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(Application de l’article 117 du règlement)
(La réunion de la commission élargie commence à neuf heures vingt.)
M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Mes chers collègues, avec M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, j’ai le plaisir d’accueillir M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, compétent sur l’ensemble des sujets abordés ce matin, comme sur beaucoup d’autres.
Les cinq rapporteurs spéciaux, M. Thierry Carcenac sur les crédits « Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local » et « Facilitation et sécurisation des échanges », M. Pierre-Alain Muet sur les crédits « Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État » et « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières », M. Georges Tron sur les crédits « Fonction publique », M. Michel Vergnier sur les crédits « Régimes sociaux et de retraite » et « Pensions », M. Yves Deniaud sur les crédits « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » et « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », ainsi que M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis sur les crédits « Fonction publique », commenceront par formuler leurs questions majeures, et il leur sera naturellement loisible d’intervenir à nouveau dans le débat quand ils le souhaiteront. Après les réponses de M. le ministre à cette première série de questions, les porte-parole des groupes puis les députés le souhaitant poseront à leur tour leurs questions.
Je rappelle que les deux commissions permanentes se réuniront aussitôt après la commission élargie pour examiner les crédits des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », « Régimes sociaux et de retraite » et « Pensions » ainsi que ceux des comptes d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » et « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
J’appelle votre attention sur l’importance des enjeux et le niveau élevé des crédits que recouvrent ces missions.
M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Au regard du nombre et de la qualité des rapporteurs, je recommande que nous commencions immédiatement à les écouter.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour les programmes « Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local » et « Facilitation et sécurisation des échanges ».
M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour les programmes « Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local » et « Facilitation et sécurisation des échanges ». Messieurs les présidents des commissions, monsieur le ministre, mes chers collègues, je rapporte deux programmes sur les cinq de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », qui représentent à eux seuls 10 milliards d’euros : le programme 156, « Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local », a pour objet le calcul de l’assiette, le recouvrement et le contrôle des recettes de l’État, des collectivités territoriales et de celles versées par l’Union européenne, le paiement des dépenses publiques et la tenue des comptes publics ; le programme 302, « Facilitation et sécurisation des échanges », concerne la direction générale des douanes et droits indirects. Ces deux programmes recouvrent l’activité de vos administrations à réseau, monsieur le ministre.
S’agissant du programme 156, je constate tout d’abord que l’augmentation des crédits, qui atteint 3,2 % en autorisations d’engagement et 2,5 % en crédits de paiement, est supérieure au taux de 1,6 % en euros constants qui était annoncé par le Gouvernement.
Les dépenses de personnel représentent 80 % du programme, avec 126 689 emplois autorisés ; elles ne progressent pour leur part que de 1,6 %, ce qui correspond au taux annoncé par le Gouvernement. Ce programme contribue largement à la réduction des effectifs des agents de l’État, avec 2 394 ETPT – équivalents temps plein travaillés – en moins, essentiellement parmi les agents de catégorie C. Les contrats pluriannuels de performance de la direction générale des impôts, de la direction générale de la comptabilité publique et de la direction générale des douanes et droits indirects en sont à leur troisième génération, qui s’achève en 2008. Est-il envisagé de les poursuivre au-delà ? Les efforts en matière de personnel atteignent 5 500 emplois budgétaires pour la période 2003-2005 et 5 120 pour la période 2006-2008, soit tout de même un total de 10 600 agents en moins.
Ce programme se décline en neuf actions, sur lesquelles je ne m’étendrai pas, afin d’en venir tout de suite à mon questionnaire.
L’administration fiscale se rénove, depuis les années deux mille, pour rendre un meilleur service aux citoyens et aux entreprises à un coût moindre. Dans ce cadre, vous venez d’annoncer, monsieur le ministre, la fusion globale entre la direction générale des impôts et la direction générale de la comptabilité publique, la DGI et la DGCP, qui étaient déjà en phase de rapprochement, avec la préparation de la mise en place des hôtels des finances. Pourriez-vous nous préciser pourquoi la fusion globale a été préférée à la poursuite du rapprochement ? Des études d’impact ont-elles été menées ? Comment envisagez-vous cette fusion, alors que l’informatique a pris du retard – le programme Copernic, notamment, a été recalé en 2006 – et qu’il existe des écarts de rémunération importants entre les deux réseaux ? Quelles retombées attendez-vous en matière d’efficacité du personnel, alors que les contrats pluriannuels de performance, je le répète, s’achèvent en 2008 ? Parallèlement, vous avez poursuivi la fermeture de trésoreries, notamment de celles comptant moins de trois agents. Quelles sont les perspectives en la matière, notamment du point de vue de la présence sur le territoire ?
Je passe du titre II au titre III, pour lequel les moyens demandés augmentent.
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ? La sous-action 9-2, « Soutien autre que Copernic », voit croître ses autorisations d’engagement de plus de 14 % et ses crédits de paiement de plus de 10 %, ce qui grève les efforts supportés par la réduction des effectifs, puisque les contrats pluriannuels prévoyaient le non-remplacement de deux départs à la retraite sur trois. La hausse des charges de personnel étant limitée, quels sont les gains de productivité attendus et les motifs de cette augmentation ? Les réponses à notre questionnaire, de ce point de vue, ne sont pas claires.
Les programmes informatiques en cours d’installation constituent un enjeu de politique industrielle crucial pour votre ministère. Entre Copernic, Hélios et Chorus, il conviendrait de ne pas examiner les appels d’offres de maintenance de façon cloisonnée mais avec une vision plus globale. Je m’étonne que le coût du programme Copernic reste estimé à 1 milliard d’euros sur dix ans, alors qu’il a donné lieu à des dérives et que la Cour des comptes, dans un récent référé, fait état de 1,8 milliard de dépenses. Nous souhaiterions une clarification de ces crédits pour qu’ils soient justifiés au premier euro. Autant votre réponse concernant Hélios a été relativement claire, autant la situation de Copernic reste assez floue.
L’administration électronique joue évidemment un rôle important pour la réforme de l’État. Des efforts importants ont été accomplis, notamment avec les déclarations pré-remplies et le rapprochement entre la taxe d’habitation et la redevance télévision. Néanmoins, pour 2008, nous n’en sommes qu’à 7,4 millions de télédéclarants, loin de l’objectif de 10 millions. Qu’en pensez-vous ? S’agissant des entreprises, vous avez annoncé, le 10 septembre 2007, que le certificat électronique de paiement de la TVA serait délivré gratuitement. C’est une bonne chose, mais comment apprécier l’investissement que représente cette dépense, au regard des gains attendus ?
Le contrôle fiscal redevient une priorité, je ne peux que m’en réjouir. Mettre en œuvre une administration de service sans assurer un véritable contrôle fiscal conduit à la dégradation du civisme fiscal. Ce n’est pas moi qui l’affirme ; l’expérience a été faite aux États-Unis, où l’administration des impôts l’a observé. À travers plusieurs mesures, vous souhaitez faire en sorte que les particuliers paient plus facilement et plus rapidement leurs amendes. Toutefois, s’agissant des entreprises, j’ai noté que l’administration de service conduit à une restitution très rapide de sommes relativement importantes de TVA : quelque 17 milliards d’euros pour 16 400 demandes de grande entreprises. Je souhaiterais que vous alliez plus avant dans le contrôle et que vous vous focalisiez moins sur les délais. Vous avez récemment annoncé votre désignation par le Président de la République comme chef de file de la lutte contre la fraude fiscale et sociale. Dans ce cadre, vous mettez en avant une nouvelle procédure, dite « de flagrance », qui devrait permettre d’améliorer les contrôles. Pouvez-vous nous expliquer un peu mieux pourquoi cette procédure est mise en œuvre ?
Durant la législature précédente, je présentais le budget annexe des monnaies et médailles, qui disparaît. C’était prévu, mais les crédits correspondants n’apparaissent plus dans aucun document. Qu’en advient-il ?
Les crédits du programme 302, qui concerne essentiellement la direction des douanes et droits indirects, s’élèvent à 1,5 milliard en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Les dépenses en euros courants sont parfaitement stables. Plus des deux tiers du programme sont imputés au titre II. Les emplois autorisés représentent tout de même 18 092 ETPT, en diminution de 360 unités, ce qui respecte scrupuleusement les engagements du contrat pluriannuel de performance. Toutefois, là encore, ce sont les agents des catégories C qui contribuent à la réduction des effectifs, même si des promotions sont prévues à leur intention.
Ce programme comporte six actions, que je ne détaillerai pas non plus. Je poserai en revanche trois questions.
La réforme des services des opérations commerciales, les OP/CO, vise à ramener de 250 à 120 ou 130 le nombre de bureaux des douanes de province, et vous avez indiqué qu’il était envisagé de n’en conserver qu’un par département. Comment justifiez-vous l’ampleur de l’allégement ? Est-il compatible avec la nécessité de maintenir un taux de contrôle satisfaisant ?
La lutte contre la grande fraude englobe la contrefaçon, les stupéfiants, les trafics d’alcool et de cigarettes, les manquements à l’obligation déclarative de capitaux mais je n’évoquerai que la fraude en matière de commerce Internet, qui requiert de nombreuses actions. Vous avez créé un service spécialisé de veille sur Internet : la CRAIDO, la cellule de recueil et d’analyse de l’Internet douanes. Il serait bon que vous précisiez les actions que vous entendez mener pour lutter contre la fraude en matière de commerce électronique.
S’agissant de l’informatique de la direction générale des douanes et droits indirects, où en est la mise en œuvre du plan Delta ? Vous êtes dans une phase de reconquête du dédouanement, objectif du contrat pluriannuel 2006-2008, sachant que 17 % des marchandises entrant sur le territoire sont dédouanées dans d’autres pays de l’Union. Vous escomptez une rentrée supplémentaire annuelle de 170 millions de droits de douane. Où en est le plan Delta ? Comment se coordonnera-t-il avec Douanes 2013, plan très important qui représente 323 millions d’euros, dont un coût très élevé de 260 millions d’euros consacrés à l’informatique ?
Enfin, en question diverse, je souhaite savoir où en est le contrat d’avenir 2008-2011 concernant les débitants de tabac, dont le coût s’élève tout de même à 355 millions d’euros pour 2008. Où en est l’équipement informatique des bureaux de tabac, qui permettrait d’enregistrer directement le règlement des amendes ? Les débitants de tabac organisent une grande manifestation ce 21 novembre. En effet, au-delà du contrat d’avenir, la remise en cause du monopole des jeux les inquiète. Nous attendons donc quelques explications.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour les programmes « Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État » et « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières ».
M. Pierre-Alain Muet, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour les programmes « Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État » et « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières ». J’ai en effet examiné deux programmes : le 221, « Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État », et le 218, « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières ».
Le premier, de taille modeste d’un point de vue budgétaire, recouvre des enjeux majeurs : la réforme de l’État et la préparation budgétaire. La forte augmentation de ses crédits résulte pour l’essentiel de la construction du système d’information financière Chorus, j’aurai l’occasion d’y revenir. Chorus a été modifié par le départ de la direction générale du trésor et de la politique économique, à la suite du découpage de Bercy en deux ministères ; cette nouvelle organisation, d’une certaine manière, lui a conféré davantage de cohérence puisqu’il est dorénavant centré sur la réforme de l’État et la politique budgétaire. Cela est cependant contraire à l’esprit de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, dont la logique veut que les missions et les programmes ne soient pas modifiés au gré des restructurations ministérielles.
Je ne dirai que quelques mots du programme 218, qui concerne les fonctions de support et d’appui du ministère de l’économie, des finances et de l’emploi, c’est-à-dire le secrétariat général et la direction des personnels et de l’adaptation de l’environnement professionnel, l’ex-DPMA. Il connaît également une forte augmentation – 1 milliard d’euros d’autorisations d’engagement, contre 852 millions l’année précédente –, qui semble provenir essentiellement de la progression impressionnante des dépenses de loyers. Bercy n’a-t-il aucune capacité de renégociation des baux lorsque ceux-ci arrivent à échéance ?
Je concentrerai mon intervention et mes questions sur le premier programme, « Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État ».
Son cœur de mission étant la performance du secteur public et son périmètre couvrant la direction du budget et la direction générale de la modernisation de l’État, il est paradoxal qu’il soit l’un des rares programmes à s’exonérer partiellement d’indicateurs de performance. La Cour des comptes s’en est aussi étonnée. Je suggère, dans le rapport, que soient étudiés des indicateurs de qualité des prévisions d’évolution des recettes – je sais bien qu’il manque la partie macroéconomique, mais la qualité des prévisions peut être conditionnée à la qualité des prévisions macroéconomiques, la Cour des comptes a développé des travaux intéressants dans ce domaine – et, du côté des dépenses, des indicateurs de respect de la norme de dépenses de l’État, car, au fond, seule la direction du budget suit l’ensemble des dépenses. Ce serait d’ailleurs l’occasion de présenter plusieurs concepts de normes de dépenses publiques.
Si la norme de dépenses prévue dans le rapport de 2006, au sens étroit du terme, a été respectée – son augmentation est de 1,9 % en valeur pour une inflation de 1,8 %, soit du zéro volume –, lorsqu’on retient un concept plus large, intégrant par exemple les dépenses financées par des taxes affectées ou par les remboursements et dégrèvement, la progression est très différente : la Cour des comptes souligne qu’elle peut atteindre 6 % en valeur. Bref, monsieur le ministre, je trouverais intéressant que ce programme soit lié à la norme de dépenses et que nous en profitions pour mener une réflexion plus approfondie sur la norme de dépenses publique, mais je touche à un domaine qui intéresse le rapporteur général.
Grâce au déploiement du projet Chorus d’ici à 2010, tous les services de l’État devraient disposer d’outils informatiques permettant de tirer pleinement partie des potentialités de la LOLF en termes de gestion. Compte tenu du poids budgétaire considérable de Chorus et surtout des échecs enregistrés par les projets précédents, en particulier Accord et Accord 2, il serait utile, je crois, d’élaborer un indicateur supplémentaire, relatif à son état d’avancement.
La modernisation de l’État a connu quatre générations d’outils depuis dix ans ; on peut s’interroger sur leur articulation dans le temps et plus encore sur leurs débouchés. Comment le suivi des travaux effectués dans le cadre des stratégies ministérielles de réforme est-il assuré ? Je reviens un peu en arrière, mais je crois me souvenir, monsieur le ministre, que vous y étiez attaché. (Sourires.) Que deviendront les audits de modernisation ?
Au vu du bilan des quatre générations d’outils de modernisation, on se dit que l’écart entre les dispositifs d’audit et les suites qui leur sont accordées, en France, est considérable. Les collaborateurs de votre ministère qui ont participé à ces audits doivent s’interroger sur ce qu’il en est résulté pour les finances publiques, d’où le souhait que j’émets dans le rapport : la publication d’un tableau des suites données aux audits de modernisation, ce qui contribuerait à concrétiser la LOLF.
Comment s’articulent la modernisation de l’État et l’évaluation des politiques publiques ? Je sais que cette dernière relève d’un autre membre du Gouvernement et que le conseil d’évaluation ne se réunit plus, mais il me semble qu’il existe un lien entre les deux. Par ailleurs, les projets de loi devraient tous être accompagnés d’études d’impact, ce qui est malheureusement rare.
Revenons-en à la modernisation de l’État.
En France, le remplacement d’un dispositif par un autre a conduit à ce paradoxe que beaucoup de temps a été consacré aux audits et très peu à la mise en œuvre de leurs conclusions. Cela risque d’être encore le cas pour la révision générale des politiques publiques, la RGPP, lancée par le Gouvernement en juin dernier. Si elle emprunte son appellation, sa démarche et sa terminologie à l’une des réformes de l’État les plus ambitieuses et audacieuses qui ait été conduite, l’examen des programmes de l’État fédéral canadien, en 1994, j’ai tendance à craindre qu’il ne s’agisse d’une sorte de Canada Dry : elle aurait le goût et la couleur de la réforme canadienne mais pas tout à fait son contenu.
Lors de votre audition devant la commission des finances, je vous ai écouté attentivement : à propos de la modernisation de l’État, vous avez érigé en préalable la norme du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. La révision générale des politiques publiques devrait pourtant être menée sans a priori, avec l’objectif d’étudier chacun des programmes et de s’interroger sur sa pertinence et sur les économies potentielles. Au Canada, des différences considérables ont d’ailleurs été faites par ministère et par secteur : certains – peu – ont vu leurs effectifs augmenter, beaucoup ont vu leurs effectifs réduire, mais le Gouvernement n’a pas appliqué de norme générale.
Je terminerai en rendant hommage à la qualité du travail des fonctionnaires de votre ministère. La fonction publique française est remarquablement formée et performante ; beaucoup de pays nous l’envient. Autant je suis partisan d’une gestion rigoureuse des finances publiques – le travail que nous faisons en ce sens est important –, autant je trouve absurde de n’avoir pour seul objectif fort que le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. C’est inefficace car cela évite de se poser les vraies questions et risque d’empêcher la révision générale des politiques publiques de remplir vraiment son rôle. En outre, c’est un peu choquant pour les fonctionnaires de notre pays, profondément investis dans leur métier et animés par un sens profond de leur mission et du service public.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour le programme « Fonction publique ».
M. Georges Tron, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour le programme « Fonction publique ». Comme je l’avais signalé les années précédentes, en particulier l’année dernière, en termes de nomenclature, la commission des finances avait souhaité que les crédits de personnel de la DGAFP, la direction générale de l’administration et de la fonction publique, soient rattachés au programme 148, « Fonction publique », afin que le pilotage de la fonction publique fasse l’objet d’une action en son sein. Cette demande n’ayant pas été suivie d’effets, il me semble cohérent de la maintenir : un amendement sera déposé en ce sens.
