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- Commission élargie : sécurité
La séance est ouverte à 9 heures.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances – Je suis heureux, au nom de la commission des finances mais également de MM. Warsmann, président de la commission des lois, et Teissier, président de la commission de la défense, d’accueillir Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, ainsi que M. Hervé Morin, ministre de la défense. Cette commission élargie vise donc à débattre, au titre de la seconde partie du projet de loi de finances, des crédits de la sécurité. Une telle procédure tendant à instaurer un débat dynamique entre les ministres et les députés à partir de questions et de réponses précises a vocation à être étendue l’année prochaine à toutes les discussions budgétaires. M. Morin devant partir à 10 heures afin de se rendre à Cherbourg, les questions lui seront adressées en priorité. M. Warsmann doit, quant à lui, se rendre en séance publique pour assister à la CMP sur le projet relatif à la maîtrise de l’immigration.
Mme Delphine Batho – Je regrette que la commission élargie, sur un sujet aussi important que la sécurité, se déroule en même temps que la séance publique, consacrée à la CMP sur le projet relatif à la maîtrise de l’immigration et à laquelle participent nombre de parlementaires membres de la commission des lois qui ne peuvent donc être parmi nous. Une telle situation est d’autant plus regrettable que le texte débattu en séance publique aura des conséquences sur le budget de la mission sécurité.
M. le président de la commission des finances – C’est en effet une coïncidence malheureuse mais l’organisation de l’ordre du jour est particulièrement délicate.
M. Guy Teissier, président de la commission de la défense - Je suis très satisfait de coprésider cette commission élargie, cette procédure constituant une première pour la commission de la défense.
M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois – Je suis également très heureux de cette audition commune des ministres de l’intérieur et de la défense. Mais, devant me rendre en séance publique à 9 heures 30, c’est M. Bénisti qui me succèdera. Nous serons en particulier très attentifs aux annonces de Mme la ministre s’agissant du calendrier et du contenu de la future LOPPSI.
M. Michel Diefenbacher, rapporteur spécial de la commission des finances – Si la LOPPSI 1 a été un succès par les moyens dégagés et les résultats obtenus, la LOPPSI 2 se prépare dans un contexte budgétaire plus contraint, notamment en matière d’effectifs. Qu’en sera-t-il précisément ? En quoi les premières conclusions de la Révision générale des politiques publiques influeront-elles sur le contenu de la LOPPSI 2 ?
La police et la gendarmerie ont en outre souvent été concurrentes et séparées, or, les maîtres mots sont aujourd’hui le rapprochement, le redéploiement et la mutualisation : mise en place d’un système commun d’analyses et de recherches criminelles, moyens aériens et nautiques, procédure de passations des marchés, formations des personnels. Un domaine échappe néanmoins à cette mutualisation : la police scientifique, les laboratoires de la police et de la gendarmerie relevant d’autorités séparées. Les arguments donnés pour justifier la pérennité de cette situation ne sont néanmoins guère convaincants et en particulier celui de la contre-expertise, devant être effectuée par le service relevant d’une autorité différente.
Depuis 2002, les pouvoirs du ministère de l’intérieur s’élargissent : responsabilité de l’emploi dans la gendarmerie et définition conjointe avec le ministre de la défense de l’attribution des moyens budgétaires de la gendarmerie. Ne faut-il pas envisager, à terme, de confier l’intégralité de la responsabilité budgétaire de la gendarmerie au ministre de l’intérieur, le ministre de la défense restant l’autorité hiérarchique et le gestionnaire des forces ?
M. Guy Geoffroy, rapporteur pour avis de la commission des lois – La police nationale a à peu près intégralement accompli le programme fixé par la LOPPSI et la gendarmerie à 90% environ. La LOPPSI 2 permettra-t-elle d’opérer en l’occurrence quelques rattrapages ?
Si l’essentiel du rapprochement entre les forces de police et de gendarmerie a déjà été opéré, on peut se demander comment les redéploiements qui sont encore possibles seront effectués et comment la future LOPPSI les encouragera. Il s’agit en particulier de mieux prendre en compte l’évolution de la délinquance pour définir les effectifs nécessaires sur le terrain.
En ce qui concerne la fusion entre la DST et les Renseignements généraux, les résultats de l’expérimentation en cours sont plutôt bons. Il faudrait toutefois s’assurer que les policiers des renseignements généraux affectés au sein du dispositif de sécurité publique ne se verront pas confier des missions traditionnelles, au détriment des missions départementales des renseignements généraux.
La future LOPPSI devrait rechercher une performance accrue. Comment, dans ces conditions, rapprocher les politiques de formation de la gendarmerie et de la police nationale afin de créer une véritable continuité dans le parcours de formation, voire d’aller jusqu’à une mutualisation ?
Enfin, n’est-il pas maintenant envisageable de parachever le mouvement lancé en 2002 en regroupant les deux forces de sécurité, civile et militaire, au sein d’un grand ministère unique de la sécurité intérieure ?
M. Alain Moyne-Bressand, rapporteur pour avis de la commission de la Défense – La gendarmerie n’échappe pas à un plan de restriction budgétaire qui s’inscrit dans un contexte de dégradation générale des finances publiques. Afin de ne pas obérer ses capacités opérationnelles, il convient d’orienter les efforts vers une rationalisation de ses missions.
Je souhaite donc insister particulièrement sur la charge que représentent les transfèrements et les extractions de détenus : les incohérences et les dysfonctionnements dans leur exécution ne sont plus acceptables.
Ces opérations, auxquelles il convient d’ajouter les escortes d’étrangers en situation irrégulière, sont très coûteuses en personnel et en temps : 5000 à 6 000 personnes dont 1 000 gendarmes sont mobilisées quotidiennement, à temps plein, pour ces tâches. En 2006, la gendarmerie a réalisé 119 349 mouvements auxquels elle a consacré 1 813 348 heures. Toute escorte mobilise trois militaires dont l’un remplit les fonctions de chauffeur. Les destinations ne se limitent pas aux juridictions et aux lieux de rétention les plus proches.
Ne pourrait-on recourir au bracelet électronique pour suivre les étrangers en situation irrégulière et à la visioconférence pour les procédures visant ceux qui sont déjà placés en centre de rétention administrative ?
La gendarmerie n’a aucun moyen d’anticiper l’augmentation des charges liées à ces missions et l’absence de toute planification empêche l’optimisation des effectifs. Faute de rationalisation, les magistrats demandent la présentation de plusieurs détenus à des horaires différents et la charge qui en résulte est inadmissible.
La multiplication des déplacements pour des présentations ou des notifications ne nécessitant qu’une dizaine de minutes est très regrettable et le GIGN a déploré un déploiement de forces disproportionné.
Les pertes de temps perturbent le fonctionnement des unités : dans la mesure où il est impossible de prévoir la durée des missions, les gendarmes qui y sont affectés sont considérés comme indisponibles pour toute la journée. Le non-respect des horaires de convocation par les magistrats entraîne un allongement indu de nombreuses extractions.
Il est urgent de desserrer la contrainte qui pèse de la sorte sur la gendarmerie. L’autorité judiciaire doit prendre conscience de la charge exorbitante que cela représente.
La visioconférence est actuellement expérimentée dans le ressort de Nancy entre les juridictions équipées et les établissements pénitentiaires de Metz et de Nancy. Le ministère de la justice a décidé de relancer les travaux communs avec la police et la gendarmerie pour un recours plus intensif à cette technique. Je soutiens cette démarche et je regrette qu’elle se heurte à des habitudes et à des mentalités qui devraient évoluer.
Plutôt que de déplacer de nombreux détenus, il serait plus rationnel d’organiser la venue des magistrats à la maison d’arrêt. Pour remédier à leur refus d’aller vers le justiciable, on pourrait aménager, à proximité de la prison, un local adapté à la présentation des détenus. Couplée avec les possibilités ouvertes par le code de procédure pénale de déléguer un acte de procédure ou de transférer l’ensemble d’une procédure aux juridictions du lieu de détention, cette solution permettrait de limiter les mouvements de détenus.
