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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 24 octobre 2007

Séance de 9 heures
Commission des finances, de l'économie générale et du Plan
Commission des affaires culturelles, familiales et sociales
Commission des affaires étrangères
Présidence de M. Didier Migaud, Président, M. Pierre Méhaignerie, Président, M. François Rochebloine, Vice-Président

- Commission élargie : médias

La séance est ouverte à neuf heures.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances – Je suis heureux de vous accueillir, avec MM. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, et François Rochebloine, qui supplée M. Axel Poniatowski, actuellement en déplacement à New York avec une délégation de la commission des affaires étrangères pour l’Assemblée générale des Nations unies.

Nous sommes réunis en formation de commission élargie afin de débattre des crédits consacrés à la mission « médias » dans le projet de loi de finances pour 2008. Vous le savez, la procédure de la commission élargie sera étendue à toutes les discussions budgétaires à partir de l’année prochaine. Il s’agit de privilégier les échanges entre le ministre, les rapporteurs et les députés ; à nous de les rendre interactifs et vivants.

Les présidents de commission diront un petit mot s’ils le souhaitent, après quoi je donnerai la parole aux rapporteurs – qui auront par ailleurs le loisir d’intervenir quand ils le voudront dans le débat – puis à Mme la ministre et enfin aux députés présents, qui pourront poser leurs questions.

M. Michel Françaix – Nous ne nous contenterons pas de poser des questions, monsieur le président !

M. François Rochebloine, vice-président de la commission des affaires étrangères – La commission des affaires étrangères, comme l’an passé, s’est saisie pour avis de deux programmes de la mission « médias » : le 115 « audiovisuel extérieur » et le 116 « chaîne française d’information internationale ».

La commission des affaires étrangères s’intéresse en effet de près à l’audiovisuel extérieur. J’avais moi-même présidé une mission commune avec la commission des affaires culturelles à propos de la création de la fameuse chaîne d’information continue à vocation internationale, la CII. Et puis, en décembre dernier, le président Balladur m’avait confié une mission sur l’organisation et le financement de l’audiovisuel extérieur ; le rapport, rendu en janvier dernier, a été adopté à l’unanimité.

Le Président de la République a nommé un nouveau conseiller chargé de ces questions, M. Georges-Marc Benamou, et des proposition devraient très prochainement être formulées.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial de la commission des finances – La collecte de la redevance a été transformée, ces dernières années, dans le souci d’économiser les derniers publics et d’assurer un financement convenable du service public de l’audiovisuel. Bercy estime que la redevance collectée couvre le total des besoins, définis notamment dans les nouveaux contrats d’objectifs et de moyens. Celui de France Télévisions prévoit une augmentation de la dotation de 3,5 % par an. Comment le financement nécessaire sera-t-il couvert après 2008 ?

J’ai déposé un amendement afin d’indexer la redevance, à partir de 2009, sur l’indice des prix. Le Gouvernement considère-t-il par ailleurs que seule la redevance et les ressources propres doivent financer le service public, à l’exclusion des crédits budgétaires ?

S’agissant de France Télévisions, les objectifs définis dans la lettre de mission du Président de la République sont-ils les mêmes que ceux du contrat d’objectif et de moyens – COM – signé en avril dernier ? De nouveaux financements ne seront-ils donc pas nécessaires ? Un éventuel surcoût peut-il être couvert par les économies de gestion fixées par le COM ? Le Gouvernement serait-il prêt, dans le cas contraire, à élaborer un avenant au contrat ?

Le modèle du groupe multimédias s’imposant de plus en plus, la France a-t-elle intérêt à soutenir les efforts des groupes privés pour se transformer en groupes multimédias ? Doit-elle conserver ses entreprises publiques spécialisées en radio ou en télévision ? Doit-elle construire un groupe public multimédias capable d’être présent sur tous les supports ? Ne craignez-vous pas que l’audiovisuel soit écrasé par les opérateurs de télécommunications s’il ne s’organise pas en groupes multimédias ? Soumettrez-vous ces opérateurs aux mêmes obligations que les opérateurs audiovisuels en matière de création et de diffusion ?

Les nouveaux venus dans le monde de la création – dont Internet – ne contribuent pas au développement de la création française. Comment faire pour qu’il en soit autrement ? Comment parvenir au principe de neutralité technologique pour les règles s’appliquant à une partie de l’image diffusée ?

Avec 300 millions consacrés à l’audiovisuel extérieur, la France a les moyens de reconstruire ce secteur. Quels sont précisément les objectifs géostratégiques et éditoriaux ? Le Gouvernement compte-t-il opter pour l’architecture d’un groupe multimédias ? Compte-t-il par ailleurs étendre à l’audiovisuel public les dispositions de la loi sur le service minimum ?

S’agissant de la presse écrite, elle rencontre de grandes difficultés, malgré les aides directes ou les dépenses fiscales importantes de l’État. Faut-il continuer à soutenir le support papier ou réorienter l’aide vers le soutien à l’élaboration de contenus éditoriaux indépendamment des multiples supports possibles ?

L’AFP a besoin de 20 millions sur cinq ans pour financer sa mutation technologique, numériser sa production et sa diffusion. Le Gouvernement compte-t-il inscrire cet investissement exceptionnel dans le futur COM?

M. Christian Kert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles – Je remercie Mme la ministre de présenter un budget en hausse de 3,5%.

Le rétrécissement constant de la publicité au champ des sociétés publiques, mutualistes ou coopératives met en péril l’avenir des recettes publicitaires de Radio France, donc l’exécution du COM. Le Gouvernement envisage-t-il de modifier le champ des annonceurs autorisés ?

France Télévisions est dans un contexte très particulier d’ouverture à la concurrence aggravé par l’arrivée des chaînes de la TNT. Or, le COM signé en avril 2007 a fixé des objectifs ambitieux relatifs au passage au numérique ou au développement de la haute définition et de la télévision mobile personnelle. Le Gouvernement a-t-il des précisions à apporter sur d’éventuels surcoûts ?

Comment le Gouvernement envisage-t-il le développement de synergies au sein du groupe France Télévisions ? Une fusion des chaînes publiques est-elle envisagée ou la mutualisation de certains moyens ?

