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N
° 276

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 octobre 2007

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2008 (n° 189),

PAR M. Gilles CARREZ,

Rapporteur Général,

Député.

——

ANNEXE N° 31

PROVISIONS

Rapporteur spécial : M. Philippe VIGIER

Député

____

INTRODUCTION 7

TITRE I.– LA PROVISION RELATIVE AUX RÉMUNÉRATIONS PUBLIQUES 9

I.– EXÉCUTION BUDGÉTAIRE EN 2006 9

II.– CRÉDITS DEMANDÉS POUR 2008 9

A.– L’EXTENSION AUX FONCTIONNAIRES DU DISPOSITIF D’EXONÉRATION SOCIALES SUR LES HEURES SUPPLÉMENTAIRES 9

1.– L’évaluation du montant des crédits nécessaires 10

2.– Le maintien des circuits de financement actuels 11

3 – Un recours justifié aux provisions 11

B.– AUCUNE PROVISION DESTINÉE À FINANCER DES MESURES GÉNÉRALES DE REVALORISATION DES TRAITEMENTS 12

TITRE II.– LA DOTATION POUR DÉPENSES ACCIDENTELLES ET IMPRÉVISIBLES 13

I.– L’EXÉCUTION 2006 13

A.– LA CONSOMMATION DES CRÉDITS 13

1.– En autorisations d’engagement 13

2.– En crédits de paiement 13

B.– LE PASSAGE D’UNE GESTION SOUMISE AUX PRINCIPES DE L’ORDONNANCE ORGANIQUE DE 1959 À UNE GESTION « EN MODE LOLF ». 14

1.– La substitution de la notion d’autorisation d’engagement (AE) à la notion de d’autorisation de programme (AP) 14

2.– La conversion en autorisations d’engagement des AP affectées non engagées 14

C.– L’UTILISATION CONTESTABLE D’UNE PARTIE DES CRÉDITS 15

1.– Des crédits qui auraient dû figurer sur la mission Outre-mer 15

2.– D’autres recours contestables aux Provisions 16

II.– L’EXÉCUTION 2007 18

III.– LES CRÉDITS DEMANDÉS POUR 2008 19

EXAMEN EN COMMISSION 21

ANNEXE : AUDITION RÉALISÉE PAR VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL 23

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

Les réponses sont parvenues à votre Rapporteur spécial, le 8 octobre 2007.

Synthèse

ÉVOLUTION DES DOTATIONS RELATIVES AUX PROVISIONS

(en millions d’euros)

Exécution 2006

LFI 2007

PLF 2008

AP

CP

AE

CP

AE

CP

Dotation n° 551

Dotation relative aux rémunérations publiques

150

150

Dotation n° 552

Dépenses accidentelles et imprévisibles

410,62

82,29

75,5

75,5

75

75

- Exercice 2006

L’année 2006 constitue un exercice particulier.

Le montant des autorisations d’engagement consommées s’explique par les difficultés de gestion liées à la mise en œuvre de la LOLF.

Cependant, parmi les autorisations d’engagement, seuls 31 millions d’euros ont été répartis vers d’autres programmes conformément à l’objet de la présente mission. Certains crédits ont été attribués à la mission Outre-mer en raison du caractère urgent de la dépense et non de leur caractère accidentel et imprévisible.

- LFI 2007

Les dépenses exécutées en loi de finances initiale pour 2007, à la fin octobre, sont de 17,6 millions d'euros en autorisations d’engagement et de 11,4 millions d'euros en crédits de paiement. Elles concernent l’indemnisation des sinistres provoqués par le cyclone Gamède à La Réunion en février 2007.

- PLF 2008

Une provision de 150 millions d'euros est demandée sur le programme Provision relative aux rémunérations publiques. Ces crédits sont destinés à financer les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires des fonctionnaires, prévues par l’article 1er de la loi TEPA du 21 août 2007. Ces crédits ne peuvent être répartis actuellement de façon fiable entre programmes. Une évaluation préalable par les ministères du coût exact de l’exonération est nécessaire.

