. Ils pourront compléter ou consulter un dossier à distance. Les greffes gagneront un temps précieux, qui sera consacré à des travaux plus importants que la reproduction, la gestion manuelle des dossiers ou le stockage.

Toutes les juridictions doivent bénéficier de ces avancées. Pour cela, plus de 67 millions d’euros seront consacrés aux programmes informatiques de la justice.

Les questions amènent à aborder celle de la carte judiciaire car l’arrivée des nouvelles technologies dans les prétoires va rapprocher la justice des Français, dans le temps et dans l’espace. Une justice de proximité, ce n’est pas un tribunal à un quart d’heure de chez soi. C’est une justice qui rend ses décisions rapidement, qui sait les rendre lisibles, qui a les moyens de les faire appliquer. C’est une justice proche des préoccupations des citoyens, qui sanctionne la délinquance et qui accueille les victimes.

La réforme de la carte judiciaire, sans cesse évoquée, sans cesse reportée, est plus que jamais une nécessité. Il n’est plus possible de disséminer des moyens sans cesse croissants dans 800 juridictions, réparties sur 1 200 sites.

Là où les caractéristiques des territoires le permettent, il faut regrouper les plus petits tribunaux au siège d’une juridiction ayant une activité suffisante pour assurer un service permanent de qualité. Le regroupement et la mutualisation des moyens sont la condition d’une justice plus rapide et plus efficace : dans une juridiction plus importante, l’organisation du travail permet un audiencement plus rapide, la charge de travail est mieux répartie, les magistrats peuvent échanger et s’entraider, les services du greffe peuvent se spécialiser et la continuité du service est assurée, même en cas d’absence, de congé de maternité ou de formation.

La concertation, engagée depuis le 27 juin, a donné lieu à de nombreux débats dans le ressort des cours d’appel concernées. Sur la base de toutes les propositions qui sont apportées, un schéma d’organisation a été élaboré, qui prend en compte, région par région, l’impératif d’équilibre des territoires.

La ministre a indiqué faire actuellement le tour des régions pour recueillir les observations des élus et des acteurs du monde judiciaire. Chaque fois que cela est possible, leurs observations sont prises en compte. Si les uns ou les autres ont de meilleures propositions, elles sont étudiées avec attention, c’est ce qui s’est produit dans les deux dernières cours d’appel visitées.

Il n’y a pas de schéma national préétabli. Il n’y aura pas de réforme mécanique. La concertation se poursuit tous les jours. La ministre a encore reçu cette semaine les syndicats des personnels de la justice ainsi que les représentants des barreaux. Elle fera le point la semaine prochaine avec le comité consultatif. Les propositions des professions et des organisations représentatives ont largement alimenté les réflexions.

La réforme se fera progressivement, en trois ans. Elle commencera en 2008, par les pôles de l’instruction, et s’achèvera en 2010.

Cette réforme aura des conséquences immobilières. Il faudra restructurer certains bâtiments, en agrandir d’autres, voire construire de nouveaux palais de justice.

Les magistrats et les fonctionnaires des services judiciaires seront acteurs de cette réforme. Ils seront accompagnés individuellement dans sa mise en œuvre. Des mesures seront prises pour faciliter les transports, les déménagements, pour aider ceux qui le souhaitent à trouver un nouveau logement. Sur ces sujets également, des concertations avec les organisations syndicales sont déjà engagées, à chacun des déplacements de la ministre.

Dès 2008, une provision de 1,5 million d’euros est destinée à cet accompagnement social. Grâce à la réserve de précaution que constitue en début d’année le Gouvernement, les mesures nécessaires en 2008 pourront être financées en respectant le plafond de dépenses voté par le Parlement.

La réforme de la justice demandera de grands efforts. Elle se fera grâce à la mobilisation de toutes les forces, de toutes les volontés. C’est à ce prix que l’on pourra rapprocher la justice des citoyens.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis pour la justice et l’accès au droit, a salué les efforts accomplis par le Gouvernement en faveur de la justice, que traduit un budget en hausse sensiblement plus importante que celui de l’État. Au sein du programme « justice judiciaire » on observe également une augmentation significative dans l’action « traitement et jugement des contentieux civils » – + 13 % –, dans l’action « cassation » – +7 % –, et dans l’action « formation » – + 6 % – afin de financer le recrutement supplémentaire de greffiers.

Par ailleurs, les frais de justice, qui avaient explosé au cours des années précédentes, sont désormais tout à fait contrôlés, en particulier grâce aux économies réalisées sur les marchés des empreintes génétiques et de la téléphonie.

Un effort considérable de 39 millions d’euros est également fait pour le plan de sûreté des juridictions, qui en avaient bien besoin.

Pour assurer cette sécurité, on fait appel soit à des sociétés privées, soit à la réserve civile de l’administration pénitentiaire. Cette dernière solution paraissant excellente car il s’agit de personnels expérimentés, ne conviendrait-il pas de la généraliser ?

Par ailleurs, depuis mai 2007, le logiciel informatique « outilgref », qui permet d’estimer les besoins en personnel compte tenu des affaires nouvelles et terminées, a été mis à la disposition de l’ensemble des juridictions. Est-il possible d’en dresser un bilan ?

La prime modulable, qu’on appelait à l’origine prime au mérite, a été instituée pour les magistrats et elle joue pleinement son rôle. Toutefois, dans la mesure où les magistrats sont entourés de toute une équipe qui les aide dans leur décision, on peut se demander pourquoi les fonctionnaires de justice ne bénéficient pas de ces primes, ce qui est parfois mal ressenti dans les juridictions. Comme l’a souligné la Garde des Sceaux, un magistrat ne saurait agir sans greffier ; pourquoi ne pas appliquer la même règle à l’ensemble de l’équipe ? Une enveloppe pourrait-elle être prévue à cet effet ?

On sait par ailleurs qu’un nombre important de magistrats et de fonctionnaires partiront à la retraite au cours des dix prochaines années. Il convient donc d’anticiper ces départs afin de mieux assurer la gestion des effectifs. La commission d’enquête sur l’affaire dite d’Outreau a d’ailleurs préconisé la création d’une grande direction des ressources humaines au sein du ministère de la justice. Pour l’instant, ce dernier compte quatre services chargés des relations humaines, est-il envisagé de les regrouper ?

Enfin, le taux de TVA applicable à l’aide juridictionnelle est de 5,5 %, mais la Commission européenne considère qu’il conviendrait d’appliquer le taux normal de 19,6 %, ce qui augmenterait sensiblement le coût de cette aide. Le gouvernement envisage-t-il de négocier un accord avec la commission ? À défaut, a-t-il prévu les crédits nécessaires en cas d’application d’une TVA à taux normal ?

Votre rapporteure, s’étant réjouie des efforts accomplis par le Gouvernement, en particulier de l’augmentation de 6,4 % des crédits destinés à l’administration pénitentiaire, a posé à la ministre les questions suivantes :

Le programme immobilier est considérable, puisqu’il est prévu l’ouverture de sept établissements pénitentiaires pour majeurs en 2008, dont trois pour les mineurs et de sept autres en 2009. Ce calendrier prévisionnel sera-t-il respecté ?

La ministre peut-elle par ailleurs indiquer quand les premières unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) entreront en fonction ?

Les établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) paraissent également un outil très intéressant. Quels enseignements peut-on tirer des premiers mois de fonctionnement des premiers établissements en 2007 en vue de prochaines ouvertures en 2008 ?