Le respect d’un préavis pour toute demande de mouvement, le traitement prioritaire des comparutions escortées et l’instauration de jours de convocations seraient des mesures de bonne gestion. On pourrait également confier aux magistrats la responsabilité des transfèrements en leur attribuant un plafond de dépenses.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales – La première LOPPSI a été intégralement exécutée en dehors d’un retard pour les effectifs de gendarmerie puisqu’il manque 950 emplois sur les 7 000 prévus. La création en 2008 de 475 ETPT, pour un budget de 20,2 millions d’euros devrait permettre de boucler pratiquement le programme prévu.
Cette loi a permis, de 2002 à 2008, une baisse sensible de la délinquance et une augmentation du taux d’élucidation. Ce mouvement se poursuit et il s’est même amplifié au cours des trois derniers mois.
Il faut donc poursuivre en ce sens avec la LOPPSI 2, qui vient d’être transmise au Président de la République et au Premier ministre. Elle devrait être examinée en Conseil de ministres courant novembre et sera présentée au Parlement dès que le calendrier le permettra.
La première orientation de ce texte est la modernisation. Il est en effet indispensable, face aux nouvelles formes de la délinquance, de donner aux forces de police et de gendarmerie les moyens de disposer d’un temps d’avance. La délinquance est de plus en plus mobile et transfrontalière ; la cybercriminalité se développe ; les risques liés au terrorisme évoluent, en particulier avec l’éventualité d’un recours aux armes nucléaires, biologiques et chimiques. Il convient donc que les forces de police et de gendarmerie disposent de tous les moyens nécessaires. La police scientifique et technique, en particulier, sera développée.
La LOPPSI 2 met aussi l’accent sur la mutualisation. En effet, pour des raisons d’efficacité mais aussi de bonne utilisation de l’argent public, des synergies doivent être recherchées. La plus grande compatibilité entre la police et la gendarmerie a précisément pour but de leur permettre de mieux s’adapter aux nouveaux enjeux de la délinquance.
Enfin, la nouvelle loi d’orientation vise à améliorer le management. La police et la gendarmerie, ce sont en effet d’abord les personnels, dont les compétences doivent être renforcées. Pour cela, un effort important sera fait en faveur de la formation permanente, du déroulement des carrières et d’un recentrage des missions sur les tâches qui ne peuvent être assurées que par des agents en uniforme.
L’amélioration du management concerne également les aspects internationaux : une plus grande efficacité de nos forces de police suppose des relations plus étroites avec les autres pays d’Europe. La présidence française de l’Union, à compter de l’été 2008, doit être l’occasion de renforcer les synergies et de mener des actions concrètes avec nos voisins.
En ce qui concerne l’articulation entre la police et la gendarmerie, plusieurs d’entre vous ont évoqué les compétences réciproques du ministre de la Défense et du ministre de l’Intérieur. Pour ma part, même s’il est sans doute fort rare qu’un ministre refuse qu’on élargisse le périmètre de son action, je demeure convaincue que l’existence de deux forces de sécurité ayant un statut différent, civil et militaire, est une garantie pour la démocratie. Je suis également persuadée que la gendarmerie doit demeurer rattachée au ministère de la Défense pour tout ce qui a trait au statut des personnels.
Cela ne signifie pas que le ministre de l’Intérieur ne doit pas être compétent en ce qui concerne un certain nombre d’aspects, notamment opérationnels, de la gendarmerie.
Le rapprochement avait été entrepris dès 2002 : le périmètre de mon ministère avait été élargi, surtout en matière budgétaire et d’affectation du personnel d’encadrement. La rationalisation doit continuer dans tout le domaine opérationnel, mais dans la limite absolue d’un rattachement significatif du personnel au ministère de la défense. M. Morin et moi-même préparons des propositions pour le Premier ministre. La ligne de partage doit garantir le rattachement des militaires à la défense tout en donnant au ministre de l’intérieur des moyens optimaux pour la lutte contre l’insécurité.
Les redéploiements entre les forces de police et de gendarmerie peuvent se faire d’un point de vue géographique ou thématique. Du point de vue géographique, l’affectation des forces de police en zone urbaine et de la gendarmerie en zone rurale correspond certes à notre tradition, mais surtout à des savoir-faire différents, des cultures, parfois des missions distinctes. L’ancrage territorial de la gendarmerie s’accompagne ainsi d’une mission de renseignements caractéristique de son action. Mais l’évolution de la société rend nécessaire de revoir ces frontières : les gendarmes n’ont rien à faire dans des zones périurbaines qui sont devenues des cités dortoirs. Et ces ajustements devront suivre chaque évolution de la société.
Quant aux redéploiements thématiques, il est évident que le problème des transfèrements que vous avez évoqué coûte beaucoup d’énergie, de temps et d’argent à la gendarmerie et correspond à une vision passéiste de l’organisation judiciaire. Il faut exploiter les moyens modernes de communication et prendre des critères de coût en considération. Plutôt que de déplacer les prisonniers avec toute l’escorte nécessaire, on peut déplacer les juges.
M. le Président de la commission des finances – En avez-vous discuté avec la garde des Sceaux ?
Mme la Ministre – Oui. Le projet avance. Des salles spécifiques sont notamment prévues dans les prisons nouvelles ou réhabilitées, et se généraliseront au fur et à mesure. Des évolutions sont aussi à prévoir pour ce qui concerne le dispositif des gardes statiques. Certaines resteront indispensables, mais il faut développer la vidéo-surveillance ou le recours à l’externalisation, comme cela se fait déjà dans certains tribunaux. Cela permettra de recentrer la police et la gendarmerie sur leur cœur de métier, qui n’est pas de rester immobile devant un immeuble.
En matière de police scientifique et technique, un évident souci de mutualisation doit permettre de renforcer les synergies et d’éviter le gaspillage d’argent, de compétences et d’énergie. Il faut réfléchir à rapprocher le plus possible les deux instituts, l’INPS et l’IRCGN, voire à les intégrer, mais en tenant compte de contraintes telles que les demandes de contre-expertise. Le travail est en cours, sans tabou. Tout ce que nous recherchons est une plus grande efficacité.
Je veux aussi développer la formation, qui est la garantie non seulement de l’efficacité des forces de police et de gendarmerie mais aussi de leur propre sécurité. La formation continue est en outre un moyen de promotion professionnelle, donc sociale qui est importante pour le personnel et tout autant pour le pays. Dans certains cas, la mutualisation est facile, surtout pour ce qui concerne les corps de soutien. Il est évident de mutualiser les formations à l’entretien du matériel ou à la passation des marchés publics. Pour les forces opérationnelles aussi, la mutualisation peut être très facile. Le centre d’entraînement de Saint-Astier pourrait ainsi assurer une formation commune à la sécurité en cas de violences urbaines. En revanche, d’autres domaines peuvent poser problème. C’est le cas de la formation permanente, qui est de 26 jours par an en moyenne dans la gendarmerie et de 16 jours pour la police. Je souhaite que l’adaptation permette de relever la durée et le niveau de la formation.
Le rapprochement de la DST et des RG vise à la fois à recentrer les deux forces au sein d’une direction centrale de la sécurité intérieure tout en gardant leurs savoir-faire spécifiques. Il ne s’agit pas de faire faire le même travail à tous, mais qu’ils continuent à faire ce qu’ils font le mieux. En matière de terrorisme par exemple, ils travailleront au sein de la même mission, mais en conservant le maillage territorial des RG et les méthodes de la DST. Le problème se pose d’un certain nombre de missions assurées par tradition par les RG mais qui ne relèvent pas à proprement parler du renseignement. C’est le cas du contrôle des jeux et des courses par exemple, ou du suivi des manifestations. Mais il reste important de continuer à recueillir des informations dans ces domaines. Le personnel qui assure ces fonctions pourra, sur la base du volontariat, partir dans les services chargés des jeux et des courses ou de la sécurité publique mais continuera à utiliser son savoir-faire propre et à faire du renseignement.