INTRODUCTION

La mission Provisions est l’expression du pragmatisme de la loi organique relative aux lois de finances n° 2001-692 du 1er août 2001 (LOLF). Elle réunit deux réserves permettant de répondre à des situations imprévues en s’affranchissant en partie des rigidités de la structure du budget. Elle est prévue par les alinéas 3 à 5 de l’article 7 de la LOLF qui disposent qu’une « mission spécifique regroupe les crédits des deux dotations suivantes :

1° Une dotation pour mesures générales en matière de rémunérations dont la répartition par programme ne peut être déterminée avec précision au moment du vote des crédits ;

2  Une dotation pour dépenses accidentelles, destinée à faire face à des calamités, et pour dépenses imprévisibles »

Cette mission déroge à l’esprit de la LOLF, puisque les deux programmes qui sont les supports budgétaires de ces dotations ne concourent à aucune politique publique et échappent à la logique de performance. La deuxième dotation ne constitue pas non plus un regroupement par nature de dépense tel qu’il prévalait sous l’empire de l’ordonnance organique de 1959.

Cette mission spécifique est pilotée par la direction du Budget du ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique qui n’a pas la maîtrise de la répartition des crédits alloués à ces dotations.

Puisque la LOLF ne soumet les deux programmes à aucune logique de performance, ils ne font l’objet d’aucun indicateur et l’annexe explicative qui s’y rapporte ne comporte de projet annuel de performances. De même, l’exécution des crédits en 2006 est présentée dans un document annexe au projet de loi de règlement et non dans un rapport annuel de performances.

Durant l’exercice budgétaire, les dotations sont réparties entre les différents programmes, dans la limite des besoins et des crédits ouverts, par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances conformément à l’article 11 de la LOLF.

TITRE I.– LA PROVISION RELATIVE AUX RÉMUNÉRATIONS PUBLIQUES

Le programme 551 Provision relative aux rémunérations publiques est destiné au financement des mesures générales en matière de rémunération « dont la répartition par programme ne peut être déterminée avec précision au moment du vote des crédits » (article 7 de la LOLF).

En vertu de l’article 5 de la LOLF, les crédits affectés au programme 551 sont repris sous le titre 2, relatif aux dépenses de personnel.

I.– EXÉCUTION BUDGÉTAIRE EN 2006

En 2006 – comme en 2005 et 2007 – la loi de finances de l’année ne comportait pas de provision en faveur des rémunérations des agents du secteur public. Ainsi que l’indique la justification au premier euro de l’annexe au projet de loi de règlement relative à l’exécution en 2006, les crédits de rémunération ont été « intégralement répartis entre les missions et programmes supportant les moyens de personnels relatifs aux diverses politiques publiques ». Il convient de saluer cette bonne pratique, même si le « calibrage » en loi de finances initiale des crédits de personnel (titre 2) sur les différents programmes reste à affiner : ces crédits avaient été quelque peu surévalués pour cette première année d’application de la LOLF.

II.– CRÉDITS DEMANDÉS POUR 2008

Pour la première fois depuis l’entrée en vigueur de la LOLF, des crédits sont demandés sur le programme 551. 150 millions d'euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement doivent financer les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires effectuées dans la fonction publique de l’État.

A.– L’EXTENSION AUX FONCTIONNAIRES DU DISPOSITIF D’EXONÉRATION SOCIALES SUR LES HEURES SUPPLÉMENTAIRES

L’article 1er-IV de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat étend aux fonctionnaires le dispositif d’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires. Les modalités de mise en œuvre ont été précisées par le décret n° 2007-1430 du 4 octobre 2007 portant application aux agents publics de l’article 1er de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d’achat.

Ainsi, toute heure supplémentaire ouvre droit à une réduction de cotisations salariales de sécurité sociale proportionnelle à sa rémunération, dans la limite des cotisations et contributions obligatoires dont le salarié est redevable au titre de cette heure.

1.– L’évaluation du montant des crédits nécessaires

Les crédits inscrits sur la provision relative aux rémunérations publiques s’élèvent à 150 millions d'euros. Ce montant a été évalué en partant d’une hypothèse d’exonération de la totalité des charges sociales salariales pesant sur les heures supplémentaires effectuées par les fonctionnaires. Deux paramètres ont été pris en compte :

– en 2006, la dépense au titre des heures supplémentaires s’est élevée à 1,1 milliard d'euros dans la fonction publique de l’État ;

– les heures supplémentaires dans la fonction publique sont rémunérées sous forme d’indemnités, soumises à cotisations à un taux de 13,76 %.

