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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 7 novembre 2007

Séance de 9 heures
Commission des finances, de l'économie générale et du Plan
Commission des affaires étrangères
Présidence de M. Didier Migaud, Président, M. Axel Poniatowski, Président

- Commission élargie : Aide publique au développement ; compte spécial : Prêts à des États étrangers

La séance est ouverte à neuf heures.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan – Avec le Président Poniatowski, nous accueillons M. Hortefeux, en tant que ministre du co-développement, M. Novelli, secrétaire d’État chargé des entreprises et du commerce extérieur, suppléant Mme Lagarde qui accompagne le Président de la République aux États-Unis, et M. Bockel, secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial de la commission des finances et Mme Henriette Martinez, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, poseront les premières questions, les ministres leur répondront, puis un orateur par groupe politique prendra la parole avant que ne s’expriment tous les parlementaires qui le souhaiteront.

La commission des finances procédera à la fin de la discussion au vote sur les crédits de la mission d’aide publique au développement.

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères – La formule de la commission élargie s’affirme vivante et enrichissante, ce dont je me réjouis. La commission des affaires étrangères est donc saisie pour avis des crédits de cette mission et Mme Henriette Martinez présentera son rapport. Le vote sur les crédits, pour nous également, aura lieu à la fin de cette réunion.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial de la commission des finances – Si, selon le Président de la République, 0,7% du RNB doit être consacré à l’aide publique au développement en 2015, je note que M. Chirac, lui, avait retenu la date de 2012. D’ailleurs, les crédits inscrits diminuent puisqu’ils représentaient l’an dernier 0,5% du RNB - la réalisation avait été de 0,42% - et qu’ils sont cette année de 0,45% - la réalisation devrait donc être de 0,40% environ. Comment, dès lors, parvenir à 0,7% en 2015 ? Sachant que le programme PPTE, qui concerne les pays très endettés, arrive à son terme et qu’une grande partie de l’aide publique est constituée par des annulations de dettes, que se passera-t-il lorsqu’il n’y aura plus aucune annulation ?

L’organisation de l’aide publique au développement comporte de nombreux intervenants alors qu’une rationalisation serait nécessaire, comme le préconise d’ailleurs le Conseil d’analyse économique : neuf ministres participent ainsi au comité interministériel de la coopération internationale et du développement – CICID – et vient de s’y ajouter le ministre du co-développement. D’autre part, l’AFD, Agence française du développement, est l’opérateur pivot, mais Bercy refuse d’en faire un opérateur de la LOLF. Pourquoi ? Comment gérer un dispositif aussi complexe ?

Les crédits du Fonds européen de développement s’élèvent en 2008 à 725 millions alors que 862 millions seraient nécessaires selon le ministère des affaires étrangères. D’ailleurs, chaque année, on recourt à des reports, les crédits inscrits n’étant jamais suffisants. Pourquoi les crédits nécessaires ne sont-ils pas inscrits ?

M. Hortefeux considère que la maîtrise des flux migratoires passe par l’aide aux pays en voie de développement et, donc, par le co-développement. Or, pour ce secteur, ce sont seulement 60 millions qui sont inscrits en autorisations d’engagement et 29 millions en crédits de paiement. Au vu de ces chiffres, le co-développement n’est-il pas plutôt un adjuvant à la politique répressive du Gouvernement ?

Enfin, j’élève la plus vive protestation sur l’utilisation de tests ADN. Ce sont-là des méthodes qui rappellent de fâcheux souvenirs.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement  Lesquels ?

M. le Rapporteur spécial – J’espère que vous répondrez à ma question.

M. le ministre – Je vous en ai posé une également : quels fâcheux souvenirs ?

M. le Rapporteur spécial - De nombreux députés UMP ont déjà fait le même constat.

M. le Président de la commission des finances – La parole est libre, en effet.

M. le Rapporteur spécial – Je ne suis pas sensible à l’intimidation.

Mme Henriette Martinez, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères – S’agissant de l’architecture globale du système français d’aide publique au développement, pouvez-vous préciser, Monsieur le secrétaire d’État chargé de la coopération, les articulations entre les différents programmes ? Le Gouvernement s’est d’autre part engagé dans une revue générale des politiques publiques visant à remettre à plat l’ensemble des missions de l’État, y compris en matière d’aide publique au développement. Cet exercice pourrait-il concourir à la mise en place d’une programmation pluriannuelle de l’aide publique au développement, comme nous sommes nombreux à le souhaiter ?

Quelles sont les priorités de programmation de la dixième tranche du FED ? Dans quelle mesures seront-elles articulées avec les objectifs du Millénaire pour le développement ?

Je souhaite par ailleurs savoir comment il serait possible de garantir la capacité de l’Agence française de développement à mettre en œuvre toute une gamme de projets de coopération, y compris de petite taille.

Je me suis rendue récemment au Mali, pays qui constitue depuis 2000 un véritable laboratoire du codéveloppement. En collaboration avec la CEDEAO, la Commission européenne, la France et l’Espagne, le Mali devrait ouvrir au printemps 2008 un centre d’information et de gestion des migrations, CIGEM, qui aura pour tâche de collecter et de diffuser des informations mais aussi d’accompagner la réinsertion des migrants de retour. Cette initiative euro-africaine est un symbole fort d’une politique concertée en faveur de l’immigration légale. Pouvez-vous m’indiquer, monsieur le Ministre de l’immigration, si des initiatives similaires sont envisagées dans d’autres pays avec lesquels la France a signé des accords de gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement. Dans le cadre de la future présidence française de l’Union, de telles initiatives pourraient-elles prendre la forme d’une action ou d’une politique communes ?

