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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mardi 30 octobre 2007

Séance de 9 heures
Commission des finances, de l'économie générale et du Plan
Commission des affaires culturelles, familiales et sociales
Présidence de M. Didier Migaud, Président, M. Pierre Méhaignerie, Président

- Commission élargie : culture

La séance est ouverte à 9 heures.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances – Après l’audition de mercredi dernier consacrée à la mission « Médias », j’ai le plaisir d’accueillir à nouveau Mme la ministre de la culture, Christine Albanel. Cette réunion s’était fort bien déroulée, les rapporteurs et les autres députés ayant posé des questions nombreuses et concises auxquelles Mme la ministre a répondu avec précision. Gageons qu’il en ira de même dans le cadre de ce débat autour de la mission « Culture » !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale de la commission des finances – Voici donc, sans préambule, toute une série de questions.

La réforme du centre national de la cinématographie a déjà été entamée – élargissement de l’assiette de la taxe sur les services de télévision aux fournisseurs d’accès Internet et aux opérateurs de téléphonie mobile – mais elle demeure inachevée. Mme Véronique Cayla est à la fois directrice générale du CNC et responsable des programmes « Industries cinématographiques et audiovisuelles ». Le comité interministériel d’audit des programmes avait suggéré de fusionner les deux programmes pour mieux prendre en compte les enjeux transversaux, mais seule la taxe additionnelle sur les prix des places de cinéma est recouvrée directement par le CNC. La poursuite de la réforme serait un facteur de simplification pour l’industrie française, mais aussi d’économies – frais de collecte – et de modernisation, via la création d’un conseil d’administration du CNC. La reconduction de la mission « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique » signifie-t-elle que la réforme ne pourra aboutir avant 2009 ? Pourquoi le Gouvernement n’a-t-il rien proposé dans le présent PLF ? Si on débudgétise ce système de financement, comment garantir que le contrôle du Parlement s’exercera avec la même intensité ? Enfin, quel support budgétaire pour le fonds de soutien à l’expression radiophonique locale ?

Les arbitrages budgétaires pour 2008 font peser de lourdes inquiétudes sur le spectacle vivant, notamment pour les grands opérateurs nationaux. La rigueur budgétaire touche durement l’Opéra de Paris et la Comédie française alors que ces établissements sont des fers de lance de la culture française et qu’ils ont besoin de visibilité et de soutien. Un gel des crédits à hauteur de 6% est en outre annoncé. Le chantier de la réforme des régimes spéciaux de l’Opéra de Paris et de la Comédie française est également ouvert. La meilleure manière d’en finir ne serait-elle pas de négocier un contrat d’objectifs et de moyens avec les gros opérateurs culturels nationaux ou, au minimum, un contrat de performance ? Pourquoi, par exemple, un établissement public comme l’INA en est-il à son deuxième COM alors que l’Opéra reste contraint par les aléas de gestion - bien qu’il ait besoin de se projeter à plus de deux ans pour construire ses futures saisons ?

Quid des discussions sur la réforme des régimes spéciaux de l’Opéra de Paris et de la Comédie française dans la mesure où leur prise en charge budgétaire intervient non sur la mission « Régimes sociaux et de retraites » mais sur la mission « Culture » ? Comment, enfin, le taux de gel sera-t-il réparti ?

Dans la logique de la LOLF, la mesure de la performance du spectacle vivant subventionné par l’État est un chantier prioritaire. Or, elle est loin d’être optimale. L’indicateur du PAP mesurant la fréquentation des lieux subventionnés est en effet parcellaire et insuffisant. Le secteur du théâtre subventionné, plus particulièrement, semble souffrir d’une déficience de pilotage et d’un manque de transparence. Comment comptez-vous améliorer le pilotage des subventions octroyées aux différentes scènes théâtrales ? Comment améliorer l’exhaustivité et la précision des données en provenance des scènes nationales et des centres chorégraphiques nationaux ? Combien de fois, en moyenne, une création est-elle jouée dans un théâtre subventionné ? Ce sujet sera-t-il examiné dans le cadre de la révision générale des politiques publiques ? Comment diversifier les publics et accroître la fréquentation ? Où en est le travail de labellisation avec les différentes institutions culturelles ?

Comment envisagez-vous la méthode de travail et les lignes directrices de la renégociation de la convention du 18 janvier 2006 relative à l’aide au retour à l’emploi et à l’indemnisation chômage des intermittents du spectacle ?

Enfin, lors de son audition, M. de Carolis, président de France-Télévisions a évoqué un « virage éditorial » ambitieux. S’agissant de la mise en valeur de la culture, le bilan néanmoins, ne semble pas aussi positif que l’on pourrait l’espérer en termes d’audience et de contenu. En outre, les conventions de France-Télévisions avec les opérateurs culturels ne sont pas idéalement valorisées. Enfin, des problèmes juridiques se posent, notamment s’agissant des droits à payer, souvent trop lourds. Quel bilan tirez-vous de ce « virage éditorial » ? Quelles consignes l’État donnera-t-il à France-Télévisions pour aller plus loin ? Que vous inspire l’expérience du festival de Verbier en Suisse – diffusion des concerts sur Internet ?

M. Nicolas Perruchot, rapporteur spécial de la commission des finances – Le coût de l’expérimentation de la gratuité dans les musées nationaux devrait être compensé par l’État. Or, rien ne figure dans le PLF pour 2008. Comment la compensation sera-t-elle effectuée ?

Sur le fond, l’opportunité de la mesure est contestable : il est faux d’associer gratuité et démocratisation car les mêmes publics risquent de venir plus souvent, d’autant que le prix de l’entrée dans un musée est loin d’être la barrière la plus dissuasive. Des dispositifs ciblés de gratuité, comme il en existe déjà, seraient bien plus efficaces. Par ailleurs, la gratuité créerait des effets d’aubaine pour les touristes étrangers, que le contribuable n’a pas vocation à prendre en charge, comme pour les tours opérateurs, qui ne baisseraient pas forcément le tarif de leurs prestations. On sait également que ce qui est gratuit n’est pas valorisé dans nos sociétés. Pourquoi les musées seraient-ils le seul domaine gratuit de la culture, alors que l’on cherche par ailleurs à consolider les droits d’auteur ? Enfin, les comparaisons internationales, notamment avec la Grande-Bretagne, ne plaident guère en faveur de la gratuité.

Dans ces conditions je souhaite savoir comment vous entendez faire de cette expérimentation un succès. Quelles garanties pouvez-vous apporter quant à l’objectivité du bilan qui sera fait l’an prochain et quant à la possibilité de revenir en arrière en cas d’échec ? Pour ma part, je pense que la gratuité du musée Guimet est une erreur, non seulement pour les raisons que je viens d’indiquer mais aussi pour l’image que cela donne de la France dans le monde asiatique. Pouvez-vous également nous indiquer le coût prévisionnel de l’expérimentation et son mode de financement dans le budget 2008 ? Au détriment de quelle politique publique l’État financera-t-il la gratuité dans les musées ?

J’en viens aux deux nouvelles « cités ». La Cité de l’architecture et du patrimoine est un très bel outil à qui l’on souhaite de s’imposer dans le paysage culturel et scientifique. Encore faudrait-il qu’elle en ait les moyens. L’État les a engagés pour le chantier d’installation au Palais de Chaillot et l’on peut s’en réjouir. Je m’étonne en revanche de la très grande modestie des crédits de fonctionnement pour 2008, qui laissent apparaître un besoin résiduel de financement de 2 millions d’euros. Cela m’inquiète d’autant plus que la Cité ne pourra plus faire appel à son fonds de roulement, qui a déjà été mobilisé cette année à hauteur de 7 millions d’euros et qui est désormais réduit à son strict minimum. La situation budgétaire de la Cité me paraît donc préoccupante, d’autant que le gel des crédits s’annonce plus sévère encore l’an prochain puisqu’il pourrait atteindre 6 %. Je rappelle que la Cité n’est pas seulement un vaste musée, situé dans un bâtiment ancien et d’entretien coûteux, elle regroupe également un centre d’architecture contemporaine, une école d’architecture patrimoniale, une bibliothèque de référence en architecture contemporaine et un centre d’archives. Pouvez-vous, Madame la ministre, rassurer l’Assemblée quant aux moyens que l’État mettra dans ce beau projet ?