Vous avez confié à MM. David Kessler et Dominique Richard une mission sur la réforme du régime de contribution des chaînes de télévision à la production audiovisuelle. Quelles sont les hypothèses envisagées ? Une diminution du quota d’investissement dans les œuvres indépendantes ou un intéressement des chaînes aux œuvres qu’elles financent en font-elles partie ?

Vous avez évoqué une possible remise à plat des règles publicitaires applicables à l’audiovisuel. Quelles sont les solutions privilégiées ? Une coupure supplémentaire dans les émissions de flux ? Un passage de l’heure glissante à l’heure d‘horloge ? N’est-il pas un peu incohérent de financer un service public par la publicité alors que l’on attend qu’il affiche sa différence par rapport à des concurrents privés ?

Enfin, la ressource provenant de la redevance n’est guère dynamique : 116 euros depuis 2004 alors que la moyenne européenne excède 195. Comment assurer un niveau suffisant de ressources publiques dans ces conditions ? Peut-on continuer à financer l’audiovisuel public grâce à un système mixte, redevance-publicité, sachant que les audiences baissent inexorablement et que le volume de la publicité est limité ? Je présenterai un amendement tendant à redonner un peu de dynamisme à un débat qui jusqu’ici en a un peu manqué.

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères – Moins d’un an après la création de France 24, le président de la République a ouvert le chantier d’une réforme générale de l’audiovisuel extérieur pilotée par l’Elysée. Les deux programmes qui concernent la commission sont en l’occurrence disparates sur le plan budgétaire : celui qui dépend des affaires étrangères est simplement reconduit quand celui dépendant du Premier Ministre – France 24 – progresse sérieusement. Quels sont vraiment les objectifs du Gouvernement ? En outre, la convention liant l’État à France 24 fait état d’un financement de 88,5 millions quand 70 millions seulement sont inscrits. Où trouver les 18,5 millions manquants ?

Comment l’État envisage-t-il d’évaluer la réussite – ou non - de France 24 ? On dénombre aujourd’hui deux actionnaires : France Télévisions – mis sensiblement à contribution - et TF1 – actionnaire « dormant ». Cette structure demeure très troublante. Quelle est l’utilité de TF1 dans le capital de France 24 ?

Plus globalement, quelle est votre conception de la réforme à venir ? Des mutualisations seraient en l’occurrence bienvenues : est-ce par exemple raisonnable que France 24 maintienne un correspondant à Berlin ? Ne pourrait-on s’inspirer de l’expérience de la BBC et de la « new factory », fabrique de l’information alimentant différents opérateurs ? Le format d’infos en continue de France 24 n’est-il pas déjà un peu dépassé? Comment penser la réorganisation de l’audiovisuel extérieur ? Le Parlement, enfin, sera-t-il toujours associé à ces réflexions ?

M. le vice-président de la commission des affaires étrangères – Pourquoi 70 millions seulement sont-ils en effet inscrits pour France 24 au lieu des 88,5 millions prévus dans la convention de partenariat ?

Un rapport commandé par la direction de RFI suggère une fusion par étapes et en deux ans avec France 24. Le Gouvernement privilégie-t-il ce scénario ?

Parmi les opérateurs de l’audiovisuel extérieur, il ne faut pas sous-estimer l’importance de Canal France International, structure adossée à France Télévisions. Or, ce rattachement datant de l’époque où CFI était un diffuseur - ce qui n’est plus le cas aujourd’hui -, un adossement de CFI à l’INA ne serait-il pas plus approprié ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication – M. Martin Lalande m’a interrogée sur le financement de France Télévisions. Pour cette année, il semble que l’on ait un peu oublié, à l’occasion du débat qui a eu lieu avant l’été, que l’on ne pouvait pas vraiment parler de grande misère dans la mesure où le contrat d’objectifs et de moyens avait prévu une augmentation considérable de 3,6 % des crédits. Il s’agit d’un bon contrat, qui fixe des obligations éditoriales ainsi qu’un objectif général d’accroître la dimension culturelle et l’identité des chaînes, si possible aux heures de grande écoute.

Mais le contrat demande aussi à France Télévisions de relever des défis technologiques, de prendre le virage vers la TNT et de s’organiser pour être en état de passer à la haute définition, la télévision mobile personnelle n’ayant pas été envisagée dans le contrat. Ce dernier incite également le groupe à procéder à des réformes structurelles.

Tout ceci sera-t-il suffisant ? Pour l’instant en tout cas, il n’y a pas motif à envisager des avenants. Comme l’ensemble des chaînes, celles de France Télévisions sont confrontées à la diminution de l’audience, avec un transfert, notamment de la publicité, vers Internet, qui pose à tout le monde des problèmes de financement. Aujourd’hui, il faut faire le point, voir exactement où en est le groupe. Cela n’avait pas été fait cet été, et je n’ai donc pas été favorable à la demande qui m’était faite d’agir très vite, en ajoutant par décret une coupure dans les émissions de flux. En outre, il se serait agi d’une mesure isolée, difficile à évaluer, qui ne paraissait pas à la hauteur des difficultés rencontrées et qui comportait un risque immédiat de déstabilisation de l’ensemble du secteur. Une décision trop rapide en faveur d’un ajustement de la redevance aurait présenté les mêmes défauts.

Ce sont donc plusieurs chantiers qui doivent être ouverts pour l’ensemble de l’audiovisuel public, afin de prendre les virages technologiques nécessaires, mais aussi de mener à bien une réforme des structures. Il faudra veiller également à ce que le secteur ait les moyens de remplir ses missions. Un seul chantier est pour l’instant engagé, celui de la relation entre producteurs et diffuseurs, autour des décrets Tasca. Il faut voir aussi comment assurer le financement, ce qui renvoie à un autre chantier, celui de la publicité, et qui pose la question de la redevance. Je sais qu’il existe de fortes réticences à l’idée d’une augmentation de cette dernière, (protestations sur les bancs du groupe SRC) mais M. Kert a rappelé que son montant était particulièrement faible. C’est évident si on le compare aux 204 euros de l’Angleterre et aux 200 euros de l’Allemagne, mais aussi aux dépenses moyennes des foyers pour la téléphonie mobile, qui atteignent 50 euros par mois.