Le coût de l’exonération obtenu est donc de 13,76 % de 1 100 millions d'euros soit 150 millions d’euros pour la fonction publique de l’Etat.

S’agissant plus particulièrement du taux de cotisation de 13,76 % (1), il résulte de la prise en compte des éléments suivants :

– 7,5% de contribution sociale généralisée (CSG) versée à l’ACOSS sur 97 % de l’assiette ;

– 0,5% de contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) versée à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) sur 97 % de l’assiette ;

– 1% de contribution exceptionnelle de solidarité (CES) versée au Fonds de solidarité, l’établissement public administratif, qui finance les allocations chômage du régime de solidarité ;

– une cotisation complémentaire peut être supportée par le fonctionnaire, dans la limite de 20 % de son traitement indiciaire, au titre de la retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP), au taux de 5 %. Cette cotisation est versée à la Caisse de retraite additionnelle de la fonction publique.

Il convient de noter que ce dispositif devrait concerner principalement les fonctionnaires de l’Éducation nationale. On estime en effet que la dépense au titre des heures supplémentaires pour ce ministère s’élèverait aux environs de 955 millions d'euros, soit 87 % du montant total de la masse salariale affectée aux heures supplémentaires.

2.– Le maintien des circuits de financement actuels

Dans un souci de simplicité, afin d’éviter de mettre en place un dispositif particulier de compensation, il a été décidé que le dispositif d’exonération ne devait pas modifier les modalités de versement des cotisations aux organismes, ni les circuits financiers actuels. Les cotisations continueront à être prélevées et les fonctionnaires se verront rembourser simultanément par les ministères employeurs ces cotisations sur leur bulletin de traitement par une ligne supplémentaire.

Ce dispositif ne se traduira pas par une minoration individuelle du taux de la cotisation pension ou vieillesse et ne modifiera pas les flux financiers correspondant aux cotisations reversées par les employeurs au compte d’affectation spéciale Pensions ou au fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’Etat (FSPOEIE), en permettant ainsi de garantir leur équilibre.

Comme le prévoit l’article 2 du décret précité, l’exonération fiscale et sociale des éléments de rémunération qui entrent dans le champ des heures supplémentaires est soumise au contrôle de l’employeur. À ce titre, il devra s’assurer de l’effectivité des heures supplémentaires réalisées et mettre en place les moyens de contrôle adéquats. Ce dispositif de contrôle permettra de comptabiliser exactement les heures supplémentaires ou le temps de travail additionnel effectivement accomplis.

3 – Un recours justifié aux provisions

Le recours à la technique de la provision relative aux rémunérations publiques se justifie car il s’agit de dépenses qui, au moment du vote de la loi de finances initiale, ne peuvent être réparties de façon fiable entre programmes. Il est en effet nécessaire d’attendre une première année de mise en œuvre et la montée en puissance du dispositif pour estimer le coût exact de l’exonération et calibrer au plus juste les crédits nécessaires aux ministères en fonction des besoins. Conformément aux dispositions de la LOLF (article 11), la provision de 150 millions d’euros pourra être répartie entre programmes par arrêté du ministre chargé des finances.

Dans une logique de bonne gestion budgétaire, le programme 551 a vocation à ne pas être abondé. Il est donc souhaitable, qu’à l’issue de la période transitoire d’un an, chaque ministère assure la gestion des heures supplémentaires de ses agents et prévoit le montant des exonérations de cotisations sur le titre 2 pour chaque mission.

Votre Rapporteur spécial souhaite cependant attirer l’attention sur le problème général des heures supplémentaires effectuées dans la fonction publique et plus particulièrement du compte épargne temps (CET). Il est ainsi précisé dans le compte général de l’Etat pour 2006 qu’« en l’absence d’information fiable, aucune provision n’a été comptabilisée au titre du report des congés annuels ».

Seuls 547 millions d'euros, au titre des provisions pour dépenses de personnel, ont été inscrits dans le compte général de l’Etat (CGE) accompagnant la loi de règlement du budget de l’année 2006. Ces provisions ne prennent pas en compte la dette contractée par l’Etat envers ceux qui ont effectué des heures supplémentaires non rémunérées, comme les officiers de police et les détenteurs de CET. À titre de comparaison, dans la fonction publique hospitalière, le montant des jours de CET a été valorisé à 534 millions d'euros.