M. Hervé Morin, ministre de la défense – Si je suis obligé de partir si vite, c’est pour accueillir le vice-Premier ministre de Malaisie à l’occasion de la livraison du premier Scorpène à Cherbourg. C’est un moment important pour la DCN.
En ce qui concerne le rapprochement de la police et de la gendarmerie, une grande partie du chemin a été faite en matière d’emplois, d’affectations budgétaires, de répartitions des crédits et de conditions de nominations, mais il est évident que nous devons conserver deux forces de sécurité distinctes, l’une civile et l’autre militaire. La mutualisation est une évidence : certaines formations sont communes – celle des maîtres-chiens par exemple – de même que certains emplois et certains services, mais le projet de loi qui sera examiné l’année prochaine réaffirmera le statut militaire de la gendarmerie. La formation initiale notamment doit rester militaire. Les gendarmes ont des spécialisations propres, telles que la prévôté ou l’éventualité de partir en opération extérieure – je viens de signer le traité créant la force de gendarmerie européenne, susceptible d’intervenir par exemple au Kosovo – et les compétences propres de la gendarmerie aérienne et maritime sont aussi par nature militaires. Conserver le statut militaire ne se fait donc pas seulement au nom de grands principes, mais de ce genre de contingences. Dans ce cadre général, la mutualisation doit garantir que chaque euro est dépensé au mieux.
M. le Président de la commission des finances – Voilà qui est très clair !
Mme Delphine Batho – Nous savons que la tâche des deux ministères est difficile, avec la montée de la violence contre les personnes et la délinquance endurcie qui s’est installée sur certaines parties du territoire. C’est l’occasion de rendre hommage aux hommes et femmes de la police et de la gendarmerie qui font preuve de courage et de dévouement dans un contexte très difficile. Les événements récents ont montré que la stratégie de placer des forces de l’ordre très visiblement dans les centres urbains en laissant de côté les autres territoires ne fonctionne pas : les centres urbains sont le théâtre d’affrontements entre bandes. Les policiers que nous avons entendus évoquent un travail à flux tendu, sur le fil du rasoir, avec des difficultés d’intervention considérables : la moindre patrouille ou perquisition nécessite un déploiement de forces important. Le recours aux drones n’est en soi pas condamnable, mais entérine tout de même une situation très dégradée.
De nouveaux chantiers ont été ouverts depuis la nomination du nouveau Gouvernement et nous regrettons de ne pas avoir pu entendre les ministres avant ce matin.
Mme la Ministre - Je suis en permanence à la disposition des commissions.
Mme Delphine Batho – Nous peinons à distinguer les orientations saillantes de la politique de la sécurité. Le budget pour 2008 semble être un budget d’attente avant la nouvelle LOPPSI.
Le Gouvernement a annoncé une deuxième loi de programmation dans un délai assez rapide. Dans ce calendrier serré, la consultation des organisations syndicales est-elle bien prévue ? Plus largement encore, nous nous interrogeons sur le rapprochement envisagé entre forces de police et forces de gendarmerie. En effet, si personne n’avait proposé de remettre en cause le statut de la gendarmerie, l’engagement avait été pris par M. Sarkozy que la gendarmerie serait chapeautée par le ministère de la sécurité. Autant dire que les réponses qui viennent d’être faites à nos collègues laissent perplexe.
Surtout, ce budget est un mauvais signal en ce qu’il prévoit le non-remplacement de 1 400 emplois dans la police, de 140 gardiens de la paix et de 805 ETP dans les forces de sécurité et de paix publique. De surcroît, on envisagerait, d’ici à 2011, la suppression de 8 000 à 10 000 emplois dans la Mission « sécurité » et la suppression de la moitié des brigades de gendarmerie du pays. Étant donné la situation précédemment décrite, nous ne pouvons pourtant baisser la garde. Des réformes de structures sont bien sûr nécessaires mais l’on ne peut ainsi tailler dans les effectifs, défaisant du même coup ce que la même majorité a fait depuis 2002, ce qui serait curieux… Quelles sont donc les intentions réelles du Gouvernement ? L’opposition, qui a voté, en son temps, l’article 2 de la LOPPSI, consacrée aux moyens, vous jugera sur vos actes et sur vos résultats. Mais vous avez, Madame la ministre, la redoutable mission de mener à bien des réformes de structures annoncées mais qui n’ont pas été faites par votre prédécesseur. Toute la question est donc de savoir si vous avez la confiance du Président de la République, cette confiance qui vous permettra d’accomplir ce qu’il n’a pas fait lui-même. (Mouvements divers)
M. Christophe Caresche – L’héritage est lourd !
M. Michel Voisin – Je suis très attaché au statut militaire de la gendarmerie. Les missions de sécurité en milieu rural étant très différentes de ce qu’elles sont en milieu urbain, je suis persuadé que si forces de police et de gendarmerie étaient fusionnées, leur efficacité déclinerait. Je souhaite par ailleurs mettre l’accent sur la distension progressive des liens entre élus locaux et gendarmes. Il n’est pas une réunion de maires au cours de laquelle cette évolution n’est évoquée, pour être déplorée. Les maires des zones rurales constituent pourtant un réseau de renseignements inestimable pour la gendarmerie ; la communication doit donc être rétablie et développée entre édiles ruraux et gendarmes.
J’aimerais aussi savoir quels progrès ont été accomplis pour lutter contre l’utilisation virtuose par certaines bandes des nouveaux moyens de communication, qu’il s’agisse des téléphones cellulaires ou de l’informatique.
Enfin, une information diffusée ce matin sur certaines radios m’a effaré. Selon les médias, l’estimation de la vitesse des véhicules diffère singulièrement selon la position donnée aux radars, et il semble que nombre de nos compatriotes ont été sanctionnés pour vitesse excessive alors qu’ils roulaient à la vitesse règlementaire. S’il en est ainsi, non seulement ils ont réglé une amende indue, mais certains ont perdu sans motif les points attachés à leur permis de conduire, ce qui a pu être à l’origine de difficultés considérables dans certaines professions. Qu’en est-il ?
M. Yves Fromion – Ma question portera aussi sur la gendarmerie, ce qui montre tout l’intérêt que les parlementaires portent à cette force d’élite. Le budget qui nous est présenté ne permet pas d’envisager le recrutement de réservistes à la hauteur précédemment fixée ; nous sommes nombreux à le regretter et à souhaiter que l’on aille plus loin. Les réservistes de la gendarmerie apportent un renfort précieux aux brigades lorsque leurs effectifs sont un peu courts ; de plus, leur bonne connaissance du terrain leur permet d’alimenter très utilement l’indispensable renseignement. Comment faire, alors, pour que les réservistes de la gendarmerie soient mieux territorialisés et que, ce faisant, leur nombre soit en meilleure adéquation avec les effectifs des brigades ? La question est d’importance car, de plus en plus souvent, les jeunes gendarmes, nés et élevés en ville, ont une connaissance imprécise du territoire auquel ils sont affectés, et l’efficacité de leur travail s’en ressent.
M. Jean-Claude Viollet – L’année 2008 étant une année de transition entre la LOPPSI 1 et la LOPPSI 2, et un Livre blanc étant en cours d’élaboration qui se traduira par une nouvelle loi de programmation, nous devons être particulièrement vigilants et vérifier que l’équilibre des missions « défense » et « sécurité » est préservé. Nous l’avons dit au général Parayre lorsque nous l’avons entendu, nous vous le disons aussi, Madame et Monsieur les ministres. La question n’est pas seulement celle du statut : c’est aussi celle de la complémentarité. Or l’inspecteur des finances François Mongin préconise, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, de « placer la police et la gendarmerie sous l'autorité organique du ministre de l'intérieur ». « Ces propos n’engagent que leur auteur », auriez-vous dit, Madame la ministre. Sans doute, mais ils ont été écrits. Une vigilance particulière s’impose car, s’il faut en effet passer d’une conception statique à une conception dynamique des forces de sécurité, nous devons aussi préserver la dimension de défense attachée à la gendarmerie. À cet égard, la suppression de la moitié des brigades de gendarmerie évoquée par M. Mongin n’est tout simplement pas envisageable, sauf à renoncer à la défense de notre territoire. Nous avons donc besoin d’éclaircissements de la part du Gouvernement. Il me semblerait aussi naturel que les parlementaires disposent, comme la presse, du rapport Mongin.