Une autre préoccupation exprimée l’année dernière est restée lettre morte. Nous avions en effet demandé que l’École nationale d’administration se montre exemplaire en matière de maîtrise des dépenses publiques. Or nous constatons que les effectifs des promotions de l’ENA diminuent et que la convention d’objectifs et de gestion qui devait être signée pour mieux gérer son budget ne l’a toujours pas été. Je reviens volontiers sur ce sujet car nous notons par ailleurs dans ce budget une nouvelle demande d’augmentation de la subvention de l’École nationale d’administration, alors que des ponctions récurrentes sont opérées sur le produit de la vente de l’immeuble de la rue de l’Université : 12,1 millions d’euros en juillet puis 2,4 millions d’euros en novembre.
Je rends hommage à la qualité de la formation dispensée à l’ENA, mais elle fait à nouveau l’objet d’une interrogation de notre part, compte tenu du rôle qui devrait lui être dévolu. Un amendement tendant à supprimer 1 million d’euros de crédits sera également déposé pour manifester notre volonté que l’ENA rentre dans les normes que nous souhaitons voir appliquer.
Pour revenir au budget proprement dit, le Gouvernement se donne les moyens d’honorer les engagements pris les années précédentes vis-à-vis des syndicats.
En matière de formation, les crédits aux IRA, les instituts régionaux d’administration, augmentent de plus de 6 millions d’euros et ceux à la formation continue ministérielle bénéficient de 2 millions d’euros supplémentaires, avec un effort particulier en faveur de l’allocation pour la diversité dans la fonction publique, qui s’adresse notamment aux fonctionnaires des quartiers défavorisés. Cela nous semble aller dans la bonne direction.
Deuxièmement, le cadre juridique de la protection sociale complémentaire des fonctionnaires est renforcé. C’est positif car vous savez qu’un arrêt du Conseil d’État et une directive européenne interdisent les interventions financières directes de l’État en faveur des ministères.
En troisième lieu, et c’est peut-être le plus important, l’enveloppe de l’action sociale interministérielle proprement dite augmente de 31 % avec la montée en charge du chèque emploi service universel pour la garde des jeunes enfants et son extension aux enfants de trois à six ans, ainsi que l’extension des aides à l’installation des personnels et des prêts mobilité, qui correspondent à des besoins réels et satisfont des demandes récurrentes des agents, l’effort se concentrant sur les plus grandes régions : l’Île-de-France, la Provence-Alpes-Côte-d’Azur et le Nord-Pas-de-Calais.
En guise de transition, j’indique que le budget de l’action sociale interministérielle au sens large du terme, qui est de l’ordre de 224 millions d’euros, prend en considération le souhait d’individualisation des prestations, aspiration nouvelle des fonctionnaires, dont la mentalité évolue. La logique collective s’éloigne : ils ne désirent plus des restaurants universitaires mais des chèques restaurant. Il est très positif que le budget tienne compte de cette évolution.
Cela dit, les fonctionnaires n’exprimant plus les mêmes besoins, l’État se doit à l’évidence de redéfinir sa stratégie en matière de fonction publique. À ce titre, je fais partie de ceux qui considèrent qu’il est utile de s’interroger de la façon la plus ouverte sur la politique des effectifs, évoquée par l’orateur précédent. Dans le budget 2008, le rapport décrit 22 791 suppressions, mais il ne s’agit pas seulement de suppressions nettes, certaines étant liées à des non-remplacements ou à des opérations de décentralisation.
Ces mesures s’inscrivent incontestablement dans une politique de maîtrise de la dépense publique. Les économies obtenues grâce aux 155 000 non-remplacements prévus sur cinq ans sont estimées à quelque 4,5 milliards d’euros ; nul besoin d’en dire davantage.
J’insisterai en revanche sur quelques points.
Intervenant après M. Muet, je ne prétends pas lui répondre, mais j’exposerai une vision un peu différente des choses.
La politique de non-remplacement correspond à des efforts divers, mais évidemment modulés en fonction des priorités de l’État : certains ministères vont au-delà du non-remplacement d’un fonctionnaire sur trois, en particulier ceux de l’agriculture, de l’économie et de la défense ; d’autres voient au contraire leurs effectifs augmenter ou légèrement progresser, comme ceux du logement, de la ville et de la justice. Le souci est donc de ne pas appliquer une norme brutalement, mais de tenir compte des priorités et des besoins ; je ne peux pour ma part que m’en réjouir.
Cette démarche n’intervient pas brutalement, comme un couperet. Elle s’inscrit dans la logique tracée par les gouvernements précédents et résulte des contrats pluriannuels de performance, opérations d’audit parfois conçues en plusieurs vagues, conduites dans plusieurs ministères, dont le vôtre et celui de l’économie, mais aussi ceux de l’écologie ou des affaires étrangères. Elle entre aussi dans le cadre de l’opération plus globale de révision générale des politiques publiques, menée sous la direction du secrétaire général de l’Élysée et du directeur de cabinet du Premier ministre.
Certes, les dépenses de personnel du titre II progressent, en dépit du contexte de réduction des effectifs. On voit bien la connexion avec la question du pouvoir d’achat, mais je voudrais surtout suggérer de suivre attentivement les cotisations et contributions sociales, qui progressent de 2 milliards d’euros dans ce budget, étant entendu que, sur la durée de la législature, une hausse annuelle de 4 % des pensions est prévue. Par conséquent, les marges de manœuvre du Gouvernement se réduisent, surtout avec l’allongement de la durée de versement des pensions.
J’attire enfin tout particulièrement votre attention sur une autre question soulevée les années précédentes et qui reste extrêmement préoccupante : celle des opérateurs d’État. Yves Deniaud rapportera dans un instant sur la politique immobilière, mais j’ai l’honneur de présider le Conseil de l’immobilier de l’État et j’ai déjà eu plusieurs fois l’occasion de faire remarquer que les opérateurs sont de véritables sources de cantonnement pour l’immobilier, de même, d’ailleurs, que pour le personnel. Le nombre d’opérateurs recensés en projet de loi de finances est tombé de 798 l’an dernier à 649 cette année. Je note que ces opérateurs, malgré la politique de réduction globale des effectifs suivie par l’État, bénéficient d’une augmentation de 2 547 ETPT, dont 209 liés à la création de nouvelles structures. Ne serait-il pas opportun de veiller à ce que les opérateurs soient soumis aux mêmes règles que l’État, en matière d’effectifs comme de gestion immobilière ? Je poserai d’autres questions sur ce sujet dans un instant.
La politique du pouvoir d’achat est également soucieuse du respect des priorités et des besoins. Il convient à mon sens de suivre deux pistes, que j’expose dans le rapport.
Premièrement, il faut clarifier la notion de pouvoir d’achat des fonctionnaires. Il est aujourd’hui difficile, incontestablement, de savoir de quoi il s’agit. Tous les débats se fondent sur l’augmentation de la valeur du point stricto sensu alors que l’avancement, les promotions, le régime indemnitaire, les rémunérations accessoires, l’intéressement collectif et individuel, les heures supplémentaires et l’action sociale élargissent beaucoup le périmètre des éléments à prendre en compte pour évaluer le pouvoir d’achat.
Nous proposons donc dans le rapport d’harmoniser l’estimation de l’augmentation du pouvoir d’achat et surtout de simplifier la feuille de paie. Je suggère à cet égard de disjoindre le « V » et le « T » du GVT, le glissement vieillesse technicité : le « V » pour les mesures automatiques et le « T » pour les choix discrétionnaires. J’ajoute que ce budget respecte les engagements pris par le Président de la République en matière d’intéressement des fonctionnaires aux économies réalisées grâce à la baisse des effectifs. En 2008, 450 millions d’euros d’économies ayant été réalisées pour 22 800 postes non remplacés, 225 millions d’euros environ s’ajouteront aux mesures catégorielles préexistantes.
Deuxièmement, la poursuite de la tendance naturelle vers l’assouplissement de la gestion de la fonction publique est sans doute plus importante encore. Je défends depuis longtemps l’idée de la déconnection de la fixation du point pour les trois fonctions publiques. Je comprends parfaitement qu’elle puisse susciter ici ou là des craintes ou des interrogations, mais je suis absolument convaincu que le système actuel empêche de procéder aux efforts nécessaires pour l’une ou l’autre des fonctions publiques, et je pense en particulier à la fonction publique hospitalière. Je ne dis pas que cette réforme pourrait être mise en œuvre rapidement, mais il faudra un jour y réfléchir. Et puis je prône une plus grande individualisation des rémunérations et des carrières, avec l’extension de la rémunération au mérite, appréciée en fonction de la performance individuelle mais aussi de la qualité du travail collectif du service. Cette rémunération serait intégrée dans l’évaluation globale du pouvoir d’achat.
En conclusion, je poserai quelques questions.
Je ne reviendrai pas sur l’amendement tendant à rebaser les crédits de la DGAFP dans la nomenclature budgétaire.
Que penseriez-vous de l’instauration d’une véritable négociation salariale avec les organisations professionnelles sur les rémunérations et le pouvoir d’achat, avec un rendez-vous annuel et une méthodologie partagée, tenant compte de l’ensemble des éléments que je viens d’énumérer ? Que penseriez-vous en particulier d’une distinction entre le « G » et le « T » du GVT ? Que penseriez-vous d’une structure à trois niveaux pour la rémunération des fonctionnaires, en fonction de l’évolution du point d’indice et des facteurs automatiques, du métier et du grade, et des critères individuels comme le mérite personnel et collectif ou les heures supplémentaires ?
Depuis de nombreuses années, nous nous interrogeons et je m’interroge à propos des opérateurs. Ne serait-il pas temps de leur faire appliquer le plus rigoureusement possible les comportements imposés aux ministères ? Cela mettrait un terme à une situation incohérente : les effectifs des opérateurs augmentent simultanément à la diminution de ceux des ministères.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour les missions « Régimes sociaux et de retraite » et « Pensions ».
M. Michel Vergnier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour les missions « Régimes sociaux et de retraite » et « Pensions ». Le rapport que je présente sur certains régimes spéciaux de retraite et les pensions des fonctionnaires porte sur quelque 53 milliards d’euros, faisant partie des 285,17 milliards de charges nettes du budget de l’État, soit près de 19 % de cet agrégat. Eu égard à un montant aussi considérable, ce rapport mérite une attention très particulière, surtout à une époque où nous entendons tant parler de régimes spéciaux et de négociation.
La loi, je le rappelle, a fixé au 10 octobre la date ultime de transmission des réponses aux questionnaires budgétaires. Or j’ai constaté qu’à cette échéance la quasi-totalité des réponses m’étaient parvenues, hormis près de la moitié de celles portant sur le compte d’affectation spéciale « Pensions ». Cette situation regrettable peut être mise au compte de la période de rodage propre à tout cabinet ministériel, pendant laquelle la compréhension du Parlement est encore approximative ; j’espère cependant que cela ne se reproduira pas l’an prochain, car il ne sera sans doute plus possible de faire preuve de la même indulgence.
Ma principale observation porte sur le compte d’affectation spéciale « Pensions ».
En 2008, les recettes de retenues pour pensions ou cotisations salariales devraient diminuer de 2,75 %, pour une raison facile à trouver, la baisse des effectifs des fonctionnaires civils, mais aussi à cause du faible dynamisme des rémunérations brutes constituant l’assiette des cotisations. C’est une première intéressante. Une telle situation met en évidence la réalité de la politique gouvernementale vis-à-vis des agents publics, au-delà de la rhétorique entendue sur la rémunération au mérite.
Je vous poserai des questions brèves et précises, auxquelles j’espère que vous pourrez répondre.
Premièrement, la contribution d’équilibre de l’État à la caisse de retraite autonome de la SNCF devrait atteindre 2 923 millions d’euros en 2008. La dette de l’État a augmenté pour atteindre 215 millions d’euros au 31 décembre 2006 et n’a pas diminué en 2007. Quand et comment sera-t-elle apurée ?
Deuxièmement, depuis la création d’une caisse autonome à la RATP, le 1er janvier 2006, il est prévu de l’adosser au régime de droit commun. Cet adossement n’a toujours pas été opéré, mais les dotations budgétaires pour 2007 et 2008 ont été minorées en intégrant la prise en compte des prestations de base par les régimes de droit commun. Il en résulte automatiquement une insuffisance de crédits. La subvention de l’État, initialement fixée à 354 millions d’euros en loi de finances initiales pour 2007, a dû être abondée de 60 millions d’euros par décret d’avance et la dotation prévue pour 2008 s’élève à 390 millions d’euros alors que la commission des comptes de la sécurité sociale fait état d’un besoin de financement de 451 millions d’euros. Comment résoudre ce problème flagrant d’insuffisance de crédits ?
Troisièmement, la subvention prévue par l’État en 2008 pour le régime de retraite des Mines suppose la réalisation de 170 millions d’euros de produits de cessions. Cette perspective est-elle crédible ?
Quatrièmement, la réforme logique intervenue il y a un an, consistant à ne plus faire peser sur La Poste que des charges sociales d’équité concurrentielle avec les entreprises du même secteur, fait l’objet de modalités d’application qui maintiennent des contributions importantes de La Poste au budget de l’État, via l’Établissement public national de financement des retraites de La Poste, l’EPNFRLP. Quels versements seront effectivement opérés en 2007 et 2008 sur le compte d’affectation spéciale à partir des 2 milliards de contribution exceptionnelle versés par La Poste à l’établissement public ?
Cinquièmement, pour 2008, l’équilibre du régime de l’Établissement national des invalides de la marine, l’ENIM, est incertain ; l’actualité vient de remettre cette question en évidence. À une annulation de crédits de 35 millions d’euros par le décret du 25 octobre 2007, pourrait s’ajouter la perspective d’une nouvelle annulation de 30 millions d’euros dans le cadre de la loi de finances rectificative de fin d’année. De ce fait, la trésorerie de l’ENIM serait ramenée de 71 millions à 35 millions d’euros. Par ailleurs, tout le monde l’a entendu, le Président de la République vient d’annoncer, le 6 novembre 2007, au Guilvinec, une mesure d’exonération des contributions patronales et des cotisations salariales à la pêche qui pourrait coûter approximativement 50 millions d’euros pour les six mois prévus. Ce coût serait évidemment plus élevé si la mesure était prorogée, comme cela a été annoncé, ou plutôt comme j’ai cru le comprendre. Une subvention d’équilibre devrait être trouvée. Comment comptez-vous vous y prendre, monsieur le ministre, pour assurer l’équilibre de l’ENIM ?
Les questions soulevées par ce rapport technique seront sans doute utiles, dans les semaines et les mois à venir, pour ceux qui sont en charge des discussions sur les régimes spéciaux. Je vous renvoie aux pourcentages que j’ai indiqués au début de mon intervention.
Au vu des réponses qui seront apportées, auxquelles nous serons tous très attentifs, il appartiendra à chacun d’entre nous de se déterminer.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » et le compte de concours financier « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
M. Yves Deniaud, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » et le compte de concours financier « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ». Le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » n’en est qu’à sa troisième année d’existence. Il a été créé sur recommandation de la MEC, la mission d’évaluation et de contrôle, dans le cadre de travaux présidés par l’excellent Georges Tron.
M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Excellent, je confirme !
M. Yves Deniaud, rapporteur spécial. Ce compte a été conçu pour être l’instrument budgétaire de la nouvelle politique immobilière de l’État. Il établit une plus grande transparence des cessions et du réemploi des fonds. En outre, il incite les ministères à céder leur patrimoine immobilier vacant ou sous-utilisé en prévoyant un mécanisme incitatif, avec le retour de 85 % du produit des ventes, voire leur intégralité pour les opérations inférieures à 2 millions d’euros ainsi que pour les autres, sous réserve de l’accord du ministre.
Force est de constater que le rapport annuel de performance de ce compte pour 2006 et le projet annuel de performance pour 2008 contiennent assez peu d’informations : nous ne disposons pas du bilan en recettes et en dépenses des quinze budgets opérationnels de programme ; tous les ministères maintiennent une grande partie de leurs dépenses immobilières hors du compte d’affectation spéciale, dans les crédits de leurs missions ; la comptabilité d’analyse des coûts ne comporte pas de schéma de déversement dans les différentes missions des dépenses imputées sur le compte d’affectation spéciale ; le compte d’affectation spéciale ne contient qu’un dispositif de mesure de la performance limité alors qu’il conviendrait de présenter des indicateurs de performance immobilière des différents ministères comme le coût par agent, la surface par agent ou la qualité environnementale.
Pour 2008, des cessions sont prévues à hauteur de 600 millions d’euros. On est déjà sûr que l’objectif de 2007, fixé à 500 millions, sera largement dépassé avec la cession du Centre de conférences internationales de l’avenue Kléber, à Paris, qui a rapporté 404 millions, ainsi que celle de l’ancien immeuble du ministère de la coopération de la rue Monsieur, qui devrait rapporter bien davantage que les 142 millions d’euros espérés. Les réponses ont été dépouillées fin septembre, si je ne m’abuse. Peut-être pourrez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, le résultat que nous pouvons attendre, car la vente sera définitivement conclue courant novembre.