B.– AUCUNE PROVISION DESTINÉE À FINANCER DES MESURES GÉNÉRALES DE REVALORISATION DES TRAITEMENTS

À l’instar de ce qui se pratique depuis 2005, la loi de finances de l’année ne comporte pas de crédits au titre de la provision destinée à financer des mesures générales de revalorisation des traitements des agents du secteur public. Les marges de majorations qui résulteraient des négociations salariales dans la fonction publique figurent au titre 2 de chacune des missions comportant des crédits de personnel.

Pour la construction du présent projet de loi de finances, la valeur du point retenu correspond à 54,41 euros soit une valeur identique à celle du 1er février 2007, date de la dernière hausse décidée par le Gouvernement (+ 0,8 %). Cette augmentation représente pour l’État une dépense d’environ 623 millions d’euros en 2007 et son effet report sur 2008 est estimé à 57 millions d’euros.

VALEUR ANNUELLE MOYENNE DU POINT FONCTION PUBLIQUE
RETENUE POUR LA PRÉPARATION DES LOIS DE FINANCES

(en euros)

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

50,9469

52,06338

52,12848

52,4933

52,75586

53,711

54,224

54,4113

À titre indicatif, toute hausse de 1 % de la valeur du point fonction publique accroît mécaniquement les dépenses de personnel d’environ 850 millions d’euros en année pleine.

TITRE II.– LA DOTATION POUR DÉPENSES ACCIDENTELLES ET IMPRÉVISIBLES

La dotation inscrite sur le programme 552 Dépenses accidentelles et imprévisibles a, selon l’annexe jointe au présent projet de loi de finances, « pour objet de permettre le financement en cours de gestion de dépenses urgentes comme par exemple des catastrophes naturelles en France ou à l’étranger ou des événements extérieurs pouvant nécessiter le rapatriement de Français d’un pays étranger ». Ces dotations sont réparties, dans la limite des besoins et des crédits ouverts, par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances, conformément à l’article 11 de la LOLF.

I.– L’EXÉCUTION 2006

En loi de finances initiale pour 2006, la dotation pour Dépenses accidentelles et imprévisibles était de 463 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 111 millions d’euros en crédits de paiement. L’important volume d’autorisations d’engagement visait à faire face à d’éventuelles difficultés de gestion liées à la mise en œuvre de la LOLF, celle-ci ne prévoyant aucun régime transitoire organisant le passage entre les anciennes autorisations de programme et les nouvelles autorisations d’engagement.

A.– LA CONSOMMATION DES CRÉDITS

1.– En autorisations d’engagement

89 % de la dotation, soit 410,6 millions d’euros, ont été consommés (voir le tableau présenté page 16). Les 52,5 milliards d’euros restant ont été annulés en loi de règlement.

2.– En crédits de paiement

Les crédits de paiement, quant à eux, ont été ramenés à 80,3 millions d’euros en loi de finances rectificative de fin d’année. Ils n’ont servi à des ouvertures de crédits en gestion qu’à hauteur de 50,1 millions d’euros (voir le tableau page 15). Le solde – soit 30,8 millions d’euros – a été annulé en loi de règlement.

Parmi les crédits dépensés, 31 millions ont été utilisés conformément à l’objet de la dotation, pour le financement de la logistique de l’évacuation des civils au Liban (9,3 millions d'euros), le versement d’acomptes du Fonds national de garantie contre les calamités agricoles, suite à la sécheresse de 2006 (9 millions d'euros) ou encore l’abondement des crédits destinés aux secours d’extrêmes urgences (2,9 millions d'euros).

En revanche, notamment pour des raisons tenant à la transition vers la LOLF, une part des dépenses de 2006 ne devrait plus apparaître à l’avenir.

B.– LE PASSAGE D’UNE GESTION SOUMISE AUX PRINCIPES DE L’ORDONNANCE ORGANIQUE DE 1959 À UNE GESTION « EN MODE LOLF ».