Enfin, vous êtes, Monsieur Novelli, le gestionnaire du programme 110 consacré à l’aide économique et financière. Quelles sont d’après vous les perspectives d’amélioration de l’aide publique française et de renforcement de son efficacité ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie – M. Emmanuelli m’a posé une question importante sur les chances d’atteindre les 0,7 % du PNB consacrés à l’aide publique au développement. Si l’horizon 2015 a remplacé l’horizon 2012, c’est parce que cela a semblé beaucoup plus réaliste au vu de l’évolution de ce pourcentage depuis plusieurs années, c’est-à-dire hier mais aussi avant-hier. D’ailleurs, la plupart des autres pays européens se sont calés sur cet objectif. Je reconnais toutefois que certains, comme la Grande-Bretagne et l’Allemagne, ont augmenté de façon significative leur aide. Cela tient à une certaine prospérité économique recouvrée mais aussi à des choix politiques.

Je ne conteste pas les chiffres que vous avez avancés sur le niveau de l’effort actuel et vous avez vous-même souligné le rôle des annulations de dette. Comme l’évolution en cours ne va pas s’arrêter, il nous faut anticiper…

Le pourcentage de 0,7 % fait l’objet d’un consensus entre tous les pays du Comité d’aide au développement de l’OCDE et il est important de s’y tenir car c’est un bon levier pour atteindre les objectifs du Millénaire. Nous devrons toutefois avoir un débat sur ce qu’il faut ou non prendre en compte dans ce pourcentage car la France, grande contributrice à l’aide au développement, en particulier en Afrique, a besoin de s’y retrouver.

Nous ne baissons pas les bras, loin s’en faut. Le conseil restreint a prévu une stabilisation pour 2008, ce qui n’était pas acquis d’avance dans un contexte budgétaire difficile, mais je me suis battu et j’ai eu gain de cause. J’ai même obtenu une augmentation des autorisations d’engagements qui marque une volonté de reprendre, à partir de 2009, une croissance déterminée de l’aide publique au développement.

Cinq mois après que j’ai pris mes responsabilités, je considère que l’Agence française de développement, même si elle n’est pas exempte de défauts, est un bon outil conforme aux critères retenus pour la modernisation des instruments comparables en Europe, un outil qui mérite d’être conforté. C’est le message que j’ai fait passer dans le cadre de la RGPP. En contrepartie de ce rôle croissant que je souhaite donner à l’Agence, il convient de renforcer le contrôle politique. A la suite de la réforme de la coopération, le ministère des affaires étrangères a vu son rôle accru dans la définition des stratégies de l’aide française et des orientations de l’AFD. Cela passe par une révision du statut, par une convention cadre État-AFD, par un contrat d’objectifs entre le ministère des affaires étrangères et l’Agence afin de créer un nouveau cadre d’exercice de la tutelle. Depuis janvier 2007, l’AFD est dotée d’un plan d’orientation stratégique à cinq ans. Mais il faut aller plus loin et réfléchir à une instance de pilotage. Les statuts actuels ne permettent pas que l’Agence soit présidée par un membre du gouvernement mais on peut imaginer d’aller vers un comité d’orientation stratégique, ce que l’Agence demande d’ailleurs elle-même.

Si l’AFD n’est pas un opérateur de la LOLF, ce n’est pas par volonté de l’escamoter mais parce que l’y intégrer conduirait à intégrer aussi ses emprunts et ainsi à accroître l’endettement de l’État.

S’agissant de l’insuffisance de la contribution française au FED, défendant hier au Sénat les accords de Cotonou, j’ai rappelé que, dans la négociation sur les accords à venir, nous avons obtenu que la part française soit un peu plus raisonnable. Cela étant, notre contribution est en augmentation rapide du fait de l’amélioration de la gestion du FED et de l’accélération des décaissements, qui est une bonne chose. La clef de répartition reste celle du 9ème FED, soit pour nous une contribution de 24,3 % tant que l’enveloppe n’est pas épuisée, c’est-à-dire sans doute jusqu’à 2011, date à laquelle elle devrait passer à 19,55 %. La situation actuelle risque de se traduire par une envolée de notre contribution incompatible avec la discipline budgétaire et avec l’équilibre de nos finances publiques, d’autant que la Commission prévoit une augmentation de 28 % de l’appel à contribution pour 2008. Nous proposons donc, avec l’Allemagne, un cadrage budgétaire plus serré s’inspirant de celui de l’Union et prévoyant un lissage pluriannuel des appels à contribution, afin d’étaler dans le temps une montée en puissance qui est la conséquence de la plus grande efficacité du Fonds. La France demeure fidèle à sa position en souhaitant une budgétisation du FED. Les inscriptions budgétaires ont toujours été suffisantes et elles le resteront.

Je crois beaucoup au dispositif Unitaid. J’évoque régulièrement, au sein des instances internationales, la part que prend la France dans la lutte contre le sida et contre les autres pandémies. Avec un total de 900 millions d’euros sur trois ans, notre pays est d’ailleurs le premier contributeur au Fonds mondial sida, les États-Unis se situant hors Fonds. Unitaid vient en plus. La contribution a été de 45 millions d’euros en 2006 qui n’était pas une année pleine. En 2007, elle devrait se situer entre 160 et 165 millions, soit en deçà de la prévision de 200 millions. Nous constatons également que cette mesure n’a aucun impact négatif sur les compagnies aériennes, bien que 27 pays seulement aient institué la taxe. En 2007 Unitaid disposera au total de 300 millions de dollars dont 90 % ont déjà été encaissés et 81 % déboursés. Cela montre que le dispositif fonctionne bien. Nous travaillons avec l’OMS, l’Unicef, le Fonds mondial et des grandes fondations comme la fondation Clinton. L’impact de cette mesure, qui viendra en plus de l’aide publique sera donc significatif.

