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N° 1199

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 octobre 2008.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2009 (n° 1127)

TOME VI

MÉDIAS

Par M. Christian KERT,

Député.

___

Voir le numéro : 1198 (annexe n° 29).

INTRODUCTION 5

I.- LES CRÉDITS DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC 7

A. DES RESSOURCES PUBLIQUES EN HAUSSE DE 19,7 % 7

1. Une croissance importante des ressources publiques liée à la réforme de France Télévisions : la création d’une dotation budgétaire 7

2. Des ressources propres probablement en forte baisse 11

B. L’AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR 12

1. Une réorganisation en cours 12

2. Des crédits pour financer cette réforme 12

C. LE DÉPLOIEMENT DE LA TÉLÉVISION NUMÉRIQUE TERRESTRE 13

1. Un plan d’extension de la diffusion numérique par phases successives 14

2. Des inquiétudes sur le calendrier de l’extinction 14

3. Une problématique financière lourde 15

II.- LES AIDES À LA PRESSE : UN BUDGET DE CONSOLIDATION 17

A. LES AIDES DIRECTES 18

B. L’IMPORTANCE DES AIDES INDIRECTES 19

C. L’AGENCE FRANCE PRESSE 20

III.- LA PRESSE ET INTERNET : CONCURRENCE OU COMPLÉMENTARITÉ ? 21

A. LE DÉVELOPPEMENT D’INTERNET A MIS AU JOUR LES FAIBLESSES DE LA PRESSE TRADITIONNELLE 23

1. Internet a introduit une mutation lourde des pratiques 23

2. Internet introduit également une modification de la perception de ce qu’est l’information 27

3. Ces évolutions ont conduit l’État à soutenir financièrement la presse dans sa réflexion sur cette mutation numérique 29

B. LA PRESSE DOIT S’APPUYER SUR SES ATOUTS POUR QU’INTERNET DEVIENNE UN LEVIER DE CROISSANCE 32

1. Internet constitue une opportunité pour développer la mission d’information de la presse 32

2. Internet peut devenir un vrai levier de croissance… 34

3. … sous réserve que les pouvoirs publics fassent évoluer le cadre juridique de la presse sur trois sujets 35

TRAVAUX DE LA COMMISSION 39

I.- AUDITION DE LA MINISTRE 39

II. EXAMEN DES CRÉDITS 59

Article additionnel après l’article 82 : Rapport au Parlement sur les frais d’assiette, de recouvrement et de trésorerie de la redevance 59

AMENDEMENT ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 61

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 63

INTRODUCTION

Dans le projet de loi de finances pour 2009, la répartition des crédits relatifs aux médias a fortement évolué du fait de deux réformes en cours, celle de France Télévisions et celle de l’audiovisuel extérieur. Les crédits sont toujours répartis dans deux missions mais le décryptage des documents budgétaires est donc nettement moins évident que les années précédentes :

− La mission « Avances à l’audiovisuel », pilotée par le ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique, retrace les crédits du compte de concours financier et répartit donc la redevance entre les différents organismes affectataires. Depuis la loi de finances pour 2007, cette mission était décomposée en cinq programmes, un pour chaque opérateur de l’audiovisuel public financé par la redevance audiovisuelle : France Télévisions (programme 841), ARTE France (programme 842), Radio France (programme 843), Radio France Internationale (programme 844) et l’Institut national de l’audiovisuel (programme 845).

Dans le projet de loi de finances pour 2009, le principe a été conservé, mais la réforme de l’audiovisuel extérieur a conduit à modifier l’intitulé du programme 844 (« Contribution au financement de l’audiovisuel extérieur de la France »). Les crédits du programme 844 contribuent désormais au financement de la holding créée pour piloter l’audiovisuel extérieur de la France. Ils complètent les crédits du programme 115 de la mission « Médias », qui assurent la majorité du financement de ces sociétés. De plus, un nouveau programme intitulé « Passage à la télévision tout numérique » (programme 846) a été créé. Il vise à financer les opérations d’extinction de la télévision analogique.

− La mission interministérielle « Médias » relève du Premier ministre et de la ministre de la culture et de la communication et regroupe les programmes « Presse » (programme 180), « Audiovisuel Extérieur de la France » (programme 115), « Soutien à l’expression radiophonique locale » (programme 312) et « Contribution au financement de l’audiovisuel public » (programme 313). Le périmètre du programme 115 a été modifié par rapport à la loi de finances 2008 afin de réunir l’ensemble des crédits finançant la holding « Audiovisuel extérieur de la France », (sociétés France 24, RFI et TV5 Monde), ainsi que ceux de la radio franco-marocaine Médi1. Le programme 312 retrace les crédits destinés au soutien des radios associatives. Ce programme a été créé suite à la disparition du compte d’affectation spéciale « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale ». Dans le cadre de la réforme de l’audiovisuel public lancée par le Président de la République et de la suppression progressive de la publicité sur les chaînes du groupe France Télévisions, le nouveau programme 313 retrace les crédits budgétaires accordés à France Télévisions et Radio France, en complément de la redevance versée via la mission « Avances à l’audiovisuel » du compte de concours financier. Ce programme financera la perte de ressources publicitaires de France Télévisions et l’éventuelle perte de ressources publicitaires de Radio France, en cas de révision de son régime publicitaire.