M. le Ministre - Je partage sans réserve le point de vue exprimé par M. Viollet. Comme nous sommes d’accord, je ne doute qu’il votera avec enthousiasme la LOPPSI 2 et la prochaine loi de programmation militaire. (Sourires) Nous devons mutualiser ce qui peut l’être et privilégier les formations continues communes lorsque c’est possible, mais nous devons aussi préserver le continuum entre défense et sécurité. Cela implique que la gendarmerie conserve son statut militaire.
Parler d’un « rapport Mongin » est excessif. Le principe de la révision générale des politiques publiques est de permettre à tous les esprits brillants de la République de s’exprimer. S’il fallait pour autant porter à la connaissance du Parlement le bouillonnement d’idées permanent qui en résulte, vous auriez de quoi vous agiter quotidiennement ! L’étape actuelle est celle d’une réflexion d’ensemble, mais la sérénité s’impose. Madame Alliot-Marie et moi-même ne nous sommes pas concertés et elle vous répondra à son tour pour ce qui la concerne. Pour ma part, je rappelle que les forces de sécurité sont sanctuarisées en 2008. On peut suggérer de supprimer la moitié des brigades de gendarmerie, mais ce n’est pas dans les intentions du ministre de la défense et je ne pense pas que telle soit non plus la perspective envisagée au ministère de l’intérieur.
L’effectif des réservistes de la gendarmerie, Monsieur Fromion, est de 23 000 hommes et femmes en 2007. Nous espérons qu’il sera de 28 000 en 2008 – avec au moins vingt jours d’emploi par an –, car nous souhaitons le porter à 40 000 à l’horizon 2012. J’ai constaté moi-même l’importance du travail accompli, avec enthousiasme, par les réservistes de la gendarmerie. Ils sont déjà, vous le savez, départementalisés, mais l’idée est séduisante de rapprocher réservistes et compagnies de brigades. Une réflexion pourrait s’engager avec la direction de la gendarmerie nationale à ce sujet. Des pré-affectations pourraient peut-être être envisagées, à condition de conserver une souplesse suffisante, permettant le déploiement des réservistes en d’autres points du département, si nécessaire.
M. Thierry Carcenac – Nous ne le savons que trop, les casernes de gendarmerie sont, pour la plupart, d’une extrême vétusté. Par ailleurs, les travaux de rénovation provoquent de très fortes hausses de loyer. Si l’on souhaite véritablement maintenir la gendarmerie en milieu rural, des moyens supplémentaires sont nécessaires.
M. Christophe Caresche – Nous sommes tous très attachés au maintien du statut militaire de la gendarmerie. Ce qui pose problème, c’est que police et gendarmerie sont en concurrence pour nombre de missions et qu’une mutualisation est nécessaire. Je donnerai pour seul exemple celui des secours en montagne, où interviennent services de la gendarmerie, police nationale et services départementaux.
On se souvient des longues discussions entre le ministre de l’Intérieur et le ministre de la défense pour savoir si la gendarmerie devait ou non appartenir à la mission Sécurité. Maintenir deux programmes différents dans le cadre d’une mission n’incite pas à la rationalisation budgétaire. Ne pourrait-on envisager un programme conjoint entre Police et Gendarmerie ?
M. Christophe Guilloteau – Je présidais hier une réunion d’un syndicat intercommunal qui gère les bâtiments de gendarmerie. Autrefois, les gendarmes avaient quelques moyens pour s’occuper des abords de leurs casernes. Désormais, ils sollicitent les collectivités locales. A-t-on prévu dans ce projet de budget quelques crédits qui permettraient de ne pas transférer l’entretien des abords, pelouses et autres, aux collectivités locales ?
M. le Ministre – Le budget de fonctionnement de la gendarmerie augmente de 3 %, alors que celui des forces armées est en légère diminution. On y trouvera donc peut-être quelques crédits pour la tonte des pelouses… En tant qu’élu local, je considère que ces questions relèvent également des bonnes relations entre gendarmes et élus locaux. Mais si nous pouvons décharger les syndicats intercommunaux de ce genre de tâche, nous le ferons.
S’agissant de l’immobilier, la hausse des loyers nous a effectivement obligés à inscrire 30 millions supplémentaires au budget 2007. Nous avons fait de gros efforts pour le logement locatif ces dernières années et les conditions de logement des gendarmes ont été grandement améliorées. Il reste d’importants efforts à faire pour le parc domanial, et nous allons les poursuivre. Du moins, l’évolution des loyers n’étant plus à la hausse, nous devrions disposer de plus de marges au budget 2008 pour lancer de nouveaux programmes.
M. le Président de la commission des finances – Je vous remercie, Monsieur le ministre.
(M. Morin quitte la séance)
Je donne la parole à Mme Alliot-Marie pour répondre aux questions.
Mme la Ministre – Je le ferai en reprenant les interventions successives.
Madame Batho, tant qu’il y aura des viols et des agressions, la sécurité restera une question difficile. Je me réjouis cependant qu’elle le soit moins qu’il y a quelques années, car j’ai trouvé, à mon entrée en fonctions, une situation meilleure que mon prédécesseur en 2002. La délinquance avait alors sensiblement augmenté. De 2002 à 2006, elle a diminué de 9,44%, avec les mêmes instruments de mesure. Mais la délinquance change de nature et nous devons nous adapter à ses formes nouvelles.
Il y a quinze ans, la prévention du terrorisme n’était pas un souci quotidien comme aujourd’hui, il y a cinq ou sept ans, la cybercriminalité n’avait pas la même ampleur, il y a trois ans les violences contre les personnes représentaient une part moindre dans la délinquance. J’ai donc demandé à l’Observatoire de la délinquance d’affiner les données, dans un souci de clarté et d’efficacité.
Cela étant, depuis juin dernier, la baisse de la délinquance atteint des proportions considérables, y compris pour les violences contre les personnes qui, en septembre, avaient diminué de 7,45 % par rapport à septembre 2006. Je reste prudente quant à l’avenir, mais je souligne du moins le bon travail des forces de police et de gendarmerie.
Parmi les phénomènes dont la manifestation récente a été soulignée, il y a celui des bandes, mais je l’ai connu entre 1993 et 1995, lorsque j’étais ministre de la jeunesse et des Sports – souvenez-vous de la destruction des commerces du parvis de La Défense. Elles réapparaissent périodiquement. Encore ne faut-il pas qualifier de bande ce qui n’en est pas une. Dans les incidents de Pigalle, il s’agissait d’une bande, à la gare du Nord, non. Leur configuration varie, ici sur fond de trafic de drogue et d’opposition « commerciale », si l’on ose dire, entre réseaux, là sur fond d’oppositions ethniques.
Je fais surveiller ce phénomène de près et il convient d’envisager différentes actions, en liaison avec tous les acteurs de la chaîne de la sécurité, depuis les maires, qui sont les premiers au contact du terrain, jusqu’à la Justice et aux associations de réinsertion, en passant par l’Éducation nationale, les associations, la police ou la gendarmerie.
Vous demandez également quelles sont les orientations saillantes de ce budget.