S’agissant de la RGPP et de la programmation pluriannuelle, nous travaillons avec les équipes d’audit coordonnées par l’inspection générale des finances. L’aide française comporte une part importante de dépenses non programmables comme les annulations de dettes. L’aide programmable dont la gestion est plus directement sous ma responsabilité reste soumise à l’annualité budgétaire, ce qui réduit la prévisibilité pour les pays bénéficiaires, d’autant que l’essentiel de la mission d’aide publique au développement découle d’engagements internationaux. Il y a donc une forte inertie.

Un plan d’action pour l’efficacité de l’aide a été validé en 2006 par la conférence d’orientation stratégique et de programmation. Il propose de mieux piloter les engagements dans un cadre financier pluriannuel. Ce travail est en cours mais la question de l’annualité reste posée. Le ministère du budget envisage des expérimentations de budgets pluriannuels pour certaines politiques publiques, l’APD pourrait s’inscrire dans ce cadre.

Mme Martinez m’a également interrogé sur les priorités de programmation du FED en relation avec les objectifs du Millénaire. Le fonctionnement du Fonds a été réformé en vue d’une meilleure efficacité. La présidence française en 2000, sous la houlette de Charles Josselin, y avait contribué. Depuis 2002, la gestion du FED est déconcentrée au niveau des délégations de la Commission avec les pays ACP, ce qui a permis d’accélérer les décaissements. Les crédits sont concentrés sur un certain nombre de secteurs : gouvernance, infrastructures, opérations d’intégration économique. De meilleures modalités de programmation permettent d’adapter régulièrement la coopération donc de réagir en fonction de l’évolution des besoins et de la performance des pays ACP. Cela permet une meilleure prévisibilité des ressources pour ces pays ainsi que l’instauration entre les bailleurs et les bénéficiaires d’un dialogue sur la gouvernance des finances publiques et sur les objectifs de réduction de la pauvreté. Dans le cadre du 10ème FED, une tranche incitative soutiendra davantage les efforts dans ce domaine.

M. Brice Hortefeux, ministre du codéveloppement  Je rejoindrai M. Emmanuelli au moins sur le fait que le développement est la seule façon de maîtriser les flux migratoires car la pression migratoire sur le Nord se nourrit des déséquilibres du Sud. C’est pour cela qu’une politique ambitieuse d’aide au développement a été engagée, tout particulièrement en matière de codéveloppement. Pour répondre à M. Emmanuelli, mon ministère prendra part au CICID, présidé par le Premier ministre, au même titre que les services de Mme Lagarde ou de M. Kouchner. Par ailleurs, les sommes consacrées au codéveloppement sont loin d’être accessoires. Si vous faites des comparaisons, il faut aller jusqu’au bout : les 60 millions en autorisations d’engagement et les 29 millions en crédits de paiement représentent une hausse de 139 % dans le premier cas et de 85 % dans le second. On ne peut que se féliciter d’une telle augmentation : même si en volume, les crédits ne sont jamais suffisants, cela permettra toujours de faire mieux que par le passé ! Enfin, avant d’organiser un débat en France sur les tests ADN, Monsieur Emmanuelli, il serait bon que vous en teniez un au sein de votre propre famille. Je vous rappelle en effet que le ministre travailliste britannique chargé de ces questions, qui fait partie de l’Internationale socialiste, pratique 12 000 tests par an.

M. le rapporteur spécial – Préoccupez-vous plutôt de l’opinion française !

M. Brice Hortefeux, ministre du codéveloppement  Quant au gouvernement le plus à gauche d’Europe, celui de l’Espagne, il pratique les tests pour trois pays et cela marche si bien qu’il veut les élargir à huit pays supplémentaires.

Mme Martinez s’est demandé si l’initiative du centre d’information et de gestion des migrants du Mali pouvait être élargie. J’y suis tout à fait favorable. De tels dispositifs pourraient être inclus dans la politique d’accords que nous menons avec les pays de l‘Afrique subsaharienne et du Maghreb. La France a été à l’origine du centre d’information et de gestion des migrations de Bamako et poursuivra en ce sens dans le cadre de sa présidence de l’Union ainsi que de la deuxième conférence euro-africaine sur les migrations et le développement, qu’elle organisera en octobre.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé des entreprises et du commerce extérieur – Pour répondre d’abord à Mme Martinez, le programme 110 représente un tiers des crédits de la mission « Aide publique au développement ». Certes, on peut toujours discuter sur les chiffres, d’autant que les annulations de dettes font peser de telles incertitudes qu’il est difficile de conclure à l’augmentation ou au désengagement. Je rappelle simplement que les annulations de dettes programmées pour 2008 ont plus de chances d’être réalisées qu’en 2007. Mais au-delà des montants, c’est l’efficacité des aides qui est importante. Il y a plusieurs pistes d’amélioration en la matière. D’abord, il faut concentrer les aides, tant au niveau des secteurs que des pays. Pour notre part, nos priorités sont la santé, l’environnement et le co-développement, le tout en Afrique. Ensuite, il faut limiter le coût de nos procédures pour les pays bénéficiaires. La déclaration internationale signée à Paris en 2005 vise pour cela à une harmonisation entre les bailleurs.

Enfin, rien ne sert de discuter des moyens si l’on ne se préoccupe pas de l’évaluation des résultats. Nous y sommes très attachés. Les organismes multilatéraux ont eu cette culture bien avant nous, nous pouvons prendre des leçons auprès d’eux. J’ai par ailleurs demandé à la direction générale du Trésor de faire des propositions sur la mesure de l’efficacité des aides.