S’agissant des centres éducatifs fermés (CEF), une démarche « lolfienne » invite à comparer coûts et résultats. Certes, cet outil semble donner satisfaction, mais serait-il possible de disposer de plus d’informations sur les instruments d’évaluation du taux de récidive ? Ne conviendrait-il pas en outre de vérifier si une augmentation du nombre des mineurs accueillis ne permettrait pas de réduire le coût de journée qui est actuellement de plus de 600 € par jour et par mineur ?

Dans le cadre de la mission d’information sur l’exécution des décisions de justice dont votre rapporteure est en charge du volet mineurs, les déplacements sur le terrain ont permis de mesurer les problèmes rencontrés par les greffes des tribunaux et par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), mais c’est surtout la question des mesures en attente qui a été évoquée. Quels sont les moyens alloués à la PJJ pour remédier à ce problème préoccupant ?

La rapporteure avait par ailleurs déjà interrogé le Gouvernement l’an dernier sur les retards de paiement de l’État envers le secteur associatif habilité. Où en est-on désormais ?

Pour le nouveau Contrôleur général des lieux de privation de liberté, un budget de 2,5 millions d’euros avait été évoqué à l’occasion du débat parlementaire, la ministre peut-elle confirmer ce chiffre ?

S’agissant enfin de la mission « santé », la loi sur la récidive du 10 août dernier a généralisé l’injonction de soins pour les personnes condamnées pour des infractions à caractère sexuel. Cela suppose que des moyens soient engagés, en particulier pour le recrutement de médecins coordonnateurs. Qu’en est-il exactement ?

M. René Couanau, rapporteur spécial de la commission des finances, a salué un budget dynamique, qui s’inscrit dans la ligne politique de l’action déjà engagée. Il a également remercié les services du ministère pour les réponses rapides qu’ils ont apportées à la plupart de ses questions.

Il a souhaité savoir, comme votre rapporteure, si les moyens prévus seraient suffisants, d’une part pour permettre au Contrôleur général des lieux de privation de liberté de remplir ses missions, d’autre part pour assurer une application effective de l’injonction de soins.

Il a par ailleurs observé que les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) sembleraient être des points faibles de la justice et a souhaité savoir si la ministre avait l’intention d’en renforcer l’efficacité, dont dépendent la politique pénale comme la politique d’alternative à l’incarcération.

Il a également estimé qu’il convenait de contrôler les délais de recrutement et de remplacement afin de s’assurer que les emplois sont assez rapidement pourvus, car on sait que le ministère des finances est prompt à supprimer tout poste non pourvu effectivement ! On peut nourrir quelque inquiétude quand on constate des retards dans les recrutements au sein des services de PJJ et dans le remplacement des greffiers et des personnels administratifs, qui sont indispensables au fonctionnement de la justice. En effet, un greffier qui n’est pas remplacé dans les six mois, c’est autant de retard pris dans les instructions et dans les notifications. Il a enfin demandé à la ministre des précisions sur la création d’une direction des ressources humaines.

En réponse aux rapporteurs, la Garde des Sceaux a apporté les précisions suivantes :

Le plan de sécurisation des juridictions bénéficiera de 39 millions d’euros en 2008, 20 millions d’euros lui ayant déjà été consacrés en 2007. À son arrivée à la chancellerie, la ministre a trouvé pas moins de quatre rapports traitant des problèmes de sécurité dans les juridictions. La commission d’hygiène et de sécurité avait rendu un avis défavorable à propos de 90 juridictions. Alors que les personnes qui ne respectent pas ces avis sont passibles de poursuites, comment aurait-on pu admettre que la justice soit rendue dans des lieux en infraction ? Les besoins de remise aux normes ont été évalués et les juridictions où il manquait un portique, des agents de sécurité ou des agents d’accueil ont été recensées. Le bilan est aujourd’hui assez satisfaisant puisque beaucoup d’intrusions ont pu être empêchées et que 90 % des juridictions sont désormais équipées en portiques et dotées d’agents de surveillance.

Si l’utilisation des réservistes de la police nationale pour assurer la sécurité des tribunaux et des bâtiments judiciaires a été envisagée, c’est parce qu’une centaine seulement de réservistes de l’administration pénitentiaire est utilisée à ce jour ; il convient donc de faire la promotion de ce moyen de sécurisation.

« Outilgref » sert à mettre en relation la charge de travail et les moyens à affecter. Il a permis en 2007 le lissage des emplois non affectés. Il permet également de rééquilibrer les moyens entre les juridictions en fonction des vacances de postes constatées. Il s’agit d’un très bon outil de gestion et d’organisation dont la version actualisée en 2006 donne satisfaction.

Faire bénéficier les fonctionnaires et les greffiers de primes modulables à un taux comparable à celui des magistrats nécessiterait 10 à 15 millions d’euros de crédits supplémentaires. Il a plutôt été choisi, dans la mesure où la concertation a montré que les syndicats ne souhaitaient pas que les personnels fassent davantage d’heures supplémentaires, de mettre l’accent sur les créations d’emplois. Ainsi, 400 postes supplémentaires ont été créés pour les services judiciaires.

En revanche, s’agissant des primes d’installation, la ministre a souhaité, lors de son dernier déplacement en Corse, que les greffiers et les fonctionnaires bénéficient des mêmes primes que les magistrats, car les risques encourus sont identiques.

Par ailleurs, même si les règles d’avancement dans la fonction publique sont contraignantes, il faut essayer de mettre en œuvre des mesures incitatives afin d’attirer les magistrats et les greffiers vers les postes que l’on ne parvient pas à pourvoir.

Au ministère de la justice, tous les départs à la retraite seront compensés. Grâce à 357 sorties de l’École nationale de la magistrature (ENM), le solde net sera de 187 magistrats. Autant d’emplois de fonctionnaires et de greffiers seront créés.

Dès son arrivée, la ministre a voulu créer un service de ressources humaines. Il était pour le moins surprenant que l’on puisse nommer uniquement sur dossier, sans jamais les recevoir, des personnes à des postes de responsabilités importantes, dans lesquelles ils doivent garantir les libertés individuelles. Ce service est opérationnel, pour les magistrats comme pour les greffiers dont il était important de valoriser les compétences, depuis le 1er août dernier. Il ne s’agit pas d’une direction, tout simplement parce que des statuts différents coexistent au sein du ministère.

Ce service comporte trois bureaux. Le premier est destiné à la valorisation des compétences et à l’aide à l’orientation, afin d’éviter qu’une affectation n’empêche un magistrat de mettre à profit son expérience ou que l’on se prive de lui là où l’on a besoin d’une personne connaissant parfaitement les procédures. Le deuxième bureau est dédié au placement car il est regrettable que lorsque l’on recherche les magistrats spécialisés pour une autre administration, un organisme privé ou des organisations internationales, on n’ait personne à proposer. Le troisième bureau sera celui du statut.

Il est primordial que la gestion des ressources humaines se fasse dans l’intérêt des magistrats et des greffiers, ce qui marque quand même une petite révolution au sein du ministère. Qui plus est il était important de faire le lien entre l’évaluation, exercée au niveau local, et la promotion et l’avancement, organisés au niveau central.

Il est vrai que la Commission européenne a saisi la Cour de justice en juillet dernier en vue d’une augmentation du taux de la TVA applicable à l’aide juridictionnelle. La France maintient toutefois sa position au motif que cette aide ne fausse pas la concurrence car elle ne concerne que les plus modestes.

En ce qui concerne l’administration pénitentiaire, ce sont bien quatre établissements pour majeurs et trois établissements pour mineurs qui seront ouverts en 2008, et sept autres en 2009, afin d’atteindre l’objectif de 63 000 places de détention en 2012.