De façon plus générale, il faudrait que des signaux soient donnés en faveur d’une réforme plus importante de l’audiovisuel public et de ses structures pour qu’un ajustement de la redevance puisse être envisagé en échange. D’ores et déjà, les fonctions juridiques ont été regroupées au sein de la holding, mais on pourrait aller beaucoup plus loin, en particulier pour les affaires financières, les ressources humaines, les systèmes informatiques et les achats. La mise en commun des moyens de production et des rédactions paraît également nécessaire mais elle suscite plus de réticences. Quoi qu’il en soit, il faut aller de l’avant pour que la holding joue pleinement son rôle et que de meilleurs équilibres soient trouvés entre les chaînes.

L’équilibre entre la publicité et la redevance, qui est une spécificité du système français, paraît satisfaisant. Certes, il y a Arte, et l’on peut discuter pour savoir s’il fallait une chaîne strictement culturelle. Au moment de sa création, certains, comme Bernard Pivot, considéraient que les grandes chaînes pourraient y voir un prétexte pour se dispenser de leurs obligations culturelles. Aujourd’hui, Arte marche bien et France Télévisions présente les caractéristiques d’un audiovisuel de qualité et s’adressant au plus grand nombre. Des réalisations comme Maupassant et Guerre et paix s’inscrivent pleinement dans cet objectif. La publicité, qui est aussi une mesure de l’audience, n’est pas une mauvaise chose en soi ; elle participe à l’équilibre de notre audiovisuel.

S’agissant du modèle multimédias, M. Martin–Lalande s’est demandé s’il fallait aujourd’hui disposer de grands groupes intervenant sur les différents supports. Pourquoi pas ? C’est un chantier qui va aussi être ouvert. Mais les questions relatives à la concentration sont extrêmement sensibles. Dans ma lettre de mission, il m’est demandé de proposer les réformes et les changements réglementaires nécessaires, à la fois pour un soutien à la création, pour l’évolution et l’adaptation aux nouveaux paysages audiovisuels, mais aussi pour faire émerger de grands groupes.

Nous disposons de groupes de télécommunications emblématiques de l’excellence française et dont la puissance de feu est considérable. On peut se demander si l’on n’a pas jusqu’ici terriblement entravé le développement de nos groupes. Aujourd’hui, la constitution de groupes plus puissants devra bien évidemment respecter le pluralisme : il ne faudrait pas créer un mastodonte qui écraserait tout sur son passage.

On pourrait en effet envisager de soumettre les opérateurs de télécommunications à certaines obligations. Cela n’aurait rien de choquant dès lors qu’ils entrent sur les marchés et qu’ils deviennent des diffuseurs et des opérateurs au même titre que les chaînes de télévision. C’est un domaine dans lequel les groupes de pression sont actifs et passionnés. Il faudrait parvenir à un équilibre permettant, sans porter atteinte aux intérêts des grands groupes de télécommunications, de favoriser les producteurs et les créateurs. Ces derniers sont aujourd’hui inquiets à l’idée d’une évolution des décrets Tasca qui prévoient que les deux tiers des commandes des chaînes vont aux producteurs indépendants.

En la matière, un chantier a été confié à M. David Kessler, Président de France Culture et à M. Dominique Richard, qui est un grand spécialiste de ces questions. Certes, il y a eu des mesures favorables à la production indépendante, mais les diffuseurs ne sont pas propriétaires de ce qu’ils commandent et ils sont parfois tentés de garder sous le coude les commandes en question. Or les œuvres circulent très peu et les deuxièmes diffusions sont rares. Il faut donc parvenir à faire respirer un système aujourd’hui figé.

S’agissant toujours de la création, M. Martin–Lalande a évoqué le piratage. La mission chargée de cette question a rendu des rapports d’étape intéressants et les positions semblent se rapprocher. Elle rendra ses conclusions fin novembre. Sans vouloir transformer les fournisseurs d’accès en policiers, il apparaît que des systèmes de filtrage permettent de savoir ce qui se passe. Il faudra voir ce qu’il est possible de faire notamment par la voie de la contractualisation afin de favoriser l’offre légale et de créer un cadre plus dissuasif pour les pirates.

Il a été beaucoup question de l’audiovisuel extérieur dans les interventions des rapporteurs. C’est un débat ancien : je me souviens de réunions à ce propos en 1996, alors que j’étais conseillère culturelle à l’Élysée. Depuis lors, le paysage ne s’est pas simplifié avec l’apparition de France 24. M. Bernard Kouchner et moi-même avons, dans nos lettres de mission, l’objectif de transformer l’audiovisuel extérieur et de donner plus de cohérence à un dispositif qui représente 300 millions d’euros et qui, semble-t-il, ne fonctionne pas très bien. Un groupe de travail sur cette question se réunit à l’Élysée, autour de M. Georges-Marc Bénamou. Il a déjà auditionné de nombreux parlementaires. Les ministères des Affaires étrangères et de la Culture participent activement à la réflexion.

On voit bien les points forts des uns et des autres. TV5 a un très bon réseau de diffusion et de distribution et l’image d’une chaîne francophone. Cela signifie qu’il ne faut pas faire d’annonce imprudente de nature à inquiéter nos partenaires, même s’ils participent peu et si l’on peut donc considérer qu’ils doivent accepter les évolutions voulues par l’actionnaire principal. M. Mathus a observé justement que l’on ne savait pas exactement ce qui se passait du côté de France 24. N’oublions pas toutefois qu’il s’agit d’une chaîne très jeune.