M. le Président de la commission des affaires étrangères- En octobre, le Fonds international de développement agricole et la Banque interaméricaine ont évalué les transferts de fonds effectués par les travailleurs migrants des pays industrialisés vers leurs pays d’origine à près de 300 milliards de dollars. Il y a un an, nous avons instauré des conditions favorables pour les fonds employés à des projets d’investissement dans les pays d’origine et créé les comptes épargne codéveloppement et le livret d’épargne codéveloppement. Avons-nous une idée des montants transférés à partir de la France, et où en est la mise en œuvre du compte et du livret d’épargne ?

M. Brice Hortefeux, ministre du codéveloppement  Il y a une incertitude sur les chiffres : celui de la Banque mondiale, par exemple, est de 250 milliards de dollars plutôt que de 300. Il est difficile d’être plus précis car on estime que jusqu’à la moitié des transferts se font de manière informelle. Ce qu’on sait, c’est qu’ils se font de 125 millions de travailleurs à 500 millions de proches dans les pays d’origine. Pour ce qui concerne la France, le montant des transferts est de 8 milliards d’euros, soit à peu de choses près le montant de notre aide publique au développement lui-même. Cette concordance est très intéressante. Nous avons signé des accords avec le Sénégal, le Gabon, le Congo-Brazzaville et bientôt le Bénin, pour lesquels nous ne disposons pas encore d’estimation. En revanche, les transferts sont évalués à 1 507 millions pour le Maroc, 449 millions pour le Sénégal, 295 millions pour le Mali et 70 millions pour les Comores. Ce qu’il faut surtout noter est qu’ils représentent de 9 % de leur PIB, pour le Maroc, à 24 % pour les Comores.

Quant au compte épargne et au livret, ils sont trop récents pour qu’on puisse en tirer le moindre bilan. Le compte épargne codéveloppement, issu de la loi de 2006 et d’un décret de février 2007, est réservé à 53 pays en développement. L’épargne, plafonnée à 50 000 euros, est bloquée de un à six ans et doit servir à des investissements productifs dans les pays de départ des bénéficiaires, en contrepartie d’une défiscalisation des revenus en France, dans la limite de 25 % et d’un plafond de 20 000 euros. J’ai signé un accord avec le ministère de l’économie et la Caisse d’épargne, qui entend proposer ce produit dès le début de l’année prochaine. Si nous avons voulu développer ce dispositif, c’est que, pour l’instant, 80 % des fonds transférés sont utilisés à des fins de consommation courante alors que ces pays ont cruellement besoin d’investissements. Quant au livret d’épargne, qui avait été voté à l’unanimité à l’Assemblée et au Sénat, nous allons engager les discussions avec les associations concernées et les banques intéressées. Un décret fixera le taux de la prime d’épargne et son plafond, ainsi que le montant maximum des sommes épargnées, qui devrait être de 10 000 euros. Ces dispositifs vont être inclus dans les accords de gestion concertée des flux migratoires, et les pays d’origine en sont très demandeurs.

M. le Rapporteur spécial – Ces 8 milliards sont une somme énorme, puisqu’elle équivaut à notre budget de l’aide publique. Or, le monopole des transferts est entre les mains de Western Union, qui pratique des taux prohibitifs. Le Gouvernement serait bien inspiré de vérifier si des opérateurs français ne sont pas intéressés.

M. Brice Hortefeux, ministre du codéveloppement  Les chiffres sont hallucinants : sur dix euros transférés, la Western Union en prélève deux ! La justification est qu’elle est présente partout, jusque dans la plus petite boutique du village le plus reculé quand elle n’envoie pas une camionnette sur les routes. C’est à prendre en considération, mais les chiffres actuels restent inacceptables. Que peut-on faire ? J’ai évoqué le sujet avec le gouvernement espagnol, car la banque de Catalogne a déjà commencé des négociations en la matière. Pour la France, le président de la Caisse d’épargne, qui préside en ce moment l’Association française des banques, est très décidé à agir et pense pouvoir faire quelque chose d’ici à la fin du premier trimestre 2008. Le président de la Société générale, qui est très active dans le Maghreb et l’Afrique subsaharienne, est sur la même ligne. Nous sommes déterminés à nous opposer à ce monopole de la Western Union.

M. Jean-Louis Christ – Monsieur Hortefeux, vous avez rappelé que le codéveloppement concourait à la maîtrise des flux migratoires et qu’un fonds fiduciaire serait prochainement installé. Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet ? Quelles sont les banques qui ont vocation à le porter ? Quels avantages et inconvénients voyez-vous à solliciter la Banque africaine de développement à cet effet ?

Monsieur Bockel, l’adhésion des Français à l’aide publique demeure forte, mais force est d’admettre que nos compatriotes doutent parfois de son efficacité. Le temps n’est-il pas venu d’imaginer une nouvelle politique du développement ? Quelles priorités la France défendra-t-elle à ce sujet lorsqu’elle exercera la présidence de l’Union européenne, au deuxième trimestre 2008 ?

A quel rang – et pour quels montants - notre pays contribue-t-il au fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose ? Quels sont les autres principaux contributeurs ?

Enfin, la part de l’aide publique dévolue aux pays émergents, dont la Chine, ne risque-t-elle pas de nuire aux intérêts des pays de la zone de solidarité prioritaire ?

M. Jean-Paul Lecoq – Le marasme financier dans lequel sont plongés les pays surendettés est souvent la conséquence de la volonté des organisations internationales d’imposer des programmes d’ajustement structurel inspirés par l’idéologie ultra-libérale et faisant fi des choix locaux. La commission des droits de l’Homme de l’ONU a du reste souvent dénoncé cet état de fait. Composé de dix-neuf États créanciers, le Club de Paris – dont la France est membre – est chargé de renégocier la dette des pays africains. Géré par Bercy plutôt que par le quai d’Orsay ou le ministère de la coopération, ce club ne prend pas suffisamment en compte les conditions de vie des plus démunis et tend à enfoncer les pays endettés dans une situation inextricable. Ses thérapies de choc sont manifestement inadaptées. Peut-on remédier à cette anomalie ?