1.– La substitution de la notion d’autorisation d’engagement (AE) à la notion de d’autorisation de programme (AP)

Sous l’ordonnance de 1959, les autorisations de programme ne concernaient que les dépenses en capital pluriannuelles (investissements exécutés par l’Etat et subventions d’investissement accordées par l’Etat à divers organismes), tandis qu’en vertu de l’article 8 de la LOLF, les autorisations d’engagement ont vocation à encadrer l’ensemble des engagements de dépenses.

Les autorisations de programme bénéficiaient d’une « immortalité » de principe qui conduisait à les reporter d’année en année tant qu’elles n’étaient pas consommées, parfois même lorsque les opérations qui avaient justifié leur ouverture étaient achevées. Elles constituaient donc un « stock » de crédits au sein duquel les services gestionnaires puisaient pour engager des opérations d’investissements. Les autorisations de programme étaient reconduites systématiquement d’année en année, d’où l’existence d’un stock d’autorisations de programme « dormantes » jamais affectées.

À ce système de « stock » d’autorisations de programme, la LOLF a substitué une logique de « flux » d’autorisations d’engagement. À la différence des autorisations de programme, les autorisations d’engagement sont soumises au principe d’annualité : elles ne créent aucun droit au titre des années suivantes.

2.– La conversion en autorisations d’engagement des AP affectées non engagées

La LOLF ne prévoyant pas de dispositions spécifiques pour la reprise en 2006 des engagements antérieurs, toutes les autorisations de programme sont « tombées » dès le passage à l’exercice 2006. Un recensement de toutes les autorisations de programme « dormantes » a ainsi pu être fait. En conséquence 36 milliards d’euros d’autorisations de programme n’ont pas été repris en gestion 2006.

Une dotation importante en autorisations d’engagement du programme 552, soit 360 millions d’euros, était destinée à sécuriser des opérations d’investissement déjà en cours, pour lesquels les crédits n’avaient pas été affectés. De fait, des autorisations d’engagement ont été consommées à cette fin à hauteur de 332 millions d’euros. Une dizaine de programmes ont ainsi été abondés, notamment le programme 122 Concours spécifique et administration de la mission Relation avec les collectivités territoriales.

Cette pratique a été jugée acceptable par la Cour des comptes, dans le contexte de transition entre 2005 et 2006, « mais non conformes à l’objet de la dotation, s’agissant d’opérations d’investissement programmées ou en cours, et donc de dépenses prévisibles » Votre Rapporteur spécial se félicite qu’elle n’ait pas perduré en 2007.

C.– L’UTILISATION CONTESTABLE D’UNE PARTIE DES CRÉDITS

1.– Des crédits qui auraient dû figurer sur la mission Outre-mer

La Cour des comptes a critiqué le fait qu’une partie des crédits ait été utilisée pour des raisons étrangères à la couverture de « dépenses accidentelles et imprévisibles », citant les cas de l’abondement du Fonds intercommunal de péréquation de la Polynésie française (20,2 millions d'euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement) et de la couverture des organismes HLM d’outre-mer (2)(8,4 millions d'euros en crédits de paiement).

Dans les deux cas, la Cour estime que les crédits correspondants auraient dû être ouverts en loi de finances initiale ou en loi de finances rectificative sur la mission Outre-mer, l’imputation retenue étant jugée inappropriée et irrégulière.

En réponse au questionnaire budgétaire de votre Rapporteur spécial, le recours à la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles a ainsi été justifié par le ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique :

« – Concernant l’apurement de la dette à l’égard du FIP de Polynésie française, le gouvernement s’était engagé à traiter le sujet avant la fin de 2006. La solution retenue a consisté à mobiliser en septembre 2006, au-delà d’un décret de virement de 5,92 millions d’euros, la ressource complémentaire par un abondement provenant de la mission « Provisions », sans attendre la loi de finances rectificative qui aurait conduit à repousser le paiement effectif en 2007 via un report des crédits correspondants.

« –  L’accélération du paiement des subventions de l’État aux organismes HLM d’outre-mer a été décidée par le Premier ministre en cours d’année et le choix a été fait de mobiliser pour partie des crédits de la mission « Provisions », afin de faire face aux besoins urgents de trésorerie des offices HLM d’outre-mer. »

Votre Rapporteur spécial souligne que le caractère urgent de la dépense ou la décision d’anticiper un financement ne suffit pas à justifier le recours aux dotations inscrites sur la mission Provisions. Ces dépenses ne présentant aucun caractère accidentel ou imprévisible, elles auraient dû être directement inscrites en loi de finances initiale ou rectificative sur la mission Outre-Mer.