Dotée de structures souples, elle fonctionne dans un certain enthousiasme. Bien sûr, il y a beaucoup d’émissions de plateau, parce qu’elles sont moins coûteuses. Le principal problème reste la notoriété de la chaîne. Il serait assez logique de la rapprocher de TV5. S’agissant de l’actionnariat, on peut se demander si TF1 a vocation à y rester, et si France Télévisions ne devrait pas y jouer un rôle plus actif. Une hypothèse envisagée est la constitution d’une holding animée par une personnalité capable de faire évoluer les choses. Mais rien n’est encore décidé. M. François Rochebloine a évoqué la possibilité d’une fusion entre France 24 et RFI. L’ idée est séduisante, mais pose un certain nombre de problèmes : RFI n’a pas vraiment de statut de droit commun et n’avait même pas de contrat d’objectifs et de moyens. C’est une très bonne chose qu’un tel contrat soit actuellement en discussion. RFI joue évidemment un rôle très utile pour la francophonie, notamment en Afrique. En revanche, on peut s’interroger sur sa présence partout en Europe et sur le nombre de langues de diffusion. A titre d’exemple, l’utilité d’une rédaction en serbo-croate est-elle vraiment évidente ? Le contrat d’objectifs et de moyens permettra d’y voir plus clair et, dans une étape ultérieure, de faire entrer RFI dans le projet.

CFI est une petite structure ; la question de son adossement à l’INA mérite d’être posée. A titre personnel, cela me semble logique, puisque les missions de l’INA ont été étendues. Mais rien n’est décidé.

M. Mathus a évoqué le modèle de la BBC. On peut dire que dans l’audiovisuel en France, France Info sert déjà de banque de données sur Internet. Le danger ici serait de ressusciter l’ORTF. Il existe donc différentes possibilités pour l’audiovisuel extérieur. Nous verrons ce que le Président de la République décidera.

S’agissant de l’audiovisuel public, la question d’une fusion a été évoquée. Évidemment, il n’est pas question de modifier par amendement ce qui est un point essentiel de la loi de 1986 et mérite un débat au Parlement. A titre personnel, je crois que si l’on regroupe dans une holding toutes les fonctions support et que l’on travaille avec le personnel sur la formation et la mobilité, on sera sur la bonne voie. Décider la fusion ferait tomber la convention collective et il faudrait ensuite 18 mois de négociation, ce qui est bien long. Le chantier est ouvert. Mais il faut conserver la personnalité des chaînes et les Français sont attachés à une grande chaîne régionale. La prudence s’impose donc.

Je reviens sur le financement de France 24. Le contrat de partenariat prévoyait 88,5 millions d’euros. Après la discussion budgétaires, les crédits s’élevait à 70 millions d’euros. Mais le Premier ministre a décidé de compléter par 18 millions de crédits de gestion au cours de l’année 2008.

M. Pierre-Christophe Baguet – Mais d’où viendront-ils ?

Mme la Ministre - Ce sont des crédits de gestion.

M. Pierre-Christophe Baguet - M. le Président de la Commission, comprenez-vous d’où viendront ces crédits ?

M. le Président de la commission des finances – Je ne comprends pas vraiment ce que cela veut dire.

M. le Vice-Président de la commission des affaires étrangères – D’un côté il y a la rigueur, mais de l’autre une augmentation par respect de la convention.

Mme la Ministre - Il faut en effet se placer dans l’optique du respect de la convention. Certains font valoir qu’on ne sait pas exactement ce que fait France 24, d’autres qu’il ne faut pas l’empêcher de se développer, par exemple, avec ce projet des programmes en langue arabe sur le même créneau que Al-Jazira…

M. Pierre-Christophe Baguet - Ils n’ont pas les mêmes moyens !

Mme la Ministre - Effectivement. En tout cas les deux points de vue s’expriment. Le Premier ministre a bien pris un engagement sur ces 18 millions.

M. le Vice-Président de la commission des affaires étrangères – Il est normal de respecter les engagements de la convention, mais je m’interroge sur le maintien des crédits en euros constants, ce qui équivaut à une diminution.

Mme la Ministre - Je me fais l’écho de l’arbitrage qui a été rendu. M. de Pouzilhac a été rassuré.

M. Patrice Martin-Lalande a posé une question sur l’AFP. Nous sommes en train de négocier son contrat d’objectifs et de moyens dans lequel figureront des investissements stratégiques.

Un effort a été fait également pour la presse écrite. Ainsi l’État s’est engagé à porter de 8 à 12 millions les crédits destinés aux NMPP dans le plan « Défi 2010 ». M. Lagardère s’est aussi engagé à investir dans la modernisation. La presse écrite a su utiliser les journaux gratuits…

M. Michel Françaix – Elle a été obligée de suivre.

Mme la Ministre - Un grand atout des « gratuits », c’est la multiplicité des points de diffusion. Nous réfléchissons sur les moyens de favoriser le développement du portage. D’autre part, un médiateur va être nommé pour confirmer les liens entre la Poste et la presse en ce qui concerne la distribution. Bien entendu la modernisation va au-delà des supports papier et concerne des investissements sur Internet. Se pose alors le problème des droits d’auteur, les journalistes demandant en quelque sorte à être rémunérés deux fois.

M. le Rapporteur spécial – Donc s’agissant de l’audiovisuel public, vous parlez de prudence et rien n’est exclu. Pour l’audiovisuel extérieur, la question de savoir s’il y aura un groupe ou non n’est pas tranchée…

Mme la Ministre - Pour l’audiovisuel extérieur, la question n’est pas tranchée. Mais elle n’est pas simple, les discussions d’il y a une dizaines d’années l’ont montré. Je le perçois aussi au Conseil des ministres européen et dans les contacts internationaux, par exemple, avec le Canada. Deux philosophies s’opposent, celle de la francophonie et celle de la francophilie qui veut faire aimer la France, mais peut-être en anglais ou en arabe. Rien n’est tranché. On pourrait s’orienter vers une holding dans les mois qui viennent, puis dans un deuxième temps, y associer RFI.

Pour l’audiovisuel public, des orientations ont été données, mais nous allons travailler sur des réformes de structures. Jusqu’où faut-il aller ? A ce stade, il s’agit de renforcer la holding, de conforter les chaînes dans leur identité, d’accorder plus de moyens peut-être, et plus de publicité. Ce dernier point fait l’objet d’une réflexion. En effet, sur les 36 milliards d’investissements publicitaires en France, 11 milliards seulement vont vers les médias. Il faudrait que cette part s’accroisse, comme c’est le cas dans d’autres pays. Il ne s’agit pas d’imposer des coupures publicitaires à tout bout de champ ; il y a bien une spécificité de l’audiovisuel public. Mais il pourrait y avoir un peu plus de publicité.