Il y a d’abord une priorité nettement affirmée en faveur de la police scientifique et technique. Elle le sera plus encore dans la LOPPSI 2. Mais, dès cette année, elle porte sur les matériels et éventuellement les locaux, avec un possible regroupement, en région parisienne, des laboratoires de la police scientifique. Nous avons dégagé un milliard de crédits pour ce secteur, notamment pour regrouper les fichiers d’empreintes génétiques. Nous allons également développer les moyens de vidéosurveillance qui sont très efficaces. Récemment, un maire communiste de Seine-Saint-Denis me disait que cela avait permis d’éliminer totalement la délinquance dans un parking public de sa ville, et on constate, en général, une diminution de 40 %. J’ai dégagé des crédits pour, dès fin 2007, établir des relais entre les centres municipaux qui effectuent cette vidéosurveillance et la police, afin de mieux réagir aux agressions sur le champ et d’améliorer ensuite l’élucidation des affaires.
Une autre orientation de ce budget est de maintenir les effectifs. A ce sujet vos informations semblent inexactes, ou peut-être comprenez-vous mal la distinction entre les emplois et la notion de plafond d’emploi. Il n’y aura aucune diminution du nombre de gardiens de la paix, de policiers et de forces d’encadrement. Mon ministère appliquera effectivement la règle du non remplacement d’un départ en retraite sur deux, mais la diminution portera sur les adjoints de sécurité, que nous avons de toute façon bien du mal à recruter.
Une autre orientation, qui concerne également le personnel, est le renforcement de la formation et des entraînements. J’ai donné des directives à ce sujet aux centres de formation. Il est indispensable désormais d’envisager les questions de sécurité au niveau européen. D’autre part, au cours de sa carrière, un cadre doit cumuler une expérience du terrain, de l’administration, d’autres administrations, et une expérience dans un autre pays ou dans une organisation internationale. Mais, pour renforcer les relations avec d’autres pays, il faut parler des langues étrangères. Les centres de formation renforceront cet aspect et accueilleront également plus d’étrangers en stage ou pour une partie de leur formation.
Une de nos préoccupations, à travers ce budget 2008, est également de mieux prendre en compte les problèmes personnels des policiers afin de les fidéliser. Il n’est pas normal qu’il n’y ait que des policiers en début de carrière dans les zones difficiles. L’obstacle tient moins à la difficulté du travail lui-même qu’aux problèmes de logement, d’accueil de la famille, d’emploi du conjoint et de garde d’enfants. Nous avons donc inscrit à ce budget les crédits nécessaires pour réserver 500 logements pour de jeunes policiers en région parisienne et pour créer 100 places de crèche supplémentaires. Des roulement sont nécessaires, mais il faut que les jeunes puissent s’intégrer à des équipes expérimentées.
Encore une fois, les orientations que je viens de rappeler seront renforcées dans la LOPPSI 2.
S’agissant des fameux propos d’un inspecteur des finances chargé, avec d’autres, de la révision générale des politiques publiques, ils n’engagent que leur auteur. La sécurité des Français est un sujet assez grave pour qu’on ne s’égare pas dans des solutions simplistes et sans rapport avec les contraintes du terrain. Si les personnes les plus intelligentes peuvent se laisser aller à toutes sortes d’élucubrations, tous ceux qui connaissent le terrain sont d’accord pour des solutions qui ne passent certainement pas par des suppressions à la hache. On me connaît assez pour savoir que tout ce bruit ne m’émeut pas.
M. Voisin a abordé le problème des rapports avec les élus locaux. Je parle régulièrement du sujet lors des sorties de promotion. Nous voulons que les gendarmes soient plus visibles, ce qui suppose également qu’ils aient des contacts réguliers avec les élus locaux et les gens qui comptent dans une commune. Dans la lutte contre le terrorisme, en particulier contre l’ETA, cela a déjà donné des résultats. Je rappelle donc régulièrement, y compris par écrit, qu’appendre à établir ces contacts, est une dimension de la formation. On peut comprendre aussi une certaine timidité des jeunes gendarmes. Il faut donc faire un effort de part et d’autre : les élus par exemple doivent songer à inviter les gendarmes à divers manifestations locales.
S’agissant des contrôles routiers, une fiche du service logistique de Metz, faisant état d’un certain nombre de risques de fonctionnement de radars embarqués en cas de changement d’angle de la prise de vue, a été transmise à la DGPN, à l’industriel concepteur et au service de métrologie ; les nécessaires précautions de positionnement et de paramétrages ont, quant à elles, été répétées aux personnels. En cas d’erreur ou de doute sur l’infraction, le centre automatisé de constatation des infractions rejette les messages.
M. Fromion a évoqué les réservistes de la gendarmerie, auxquels je réaffirme mon attachement. La réserve devrait d’ailleurs être développée dans la police, notamment pour les actions de prévention.
Il est important de discuter avec les organismes de gestion et de construction de locaux de gendarmerie qui, souvent, exagèrent le montant des loyers, ceux-ci devant être fixés au prix du marché. Un effort global doit être fait. J’ai en outre demandé à Bercy la modification du décret de 1993 pour permettre aux départements d’intervenir dans les négociations, notamment lorsque les petites communes ne le peuvent pas, mais je n’ai à ce jour reçu aucune réponse.
Je ne partage pas le point de vue de M. Caresche sur l’organisation des secours en montagne. Même si des rivalités se font jour parfois entre les différents services, c’est le bon accomplissement de la mission qui prime d’abord pour l’ensemble d’entre eux. J’étudie également la question des relations entre les SAMU et les pompiers, l’essentiel étant d’additionner les énergies.
M. Michel Diefenbacher, rapporteur spécial – En cas de « coups de grisou » dans les banlieues ou ailleurs, les moyens départementaux sont vite insuffisants et il faut faire appel aux CRS ou aux gendarmes mobiles. Outre leur temps de mise en place, qui est assez long, ces forces ne connaissent pas toujours les détails du terrain et leurs règles d’emploi sont assez contraignantes. Il est question de créer au sein de la direction centrale de la sécurité publique des compagnies de sécurisation pouvant intervenir par zones ou régions. Qu’en est-il précisément ? De quels moyens disposeront-elles ? Cela supposera-t-il une réorganisation des CRS ?
S’agissant des investigations judiciaires, le protocole national de répartition des compétences entre la police et la gendarmerie est-il susceptible d’aboutir ?
M. Philippe Goujon – Je tiens tout d’abord à rendre hommage aux forces de police et de gendarmerie grâce auxquelles, notamment, la délinquance a baissé. Je me réjouis également de la présentation prochaine de la LOPPSI 2.
Un rapport de l’Inspection générale a récemment été remis à Mme la ministre sur le plan national de vidéo surveillance, dont le déploiement est pleinement justifié pour lutter contre le terrorisme ou mieux sécuriser les sites sensibles. Si des centaines de villes sont équipées, Paris n’en comporte que 330 – hors celles de la RATP et de la SNCF - quand Londres, par exemple, en compte 60 000. Est-il possible d’avoir des précisions sur ce plan et d’accélérer son application, notamment dans la capitale ?
Mme la ministre a organisé une réunion afin d’améliorer la coordination des services de police et de gendarmerie dans la lutte contre les violences urbaines et les bandes organisées en Île-de-France. Ne faut-il pas mettre en place une « police du grand Paris » dont la compétence s’établirait sur une zone plus importante que Paris intra muros ? Cela devrait également s’accompagner de mesures afin de fidéliser les effectifs dans cette région : 500 logements doivent être mis à disposition ainsi que 100 places de crèches. Quelles mesures statutaires et indemnitaires, enfin, peuvent-elles être mises en place de façon à favoriser un meilleur recrutement régional ?
La police ayant évidemment un grand rôle à jouer dans la régulation de la circulation à Paris, les effectifs doivent être renforcés. Qu’en est-il de la réforme en cours devant permettre à terme d’y affecter plusieurs centaines de policiers ?
Mme Arlette Grosskost – Si la délinquance baisse en effet globalement, comme l’attestent les chiffres de l’Observatoire national de la délinquance – le recul a été de 3,3 % sur les trois derniers mois -, la violence faite aux personnes, elle, augmente, notamment dans ma circonscription. Quels seront les moyens mis en œuvre afin de lutter contre ce phénomène ?