2.– D’autres recours contestables aux Provisions

Une mauvaise délimitation de la ligne de partage entre les missions régaliennes relevant du programme Transports aériens et les opérations industrielles et commerciales retracées sur le budget annexe Contrôle et exploitation aériens a conduit à une ouverture de 28,8 d’autorisations d’engagement sur le programme.

Par ailleurs, dans le cadre de la rénovation de l’Institut national du sport et de l’éducation physique, un virement de crédit de 8 millions d'euros en faveur du programme Sport, jeunesse et vie associative de la mission s’explique par le recours à un nouveau dispositif, le partenariat public - privé, dont toute la mécanique ne semble pas encore être maîtrisées par les services.

Dans le cas de l’exercice 2006, après déduction des opérations transitoires et des crédits qui auraient dû figurer sur la mission Outre – Mer, ce sont 21,2 millions d'euros qui ont été dépensés conformément à leur objet.

Votre Rapporteur spécial estime que l’exercice 2006 a constitué un exercice atypique pour lequel certaines pratiques hors normes justifiées par l’anticipation d’éventuelles difficultés de gestion liées à la mise en œuvre de la LOLF n’ont désormais plus lieu d’être.

GESTION DE LA DOTATION DÉPENSES ACCIDENTELLES ET IMPRÉVISIBLES EN 2006

(en euros)

Mission et programme bénéficiaire

Objet de la dépense

Montants

Signature du décret de virement

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Relations avec les collectivités territoriales
(Concours spécifiques et administration)

Ouverture d’autorisations d’engagement nécessaires à la continuité des opérations en cours

45 000 000

8 juin

Relations avec les collectivités territoriales
(Concours spécifiques et administration)

Subventions d’équipement aux collectivités locales pour la réparation des dégâts causés par les inondations de novembre 2005 dans l’Aude et les Pyrénées-Orientales

4 400 000

14 septembre

Outre-mer
(Intégration et valorisation de l’outre-mer)

Abondement du Fonds intercommunal de péréquation de la Polynésie française et du fonds de secours pour l’outre-mer

20 200 773

20 200 773

14 septembre

Action extérieure de l’État
(Français à l’étranger et étrangers en France)

Reconstitution des crédits consommés durant l’été 2006 au titre des opérations d’évacuation du Liban

9 291 598

9 291 598

3 octobre

Transports
(Transports aériens)

Opérations d’investissement de la Direction générale de l’aviation civile et de certaines DDE

28 804 026

 

13 novembre

Sécurité civile
(Coordination des moyens de secours)

Abondement des secours d’extrême urgence aux victimes de catastrophes et des crédits aux sapeurs-pompiers intervenant en renfort

2 866 318

2 866 318

20 novembre

Pouvoirs publics
(Conseil constitutionnel)

Organisation du référendum du 29 mai 2005

379 713

379 713

24 novembre

Programmes 110, 180, 112, 119, 122, 219, 221 et 103

Transformation d’anciennes AP en autorisations d’engagement

282 677 906

 

28 novembre

Outre-mer
(Conditions de vie
outre-mer
)

Accélération des paiements aux opérateurs du logement social outre-mer

 

8 400 000

22 décembre

Agriculture, pêche, forêt et affaire rurales
(Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés)

Financement des acomptes versés par le Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA)

9 000 000

9 000 000

22 décembre

Sports, jeunesse et vie associative
(Sports)

Complément pour signature du partenariat public-privé de rénovation de l’Institut national du sport et de l’éducation physique

8 000 000

 

23 décembre

 

Total

410 620 334

50 138 402

 

II.– L’EXÉCUTION 2007

En loi de finances initiale pour 2007, la dotation pour Dépenses accidentelles et imprévisibles est de 75,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

Le tableau présenté ci-dessous rend compte des dépenses exécutées jusqu’à la fin octobre 2006.