La valeur du parc immobilier de l’État hors opérateurs – Georges Tron vient d’en parler et j’y reviendrai –, telle qu’estimée dans le bilan au 1er janvier 2007, s’établit à 44,3 milliards d’euros, contre 37,9 milliards en 2005, soit une hausse de 14 %. Cette estimation semble toutefois inférieure à la réalité, le recensement n’étant sûrement pas exhaustif. Cependant, à périmètre constant entre 2005 et 2006, j’estime que la valeur du parc est stable, les cessions compensant l’augmentation du nombre d’immeubles évalués – même si, je le répète, ils ne le sont pas encore tous – et la hausse globale de l’immobilier.
Des efforts ont été consentis à la suite des travaux de la MEC et la transformation de France Domaine a permis d’améliorer grandement la connaissance du patrimoine immobilier de l’État. Ce nouvel instrument n’a que deux ans d’activité et nous ne sommes qu’au début de la démarche, car nous partions de très bas. Deux exemples récents montrent que beaucoup de chemin reste à parcourir et illustrent certains dysfonctionnements dans la gestion immobilière de l’État. J’ai été amené à effectuer deux missions sur pièces et sur place très médiatisées à propos de ces affaires.
La première opération porte sur l’ancien immeuble de l’Imprimerie nationale, rue de la Convention, à Paris, cédé pour 85 millions d’euros hors taxes puis racheté pour 325 millions hors taxes par le ministère des affaires étrangères. Après réalisation de travaux dont le montant ne peut qu’être estimé – le groupe qui a acheté et restauré les locaux n’en communique pas le montant exact, je reviendrai sur les raisons de cette crispation –, sur les dix-huit mois du portage financier, la plus-value réalisée peut être évaluée à 130 millions d’euros.
L’Imprimerie nationale a vendu précipitamment et sans professionnalisme. En 2003, il faut le préciser, elle était dans une situation catastrophique et il y avait urgence à récupérer de l’argent. Une autre offre s’élevait à 95 millions, montant considéré par la Cour des comptes et par l’inspection générale des finances comme correspondant au bon prix ; cela dit, il nous a été opposé que la somme de 85 millions entrait dans la marge de plus ou moins 10 % à l’intérieur de laquelle une opération immobilière ne peut être considérée comme anormale.
En revanche, la cession était assortie d’une clause léonine de complément de prix en cas de hausse du marché, tout à fait contraire aux règles habituelles de la profession, puisqu’elle profitait pour 65 % à l’acheteur et pour 35 % seulement au vendeur. Autre anomalie, le délai de paiement de trente et un mois entre la promesse et l’acte authentique – le règlement n’a été effectué que début 2006 pour 68 millions d’euros et en juillet 2007 pour les 17 millions restants – a généré un coût de portage bancaire de l’ordre de 5 millions d’euros. Au passage, une opération administrative, la modification du PLU, le plan local d’urbanisme, a permis au groupe Carlyle – ou plutôt à CEREP Imprimerie, société de droit luxembourgeois créée par Carlyle, le choix de la nationalité a son importance, j’y reviendrai – de transformer 10 000 mètres carrés de surfaces industrielles en surfaces de bureau, pour un coût nul.
L’État a ensuite racheté le bâtiment au profit du ministère des affaires étrangères pour 325 millions d’euros hors taxe – l’État encaisse bien entendu la TVA – alors que France Domaine ne l’avait estimé qu’à 300 millions hors taxe. Là encore, nous sommes donc dans la fourchette admissible de plus ou moins 10 %. Il est vrai que les prix du marché de l’immobilier de bureau ont doublé entre mars 2003 et juin 2007. De surcroît, des travaux de rénovation ont été effectués par l’acheteur, mais pourquoi l’État ne s’est-il pas chargé lui-même de cette opération de portage ? En 2003, le ministère des affaires étrangères n’avait pas encore décidé de regrouper ses services. Quand ce choix a été fait, il a d’abord prospecté en proche banlieue, notamment à Issy-les-Moulineaux et La Défense, pour un coût d’acquisition de quelque 200 millions d’euros.
Je rappelle que le ministère des affaires étrangères va réduire le nombre de ses implantations de neuf à trois : les archives à La Courneuve, le Quai-d’Orsay et le nouvel immeuble de la rue de la Convention. Celui-ci est situé non loin de la Seine, ce qui offrira un accès routier direct avec le Quai-d’Orsay en quelques minutes. On peut toutefois s’interroger sur la nécessité d’implanter des services administratifs dans un quartier central de Paris. Le regroupement des services centraux du ministère des affaires étrangères n’est pas en cause ; c’est même une excellente idée, mais l’immeuble de la rue de la Convention ne comporte pas de centre de conférences internationales apte à héberger, par exemple, un Conseil de l’Union européenne à vingt-sept, et le Quai-d’Orsay non plus. Il n’est pas classé « haute qualité environnementale » à cause de sa verrière centrale.
Pour conclure sur cette affaire, je veux soulever deux problèmes.
D’abord, l’État aurait-il pu rénover lui-même l’immeuble de l’Imprimerie nationale pour le transformer en bureaux, comme l’a fait CEREP Imprimerie ? Les hauts fonctionnaires compétents que j’ai interrogés m’ont donné une réponse unanime et ferme : non ! L’État ne peut pas et ne sait pas mener une telle opération dans ces délais et pour ce prix ; s’il s’était lancé, il en aurait eu pour vingt ans. Quel formidable aveu d’impuissance ! Les mécanismes administratifs des marchés publics – cet empilage de structures et de contraintes que nous nous sommes données à nous-mêmes et que l’État impose aux collectivités locales – rendent l’État incapable de rénover et d’aménager son propre patrimoine.
Ensuite, compte tenu de sa nationalité, la plus-value fiscale que réalisera CEREP Imprimerie échappera à la taxation sur les plus-values, à cause d’une faille dans la convention fiscale entre la France et le Luxembourg. J’ignore le montant exact de l’évasion, mais il devrait atteindre 40 à 70 millions. La convention fiscale entre la France et le Luxembourg est en cours de révision pour rectifier cette situation ; le texte a déjà été étudié au Sénat et doit arriver devant l’Assemblée nationale avant la fin de l’année. La confirmation de cette absence de taxation des plus-values date de deux décisions de 2002 des juridictions administratives nationales, le Conseil d’État français et la Cour administrative du Grand-duché du Luxembourg. Elle est apparue au grand jour du fait de cette transaction, mais une période de cinq ans s’est écoulée et je suis incapable de vous dire combien d’opérations, publiques ou privées, ont pu ainsi échapper à la taxation sur les plus-values.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il y a un peu plus d’un an, quand il était ministre, Jean-François Copé nous avait garanti que la nouvelle convention serait signée dans les mois suivants. Or, à ma connaissance, elle ne l’est toujours pas.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. L’Assemblée ne l’a pas encore examinée.
M. Yves Deniaud, rapporteur spécial. Elle n’est encore passée que devant le Sénat. La convention en vigueur date de 1958, elle a été révisée en 1970 et la taxation des plus-values a été instaurée en 1976. Des conventions fiscales passent tous les quatre matins à l’Assemblée ; le service chargé de la surveillance de ces textes aurait pu exercer une veille beaucoup plus attentive sur celle par laquelle nous sommes liés au Luxembourg, qui n’est pas d’un usage rarissime, bien au contraire, compte tenu de l’importance de cette place financière.
La deuxième opération reflète l’étendue de nos problèmes et la complexité de notre organisation. Le 20, avenue de Ségur est encore affecté au ministère des finances alors qu’il est essentiellement occupé par les services de l’ancien ministère de l’écologie, qui va lui-même se fondre dans le MEDAD – le ministère de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables – avec les anciens services du ministère de l’équipement. Faute d’entretien, cet immeuble, construit en 1937, est dans un état très dégradé, je l’ai constaté personnellement. Ses huisseries métalliques sont totalement perméables et 11 000 mètres carrés sont inoccupés depuis plusieurs années.
Le précédent gouvernement avait pour projet d’y implanter la Maison de la francophonie, afin de regrouper en un bâtiment unique toutes les associations, tous les services consacrés à la francophonie et d’en faire la vitrine internationale de la francophonie. Une convention a été signée entre le Président de la République et le secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie : le bâtiment ferait l’objet d’une mise à disposition gratuite pendant trente ans, soit un loyer budgétaire total de 252 millions d’euros. Je crois qu’une mission menée par un inspecteur général des finances, un membre du conseil général des Ponts-et-chaussées et une inspectrice générale du ministère des affaires étrangères est en cours, mais cette convention me semble devoir être renégociée.
Le coût des travaux est estimé à 85 millions d’euros, y compris la remise aux normes « haute qualité environnementale », et je suis à peu près convaincu qu’il irait bien au-delà. Un coût additionnel d’au moins 40 millions d’euros s’imposerait pour reloger les services de l’écologie pendant les trois années de travaux. Le ministère de l’équipement prévoyait déjà de regrouper ses services dans un immeuble à construire à La Défense. Puisqu’il a fusionné avec le ministère de l’écologie, il faudrait revoir le projet afin d’intégrer tout cet ensemble, qui représente plus de 7 000 agents, soit un besoin de quelque 100 000 mètres carrés de bureau. Le regroupement des services de la francophonie est donc une excellente idée, mais il faut trouver une autre localisation.
Il aurait pu être envisagé, par exemple, de loger la Maison de la francophonie rue Monsieur, dans les anciens locaux du ministère de la coopération. Au regard, d’une part, du coût de la rénovation de l’immeuble de l’avenue de Ségur et des loyers complémentaires à payer pour le ministère de l’écologie, et, d’autre part, du produit attendu de la cession de l’immeuble de la rue Monsieur, n’aurait-il pas mieux valu utiliser ce dernier et abandonner l’autre opération ?
Ces observations m’amènent à une conclusion plus générale sur notre politique immobilière.
Deux ans après le rapport de la MEC et la création de France Domaine, il convient de s’interroger. Les règles de fonctionnement du compte d’affectation spéciale ont changé mais des effets pervers sont déjà avérés. Ces trois affaires – j’ajoute en effet celle de la rue Monsieur, qui concerne le ministère des affaires étrangères – illustrent l’égoïsme ministériel. Il n’existe pas de gestionnaire maîtrisant l’ensemble du patrimoine immobilier de l’État et susceptible de mettre en adéquation, au niveau interministériel, les besoins en locaux avec les locaux disponibles.
Le nouveau ministère de l’immigration et de l’identité nationale recherche des locaux ; il pourrait s’installer n’importe où. Est-il possible de prospecter dans les autres ministères ? Non, parce que nous ne disposons pas de l’outil qui s’impose pour les deux opérations. À l’occasion de mes contrôles sur pièces et sur place, j’ai questionné par deux fois France Domaine sur l’opportunité des opérations concernées, mais on m’a répondu que ce service n’avait pas à donner son avis ! Je suis désolé, mais il faudrait parvenir à ce qu’un gestionnaire immobilier de l’État donne son avis et même à ce qu’il devienne l’interlocuteur pour toute opération immobilière, qu’il s’agisse d’une cession, d’une acquisition, d’une rénovation ou d’une construction.
Nous devrons nous pencher plus concrètement sur ce compte d’affectation spéciale. Un intéressement doit subsister, une carotte, si je puis dire, pour que les ministères de bonne volonté cèdent les immeubles dont ils n’ont plus l’usage, mais le taux de 85 % est incontestablement excessif, car il incite chacun à mener ses opérations dans son coin, en ignorant les autres. C’est ce qu’a fait le ministère des affaires étrangères cette année et c’est ce qu’ont fait d’autres ministères à d’autres époques. Encore une fois, il faut imaginer un service de l’immobilier de l’État beaucoup plus musclé que France Domaine ne l’est aujourd’hui. Des progrès énormes ont été accomplis dans la connaissance de l’immobilier de l’État et dans l’expertise des évaluations mais il convient de passer à la vitesse supérieure.
Je rejoins totalement l’analyse de Georges Tron concernant les opérateurs. Suivant les réponses à nos questions, l’estimation du nombre de leurs immeubles oscille entre 19 000 à 72 000, une fourchette extraordinairement large. Quant à la valeur de l’ensemble, elle est totalement inconnue ; pour les immeubles de l’État, j’ai déjà cité le chiffre de 44,3 milliards. La circulaire du Premier ministre de février 2007 sur la politique immobilière de l’État demandait un recensement et une évaluation des immeubles des opérateurs mais le résultat ne devrait être disponible qu’en 2009. Il convient vraiment d’accélérer ces travaux, mais l’on se heurte à la réticence des opérateurs : peu habitués à être placés sous la lumière, ils ont tendance à déployer des ombrelles, notamment ce qui concerne les logements de fonction par utilité de service ou nécessité absolue de service. Si les administrations d’État respectent déjà les règles applicables aux logements de fonction avec plus ou moins de bonheur, les opérateurs, eux, s’en s’affranchissent allègrement.
Je dirai un dernier mot, anecdotique, à propos de L’ENA, pour exprimer notre irritation permanente.
La commission des finances, sous toutes ses formes, a toujours manifesté la volonté ferme que l’immeuble de l’ENA de Paris soit vendu afin de concrétiser une fois pour toutes le transfert à Strasbourg. Cette vente s’est finalement opérée au profit d’un organisme extrêmement éloigné de l’ENA, la Fondation nationale des sciences politiques (Sourires), pour plus de 46 millions d’euros. Alors que cette opération immobilière aurait dû être emblématique du désendettement de l’État, la somme a été financée par un emprunt consolidé dans la dette publique au sens du Traité de Maastricht. La dette de l’État s’en trouve donc accrue ! D’un point de vue pédagogique, pour les jeunes hauts fonctionnaires formés à l’ENA, cet exemple de rigueur financière et de respect de la volonté de la représentation nationale est déplorable, je tenais à la souligner. (Rires.)
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Je vous ai laissé développer, mon cher collègue, mais je crois que nous aurons l’occasion de revenir sur vos observations. Nous vous remercions d’avoir conduit ces missions sur pièces et sur place.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour le programme « Fonction publique ».
M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour le programme « Fonction publique ». Après notre collègue Georges Tron, je donnerai mon sentiment sur les crédits de la fonction publique, à un moment où elle est placée sous les projecteurs de l’actualité.
Le Gouvernement a fait des annonces, parmi lesquelles plusieurs prennent corps dans le budget. Ainsi, 22 921 emplois seront supprimés dans la fonction publique en 2008. On peut en déduire que l’objectif prioritaire de la politique de gestion des ressources humaines de l’État consiste à supprimer des emplois.
Par ailleurs, dans les mesures salariales que vous avez présentées la semaine dernière, monsieur le ministre, il n’y a rien au sujet du point d’indice : vous persistez à refuser sa revalorisation, alors que la partie indiciaire représente 85,3 % de la rémunération des fonctionnaires, c’est-à-dire sa majeure partie. Vous annoncez aussi la défiscalisation des heures supplémentaires, mais tous les fonctionnaires ne sont pas à même d’en faire. Vous avez lancé un cycle de conférences sur la fonction publique qui devrait déboucher sur un Livre blanc ; j’espère qu’au bout du compte il ne virera pas au noir. Enfin, nous sommes à quelques jours d’un temps fort de l’action revendicative dans la fonction publique, puisque les organisations syndicales ont annoncé une journée de grève le 20 novembre prochain.
Ce cadre rapidement brossé, je poserai plusieurs questions.
En vertu de l’article 49 de la loi organique relative aux lois de finances, vous auriez dû répondre avant le 10 octobre au questionnaire budgétaire qui vous a été adressé. Or, à cette date, nous n’avions reçu que 65 % des réponses ; c’est un peu mieux que votre prédécesseur, mais nous n’avons posé cette fois-ci que soixante-dix-huit questions, au lieu de cent dix-huit l’an dernier. À ce jour, une vingtaine de questions restent sans réponse. Je ne peux par conséquent que vous encourager à faire mieux l’an prochain.
Mes questions s’articuleront autour des objectifs du programme « Fonction publique ».
L’objectif 1 consiste à « Promouvoir une nouvelle gestion des ressources humaines dans la fonction publique d’État ». Compte tenu du nombre de départs en retraite et des besoins de recrutement, une connaissance précise des effectifs et des missions exercées est indispensable au contrôle parlementaire et à l’information des citoyens. Il me paraît donc nécessaire d’élaborer un indicateur plus clair, permettant d’apprécier la gestion prévisionnelle des emplois et des effectifs. Qu’en pensez-vous ?
Pour vous, la recherche d’efficacité du service public est synonyme d’économie d’emplois et non de qualité du service rendu. Elle est évoquée dans votre projet budgétaire sans que soit posée au préalable la question des missions que l’État doit continuer à exercer ou doit abandonner. Sur quelle volonté de modernisation de la fonction publique le Gouvernement se fonde-t-il pour décider de la suppression de ces 22 921 postes de fonctionnaires ?
La part de l’encadrement concernée par le dispositif de rémunération à la performance, en 2007, était de 18 %. Vous proposez de la porter à 51 % en 2008 pour arriver à 100 % en 2010. N’est-il pas réducteur d’évaluer le développement de la gestion stratégique de l’encadrement supérieur à travers un indicateur purement quantitatif et aussi limité ? Le manque de pertinence de cet indicateur est à mes yeux significatif de la faiblesse actuelle du dispositif d’évaluation de la performance des agents.
La mise en place d’une véritable politique de rémunération à la performance sur le long terme suppose au moins la réunion de deux éléments préalables : que l’État employeur dispose de moyens financiers en corrélation avec ses ambitions et que soient définis des objectifs et des indicateurs de résultats accompagnés de dispositifs d’évaluation. Il me semble que l’État ne se donne pas les moyens nécessaires. Je vous demande, monsieur le ministre, de nous apporter des éclaircissements sur cette question.