Messieurs les ministres, peut-on espérer un changement d’attitude de la France dans les instances internationales en charge du développement ? L’annulation des dettes odieuses et illicites contractées par des dictatures corrompues va-t-elle enfin intervenir ? L’objectif de consacrer au moins 0,7 % du PIB à l’aide publique au développement ne peut-il être atteint dès 2012, et non en 2015 comme l’a annoncé M. Hortefeux ? Il est à mes yeux impératif d’avancer l’échéance, afin d’adresser un signal fort aux pays sources de l’immigration. Il n’est que temps d’abandonner la politique qui consiste à imposer la dérégulation à marche forcée et l’ouverture aveugle de tous les marchés.

Quelle politique extérieure la France va-t-elle enfin se décider à soutenir au sein du G8, de l’OSCE et du Club de Paris, en vue d’éradiquer la pauvreté et d’abandonner les politiques d’ajustement structurel ?

M. Dominique Baert – Bien connu depuis qu’une année internationale lui a été consacré, en 2005, et que son promoteur, M. Younous, a obtenu le prix Nobel de la paix, le micro-crédit constitue désormais un levier essentiel de stimulation de l’activité et de l’emploi dans les pays en voie de développement. Malheureusement, depuis l’initiative du Président Chirac, en février 2006, de réunir une table ronde avec l’ensemble des banques à ce sujet, les projecteurs semblent s’être détournés, et, depuis six mois je n’ai pas vu ressurgir cette préoccupation. Messieurs Novelli et Bockel, quelles initiatives le Gouvernement entend-il prendre pour développer le micro-crédit ? De quelle manière peut-on envisager de mieux coordonner l’action des différents acteurs ? J’avoue que mon sentiment général est qu’il manque un pilote dans l’avion ! Jusqu’à présent, nous avons laissé les associations prendre la plus grande part des initiatives : l’État va-t-il prendre le relais ? Il faut savoir que les petites « tontines » et les échoppes qui distribuent du micro-crédit ont une action de terrain déterminante. On arrive, avec quelques dollars, à financer des initiatives qui concourent notamment à l’émancipation des femmes.

M. Brice Hortefeux, ministre du codéveloppement  Monsieur Christ, le fonds fiduciaire pour le codéveloppement pourra vraisemblablement être « logé » à la Banque mondiale, car si nous retenions la Banque africaine de développement, il y aurait un risque que son action se cantonne au continent africain et au Maghreb. Choisir, en lien avec la direction générale du Trésor, la Banque mondiale, c’est se ménager la possibilité de traiter aussi des pays prioritaires comme le Vietnam ou le Surinam.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Plusieurs d’entre vous ont déploré le coût excessif des transferts financiers. Pour compléter la réponse de Brice Hortefeux, je puis vous indiquer que nous nous apprêtons à lancer un site internet de comparaison des coûts de transfert, qui sera géré par l’Agence française de développement. Un tel système existe déjà au Royaume-Uni et sera prochainement installé en Espagne et en Allemagne. La plupart des banques ont confirmé leur participation à ce projet, notamment MoneyGram et Western Union.

Vous ne serez pas surpris, Monsieur Lecocq, que je ne partage pas votre vision d’ensemble (Sourires). Je ne peux pas vous suivre lorsque vous soupçonnez a priori les principaux organismes internationaux d’imposer aux pays endettés des programmes d’ajustement structurel qui portent préjudice à leur population. La France participe très activement au conseil d’administration de ces institutions et elle tend en permanence, dans le respect des personnes, à faire adopter des dispositifs orientés vers plus d’efficacité. Quant au Club de Paris, il s’agit d’un organe très utile pour annuler la dette insoutenable que subissent nombre d’États. J’ai été personnellement très heureux de l’annulation, intervenue à l’automne 2006, de la dette du Malawi et de la Sierra Leone. S’agissant de la Côte d’Ivoire et de la RDC, l’annulation de leur dette est programmée…

M. le rapporteur spécial – Quand ? Au cours du prochain siècle ? On l’annonce dans 4 ans !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Bien entendu, je souscris à l’analyse de M. Baert sur l’utilité du micro-crédit. A ce sujet, M. Attali - très occupé en ce moment (Sourires) -, a lancé des initiatives intéressantes et couronnées de succès. En outre, l’Agence française de développement dispose d’ores et déjà d’un outil de micro-financement et nous allons nous employer à le développer.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État – Monsieur Christ, vous semblez appeler de vos vœux une redéfinition de la politique française d’aide publique au développement. Pour l’heure, je puis vous confirmer que l’Afrique reste au cœur de nos préoccupations puisque nous lui consacrons 70 % de l’effort. Il est à nos yeux impératif de rattraper rapidement le retard accumulé par rapport aux objectifs du Millénaire.

Sur ce continent, nous allons accompagner la montée en puissance des dispositifs de lutte contre le réchauffement climatique, la désertification et l’urbanisme sauvage. Les prochaines sommets de la francophonie seront du reste consacrés aux enjeux climatiques.

Nous nous attachons à diffuser une nouvelle philosophie de l’aide, qui consiste à coaliser l’aide publique, les initiatives des entreprises privées et l’action des différentes fondations, lesquelles jouent un rôle croissant. Nous souhaitons aussi enrichir la coopération décentralisée, mobiliser les diasporas et rendre plus cohérente encore l’action des ONG.