Le rapporteur pour avis ne dispose cette année d’aucune évaluation du budget global de l’audiovisuel public, c’est-à-dire des parts respectives du financement public et des ressources propres de l’audiovisuel public. Il ne peut que le regretter. En effet, comment le Parlement peut-il objectivement évaluer si le financement public prévu par le projet de loi de finances est suffisant, ou au contraire trop élevé, sans disposer d’une vision globale des besoins des organismes de l’audiovisuel public ? Il est à souhaiter que la probable renégociation du contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions qui suivra l’adoption du projet de loi sur l’audiovisuel public permettra l’an prochain au Parlement de se pencher sur le budget de l’audiovisuel public en disposant à nouveau de l’ensemble de ces informations.

Hors audiovisuel extérieur, la part de financement public – c’est-à-dire la redevance et les dotations budgétaires – augmentera de 547 millions d’euros hors taxe (+ 19,7 %), pour atteindre 3 320,6 millions d’euros hors taxes. Cette forte hausse est liée à la mise en place de la dotation budgétaire de 473 millions d’euros TTC évoquée précédemment, en remplacement des recettes publicitaires. Hors dotation budgétaire, l’évolution de la redevance affectée à l’audiovisuel est de + 3 %.

Les aides à la presse et la dotation à l’Agence France Presse (AFP) s’élèveront à 279,56 millions d’euros en crédits de paiement pour 2009, soit le niveau élevé atteint en 2008. S’agissant des radios, le fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER) est doté de 26,5 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2009 contre 25 millions d’euros en 2008 (+ 6 %). Auparavant alimenté par une taxe sur les recettes publicitaires des radios et télévisions publiques et privées, ce fonds sera cette année financé par le budget de l’État pour éviter une baisse de ces dotations du fait de la suppression progressive de la publicité sur France Télévisions.

Après avoir présenté et commenté le budget de l’audiovisuel public et des aides à la presse pour 2009, le rapporteur pour avis s’est attaché, comme il est d’usage dans les avis budgétaires de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à examiner un aspect de la politique publique dont ce budget est l’illustration. Son choix s’est porté cette année sur la presse et Internet.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre 2008 la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 231 réponses étaient parvenues sur un total de 318 questions : 137 sur les 204 questions relatives aux organismes de l’audiovisuel public (soit un taux de réponse de 67 %) et 94 sur les 114 questions adressées plus spécifiquement au ministère (soit un taux de 82 %). Le taux global de réponse est donc de 72,6 %.

Le CSA, l’AFP et France Télévisions ont de leur côté répondu directement au rapporteur pour avis sur 100 % des questions avant le 10 octobre.

I.- LES CRÉDITS DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC

Crédits alloués à l’audiovisuel public

 

LFI 2008
en M€

PLF 2009
en M€

2009/2008 en %

 

– Encaissements redevance TTC nets

2 397,7

2 509,7

+ 4,7 %

- Remboursements des dégrèvements pris en charge par le budget général TTC

493

488

- 1 %

Total ressources issues de la redevance (TTC)

Dont audiovisuel public hors audiovisuel extérieur

Dont RFI / Audiovisuel extérieur de la France)

Dont financement de l’extinction de l’analogique

2 890,7

2832

58,7

0

2 997,7

2 917,4

65,3

15

+ 3,7 %

+ 3 %

+ 11,2 %

n.p.

CrÉdits budgétaires « contribution au financement de l’audiovisuel public » (pg 313)

0

473

n.p.

Total audiovisuel public hors audiovisuel extérieur (TTC)

2 831,9

3 390,4

+ 19,7 %

CrÉdits budgétaires « audiovisuel extérieur de la France » (pg 115)

210,82

233,07

+ 10,55 %

n.p. : non pertinent

Source : ministère de la culture et de la communication.

A. DES RESSOURCES PUBLIQUES EN HAUSSE DE 19,7 %

Cette année, contrairement aux années précédentes, le rapporteur pour avis déplore de ne disposer d’aucune information sur le niveau des ressources propres que devra engranger France Télévisions en 2009. Certes, l’année 2009 s’accompagne d’une problématique particulière du fait de la suppression de la publicité après 20 heures sur les chaînes du groupe public, mais le Gouvernement doit tout de même avoir réalisé des études pour estimer le montant des ressources propres dont pourra disposer France Télévisions en 2009, les ressources publiques allouées à l’audiovisuel public dépendant de cette estimation.