GESTION DE LA DOTATION DÉPENSES ACCIDENTELLES ET IMPRÉVISIBLES

En euros

Mission et programme bénéficiaire

Objet de la dépense

Montant

Référence du décret

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Outre-Mer
(Intégration et valorisation de l’Outre-mer)

Financement des indemnisations des sinistres provoqués par le passage du cyclone Gamède à La Réunion en février 2007

17 600 000

11 400 000

15 octobre 2007
JO
du 17 octobre

Votre Rapporteur spécial constate cependant que le recours aux provisions pour Dépenses accidentelles et imprévisibles pourrait se développer.

En effet, deux missions supportent régulièrement des aléas, climatiques ou sanitaires : Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales, d’une part ; Sécurité sanitaire, d’autre part et qu’il conviendrait donc pour chacune de provisionner dès la loi de finances initiale une partie des crédits nécessaires à la couverture des surcoûts causés par ces aléas. Pour remédier à la sous-dotation, on a donc recours aux crédits mis en réserve, la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles, étant trop peu dotée en loi de finances initiale.

Face à cette situation, le 23 octobre 2007, lors de l’examen, pour avis, d’un projet de décret d’avance en application de l’article 13 de la LOLF, votre commission des Finances a observé que « l’imprévisibilité de certaines dépenses résultant des aléas climatiques ou de crises sanitaires ne saurait masquer le fait que les surcoûts constatés chaque année présentent une certaine régularité dans leur survenance et une certaine stabilité dans leurs montants. En conséquence, il conviendrait de provisionner dès la loi de finances initiale une partie des crédits nécessaires à la couverture de ces surcoûts, soit au sein de chaque mission concernée (en l’espèce Agriculture, pêche, forêt et affaires rurale et Sécurité sanitaire), soit sur la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles, jusqu’à présent sous-utilisées. »

III.– LES CRÉDITS DEMANDÉS POUR 2008

Le présent projet de loi de finances tend à ouvrir 75 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Ce montant, comparable à celui de la loi de finances pour 2007, est inférieur à la dotation pour 2006, dans la mesure où la période de transition budgétaire est achevée. Votre Rapporteur spécial souhaite que ces crédits soient utilisés conformément à leur objet, à l’instar de ce qui se produit jusqu’à présent durant l’exercice 2007.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de la séance du 6 novembre 2007 à 21 heures, votre commission des Finances a examiné les crédits de la mission Provisions.

Après l’exposé de votre Rapporteur spécial, M. Michel Bouvard a regretté la sous-évaluation des dotations pour dépenses accidentelles et imprévisibles, qui concernent essentiellement les budgets des ministères de l’Intérieur et de l’Agriculture. La Commission vient d’examiner un décret d’avance, qui comprend justement d’importantes ouvertures de crédits sur le budget du ministère de l’agriculture. Les intempéries et les calamités agricoles sont certes imprévisibles, mais des régions sont chaque année concernées et la dotation pour dépenses accidentelles est à chaque fois sous évaluée. Si on exclut le cas des opérations extérieures du ministère de la Défense qui nécessitent parfois des ouvertures de crédits complémentaires, une évaluation satisfaisante des crédits de la mission permettrait sûrement d’éviter l’adoption de nombreux décrets d’avance. Un travail d’inventaire des crédits complémentaires ouverts par décret depuis une dizaine d’année montrerait certainement une sous-évaluation structurelle de cette dotation.

Le Président Didier Migaud s’est étonné de l’inscription des crédits relatifs aux heures supplémentaires dans la fonction publique dans la catégorie des dépenses accidentelles et imprévisibles.

M. Philippe Vigier, Rapporteur spécial, a souligné que son rapport faisait état du caractère transitoire de cette inscription et que les crédits auraient vocation à être répartis entre les budgets de chaque ministère dans la prochaine loi de finances. De plus, le caractère récurrent des catastrophes climatiques et agricoles nécessite une réévaluation de la dotation pour dépenses accidentelles.

Conformément à son avis, la Commission a adopté les crédits de la mission Provisions.

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ANNEXE :
AUDITION RÉALISÉE PAR VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

M. Stanislas GODEFROY, Chef du bureau des Lois de finances à la direction du Budget du ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique.

© Assemblée nationale

1 () 7,5 x 97% des primes + 0,5 x 97% des primes + 1 + 5 = 13,76 %.

2 () Cour des comptes, Rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l’État pour l’année 2006, p. 134.