M. le Rapporteur spécial – Quelle est la position du Gouvernement sur l’indexation de la redevance sur les prix ? Le contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions prévoit une augmentation de 3 ,5% des ressources par an. Ce n’est pas possible sans la redevance.

Mme la Ministre - Effectivement, pour mieux soutenir l’audiovisuel public, il serait légitime d’augmenter le produit de la redevance. Il s’agit d’un effort minime, puisque l’on consacre en moyenne 50 euros par mois à la téléphonie mobile contre 2 euros pour la redevance. Mais il est symbolique. On peut se demander s’il doit y avoir une indexation directe. A priori elle n’a pas l’approbation du Président de la République.

M. Christian Kert, Rapporteur pour avis – Il peut évoluer !

M. le Rapporteur spécial - L’État s’est engagé dans le contrat d’objectifs et de moyens à augmenter de 3,5% chaque année, les crédits de France Télévisions. Il faut, en bonne logique, drainer les ressources nécessaires. Le principe de l’indexation pourrait se traduire par un engagement dans le contrat d’objectifs et de moyens, en 2009 peut-être, comme je le propose par amendement, puisque pour 2008, nous avons un engagement du Président.

Il me semble paradoxal d’engager la négociation du contrat d’objectifs et de moyens de RFI sans savoir quelle sera la stratégie d’ensemble pour l’audiovisuel extérieur. S’agissant de France 24, d’où proviendront les ressources supplémentaires évoquées ? S’agira-t-il d’annulations de crédits du budget du Premier ministre, ou les nouvelles allocations seront-elles prélevées sur d’autres budgets et, si tel est le cas, lesquels ?

M. Christian Kert, rapporteur pour avis – J’ai cru comprendre que vous ne refuseriez pas l’hypothèse d’un peu de publicité supplémentaire. Je suis très favorable à la publicité, mais j’appelle à la prudence car, à chaque fois que l’on augmente la durée de la publicité audiovisuelle, on atteint le marché publicitaire des autres médias. Si l’on souhaite trouver un équilibre, il faut freiner la publicité télévisuelle.

M. Michel Françaix – Vous progressez !

M. Pierre-Christophe Baguet – Il a toujours été cohérent et tenu le même discours !

M. Christian Kert, rapporteur pour avis – Ma position n’a jamais varié, et je continue de penser qu’il faut non seulement préserver l’équilibre publicitaire de l’ensemble des médias mais aussi l’identité de l’audiovisuel public. France Télévisions procède, en ce moment, à un virage éditorial qui doit viser à différencier nettement les chaînes publiques des chaînes privées.

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis – On continue, quand on traite de l’audiovisuel extérieur de la France, de se référer à une BBC mythique, oubliant au passage que BBC1 est l’une des chaînes les plus médiocres qui soit. Dans le même temps, rien n’est dit de France Télévisions. On s’acharne donc à créer une marque qui existe déjà, au lieu de globaliser nos capacités de production d’informations.

S’agissant de TV5 Monde, le débat est très centré sur l’information alors que la demande porte bien davantage sur les programmes. Il faut donc chercher à renforcer aussi ce volet là.

M. Pierre Méhaignerie, Président de la commission des affaires culturelles – Je comprends la passion qui s’exprime en faveur de la vitalité des chaînes publiques, mais j’ai entendu Mme la ministre et je partage ses conclusions : si des signaux sont émis qui ne trouvent pas d’écho, que faire ? Au moment où la commission Attali remet en question tout les secteurs protégés, il faut prendre garde de ne pas adopter des orientations contradictoires.

Madame la ministre, l’extinction définitive de l’analogique en 2011 libérera des fréquences. Avant que la commission engage des auditions à ce sujet, j’aimerais savoir quel est, selon vous, l’équilibre souhaitable en cette matière entre chaînes audiovisuelles et opérateurs de téléphonie mobile. Quel schéma choisir pour mieux couvrir le territoire en ADSL ?

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial – Pour l’ADSL, la couverture du territoire est acquise !

M. le Président de la commission des affaires culturelles – Pas partout, malheureusement !

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial – A 98 %, Monsieur le président !

Mme la Ministre – Le contrat d’objectifs et de moyens de RFI précisera ses missions et il n’est pas gênant de le négocier tout en poursuivant la réflexion sur la future configuration de l’audiovisuel extérieur. Mieux : il ne faut pas attendre la création de la holding pour le négocier, car RFI souffre du flottement actuel.

La redevance, vous le savez, n’est pas en débat cette année, puisque la question a été réglée. La redevance, qui augmente de 3,5 % cette année et qui augmentera de 3 % les années suivantes, donne de surcroît un meilleur produit, ce dont je me félicite. Certes, les chaînes devront trouver des ressources propres, mais un ajustement est nécessaire si les engagements réciproques qui ont été pris doivent être tenus.

La BBC n’est pas un exemple absolu, mais nous pouvons nous inspirer de certains des aspects qui en caractérisent le modèle.

Le principe n’en ayant pas été retenu par le Président de la République, le service minimum dans l’audiovisuel public n’est pas à l’ordre du jour.

Je ne puis vous répondre précisément sur l’origine des crédits supplémentaires qui seront alloués à France 24, mais l’engagement pris a rassuré M. Alain de Pouzilhac comme il m’a rassurée.

M. le Vice-président de la commission des affaires étrangères – Il faudra veiller à ne pas déshabiller Pierre pour habiller Paul…

Mme la Ministre - Je pense comme vous qu’il faut être attentif à ne pas développer excessivement les écrans publicitaires au moment où l’on veut renforcer le volet culturel des programmes de France Télévisions…

M. Michel Françaix – Très bien !

Mme la Ministre – L’évolution doit être raisonnable. La réflexion est engagée et elle devrait aboutir au début de l’année prochaine. Elle concernera la publicité dans les médias en général car le Gouvernement est conscient de la concurrence qui s’exerce à ce sujet entre chaînes de télévision, radios et presse écrite. On l’a constaté une nouvelle fois lorsque la grande distribution a eu l’autorisation de faire de la publicité à la télévision : les autres médias ont subi un nouveau recul de leurs recettes publicitaires à cette occasion.