J’en viens à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration. Je ne reviens pas sur la polémique inutile qui a entouré son inauguration. Je souhaite simplement que vous confirmiez solennellement l’engagement total de l’État dans ce projet. Pouvez-vous également faire le point sur les financements mobilisés en 2008 au profit de la Cité ? En effet, les moyens paraissent bien éparpillés au sein du budget de l’État, votre ministère ayant été désigné comme le chef de file du projet. Enfin, quels projets de développement peut-on espérer pour cette Cité ? Comment sa vocation s’articule-t-elle avec celle des établissements culturels ?

S’agissant du rayonnement des musées français à l’étranger, le projet du Louvre à Abu Dhabi me paraît très réussi et je souhaite savoir s’il pourrait inspirer d’autres établissements français dans leur stratégie d’ouverture à l’international. Je pense en particulier au projet que le centre Pompidou avait eu un temps l’intention de mener en Chine. Des projets comparables sont-ils à l’étude pour le musée d’Orsay ? Quelle stratégie muséale et culturelle entendez-vous développer envers la Chine et l’Asie en général ? Les missions de l’agence France Muséums, qui ne pilote aujourd’hui que le projet d’Abu Dhabi, pourraient-elles être élargies ?

J’en viens enfin à la gouvernance et au pilotage des musées de France, sujet auquel je m’intéresse maintenant depuis trois ans et pour lequel les évolutions me paraissent bien lentes. J’ai rencontré la directrice des musées de France ainsi que l’administrateur général de la Réunion des musées nationaux, qui paraît un peu plus performante mais qui ne fait toujours pas l’unanimité. Beaucoup de grands musées comme Orsay, Versailles mais aussi de plus petits comme le musée Picasso, ne disposent d’aucune marge de manœuvre. Leur gestion est centralisée, lourde et onéreuse. La tutelle est souvent tatillonne, frileuse et même inefficace. Existe-t-il au sein de votre ministère un groupe de travail sur ce sujet ? Cela paraîtrait utile car on constate que le ministère centralise tout et que les responsables ne disposent pas de la capacité à gérer utilement.

Il me semble urgent d’avancer, d’autant que les intéressés me semblent aujourd’hui aborder plus sereinement l’idée de certaines évolutions. C’est donc d’un pilotage politique que l’on a besoin. Quel bilan tirez-vous du transfert des personnels aux établissements publics culturels ? Comment aller plus loin encore ? Quel est selon vous l’avenir de la RMN dans un contexte de concurrence et d’ouverture accrues ? Quel est l’avenir des boutiques et de l’agence photos ? Au-delà, cette législature sera-t-elle celle de la réforme de la gouvernance et du pilotage des musées de France ? Comment améliorer la tutelle sur les musées tout en leur donnant une plus grande autonomie et une plus grande liberté de gestion ? Je profite d’ailleurs de cette réunion pour demander au président de la commission des finances d’envisager la création d’une mission d’évaluation et de contrôle sur ce thème.

Faute de temps, je ne puis poser toutes les questions qui me préoccupent, en particulier celles qui ont trait aux crédits destinés à l’entretien des monuments historiques, au bilan de la loi mécénat et à la promotion de la notion de patrimoine immatériel.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales – je constate que tous les rapporteurs portent un regard sévère sur les crédits de la culture pour 2008, que je qualifierai pour ma part de crédits en trompe-l’œil. En effet, Madame la ministre, si vous n’aviez pas bénéficié de la rebudgétisation des 70 millions d’euros qui ont été affectés au patrimoine monumental, vous n’auriez pas pu afficher un budget en augmentation. Mais, au-delà de cette appréciation globale, je souhaite vous poser un certain nombre de questions précises.

En premier lieu, vous avez annoncé l’arrêt des travaux du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée. Pourquoi une telle marche en arrière alors que les collectivités territoriales ont déjà versé leur contribution ?

Pourriez-vous également éclairer la représentation nationale sur deux autres projets qui seront examinés dans le cadre de la révision générale des politiques publiques : l’aménagement du Palais de Tokyo et celui de l’Île Seguin ? Vous avez récemment déclaré qu’il ne serait pas possible de tout faire, ce qui paraît évident au regard de vos crédits. Mais dans ce cas, quels sont les projets qui seront réexaminés, voire abandonnés ?

On observe par ailleurs une diminution historique – de près de 18 % – des crédits de paiement de l’action en faveur de l’accès à la culture. Sont ainsi touchés les crédits destinés à rééquilibrer l’action du ministère en faveur des territoires culturellement moins favorisés, mais aussi les actions en faveur des associations d’éducation populaire et de lutte contre l’exclusion. Comment justifiez-vous cette baisse inquiétante et en totale contradiction avec l’objectif de démocratisation culturelle affiché par le gouvernement ?

Je me suis plus particulièrement intéressé à la protection du patrimoine monumental, non seulement parce que l’Assemblée et le Sénat ont beaucoup travaillé sur cette question, qui a notamment fait l’objet d’une mission d’information et d’un rapport de M. Christian Kert, mais aussi parce qu’il y a un an seulement, après cinq années de diminution des crédits, M. de Villepin avait annoncé un plan d’urgence et qu’il paraît intéressant de voir où l’on en est aujourd’hui. Qui plus est, lors de la campagne présidentielle, M. Sarkozy avait annoncé que ce domaine bénéficierait de 4 milliards d’euros en dix ans. Le budget 2008 est très loin de permettre de tenir cet objectif, pourtant indispensable pour l’entretien et la restauration de notre patrimoine monumental.

Pourquoi la réforme du Centre des monuments nationaux a-t-elle été abandonnée moins d’un an après avoir été lancée, alors que nombreux étaient ceux qui doutaient de la capacité du centre à assurer ses nouvelles fonctions de maîtrise d’ouvrage ? A quoi seront consacrés les 70 millions d’euros débudgétisés qui étaient auparavant affectés au Centre ?

Vous annoncez par ailleurs un audit de modernisation sur la réforme de la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre. Pouvez-vous nous indiquer les pistes de réflexion qui sont à l’étude ?

Je souhaite également avoir des informations sur un certain nombre de décrets d’application dont nous attendons toujours la publication – ce qui est révélateur d’une mauvaise gouvernance. Qu’en est–il en particulier des décrets d’application de l’ordonnance du 8 septembre 2005 relative aux monuments historiques et aux espaces protégés ? Il est en effet urgent d’instituer une assistance à la maîtrise d’ouvrage, en particulier pour les petites communes qui sont dans une situation extrêmement difficile, faute de moyens financiers et humains. De même, quand paraîtra le décret d’application des dispositions, très attendues, relatives au mécénat en faveur des monuments privés introduites dans la loi de finances pour 2007 ?

Un autre sujet est revenu fréquemment lors des auditions, celui de l’application du taux réduit de TVA à 5,5 % aux travaux de restauration du patrimoine monumental. Ce taux réduit est actuellement accordé de mauvaise grâce par Bercy. Il faudrait donc qu’il soit confirmé dans le cadre de la concertation européenne.

En interrogeant les DRAC, j’ai vérifié que les crédits consacrés à la protection du patrimoine monumental étaient cette année en chute libre dans un certain nombre de régions. Cela risque d’entraîner l’arrêt des chantiers qui avaient été relancés en 2007 à la faveur du plan d’urgence de protection du patrimoine. Or, tout ceci est très mauvais pour l’image de l’État mais aussi extrêmement coûteux pour lui. En 2006, l’arrêt du chantier de la cathédrale de Nantes avait entraîné un surcoût de 115 000 euros, celui du chantier de la cathédrale de Strasbourg un surcoût de 100 000 euros et l’arrêt de 18 chantiers en Aquitaine un surcoût total de 170 000 euros. Que pensez-vous de la proposition d’une loi de programmation récapitulant les engagements de l’État et des autres partenaires en faveur de la protection du patrimoine monumental pour les cinq années à venir ?

Enfin, les monuments appartenant à des propriétaires privés souffrent eux aussi d’une crise financière. Le rapport de M. Christian Kert a conclu à la nécessité de leur allouer 10 % de l’enveloppe globale affectée au patrimoine monumental. Etes-vous prête à vous engager en ce sens ? Vous paraît-il possible de donner satisfaction à la demande des propriétaires privés de pouvoir utiliser le chèque emploi service universel ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication – J’irai moi aussi droit au fait. Madame des Esgaulx, vous m’avez interrogée sur la réforme du CNC. Afin qu’il soit plus performant, il faut en réformer la gouvernance et créer un conseil d’administration au plus vite. Par ailleurs, je souhaite que les taxes lui soient directement affectées, sans passer par un compte spécial : cela lui donnera davantage de moyens et de rapidité d’action. Cette évolution paraît en bonne voie.