La dotation de l’objectif 2, « Optimiser la formation des fonctionnaires », connaît une diminution de 28,4 %, à l’inverse des crédits de l’ENA et des IRA, déjà évoqués ce matin. N’est-il pas contradictoire de vouloir renforcer le droit individuel à la formation, le fameux DIF, et de réduire cette dotation ? Je regrette par ailleurs l’absence d’indicateurs de performance, pour l’ENA et les IRA, dans le périmètre de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ». L’adéquation entre la formation des élèves de ces écoles et les besoins en compétences devrait pouvoir faire l’objet d’enquêtes. Il faut mesurer l’efficacité des formations. Les indicateurs existants dans ce domaine, insatisfaisants, peuvent encore être améliorés.
L’objectif 3 consiste à « Optimiser la gestion des prestations d’action sociale interministérielles ». La montée en puissance du chèque emploi service universel, le CESU, paraît relativement lente : son taux de pénétration n’est que de 45 % et ne devrait atteindre que 65 % en 2010. On estime que, pour 2008, 61 % des bénéficiaires potentiels du CESU le percevront effectivement. L’estimation du coût de cette prestation à 21 millions d’euros pour 2008 sera-t-elle suffisante pour faire face à la croissance du nombre de bénéficiaires, à supposer qu’elle soit conforme aux objectifs ?
Enfin, j’ai deux questions complémentaires.
La première porte sur la possibilité, pour les collectivités publiques, d’accorder des subventions aux mutuelles de fonctionnaires. Un processus a amené le gouvernement précédent, après concertation avec la Commission européenne et le Conseil d’État, à introduire une disposition législative permettant aux personnes publiques de contribuer au financement de la protection sociale complémentaire de leurs agents. Un décret d’application a été publié pour la fonction publique d’État mais, à ma connaissance, aucune disposition réglementaire n’a encore été prise pour la fonction publique territoriale ni pour la fonction publique hospitalière. Quand pouvons-nous imaginer que les employeurs publics relevant de ce statut seront habilités à aider leurs fonctionnaires à adhérer à une mutuelle ?
Enfin, quelles sont les intentions du Gouvernement en matière salariale, pour 2008 et les années à venir ? Comment envisagez-vous le dialogue social concernant le pouvoir d’achat des fonctionnaires, qui a subi, depuis 2002, une diminution de 6 à 7 % ? Je parle bien entendu de la valeur du point car je sais par avance que vous allez m’opposer les mesures en faveur des catégories C ou celles pour les fins de grade, qui n’intéressent que 25 000 fonctionnaires d’État sur 3 millions, convenez que c’est assez peu.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le ministre pour répondre à ces questions très nombreuses, en disposant du temps qu’il jugera nécessaire.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Je remercie les rapporteurs pour leur travail très approfondi. Je vais m’efforcer de leur répondre précisément, même si leurs questions couvrent un champ très vaste.
Monsieur Carcenac, le contrat pluriannuel de performance vient à échéance en 2008. Nous pensons le renouveler car c’est un bon outil de gestion. J’ignore quel sera le contenu du contrat à venir et j’ignore s’il sera renouvelé en 2009 ou en 2010 ; je n’ai pas réponse à toutes les questions. Je vous répondrai dans un instant sur la DGI et la DGCP.
Nous sommes engagés, vous le savez, dans des discussions. L’objectif est de contractualiser ; je crois que c’est devenu une habitude à Bercy, et aussi dans d’autres ministères, mais assez peu. Cela évite de devoir renouveler chaque année des rencontres difficiles. Mieux vaut une discussion franche à un moment donné, suivie de trois ou quatre ans d’application du contrat. D’ailleurs, sur le principe du « un sur deux », souvent évoqué et parfois mis en cause dans cette assemblée, nous avons appliqué le contrat sans modification. Je sais bien que nous sommes au-dessus d’un sur deux, mais cela n’a pas posé de problème ; je le mets au crédit des organisations syndicales de Bercy.
Un nouveau contrat sera donc conclu, probablement en 2009 ou en 2010, le temps de le négocier.
J’ai annoncé la fusion globale entre la DGI et la DGCP le 4 octobre dernier. Vous connaissez parfaitement le sujet. Pourquoi une fusion globale et non pas limitée aux métiers fiscaux ? En matière organisationnelle, je ne crois pas à la vérité absolue ; l’expérience enseigne simplement les erreurs à éviter. Je n’avais donc pas d’opinion préconçue, mais mon idée était de regrouper les moyens et d’aboutir à un interlocuteur fiscal unique. Sur le terrain, souvent, cette idée avait déjà avancé, à travers les hôtels des finances. Cependant, les services que ceux-ci hébergent ne sont pas intégrés. Ils sont sous le même toit, avec une réception commune et des agents qui travaillent davantage ensemble ; c’est déjà pas mal, mais il fallait aller plus loin. Cette avancée est plébiscitée par la population, car c’est une simplification, mais aussi par les agents. Je suis intimement persuadé que les esprits étaient prêts ; en tout cas, j’ai pu le vérifier auprès des intéressés en visitant de nombreux hôtels des finances.
La fusion globale comprend la fusion fiscale. Au départ, c’est un acte de foi, mais il m’a semblé plus prometteur pour les agents de construire la fusion fiscale dans un ensemble plus vaste, car cela élargit leurs possibilités de parcours professionnel. C’est particulièrement utile dans un contexte de réduction progressive des effectifs de l’État. Cela élargit également le champ de mobilité géographique car le nombre de lieux d’implantation augmente. Cela répond à la problématique territoriale, notamment à l’enjeu du maintien des service publics en milieu rural. On peut en effet charger les trésoreries, en particulier, de tâches qu’elles n’auraient pu assumer dans le cadre d’une fusion limitée à la fiscalité.
J’ai abordé ce sujet avec la plupart des présidents ou directeurs d’association d’élus et je me suis rendu personnellement plusieurs fois sur le terrain, notamment avec le président de l’Association des maires de France. Cela s’est donc avéré plus productif pour les agents, mais aussi pour l’État. En effet, dans un ensemble plus vaste, on peut supprimer les doublons plus vite, travailler sur les fonctions support au fil du temps. En outre, d’une certaine façon, c’est plus juste. Car pourquoi faire bénéficier les agents fiscaux au sens large de l’expression – recouvrement et calcul de l’assiette – d’une mise en cohérence de leur statut et pourquoi en exclure ceux relevant de la comptabilité publique ?
La mesure n’a pas été rejetée. Les esprits ont été bien préparés. Les organisations syndicales ont dit ce qu’elles avaient à dire et je le respecte. Nous réfléchissons ensemble au sein d’une quinzaine de groupes de travail très actifs pour faire du cousu main et parvenir à fusionner 130 000 personnes travaillant dans un nombre de sites très important répartis sur le territoire. C’est en réalité une grande industrie qui intéresse tous les Français et les élus. L’objectif est de parvenir à cette fusion dès 2008 au travers de plusieurs faits : la création de la direction générale ; les changements de nom, qui ne se résument pas à un gadget mais revêtent du sens ; la constitution d’une direction unique dans les départements, dès 2008 dans certains d’entre eux puis progressivement partout.
Il ne faut pas se leurrer, plusieurs années sont nécessaires pour les grandes fusions administratives comme pour les grandes fusions d’entreprises, mais la machine est sur les rails. Au fil du temps, nous répondrons à toutes les questions, statutaires, financières, d’organisation territoriale, de rapports de pouvoir. Une grande partie des réponses seront apportées très concrètement en 2008. Je pense que la fusion sera réalisée aux trois quarts en deux ou trois ans ; nous rencontrerons des difficultés, notamment pour des raisons immobilières, mais nous irons au bout du dernier quart. L’idée est de donner définitivement vie à cette nouvelle direction générale au cours du quinquennat. Son nom reste à déterminer. J’ai proposé aux agents de faire des propositions ; si vous avez des idées, n’hésitez pas.
Les programmes informatiques, de ce point de vue, sont importants, j’y reviendrai.
Pour mesurer la progression des crédits du titre III, il faut bien regarder le périmètre. Les loyers budgétaires, dont le périmètre sera étendu, pèsent pour plus 112 millions d’euros. Cela explique la progression apparente des crédits du titre III. Sur l’ensemble de la mission, les dépenses de personnel augmentent de 120 millions d’euros si l’on compte les cotisations au CAS « Pensions », mais reculent de 60 millions d’euros en excluant ces dernières du calcul, car il y a davantage de départs en retraite.
Sur les autres dépenses, à périmètre constant, les coûts supplémentaires de 110 millions d’euros s’expliquent intégralement par l’investissement sur l’opérateur national de paie et sur Chorus – à propos duquel vous m’avez posé plusieurs questions – ainsi que par les dépenses d’action sociale interministérielle, le fonctionnement courant étant en diminution.
Le programme Copernic poursuit son chemin : 80 % de son montant total – il est considérable puisqu’il s’élève à 1,8 milliard sur la période 2001-2009 – est consommé. Il couvre pratiquement toute la comptabilité de l’État. Certaines applications ont déjà été livrées et des agents travaillent d’ores et déjà sur Copernic. Les économies dues à Copernic sont substantielles et montent progressivement en puissance.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Ont-elles été chiffrées, monsieur le ministre ?
M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Non ! Le fait que Copernic ne soit pas encore complètement entré en application complique les tâches de fusion, c’est sûr. Fallait-il reporter la fusion DGI-DGCP en attendant que l’outil informatique soit définitivement prêt ? Nous nous approchons de la fin du processus de mise en place de Copernic et le processus de fusion lui-même prendra du temps. La décision politique a été prise, les orientations techniques aussi ; nous en sommes maintenant à la mise en œuvre de la fusion. Celle-ci durera plusieurs années, au terme desquelles Copernic sera terminé.
En 2007, 8,5 millions de contribuables ont télédéclaré leurs revenus. L’objectif est de passer à 10 millions de télédéclarations en 2008. Nous avons proposé de limiter l’avantage fiscal aux primodéclarants et nous avons été suivis par l’Assemblée. En effet, après avoir télédéclaré une fois, la perte de 20 ou 25 euros de crédit d’impôt n’est pas dissuasive. Copernic contient d’ailleurs l’application de télédéclaration. Vous voyez donc que les applications et les modules complexes de ce système informatique très lourd se mettent en place au fur et à mesure du temps.
La délivrance gratuite des certificats électroniques de déclaration de TVA vient de débuter. Nous prendrons le temps d’examiner l’effet de cette mesure. Je pense que nous pourrons ensuite fixer des objectifs plus ambitieux en matière de télédéclaration de TVA. L’objectif est de pousser à la télédéclaration afin de lutter contre la fraude et de sécuriser les déclarations. En dehors du travail au noir, la TVA est en effet, vous le savez, l’un des éléments très lourds du dossier de la lutte contre la fraude. Il concerne la France, mais aussi une grande partie des pays de l’Union européenne et j’ai proposé une coopération sur ce sujet.
À propos de la fraude, le Président de la République et le Premier ministre m’ont chargé d’une mission de consolidation. Un Comité national de lutte contre la fraude avait été créé par Xavier Bertrand ; je l’ai réuni récemment, avec Xavier Bertrand et Roselyne Bachelot. Coordonner une action est nécessaire, mais cela ne signifie pas que les autres ministres doivent s’en désintéresser ; nous allons mettre l’ensemble des administrations sous pression afin que chaque ministère se dote de son plan.
Pour faire court – car je pourrais développer –, je me borne à souligner que cette action requiert des propositions concrètes. Des structures de travail en commun doivent être mises sur pied pour échanger les fichiers. C’est en cours. Les diagnostics ont souvent été dressés depuis longtemps et les choses prennent vie. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale contient du reste des éléments très précis, nous pouvons en discuter si vous le souhaitez.
Parmi les mesures juridiques concrètes qui peuvent être prises, vous m’avez interrogé sur le flagrant délit fiscal. C’est un peu effrayant, j’en ai bien conscience, mais cela ne concerne aucunement l’homme de la rue ; celui-ci ne verra pas débarquer chez lui l’inspecteur des impôts, au petit matin, alors qu’il est encore en pyjama. Nous n’avons pas une vision policière des choses et ceux qui se trompent dans leur déclaration fiscale – cela peut arriver – ont toujours la possibilité de rectifier, je tiens à le rappeler.
Il convient à la fois de gérer normalement les erreurs et de se comporter très durement vis-à-vis de la délinquance financière et sociale, qui doit être poursuivie pour des raisons économiques et aussi évidemment morales, susceptibles de faire consensus quelles que soient les convictions politiques.
En l’absence de déclaration, la fraude ne peut être constatée. De nombreuses entreprises se constituent, engrangent des résultats plus ou moins vertueux et disparaissent quand arrive le temps des déclarations fiscales. Une procédure se déclenche et l’on poursuit une entité qui n’existe plus. Bref, c’est extrêmement compliqué. Le flagrant délit fiscal est adapté à ce type de sociétés : l’administration leur rend visite sur la base de dénonciations – qui ne peuvent plus être anonymes, je le précise –, d’indications ou d’informations, afin de vérifier ces dires et de contrôler s’il s’agit d’entreprises réelles ou spécialisées dans la fraude fiscale. Cela fera gagner du temps aux agents et de l’argent aux contribuables. Pour réduire la base des fraudes comme de tous les actes malveillants, il faut se montrer très dissuasif en affichant une volonté très claire et très ferme.
La direction des monnaies et médailles a été transformée en EPIC – établissement public industriel et commercial – au 1er janvier 2007, je crois. Cet établissement est autonome et ne perçoit pas de subvention de l’État ; il ne figure donc pas dans le budget de l’État. La nouvelle gouvernance a été mise en œuvre avec difficulté, au terme de négociations avec les organisations syndicales. Un plan d’action stratégique est en vigueur ou du moins en passe d’être présenté devant les organismes sociaux. Nous suivons évidemment avec attention les évolutions de cet établissement public dont j’ai encore rencontré le directeur hier. En l’absence de transferts, il n’y a pas de raison qu’il figure au budget de l’État.
M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial. Dans ce dossier, il n’y a aucune transparence. Les réserves financières de la Monnaie de Paris sont conséquentes ; même s’il s’agit désormais d’un EPIC, il serait bon de les retrouver dans un programme.
M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Si vous voulez, je vous ferai parvenir une réponse spécifique sur la gestion de l’EPIC Monnaie de Paris, car je n’ai pas les éléments en tête. En tout cas, il y a une bonne raison pour qu’il ne figure pas dans le budget. Nous avons pris en compte les problèmes de cet organisme pour le transformer en établissement public industriel et commercial, la direction a changé et il est remis sur les rails. J’ignore si le plan stratégique est en cours d’élaboration ou achevé mais son directeur m’a indiqué que les choses ont avancé, alors que la situation n’a changé qu’il y a quelques mois.
Les réductions d’effectifs à la direction générale des douanes et droits indirects, notamment en catégorie C, sont logiques. Au fil du temps, les services de l’État, comme la société tout entière, vont gagner en qualification. J’ignore comment les fonctionnaires seront classifiés dans le futur ; ce sujet n’est pas à l’ordre du jour mais il sera sûrement abordé en temps et en heure. En tout cas, des titulaires de licence se présentent maintenant aux concours de catégorie C, ce qui exclut beaucoup de candidats présentant la qualification requise pour les postes ouverts.
Cette exclusion du système de la fonction publique me préoccupe vraiment, d’autant que les fonctionnaires surqualifiés qui prennent les postes deviennent généralement assez aigris, et cela se comprend, car leur travail ne correspond pas à leurs compétences. Il convient de rétablir l’adéquation entre les offres de postes dans la fonction publique et les candidats. C’est un problème aigu, d’ordre humain, mais aussi pour la fonction publique. Bref, il est assez naturel que le nombre de postes de catégorie C diminue et que le nombre de postes d’encadrement intermédiaire ou supérieur augmente.
À propos des bureaux de douane, je n’ai pas fixé d’objectif ; je n’ai pas dit qu’il fallait un bureau par département. Comme tous les grands réseaux, la douane doit évidemment évoluer, notamment sa partie commerciale, en fonction des changements d’activité, mais il n’y a pas de plan préétabli. Le sujet a été mis à l’ordre du jour et des discussions auront lieu avec la direction générale des douanes et droits indirects et avec les organisations syndicales de douaniers.
D’un département à l’autre, la situation peut être bien différente ; je suis partisan d’une adaptation du service public aux difficultés rencontrées sur le terrain. Lorsque ce ministère a été créé, j’ai d’abord fait en sorte que les douanes gardent leur unité. Elles auraient pu être divisées, avec un transfert de la surveillance vers le ministère de l’intérieur ou celui de l’immigration, dont dépend maintenant la police de la frontière, mais j’ai jugé qu’elles constituaient un tout cohérent, avec des agents qui passent d’un service à l’autre, et j’ai été suivi.
Ainsi que vous l’avez très bien souligné, nous sommes dans une opération de reconquête du dédouanement, sur lequel nous avons perdu quelques parts de marché. Il est essentiel que les marchandises soient dédouanées en France parce que cette opération administrative se traduit par des courants réels et financiers sur notre territoire, au travers de l’activité économique et du transport. La direction générale des douanes et droits indirects y veille. Je rencontre très souvent ses responsables et je vais voir les douaniers sur le terrain, car je porte beaucoup d’intérêt à cette fonction qui joue un rôle tant en matière économique que dans la fonction de surveillance.