M. Christian Kert, rapporteur pour avis – Peut-on imaginer davantage de publicité pour le chocolat que pour les mutuelles sur Radio France ? (sourires)

Mme la Ministre - Il serait en effet souhaitable d’ouvrir l’éventail des produits pour lesquels la publicité est autorisée sur Radio France.

M. Didier Mathus a évoqué la forte demande de programmes de qualité pour TV5 Monde. Il a raison, et une réflexion doit être menée visant à ce que l’on ne se limite plus à recycler de vieux programmes. Sur ce point, France Télévisions doit être plus réactive. Plus largement, M. Didier Mathus se demande s’il ne conviendrait pas de s’en tenir à une seule chaîne regroupant toute l’offre d’audiovisuel extérieur française. La question est, vous en conviendrez, d’une particulière complexité, et source de grandes difficultés. A ce jour, elle n’est pas tranchée.

M. le Vice-président de la commission des affaires étrangères – Je tiens à souligner que TV5 a déjà beaucoup évolué.

Mme la Ministre - Le président de votre commission des affaires culturelles m’a interrogée sur la position du Gouvernement quant à l’attribution des fréquences que libérera l’extinction de l’analogique. Puisque l’on ne sait quel sera précisément le dividende numérique, il importe de ne prendre aucune décision hâtive. La téléphonie doit pouvoir se développer, mais son développement ne doit pas entraver celui de l’audiovisuel. Les radios numériques offriront, elles aussi, de considérables possibilités nouvelles, et chacun veut en être, radios associatives comprises.

M. Michel Françaix – Elles le méritent bien !

Mme la Ministre - Le fonds de soutien fléchera aussi les ressources vers elles, mais, je le répète, aucune décision ne doit être prise aussi longtemps que nous n’aurons pas tous les éléments en main, car les enjeux économiques sont considérables.

M. Michel Françaix – Nous n’avons rien à redire, Mme la Ministre, aux bonnes intentions que vous avez exprimées, sur lesquelles chacun s’accorde. En revanche, nous ne partageons pas votre analyse de la situation. Le service public de l’audiovisuel va-t-il aussi bien qu’on le pense ? Et qu’en est-il de la presse ?

Le Président de la République et le Gouvernement ayant beaucoup parlé de « rupture », nous avons rêvé d’un budget « de rupture » tenant compte des évolutions constatées. Malheureusement, celui que vous nous présentez ne montre aucun changement et les bonnes intentions affichées n’y trouvent aucune traduction concrète. On ne peut pourtant réaffirmer la vocation culturelle des chaînes publiques sans leur donner de moyens nouveaux !

Le renouveau de la ligne éditoriale de France Télévisions est engagé, et il est faux de dire que chaînes publiques et chaînes privées se valent. Mais quand on commence à programmer une pièce de Guitry ou Guerre et paix à une heure de grande écoute, on sait que, au début au moins, l’audience souffrira de cette évolution.

Dans ces conditions, les recettes publicitaires attendues ne se concrétiseront pas ; sur les trois derniers mois, leur diminution a d’ailleurs été considérable. Il ne s’agit pas d’augmenter la redevance et la durée des publicités, mais l’une ou l’autre, en étant conscient qu’un surcroît de publicités fera décliner le niveau du service public.

L’audience du service public baisse, pour beaucoup à cause de la TNT, je vous l’accorde, et les autres grandes chaînes subissent aussi le phénomène : la remontée récente de celle de TF1 est peut-être due à la Coupe du monde de rugby et M6 a perdu beaucoup plus que France 2 ou France 3. Nous voyons d’ailleurs avec plaisir que France 5 et Arte continuent de progresser.

Comment poursuivre l’effort ? Comment favoriser la création audiovisuelle française ? Comment pousser la montée en puissance de France 4 ? Comment tenir compte de la grille de soirée de France 5, qui coûte cher ? Comment poursuivre la valorisation des programmes culturels aux heures d’écoute significatives ? Comment améliorer la politique du sous-titrage ? Comment étendre la diffusion de la TNT ? Comment lancer des expérimentations pour la télévision mobile personnelle ? Comment déployer la stratégie de haute définition d’Arte ? Vous posez toutes ces questions mais un surplus de ressources est indispensable pour développer les nouvelles technologies, accompagner les nouvelles pratiques culturelles de consommation des images et investir dans des programmes diversifiés.

La télévision privée est utile pour passer le temps, mais le service public doit aider à comprendre le temps. Cela suppose de donner davantage d’importance à certaines thématiques, notamment dans les programme pour les jeunes. Vous pourriez commencer par supprimer la publicité pour les chewing-gum et les bonbons autour des émissions destinées à la jeunesse et compenser cette perte par une augmentation de la redevance.

Je ne reviendrai pas sur le meccano de la politique audiovisuelle extérieure. Les bureaux de l’AFP qui se sont vidés un peu partout sur la planète ne pourraient-ils pas être utilisés par France 24, TV5 ou RFI ? Enfin, madame la ministre, puisque nous avons confiance en vous, nous ne souhaitons pas que ce projet soit piloté par un conseiller spécial de l’Élysée, sur injonction présidentielle.

La presse quotidienne d’information est en mauvais état : baisse constante des recettes publicitaires, hausse des coûts de production, insuffisance du nombre de points de vente et de la rémunération des kiosquiers, dématérialisation de la diffusion. Les gratuits affichent une bonne santé insolente tandis que la presse quotidienne s’enfonce dans une crise sans fin. Au lieu de mettre le paquet sur les aides directes, vous continuez de privilégier un système qui subventionne à l’aveugle toutes les formes de presse et soutient indifféremment un mensuel sur les yachts et un quotidien en difficulté.

La France est l’un des pays où les aides à la presse sont les plus importantes mais aussi les moins efficaces. Quotidiens indépendants en crise, journaux fabriqués sans journalistes, gratuits récupérant la plus grande part de la masse publicitaire, contrôle d’actionnaires peu concernés par le rôle démocratique de la presse, telle est la situation.

J’aimerais que, l’année prochaine, ce débat ne soit pas une discussion sympathique au cours de laquelle nous constaterons que les problèmes ont perduré et qu’aucune mesure n’a été prise. En tout cas, le projet de budget pour 2008 ne répond pas à vos bonnes intentions.