Les crédit du spectacle vivant sont consolidés. Ils avaient augmenté en dix ans de 42 %, ce qui a permis une offre culturelle vaste et un maillage serré du territoire. Avec 640 millions, l’effort reste soutenu, surtout dans le cadre d’un budget d’austérité.

Mme Catherine Génisson – Remarque courageuse !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture – Disons « contraint ». La culture n’échappe pas à l’effort national.

M. Jean-Pierre Brard – Comme vous maniez bien le langage, à la Culture ! (sourires)

Mme Christine Albanel, ministre de la culture –Il est prévu un gel de 6 % des crédits, plus important que celui de l’année dernière.

Les régimes spéciaux de l’Opéra et de la Comédie Française sont concernés par la réforme. Une grève de cinq jours a été déclenchée le 25 octobre, je souhaite que les discussions s’engagent au plus vite. Les spécificités de ces professions seront prises en compte dans le détail.

Je suis favorable à ce que les contrats de performance soient étendus à l’ensemble du ministère. Celui-ci, pour représenter 1 % du budget national, ne compte pas moins de 78 établissements publics.

M. Michel Françaix – Ce serait une bonne surprise si le budget atteignait 1 %.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture – C’est une réalité ! Ces contrats permettraient donc de donner une meilleure visibilité financière. Les mesures de gestion, les exigences de fréquentation, la part de l’emploi artistique, les efforts pour la diffusion ou encore pour l’éducation artistique pourraient faire partie des critères.

Je vous l’accorde, la Philharmonie est un beau projet. L’Orchestre de Paris doit être au centre de ce projet qui devrait coûter 203 millions d’euros. Pour financer la part de l’État – de l’ordre de 90 millions -, il faudra être innovant et penser notamment à des partenariats public- privé. Que faudra-t-il faire, à terme, de tous ces établissements parisiens ? La question de la salle Pleyel devra être évoquée dans une perspective de rationalisation.

J’ai reçu les syndicats de techniciens et artistes intermittents du spectacle, au moment où l’accord UNEDIC commençait à s’appliquer. Nous avons demandé à ce que les dispositions du fonds soient prolongées, afin de faire la jonction avec la renégociation globale sur le chômage. Il ne faudra pas manquer de retenir la dimension sociale du fonds, comme l’accompagnement à la formation, la prise en compte des congés pour longue maladie ou encore des heures d’enseignement. De 18 conventions collectives nous sommes passés à 9, dont 5 sont d’ores et déjà signées. Le Conseil national du spectacle vivant s’est déroulé dans un bon climat. De nombreux contrôles ont été effectués, ce qui a permis de réduire la fraude. Nous avons un rendez-vous interprofessionnel en novembre afin de faire le point sur l’accord avec l’UNEDIC. Globalement, le nombre de techniciens et d’artistes entrant dans ce régime est moindre : la situation s’est donc stabilisée.

Le virage culturel pris par France Télevision, j’ai déjà eu l’occasion de le dire, est une bonne chose.

M. Michel Françaix – C’est vrai !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture – Mais il faut être encore plus imaginatif…

M. Michel Françaix – A condition d’augmenter la redevance !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture – Des accords sont passés avec l’Opéra et la Comédie française. Toutefois, le précédent de Cyrano de Bergerac, qui fut un échec relatif en termes d’audience, doit nous inviter à approfondir la réflexion. J’aime bien moi aussi le festival de Verbier, Madame des Esgaulx. Mais France Télévision ne doit pas remplacer Arte !

M. Perruchot m’a interrogée sur la gratuité des musées nationaux. Nous lançons une expérimentation sur six mois qui proposera notamment – excusez cet horrible anglicisme – des Happy Hours pour les collections permanentes de 14 musées et monuments et 4 grands établissements.

M. Jean-Pierre Brard – Laissez les anglicismes à Mme Lagarde ! (Sourires)

Mme Christine Albanel, ministre de la culture – Cette gratuité de 18 heures à 21 heures sera ciblée sur les 18-25 ans, population qu’il est difficile de faire venir dans les musées. Il est vrai que le problème des touristes et des Tour Operators se pose. Toutefois, l’expérience ne concernera pas des établissements comme Versailles, fréquenté à 80 % par des étrangers. Le musée Guimet, en revanche, est inclus dans le champ, ce sera le seul grand établissement public parisien concerné, aux côtés d’Écouen, Cluny, Pau, Jacques Cœur ou encore Pierrefonds.

L’objectif n’est pas tant d’augmenter la fréquentation que de changer la physionomie des publics. C’est dans ce sens que nous avons lancé un appel d’offres, afin de mesurer les nouveaux publics. Le coût de cette opération, estimé à 2,2 millions d’euros, sera compensé intégralement en 2008. L’expérience engagée à la demande du Premier ministre, qui l’avait annoncée dans son discours de politique générale, sera analysée de manière ouverte et honnête. Si elle devait se poursuivre, il faudrait se situer dans une perspective budgétaire nationale, et non réduite à la culture.

À mes yeux, la tarification est un instrument de politique culturelle. Nous avons mené des expériences de gratuité très ciblées. Lorsque nous aurons tous les éléments en main, y compris des exemples étrangers, nous y reviendrons.

La cité de l’architecture et du patrimoine disposera d’un budget d’environ 14,8 millions. On estime que 15 millions seraient nécessaires en régime de croisière. La véritable augmentation des moyens a eu lieu entre 2006 et 2007, elle a permis à la Cité de s’inscrire avec éclat dans le paysage culturel. Le discours du Président de la République sur l’architecture a eu un impact important et elle sera désormais mieux prise en compte dans la Culture. J’ai visité hier l’atelier de Christian de Porzamparc et j’en visiterai d’autres. On sent que les choses sont en mouvement et une réflexion est en cours non seulement sur les grands manifestes architecturaux mais également sur l’intégration de la dimension architecturale dans la vie quotidienne, par exemple dans les lotissements en construction.

La cité nationale de l’histoire de l’immigration disposera de crédits de fonctionnement de 7,2 millions dont 1,7 millions en provenance du ministère de la Culture. Pour les investissements, on en est à 2 millions en autorisations d’engagement et 3 millions en crédits de paiement. On a polémiqué au début sur le fait que les officiels n’y venaient pas en visite. Personnellement, j’y ai fait une longue visite le 10 octobre comme prévu. C’est un bel équipement de mémoire. En 2008, la France sera responsable de l’organisation de l’année européenne du dialogue interculturel ; la CNHI et la Villette seront les principaux sites des manifestations.

M. Perruchot a estimé que le Louvre à Abou Dabi était un bon projet. Je le crois effectivement. Il rapportera environ 1 milliard à la France en échange de son expertise. L’Agence France Museums a été réorganisée pour se centrer sur cette mission tout le temps nécessaire, et elle reçoit pour cela une rémunération de 165 millions. L’agence n’a pas d’autres projets en cours. Pour le Louvre à Atlanta, on en est à la deuxième année sur trois, au rythme de deux expositions par an qui donnent lieu à 25 millions de compensation. On peut imaginer que d’autres projets surgiront, peut-être aux États-unis ou en Chine grâce au voyage du Président.

S’agissant du pilotage des musées de France, de grandes mutations ont eu lieu ces dernières décennies avec la création d’établissements publics. Comment articuler la RMN et la Direction des musées de France ? Dans le cadre de la RGPP, tout sera mis sur la table. Il existe plusieurs pistes mais rien n’est tranché. Lors de la première réunion que nous avons eue avec M. Guéant et M. Faugère, nous avons simplement écouté un inspecteur général donner une première appréciation, sans d’ailleurs remettre en cause ni les structures ni les missions du ministère. Un effort sera évidemment fait pour regrouper des directions centrales. Pour le reste, faut-il rapprocher la RMN et le Centre des monuments nationaux ? Peut-être. Il y aura certainement des changements importants cette année en ce qui concerne la politique des établissements publics. Même si le transfert de personnel ne s’est pas effectué complètement, ils disposent déjà d’une large autonomie.

M. Jean-Pierre Brard – Que fait M. Guéant dans cette affaire ?

Mme la Ministre - Il est à la tête du comité de révision des politiques publiques.