Les UHSA, ou « hôpitaux-prisons », sont destinées à accueillir des condamnés dangereux toujours placés en détention mais atteints de troubles psychiatriques graves et dont on a par conséquent souhaité une prise en charge par un hôpital, sous surveillance pénitentiaire. Les deux premières unités ouvriront en 2009, à Lyon pour 60 places et à Rennes pour 40 places. Au total, il est prévu que 705 places soient ouvertes d’ici fin 2011.

La LOPJ de 2002 a prévu la création de sept EPM : quatre fonctionnent déjà et trois seront ouverts en 2008. Ces établissements permettent d’éviter de placer les détenus mineurs dans les quartiers pour mineurs des établissements pénitentiaires où, si l’obligation scolaire s’impose jusqu’à 16 ans, il n’existe en revanche aucune obligation d’activité entre 16 et 18 ans, ce qui est particulièrement néfaste pour des jeunes qui ne parviennent pas à se réinsérer et récidivent souvent. À l’inverse, le règlement intérieur des EPM impose aux jeunes de tenir leur chambre propre et rangée et les oblige à avoir une activité tout au long de la journée.

Il conviendrait d’améliorer la prise en charge des mineurs délinquants : les CEF fonctionnent bien mais accueillent des mineurs multiréitérants, c’est-à-dire pris un peu tard dans leur parcours délinquant. Il faut une vraie politique pénale des mineurs en France.

Dès son arrivée, la ministre a envoyé une circulaire rappelant qu’à chaque infraction devait être apportée une réponse pénale, ce qui ne signifie pas forcément une incarcération. Les mineurs qui font l’objet d’une première condamnation sont rarement des primo-délinquants. La loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance a élargi la palette non seulement des sanctions mais aussi des mesures éducatives, permettant un traitement différencié, individualisé, adapté à chaque branche d’âge (10/13 ans, 13/16 ans et 16/18 ans).

En outre, les juges pour enfants sont en charge à la fois de l’assistance éducative et du traitement de la délinquance ; ils protègent et punissent et sont souvent amenés à mêler les deux aspects dans leur décision, si bien que des mineurs victimes côtoient souvent les mineurs auteurs. Depuis le mois de juillet 2007 est expérimentée la dissociation des fonctions entre juges dédiés uniquement à la protection des mineurs et juges qui se consacrent exclusivement au pénal. Une évaluation sera conduite pour voir si une telle dissociation permet une meilleure appréhension des mineurs. L’intérêt n’est pas de sanctionner mais de réinsérer et si le mineur arrive à l’âge de 18 ans sans aucune mesure de protection ou d’aide à la réinsertion, c’est que la justice a failli dans sa mission.

Ce sont par ailleurs dix CEF qui ouvriront en 2008. Dans cinq d’entre eux, il est prévu une prise en charge pédopsychiatrique renforcée, les éducateurs des CEF étant aujourd’hui parfois obligés de surveiller certains mineurs atteints de troubles graves pour qu’ils n’agressent pas les autres. Or, ce n’est le métier ni des éducateurs ni des juges pour enfants et il est bon que la prise en charge pédopsychiatrique intervienne le plus en amont possible.

La ministre a reconnu qu’il y a de nombreuses mesures en attente concernant la PJJ. Cette dernière bénéficiera de 100 postes supplémentaires en 2008. La ministre s’intéressera plus particulièrement, après la réforme de la carte judiciaire, à la réforme de l’ordonnance de 1945 et à la protection des mineurs. La loi du 5 mars dernier a retiré à la PJJ la charge de la protection administrative, qui relève des conseils généraux, pour ne lui laisser que celle de l’enfance en danger et de l’enfance délinquante.

L’amélioration de l’exécution des mesures passe sans doute aussi par la réorganisation de la PJJ, qui est aujourd’hui dotée de 15 directions interrégionales, contre 9 pour l’administration pénitentiaire. Une harmonisation est souhaitable dans l’organisation territoriale des différentes directions du ministère de la Justice.

Le dispositif des bureaux d’exécution (BEX) sera généralisé.

S’agissant des crédits du secteur associatif, le report des charges de 2005 à 2006 s’est élevé à 62 millions d’euros. Du fait des abondements et des dégels de crédits, ce report a été de 36 millions d’euros entre 2006 et 2007. Mi-octobre 2007, les retards de paiement devraient atteindre 2 millions d’euros. La ministre s’est engagée à ce que le retard soit résorbé avant la fin de l’année.

Concernant le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, la ministre a indiqué que 2,5 millions d’euros ont été inscrits dans le programme « coordination du travail gouvernemental ». Le contrôleur disposera d’une équipe de 40 personnes qui pourront être à temps plein ou à temps partiel. Le projet du Gouvernement s’est inspiré du modèle britannique, afin que les vacations et les mises à disposition puissent faire varier les effectifs en fonction des besoins.

En ce qui concerne les dispositions sur les délinquants sexuels inscrites dans la loi du 10 août 2007 sur la récidive, l’application de l’injonction de soins a été différée au 1er mars 2008 compte tenu de la nécessité de recruter 300 nouveaux médecins coordinateurs, dont les indemnités vont par ailleurs être doublées.

Les moyens affectés aux SPIP augmentent de 6 % en 2008 pour atteindre 336 millions d’euros. Dès le 27 juin dernier, la ministre, qui avait anticipé l’absence de grâce collective, a lancé les conférences régionales d’aménagement des peines. Le taux d’aménagement est aujourd’hui de 45 %, ce qui est sans précédent. On a beaucoup progressé en ce qui concerne les bracelets électroniques et la semi-liberté, moins en revanche pour les libérations conditionnelles. En effet, pour l’instant la libération conditionnelle intervient à la demande du détenu et le juge d’application des peines (JAP) n’a aucune possibilité d’anticiper une telle demande. Les femmes, en particulier, n’entament les démarches de réinsertion qu’au moment où elles sont « conditionnables » et elles ne demandent parfois la libération qu’à un mois de leur sortie. Il est souhaitable d’inciter les détenus à préparer plus tôt leur libération conditionnelle.

Les SPIP vont par ailleurs être déchargés de ce qui n’a pas trait au cours de leurs missions afin de les recentrer sur l’insertion et la probation. Aujourd’hui, l’unité de visite familiale (UVF) dépend non pas du JAP mais de l’administration pénitentiaire. Dès lors, pourquoi ne pas confier à cette dernière d’autres mesures, telles que les permissions de sortie pour se rendre auprès de l’ANPE ou d’une mission locale, ce qui éviterait en outre aux détenus d’être obligés d’attendre une prochaine audience du JAP ?

Un décret du 1er août 2007 a étendu à l’exécution des peines l’application du bracelet électronique, jusque-là réservée aux libérations conditionnelles. Ainsi, l’administration pénitentiaire ayant signalé comme dangereux un détenu qui allait être libéré, la ministre a donné au parquet l’instruction qu’on le retienne le temps d’aménager sa sortie et il est sorti sous placement sous surveillance électronique mobile (PSEM). Les 3 000 bracelets fixes et mobiles disponibles en 2008 permettront des réinsertions et des aménagements de peines.

Il faut faire confiance à la ministre pour éviter l’immobilisme qui susciterait la convoitise de « Bercy ». Les sorties d’école prévues en 2008 permettront d’affecter les greffiers et les fonctionnaires sur les postes vacants. Dès son arrivée, consciente du problème des greffes, la ministre a demandé à toutes les juridictions quels étaient leurs besoins ponctuels. Elle a alors débloqué 5 millions d’euros et affecté 500 vacataires pour résorber les retards et alléger les tâches quotidiennes des greffiers et des fonctionnaires.

La ministre a enfin informé M. René Couanau que le président du tribunal de grande instance de Saint-Malo serait affecté prochainement.