M. Élie Aboud – Mme la Ministre, comment définissez-vous le projet innovant sur la presse ? Ne contient-il pas une part de subjectivité ?

Un taux de répartition a-t-il été prévu entre la presse nationale et presse régionale ou départementale ?

Où en est la réflexion avec nos partenaires européens à propos de la TVA sur les supports papiers et sur la presse en ligne ?

M. Jean-Paul Lecoq – Je partage entièrement les remarques de M. Michel Françaix.

Madame la Ministre, je suis tout de même surpris que vous ne répondiez pas sur ces 18 millions d’euros, au mépris de la transparence budgétaire.

Sur la question du service minimum, vous ne tombez pas dans la provocation. Je ne vois pas en quoi la grève, sur une chaîne de télévision ou de radio du service public, prendrait en otage les téléspectateurs, à une époque où le monopole n’existe plus et où l’offre de programmes s’est développée avec la TNT.

Pour l’AFP, il est toujours question de mutualisation, dans un souci financier légitime, mais il faut aussi se soucier d’éthique et d’indépendance. De ce point de vue, l’AFP a fait ses preuves au fil des décennies.

L’Humanité, que je feuilletais pendant votre intervention, conserve un intérêt dans le débat politique. Je m’associe donc aux observations de mes prédécesseurs sur la révision des aides à la presse écrite.

Ce matin, j’ai eu l’impression d’entendre une animatrice de groupe de travail sur l’audiovisuel plutôt qu’une ministre capable d’assumer des choix et des positions. Je suis un jeune député mais j’ose espérer que cela ne reflète pas une dérive de nos institutions.

M. Pierre Morange – Une réflexion est-elle engagée sur la pertinence des moyens financiers alloués à Arte, en comparaison avec ceux des autres chaînes publiques, eu égard à son audience ? J’ai cru comprendre que nos amis d’outre-Rhin se penchent sur le sujet.

M. Marcel Rogemont – Derrière l’absence de décision quant aux ressources de l’audiovisuel public, apparaît le choix implicite ou explicite de réduire les moyens et la voilure de France Télévisions. Il existe évidemment un lien entre la politique éditoriale de France Télévisions et la publicité. L’évolution des recettes publicitaires perçues par France Télévisions montre la nécessité de revoir le montant de la redevance audiovisuelle. C’est pourquoi je souhaite personnellement voter l’amendement que proposera tout à l’heure M Christian Kert.

M. Henri Nayrou – Avec la concurrence de la presse gratuite, la menace des groupes européens qui investissent dans ce secteur et la frénésie de l’information instantanée, la presse quotidienne est en crise. Des solutions convenables et durables s’imposent. Il ne faut pas se tromper de cible : la bataille ne se mène plus au niveau de la presse papier, mais contre les nouveaux entrants d’Internet, qui se caractérisent par des pratiques en rupture. On constate aussi un effet ciseau avec la contraction des recettes et le maintien des coûts fixes.

Concentration des titres, tirages à la baisse, défiance des citoyens à l’égard des journalistes, interventionnisme du pouvoir politique et des patrons de presse, tout cela a conduit à deux phénomènes : un front uni des syndicats de journalistes, qui ont enfin pris conscience que leur métier est en danger ; une mise en doute par 63 % des Français de la crédibilité des sources des journalistes. Je demande une modernisation des textes législatifs encadrant les médias. Le sénateur Louis de Broissia avance six pistes de réflexion. La PQR demande quant à elle la clarification et la simplification de la mesure inapplicable de déduction de 25 % des investissements réalisés dans la presse car cette aide est indispensable.

Vos objectifs sont clairs : accompagner les mutations du secteur, préserver le pluralisme, améliorer le ciblage et l’efficacité des aides, mais les moyens ne suivent pas. La presse quotidienne a besoin d’un plan Marshall. Vous vous êtes déclarée défavorable à la mise en chantier d’une nouvelle loi ; ce serait pourtant nécessaire car la législation en vigueur est très ancienne.

M. Patrick Bloche – La réunion de ce matin est à l’image de ce que nous ressentons depuis cinq mois : rien n’est décidé, tout est reporté. Le feuilleton du financement de France Télévision est révélateur du manque de visibilité : aucun choix n’a été fait, ni dans un sens ni dans l’autre.

Alors que les missions et les groupes de travail se multiplient, sous votre impulsion ou le contrôle direct de l’Élysée, beaucoup d’acteurs sont inquiets. Les producteurs s’interrogent sur leur devenir depuis que David Kessler et Dominique Richard ont suggéré une diminution du quota d’investissement dans les œuvres indépendantes. Parallèlement, la modification des seuils anti-concentration aura des conséquences évidentes. Un nouveau dispositif fondé sur les mesures d’audience est-il envisagé ?

Je crois également que certaines illusions sont entretenues en ce qui concerne la publicité : passage à l’heure d’horloge ou manne inépuisable des recettes publicitaires.

À l’unanimité, le Parlement a adopté, lors de l’examen du projet sur la télévision du futur, la mise en place d’un sous quota d’œuvres patrimoniales dans le cadre du quota général de production des chaînes. Qu’en est-il des décrets d’application ?

Enfin, quel message adressez-vous aux rédactions des Échos et de La Tribune, qui connaissent des difficultés ?

M. Alain Rodet – J’insiste sur la nécessaire réorientation des aides à la presse, notamment quotidienne, dont la situation est indigente par rapport par exemple à celle de l’Espagne. Une grande conférence doit être organisée sur ce sujet.

M. Pierre-Christophe Baguet – Je félicite Mme la Ministre pour les efforts accomplis en faveur de la presse. Les campagnes de sensibilisation auprès des jeunes des collèges et des lycées seront-elles maintenues ?

S’agissant de l’audiovisuel extérieur, je m’inquiète du manque d’objectifs du Gouvernement et de l’idée de mettre en place une holding pour France 24, quand il conviendrait au contraire de simplifier les structures. De la même manière, la double tutelle des ministères des affaires étrangères et de la culture ne devrait pas être pérennisée.