M. Jean-Pierre Brard – C’est anticonstitutionnel aux termes de l’article 5.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture – J’en viens au mécénat. Il a connu un grand succès depuis la loi de 2003 et un milliard environ a été collecté. Nous souhaitons élargir les possibilités de mécénat aux spectacles vivants qui, étant de droit privé, n’en bénéficient pas, ainsi qu’aux propriétaires privés de monuments historiques. Nous sommes en négociation avec Bercy à ce sujet. Aujourd’hui, ils peuvent en bénéficier à condition d’être ouverts au public et de ne pas avoir un chiffre d’affaires supérieur à 60 000 euros. Nous travaillons sur le caractère saisonnier de la fréquentation et sur la possibilité de ne pas fixer de seuil lorsqu’il s’agit de travaux d’adaptation pour les handicapés.

M. Bloche a jugé que les crédits des Monuments historiques étaient en trompe-l’œil. Ce n’est pas le cas. Bien entendu, notre budget s’inscrit dans le contexte général de la réforme de l’État. Les crédits des Monuments historiques seront de 303 ou 304 millions. S’ils atteignaient 370 millions en 2007, c’est grâce à l’affectation de 70 millions provenant de la taxe sur les mutations. Cela a permis de financer plusieurs centaines d’opérations, mais cette somme est désormais réintégrée au budget, et nous revenons à une situation normale. Selon une commission du Sénat, les besoins seraient de l’ordre de 350 millions et dans son discours à la cité de l’architecture, le Président de la République a même mentionné 400 millions. Nous essayons de réfléchir à une mesure extrabudgétaire qui assurerait la pérennité du financement. Sur les 304 millions de budget de 2008, 200 millions seront consacrés à financer des travaux d’entretien et de rénovation dans les régions, au profit de monuments dépendant des collectivités locales et 20 millions supplémentaires seront consacrés aux monuments appartenant à des particuliers.

J’attache une grande importance au Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée car il nous faut un grand projet en région. Nous avons tout fait pour faciliter son développement en consacrant 2 millions de crédits de paiement à des études avant travaux et 23,5 millions pour des autorisations d’engagement concernant la construction du centre de conservation et de réserve des collections. Le mouvement est donc bien lancé. On peut discuter du projet scientifique. Faut-il recourir, au delà des collections du Musée des arts et traditions populaires, à celles du Musée de l’homme, de la Porte Dorée et des Arts décoratifs ? Si l’on n’utilise pas les collections de l’État, a-t-il des raisons de s’engager dans un grand projet comme celui de Marseille ? Cette réflexion sur le projet scientifique ne remet nullement en cause l’importance d’un grand équipement régional, et ce souci est partagé au plus haut niveau.

S’agissant des projets de l’île Séguin et du Palais de Tokyo, la décision n’est pas prise. Le Palais de Tokyo présente l’avantage d’avoir déjà un espace contemporain et un lieu pour les grandes expositions de peintres vivants. On ne pourra pas faire les deux. Il faudra donc voir jusqu’où les collectivités locales sont prêtes à s’engager.

M. Bloche croit constater une diminution des crédits relatifs à l’accès à la culture. Dans le programme « Transmission des savoirs » qui regroupe les moyens du ministère dans ce domaine, les crédits ont diminué de 5 % en gestion mais augmenté de 6 % pour l’éducation artistique et culturelle. Nous souhaitons fusionner l’action 4 et l’action 5 et mettre l’accent sur l’éducation artistique et culturelle.

Le problème de la maîtrise d’ouvrage est effectivement très complexe. Ainsi le CMN a-t-il dû faire gérer le produit de la taxe sur les mutations par les DRAC. Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, j’ai demandé une réflexion d’ensemble dont j’aurai les résultats dans les prochains mois.

Les décrets relatifs à l’assistance à la maîtrise d’ouvrage ainsi qu’au contrôle scientifique et technique vont être transmis au Conseil d’État ; ils seront publiés au tout début de 2008.

Vous avez évoqué l’idée d’une loi de programmation sur cinq ans ; nous la souhaiterions, mais nous ne voulons pas, cependant, que de trop lourdes contraintes nous privent de toute marge de manœuvre.

S’agissant du taux réduit de TVA, nous serons très attentifs lors des discussions avec le ministère du budget. Nous souhaitons également étendre le dispositif favorisant le mécénat et renforcer l’aide aux propriétaires privés, car la préservation du patrimoine est une responsabilité partagée. Chacun voudrait que les crédits d’État consacrés à ce poste soient toujours supérieurs à ce qu’ils sont, mais j’observe qu’ils ont un effet démultiplicateur très important.

M. Michel Herbillon – Je m’exprime en qualité de porte-parole du groupe UMP.

Au-delà de l’examen des crédits proprement dit, la présentation du budget est pour nous l’occasion de vous interroger, madame la ministre, sur la politique culturelle et sur les pistes de réforme que vous avez engagées depuis votre arrivée au ministère, dans le droit fil de la lettre de mission que vous a adressée le Président de la République.

Cette année, votre budget est avant tout un budget de consolidation mais, dans le contexte que l’on connaît, je me dois de souligner l’effort particulier de l’État en faveur de la culture, dont les crédits augmentent de 3,2 %. En ce qui concerne le patrimoine, cet effort se traduit par la relance de l’action en faveur des monuments historiques. J’insiste pour que cet effort soit suivi et même accru afin que l’on se rapproche de l’objectif, fixé à 400 millions, vous l’avez dit ; je me félicite à cet égard du coup de pouce que vous avez annoncé pour l’année prochaine.

Le budget se traduit aussi par la consolidation des moyens affectés au spectacle vivant qui, avec 640 millions, représente le premier poste du programme « Création ». Avec 1 200 compagnies conventionnées, soixante scènes nationales, des orchestres, des opéras et des centres dramatiques, le maillage culturel du territoire français est l’un des plus denses d’Europe et la représentation nationale est très attachée à cette richesse. Au vu du nombre d’aides existantes, le Président de la République vous a demandé d’évaluer le dispositif en vigueur. Vous avez d’ailleurs annoncé que vous comptiez engager une réflexion sur la création ; quelle réforme des aides de l’État envisagez-vous, en tenant compte de la demande faite par le Président de la République que les attentes du public soient mieux prises en compte ?

M. Jean-Pierre Brard – Et ainsi Doc Gyneco remplacera Molière ? (Mouvements divers)

M. Michel Herbillon – L’éducation artistique et culturelle, dont les crédits augmentent de 6 %, compte au nombre des priorités de votre budget. Ce fort accroissement traduit une priorité juste puisque l’éducation artistique et culturelle est le préalable à toute démocratisation culturelle réelle. Je constate toutefois que le sujet est régulièrement et depuis très longtemps abordé par les ministres de la culture successifs sans que l’on perçoive clairement la traduction concrète de cet objectif ministériel constamment réaffirmé. Je souhaite que l’on passe enfin de l’incantation à l’action et je vous demande, madame la ministre, quelles actions seront engagées, et avec quels objectifs, grâce à l’allocation de moyens nouveaux ?

Les arts plastiques, dont les moyens augmentent de 8 %, sont une autre priorité de votre budget. A ce sujet, même si le succès de la dernière FIAC est une très bonne nouvelle, nous sommes préoccupés par le retard qu’accuse le marché français par rapport à ses principaux concurrents, anglo-saxons notamment. Vous avez lancé un plan de renouveau  et confié une mission à ce sujet à Martin Bethenod, commissaire général de la FIAC ; pourriez-vous préciser les axes de sa réflexion ?

Le budget 2008 prévoit par ailleurs des moyens pour le schéma directeur de Versailles, la rénovation du quadrilatère Richelieu, le centre des archives de Pierrefitte et l’auditorium de La Villette. Mais quelles sont vos intentions pour les autres projets, pour lesquels sont prévus des budgets minimaux dans l’attente, avez-vous dit, de la révision générale des politiques publiques ? Vous avez en effet évoqué le Palais de Tokyo et l’Île Seguin, mais l’on n’a pas le sentiment que des orientations précises aient été fixées. Il faudra pourtant y parvenir assez vite, car de tels projets demandent une longue réflexion d’ensemble et des crédits importants ; on ne peut donc demeurer longtemps dans l’incertitude. Cette remarque vaut également pour le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée. Il est en effet curieux de s’interroger encore sur le projet scientifique voulu pour un établissement dont la création est prévue depuis longtemps. Quel est le calendrier retenu ? Est-on certain de la pérennité d’un projet qui semblait jusqu’alors mieux engagé que le budget 2008 ne le laisse entendre ?