Le déploiement de Delta se poursuit. Delta fonctionne aujourd’hui dans la plupart des départements : 45 % du trafic est géré par cette nouvelle application informatique très pratique, née de l’expérience des douaniers. Elle a en effet été développée en tenant compte des réalités du terrain, ce qui est rarement le cas pour une application informatique. Je me suis rendu dans des bureaux de douane pour comparer l’avant et l’après. Son coût global est très rentable : il s’établit entre 11 et 12 millions d’euros.
Les gains de productivité seront certainement importants mais, dans ce domaine, je me méfie des chiffrages. On peut asséner des gains en nombre d’emplois ou en millions d’euros, mais cela crée des crispations et on s’aperçoit souvent que les choses ne se passent pas comme prévu, en plus ou en moins. Mieux vaut s’efforcer d’associer l’ensemble des douaniers à la bonne utilisation de Delta et en tirer les conséquences au fur et à mesure.
Cela dit, plusieurs centaines de postes sont concernés et les agents pourront aller ailleurs. Quand il est question de gains de productivité, cela provoque immédiatement des craintes de suppressions d’emplois. Le principe général est certes le « un sur deux », mais plein d’emplois sont nécessaires, notamment dans des services nouveaux. Lorsque je me rends chez les opérateurs de fret de Roissy – vous avez probablement dû aussi y aller –, je trouve extraordinaire de voir des bureaux de dédouanement situés dans les locaux de grandes entreprises, extraordinaire de voir qu’une coopération se crée entre les milieux économiques et la douane. Delta est un maillon de l’évolution de la douane et l’objectif est de finaliser son déploiement d’ici à la fin de l’année.
Je suis allé à l’assemblée générale de la Confédération des débitants de tabac de France, et la place n’était guère confortable, je l’avoue humblement (Sourires.) N’étant pas ministre de la santé, je peux éventuellement dire les choses autrement, mais, dans une cohérence absolue avec l’action gouvernementale. Le décret entrera en vigueur au 1er janvier 2008. En face de chez moi, à Chantilly, une buraliste, présidente départementale de la profession – on ne choisit pas ses voisins ! –, a déployé des banderoles gigantesques portant des slogans comme « Non à l’interdiction de fumer dans les cafés-restaurants » ou « Moratoire sur le décret ». Ces banderoles me sont évidemment destinées. (Rires.) Je suis donc souvent interpellé sur le sujet et je crois même que je dois encore rencontrer cette personne ce soir.
Il me semble que la politique de santé publique emporte une large adhésion. On doit s’y tenir mais j’ai dit que les contrôles seront intelligents. Il ne faut pas être stupide, des contrôles ne seront pas organisés le 2 janvier. L’essentiel est d’atteindre l’objectif de santé publique : que plus personne ne fume dans les lieux publics. Les contrôles se feront avec fermeté mais intelligence, en tenant compte des situations particulières et en permettant à chacun de se mettre en conformité.
En face de cet objectif de santé public, il y aura des compensations. Un nouveau contrat d’avenir, signé par Jean-François Copé et le président national des débitants de tabac, M. René Le Pape, entrera également en vigueur le 1er janvier 2008. Il contient des dispositions assez nouvelles par rapport au précédent. Pour la première fois depuis 1976, la rémunération octroyée sur la vente des tabacs progressera de 0,5 point sur les quatre ans du contrat, avec une première augmentation de 0,125 point dès le 1er janvier. La viabilité du réseau sera renforcée, grâce notamment à l’assouplissement des conditions de transfert des débits de tabac.
Les crédits d’impôt votés fin 2006 pour la modernisation des débits ou des vitrines sont évidemment reconduits. J’ai par ailleurs demandé à la douane, avant les vacances, de mettre le paquet – sans jeu de mot – sur le dossier des cigarettes entrant illégalement en France. Cette consigne a été très bien respectée – c’est normal – et je pourrai vous communiquer le tableau de suivi des contrôles et des résultats, qui indique le surcroît de cigarettes saisies.
Je ne nie pas l’inquiétude des débitants de tabac – aucun élu ne pourrait le faire – mais, au fond, je pense qu’ils ne remettent pas en cause le décret d’interdiction. L’idée est passée ; reste à atténuer, petit à petit, les difficultés des débitants. C’est un réseau de lien social auquel nous sommes tous attachés, vous ne me contredirez pas. À l’assemblée générale, je ne me suis pas fait lyncher, ni même siffler, mais la situation était tendue. Je peux le comprendre car certains sont très touchés : quand un débitant brandit un mauvais compte d’exploitation, il est assez difficile de lui répondre devant 300 personnes, même si ses difficultés peuvent avoir d’autres causes. À la sortie, je n’ai malheureusement pas pu m’éclipser car les grilles du Palais Brongniart étaient fermées ; j’ai donc été obligé de poursuivre la discussion et d’aller au fond du sujet avec ces gens passionnés qui travaillent beaucoup et qu’il faut aider à passer ce cap.
M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial. Sur les 30 800 débitants, 3 000 seulement ont été équipés pour le timbre-amende électronique. Le plan d’équipement va-t-il se poursuivre ?
M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Oui, le plan va se poursuivre. Une expérimentation in vivo est en cours sur 10 % environ des débits de tabac. Je me méfie des expérimentations, je le dis off ; enfin, j’imagine que cela ne le restera pas.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. En effet ! (Sourires.)
M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Quoi qu’il en soit, je me méfie des expérimentations, car il arrive qu’elles ne débouchent sur rien et ne soient que des prétextes.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est vrai !
M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Il faut aller au bout de celle-ci et en tirer les conséquences. L’objectif est de renforcer le débit de tabac comme centre de services.
Vous m’avez aussi interrogé sur le monopole des jeux ; je répondrai sous le contrôle de Louis Giscard d’Estaing pour ce qui concerne le PMU.
Accompagné de Jean-Pierre Jouyet, je suis allé rendre visite au commissaire Charlie Mac Creevy ; pour bien suivre, il faut comprendre l’irlandais. Nous lui avons réaffirmé que nous faisons totalement confiance aux arguments de la France dans la procédure en cours devant la Cour de justice des Communautés européennes – j’imagine qu’il a parfaitement confiance dans ses propres arguments – mais que notre pays n’en a pas moins la volonté de mener une discussion plus politique. Il faut cesser de s’envoyer des démonstrations juridiques à la tête et tenter de réfléchir ensemble ; il en est convenu.
Nous avons aussi indiqué que nous mandaterons une mission composée de membres de l’inspection générale des finances, de techniciens informatiques et de membres de l’inspection générale de l’agriculture afin de définir clairement, d’ici à trois ou quatre mois, ce que pourrait être, en France, un système de jeux cohérent et non discriminatoire, correspondant aux principes forts auxquels notre pays est attaché pour ce qui concerne cette activité et adapté à notre conception du Traité.
Le concept est assez simple. L’environnement des jeux d’argent est particulier, avec les risques de blanchiment ou d’addiction, qui ne sont pas dénués d’importance ; la France prend en compte ces réalités à travers une politique très ancienne, qui relève des États et qu’elle doit pouvoir continuer à mener. Elle doit pareillement pouvoir garantir sa fiscalité : pour atteindre l’équilibre budgétaire ou plutôt ne pas accroître notre déficit budgétaire, nous nous sommes lancés dans des réformes de structures ; il n’est donc pas question de nous affaiblir en nous privant de recettes de cette nature, d’autant qu’une partie de la ressource présente la particularité de financer dans une large mesure le secteur hippique, lui aussi sensible dans vos circonscriptions – sauf au Perreux –…
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Tout à fait !
M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. …puisqu’il emploie au quotidien quelque 65 000 emplois. Cette spécificité doit aussi être prise en compte et nous refusons le système de reconnaissance mutuelle, par lequel un opérateur ressortissant de Malte ou d’ailleurs serait reconnu dans l’ensemble de l’Union. Je crois que le commissaire européen l’a bien compris, d’autant qu’il a une dizaine d’autres pays sur le dos.
Notre idée n’est pas d’établir un rapport de force car les cultures, dans ce domaine, sont assez différentes d’un pays à l’autre. Nous défendons notre position, nous essaierons d’aller le plus loin possible et j’espère que nous trouverons, avant la présidence française, une solution convenant à l’Union européenne et à la France. Il faut prendre en compte l’existence d’innombrables sites sauvages sur Internet, sanctionner encore mieux ce qui est illégal et définir plus ouvertement ce qui peut être légal, en conservant une grande maîtrise. Voilà une option à la fois pragmatique et protectrice de nos intérêts. Ce sera d’ailleurs peut-être une chance pour les jeux en France, nous le verrons. Nous avons quelques mois pour continuer de défricher le sujet.
Pierre-Alain Muet a lui aussi posé beaucoup de questions.
Chorus est une autre application très lourde et il faudrait beaucoup de temps pour en parler. Si le président de la commission des finances le désire, je pourrai d’ailleurs venir faire un point devant elle sur l’état d’évolution des grands systèmes d’information.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. D’accord !
M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Les systèmes d’information sont complexes dans leur gouvernance et leur mise en œuvre. Ils sont coûteux et doivent impérativement dégager des gains de productivité. Ce sujet très pointu, d’actualité depuis des années, ne saurait donc être abordé au détour d’une question.
Chorus, contrairement à Copernic, n’est pas du tout en service. Certains modules feront l’objet d’une première expérimentation début 2009. Chorus, qui succède à Accord et Accord 2, devrait entrer en application fin 2010. Son coût s’élèvera à 650 millions d’euros sur l’ensemble de la période courant de 2005 à 2010 ou 2011. Pour entrer dans le détail, module par module, il faudrait pénétrer un maquis assez dense. Les gains de diverses natures que Chorus générera sont évalués à quelque 280 millions d’euros en année pleine. Pour répondre à votre question, monsieur Muet, il devrait être déployé sur environ 30 000 utilisateurs d’ici à fin 2010. De par mes fonctions, je suis à votre disposition, et je suis prêt à entrer dans le détail si le président le souhaite.
Je veux bien accepter le principe d’indicateurs sur l’état d’avancement de Chorus et, plus globalement, des grands projets informatiques ; nous pourrons nous pencher assez vite sur le sujet. En effet, ces grands projets sont coûteux, mobilisent de grosses ressources humaines et créent beaucoup d’espérance, mais aussi parfois de désillusion. Il est certes délicat de demander de la productivité aux agents quand ces projets n’aboutissent pas, mais je ne puis pas pour autant mettre un coup d’arrêt à toutes les mesures de productivité engagées.
Si les indicateurs de performance, notamment ceux des directions d’état-major, peuvent être améliorés, il faut le faire ; je le disais hier dans un autre débat. La LOLF étant encore toute jeune, certains indicateurs sont bien renseignés, d’autres pas, certains sont utiles, d’autres pas. Au bout du compte, cela ne doit surtout pas devenir un maquis ; je parle devant Didier Migaud, qui est un peu comme le pape dans ce domaine. (Sourires.) Il faut regarder dans le détail, indicateur par indicateur, mais je suis persuadé que tout est évaluable, y compris les directions d’état-major et leurs tâches. Le tout est de s’arrêter sur le bon indicateur, de le renseigner correctement et de lui donner le temps de vivre, sans quoi il ne s’agit que d’un indicateur de contrôle, pas d’un indicateur de gestion. Cela signifie qu’il doit être possible d’amender le processus de gestion, ce qui requiert du temps, une chronique de l’indicateur.
Faut-il un indicateur sur la norme de dépenses ?
M. Pierre-Alain Muet, rapporteur spécial. Sur le respect de la norme !
M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Pourquoi pas ? Je veux bien étudier la question, mais le résultat est assez facile à obtenir : la norme est respectée ou elle ne l’est pas.
M. Pierre-Alain Muet, rapporteur spécial. Il serait intéressant d’avoir plusieurs indicateurs, car les dépenses de l’État ne peuvent se résumer à une norme unique. Le rapport de la Cour des comptes est assez riche à ce propos.
M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Je verrai avec la direction du budget. Mon premier souci est de respecter la norme de dépenses votée par le Parlement.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Le problème, c’est le contour de la dépense.
M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Je sais bien. Cette norme évolue. Plus le contenu de la norme est riche et plus je suis content, mais plus c’est difficile car elle doit rester pilotable. Cette année, nous avons essayé d’étendre la norme, et cela peut donner de bonnes nouvelles comme des mauvaises ; ce n’est pas une démarche conjoncturelle mais structurelle, de fond. C’est en suivant la situation à partir de la norme que l’on peut progressivement parvenir à mieux maîtriser la dépense et les soldes.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il faudra intégrer la dépense fiscale.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. C’est tout le problème.
M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Nous avons traité les sujets qui étaient probablement les plus simples pour lancer le processus, c’est vrai. Maintenant, nous pouvons mettre ce point en discussion. Ce n’était pas possible d’emblée, car cela posait des problèmes de pilotage. Je suis d’accord pour ouvrir le chantier ; nous devons juste préciser les conditions. Plus on encadre la dépense, quelle que soit la manière de dépenser, mieux c’est. Et moins la dépense échappe au contrôle du Gouvernement, mieux c’est, évidemment. Voilà le principe du dialogue constructif. On peut y voir un risque mais, en réalité, on ne risque rien à être transparent. Il est préférable d’affronter les situations telles qu’elles sont. Dans un État comme la France au XXIe siècle, rien ne peut être caché, et tant mieux.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Rien ne peut être caché durablement !
M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Pour ma part, je n’ai jamais rien caché. Au bout d’un moment, tout se sait. Dans la sphère publique, celui qui croit qu’il peut cacher quoi que ce soit a bien tort.
Monsieur Muet, vous affirmez qu’il y a beaucoup d’audits, que beaucoup de temps leur est consacré et vous vous interrogez sur les résultats. J’avais lancé les stratégies ministérielles de réforme, je vous remercie de l’avoir noté. D’aucuns, ici, y ont beaucoup participé. La réforme de l’État est à l’œuvre depuis longtemps et beaucoup de choses avaient évidemment déjà été faites auparavant. Jean-François Copé a suivi, avec les audits de modernisation, qui utilisaient aussi une bonne méthode. Nous nous sommes efforcés, cette fois-ci, d’arrêter une méthode définitive : la révision générale des politiques publiques. Je vous épargnerai une explication, car vous savez tous très bien de quoi il s’agit.
L’État, régulièrement, sans doute tous les deux ou trois ans, passe au crible l’ensemble de ses dépenses d’intervention, sans tabou, afin d’évaluer son organisation, sa productivité, l’opportunité de ces dépenses, la qualité de son service public, sa capacité de produire un service public au juste prix – Dieu sait qu’il y a des progrès à accomplir dans ce domaine ! –, au regard des objectifs politiques portés par le Gouvernement, lesquels peuvent du reste varier d’une majorité à l’autre.
Nous consacrons un temps considérable à cette révision générale des politiques publiques. Hier, nous avons tenu quatre réunions de deux heures chacune sur le sujet, soit un total de huit heures, et il y en a d’autres demain. Nous regardons tout dans le détail et nous proposerons des mesures à l’organe politique de la révision générale des politiques publiques, le conseil de la modernisation des politiques publiques, qui est en réalité le conseil des ministres. Pourquoi ? Parce que, comme au Canada, il faut assurer un portage politique au plus haut niveau des orientations à arrêter.
Ce n’est pas parce que tel ministre préconise telle orientation que la réforme de l’État aboutira ; c’est parce que l’ensemble de l’équipe porte des orientations. La réforme de l’État est une nécessité mais aussi un effort. En effet, la moindre dépense d’un euro a un intérêt. Toute réorganisation suscitant de l’inquiétude et des questions, elle doit être entraînée par des objectifs très clairement affichés et argumentés de qualité du service public et de bonne gestion.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avec votre permission, monsieur le ministre, je demande la parole, monsieur le président !
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Tout le travail accompli dans le cadre des stratégies ministérielles de réforme d’Éric Woerth puis dans celui des audits de modernisation n’a pas été vain, car il alimente la démarche actuelle de révision générale des politiques publiques. Cependant je retiens deux choses de la nouvelle étape.
D’abord, la révision générale des politiques publiques est plus exhaustive, plus systématique ; elle couvre l’ensemble du champ de la dépense publique.
Ensuite et surtout, elle enclenche un vrai processus de décision, ce qui répond à une critique figurant en filigrane dans le rapport de M. Muet : après, il se passera quelque chose ; ce ne sont pas des audits conduits pour le plaisir et restant en suspension.
M. Pierre-Alain Muet, rapporteur spécial. Je demande également la parole, monsieur le président.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Je vous l’accorde, mon cher collègue, car l’intérêt de ces commissions élargies est de favoriser les échanges directs.
M. Pierre-Alain Muet, rapporteur spécial. Si le nouveau projet s’inspire du modèle canadien, il faudra assurer un suivi important. Un travail considérable d’audits de modernisation a été accompli depuis une dizaine d’années, sous des appellations différentes. Le ministère des finances et la direction du budget doivent tenir un tableau de bord du suivi de ces audits. Il serait sans doute intéressant, pour notre assemblée, de disposer d’un tel tableau, afin qu’elle sache ce qu’il a résulté des politiques passées. Avant de croire au futur, il faut être convaincu que les politiques antérieures ont eu des suites.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Quels que soient la teneur des débats et l’opinion que l’on a des décisions futures, le portage politique au plus haut niveau me paraît essentiel, comme au Canada.