M. Georges Fenech s’est félicité de la croissance du budget de la justice : alors que celui-ci avait déjà augmenté de 36 % entre 2002 et 2007, l’effort sera poursuivi en 2008 avec une hausse de 4,5 % et un solde net de créations d’emplois de magistrats de 187 postes car, contrairement aux autres administrations, il n’y aura pas de départ en retraite qui ne soit pas remplacé.

Il a ensuite rappelé que la ministre avait annoncé la création du service d’aide au recouvrement des victimes d’infractions (SARVI), ainsi que d’un juge délégué aux victimes. Comment ces créations pourront-elles être prises en charge par le budget de la justice au regard de la masse que représentent les dommages-intérêts prononcés en faveur des milliers de victimes éligibles à l’aide juridictionnelle ?

Pourquoi ne réfléchit-on pas par ailleurs à la création, dont on parle depuis de nombreuses années, d’un corps intermédiaire d’assistants de justice, qui pourraient permettre d’améliorer la qualité et la rapidité de la justice ? En effet, les magistrats sont aujourd’hui les derniers responsables de la haute administration à cumuler des tâches décisionnelles avec d’autres, purement administratives. Certes, il y a les greffiers, dont le nombre augmente d’ailleurs parallèlement à celui des magistrats, mais ils sont là pour authentifier, pour assurer la régularité et la légalité de l’acte ; ils ne participent en aucun cas à l’aide à la décision. Le magistrat est donc seul – que serait un parlementaire sans assistant ? – alors que l’on pourrait très bien concevoir, comme cela existe dans les chambres régionales des comptes, une forme d’aide à la décision, de recherche de jurisprudence, de mise en forme des dossiers, mais qui touche déjà au fond de la procédure et qui permette au magistrat de se consacrer uniquement à sa décision. Ce corps pourrait en outre offrir des perspectives de carrière aux greffiers.

M. Arnaud Montebourg a observé que les « bleus » budgétaires montraient une diminution d’environ 1 000 équivalents temps plein travaillé (ETPT) sur l’ensemble de la mission justice et il a souhaité savoir à quoi correspondaient ces suppressions et obtenir le détail des pertes et des gains de postes, puisque l’on annonce par ailleurs des embauches.

La LOLF a permis, grâce aux indicateurs de performance, de mesurer la productivité du système judiciaire. On voit ainsi apparaître le travail mené, année après année, dans certaines juridictions encombrées. Il faut en particulier saluer les efforts du Premier président Guy Canivet pour résorber le retard du contentieux de la Cour de cassation. Les tableaux de bord montrent aussi les efforts qui restent à faire. Il serait toutefois souhaitable – et c’est une demande que fait le groupe SCR – que ces tableaux de bord ne soient plus des moyennes mais que, dès lors que l’on entre, et c’est heureux, dans une culture de l’efficacité des fonds publics, ils permettent d’apprécier ce qui se passe dans chacune des juridictions. Et cela paraît plus nécessaire encore dans la perspective de la réforme de la carte judiciaire, qui risque d’entraîner une dégradation des délais de jugement.

Là où de petites juridictions sont efficaces, rapides et rendent des services, si ce n’est « au coin de la rue », du moins à proximité du domicile des justiciables, il serait utile de pouvoir mesurer où en sont les nominations et comment évoluent les délais de jugement. Il y a en effet des écarts très importants dans les délais de réponse entre les différentes cours d’appel, et le moment semble venu de travailler en toute transparence sur l’efficacité des juridictions.

Pour restaurer la crédibilité de la justice, c’est un effort qu’il faut faire, bien sûr, sur le plan pénal, mais aussi pour le civil, qui est la justice du quotidien des Français. Sans doute sera-t-il d’autant plus facile d’obtenir ces informations que les juridictions ne seront plus si nombreuses après l’application de la réforme de la carte judiciaire… Cette transparence paraît d’autant plus indispensable que le ministère a longtemps vécu dans une tradition régalienne de sous-administration et il est donc nécessaire de travailler tous ensemble pour améliorer l’efficacité de la justice in concreto.

La ministre a par ailleurs annoncé 121 millions d’euros de travaux pour les juridictions, ce qui semble peu au regard de l’investissement en faveur de la sécurisation des tribunaux. Or les modifications de la carte judiciaire rendront nécessaires des efforts d’investissement en faveur des programmes immobiliers. Lorsque l’on supprimera, comme dans beaucoup de départements, trois ou quatre tribunaux d’instance pour les intégrer dans un palais de justice où l’on est déjà à l’étroit, comment fera-t-on ? Quelle est la programmation les travaux avant la fin de la réforme, en 2010 ? C’est un sujet sur lequel il serait également nécessaire de travailler ressort par ressort.

Par ailleurs, si l’intention est excellente, chacun se demande comment fonctionnera le SARVI, avec quels moyens et dans quelles proportions il pourra répondre aux demandes des justiciables.

Quelle est également la ligne politique de la ministre en ce qui concerne l’aide juridictionnelle, c’est-à-dire l’accès à la justice pour les plus modestes ? Le budget n’augmente que de 1 % sur cette ligne alors que le nombre des affaires et donc des victimes progresse. S’agit-il pour le Gouvernement d’une priorité ? Est-il disposé à s’engager financièrement dans les cinq années qui viennent ? Considère-t-il que cela incombe plutôt aux assurances privées, comme les franchises en matière de santé ?

Enfin, Mme Michèle Tabarot a eu raison de demander une évaluation des CEF. L’évaluation ne doit pas être uniquement financière, car, s’il est moins onéreux de mettre les mineurs en prison, ce n’est pas pour autant souhaitable et il convient au contraire de rechercher systématiquement les alternatives à l’emprisonnement. Il faut aussi évaluer le fonctionnement des centres, dont la gestion est souvent concédée à des associations et où il y a beaucoup de fugues et des problèmes de sécurité. Si le ministère a déjà fait procéder à des évaluations, peut-il les communiquer aux parlementaires ?

M. Alain Vidalies a souhaité savoir quel avenir était réservé aux maisons de la justice et du droit, les élus locaux se demandant si l’État ne s’apprête pas à se désengager financièrement.

Il s’est étonné que la ministre ait affirmé la veille, à l’occasion l’une question d’actualité sur la réforme de la carte judiciaire, que « la justice publique de proximité n’est pas remise en cause. Le greffier et le magistrat se déplaceront par exemple chez toutes les personnes placées sous tutelle, qu’elles vivent à l’hôpital, en maison de retraite ou à leur domicile ».

Cette « justice à domicile » est une idée d’autant plus novatrice qu’elle n’avait jamais été envisagée à l’occasion de la réforme des tutelles pourtant opérée il y a quelques mois seulement. Ce serait un saut qualitatif considérable, et on en cherche vainement des traces dans ce projet de budget, alors que l’effort financier sera d’autant plus important que l’éloignement sera plus grand, en raison de la suppression des tribunaux d’instance opérée dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire.

M. Philippe Goujon s’est réjoui de l’effort considérable fait par l’État à l’occasion de ce budget, en particulier en faveur de l’administration pénitentiaire.

Il a estimé que les UHSA vont permettre l’hospitalisation des détenus atteints de troubles mentaux et rappelé qu’il avait rédigé à ce propos un rapport, adopté en son temps à l’unanimité par la commission des lois du Sénat, préconisant que des chambres médicalisées soient réservées en détention pour permettre à des détenus d’y purger une bonne partie de leur peine, ce qui permettrait d’assurer une continuité des soins, en particulier pour les personnes condamnées à une détention de plus de dix ans. Que pense la ministre de cette idée ?