S’agissant de l’Opéra, nous aimerions vous entendre (Sourires). Nous nous alarmons en effet de l’état de dégradation avancé de l’Opéra Bastille, situation désastreuse en termes d’image pour notre pays et d’autant moins tolérable que le bâtiment est de construction relativement récente. Qu’en est-il de sa rénovation ?

J’en viens à différents sujets d’inquiétude dont le premier est la situation de l’industrie du disque, qui connaît un effondrement spectaculaire, avec un marché en chute de 20 % pour le seul premier semestre de cette année. Le Président de la République vous a demandé de définir un plan d’action à ce sujet. Outre la réduction du taux de TVA sur le disque, éternel serpent de mer, quels autres remèdes avez-vous envisagés, et selon quel calendrier ? Quelles sont les conclusions de la mission Olivennes sur le piratage des oeuvres et sur les droits sur Internet, sujets dont dépend l’avenir de ce secteur ?

Nous nous inquiétons également du devenir du secteur du livre, particulièrement de la situation des libraires indépendants. Comme en témoigne le doublement des aides du CNL aux libraires, vous partagez cette préoccupation. Pourriez-vous, madame la ministre, préciser les caractéristiques de votre « plan livres » et nous dire à quelle phase en est la création de l’Agence nationale du livre ? Pouvez-vous confirmer la création d’un label pour les libraires de référence ?

Je ne saurais conclure sans évoquer le lancement de la gratuité de l’accès aux musées. Le groupe UMP souhaite que cette mesure se traduise par un élargissement réel des publics et par une plus grande démocratisation culturelle, puisque tels sont les objectifs de cette mesure, dont le coût – 200 millions – devra être compensé. Des résultats objectifs devront pouvoir être constatés. Comme, de plus, il paraît difficile de revenir en arrière si les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes, il faudra évaluer l’impact réel de la mesure avant de la généraliser, et la représentation nationale doit être associés très en amont à votre réflexion à ce sujet.

Je souhaite enfin, madame la ministre, que vous nous fassiez part de votre réflexion sur la possibilité éventuelle pour les musées et les FRAC de céder leurs œuvres, en contradiction avec le principe d’inaliénabilité.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales – Pour asseoir son autorité, la représentation nationale doit, dans le contexte que nous connaissons, dégager des priorités plutôt que les multiplier.

M. Michel Françaix – Le groupe SRC considère également qu’il s’agit d’un budget de continuité, le tableau général étant celui de l’épuisement de la politique culturelle de l’État et de son transfert aux collectivités locales. Vous avez d’ailleurs, madame la ministre, presque reconnu ce tour de passe-passe, et la hausse réelle de votre budget est plutôt de 0,20 % – ce qui signifie qu’il est en baisse, s’inscrivant dans le cadre voulu de la réduction de la part de l’État dans la dépense publique, et dans la politique générale du Gouvernement de réduction des services publics. Toutefois, votre honnêteté intellectuelle est telle qu’il est presque désobligeant d’insister sur les insuffisances de votre budget…

Des précisions sont toutefois nécessaires. Ainsi, ai-je bien compris que le projet de musée d’art contemporain sur l’Île Seguin est abandonné ? S’agissant de la création, vous avez pudiquement qualifié le budget de « convenable », ce qui signifie, en termes moins diplomatiques, qu’il stagne.

Pour ce qui est de la transmission des savoirs, c’est l’hécatombe, l’aide aux établissements spécialisés diminuant de 2 millions. Et pour cause ! Comme elle va bientôt être transférée aux collectivités territoriales, il faut la contenir, et leur laisser ainsi le soin de faire les efforts que l’État n’aura pas voulu consentir !

Le plus important demeure la démocratisation culturelle. Or, vous sacrifiez des fédérations d’éducation populaire et des associations qui luttent contre l’exclusion, mais également les contrats de ville et l’action culturelle dans les cités. Que ferez-vous en faveur de l’éducation artistique dans les écoles ? Êtes-vous d’accord pour reprendre le plan Tasca-Lang ?

La lettre de mission du Président de la République évoque quant à elle le développement d’une offre répondant aux attentes du public. Qu’est donc, précisément, l’ « attente du public » ? Est-ce une application mécanique de l’audimat ? Selon moi, c’est la qualité de l’offre qui élève le niveau de la demande. Il est également question de fixer des obligations de résultat. Pourquoi pas ? Mais comment promouvoir une véritable culture de masse permettant aux Français d’apprendre à aimer leur patrimoine ? Ne pourrait-on également envisager que l’art soit considéré comme un outil critique ?

Les plus beaux discours sur la culture ne suffiront jamais sans un soutien effectif de toute la nation. J’espère que, l’an prochain, le budget de la culture ne sera pas réduit à un « kit de survie ».

M. Jean-Pierre Brard – La lettre de mission est illégitime, car elle contrevient à l’article 5 de la Constitution. Un ministre de la République n’a pas à s’y référer : on ne peut faire comme si la Constitution avait été déjà modifiée.

S’agissant des régimes spéciaux, je crains que Mme la ministre ne soit une victime collatérale de la réforme. Imaginez Noureev, ou Claude Bessy, âgés de soixante ans, essayant de sauter sur scène ! Cette affaire est grotesque, en particulier dans le domaine culturel.

S’agissant des PPP, j’invite Mme la ministre à examiner l’exemple de la Scala à Milan, où les partenaires privés sont si nombreux à vouloir satisfaire les fantasmes de leurs clients que le public ordinaire ne peut plus accéder aux représentations.

Quelle politique du cinéma ? Le CNC étant très précieux, je souhaite que Mme la ministre réaffirme les propos qu’elle a tenus à Dijon. Cette institution est partiellement financée par un prélèvement sur les entrées dans les salles. Or les deux grands exploitants – UGC et Martin Karmitz - s’y soustraient et la carte à 10 euros a siphonné ces ressources. Comment les exploitants s’en sortent-ils ? Ils font leur beurre sur les produits dérivés, vendus à des prix exorbitants. Ne peut-on imaginer que ces produits soient assujettis à une taxe de même niveau que celle prélevée sur les billets ? Verriez-vous un inconvénient à ce que les parlementaires et les exploitants de salles réfléchissent à la mise en place d’un nouveau système ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture – Je remercie M. Herbillon pour avoir souligné combien ce budget représente un véritable effort pour l’État et pour avoir insisté sur la qualité de notre maillage territorial culturel. Le grand rêve de Malraux sur une offre culturelle de qualité et de proximité est en train de se réaliser.

S’agissant de l’évaluation, je souhaite généraliser un système de conventionnement autour de critères de bonne gestion, de diffusion, de participation à une politique d’enseignement artistique dynamique, de fréquentation. Il importe également de s’interroger sur la fidélité des grands lieux artistiques de notre pays à leurs grandes missions initiales. J’ai opéré plusieurs nominations en ce sens, par exemple en dédiant plus particulièrement le Palais de Chaillot à la chorégraphie, comme le souhaitent d’ailleurs José Montalvo et Dominique Hervieu.

L’effort en faveur de l’éducation artistique et culturelle est ancien ; j’étais d’ailleurs à Matignon entre 1986 et 1988 lors de l’élaboration du plan Landowski. Une allusion a également été faite au plan Tasca-Lang. C’est parce que nous souhaitons que cet effort perdure et porte ses fruits que le budget en faveur de ce secteur augmente de 6%, même si certaines actions relèvent plus particulièrement de l’Éducation nationale. En revanche, la mise à disposition de nos professionnels nous revient afin d’assurer la formation des professeurs dans le cadre des IUFM ou de la formation continue.

Nous souhaitons en outre développer des partenariats à travers des conventions avec les DRAC et les rectorats de manière à élaborer des « jumelages » entre établissements culturels et écoles. De la même manière, des efforts sont accomplis dans la numérisation des ressources patrimoniales - l’INA est particulièrement dynamique dans ce domaine.

Nous devons également favoriser la présence des artistes dans l’enseignement. La mission confiée à M. Éric Gros à ce sujet n’est pas encore terminée. Quoi qu’il en soit, la mise en place de mesures concrètes n’est pas toujours aisée en raison de la réglementation et de la judiciarisation de notre société ; par exemple des enseignants hésitent à organiser des déplacements avec leurs élèves.