M. Jean-Claude Bouchet – La dotation des commissariats de police en moyens humains est fondée essentiellement sur un critère démographique, le nombre de policiers étant proportionnel au nombre d’habitants de la ville dans laquelle ils interviennent. Or cet effectif théorique devrait plutôt être calculé en fonction du niveau et du type de délinquance : on ne peut traiter en effet avec les mêmes moyens une ville de 25 000 habitants comme Cavaillon, exposée à une forte délinquance de voie publique, et une ville de 25 000 habitants dont le climat est plus serein.
À Cavaillon, précisément, la délinquance de voie publique demeure très élevée puisqu’elle représente plus de 60% de la délinquance globale. Le Gouvernement envisage-t-il donc de définir ainsi l’effectif théorique, ce qui impliquerait par exemple une dotation supplémentaire de cinq agents à Cavaillon ? Est-il envisagé, en outre, de rendre les services de nuit plus attractifs et d’améliorer le système de dotation afin d’éviter qu’un départ entraîne systématiquement une vacance de poste pendant plusieurs mois ?
M. Michel Vergnier – Tout d’abord, il faudrait commencer le classement des départements en matière de sécurité par les plus sûrs d’entre eux, la Creuse obtenant ainsi la première place. En la matière, il importe en outre de maintenir un maillage territorial fort.
Les communautés de brigades se sont mises en place dans la difficulté, voire dans la confusion. Une évaluation de ce dispositif est-elle prévue ? Comment les élus y seront-ils associés ?
Je ne suis pas un nostalgique du gendarme de Saint-Tropez, mais force est de constater qu’avec la politique, légitime, en faveur des jeunes et des femmes, le lien avec la population se distend. Peut-être pourrait-on y remédier en améliorant la formation, en particulier en milieu rural. De même, dans des commissariats, les personnels changent fréquemment et l’on a souvent affaire à des gens moins formés. Sans doute faudrait-il veiller à l’affectation de policiers assez anciens.
Enfin, il ne faut pas que les départements qui présentent les meilleures statistiques soient les variables d’ajustement de ce budget. Laissez-nous donc en tête de classe…
M. Pierre Cardo – S’il y a beaucoup d’éléments positifs dans ce budget, un certain nombre de questions restent en suspens, notamment en ce qui concerne la répartition des effectifs sur le territoire. Ainsi, depuis plus de quinze ans, des rapports font apparaître des inégalités entre Paris, la petite couronne et le grande couronne. Or les populations les plus en difficulté ont été sans cesse éjectées vers la grande couronne, sans que les moyens ne suivent. Au sein de la grande couronne elle-même il existe des disparités. Ainsi les effectifs du secteur de Saint-Germain-en-Laye sont supérieurs à ceux de celui de Conflans-Sainte-Honorine, qui compte pourtant trois quartiers sensibles.
En 2002, face au faible taux d’élucidation constaté dans les quartiers, nous avions souhaité que la police scientifique y soit plus présente et plusieurs brigades spécialisées avaient été créées à cet effet, mais en prélevant leurs effectifs dans les commissariats. Or, aujourd’hui, on voit peu intervenir les différentes polices scientifiques et le GIR est également absent. Du coup, la présence policière se réduit fortement. Qui plus est, les policiers manquent d’indicateurs, les quartiers étant « sécurisés » par les trafiquants de drogue. Il faut d’ailleurs se méfier des statistiques qui peuvent montrer moins une réduction du nombre des actes de délinquance qu’un renforcement de l’omerta. De même, je suis surpris que les GIR n’interviennent pas davantage contre le blanchiment, alors que la vente de commerces est florissante et que j’ai même vu circuler ces derniers jours une Lamborghini dans ma commune…
Si la technologie peut aider, elle ne remplacera jamais la présence humaine. Qui plus est, il n’est pas facile pour les communes dépourvues de ressources de développer la vidéosurveillance.
Si l’on ne peut que se réjouir des efforts accomplis pour lutter conte la délinquance routière, il faut être conscient que la stricte application des retraits de points du permis de conduire a eu pour effet pervers qu’il est de plus en plus courant de conduire sans permis. C’est un sujet qui mérite réflexion.
Enfin, je suis surpris que ma commune soit la seule où une crèche soit ouverte 24 heures sur 24 : les policiers travaillent à des horaires exceptionnels et il conviendrait de prévoir un service public adapté de garde des enfants.
M. Christophe Caresche – Des objectifs quantitatifs ont-ils été fixés quant au nombre des empreintes recueillies dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques ?
Par ailleurs, si la fusion des services de renseignements est une bonne chose, il faut être particulièrement vigilant pour que les missions précédemment dévolues aux renseignements généraux pour tout ce qui a trait à la délinquance, aux phénomènes de bandes et aux violences urbaines continuent à être exercés, car elles sont indispensables à l’action efficace des forces de police.
S’agissant de la vidéosurveillance où peut-on trouver dans ce budget les crédits annoncés par la ministre ? Quel est leur montant ? Ne seront-ils pas ponctionnés sur les crédits destinés à la prévention de la délinquance ?
M. Jean-Christophe Lagarde – Alors que, depuis 2002, l’État a fait d’importants efforts pour augmenter les effectifs, on observe cette fois une diminution de 1 200 emplois d’agents de terrain, même si le nombre des ETPT reste supérieur à celui de 2006. Vous avez fait part de votre choix de ne pas remplacer les adjoints de sécurité pourtant bien utiles dans les commissariats. Dans le cadre de la future LOPPSI 2, il faudra veiller à ce que les suppressions de postes ne nuisent pas à la lutte contre l’insécurité. Mieux vaudrait qu’elles portent sur des personnels administratifs que sur des fonctionnaires de terrain.
M. Cardo a eu raison d’évoquer les GIR. Depuis cinq ans, j’alerte les services de police sur le fait que des commerces de Seine-Saint-Denis sont rachetés à des prix faramineux. Les boutiques où l’on manipule des espèces se multiplient : on compte 74 sandwicheries pour la seule ville de Drancy. Or le GIR s’occupe du contrôle des gens du voyage, mais il ne s’intéresse pas à ces pratiques...
Par ailleurs, les effectifs mobiles ont été calibrés dans les années soixante afin de faire face à une importante contestation sociale et l’on a ensuite eu l’idée de les utiliser comme force de sécurisation des quartiers. Je ne suis pas convaincu de leur utilité pour cette tâche. Cela vaut en particulier pour les CRS, dont l’utilisation est moins souple que celle des gendarmes mobiles, la différence tenant peut-être à leur formation. Peut-être pourrait-on prévoir une diminution de leurs effectifs afin d’augmenter ceux des commissariats. Sans doute se heurterait-on à des questions de statut et à des résistances des syndicats, mais la rupture c’est aussi cela.
Alors que l’indicateur d’élucidation est détaillé par catégorie, je m’étonne que nous ne disposions pas du détail des infractions.
Il y a plusieurs années que j’interviens sur les problèmes de logement des policiers, notamment en Île-de-France. Des crédits sont inscrits, mais on n’a jamais sollicité les élus et les bailleurs sociaux de Seine-Saint-Denis. C’est dommage car certains seraient volontaires pour participer à la politique de réservation, surtout au prix prévu de 41 154 euros, qui paraît deux fois supérieur à ce qui est normalement nécessaire pour réserver un logement. Il y a sans doute là des économies à faire…
Enfin, si tout le monde souhaite une sécurité maximale sur le site de l’aéroport Charles de Gaulle, la politique d’attribution des badges par le sous-préfet chargé de la sécurité aéroportuaire paraît aléatoire et certains refus semblent injustifiés.
Il arrive qu’on puisse faire revenir l’administration sur sa décision, mais c’est très aléatoire. Lutter contre les activités extrémistes est une chose, mettre un employé de trente ans au chômage parce qu’il a fait une bêtise à vingt en est une autre. Beaucoup de gens ont perdu leur emploi sur la plateforme, et la question est plus importante qu’elle n’en a l’air.
M. le Président de la commission des finances – Nous sommes quelque peu sortis du sujet budgétaire.
Mme Delphine Batho – Il a été question de police localisée, ou territorialisée. Pouvez-vous nous en dire plus sur son organisation locale, et sur le lien entre la police et la population ?