Poursuivez, monsieur le ministre.
M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Je suis évidemment d’accord pour publier les résultats des travaux précédents, sans toutefois remonter à dix ans en arrière, car il ne s’agit pas de faire de l’archéologie de la réforme de l’État ; laissons cela aux universitaires, chacun son métier. (Sourires.)
J’ai mené les stratégies ministérielles de réforme pendant une période brève de moins de quatorze mois, après laquelle ont été instaurés les audits de modernisation. Je suis évidemment prêt à publier les audits particuliers mais je ne puis le faire maintenant car chaque équipe d’experts publics et privés travaillant derrière chaque chantier de la révision générale des politiques publiques réfléchit justement à partir des audits de modernisation, des rapports de la Cour des comptes, des rapports des inspections rendus année après année – qui ont souvent d’ailleurs provoqué de l’émotion dans cette assemblée – et des rapports parlementaires divers et variés, en particulier ceux de la MEC. La bonne cinquantaine, que dis-je, la bonne centaine d’audits de modernisation sert donc de matériaux.
Au cours des deux réunions du conseil de la modernisation des politiques publiques qui se tiendront en décembre et au printemps, le portage politique sera très fort. Nous verrons quelles seront les orientations définitivement retenues et nous suivrons leur mise en œuvre pas par pas. C’est tellement important que, d’une certaine façon, cela conditionne le retour à l’équilibre de nos finances publiques, qui requiert des mesures structurelles, je l’ai suffisamment dit. Rien à voir avec du Canada Dry. J’ai apprécié votre expression mais j’en retiens le mot « dry », qui, si mes souvenirs d’anglais sont bons, signifie « sec ». Or nous ne sommes pas dans une approche d’économies sèches. À gauche comme à droite, nous avons bien vu que, compte tenu de la façon dont est organisée la machine d’État, il est illusoire de rechercher des économies brutales, coupées à la hache. Il faut au contraire réorganiser pour aller chercher le potentiel d’économies et installer durablement l’équilibre. Tel est l’objectif de la révision générale des politiques publiques.
Monsieur Tron, je partage votre souhait de cohérence concernant le programme « Fonction publique ». Cet ensemble reste divisé, la mesure attendue n’a pas été prise. Je m’y emploierai pour 2009. Je sais que les ministres prennent de nombreux engagements devant l’Assemblée nationale, mais je pense que vous en tenez le greffe. Cette disposition assurerait la cohérence entre, d’une part, la gestion administrative et statutaire du personnel, et, d’autre part, la gestion budgétaire du personnel.
J’ignore pourquoi l’ENA suscite tant d’intérêt dans cette assemblée ! (Sourires.)
M. Michel Piron. C’est affectif !
M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Pour que vous cessiez de vous y intéresser, peut-être faudrait-il l’éloigner un peu plus encore ! L’ENA est emblématique de la fonction publique. C’est tout de même une grande et belle école, qui fournit des fonctionnaires de haute qualité, mais cela ne fait pas tout. Nous avons ramené les effectifs des promotions de quatre-vingt-dix élèves cette année à quatre-vingt l’année prochaine, et cela n’a pas été si facile, car les patrons des grands corps que je rencontre ont beaucoup de travail et réclament plus de jeunes énarques.
Au-delà de la simple question des concours, il convient probablement de réfléchir au système de formation de la fonction publique dans son ensemble, de sortir du cadre restreint de l’ENA. Il existe aussi une grande école pour la fonction publique territoriale et ses liens avec l’ENA peuvent être renforcés. Un vrai travail doit être réalisé à propos des IRA. Nous ne pouvons pas tout faire en même temps, mais ce chantier sera ouvert.
La convention d’objectifs et de gestion de l’ENA est rédigée et en cours de discussion entre l’établissement et le Gouvernement. Elle sera signée, je pense, à la fin de cette année ou au début de l’année prochaine.
Les crédits de l’ENA font apparaître des plus et des moins. L’effort demandé en 2008 par l’établissement est supérieur à la cible de votre amendement. Je ne ferai pas le point sur l’ensemble des transferts, mais l’ENA doit supporter des charges supplémentaires de 2,5 millions d’euros : 1,7 million au titre du financement pérenne des emplois du Centre des études européennes de Strasbourg plus 0,8 million au titre de la hausse du taux de contribution employeur pour les pensions, mesure qui touche l’ensemble du budget de l’État. L’augmentation de la subvention à l’ENA pour charges de service public est donc limitée à 1,1 million alors que les coûts supplémentaires auxquels elle est confrontée atteignent 2,5 millions : 1,3 à 1,4 million d’euros sont redéployés au sein de l’ENA, avec une économie de 450 000 euros correspondant à la baisse des postes ouverts dans l’ensemble de la structure de formation et une économie de 850 000 euros sur le budget de fonctionnement grâce à des rationalisations.
Un projet d’extension sur un terrain annexe de Strasbourg devrait être financé par une partie du produit de la cession de l’immeuble de la rue de l’Université, monsieur Deniaud.
Les IRA s’orientent vers la bonne direction, c’est vrai ; ils dispensent une bonne formation.
J’en viens aux questions de fond.
Comment conduire les négociations salariales ?
M. Derosier a fait allusion au cycle de conférences à froid que nous menons avec les organisations syndicales de Bercy, en dehors des vicissitudes du climat social. Il est très important que nous préservions la qualité de la discussion. Ce n’est pas parce que les fonctionnaires défileront partout en France le 15 novembre que nous devons cesser de débattre des sujets de fond de façon constructive, chacun l’a bien compris. Nous avons donc lancé une réflexion sur le dialogue social et le pouvoir d’achat.
Avant de commencer à parler concrètement de montants de rémunération supplémentaires, il serait bon de s’arrêter sur les modalités de mesure de l’augmentation du pouvoir d’achat. Or, sur ce point, nous ne sommes pas d’accord, monsieur Derosier. Nous n’allons pas refaire le débat car je connais d’avance vos questions et vous connaissez mes réponses. Il ne sert à rien de s’enfermer dans une discussion compliquée où les uns affirment que le pouvoir d’achat baisse de tant et les autres qu’il croît de tant, parce qu’ils ne calculent pas à partir de la même base. Par conséquent, hors mesures 2007 et 2008, adoptons au moins le même socle de départ.
Comment mesure-t-on l’augmentation du pouvoir d’achat des fonctionnaires ? Convient-il de prendre uniquement en compte le point d’indice ou bien d’y intégrer le GVT, les mesures catégorielles, l’action sociale ? Nous pouvons tout de même nous mettre d’accord sur ce point, quitte, ensuite, à être en désaccord sur le taux de couverture de l’inflation, par exemple. Faut-il séparer le « V » et le « T » du GVT ? Quelle est la signification du « V » ? À quoi le « T » correspond-il ? À l’individualisation, à la responsabilité, à l’ancienneté, au passage de concours, de grades, d’échelons ? Il est légitime de revenir sur ces questions, que nous ne nous sommes pas posées depuis des années. Beaucoup de gens se sont fait leur idée. Est-il possible d’apporter une réponse commune ? Qu’en pensent l’employeur, les organisations syndicales, les fonctionnaires pris individuellement ? Quand ce dernier reçoit sa feuille de paie, que regarde-t-il ? À mon avis, il est plutôt intéressé par la somme en bas de page que par le niveau du point ou ses droits à la retraite.
Tout le monde n’en sortirait pas forcément d’accord, chacun a des principes à défendre, mais j’aimerais que nous ayons un rendez-vous annuel coordonné avec la construction budgétaire pour éclaircir la situation, car la masse salariale représente 45 % des dépenses de fonctionnement. Cette année, c’était beaucoup trop tôt. Pour y parvenir, il faut se mettre d’accord sur les fondamentaux ; c’est l’objet des conférences. L’absence d’accord salarial, depuis environ une dizaine d’années, est le signe qu’il y a un problème, je l’ai dit plus de dix fois : si personne n’a pas intérêt à en signer un nouveau, si chacun se satisfait de la situation, alors pourquoi se montrer mécontent ? J’aimerais, à un moment donné, que nous obtenions un accord permettant d’avancer.
Georges Tron a raison de préconiser une clarification du mode de rémunération. Il est de plus en plus clair qu’une partie de la rémunération doit être individualisée, mais laquelle ? Toutes les tâches sont évaluables, selon des critères différents, et il n’y a pas de raison pour que cela se fasse de façon clanique, politique, à la tête du client. Tout le monde est évalué à un moment ou un autre. Pour notre part, nous le sommes par les électeurs : nous perdons ou nous gagnons. Il s’agit non pas d’appliquer une sanction, mais, au contraire, de maintenir l’équité dans la progression des parcours professionnels, sans oublier la notion de carrière. Si tout le monde avance en même temps, c’est inéquitable, j’insiste sur ce point. Beaucoup de mesures ont d’ailleurs été prises. En réalité, le blocage avec les fonctionnaires, ou en tout cas avec leurs syndicats, intervient à propos de la structure de rémunération à trois niveaux évoquée par M. Tron.
Comme je l’ai déjà indiqué devant l’Assemblée nationale, je considère moi aussi que les opérateurs ne doivent pas servir de point de fuite vis-à-vis des contraintes de l’État. Les effectifs des opérateurs ne devraient pas augmenter à partir de 2008. Nous le vérifierons, mais il n’est pas possible de le faire à travers le budget de l’État, si ce n’est que nous les tenons un peu car nous leur donnons parfois un peu d’argent. Je pense que nous devons de plus en plus les soumettre à des sanctions, même si le terme est peut-être un peu fort. Nous nous sommes donné trois ans pour recenser l’immobilier ; nous sommes en phase de collecte et j’espère que nous y parviendrons. Je pense même qu’il n’y a pas de fatalité et que nous pourrions agir plus vite. Peut-être allons-nous diviser cette durée par deux. Allez, je prends l’engagement d’afficher un an et demi.
Si un opérateur ne respecte pas cette obligation de recensement, nous adopterons des mesures de compensation financière. Nous avons pris du retard à cause de la mauvaise volonté de certains. Au demeurant, il n’y a aucune raison que l’État continue de subventionner des opérateurs qui détiennent un parc immobilier de rapport ou des biens susceptibles d’être cédés et de décharger le contribuable ; tout cela est un peu énervant !
Sauf exceptions à déterminer, nous allons soumettre les opérateurs aux mêmes règles que l’État dans les domaines de l’immobilier et des emplois. Il appartiendra aux représentants de l’État, dans les conseils d’administration des opérateurs, de faire entendre cette voix. Il faut tenir la bride un peu plus courte, je suis d’accord. Connaissant votre sensibilité sur ce sujet – et vous avez bien raison –, je veillerai à ce que ce soit le cas car je ne tiens pas à me faire enguirlander.
Monsieur Vergnier, vous me dites que nous n’avons pas répondu aux questions concernant les régimes spéciaux.
M. Michel Vergnier, rapporteur spécial. Je n’ai pas été le seul à le dire.
M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Je ne sais pas, je n’ai pas suivi l’exacte chronologie des réponses. Je prends acte de votre remarque, mais on me dit que nous avons bien envoyé nos réponses avant le 10 octobre et qu’elles ne vous sont pas parvenues. J’ignore si la responsabilité en incombe à La Poste, à mes collaborateurs ou aux vôtres – je penche pour cette dernière option.
M. Michel Vergnier, rapporteur spécial. Je pense que nous n’utilisons pas le courrier, mais le email. Néanmoins vous bénéficiez toujours de notre indulgence.
M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. En tout cas, vous n’y êtes pour rien et moi non plus ; c’est la faute des autres. Et nous avons réexpédié les réponses manquantes quelques jours après le 10 octobre.
M. Michel Vergnier, rapporteur spécial. Quelques-unes seulement ? De toute façon ce n’est pas l’essentiel, monsieur le ministre.
M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Du temps où j’étais moi-même rapporteur du budget des affaires étrangères, je m’énervais contre le ministère des affaires étrangères, qui ne me donnait pas les réponses attendues. Dont acte : nous avons fait de notre mieux, mais il y a eu un peu de retard. Vous avez raison : nous tirerons un bilan et nous essaierons de faire mieux dans l’avenir.
Vous avez, au détour d’une phrase, glissé l’idée que la dynamique de l’assiette salariale est faible. À cet égard je tiens à lever toute ambiguïté pour que vous ne pensiez pas qu’il y a un paradoxe entre les paroles et la réalité. Si l’enveloppe évolue peu, c’est pour deux raisons.
Premièrement, avec la décentralisation, 130 000 agents de l’État ont choisi de travailler dans les collectivités locales. Leur rémunération, cotisations sociales incluses, a donc été transférée et a disparu de la masse salariale. Le transfert vers les collectivités locales remporte d’ailleurs un grand succès, ce qui coûte cher au budget de l’État, car nous sommes obligés de verser une compensation à la CNRACL, la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. En définitive, ces agents, qui s’étaient mis en grève – je l’ai vécu – pour contester des transferts jugés dramatiques pour leur carrière, se transfèrent massivement ; une fois passé l’énervement du premier instant, ils regardent la réalité en face, avec objectivité et sang-froid, et s’aperçoivent que c’est une bonne loi et qu’ils ne seront pas mal accueillis dans les collectivités territoriales.
Deuxièmement, avec la réduction de 1 % du nombre de fonctionnaires consécutive au renouvellement partiel des départs à la retraite, la masse salariale se réduit.
Cela étant les salaires individuels sont dynamiques : la RMPP, la rémunération moyenne des personnels en place, à ne pas confondre avec la RGPP, a progressé de 3,7 % entre 2006 et 2007. Je suis parfois un peu technique mais là, c’est tout simple : on considère uniquement les agents présents l’année précédente et l’année en cours. C’est la seule façon de mesurer l’évolution de la masse salariale, car le fonctionnaire de soixante ans qui s’en va est généralement mieux payé que celui de vingt-cinq ans qui le remplace ; les pensions s’en trouvent accrues, mais la masse salariale diminue. Ces 3,7 % constituent néanmoins une hausse moyenne. Tout le monde n’est pas concerné, j’en ai conscience.
Le dispositif de subvention du régime de la SNCF, en vigueur depuis des décennies et qui fait l’objet d’une gestion directe par l’entreprise, prévoit que l’État équilibre définitivement les comptes en exercice n plus deux. Tel est notre horizon. Il existe donc en permanence un solde déficitaire ou excédentaire entre l’État et la SNCF.
Le décret de juin 2007 relatif à la création de la nouvelle caisse de retraite de l’entreprise dispose que celle-ci reprend les droits et obligations relevant de la retraite des agents sous statut de la SNCF. Compte tenu de la complexité des opérations, des discussions sont actuellement en cours avec la SNCF afin d’arrêter l’état exact de ces transferts de créances, mais il s’agit d’une dette provisoire, que l’État honorera.
L’adossement de la caisse de la RATP est prévu par les décrets de mise en œuvre de la réforme du financement. Dans l’attente de la décision de la Commission européenne, des négociations sont ouvertes avec la CNAV, la Caisse nationale d’assurance vieillesse de salariés, pour déterminer les paramètres de cet adossement. L’objectif demeure mais je ne puis annoncer de délai. Même si la priorité brûlante est désormais à la réforme des droits du régime, dans un objectif d’égalité de traitement des Français devant la retraite – je pèse mes mots car le sujet est politiquement lourd –, l’adossement est en cours.
L’État ne peut tout de même pas compenser le déséquilibre d’un régime de retraite sans regarder si celui-ci ne dispose pas de quelques réserves financières. Or le patrimoine immobilier de la caisse des Mines est considérable – il doit avoisiner 1,5 ou 2 milliards d’euros – et ces biens ont été acquis, précisément, pour assurer l’existence et consolider le régime. Il arrive un moment où il faut les vendre ; ils sont faits pour cela. L’État incite donc la caisse des Mines à céder son immobilier.
M. Michel Vergnier, rapporteur spécial. Considérez-vous que les prévisions de recettes liées à ces cessions sont réalistes ?
M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Cette année, elles sont évaluées à 170 millions d’euros, et le conseil d’administration a voté une somme de l’ordre de 200 millions. La caisse des Mines détient de très beaux immeubles, très connus dans Paris, qui intéressent de nombreux investisseurs. Pour chaque opération, il est nécessaire d’effectuer un appel d’offres. La gestion, suivie par le conseil d’administration, est transparente. Je suis très attentif à cette question, comme à tout le reste – j’ai d’ailleurs reçu le préfet Jean-Claude Aurousseau –, car elle est cruciale dans le cadre du dialogue financier avec l’État. Si nous avons prévu cette mesure, c’est qu’elle est réaliste et approuvée par le conseil d’administration, au sein duquel siègent les organisations syndicales.
La Poste verse désormais une compensation libératoire à son établissement de gestion des retraites. Celle-ci contrebalance, toutes charges comprises, la différence entre le coût des agents fonctionnaires de La Poste et le coût supporté par les entreprises du secteur privé à rémunération nette égale. La Commission européenne, vous le savez, vient de donner son accord à ce dispositif. En l’absence d’adossement au régime général, une contribution exceptionnelle de 2 milliards d’euros a été versée par La Poste. Elle a vocation à être progressivement reversée au CAS « Pensions » pour lisser la diminution de la contribution de La Poste résultant du nouveau dispositif.
M. Michel Vergnier, rapporteur spécial. Quel est le montant précis du reversement pour 2007 et 2008 ?
M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. En 2008, le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit un versement de 780 millions d’euros, soit 64 % du montant restant à la charge de l’État après prise en compte des cotisations.