Le budget consacré aux arts plastiques est en hausse de 8%. Nous avons la chance de connaître en France de grands événements tels la Triennale d’art contemporain, « Monumenta » ou la Biennale de Lyon. Néanmoins, le marché ne se décrète pas, même s’il est possible de créer des conditions qui lui sont plus favorables. Des mesures fiscales incitatives peuvent par exemple être mises en place, le soutien de Bercy étant évidemment nécessaire. Il est également possible de rendre notre territoire plus attractif pour des artistes étrangers ou d’alléger un certain nombre de règlementations lourdes et tatillonnes. Des efforts sont également faits en matière de commandes publiques, notamment dans le cadre du Fonds régional d’art contemporain.

La photographie, qui touche un large public, a bénéficié d’une commande publique de 200 000 euros sur le thème de la diversité.

M. Herbillon a également souligné la nécessité de faire des choix en ce qui concerne les grands projets. Il n’y a, de ma part, aucune intention dilatoire, car je considère que les décisions devront être prises au plus tard au début de l’année prochaine. S’agissant plus particulièrement du MUCEM, l’idée de refaire un musée des arts et traditions populaires n’est pas pleinement satisfaisante. Il faut aussi prendre en compte la dimension euroméditerranéenne chère au Président de la République ainsi que l’engagement de l’État dans les régions.

La nécessité d’opérer des choix budgétaires réduit bien évidemment le nombre des projets que l’on pourra développer. Le calendrier peut varier. Il faut enfin s’entendre sur le projet scientifique.

En ce qui concerne l’état fâcheux de l’Opéra Bastille, les travaux nécessaires sont estimés à 80 millions d’euros, ce qui n’est pas rien s’agissant d’un équipement récent. Ils seront pris en compte dans le cadrage budgétaire actuellement négocié avec le futur directeur.

M. Michel Herbillon – Les problèmes sont apparus dès l’origine. Ainsi il a fallu fermer le grand escalier seulement un an après l’ouverture. Tout cela est très dommageable pour l’image de la grande scène lyrique qu’est Paris. L’État a-t-il récupéré des fonds dans le cadre des contentieux engagés ? Les travaux seront-ils menés rapidement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture – Non, l’État n’a pas récupéré de fonds, mais les travaux ont commencé et les plaques sont en train d’être remplacées.

S’agissant de l’industrie du disque un certain nombre de mesures ont été prises, notamment la création d’un crédit d’impôt en faveur des maisons de production, mais il est difficile d’en dire plus alors que les négociations se poursuivent dans le cadre de la mission Olivennes. Les industries du disque et du cinéma se sont rapprochées. Les fournisseurs d’accès ont reconnu qu’ils disposaient de tous les moyens de filtrage, même s’ils ne souhaitent pas être obligés de faire eux-mêmes la police. Il semble qu’on puisse aller plus loin dans la pédagogie, notamment grâce à un système d’alerte pour les internautes qui fraudent.

Pour le piratage, il paraît nécessaire de mieux protéger les auteurs et les ayants droit, sans aller jusqu’à une logique policière et sans remettre en chantier une loi complexe. Je crois que l’on ne doit pas hésiter à dire aux jeunes que le piratage est une forme de vol. Il convient aussi de développer une offre légale attractive.

Vous savez que le livre est un sujet qui me tient à cœur. J’ai décidé de doubler les crédits du Centre national du livre. Un autre grand chantier est celui de la numérisation dans la perspective de la création d’une bibliothèque numérique européenne. Des négociations sont en cours entre la BNF et les éditeurs.

Je souhaite par ailleurs que l’on crée un label pour les librairies qui irriguent culturellement le territoire. Il faut aussi rétablir un certain nombre de vérités : le livre est la première industrie culturelle en France ; les Français lisent beaucoup et les jeunes Français sont les Européens qui lisent le plus. Une réflexion est en cours afin de mieux aider les libraires indépendants. Des discussions pourraient être engagées avec les collectivités afin de bâtir un réseau identique à celui des cinéma d’art et d’essai. C’est un enjeu considérable d’autant que, si le livre n’est pas directement victime de piratage, on voit apparaître des tentatives, comme celles d’Amazon, de numériser de plus en plus de fichiers, au risque d’un contournement de la loi sur le prix unique.

J’ai engagé avec Valérie Pécresse une réflexion afin que les bibliothèques soient davantage ouvertes, en particulier pour que les jeunes puissent y travailler le soir.

Bien évidemment, la gratuité des musées est réversible : si l’on s’aperçoit qu’il y a un effet d’aubaine et que le public ne change pas, on reviendra en arrière. La gratuité peut d’ailleurs se décliner de bien des façons et il convient en effet de travailler sur l’idée de gratuité ciblée. Je sais que le musée Guimet n’est pas enchanté : il s’agit bien d’une expérimentation circonscrite dans le temps et destinée à être évaluée.

L’aliénation des œuvres est un sujet très délicat. C’est pourquoi j’ai demandé à l’expérimenté Jacques Rigaud de réfléchir à cette question. La loi de 2002 permet de déplacer les œuvres et, le cas échéant et avec toutes les précautions requises, de les aliéner et de les vendre. Plus généralement, il faut réfléchir à tous les endroits où il y a des œuvres : le FNAC et les FRAC n’ont pas vocation à être des musées et il faut se demander si l’on considère que tout ce que la puissance publique a acheté doit demeurer en sa propriété ou si l’on peut aller vers une gestion plus dynamique des fonds.

Bien évidemment, la représentation nationale sera informée et associée à la réflexion sur tous les sujets qui intéressent les élus, qu’il s’agisse des monuments historiques, des musées ou du spectacle vivant.

Je ne saurais bien évidemment souscrire à l’idée d’un épuisement de la politique culturelle de l’État énoncée par M. Françaix. Le ministère français de la culture est admiré à juste titre dans les autres pays d’Europe, où il n’a pas d’équivalent. Cette exception française, qui remonte à François 1er, n’est pas prête de s’éteindre et nous pouvons être fiers de ce ministère.

Si l’augmentation de ce budget n’est pas considérable on peut néanmoins parler d’un véritable engagement de l’État alors que nous sommes dans une phase de réflexion sur l’optimisation des dépenses, de la gestion et des interventions.

S’agissant des 70 millions d’euros, j’ai déjà dit que la taxe était rebudgétisée. N’oublions toutefois pas que 303 millions d’euros sont en totalité consacrés aux monuments historiques.

Dans la mesure où la France dispose déjà d’un excellent maillage en matière d’offre culturelle, sans doute faut-il aujourd’hui s’interroger sur la demande.

Aucune décision n’a encore été prise pour l’Ile Seguin. Je ne crois pas que l’on puisse mener de front ce projet et celui du Palais de Tokyo. Les collectivités locales sont concernées au premier chef et il faudra bien trancher avant la fin de l’année.

En dépit du gel, le budget du spectacle vivant est consolidé avec un total de 640 millions d’euros et 1 000 lieux subventionnés. Le gel de 5 % de l’an dernier, qui avait d’ailleurs été suivi d’un dégel, n’avait pas concerné le fonctionnement, mais seulement les investissements. Cette année, nous devrons investir dans le cadre de nos engagements envers les collectivités.

Le programme qui porte les moyens consacrés à la transmission des savoirs est très hétérogène. Ses crédits diminuent cette année de 5 %, grâce à un effort de meilleure gestion et de productivité. Les crédits de l’éducation artistique, qui porte bien évidemment des enjeux de transmission, augmentent pour leur part de 6 %.

Vous avez par ailleurs, à propos de l’offre culturelle, parlé de Doc Gynéco et de téléréalité. Telle n’est pas ma conception.

MM. Jean-Pierre Brard et Michel Françaix – C’est en tout cas celle de votre lettre de mission…

Mme Christine Albanel, ministre de la culture – La lettre de mission parle de « populariser », ce qui n’est pas un gros mot ! Dois-je vous rappeler que c’est à Jean Vilar que l’on doit l’utilisation, dans ce secteur, du mot « populaire » ?

Il s’agit de s’assurer que les publics sont bien présents. Je suis, à cet égard, admirative de l’appétit qu’ils témoignent pour toutes sortes d’œuvres, de spectacles, de festivals, quitte, parfois, à s’ennuyer…

M. Michel Françaix – C’est plus une question d’offre que de demande !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture – Cette demande est parfaitement légitime et correspond au grand rêve de Jean Vilar. J’en veux pour preuve un article des Inrockuptibles, qui voyait dans l’attitude des élites - estimant que vouloir faire populaire, c’était faire vulgaire - un signe de grand mépris. Ce journal, pas toujours acquis à ma cause, va devenir ma bible ! (Sourires) De fait, la fréquentation n’est pas synonyme de moindre qualité, comme le démontrent avec éclat le Pavillon noir d’Anjelin Preljocaj à Aix ou le Théâtre du Rond-Point de Jean-Michel Ribes à Paris. La lettre de mission ne demande rien d’autre !