On évoque par ailleurs depuis plusieurs années le transfert à l’administration pénitentiaire de la mission d’extraction, d’escorte et de transfèrement actuellement confiée à la police et à la gendarmerie. A-t-on avancé sur ce sujet important ?

Où en est par ailleurs le programme d’extension des unités de vie familiale (UVF) pour 2008 ? Quel est le plan d’équipement des maisons centrales en UVF à plus long terme ?

Enfin, on annonce de très importantes opérations de rénovation de ces grands établissements pénitentiaires que sont les Baumettes et la Santé. Qu’est-il prévu dans le budget 2008 pour le début de la rénovation de la maison d’arrêt de la Santé ?

M. Michel Vaxès s’est félicité que ce budget progresse en volume davantage qu’en 2007, mais il s’est interrogé sur sa structure.

Ainsi, si l’on annonce la création de 1 100 postes dans l’administration pénitentiaire, ceux-ci iront pour l’essentiel aux nouveaux établissements et au remplacement des départs en retraite et ils ne serviront donc pas à combler les lacunes des services de probation et d’insertion. Or 80 % des effectifs et 62 % des crédits sont affectés à la garde et au contrôle. Les autres activités paraissent pourtant essentielles dans la mesure où, pour éviter la récidive, il faut créer les conditions d’une bonne réinsertion. On peut donc se demander si la loi pénitentiaire consacrera les mêmes déséquilibres ou si elle commencera à les corriger.

Il est regrettable que l’activité judiciaire ne soit évaluée que de façon quantitative et non qualitative. En effet, la justice ne se mesure pas seulement à sa rentabilité mais aussi à sa qualité. La ministre compte-t-elle prendre des dispositions afin d’introduire des indicateurs de qualité dans les procédures d’évaluation ?

L’annonce faite hier d’une « justice à domicile » est source d’interrogation chez les citoyens. Quels éléments de réponse est-il possible de leur apporter ?

On peut craindre que la réforme de la carte judiciaire ne pénalise les familles d’origine modeste, en particulier pour les contentieux liés aux affaires familiales et à la jeunesse, qui appellent une relation directe entre les juges et les familles. Il s’agit souvent de personnes pour lesquelles il est très difficile de se déplacer, pas seulement pour des questions financières. Ainsi, dans les Bouches-du-Rhône, si l’on supprime les tribunaux d’instance, elles auront bien du mal à se rendre dans l’une des deux métropoles.

Cette réforme aura par ailleurs un coût élevé dans la mesure où il faudra aménager ou construire des salles d’audience et des locaux pour accueillir les personnels et le public. Puisque l’on a déjà évalué le nombre de tribunaux qui devront être supprimés, a-t-on procédé aussi à l’évaluation de ce coût ?

M. Bernard Carayon a souhaité savoir quelle appréciation la ministre portait, quatre mois après son entrée en fonctions, sur les conditions de la formation initiale des magistrats. Puis il a posé les questions suivantes :

Que penser de l’évolution de l’appréciation des agents de la PJJ sur les établissements pénitentiaires pour mineurs ?

Si l’on s’accorde sur l’idée que les victimes doivent être la priorité de la justice, il y a des victimes plus singulières que d’autres, celles de la justice elle-même. Qu’entend faire la ministre pour améliorer la réparation des dommages causés par la justice aux citoyens ?

Enfin, la promotion du droit français dans le monde est un sujet important, souvent sous-estimé. Où en est aujourd’hui la Fondation du droit ?

M. Émile Blessig s’est réjoui des efforts accomplis pour que l’on puisse rendre une décision de qualité dans des délais raisonnables, mais il a souhaité insister sur la situation des agents de catégories B et C.

La LOLF a permis de mettre en adéquation les postes et les missions et « outilgref » permet de définir des plafonds d’emplois par juridiction. Mais, pour combler les postes vacants, il faut tenir compte des délais de formation. Ainsi, deux à trois ans seront nécessaires pour que les 187 greffiers recrutés en 2008 soient sur le terrain. Pour faire le lien, il est nécessaire de recruter des vacataires. Pour cela, la masse salariale ne doit pas être strictement ajustée au plafond d’emplois mais prendre en compte ce décalage afin que les juridictions puissent opérer ces recrutements temporaires indispensables pour assurer une bonne justice.

M. Étienne Blanc a souligné l’indigence des services informatiques des institutions judiciaires. Un effort sera certes fait en 2008, mais l’on continue à reporter la mise en œuvre d’un certain nombre de logiciels, en particulier de Cassiopée. Va-t-on enfin avancer ? Procédera-t-on à l’acquisition des nouveaux matériels nécessaires ? Une formation spécifique des personnels est-elle prévue ?

M. Serge Blisko s’est réjoui qu’avec une augmentation de 4,5 % ce budget soit moins mal loti que d’autres. Un certain nombre de problèmes demeurent toutefois.

S’agissant de l’administration pénitentiaire, il faut rappeler l’actuelle situation alarmante de surpopulation carcérale. Cette situation est aggravée par des textes récents, comme la loi du 10 août 2007 sur la récidive. Même si l’on peut plutôt s’accorder sur le refus de grâce collective du 14 juillet, on n’en est pas moins aujourd’hui dans une situation indigne et fort éloignée des recommandations du Conseil de l’Europe. Et la construction de nouveaux établissements ne paraît pas de nature à répondre à ce problème in abstracto. La politique pénale qui consiste à mettre toujours plus de gens en prison soulève de légitimes interrogations, notamment sur la détention provisoire et sur sa durée.

La ministre semble décidée à avancer résolument sur la voie du développement du bracelet électronique. Cependant n’y a-t-il pas un risque de ne faire de ce dispositif qu’un simple outil de localisation, afin que la personne puisse être arrêtée plus facilement à chaque fois qu’elle se trouve en dehors de la zone fixée ou qu’elle récidive ? Dans ces conditions, il s’agirait plus d’une facilité policière que d’un substitut à l’incarcération. Mieux vaudrait utiliser le bracelet comme un premier pas vers la réinsertion.

En dépit des efforts annoncés, la situation des SPIP est extrêmement problématique, le nombre des détenus dont chaque agent de probation à la charge étant trop élevé pour leur permettre de faire un réel travail de fond.

Enfin, il est vrai que l’on ne distingue pas encore clairement ce que seront les UHSA. La ministre peut-elle préciser le calendrier et les modalités d’organisation du débat fondamental sur la future loi pénitentiaire ?

M. Jean-Michel Clément a rejoint les appréciations de ses collègues sur la réforme de la carte judiciaire. Il est indispensable de faire le lien avec les questions immobilières, en particulier parce que dans un certain nombre de villes, comme Poitiers, le débat sur la création d’une cité judiciaire est lancé depuis longtemps. L’amélioration du fonctionnement de la justice passe aussi par des moyens matériels. Plutôt que de mettre autant d’argent dans des moyens de sécurité dont on sait qu’ils seront rapidement obsolètes, mieux vaudrait mettre à plat tous les éléments, y compris la question des locaux qui accueilleront, demain, cette nouvelle organisation.

La réforme qui a touché aux compétences des huissiers de justice est passée inaperçue bien qu’elle soit particulièrement importante. Compte tenu du coût très élevé de fonctionnement des études, il est très probable qu’elles seront bientôt toutes concentrées au chef-lieu de département. Déjà, les huissiers proches de la retraite ne trouvent plus de repreneurs pour les études rurales. Il y a de quoi être inquiet car cela crée des inégalités dans l’accès au droit.