Quant à l’économie souterraine, le dispositif qui permet de réaffecter les saisies au budget de l’État semble très difficile à mettre en pratique. Un bilan a-t-il été tiré ?
En ce qui concerne la modernisation des services, les crédits d’investissement sont en baisse pour les salles d’information et de commandement. Les obligations légales des opérateurs privés de téléphonie et d’internet vont-elles être renforcées, pour améliorer leurs tarifs et leurs délais de réponse en cas de réquisition judiciaire ? Les équipements des services en haut débit vont-ils être améliorés, sachant qu’il y a de plus en plus de mails à intercepter et d’adresses IP à contrôler ?
Quant au fichier national des empreintes génétiques, les crédits qui y sont consacrés ne sont pas apparents cette année. À combien se montent-ils ? Est-il vrai qu’un stock de 80 000 à 100 000 empreintes sont en attente pour cause d’engorgement, et que les délais de traitement, hors affaires urgentes, atteignent dix-huit mois ? Il semble que l’ADN des policiers eux-mêmes doive être fiché, pour éviter toute confusion dans les enquêtes. Dans quel cadre légal cela sera-t-il fait ?
M. Claude Bodin – Sept millions de voyageurs empruntent chaque jour les transports en commun franciliens. Dans le Val d’Oise, la gare d’Ermont-Eaubonne voit passer, entre le RER C et les trains des gares du Nord et de Saint-Lazare, 30 000 voyageurs par jour. Un grand nombre d’actes délictueux sont bien sûr commis : vols à la tire, agressions… La sécurité dans les transports est donc un objectif prioritaire. La création en 2003 du service régional de la police des transports a permis un net recul de la délinquance, grâce au déploiement de 1 300 policiers. Malgré cette présence à la fois rassurante et dissuasive, un fort sentiment d’insécurité persiste, surtout en soirée et durant les heures creuses. La présence policière va-t-elle être renforcée ?
M. Patrice Calméjane – Depuis juin, Madame la ministre, vous avez fait plusieurs visites en Seine-Saint-Denis et vous y avez rencontré tous les acteurs locaux. Quelles analyses en avez-vous tiré et quelles orientations comptez-vous prendre ?
Mme la Ministre – Plusieurs d’entre vous m’ont interrogée sur les compagnies de sécurisation : il est vrai qu’en cas de problème, aucun département ne dispose d’une capacité de réaction immédiate suffisante. J’ai commencé à y répondre, en région parisienne, en améliorant la coordination et en organisant une mise en commun plus systématique des capacités de réaction. Le préfet de police de Paris rencontre dorénavant tous les mois les sept préfets de département de la couronne pour un échange permanent d’informations. En cas de problème dans un des départements, la mutualisation des forces sera automatique.
Néanmoins il faut aller plus loin et élargir le dispositif en dehors de la région parisienne. D’où l’idée d’une réorganisation de la police territoriale et de la création de groupements qui permettraient de faire intervenir des forces plus ancrées dans la région que les CRS, mais tout de même mobiles – des groupements intermédiaires pour répondre à des situations intermédiaires. Une partie des forces mobiles devraient être reversée sur ces nouvelles forces. J’attends un rapport sur cette question pour la fin du mois.
Les GIR, qui permettent de faire participer des experts aux compétences très différentes à la même opération, constituent un dispositif très efficace, notamment en matière de drogue. Malgré leurs résultats très intéressants, ils connaissent actuellement une baisse d’activité. Je souhaite les relancer très activement et je suivrai personnellement leur évolution. Quant à la sécurité des transports en commun, le service régional de la police des transports regroupe 1 200 personnes sous un commandement unique. Il a permis de diminuer sensiblement la délinquance sur le réseau ferré. La création d’une salle unique de commandement pour les réseaux de la RATP et de la SNCF sera très utile, notamment en permettant de suivre les déplacements de population dans leur ensemble. Un certain nombre d’équipements locaux de surveillance y seront également connectés.
La RATP et la SNCF ont annoncé un plan d’équipement de plusieurs milliers de caméras : c’est ce qui prime désormais, pour assurer à nos concitoyens la meilleure sécurité possible. Il me semble en effet que les effectifs sont suffisants : il n’y aura jamais une patrouille dans chaque véhicule. C’est la vidéosurveillance qui doit être améliorée, en nombre, bien sûr, mais aussi en qualité : dans le drame récent qui a coûté la vie à un journaliste italien, non seulement il n’y avait pas de caméra au bon endroit mais les images des autres sont trop floues pour être exploitées ! La vidéosurveillance est donc indispensable pour l’optimisation des moyens humains.
J’ai dégagé 4 millions sur la fin du budget de2007 pour raccorder la vidéosurveillance des communes et des sociétés de transport à la police nationale. Pour l’an prochain, 30 millions sont prévus pour des équipements de vidéosurveillance, qui ne seront pas pris sur le fonds de prévention de la délinquance. J’ai aussi voulu que le nombre des caméras soit triplé, non pas en cinq ans, comme cela était proposé, mais en trois. Nous disposerons donc de 20 000 caméras d’ici à la fin 2009. Combinées avec celles des communes, de la RATP et de la SNCF, elles offriront une très large couverture.
Plusieurs d’entre vous ont évoqué, à propos de la lutte contre les violences urbaines, la question de la fidélisation. Celle-ci peut être encouragée par des mesures en termes de carrière – j’ai demandé des propositions pour la LOPPSI – mais aussi par des efforts en matière de logements ou de crèches par exemple. J’ai fait appel à tous les maires de la Seine-Saint-Denis, Monsieur Lagarde, pour participer à cet effort.
Les policiers et leur famille ne peuvent être logés dans les quartiers, et parfois dans les villes, où ils travaillent sans risquer des agressions verbales ou physiques. Il faut mettre sur pied une sorte de bourse des logements pour leur assurer d’être logés dans un endroit pas trop éloigné et bien desservi, mais où la tranquillité de leur vie de famille ne sera pas compromise. Quant aux crèches, elles doivent d’adapter à des horaires de travail décalés. C’est ce que j’avais fait au ministère de la défense, notamment en faveur du personnel médical de la Défense.
La vidéosurveillance joue un rôle, notamment en région parisienne, dans la lutte contre le terrorisme et la lutte contre les violences, tant à titre préventif qu’en matière d’élucidation, mais elle est également très utile comme aide à la fluidification de la circulation. Paris a connu en la matière des modifications législatives et réglementaires. La loi du 27 février 2002 a transféré les compétences du préfet de police pour la réglementation des conditions de circulation au maire de Paris. La police nationale reste compétente sur les grandes voies.
Pour sa part, le préfet de police de Paris est compétent pour les plans de gestion du trafic et il contribue à la coordination des plans de trafics départementaux en cas de crise ou d’événements majeurs.
Vous avez, Madame Grosskost, évoqué les violences aux personnes. Cette forme de délinquance a effectivement augmenté dans un contexte de baisse générale de la délinquance mais, comme je vous l’ai indiqué, les statistiques de l’Observatoire montrent que cette évolution préoccupante s’est inversée depuis juin, et très fortement depuis septembre. Pour autant, certaines villes peuvent continuer de connaître un accroissement des violences, et c’est pourquoi je souhaite une police plus réactive.
S’agissant des effectifs des commissariats, une norme a été fixée, proportionnelle à la population, mais il va sans dire que nous tenons compte de la réalité de la délinquance et que nous ajustons les effectifs en tant que de besoin, comme le bon sens le commande. La nouvelle organisation doit par ailleurs nous permettre de réagir en évitant, quand elle n’est pas nécessaire, l’intervention disproportionnée des CRS. C’est le sens de la réforme que je souhaite mener à bien.