M. Michel Françaix – Alors pourquoi en parle-t-on ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture – Parce que le public qui s’intéresse à la culture est attentif et chatouilleux, et que certains mots donnent lieu à interprétations.

Par ailleurs, je ne trouve pas illégitime que le Président de la République puisse m’adresser une lettre de mission.

M. Jean-Pierre Brard – Lisez la Constitution ! (Murmures)

Mme Christine Albanel, ministre de la culture – Cette lettre, précise, donne des orientations ; elle est, en quelque sorte, un guide. Lorsqu’elle évoque l’aliénation des œuvres, par exemple, elle ouvre le débat.

S’agissant des régimes spéciaux, je rassure M. Brard : Mme Bessy ne devrait pas redevenir danseuse étoile…

M. Michel Herbillon – Mais Jean-Pierre Brard, peut-être !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture – …et le public ne devrait pas assister aux bonds pathétiques de vieux danseurs. Il sera tenu compte des spécificités et le régime spécial des danseurs ne sera pas modifié. En revanche, la négociation se poursuit en ce qui concerne les techniciens.

Il ne faut pas confondre les partenariats publics/privés avec le mécénat. Il s’agit d’une procédure très encadrée et très complexe, mais qui est intéressante puisqu’elle permet de mieux répartir les charges sur la durée.

Vous avez bien voulu souligner que les moyens en faveur du cinéma étaient en hausse, l’assiette des taxes étant élargie aux fournisseurs d’accès et à la VOD. Le système français est formidable et envié par nos voisins, notamment les Italiens, qui ont vu leur cinéma disparaître en l’espace de quatre ans, avec l’arrivée des télévisions privées.

Ce système est complet et exemplaire dans sa diversité : nous disposons d’un réseau de salles d’art et d’essai, dont le rôle de conservation et de diffusion du patrimoine cinématographique doit être soutenu. En face, les grands groupes ne doivent pas être diabolisés, car ils sont des acteurs importants du paysage culturel. Je veux rappeler à ce sujet que les cartes illimitées – 300 000 environ ont été délivrées, dont la majorité à Paris – permettent d’associer les exploitants indépendants et que le système est globalement équilibré. Toutefois, il conviendrait de veiller à une plus grande transparence, afin de préserver les intérêts des ayants droit.

Vous avez évoqué, Monsieur Brard, une taxe que nous pourrions appeler « pop corn ». L’idée est intéressante, mais je crains qu’elle ne conduise les salles à externaliser la vente de confiseries.

M. Jean-Pierre Brard – « Taxe pop corn »  est une bonne appellation ! Les petits exploitants devraient en être exonérés, comme pour l’ISF !

M. Marcel Rogemont – Je veux féliciter Mme la ministre pour la sincérité de ses propos. Elle a en effet parlé d’ « austérité », pour un budget qui n’augmente que de 0,25 %, et non de 3,2 %.

Les crédits alloués à l’Institut national de recherches archéologiques préventives ont été simplement reconduits, pour un montant de 9 millions. Parallèlement, le produit de la redevance passerait de 45 à 39 millions d’euros, ce qui pose problème dans un contexte où l‘INRAP devrait plutôt accélérer ses interventions.

Nous nourrissons aussi de vives inquiétudes quant à la situation du spectacle vivant. Pourriez-vous indiquer si vous allez prendre des mesures nouvelles, et, dans l’affirmative, lesquelles ? Comment seront-elles financées ? J’entends ça et là que les crédits alloués aux CDN ou aux scènes nationales pourraient baisser de 3 %, voire de 6 % en 2008. Des instructions ont-elles déjà été données en ce sens ? Cela est d’autant plus inquiétant que les charges de ces établissements ne cessent d’augmenter, notamment avec la mise en œuvre de régimes de prévoyance complémentaire, à laquelle vous êtes attachée.

Le gel des crédits a touché l’ensemble des ministères, mais certains ont pu en récupérer une partie. Pour votre part, comment allez-vous procéder ? Puisque nous parlons de sincérité des comptes, êtes-vous en mesure de nous dire si vous préparez un gel des crédits en 2008 ?

M. Didier Migaud – Il est connu, et sera de l’ordre de 6 % pour tout le monde !

M. Patrice Martin-Lalande – En matière de jeux vidéo, de nombreuses entreprises ont été délocalisées au Canada. Qu’en est-il du crédit d’impôt voté en faveur de la création d’entreprises de jeux vidéo ?

Quant au crédit d’impôt voté l’année dernière pour aider à la diffusion et à l’exportation d’œuvres audiovisuelles, l’instruction fiscale nécessaire à sa mise en œuvre n’est toujours pas parue.

M. Patrick Beaudouin – J’interviens en tant que député de Vincennes et membre de la commission de la défense pour évoquer le cas du donjon de Vincennes, qui a fait l’objet d’une formidable rénovation. Je souhaite savoir si des crédits ont été inscrits pour poursuivre les travaux de réhabilitation, pour le moment bloqués.

La mission interministérielle de rénovation du Château de Vincennes et le préfet d’Ile-de-France ont sollicité la mission régionale d’expertise économique et financière pour connaître les perspectives d’exploitation de ce site.

M. Patrick Bloche – Le Président de la République a déclaré, le 17 septembre 2007, qu’il « ne sert à rien d’être fiers de notre patrimoine et de mégotter pour l’entretenir ». Or les crédits budgétaires ne sont pas à la hauteur. 400 millions sont nécessaires, et – faut-il le rappeler ? Ils étaient auparavant de 500 millions.

Par ailleurs, la représentation nationale a voté dans le PLF pour 2007 une disposition permettant d’ouvrir le mécénat à la protection des monuments historiques privés. Or le décret d’application n’a toujours pas été pris, et la direction du budget n’est pas en mesure de donner de calendrier. Il me semble que la volonté de l'Assemblée nationale devrait, pourtant, faire droit.

En ce qui concerne les monuments privés, vous avez évoqué la loi de programmation. Je vous ai interrogée sur le fait de leur consacrer 10 % des crédits et sur la possibilité de les faire bénéficier du chèque emploi service. Comme l’a dit M. Jacques Rigaud, le mécénat n’a pas pour mission d’assurer les fins de mois d’un État nécessiteux. Il se porte toujours mieux quand l’intervention de l’État est forte.

M. Laurent Hénart – Mes deux questions portent sur les spectacles vivants. D’abord, quelles seront en 2008 les priorités de votre action pour les musiques actuelles, qui sont un phénomène de société, mais dont les acteurs sont très divers ? En second lieu, parmi les organismes labellisés de spectacles vivants, certains bénéficient d’un conventionnement avec l’État sur plusieurs années, justifié par le fait qu’ils enchaînent plusieurs saisons. Pour les collectivités locales qui financent aux deux tiers l’effort culturel dans ce domaine, il est important que l’État tienne ses engagements. Pouvez-vous nous le confirmer ?

M. Frédéric Reiss – Vous avez évoqué une mission qui rendra prochainement ses conclusions au sujet de la maîtrise d’ouvrage pour la rénovation des monuments historiques. L’ordonnance du 8 septembre 2005 peut-elle être remise en question ? La restitution de la maîtrise d’ouvrage aux propriétaires privés débouchera-t-elle sur le libre choix de la maîtrise d’œuvre ?

M. Nicolas Perruchot – Sur de nombreux sujets, j’ai bien entendu vos réponses qui témoignent de la convergence de notre approche même si nos propos diffèrent. Quelque peu, je reviens plus précisément sur la gouvernance. Il faut vraiment trancher pour savoir quelles sont les missions respectives de la direction de l’administration générale et de la DMF. Pour l’instant, elles interfèrent dans leurs rapports avec les établissements publics. Les problèmes de gouvernance actuels sont liés à la tutelle, à la gestion des ressources humaines et, peut-être, aux organisations syndicales.

À estimer qu’il est urgent d’attendre, on risque de compliquer les choses. L’État ira-t-il au bout de sa logique en ce qui concerne les établissements publics en leur confiant des missions claires, notamment la gestion des ressources humaines ? Rester au milieu du gué obligera demain à des arbitrages plus coûteux qu’aujourd’hui.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles Nous risquons d’entendre parler encore pendant cinq ans d’un État nécessiteux et d’un budget de disette. Regardons les choses en face : l’État est touche à tout et centralisé. Il y a donc un problème de gouvernance et nécessité à clarifier les responsabilités. L’un d’entre nous a dit que l’État opérait un tour de passe-passe en confiant l’éducation artistique aux collectivités locales, mais les élus locaux doivent également reconnaître que l’État prend de plus en plus en charge le budget des collectivités. Ainsi le montant des dégrèvements atteint 16 milliards.