M. Michel Vergnier, rapporteur spécial. Et en 2007 ?
M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Il est de l’ordre de 478 à 480 millions. Nous vous communiquerons le chiffre exact par courrier recommandé, pour être sûr qu’il vous parvienne. (Sourires.)
M. Michel Vergnier, rapporteur spécial. Cette fourchette me suffit !
M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. À propos de l’Établissement national des invalides de la marine, vous m’avez interrogé sur la mesure annoncée par le Président de la République lors de sa visite au Guilvinec.
M. Michel Vergnier, rapporteur spécial. Pas seulement : le déséquilibre existait déjà, mais il risque de s’aggraver.
M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Certes, mais il va de soi que nous compenserons le déséquilibre, à partir d’un autre déséquilibre, me direz-vous ; je fais les questions et les réponses pour aller plus vite. (Rires.)
Il s’agit d’un engagement de l’État face à une situation très critique, et le Président de la République a fait le nécessaire pour les marins pêcheurs. De toute façon, ces quelques dizaines de millions d’euros – pas tout à fait 50 millions, versés trimestriellement, reconductibles et portant sur les charges patronales et salariales –, si importants pour la pêche, n’altéreront pas la physionomie du déficit de l’État, ni même celle de la caisse.
Monsieur Deniaud, votre rapport sur le patrimoine immobilier de l’État est lui aussi très approfondi. Ayant écouté votre interview, ce matin, sur RTL, je connaissais d’avance les questions que vous me poseriez.
Le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » ne finance que la partie relogement des opérations immobilières, vous le savez mieux que quiconque ; peut-être vaudrait-il mieux centraliser tout ce qui relève de la politique immobilière de l’État. Cette problématique est lourde, votre intervention en témoigne, de même que les excellents travaux de Georges Tron, devenu aujourd’hui président du Conseil de l’immobilier de l’État, instance dont vous être membre.
Il serait toutefois abusif de résumer le sujet en disant que cette politique est mauvaise. Je sais que la presse s’y intéresse et a consacré nombre d’articles aux erreurs ou approximations qui ont pu être commises, mais je ne voudrais pas que l’on jette l’ensemble du patrimoine immobilier de l’État avec l’immeuble, comme l’on jetterait le bébé avec l’eau du bain. Des erreurs peuvent se produire mais, en même temps, la politique se consolide au cours du temps. France Domaine a été créé et des gens compétents ont été placés à sa tête. Il y a une volonté de bien faire. Des bijoux de famille ne servent à rien s’ils ne sont pas portés, s’ils restent dans le coffre et si, par ailleurs, des dettes doivent être remboursées. Il est nécessaire de mener une politique active pour gérer ce patrimoine immobilier, valorisé à hauteur de 40 à 44 milliards d’euros selon la comptabilité publique.
Pour éviter les erreurs, il faut davantage centraliser, je l’ai dit au Conseil de l’immobilier de l’État. France Domaine constitue une réponse, ou plutôt un début de réponse, encore insuffisant. Le taux de répartition de 85 % est mauvais, dissuasif, car il favorise un raisonnement ministère par ministère, irrationnel du point de vue de l’État. Nous allons avancer ensemble, avec le Conseil de l’immobilier de l’État, mais un peu de temps est nécessaire. En tout cas, je suis partisan de la transparence la plus totale. Nous avons besoin d’une vraie politique immobilière, alors que nous menons plutôt une politique de cessions. Les cas des immeubles de la rue de la Convention et de l’avenue de Ségur l’illustrent : il y a bien eu une politique de vente, même si des erreurs ont probablement été faites.
Je précise que l’Imprimerie nationale n’est pas l’État, qu’elle possède un conseil d’administration, et je recommande d’éviter les raccourcis pour ne pas occulter la réalité. Je l’ai dit rapidement hier lors des questions d’actualité : j’ai mandaté l’inspection générale des finances pour rédiger un rapport sur cette opération ; personne ne me l’a demandé, je ne l’ai pas fait sous la pression mais pour y voir clair.
Compte tenu de sa situation économique, l’Imprimerie nationale a vendu cet immeuble précipitamment, pour un montant de 103 millions d’euros et non de 85 millions, car il faut ajouter la soulte de rachat par l’État de 18 millions d’euros. Néanmoins, le prix obtenu aurait sans doute pu être légèrement supérieur, de l’ordre de quelques dizaines de millions d’euros. Ensuite, le rachat par l’État n’est pas contesté ; il s’est fait au prix du marché. L’intermédiaire a réalisé une belle plus-value, notamment grâce au trou de la convention fiscale franco-luxembourgeoise, que nous comblerons avant la fin de l’année en présentant au Parlement une modification du texte.
Quand le rapport de l’inspection générale des finances a été prêt, je l’ai envoyé au président de la commission des finances et il a été diffusé.
Je rappelle aussi que l’opération, dans son ensemble, est profitable à l’État, car il ne faut pas oublier – vous y avez fait référence – que nous avons aussi vendu le Centre de conférences internationales, le Majestic, pour 404 millions d’euros. Le bilan de l’ensemble des ventes et des achats effectués pour passer de neuf à deux sites est donc positif. Il aurait pu l’être davantage, me direz-vous, et vous auriez raison, mais cela montre que l’État réfléchit et conduit une politique de cession transparente, même s’il projette insuffisamment ses besoins immobiliers dans son arbitrage global.
Le bâtiment de la rue Monsieur est en cours de vente et je ne peux pas vous en dire davantage ; le secret est bien gardé mais vous trouverez toutes les informations dans la presse. (Rires.) Un appel d’offres a été lancé et un acheteur a fait une proposition à un prix élevé – beaucoup plus de 100 millions d’euros –, très supérieur aux autres et à l’évaluation des domaines. Nous allons donc lui céder l’immeuble ; il n’y aurait aucune raison de ne pas le faire.
L’opération de l’avenue de Ségur en est à son démarrage. Le Gouvernement, garant de la continuité de l’État, s’est déclaré favorable à une installation de la Maison de la francophonie à Paris, mais le lieu reste à déterminer, d’autant que nous ne disposons pas encore d’un cahier des charges complet. D’autre part, il faut reloger le MEDAD dans sa nouvelle configuration. Aucune décision n’est prise.
Nous construisons une vraie politique immobilière, de façon à pouvoir anticiper les besoins et effectuer des arbitrages. Les jalons posés sous ce gouvernement et les précédents vont dans le bon sens. Vous pensez certainement que le mouvement n’est pas assez rapide et je partage cette appréciation.
Je précise que nous conservons le Centre des conférences internationales de l’avenue Kléber jusqu’à la fin de la présidence française. Il n’existe pas de projet de reconstruction.
L’idée est que le Conseil de l’immobilier de l’État, dont vous faites partie, mette les ministères sous pression en produisant des avis obligatoires et publics. Cette politique va commencer dès maintenant.
Le recensement des immeubles des opérateurs est trop lent et trop mou. Il faut intervenir, car attendre trois voire quatre ans n’est pas une fatalité. Je souhaite que nous réduisions ce délai de moitié et je suis certain que c’est possible ; si cela ne l’était pas, cela signifierait que nous serions réduits à l’impuissance.
S’agissant des règles d’investissement, le taux de retour de 85 % n’a aucun sens et doit être abaissé. Le concept même de retour est lié à celui de propriété. Or, dans l’avenir, les ministères ne devront plus être considérés comme les propriétaires de leur immobilier, qui appartient en réalité à l’État. Par conséquent, le taux de retour se justifiera moins, mais l’État prendra naturellement en compte les besoins immobiliers de chaque ministère.
M. Yves Deniaud, rapporteur spécial. Il faut cependant maintenir un intéressement.
M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. J’ai déjà répondu partiellement à vos questions, monsieur Derosier, mais je vais compléter.
J’ai noté votre regret sur le taux de réponse et j’essaierai de faire mieux. Nous sommes à peu près à 80 %, c’est-à-dire sous les 100 %.
L’indicateur de performance du pilotage de la GRH – la gestion de ressources humaines – est prévu dans les projets annuels de performance. Il vise à apprécier, pour chaque ministère, l’état de mise en œuvre du répertoire des métiers, des scénarios quantifiés d’évaluation des emplois et de la GPEC, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Cet indicateur sera disponible lorsque seront élaborés les prochains projets annuels de performance, au moment de la loi de règlement ; à nous de le renseigner correctement.
La qualité de la formation des élèves des IRA fait déjà l’objet d’un indicateur de performance, qui repose sur deux sondages réalisés auprès des élèves et des employeurs. La convention d’objectifs et de gestion de l’ENA prévoit également la création de tels indicateurs. Nous pourrons les compléter, car il faut se montrer très souple, le principe d’un indicateur étant d’offrir un outil d’analyse partagé. Nous ferons donc en sorte de pouvoir juger de la qualité des formations dispensées aux IRA et à l’ENA.
Les crédits de la formation interministérielle – qui s’ajoutent à ceux de chaque ministère – s’établissent à 3,4 millions contre 3,54 millions en 2007 et 2,7 millions en 2006. Ils ne baissent donc pas de 20 % comme vous le prétendez, mais nous pouvons nous quereller sur les chiffres si vous le souhaitez. Cela dit, les actions de formation sont en repli au niveau central et en progression au niveau déconcentré. J’ai en effet souhaité renforcer la formation interministérielle dans les services déconcentrés, où travaillent 97 % des agents de l’État, même si ce taux est discutable, car le niveau déconcentré commence en Île-de-France. En tout cas il n’en reste pas moins que l’effort de formation doit être focalisé hors administration centrale.
Le CESU monte en charge à la suite d’une décision récente et son taux de pénétration augmente progressivement. Pour les enfants de trois à six ans, le démarrage était suspendu à la passation d’un marché public en vue de choisir le gestionnaire. C’est chose faite et les premiers chèques seront adressés aux agents très bientôt, en décembre. Les crédits en faveur de cette prestation sont fixés au regard des besoins estimés pour 2008 ; c’est la moindre des choses.
Il serait difficile de tomber d’accord sur le dossier politique des suppressions d’emplois, mais à partir de quelle base technique procédons-nous ? J’ai déjà commencé à répondre à cette question.
Nous n’avons pas réduit les effectifs de façon homogène dans tous les ministères. Nous avons au contraire regardé jusqu’où nous pouvions aller, ministère par ministère, en fonction du résultat des audits et de l’appréciation des gestionnaires et des ministres concernés, sans trop bouleverser la production du service public. Il existe de toute évidence des gisements de diminution d’effectifs très importants, même à périmètre d’organisation constant, pas pendant des années, mais sur un exercice ou deux. Il faut distinguer les ministères sous contrat, celui de l’éducation nationale, qui, avec sa problématique particulière, n’est pas soumis à la règle du « un sur deux », et ceux qui sont au-dessus. In fine, nous en sommes à 22 900 diminutions d’emplois : 22 700 plus 200 sur les comptes annexes.
Vous estimez qu’il faut commencer par réformer les structures, puis en tirer les conséquences en termes d’emplois. Vous avez raison, mais, d’une certaine façon, diminuer les effectifs, les mettre en tension, c’est aussi provoquer la réforme de l’État. Quand un gestionnaire est confronté à une telle masse de départs en retraite, que ce soit une collectivité, une entreprise ou un syndicat, il doit tenir compte de cette évolution démographique et prendre une décision à ce moment précis, pas plusieurs années plus tard. Nous sommes à cet instant de vérité. Le non-remplacement de départs en retraite constitue un cadre général d’action et de gestion de l’État, et, en même temps, il incite à la réforme de l’État, car il ne peut porter ses fruits que si un changement en profondeur est opéré, année après année.
Chacun sait que les bases sur lesquelles l’État et les collectivités territoriales apportaient une aide aux mutuelles de la fonction publique territoriale ont été remises en cause. Un dispositif est déjà en vigueur pour la fonction publique d’État. Celui concernant la fonction publique territoriale est en cours de concertation à la DGCL, la direction générale des collectivités locales. Cela devrait aboutir début 2008 ; je préfère vous donner des délais précis plutôt que vous expliquer ce que vous savez déjà. Je suis moi-même intéressé en ma qualité d’employeur de la fonction publique territoriale.
Quelles sont les intentions salariales de l’État pour 2008 et les années suivantes ?
L’État a toujours fait son devoir vis-à-vis des fonctionnaires. Je ne veux pas afficher d’objectif pour 2008 parce que je souhaite vraiment que nous ouvrions, dans les mois qui viennent, en tout début d’année au plus tard, une discussion de fond, non pas sur les chiffres mais sur la méthode de mesure. Si j’annonce des chiffres sur tel ou tel point, je ne serai plus crédible. Je voudrais être certain de la manière dont nous allons travailler.
Au cœur de notre action, il y a l’idée que le pouvoir d’achat de la fonction publique est un élément clé, au même titre que celui du secteur privé. La rémunération des fonctionnaires en 2008 ne doit pas susciter d’inquiétude, même si le contexte budgétaire est tendu ; ce n’est pas à vous que je vais l’expliquer. Les fonctionnaires doivent prendre leur part dans le rétablissement de l’équilibre des finances publiques, car le problème les concerne en tant que serviteurs de l’État, même s’il n’est pas de leur fait. Nous aurons donc un dialogue responsable sur ce sujet, en 2008, afin de construire les différents indicateurs permettant de mesurer la hausse de la feuille de paie.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Je crois me faire l’interprète de tous mes collègues en saluant votre souci de répondre à chacune des questions avec précision et franchise, y compris sur des sujets où vous avez reconnu ne pas être en mesure d’apporter des réponses complètes – compte tenu de l’ampleur du chantier, cela se comprend –, notamment sur la problématique immobilière, je suppose que nous allons y revenir.
La parole est à M. Michel Piron.
M. Michel Piron. Je ne vous interrogerai pas, monsieur le ministre, sur la RMPA, la rémunération moyenne des personnels absents, mais sur deux autres points.
La question des indicateurs quantitatifs et qualitatifs de gestion prévisionnelle des effectifs a été effleurée. J’aurais cependant aimé en savoir un tout petit peu plus sur vos prévisions, compte tenu du volume très important de départs en retraite attendus. Si ces indicateurs ne sont pas encore convenablement renseignés, avez-vous une idée de l’horizon à partir duquel ils le seront, notamment sur le plan qualitatif ? Pour votre gestion des ressources humaines, cela me semble urgent.
M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Je n’ai pas bien compris votre question, monsieur le député.
M. Michel Piron. J’entends parfois des données quantitatives sur le taux de remplacement nécessaire des départs en retraite. Existe-t-il une réelle gestion prévisionnelle, non pas globale mais qualitative, grand poste par grand poste ?
On entend périodiquement réclamer, ici ou là, dans la fonction publique territoriale, une plus grande fongibilité de crédits, allant au-delà du système asymétrique. Les agents se sentent en effet parfois bridés par des fléchages excessifs. Qu’en pensez-vous ? Je sais que le débat n’est pas prêt de s’achever car il existe une tension inévitable entre, d’une part, une demande de verticalisation permettant théoriquement d’y voir plus clair du centre vers la périphérie, et, d’autre part, une demande d’horizontalisation à la périphérie pour essayer d’exercer les responsabilités de manière plus réactive. Quelles sont les évolutions envisageables en matière de fongibilité, à supposer qu’il y en ait ?
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. Georges Tron.
M. Georges Tron, rapporteur spécial. Je veut revenir sur quelques points, en suivant cette fois-ci le fil rouge de la question immobilière, en ma qualité de président du Conseil de l’immobilier de l’État.
Sans vouloir faire de l’ENA un symbole de la vindicte de quelques parlementaires, je tiens à en dire juste un mot.
La cession de l’immeuble de la rue de l’Université a rapporté 46,4 millions d’euros. Or 85 % de ce produit a été affecté au BOP – budget opérationnel de programme – des services du Premier ministre, avec l’objectif de clore la série d’opérations liées au regroupement à Strasbourg. Reprenons les étapes successives.
Dans la loi de finances rectificatives de 2004, des crédits supplémentaires avaient déjà été octroyés pour le déménagement. En 2006, 880 000 euros ont été prélevés sur le BOP au titre des loyers dus par l’ENA à la Fondation nationale des sciences politiques pour l’utilisation partagée du site de la rue de l’Université, prévue dans le bail. En juillet 2007, 12 millions d’euros ont été virés pour financer une aide supplémentaire – que vous avez d’ailleurs évoquée – et éviter à l’ENA de régler des loyers à la ville de Strasbourg. Et voilà qu’en novembre 2007, un versement supplémentaire de 2,4 millions d’euros est attendu pour financer la Maison des élèves de Strasbourg ; vous avez mentionné les chiffres, je n’y reviens pas.
J’ai donc déposé un amendement à ce sujet parce qu’il arrive un moment où il faut savoir dire « stop » ! Sur les 46 millions de la vente, je n’ai pas calculé exactement mais il ne devrait en rester au final que 25 environ. L’année dernière et la précédente, nous avions pourtant signalé, en particulier Louis Giscard d’Estaing, combien nous étions sensibles à ce que cette somme soit sanctuarisée, si j’ose dire. L’opération de vente entre l’ENA et la Fondation nationale des sciences politiques est tout de même emblématique du droit d’exception que l’État s’arroge à lui-même dans le domaine de l’immobilier.