L’évaluation des communautés de brigade de gendarmerie a eu lieu et le sentiment général est de satisfaction. Nous avons pris note, toutefois, de réflexions justifiées sur un sentiment d’éloignement de la population. Ce sentiment ne peut être lié à une moindre présence sur le terrain, puisque les 13 000 postes supplémentaires prévus dans la LOPPSI 1 se retrouvent obligatoirement quelque part. Il s’agit bien davantage d’une question de comportements et il faut, en effet, renforcer les liens, notamment avec les élus. J’ai d’ailleurs fait rédiger une circulaire demandant que les maires des communes rurales soient systématiquement informés des faits de délinquance commis dans le périmètre communal et des arrestations auxquelles il a été procédé.
La réduction des effectifs, quand elle a eu lieu, a porté volontairement sur les adjoints plutôt que sur les policiers formés. La motivation repose aussi sur les perspectives d’évolution professionnelle, qui dépendent elles-mêmes de la formation et si nous ne parvenons pas à recruter des adjoints de sécurité en nombre suffisant c’est que la fonction n’est pas considérée comme assez valorisante. Il faudra donc améliorer la formation proposée, mais aussi la communication sur les métiers de la sécurité. Après avoir créé une Journée « défense nation », je souhaite d’ailleurs créer, sur le même modèle, une Journée « sécurité nation » pour intéresser les jeunes à des métiers méconnus.
S’agissant de la répartition des effectifs, qui intéresse particulièrement M. Cardo, j’ai eu l’occasion d’indiquer ce que nous ferons après avoir pris connaissance des conclusions définitives du rapport du directeur général de la police nationale. J’espère que nous pourrons répondre à ses préoccupations en développant une police de terrain et des capacités de renfort dans la durée, sans avoir obligatoirement recours à des compagnies de CRS que l’on contraint trop souvent à faire un travail qui n’est pas le leur. Je le redis, une plus grande souplesse s’impose, qui permettra une meilleure réactivité. J’ajoute que bien trop nombreux sont les gendarmes et les policiers formés à la sécurité qui occupent des postes d’accueil ou des fonctions administratives ; cela doit cesser. Dans la même optique, j’entends relancer les GIR.
M. Cardo a également évoqué l’omertà, expliquant par ce silence contraint la baisse des actes délictueux, qui ne serait donc qu’apparente. Pourtant, les gens commencent à parler et, dans le même temps, le nombre d’affaires découvertes par les services de sécurité a considérablement augmenté. Autrement dit, la baisse de la délinquance ne provient pas seulement de la réduction du nombre des plaintes, elle est réelle. Des intimidations continuent de se produire qui visent en particulier les gardiens d’immeuble, nous le savons ; mais nous progressons sur ce point. C’est ainsi que, dès le début de l’année prochaine, on pourra déposer des plaintes en ligne, ce qui évitera des déplacements qui se font parfois « sous surveillance ». De même, pour protéger les victimes, j’ai demandé que l’anonymat des témoignages sous X soit totalement garanti ; je précise que le juge continuera bien entendu de connaître l’identité de ces témoins.
En matière de délinquance routière, le permis à points pose des problèmes, c’est vrai, mais il a permis de sauver de très nombreuses vies et d’éviter d’innombrables blessures. Le dispositif est perfectible et nous y travaillons. Ainsi, depuis juillet, tout titulaire d’un permis peut vérifier en ligne combien de points il a perdu. De la sorte, nous souhaitons éviter que des conducteurs roulent sans permis, ignorant de bonne foi qu’il a été annulé. Cette initiative rencontre un succès certain, puisque nous avons enregistré 400 000 consultations du fichier à ce jour. Nous avons également décidé qu’un avertissement serait adressé par courrier à tout conducteur ayant perdu la moitié des points attachés à son permis.
Dans le même temps, je souhaite renforcer sévèrement les sanctions applicables au trafic de points ; un texte vous sera soumis à ce sujet. Nous savons aussi que certains jeunes renoncent à passer le permis de conduire en raison de son coût, hors de leur portée. Pour enrayer ce phénomène, nous envisageons de faire passer une partie du permis au lycée. Plus généralement encore, c’est la conception même du permis de conduire qui doit être repensée ; on pourrait ainsi imaginer d’accorder un bonus aux conducteurs qui ne commettent aucune faute.
Référence a été faite au FNAEG. Il compte actuellement 500 000 empreintes ; notre objectif est de parvenir à deux millions d’empreintes. Ce fichier est d’une utilité avérée, comme on l’a vu lorsqu’il a fallu repérer les auteurs des scandaleuses violences commises à Saint-Dizier. Son utilisation permet d’accroître notablement le taux d’élucidation des affaires. Outre que c’est évidemment important pour les victimes, cela a un impact certain en matière de prévention, car savoir que l’on ne restera pas impuni donne à réfléchir.
Pour traiter des services de renseignement, une séance complète de votre commission serait probablement nécessaire. Pour ce qui me concerne, je suis très favorable à l’organisation de visites des commissaires dans les services.
La question m’a été posée des crédits relatifs à la vidéo-surveillance ; je pense y avoir répondu.
Les discussions relatives aux heures supplémentaires, relancées, ont déjà abouti à des accords. Pour les officiers, 5,2 millions d’heures supplémentaires ont été recensées, et chaque officier a été invité à dire quelle contrepartie il préférait – paiement ou récupération. La moitié d’entre eux a choisi un paiement, qui leur sera réglé avant fin décembre. Comme vous le constatez, nous avons largement progressé sur ce dossier délicat.
Vous m’avez interrogée sur les badges délivrés à Roissy : faute d’indications précises, je ne puis vous répondre.
L’affectation au budget de l’État du produit des saisies opérées au cours de la lutte contre l’économie souterraine se fait, mais elle est longue car rien ne peut être entrepris avant que les actions en justice soient terminées.
L’équipement des salles de commandement a été évoqué, et la baisse de ce budget déplorée. J’observe simplement que, lorsque la modernisation a eu lieu, il n’est plus besoin d’y consacrer un budget ! Or nombreuses sont les salles de commandement à présent correctement équipées.
De même, nous équipons, au fur et à mesure, tous les services en haut débit. Encore faut-il, en zone rurale, que les réseaux soient installés.
S’agissant des fichiers d’empreintes génétiques, le retard initial est en train d’être comblé, grâce aux moyens que nous avons consentis. J’ai dit quels étaient nos objectifs ; nous allons les atteindre rapidement. Depuis 2003, le nombre d’empreintes disponibles a doublé chaque année. Pour éviter des confusions possibles avec des empreintes extérieures, nous avions demandé aux policiers, sur une base volontaire, de donner aussi leur empreintes. Cette opération a été arrêtée. Peut-être faut-il d’abord préciser son cadre légal.
M. Calméjane m’a interrogé sur le résultat des réunions de cohésion en Seine-Saint-Denis. Nous y avons évoqué diverses expériences intéressantes ainsi que les besoins et les problèmes, de fidélisation par exemple, et des demandes de l’encadrement. J’ai mentionné, dans ce cadre, l’utilisation des réservistes. Nous y reviendrons lors de la conférence de cohésion qui se tiendra en novembre 1993 en Seine-Saint-Denis. Je participerai personnellement à celles qui se tiendront ensuite dans les cinq départements les plus sensibles. Ailleurs, les préfets ont également pris les dispositions nécessaires.
J’espère avoir apporté l’essentiel des réponses que vous attendiez.
La sécurité est la première des libertés, c’est pourquoi les Français y sont attachés. Cependant la police ne détient pas seule la réponse. Elle dépend d’une chaîne où chacun doit tenir sa place. Je souhaite donc que, dans nos travaux ultérieurs, qu’il s’agisse du budget ou du fond des questions, nous travaillions étroitement tous ensemble, pour améliorer la sécurité de nos concitoyens.
M. le Président de la commission des finances - Je vous remercie d’avoir répondu à ces très nombreuses questions.
Le vote en séance publique sur les crédits de la mission Sécurité aura lieu le 16 novembre prochain.
La séance est levée à 12 heures 5.
La Directrice du service
du compte rendu analytique,
Marie-Christine CHESNAIS
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