M. Marcel Rogemont – Mais c’est l’État qui décide !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles Il faudra clarifier les responsabilités, sinon nous continuerons à entendre comme un leitmotiv qu’il n’y a pas assez d’argent.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances – Qu’il y ait à opérer une clarification des compétences, c’est évident. Sur le reste, il y a débat.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture – Monsieur Rogemont, je répète qu’avec une augmentation de 3,2 %, dans le contexte actuel, ce budget est bon, d’autant que la taxe sur les mutations a été rebudgétisée.

M. Michel Françaix – Disons que c’est un budget.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture – Un budget qui permet d’agir.

Pour ce qui est de la redevance pour l’archéologie préventive, 65 millions ont été ordonnancés pour 2007. Ils financeront pour 30 % le fond national d’archéologie préventive et pour 70 % le fonctionnement de l’INRAP. Le montant de 39 millions qui a été indiqué comme produit de la redevance est une estimation prudente. L’INRAP aura des moyens importants même si l’on rencontre parfois quelques difficultés à recouvrer la taxe. Il est ainsi prévu 77 millions pour les recettes de fouille. Nous réfléchissons à une éventuelle régionalisation afin d’éviter des retards dans les chantiers. Les collectivités locales ont déjà la faculté de se doter de services propres et d’exécuter des travaux de fouille ; les grandes entreprises peuvent également avoir leurs services.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles  Cela fait trois ans que l’on attend, mais, pour l’instant, personne ne l’a fait !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture – Ce sont des possibilités qui existent. Nous allons essayer d’accélérer les choses et nous réfléchissons à une régionalisation.

S’agissant du spectacle vivant, le budget consolidé de 640 millions est à un bon niveau. Il est bien sûr touché par le gel de 6 %, mais il permet de faire face aux investissements issus des engagements pris envers les collectivités locales. J’appelle de mes vœux le développement du conventionnement.

On a posé une question sur les régimes de prévoyance. La négociation est bien avancée pour de nombreuses conventions collectives et cinq ont déjà été signées. J’ai bon espoir que nous puissions répondre aux inquiétudes des « petits lieux » en ce qui concerne la prise en charge de cet aspect social.

Je ne reviens pas sur le gel de crédits. Le principe s’applique à tous ; c’est un gel de précaution. Nous avons bénéficié d’un dégel en mars dernier, mais 55 millions sont toujours gelés et je peux vous assurer que nous nous battons pour les récupérer.

Monsieur Martin-Lalande, en ce qui concerne le crédit d’impôt pour les jeux vidéo, nous attendons la décision de la Commission de Bruxelles et j’ai bon espoir d’obtenir un accord avant la fin de l’année.

M. Patrice Martin-Lalande – Et en ce qui concerne le crédit d’impôt pour diffusion et exportation de produits audiovisuels ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture – L’instruction fiscale devrait voir le jour prochainement.

La gestion du fort de Vincennes est partagée entre les ministères de la Culture et de la Défense. Le ministère de la Culture s’est beaucoup impliqué dans la rénovation du donjon qui a été gérée par le CMN et la Défense et a coûté 18,7 millions. Une commission interministérielle assure la coordination et une convention de gestion du site sera signée avant la fin de 2007 entre les deux administrations, qui entretiennent de bons rapports.

On a lancé l’idée d’un établissement public ; dans ce cas, il dépendrait plutôt de la Défense, mais rien n’est tranché. Nous souhaiterons bien entendu entretenir les meilleurs relations possibles avec la ville de Vincennes.

Revenant sur les crédits des monuments historiques, M. Bloche a évoqué une période faste où ils atteignaient 500 millions. En réalité, en 2001, ils étaient de 275 millions. Les 303 millions d’aujourd’hui sont donc un niveau élevé. Celui atteint en 2007 tenait à l’affectation à deux reprises d’une partie de la taxe sur les mutations.

M. Patrick Bloche – Selon le rapport de M. Kert, en 2000, 2001 et 2002, ces crédits dépassaient les 500 millions et ont même atteint 569 millions. Aujourd’hui, on plafonne à 335 millions.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture – Vous citez des autorisations de programmes.

M. Patrick Bloche – Non, ce sont des crédits de paiement.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture – Nous allons vérifier. En tout cas, les crédits sont plutôt en augmentation ces dernières années.

En ce qui concerne le recours au mécénat pour les propriétaires privés, nous sommes en discussion avec Bercy pour assouplir les deux conditions en vigueur, l’ouverture au public et le chiffre d’affaires commercial. Nous espérons parvenir au plus vite à adopter des dispositions en faveur des propriétaires privés. Instruction a été donnée aux DRAC de consacrer 10 % des crédits déconcentrés aux monuments privés.

Le recours au chèque emploi service est une bonne idée, mais elle relève plutôt du ministère du Travail, auquel elle sera transmise.

M. Laurent Hénart m’a interrogé sur les musiques actuelles, volet important du spectacle vivant. Nous allons poursuivre les programmes engagés et accorder une aide accrue aux centres de ressources, singulièrement à l’IRMA et à la variété, dans une logique de conventionnement respectant les mêmes critères que pour le théâtre ou la danse.

M. Hénart a aussi insisté sur la nécessité pour l’État de respecter sa parole en cas de conventionnement. Il a parfaitement raison ; le problème tient à ce que des gels ont eu lieu l’an dernier et que nous devons à présent réinvestir dans les secteurs concernés.

M. Frédéric Reiss a évoqué la maîtrise d’ouvrage. Une réflexion est en cours à ce sujet, mais elle ne remet pas en cause l’ordonnance de 2005. Les collectivités peuvent donc toujours choisir leur maître d’œuvre, qu’il s’agisse de l’architecte en chef des monuments historiques ou d’autres architectes, y compris des architectes étrangers, s’ils sont habilités.

M. Nicolas Perruchot évoquant la restructuration administrative, a estimé que nous nous sommes arrêtés au milieu du gué. Il est exact que des problèmes de gouvernance demeurent, mais, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, des pôles plus forts seront constitués et des administrations réunies. Pour ma part, j’ai insisté auprès des présidents d’établissement public pour qu’ils s’attachent à renforcer la cohérence de leurs actions. Une réflexion d’ensemble est nécessaire, j’en suis consciente.

S’agissant de la gestion des personnels, la démarche engagée est la bonne, mais elle est compliquée, car transférer des personnels, c’est aussi transférer leur encadrement. De plus, il faut s’attacher à fluidifier le dispositif. A Versailles par exemple, l’existence de 200 logements de fonction n’était pas de nature à inciter les agents à la mobilité. Là encore, la réflexion s’inscrit dans un débat plus général sur la réorganisation de la fonction publique.

M. Nicolas Perruchot – Je ne suis pas partisan d’une solution brutale, mais rien ne justifie qu’un établissement public ne puisse gérer son propre personnel. Il faut mettre fin au système actuel, dangereux pour le ministère lui-même.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture – Je suis d’accord sur le principe, à condition que l’on s’assure des conditions de la mobilité.

Pour donner suite à la demande de précision de M. Patrick Bloche, j’indique que les crédits ouverts en 2001 se sont élevés à 275 millions et que, si l’on y ajoute les reports et les fonds de concours, le total a été de 567 millions. La consommation réelle de crédits a été, cette année là, de 331 millions.

M. Patrick Bloche – Les crédits étaient donc bien, au total, largement supérieurs à 500 millions !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture – En conclusion, je suis convaincue, comme M. Pierre Méhaignerie, qu’il faut hiérarchiser les priorités pour éviter saupoudrage et dispersion. C’est tout le sens de la réflexion engagée, qui tend à assurer la cohérence d’ensemble des dispositifs existants. La même démarche préside à la définition des nouveaux projets.

Toutefois, si un nouvel état d’esprit doit prévaloir, il est vrai, aussi, que les crédits d’État ont, je l’ai dit, un puissant effet de levier. Enfin, le débat sur la répartition de ce qui relève de l’État et de ce qui ressortit aux collectivités locales est, par essence, politique.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles Madame la ministre, je vous remercie.

La séance est levée à 12 heures 10.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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