Honnêtement, nous avons le sentiment d’avoir plutôt manifesté de la mansuétude, année après année, en retirant nos amendements ou en les tempérant, en fonction des arguments de vos prédécesseurs. Sans doute allez-vous mettre en avant les vôtres, monsieur le ministre, mais la situation de l’ENA est tout de même particulièrement surprenante. Trouvez-vous normal que ces 46 millions d’euros ne servent pas uniquement à des dépenses immobilières ? Tel est le sens de l’amendement.
Avec votre autorisation, monsieur le président, je veux revenir sur l’affaire du patrimoine immobilier de l’État. En préalable, je précise, comme vous pouvez l’imaginer, que je suis en parfait accord avec le rapporteur Yves Deniaud, lequel coprésidait du reste la MEC avec Augustin Bonrepaux quand j’ai rédigé mon rapport. Je ferai trois observations très brèves.
Premièrement, la question de l’évaluation, évoquée par M. le ministre et Yves Deniaud, est fondamentale. Si l’on peut admettre quelques modifications, je trouve absolument stupéfiant, et je pèse mes mots, que l’évaluation du patrimoine de l’État soit soumise à une incertitude de 5 à 10 milliards d’euros : elle était de 37 milliards d’euros il y a un an et elle est passée à 47 milliards d’euros cette année, hors patrimoine des opérateurs. Or, vous le savez, monsieur le ministre, le patrimoine des opérateurs est supérieur à celui de l’État stricto sensu. Rendez-vous compte qu’au total, la valeur du patrimoine est sans doute supérieure à 80 milliards d’euros !
Je prends bonne note des efforts que vous entendez accomplir en ce qui concerne le patrimoine immobilier des opérateurs – vous les aviez déjà annoncés devant le Conseil de l’immobilier de l’État, que je vous remercie encore d’avoir honoré de votre présence – et je m’en réjouis. J’insiste néanmoins sur le fait qu’il ne s’agit pas, là non plus, d’une fixation de la part des rapporteurs ou des membres du CIE, mais vraiment d’une nécessité.
Deuxièmement, des progrès ont incontestablement été réalisés dans le domaine de la gestion immobilière, tant par votre prédécesseur Jean-François Copé, qui a mis sur pied le CIE, que par vous-même, qui avez tenu, j’en remercie d’ailleurs vos collaborateurs, à nous recevoir et à venir nous rencontrer dès votre prise de fonctions. Toutefois, malgré tous ces progrès, en particulier la mise en place de loyers, l’absence de stratégie ministérielle centralisée reste évidente ; j’aurai l’occasion de vous le redire.
L’affaire de l’Imprimerie nationale a débuté antérieurement à la création du CIE, mais je veux tout de même rappeler que, lorsque le ministère des affaires étrangères s’est lancé dans l’opération de rachat, celle-ci n’a même pas été mentionnée dans le SPSI, le schéma pluriannuel de stratégie immobilière, et le responsable de la stratégie immobilière du ministère des affaires étrangères a trouvé le moyen de ne pas en dire un traître mot quand le CIE l’a auditionné, en décembre, alors que l’opération était pratiquement finalisée.
Dans ces conditions, vous comprenez que nous nous interrogions sur l’attitude des ministères à l’égard du Conseil de l’immobilier de l’État. La précipitation surprenante qui a présidé à cette affaire a été voulue pour court-circuiter le CIE et, sans doute, forcer un peu la main de France Domaine. Les arguments avancés, Yves Deniaud l’a très bien expliqué, ne sont pas de nature à emporter notre accord, notamment le regroupement des anciens bureaux de la rue de la Convention à proximité du Quai-d’Orsay, alors que nous nous demandons si une relégation vers la proche ou même la moyenne banlieue parisienne ne serait pas intéressante.
En tout cas, 150 millions d’euros auraient sans doute pu être économisés dans cette opération. Pour vous dire combien nous y sommes sensibles, je rappelle que, dans une lettre du 23 mars 2007, au nom du CIE, j’avais alerté votre prédécesseur sur le caractère injustifié du rachat de ce site par le ministère des affaires étrangères.
Enfin, quelles conséquences tirez-vous du manque de professionnalisme, relevé dans le rapport de la MEC, assez flagrant dans l’affaire de l’immeuble de l’Imprimerie nationale ? Il est en effet flagrant quand on considère la façon dont a été négociée la clause de complément de prix, quand on lit la modification du PLU ou quand on s’aperçoit que vingt ans auraient été nécessaires à l’État dans l’hypothèse où il aurait dû conduire l’opération lui-même.
J’en arrive à la conclusion que la fonction immobilière de l’État, pour se professionnaliser, doit certainement s’ouvrir à des opérateurs ou, en tout cas, à des compétences issues du secteur privé. Dans le rapport de la MEC, nous avions d’ailleurs suggéré que des professionnels du secteur immobilier puissent apporter leurs compétences à l’État, comme cela se fait dans les entreprises du secteur privé pour les opérations très techniques. Votre prédécesseur s’était dit tout à fait favorable à cette idée, en particulier pour France Domaine. Trente contrats devaient être signés mais, à ma connaissance, aucune suite n’a jamais été donnée.
Votre réponse sur l’immeuble de l’Imprimerie nationale a été très claire, mais je voudrais savoir, vous l’avez compris, si le Gouvernement souhaite tirer les leçons de cette affaire en reprenant notre recommandation.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Il me semble évident qu’il faudra revenir sur cette question de l’immobilier.
La parole est à M. Yves Deniaud.
M. Yves Deniaud, rapporteur spécial. Quand nous élaborons un rapport, c’est pour qu’il soit suivi d’effets, cela a été dit ce matin, y compris par M. le ministre. Il importe donc que nous assurions le suivi des travaux de la MEC, et les occasions ne manquent pas. Je souscris pleinement à mon tour aux analyses de Georges Tron et j’irai un peu loin.
Certaines compétences ne sont effectivement pas exercées par l’État et il aura du mal à s’en charger tout seul. Cependant il a été objecté que celui-ci n’aurait pas les moyens de payer de façon permanente des professionnels de l’immobilier et qu’il valait mieux, à l’occasion de chaque opération qui le justifierait, souscrire des contrats ponctuels avec des organismes spécialisés ou des experts. Je me souviens aussi que la Caisse des dépôts, lorsque nous avions auditionnée ses dirigeants, s’était portée volontaire pour mettre ses compétences diverses au service du pilotage de l’immobilier de l’État.
Au passage, monsieur le ministre, j’ai parfaitement reçu vos propos sur la notion de propriété d’État, qui s’oppose à celle de propriété ministérielle ; c’est fondamental.
Au-delà des opérations d’achat et de cession, il existe d’autres enjeux ; nous l’avons vu dans l’affaire de l’Imprimerie nationale. Pourquoi l’État est-il incapable de rénover ou de construire dans des conditions de délai et de coût satisfaisantes ?
Dans mon propos liminaire, je n’ai pas indiqué que nos collègues du Sénat ont émis des observations très sévères à propos de l’Établissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturels, l’EMOC, choisi pour une partie de la rénovation de l’avenue de Ségur : sur les lots qui lui ont été confiés, aucun délai n’a été respecté et chaque opération a généré des surcoûts considérables. On pourrait en dire autant, me semble-t-il, de son équivalent au ministère de la justice, l’AMOTMJ, l’Agence de maîtrise d’ouvrage des travaux du ministère de la justice. Encore une fois, ces opérateurs fragmentés ne donnent manifestement pas satisfaction.
En outre, au-delà de la négociation immobilière, il ne faut pas négliger la rénovation et la construction de bâtiments. Des programmes importants sont en effet conduits par le ministère de la justice ou celui de la culture, eu égard à la valeur historique et architecturale du patrimoine de l’État placé sous sa responsabilité. Il faudrait pouvoir se doter d’un outil agissant à la demande pour conduire des négociations mais aussi pour diriger des opérations de rénovation et de construction dans des délais convenables et des conditions de coûts conformes au marché. La Caisse des dépôts et consignations aurait-elle la possibilité de le faire ? Elle dispose de compétences sur le marché car, dans bien des métiers, elle est en concurrence avec des opérateurs privés. De surcroît, compte tenu de la prolifération de règles que j’ai dénoncée tout à l’heure, elle aurait plus de facilités que l’État pour s’occuper de certaines opérations. Il me paraissait important d’apporter cette précision.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. Thierry Carcenac.
M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour vos réponses, notamment pour votre proposition concernant les systèmes informatiques, qui nous permettra d’avoir une vision d’ensemble.
Je n’aborderai que deux ou trois points.
Vous avez présenté la fusion DGI-GGCP comme un acte de foi.
M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Je ne me suis pas contenté de dire cela !
M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial. Bien entendu. Quoi qu’il en soit, je pense qu’il serait bon d’anticiper les conséquences du rapprochement sur les hôtels des finances et de faire en sorte que les travaux prennent en compte les projets prévus pour plus tard.
Vous avez rapidement glissé sur la maintien des trésoreries, notamment celles de moins de trois agents, en me répondant qu’il n’y aurait pas de fermetures. Le directeur général de la comptabilité publique en envisage tout de même une centaine par an ; pour certaine d’entre elles, l’incidence territoriale ne sera pas nulle.
Enfin, il me semble que l’incidence de l’augmentation des crédits de l’action « Soutien autre que Copernic » ne saurait se limiter aux loyers budgétaires, que vous avez évoqués il y a quelques instants. Il y aurait alors égalité entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement. Vous avez parlé de 112 millions d’euros alors que les crédits demandés augmentent un peu plus. C’est ce qui nous amènera tout à l’heure à déposer un amendement de réfaction de cette enveloppe.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. Michel Vergnier.
M. Michel Vergnier, rapporteur spécial. Ma remarque sur le taux de réponse à nos questions n’était ni polémique, ni provocatrice, ni accusatrice ; le ton que j’ai employé en témoigne. Tout au long de votre intervention, vous avez répété que vous souhaitiez trouver des solutions par la discussion. Le rapporteur joue un rôle en la matière.
Il est également malvenu d’accuser des intermédiaires d’être responsables de ces retards. Efforçons-nous de trouver ensemble le moyen pour que les cabinets s’organisent et répondent à nos questions, car nous partageons cette volonté.
M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. C’est la faute de vos collaborateurs, j’en suis persuadé. Mais non, je plaisante ! (Rires.)
M. Michel Vergnier, rapporteur spécial. Je considère que la caisse de retraite de la RATP manquera de plus de 450 millions de crédits et je n’ai pas très bien compris vos explications. J’attends une réponse un peu plus précise.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La parole est à M. le ministre.
M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Certaines remarques n’appellent pas de commentaires de ma part, mais je vais répondre à ces dernières questions.
Monsieur Piron, la dimension qualitative de la gestion prévisionnelle des emplois et des carrières est effectivement très importante. Les acteurs de l’État en parlent depuis des années mais, en pratique, je ne suis pas sûr qu’ils sachent comment faire. Des tentatives ont été faites, par exemple le répertoire des métiers, valable pour l’ensemble des ministères. Celui-ci présente un grand intérêt car il peut servir de base pour construire une autre façon de penser, davantage en termes de métiers qu’en termes de corps. Tout cela est en débat.
M. Michel Piron. En la matière, la fonction publique territoriale est très en avance.
M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Des scénarios de GPEC sont élaborés, c’est-à-dire des prévisions d’évolution conçues en interministériel. La DGAFP, au jour le jour, a la volonté de pousser les directions des ressources humaines des ministères à professionnaliser la gestion des personnels, en tout cas à intégrer les données qualitatives, avec des séminaires, des retours d’expérience ou des guides méthodologiques. Tout cela existe et produit progressivement des effets, mais ceux-ci sont difficiles à mesurer.
Par ailleurs, dès lors que les effectifs de la fonction publique d’État sont un peu réduits, la machine est davantage sollicitée, davantage mise en tension, des réformes de structures sont menées. Il faut alors obligatoirement raisonner en termes de GRH. En effet, la ressource humaine devenant plus rare, elle doit être mieux utilisée et mieux prévue. Je considère que, pour faire bouger une structure aussi imposante que l’administration française, des éléments incitatifs s’imposent, et je pense que nous ferons intervenir une incitation extérieure.
S’agissant de la fongibilité, la logique de la LOLF est tout de même de faciliter le redéploiement de moyens en contrepartie d’une responsabilisation. Le nombre de BOP a été réduit, mais il faut veiller à ce que les gestionnaires d’administration centrale ne les flèchent pas de façon inconsidérée, au risque d’en faire de véritables carcans locaux ; nous enregistrons de nombreuses remontées d’information à ce propos. Ce serait tout simplement contradictoire avec l’état d’esprit de la LOLF. Pour tout vous dire, nous avons ouvert un petit chantier sur l’organisation de l’État local et les crédits déconcentrés, dans le cadre de la RGPP, qui couvre décidément toutes les politiques publiques.
Monsieur Tron, je ne vais pas refaire l’historique des implantations de l’ENA rue de l’Université et à Strasbourg. Sur les 46 millions d’euros du produit de la vente, il en reste en fait une dizaine, que j’ai évidemment l’intention de geler et de consacrer au désendettement, afin que l’opération ne soit pas blanche pour l’État, ce qui n’aurait pas de sens. Nous nous sommes penchés sur ce problème il y a quelques semaines et je suis en train de rédiger un projet. Je vous rendrai compte du résultat.
M. Georges Tron, rapporteur spécial. Lorsque, il y a deux ans, nous avons eu vent de l’opération, nous avons demandé que la totalité du produit de la cession soit sanctuarisée. Finalement, 25 millions se sont déjà envolés.
M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Les décisions qui ont été prises par le passé nous échappent. Je ne veux pas renvoyer à d’autres responsabilités car cela ne sert à rien ; pour ma part, je m’engage à tout faire pour que les 10 millions restants soient sanctuarisés.
L’attitude des ministères vis-à-vis du CIE, en particulier celle du ministère des affaires étrangères, est évidemment inacceptable, j’en prends acte. C’est pourquoi le Conseil de l’immobilier de l’État m’a proposé d’édicter un avis avant toute opération immobilière de l’État ; cela pourrait en effet inciter les gestionnaires à changer de comportement. Je ne crois qu’aux mises sous tension : les gens ne sont pas communicants et transparents de leur propre volonté ; ils le deviennent essentiellement parce que c’est nécessaire, puis cela devient une culture. On ne change pas de système d’un seul coup.
Je sais qu’il y a déjà eu des débats sur le renforcement des compétences de France Domaine par des apports privés. Il n’est pas forcément facile d’attirer les meilleurs car ils gagnent davantage en restant dans le privé ; il faut donc être réaliste. Du reste, sur les opérations complexes, notamment à Paris, le recours de France Domaine à des expertises privées est pratiquement systématique ; ce service pourra d’ailleurs être auditionné un jour pour apporter des précisions.
Voici deux exemples : les experts immobiliers de la Société générale travaillent pour le compte de l’État sur des dossiers de villas sur la Côte d’Azur et un cabinet privé s’occupe de la vente de la prison d’Avignon. Je me propose de vous faire parvenir la liste des cabinets d’expertise privés dont nous utilisons les services et des différentes opérations qu’ils suivent. C’est un problème d’état d’esprit : il faut tirer les enseignements de l’affaire de la rue de la Convention. À ce sujet j’approuve évidemment les propos d’Yves Deniaud.
Lors du renouvellement d’un marché, tous les trois ans, il faut ouvrir l’intégralité des autorisations d’engagement. En 2008, ce sera notamment le cas pour les marchés de nettoyage, ce qui provoque une augmentation des autorisations d’engagement budgétisées. Pour les baux, c’est le même principe.
Nous avons évidemment donné des consignes pour que la fusion DGI-DGCP devienne un mode de pensée dans chaque département. Depuis le 4 octobre, j’ai déjà réuni les trésoriers-payeurs généraux et les directeurs départementaux des services fiscaux à deux reprises, et je verrai les numéros 2 des deux administrations avant la fin de l’année, si je ne m’abuse, pour préciser les choses.
Tout projet local incohérent avec l’esprit et les orientations de la fusion est arrêté. Vous déplorez la fermeture de trésoreries, mais l’État en ferme depuis des années ! Ce n’est pas la conséquence de la fusion DGI-DGCP, vous le savez fort bien, et il serait complètement aberrant que ce mouvement s’interrompe à cause de la fusion. Les décisions sont prises au cas par cas ; les trésoriers-payeurs généraux ont été mandatés pour cela ; ils travaillent en concertation avec les élus locaux et réussissent assez bien. Les incantations ne servent à rien, je le dis sans polémiquer car, étant moi-même élu, je sais bien que c’est toujours un problème localement. Toutefois, il arrive qu’il faille changer fondamentalement l’organisation pour délivrer le service public autrement.
J’ajoute – je l’ai déjà indiqué – que 2 000 trésoreries situées en milieu rural seront consolidées par la fusion, dans la mesure où elles effectueront du recouvrement et du calcul de l’assiette. Cela était déjà le cas en pratique, mais elles iront beaucoup plus loin. Cette mesure est de nature à rassurer les élus locaux sur notre volonté de maintenir ce grand réseau en milieu rural.
Le budget de la RATP est construit conformément à la réglementation. De ce fait, les subventions directes de l’État couvrent les avantages du régime ; cela relève de la mission « Régimes spéciaux ». Parallèlement, une soulte est versée au régime général au titre de la compensation des écarts démographiques.
M. Michel Vergnier, rapporteur spécial. L’adossement est-il pris en compte ?
M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Oui, il l’est. Je vous écrirai pour vous répondre plus précisément.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour toutes ces réponses.
(La réunion de la commission élargie s’achève à douze heures cinquante.)