S’agissant du financement de l’audiovisuel public, des choix clairs doivent être faits, notamment en ce qui concerne la redevance. Une augmentation doit être soutenue avec, en contrepartie, des efforts de gestion de la part de France Télévisions. Sans doute serait-il utile de s’inspirer du système anglais, où un débat national a été organisé pendant un an avant que le Parlement ne se prononce. Les calendriers du COM et du financement devraient être également mis en cohérence.

Quid, enfin, de la « résorption » des intermittents du spectacle dans le service public de l’audiovisuel ?

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial – Le système d’aide à la presse écrite est coûteux. S’il est efficace sur un certain nombre de points, est-il néanmoins suffisamment à même de préparer l’avenir ? Ne retarde-t-il pas les mutations nécessaires ?

Mme la Ministre – M. Michel Françaix a déclaré qu’il attendait de grandes ruptures : il y en aura, même s’il n’est pas simple de réformer dans un secteur où il faut avancer prudemment. Le travail accompli en faveur des médias est d’ores et déjà important, que ce soit sur le plan des COM ou du budget. L’investissement pour la presse, par exemple, est en hausse de 6%, ce qui représente 288 millions. En outre, de nombreux chantiers ont été ouverts : diffusion des œuvres, problèmes liées aux concentrations, audiovisuel public, publicité, presse… Dans ce dernier domaine, les investissements sont sensibles, notamment s’agissant des services en ligne et des sites électroniques. Je rappelle d’ailleurs que les « gratuits » eux-mêmes sont en déficit.

La comparaison avec les pays étrangers est quant à elle délicate, car nous n’avons pas la même structure de presse, leurs quotidiens étant assez voisins, par l’esprit et le format, de notre presse magazine.

Oui, M. Michel Françaix, notre audiovisuel public est de grande qualité. Les projets sont là, même si la perte d’audience est sensible, les nouvelles chaînes trouvant leur public. L’effort demandé à France Télévisions, s’agissant des ressources publicitaires, n’est que de 1,1% par exemple. Des réformes structurelles seront peut-être envisageables, notamment par des mutualisations, de même que la réalisation d’économies ou à travers la redevance. Les bureaux de l’AFP pourraient en effet constituer des points relais. Un énorme investissement est par ailleurs en cours en faveur de la presse d’information et de politique générale.

Le problème de TVA est en effet considérable et il doit être réglé sur le plan européen, ce que la présidence française permettra sans doute de faire, la TVA devant être alignée en l’occurrence sur celle des biens culturels.

La question du service minimum dans l’audiovisuel public n’est pas à l’ordre du jour, même s’il est loin d’être saugrenu de la poser.

Le groupe de travail sur l’audiovisuel extérieur est situé à l’Élysée compte tenu de son caractère interministériel et de l’implication personnelle du Président de la République. Quoi qu’il en soit, les décisions seront prises par M. Bernard Kouchner et moi-même.

M. Pierre-Christophe Baguet – Il faut un seul patron, pas deux pour l’audiovisuel extérieur !

Mme la Ministre – L’organisation du secteur est en effet complexe, France 24 dépendant du Premier ministre et TV5 des ministères des affaires étrangères et de la culture. Le ministère de la culture est prêt, quant à lui, à prendre l’entière tutelle de l’audiovisuel extérieur.

S’agissant d’Arte, le COM prévoit une hausse de 4,2% du budget par rapport au PLF de 2007, soit 9 millions.

M. Marcel Rogemont, je crois au système actuel de financement de l’audiovisuel public et à l’équilibre entre la publicité et la redevance.

M. Henri Nayrou a souligné combien la presse écrite était en crise en ces temps de transition. La déduction d’impôt de 25% votée lors du PLF 2007 pour les investissements dans les entreprises de presse est très structurante. Les textes d’application sont en cours d’élaboration.

Le respect des sources des journalistes constitue également un sujet essentiel.

Je ne suis pas convaincue qu’il faille un plan Marshall pour la presse. L’essentiel est d’être à ses côtés et, s’il est nécessaire de légiférer, nous le ferons. Quoiqu’il en soit, les parlementaires seront associés à la réflexion.

M. Patrick Bloche a rappelé le débat de l’été dernier. Il m’est apparu que la décision isolée d’autoriser une coupure dans les émissions de flux de France Télévisions n’était pas une bonne réponse et qu’il fallait envisager une réforme plus vaste traitant également des problèmes financiers. Dans le même esprit, j’ai refusé de prendre une décision hâtive sur la redevance. Cela étant, je suis attachée à l’augmentation des ressources financières du groupe.

Je comprends les inquiétudes des producteurs. Les investissements dans la production indépendante doivent être poursuivis, mais elle pourrait aussi bénéficier de ressources apportées par les nouveaux entrants, en particulier les opérateurs de télécommunications. C’est un nouvel équilibre qu’il faut trouver et les intérêts des diffuseurs et des créateurs sont en fait communs. Il est vrai que la publicité n’est pas une manne, mais elle devrait être mieux distribuée entre médias et hors médias.

La disposition relative au sous-quota patrimonial est très intéressante. Elle doit s’intégrer dans une réflexion d’ensemble qui se concrétisera début 2008.

Même s’il s’agit d’opérations privées, nous avons bien évidemment suivi l’affaire Les Échos-La Tribune. Les garanties que nous avions demandées pour Les Échos ont été largement apportées par le repreneur. Nous souhaitons également que la vente de La Tribune se réalise dans les meilleures conditions. J’ai reçu les deux rédactions ensemble dès qu’elles me l’ont demandé.

M. Pierre-Christophe Baguet m’a interrogée sur les tutelles. Je souhaite qu’elles se simplifient pour gagner en efficacité dans le domaine culturel.

Je l’ai dit, un effort en faveur de la redevance ne pourra être fait qu’en échange d’engagements précis et de réformes de structures.

S’agissant des intermittents, les contrôles ont été multipliés par vingt et l’on est passé de 70 % de taux de fraude à 20 %. Même si certaines bloquent encore, les conventions collectives sont signées les unes après les autres. Nous veillons tout particulièrement à assainir la situation.

Enfin, je n’entends pas être une animatrice de télévision mais une ministre, qui prend des décisions en tant que telle.

M. le président de la commission de finances – Merci beaucoup.

La séance est levée à 11 heures 30.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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