Une réponse technique à votre rapporteur spécial : Monsieur Emmanuelli, si les crédits de paiement du programme 209 sont effectivement reconduits à l’identique pour le prochain exercice, les autorisations d’engagement progressent, elles, de 3,2 %...

M. le rapporteur spécial Allons ! Dites à vos conseillers que nous ne sommes plus à la maternelle : il y a une baisse des crédits et vous devez l’assumer.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État – Monsieur Christ, vous m’avez interrogé sur les priorités de la présidence française de l’Union en 2008. En septembre 2008, un forum sera organisé à Accra pour nous concerter sur l’efficacité de l’aide, et, en contrepoint, une réunion internationale aura lieu à Doha pour envisager les moyens d’améliorer les modes de financement de l’aide au développement. Bien entendu, la France prépare activement ces rendez-vous stratégiques dans lesquels elle entend jouer un rôle important. Sans attendre, nous avons proposé à la Commission européenne d’approfondir la réflexion sur la gouvernance locale et, en accord avec le Commissaire européen Louis Michel, il a été décidé que les prochaines journées européennes du développement, dont le thème principal sera précisément la gouvernance locale, auraient lieu en France.

Les enjeux de santé sont pour moi essentiels et je considère qu’il est de première urgence de couvrir le risque maladie dans les pays en voie de développement. Comme je l’ai déjà indiqué, Monsieur Christ, la France contribuera à hauteur de 900 millions pour trois ans au fonds mondial contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Elle est donc le deuxième pays contributeur après les États-Unis. Le Gouvernement français a en outre sensibilisé Gordon Brown et Angela Merkel et leurs pays vont faire de gros efforts pour se rapprocher de notre niveau de contribution. Parallèlement, j’entends enrichir la synergie avec les initiatives locales, au sein notamment du GIP Esther. Il convient notamment de renforcer les ONG françaises, dont la plupart sont très sérieuses.

La Chine, on le sait, monte en puissance en Afrique, car les matières premières dont le continent est si riche l’intéressent au plus haut point. Son aide au développement ne cesse de croître et l’on peut s’attendre à ce qu’elle double dans les années à venir.

M. le rapporteur spécial – Et nous comptabilisons les activités de l’AFD en Chine au titre de l’aide publique ! Voilà qui ne manque pas de sel !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État Nous souhaitons accompagner les pays africains dans la mise au point de bonnes pratiques, nécessité qu’ils acceptent peu à peu. Si l’AFD est présente en Chine, c’est que nous souhaitons pousser à la prise en considération des enjeux climatiques. Du reste, cette présence va dans le sens de nos intérêts et contribue à la réalisation de nos objectifs.

A la Banque mondiale, le changement de présidence a eu pour conséquence un nouvel état d’esprit, reconnu par tous.

Chacun s’accorde à reconnaître que le micro-crédit ne peut, à lui seul, régler tous les problèmes. Une réflexion est en cours sur la micro-assurance.

M. Renaud Muselier – Le budget qui nous a été présenté affirme une volonté politique claire, mais la réalité, c’est qu’une fraction de l’argent des Français est mise à la disposition de pays étrangers avec un double objectif : aider la population et maintenir notre influence. On peut discuter sans fin sur le niveau souhaitable de cette aide, mais la question de fond est de savoir si le dispositif est suffisamment efficace pour nous permettre d’atteindre ce double objectif. La notion de codéveloppement est très satisfaisante et je rends hommage au travail des ministres - en particulier à M. Hortefeux, qui aborde la régulation des migrations de manière juste, cohérente et saine (Mouvements divers).

Pour ma part, je considère que nous n’avons pas à aider la Chine, mais c’est une opinion toute personnelle.

Le Président de la République a dit souhaiter la création d’une Union euroméditerranéenne. Le gouvernement peut-il préciser les contours de cette initiative et nous dire, en particulier, si elle suppose la création d’un établissement financier spécifique ?

Mme Martine Aurillac – M. Bockel et M. Hortefeux pilotent le programme de codéveloppement, concept prometteur mais assez difficile à mettre en œuvre. Les 29 millions qui lui sont alloués – un montant bien faible, a-t-il été souligné, mais en progression traduisent la volonté du Président de la République d’aider les migrants à contribuer directement au développement de leurs pays d’origine. Les dispositifs pertinents sont au nombre de trois : les aides multilatérales, les aides à la réinstallation par le biais des micro-crédits, les actions bilatérales. S’agissant de ces dernières, comment les crédits seront-ils répartis pour garantir la meilleure efficacité possible ?

M. le rapporteur spécial – J’aimerais comprendre, monsieur Novelli, en quoi les crédits de la réserve des pays émergents constituent une aide publique au développement. La Chine est-elle dans le besoin ? Ces crédits seraient bien mieux utilisés dans votre ministère que comptabilisés en APD, où ils n’ont rien à faire !

À M. Bockel, je me dois de rappeler que, l’an dernier déjà, l’annulation de la dette de la Cote d’Ivoire et de la RDC nous avait été annoncée, et que je l’avais jugée impossible. Le Gouvernement nous en parle à nouveau cette année, mais quelle est la probabilité de cette annulation ?

Je maintiens que le montant global de l’aide publique au développement est tombé de 0,5% à 0,45% du RNB et que l’on en est revenu au niveau de 2004. Il s’agit donc bel et bien d’un recul.

Enfin, M. Hortefeux m’a conseillé d’étudier ce que font l’Espagne et la Grande-Bretagne et d’en prendre de la graine. Conseil pour conseil, je lui recommande de lire la liste que je lui adresserai des membres de sa majorité, Mme Veil en tête, qui paraissent partager mon avis sur les tests ADN, dont je redis que c’est une sinistre initiative.