Répondant aux intervenants, la ministre a précisé que :

Aujourd’hui, deux tiers des victimes qui peuvent prétendre à une indemnisation ne sont pas indemnisées. Elles sont pourtant souvent éligibles à la commission d’indemnisation des victimes d’infraction (CIVI) mais les délais très courts qui encadrent la procédure les empêchent souvent de constituer des dossiers recevables. Pour obtenir l’exécution d’une décision de justice, il faut avoir un avocat ou avancer les frais d’huissier. Le SARVI servira à avancer les frais liés aux procédures d’indemnisation, mais il pourra aussi verser une avance forfaitaire sur l’indemnisation allouée par la justice. Il permettra ainsi aux plus modestes d’être indemnisés rapidement ou, pour le moins, de toucher une provision.

Par ailleurs, lorsque les victimes ont obtenu une décision de justice, elles n’ont pas toutes un avocat et, outre que faire exécuter les décisions de justice est particulièrement onéreux, un certain nombre d’entre elles, en particulier les femmes victimes de violences conjugales ou de viols, refusent tout nouveau contact avec les personnes condamnées, y compris pour faire valoir leur droit à indemnisation auquel elles renoncent ainsi souvent, même quand il s’agit de la pension alimentaire pour leurs enfants. Le SARVI sera donc l’intermédiaire entre ces victimes et les personnes condamnées. Il n’est pas question ici d’assurance puisque ce dispositif concernera les condamnés solvables.

La ministre remet par ailleurs actuellement à plat le fonctionnement de la CIVI. Elle revoit en particulier les délais de fonctionnement et les conditions d’éligibilité. Cette commission est financée par les assureurs et il convient donc de mener avec eux une concertation sur son coût de fonctionnement.

S’il existe en Grande-Bretagne un système de « clercs » qui aident les magistrats dans la décision de justice, la création d’un corps intermédiaire n’est pas souhaitable en France, non seulement en raison de son coût budgétaire, mais aussi parce que cela nuirait à la fluidité du système judiciaire. Pour autant, une réflexion a été engagée sur l’environnement des magistrats, qui font aujourd’hui des choses qui ne relèvent pas de leur mission. La numérisation des documents de la procédure permettra d’y accéder plus vite, donc d’améliorer la qualité de la justice civile, dont M. Montebourg a eu raison de rappeler qu’elle est la justice du quotidien. Il y a d’ailleurs chaque année 2,5 millions de décisions civiles pour 1,5 million de décisions pénales. La dématérialisation évitera au greffier de faire des copies, aux avocats de se déplacer, aux magistrats de multiplier les dossiers papiers. On peut voir à Angoulême, où le mouvement a débuté, qu’il apporte un confort aux fonctionnaires, aux greffiers et aux magistrats et qu’il réduit les délais de jugement.

Il faut enfin rappeler que la réforme du statut des greffiers leur permet aujourd’hui de préparer des pré-projets de décision, ce qui aide les magistrats, notamment pour les affaires familiales.

La commission « Outreau » avait mis l’accent sur la faiblesse de la formation des magistrats et sur les mauvaises conditions de leur avancement. Cette formation doit être en relation avec ce qu’est la justice aujourd’hui, avec l’évolution de la société et avec celle de la délinquance. Il convient aussi que les magistrats soient formés au management et à l’organisation, ne serait-ce que pour travailler en bonne intelligence avec les greffiers. Le nouveau directeur de l’École nationale de la magistrature a reçu une lettre de mission claire, qui peut être consultée sur Internet, dans laquelle il lui est demandé de revoir la formation initiale et continue des magistrats pour ce qui touche aux modules, aux enseignements, aux enseignants mais aussi à la position des magistrats au sein de leur environnement.

En 2007, les ministères ont dû étudier la réalité de l’emploi public et ont observé que de très nombreux emplois étaient vacants depuis des années et que les postes étaient conservés par tacite reconduction : ainsi, s’agissant de la justice, en cas d’augmentation du contentieux, on n’accroissait pas forcément le nombre de postes budgétaires mais en cas de diminution, on ne le réduisait pas non plus. Il a donc été décidé de réajuster les emplois aux nécessités. « Outilgref » permet d’ailleurs de mettre en adéquation la charge de travail et les besoins en emplois. C’est ce qui explique l’évolution du nombre des ETPT.

Il existe effectivement des indicateurs de performance juridiction par juridiction et la ministre est prête à les rendre publics. Elle les fournit d’ailleurs à chacun de ses déplacements car c’est aussi sur eux que se fonde la réforme de la carte judiciaire. On se rend compte toutefois que la forme de ces indicateurs varie entre chacune des directions du ministère et la ministre a souhaité réorganiser l’administration centrale afin de disposer d’un outil statistique unique. De même, elle entend qu’il y ait un seul service informatique, dirigé par un spécialiste de ces questions.

M. Arnaud Montebourg a remercié la ministre car ces indicateurs seront fort utiles à la représentation nationale. Il a observé que sur les documents fournis par les chefs de cours, on disposait du nombre des affaires mais pas des délais de jugement.

Mme la Garde des Sceaux a répondu qu’il était tout à fait possible de les transmettre également. Elle a toutefois noté que la différence entre les délais dépend également de l’importance des dossiers. Il convient donc de croiser les indicateurs.

La ministre a fait remarquer que c’est aussi en raison de la dispersion des moyens que certaines cours rendent plus lentement leurs décisions. Quand un juge d’instance n’a que 100 dossiers à traiter dans son tribunal, cela fonctionne très bien. Pour autant faut-il multiplier les postes de dépenses publiques ou au contraire mutualiser les moyens et disposer de davantage de magistrats, mieux formés, au bénéfice d’une justice meilleure et plus rapide ? Quand un juge d’instance isolé prend un congé pour des vacances ou pour une formation, il bloque le fonctionnement de sa juridiction. On est en outre obligé de sécuriser un site pour un seul juge. Aujourd’hui, il existe une cinquantaine de juridictions sans aucun magistrat ni greffier. L’intérêt de regrouper les magistrats est aussi qu’ils ne soient plus livrés à eux-mêmes.

La ministre a indiqué son intention de remettre à plat de nombreuses dispositions du code civil, ce qui améliorera les performances de la justice civile.

Les crédits consacrés aux programmes immobiliers augmentent de 21 %, 121 millions d’euros étant consacrés au programme lié aux juridictions. C’est bien parce qu’il n’est pas possible de trouver du jour au lendemain des lieux permettant de regrouper les magistrats que la réforme de la carte judiciaire doit être étalée dans le temps. Tout ceci se fera de manière concertée et en prenant le temps nécessaire, qui a été estimé à trois ans.

La ministre est particulièrement attachée à l’aide juridictionnelle qui permet l’accès à la justice mais aussi l’exercice des droits de la défense des plus démunis. À cet égard, la commission « Outreau » a montré que certains avocats ne connaissaient pas les dossiers, qu’ils se contentaient de téléphoner en disant « je m’en rapporte », qu’ils ne se déplaçaient pas. Si l’on améliore l’aide juridictionnelle, on est donc en droit de demander aux avocats une véritable contrepartie en termes de service public. Si les avocats se crispent, sur ce sujet, c’est sans doute parce qu’ils sont conscients de la forte détermination de la ministre.

S’il y a eu au début un nombre assez important de fugues dans les centres éducatifs fermés, le taux est aujourd’hui passé à 3 % et les fugues ne dépassent pas 24 heures. Les CEF sont une bonne solution parce qu’ils permettent de réduire significativement la récidive : 61 % des mineurs qui en sortent ne récidivent pas un délai d’un an. Toutefois, il est vrai que, faute d’une véritable politique pénale des mineurs, les mineurs placés en CEF ont déjà un lourd passé de délinquants : ils y sont placés trop tardivement. Ce sont des structures qui coûtent cher mais qui fonctionnent très bien parce que l’encadrement est renforcé. La ministre souhaite améliorer la prise en charge des mineurs en CEF, mais elle veut aussi que l’on intervienne le plus en amont possible pour les mineurs délinquants comme pour ceux qui doivent être protégés : une réponse adaptée (prise en charge éducative, sanction pénale, soins) doit être apportée rapidement.