Mme la rapporteure pour avis  – Dans l’aide au développement, le contenu est plus important que le montant. L’aide française au développement est consacrée pour un tiers aux aides directes, pour un tiers à l’annulation de la dette et pour un tiers à d’autres opérations. Il convient donc d’anticiper dès à présent la diminution de la part des annulations de dettes dans l’APD. Remettra-t-on de l’argent frais pour maintenir l’APD globale au même niveau ?

Par ailleurs, le contenu même des programmes est parfois surprenant. C’est pourquoi je souhaite la réalisation d’un audit qui permettra de clarifier la structure des dépenses. On saurait ainsi, par exemple, quel est le mode précis de comptabilisation des dépenses d’écolage des étudiants étrangers en France et de l’aide aux réfugiés. Un audit permettrait aussi de mesurer ce qui ne figure pas dans le budget de l’aide publique au développement, mais qui concourt bel et bien au développement – par exemple, les transferts opérés par les migrants et la coopération décentralisée, qui doit elle-même être coordonnée avec la politique nationale.

J’aimerais également savoir quelles sont les versements respectifs de la France et des autres pays contributeurs à UNITAID.

Je partage l’opinion de M. Novelli sur la nécessité de concentrer, d’harmoniser et d’évaluer l’aide publique au développement. Je déplore que le Fonds européen de développement ne prenne pas en compte les programmes de politique de santé et d’éducation ; la France ne pourrait-elle, monsieur Bockel, insister sur ce point ?

Je constate que notre contribution globale aux Nations Unies est stable, mais que nos versements au FNUAP augmentent, ce dont je me réjouis.

J’aimerais être certaine que l’insistance est mise sur les programmes relatifs à la santé maternelle et infantile.

Enfin, je voudrais quelques précisions sur le fonds français des systèmes de santé, créé le 6 décembre 2006.

M. Jean-Marc Roubaud – Le consensus prévalant sur l’aide au développement et le codéveloppement, il n’y a pas lieu de pinailler sur les taux…

M. le Rapporteur spécial – Je ne pinaille pas, monsieur, je rapporte.

M. Jean-Marc Roubaud – C’est mon opinion, respectez-la.

Je considère, comme M. Novelli, que l’important est le contenu de l’aide. Le Forum d’Accra aura donc une grande importance, si ses conclusions ne sont pas diluées dans un rapport. Toutefois, étant donné l’importance des besoins en matière d’aide au développement, le niveau d’intervention pertinent n’est-il pas le niveau européen ?

M. Michel Terrot – Depuis une dizaine d’année, l’aide multilatérale s’accroît. A quel niveau se situe-t-elle aujourd’hui ? Quel est le bon équilibre avec l’aide bilatérale ? Quels sont les critères de gouvernance auxquels notre aide publique au développement est conditionnée ?

M. Jean Launay – Avec 5 millions d’euros de crédits inscrits pour 2008, les accès à l’eau et à l’assainissement seront certes améliorés, mais comment ces crédits seront-ils précisément distribués ? S’agira-t-il d’investissements directs ? Transiteront-ils pas des associations ou des collectivités territoriales ? Quel est par ailleurs le mode de gestion du fonds pour l’environnement mondial, doté de 139 millions ? Comment la France est-elle représentée dans les instances mondiales ? De quels modes de contrôle disposons-nous pour l’utilisation des fonds ?

M. Brice Hortefeux, ministre du codéveloppement Madame Aurillac, les actions bilatérales de développement visent à soutenir des initiatives économiques : PME et PMI créées par les migrants dans leur pays d’origine, projets de développement local tels que des bâtiments d’école ou des centres de santé soutenus par des associations de migrants en France, mobilisation des élites de la diaspora tels que les universitaires ou les médecins. Je vous communiquerai les chiffres précis.

Monsieur Roubaud, je suis tout à fait favorable à ce que l’Europe relaie notre effort pour le codéveloppement. La présidence française de l’Union européenne sera l’occasion de faire avancer cette idée, de même que nous oeuvrerons à l’élaboration d’un pacte européen sur l’immigration ; nous y parviendrons à condition de convaincre les cinq pays qui reçoivent 80% des migrants – France, Espagne, Italie, Grande-Bretagne, Allemagne. La conférence euro-africaine sera également un moment fort de notre présidence afin de réfléchir aux liens entre flux migratoires et codéveloppement.

Je remercie M. Muselier pour son soutien. Les pays pouvant bénéficier de l’aide au codéveloppement sont ceux d’où provient l’immigration. La première sélection en a établi 28 ; en 2008, six accords de gestion des flux migratoires seront signés. Les montants de l’aide s’élèvent en moyenne à 2 millions.

Mme Marie-Anne Montchamp – L’effort budgétaire en faveur de l’aide médicale d’État est tout à fait significatif, et c’est heureux, mais celle-ci constitue également un motif de migrations, l’AME étant parfois la « médecine du travail clandestin ». Cette intrication de logiques différentes n’est-elle pas problématique ?

M. Brice Hortefeux, ministre du codéveloppementVous avez raison. L’AME s’élève à environ 400 millions et peut certes participer à l’évaluation du nombre de clandestins présents sur notre territoire. Je transmettrai vos remarques sur l’aide au ministre de la santé, cette question ne relevant pas directement de mon périmètre d’action.

M.  Hervé Novelli, secrétaire d’État  – C’est le comité d’aide au développement de l’OCDE qui fixe la liste des pays émergeants éligibles aux aides publiques et la Chine y figure. La part de notre aide à destination de ce pays est d’ailleurs très limitée.

Les crédits du FASEP financent des études liées à des projets et le CAD admet que cette aide fait partie de l’aide publique au développement.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État Je suis d’accord avec Mme Aurillac : les programmes de codéveloppement seront efficaces en s’appuyant sur les outils dont nous disposons aujourd’hui. Cela permettra d’ailleurs d’établir une meilleure cohérence entre les programmes de codéveloppement et notre aide publique au développement.

Je répète le pourcentage des crédits, monsieur Emmanuelli : 0,47% en 2006, vraisemblablement 0,42% en 2007 et un objectif de 0,45% en 2008, même s’il faut être prudent compte tenu de l’évolution de la situation.

Madame Martinez, je suis favorable à la réalisation d’un audit sur la structure de l’aide au développement. Nous dialoguons à ce propos de manière constructive avec Coordination Sud en particulier. Les pays contributeurs d’Unitaid sont au nombre de vingt-sept ; les autres contributeurs principaux pour 2008 sont le Brésil - 10 millions -, le Chili - 5 millions - , la Norvège - 22 millions -, le Royaume-Uni - 30 millions -, la Fondation Bill Gates - 10 millions - , la Corée du Sud - 15 millions - , l’Espagne - 15 millions. La taxe sur les billets d’avion ou assimilés représente 80% des 300 millions.

Notre contribution de base au FNUAP progresse fortement : 1,22 million en 2005, 1,8 million en 2006 et 2,5 million en 2007.

Nous soutenons tous les combats sanitaires en faveur des femmes de même que nous luttons contre les mutilations, les mariages précoces et forcés ou les viols. L’AFD est particulièrement engagée.

Monsieur Terrot, l’aide multilatérale représente un tiers de l’aide au développement et les contributions sont en forte croissance, notamment en faveur des fonds verticaux ou multilatéraux thématiques dans le secteur de la santé. Nous accompagnons également la croissance des ressources des banques de développement pour compenser les annulations de dette PPTE et IADM. Notre aide bilatérale demeure néanmoins importante : n’allons pas trop loin dans l’aide multilatérale !

J’indique à M. Muselier que nos politiques d’influence sont fortement déterminées par l’efficience de nos aides. Nous devons donc en permanence balayer devant notre porte. Le sondage de l’AFD montre que si les Français sont favorables à l’aide au développement, ils sont également exigeants et conscients de ce qui ne va pas. Sans doute conviendrait-il aussi que nous écoutions la société civile des pays concernés.

M. Novelli a déjà répondu à propos de la Chine : il s’agit non pas d’assurer une présence caritative, mais de défendre nos intérêts et d’accompagner la présences des entreprises françaises sur des projets de transports et d’infrastructures, grâce à des prêts dont le remboursement viendra d'ailleurs conforter les recettes de l’AFD. Cette politique nous permet également de discuter avec les Chinois d’un certain nombre de sujets, comme leur présence en Afrique, et de renforcer les bonnes pratiques.

S’agissant d’Euromed, tout le monde partage l’idée qu’un dialogue entre les deux rives de la mare nostrum vaut mieux qu’un choc des civilisations. L’un des enjeux de la présidence française sera d’associer nos partenaires européens, en particulier l’Espagne, car il convient non pas de tout changer, mais de s’inscrire dans la continuité du processus de Barcelone.

M. Roubaud s’est demandé s’il ne serait pas plus pertinent de renforcer les interventions au niveau européen. C’est une idée que nous défendons, même si ce système présente des défauts et des lourdeurs et s’il ne prend pas suffisamment en compte les intérêts français. On a donc besoin de mesures bilatérales pour exercer une influence sur l’aide multilatérale. C’est ce que la France a l’intention de mettre en avant lors du forum d’Accra sur l’efficacité de l’aide. Cela reflète l’indication de l’accord de Paris qui met l’accent sur le renforcement des capacités, sur les rapports de travail entre les bailleurs, sur la prévisibilité de l’aide et sur l’amélioration de notre propre dispositif. Je pense en particulier au renforcement institutionnel, à l’application d’un code de conduite européen, à la mise en œuvre de mécanismes de coordination, à la formation des agents de développement et à l’étude d’approches programmes.

Je confirme à M. Launay que nous sommes fortement engagés en faveur du Fonds pour l’environnement mondial. J’ai déjà souligné que son nouveau président faisait souffler un nouvel esprit sur cette institution. J’ai d'ailleurs plaidé à Washington contre l’idée d’une multiplication de fonds concurrents. Nous pensons donc que le nouveau fonds de lutte contre le réchauffement climatique que la Grande-Bretagne souhaite voir doté de 800 millions d’euros doit s’inscrire dans le cadre du Fonds mondial.

En ce qui concerne l’accès à l’eau, j’ai assisté à la conférence de Mexico et je considère que ces grands rendez-vous sont importants, en particulier parce qu’ils permettent la montée en puissances des autorités locales. La loi Houdin-Santini permet à la France d’être présente dans ce domaine. L’augmentation de 330 à 350 millions d’euros des autorisations d’engagement de l’Agence française de développement aura un effet significatif.

M. François Loncle – Je souhaite savoir pourquoi, pour la troisième année consécutive, l’engagement solennel qu’avait pris le Président Chirac en faveur du PNUD n’est pas tenu. En effet, nous ne sommes aujourd’hui qu’au onzième rang mondial pour la contribution à ce programme.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État  J’ai indiqué tout à l’heure que le contexte budgétaire nous obligeait à marquer une pause. Entre 2004 et 2007, les crédits sont passés de 16 à 27,5 millions d’euros, mais il est vrai qu’ils stagnent désormais. Nous considérons qu’il est prioritaire de nous remettre en situation de tenir l’ensemble de nos engagements et nous nous battrons en particulier en faveur d’une contribution suffisante au PNUD, qui doit retrouver toute sa place au sein des instances onusiennes.

M. le président de la commission des finances – Messieurs les ministres, je vous remercie.

La séance est levée à 11 heures 10.

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