Cinq centres seront dotés de structures pédopsychiatriques. Si l’on a fait basculer vers la loi sur la protection de l’enfance la disposition sur les troubles du comportement qui figurait à l’origine dans le projet de loi de prévention de la délinquance, c’est parce que l’on s’est rendu compte que ces troubles sont souvent décelés dès la protection maternelle et infantile, sans être jamais soignés, laissant le jeune sur la voie de la délinquance.

Dissipant les inquiétudes qui ont pu être émises, la ministre a indiqué que toutes les maisons de la justice et du droit qui existent seront pérennisées et que d’autres seront créées, car c’est un dispositif dans lequel la ministre croit.

La justice de proximité à domicile existe déjà. On la voit peu parce que, quand un juge d’instance est seul, il s’occupe à la fois des tutelles, de la consommation, du surendettement et de l’accueil du justiciable dans le cadre de l’accès au droit. Un tribunal d’instance, ne fait pas que rendre des décisions de justice, mais répond aussi à de nombreuses demandes de renseignements. Regrouper les moyens permettra donc de dédier un juge aux tutelles.

Les magistrats se rendent déjà dans les maisons de retraite. Et ce ne sont pas les tutelles qui sont dévolues aux greffiers, mais la gestion des comptes. C’est parce qu’il y a eu un certain nombre de scandales que la loi sur les tutelles a changé des choses, mais il est déjà permis de rendre visite aux personnes qui ne peuvent pas se déplacer. Cela vaut aussi pour le pénal, avec la mise en examen à l’hôpital.

M. Alain Vidalies a fait observer que la ministre avait indiqué la veille qu’en contrepartie de la suppression des tribunaux d’instance, qui inquiète en raison de l’éloignement qu’elle entraînera, on généraliserait la justice à domicile. Cette annonce nécessitait donc des explications.

Poursuivant ses réponses, la ministre a précisé que :

Les UHSA permettront de soigner des personnes atteintes de troubles mentaux graves sous la surveillance du personnel pénitentiaire. Si elles vont mieux, elles retourneront en détention sinon, elles poursuivront leur détention à l’hôpital.

La responsabilité des transfèrements et des escortes continuera à incomber aux forces de police et de gendarmerie, à l’exception des deux expérimentations qui sont poursuivies à Marseille et à Toulouse pour les escortes médicalisées.

Les études sont en cours pour la rénovation de la maison d’arrêt de la Santé.

On n’a jamais autant augmenté les effectifs consacrés à l’insertion et à l’approbation que depuis 2002. Les moyens progresseront encore fortement en 2008. La loi pénitentiaire fera de l’insertion et de la probation une priorité. Si les SPIP impliqués interviennent très peu en détention c’est tout simplement parce qu’ils sont surtout en milieu ouvert, au titre des aménagements de courtes peines. Toutes les peines inférieures à un an d’emprisonnement sont en effet aménageables ab initio.

Une importante partie de la loi pénitentiaire sera en outre consacrée à la formation, à l’éducation et à tout ce qui concerne la réinsertion, afin qu’il n’y ait plus de sorties « sèches ».

M. Michel Vaxès a observé que si les moyens avaient effectivement beaucoup progressé, ils n’en restaient pas moins insuffisants au regard des besoins.

Mme la Garde des Sceaux a répondu que la loi pénitentiaire déchargera les agents de probation d’un certain nombre de missions qu’ils exercent aujourd’hui et qui peuvent être confiées à l’administration pénitentiaire.

Bien évidemment, l’évaluation ne doit pas être seulement quantitative mais aussi qualitative et il existe pour cela un certain nombre de critères, en particulier en ce qui concerne les délais et l’accueil des justiciables.

La réforme de la carte judiciaire ne devrait pas concerner les affaires familiales et la protection de l’enfance, qui relèvent du tribunal de grande instance. En effet, quand un TGI disparaît, on maintient sur place un tribunal d’instance et il est possible au cas par cas de lui déléguer les affaires familiales. La ministre le fera ponctuellement, là où cela sera nécessaire en raison de l’existence d’un important contentieux en la matière. La proximité n’est ainsi pas remise en cause.

Bien sûr, la réforme de la carte judiciaire aura un coût, mais celui-ci sera immédiat alors que si la carte n’est pas réformée, la dispersion des moyens se poursuivra, au détriment de la qualité. Le coût de la réforme aujourd’hui permettra donc une économie à moyen terme. Ce coût est évalué cour par cour, en particulier en fonction de l’impact immobilier de la réforme.

Les victimes de l’institution judiciaire sont indemnisées par l’État. Il convient déjà de faire fonctionner le régime existant avant toute réforme d’envergure, qui pourrait trouver sa place dans celle des institutions.

Pour la promotion du droit français dans le monde, 300 000 € sont affectés à la Fondation du droit.

Des vacataires seront embauchés en fonction de la charge de travail, mais on ne peut pas recruter des fonctionnaires uniquement pour répondre à des besoins ponctuels.

On attend depuis 2004 que les juridictions soient informatisées et cela n’a jamais été fait. Désormais une convention a été passée avec la Caisse des dépôts et consignations : au 1er janvier 2008, toutes les juridictions seront informatisées et l’application Cassiopée pourra être utilisée dans le courant de l’année. La formation des personnels relèvera d’une mission conjointe des services de la Chancellerie et la Caisse des dépôts dont c’est le métier.

Malgré la surpopulation carcérale, il n’y a pas eu d’incident en milieu pénitentiaire lié à l’absence de grâce collective. Mais il y a chaque jour deux agressions contre les personnels, et il faut rendre hommage à leur dévouement dans l’exercice de leur mission difficile. Il est important de rénover les établissements et de créer des places de détention. Humaniser et réinsérer n’excluent pas la création de places supplémentaires, bien au contraire !

La détention provisoire a fortement diminué puisqu’elle ne concerne plus que 17 000 détenus sur 60 000.

Le GPS mobile est un moyen de localisation mais c’est surtout un mode d’exécution d’une peine, assorti d’obligations. Martial Leconte avait une obligation de soins ; il a été retrouvé errant, alcoolisé et a donc été remis en détention.

Grâce aux 1 000 créations d’emplois dans les services de probation, chaque agent traite aujourd’hui environ 80 dossiers contre une centaine avant 2002.

La question des huissiers est étrangère à ce budget. La réforme envisagée ne devrait pas toucher les études rurales.

S’agissant enfin du calendrier de la loi pénitentiaire, le comité d’orientation remettra son rapport lundi prochain et l’on peut espérer que la première lecture aura lieu avant la fin de l’année.

*

* *

Après le départ de la ministre, la Commission a examiné les crédits de la mission « Justice » pour 2008. Conformément aux conclusions de M. Jean-Paul Garraud, pour la justice et l’accès au droit, et de votre rapporteure, pour l’administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse, elle a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Justice ».

PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE
POUR AVIS

Ministère de la Justice

—  M. Claude d’HARCOURT, directeur de l’administration pénitentiaire

—  Mme Béatrice BLANC, chef du projet PSEM à la direction de l’administration pénitentiaire

—  M. Philippe-Pierre CABOURDIN, directeur de la protection judiciaire de la jeunesse, accompagné de M. Olivier PETIT, adjoint au sous-directeur du pilotage et de l’optimisation des moyens

Personnalités qualifiées

—  Docteur Odile DORMOY, psychiatre, chef du Service médico-psychologique régional de la Maison d’arrêt de la Santé

—  Docteur Roland COUTANCEAU, psychiatre, Président de la Ligue Française pour la santé mentale

—  Mme Karine METAYER, conseiller technique au pôle enfant, jeunesse, famille de l’ Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS)

—  M. Patrick MARTIN, vice-président de Citoyens et Justice

DÉPLACEMENTS DE LA RAPPORTEURE
POUR AVIS

—  Centre éducatif fermé de Savigny-sur-Orge (Essonne)

—  Établissement pénitentiaire pour mineurs de Meyzieu (Rhône)

—  Centre de semi-liberté de Haubourdin (Nord)

ANNEXES

Liste des 32 CEF en fonctionnement depuis 2003 (17)

Localisation

Public accueilli

Tranche d’âge

Nombre de places

Date d’ouverture

Lusigny (Allier)

garçons

15-17 ans

12

Mars 2003

Sainte-Eulalie (Gironde)

garçons

13-16 ans

9

Mars 2003

Valence (Drôme)

garçons

15-18 ans

9

Mai 2003

Saint-Denis-le-Thibould (Seine-Maritime)

garçons

13-16 ans

10

Juin 2003

Beauvais (Oise)*

garçons

13-16 ans

10

Septembre 2003

Mont-de-Marsan (Landes)

garçons

16-18 ans

8

Septembre 2003

Hendaye (Pyrénées-Atlantiques)

garçons

16-18 ans

9

Décembre 2003

Tonnoy (Meurthe-et-Moselle)

garçons

16-18 ans

10

Avril 2004

L'Hôpital-le-Grand (Loire)

garçons

13-16 ans

10

Juin 2004

Lusigny-sur-Barse (Aube)

garçons

14-17 ans

10

Septembre 2004

Moissannes (Haute-Vienne)

garçons

13-16 ans

11

Octobre 2004

Saint-Paul-d'Espis (Tarn-et-Garonne)

mixte

13-16 ans

10

Mars 2005

Saverne (Bas-Rhin)

garçons

13-16 ans

11

Avril 2005

Autun (Saône-et-Loire)

garçons

13-16 ans

9

Mai 2005

Le Vigeant (Vienne)

garçons

16-18 ans

8

Juin 2005

Allonnes (Sarthe)

garçons

16-18 ans

11

Novembre 2005

Saint-Venant (Pas-de-Calais)

mixte

14-17 ans

12

Février 2006

Sainte-Gauburge (Orne)

garçons

13-16 ans

11

Septembre 2006

Verdun (Meuse)

garçons

14-17 ans

12

Novembre 2006

Châtillon-sur-Seine (Côte d’Or)

garçons

16-18 ans

10

Novembre 2006

La Jubaudière (Maine-et-Loire)

garçons

13-16 ans

12

Novembre 2006

Gévézé (Îlle-et-Vilaine)

garçons

15-17 ans

12

Janvier 2007

Forbach (Moselle)

garçons

13-16 ans

12

Février 2007

Brignoles (Var)

garçons

15-18 ans

10

Février 2007

Soudaine-Lavinadière (Corrèze)

garçons

16-18 ans

12

Février 2007

Narbonne (Aude)

mixte

16-18 ans

12

Mars 2007

Savigny-sur-Orge (Essonne)

garçons

16-18 ans

10

Mars 2007

Doudeville (Seine-Maritime)

filles

15-18 ans

12

Avril 2007

Saint-Benoit de la Réunion

garçons

13-16 ans

12

Mai 2007

Liévin (Pas-de-Calais)

garçons

13-16 ans

10

Juillet 2007

Nîmes (Gard)

garçons

13-16 ans

10

Août 2007

Port-Louis (Guadeloupe)

garçons

13-16 ans

12

Octobre 2007

Ouvertures programmées en 2008

Localisation

Public accueilli

Tranche d’âge

Nombre de places

Date prévisionnelle d’ouverture

Sinard (Isère)

garçons

13-16 ans

12

Janvier 2008

Ham (Somme)

garçons

16-18 ans

12

Septembre 2008

Pionsat (Puy-de-Dôme)

garçons

13-16 ans

12

Septembre 2008

Aveyron

garçons

13-16 ans

12

Septembre 2008

La Chapelle St Mesmin (Loiret)

garçons

non précisé

10

Septembre 2008

Mulhouse (Bas-Rhin)

garçons

16-18 ans

12

Octobre 2008

Sainte-Ménéhould (Marne)

garçons

16-18 ans

12

Octobre 2008

Rhône

garçons

13-16 ans

12

Décembre 2008

Manche

garçons

13-16 ans

12

Décembre 2008

Combs la Ville (Seine-et-Marne)

garçons

15-17 ans

12

Décembre 2008

Vaucluse

garçons

16-18 ans

12

Décembre 2008

Alpes-de-Haute-Provence

garçons

non précisé

10

Décembre 2008

Ouvertures programmées en 2009

Localisation

Public accueilli

Tranche d’âge

Nombre de places

Date prévisionnelle d’ouverture

Dreux (Eure-et-Loir)

garçons

16-18 ans

12

Mars 2009

Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes)

garçons

13-17 ans

12

Mars 2009

Cambrai (Nord)

garçons

non précisé

10

Décembre 2009

© Assemblée nationale

1 () Une simplification de la nomenclature (réduction de 5 à 3 actions) a été réalisée l’an denier pour faciliter les imputations budgétaires et consolider la présentation des dépenses par destination.

2 () Hors effectifs ENAP, opérateur de l'État

3 () Conformément au décret n° 82-886 du 15 octobre 1982 modifié.

4 () Il est important de souligner que cette augmentation doit être rapportée à l’augmentation constante de la population pénale et à la comptabilisation plus systématique des agressions, quel que soit leur degré de gravité.

5 () Meurtres, assassinat, assassinat ou meurtre commis sur mineur de moins de 15 ans, empoisonnement.

6 () Infraction à la législation sur chèques, infraction à la législation sur étrangers, incendie volontaire, atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, infractions d’ordre militaire.

7 () Loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.

8 () Le détenu placé sous PSEM n’ayant pas rempli tous ses engagements a été replacé en détention depuis.

9 () Consultables en ligne sur le site http://www.justice.gouv.fr

10 () Directeurs, professeurs techniques, psychologues, conseillers techniques de service social, chef de service éducatifs, médecins et psychiatres payés sur crédits de vacation…

11 () Éducateurs, assistants de service social, infirmiers.

12 () Adjoints administratifs, agents administratifs, maîtres ouvriers, ouvriers professionnels, agents techniques d’éducation…

13 () Cet élargissement du champ de placement en CEF permet une sortie de détention vers un CEF dans le cadre d’un réaménagement de peine, fournissant un suivi éducatif à la sortie de la détention, mais aussi un maintien en CEF malgré une condamnation ultérieure pour d’autres faits, ce qui peut jouer un rôle positif pour la continuité de l’action éducative menée.

14 () Votre rapporteure a cependant appris que les directeurs de centres reçoivent encore de très nombreuses demandes de placement qui ne correspondent pas au cahier des charges des CEF (mineurs primo-délinquants, notamment) qu’ils doivent donc refuser.

15 () Il ne s’agit pas ici de récidive légale mais de représentation devant la justice.

16 () À titre de comparaison, le coût de journée est évalué à 550 euros dans les centres de placement immédiat du secteur public et à 766 euros dans les centres éducatifs renforcés du secteur public et 441 euros dans ceux du secteur associatif habilité, l’importante différence étant due pour l’essentiel à l’écart des taux d’occupation.

17 () Figurent en caractères gras les établissements relevant du secteur public, les autres relèvent du secteur associatif habilité.