1. Une croissance importante des ressources publiques liée à la réforme de France Télévisions : la création d’une dotation budgétaire

Le rapporteur pour avis se félicite que, cette année encore, l’État respecte les engagements pris dans les contrats d’objectifs et de moyens le liant avec les entreprises audiovisuelles publiques. Pour autant, l’évolution des ressources publiques affectées à l’audiovisuel public tient compte de plusieurs changements notables :

− la suppression de la publicité sur les chaînes de France Télévisions, qui donne lieu au versement d’une dotation compensatoire au titre du manque à gagner des recettes publicitaires (450 millions d’euros TTC, soit 440,7 millions d’euros hors taxes) ;

− la réallocation d’une partie de la subvention de France Télévisions au programme 844 « Contribution au financement d’Audiovisuel Extérieur de la France » au titre de l’arrêt de la contribution de France Télévisions au financement de TV5 Monde (4,2 millions d’euros hors taxes) ;

− le versement d’une dotation compensatoire en cas de révision du cahier des charges de Radio France et de limitation de la publicité sur les antennes (23 millions d’euros TTC, soit 22,5 millions d’euros hors taxes). Le cas échéant, cette dotation sera versée par l’intermédiaire du nouveau programme « Contribution au financement de l’audiovisuel public ».

Le Gouvernement n’a pas pu communiquer au rapporteur d’informations sur la proportion que représenteront les ressources publiques dans le budget des organismes de l’audiovisuel public. Il convient malgré tout de rappeler que cette part de financement est extrêmement variable selon les organismes, notamment en raison de leur inégale capacité à engranger des ressources propres.

Comme le récapitule le tableau ci-dessus, les ressources publiques de l’audiovisuel public s’élèvent dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2009 à 3 390,4 millions d’euros TTC, soit 2 831.9 millions d’euros hors taxes. En prenant en compte les crédits budgétaires versés à France Télévisions et à Radio France, les ressources publiques de l’audiovisuel public devraient augmenter de 19,7 % en 2009. Hors dotations complémentaires, cette hausse est ramenée à 3 % contre 3,6 % entre 2007 et 2008 et 2,6 % entre 2006 et 2007.

Ce montant inclut l’ensemble des crédits demandés pour France Télévisions, ARTE France, Radio France, l’INA ainsi que les crédits contribuant au financement de la holding « Audiovisuel extérieur de la France » et donc des sociétés France 24, RFI et TV5 Monde. Ces crédits complètent les crédits du programme 115 de la mission « Médias », qui assurent la majorité du financement des sociétés de l’audiovisuel extérieur.

• La redevance

En 2009, les tarifs de la redevance audiovisuelle seront maintenus au niveau de 2005 puisqu’ils s’établiront à 116 euros pour la métropole et 74 euros pour les départements d’outre-mer. Le montant de redevance à répartir augmentera malgré tout de 107 millions d’euros (soit + 3,7 %) du fait d’une hausse des encaissements nets liée à :

− l’indexation de la redevance sur l’inflation, prévue dans le cadre du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle qui devrait être examiné avant la fin de l’année par le Parlement, qui rapportera environ 50 millions d’euros supplémentaires ;

− la croissance de l’assiette des comptes professionnels ;

− 8 millions d’euros supplémentaires encaissés au titre d’années antérieures ;

− 49 millions d’euros supplémentaires sur les comptes particuliers dus à « l’accoutumance » à la réforme de la redevance (diminution des contentieux, progression du taux de recouvrement de la première année de déclaration) ;

− une diminution du montant des dégrèvements, notamment en raison de la fin du régime des « droits acquis ».

Le rapporteur pour avis se félicite de cette augmentation des encaissements, tout comme de l’indexation. Pour autant, afin d’élargir l’assiette de la redevance et d’assurer la croissance des encaissements pour les années à venir, ne conviendrait-il pas de revenir sur une disposition abandonnée en 2005, qui permettait la taxation des résidences secondaires ?

Ressources disponibles sur le compte de concours financier
« avances à l’audiovisuel public »

(en millions d’euros)

 

LFI 2006

LFI 2007

LFI 2008

PLF 2009

Encaissements bruts

2 304,54

2 305,36

2 437,7

2 554,7

Frais de gestion et de trésorerie

- 24

- 24

- 40

- 45

Encaissements nets

2 280,54

2 281,36

2 397,7

2 509,7

Remboursements dégrèvements

440

509

493

488

Total TTC disponible

2 720,54

2 790,36

2 890,7

2 997,7

Source : ministère de la culture et de la communication.

Le régime des « droits acquis » concerne les personnes qui bénéficiaient d’un dégrèvement de la redevance audiovisuelle dans le dispositif antérieur à la réforme de 2005 mais qui n’y ont plus droit dès lors qu’elles sont assujetties à la taxe d’habitation. Il s’agit d’une part des personnes âgées de plus de 65 ans, non imposables à l’impôt sur le revenu et à l’impôt de solidarité sur la fortune, mais ayant un revenu fiscal de référence supérieur à la limite de l’article 1417 du code général des impôts, et, d’autre part, des foyers dont l’un des membres est handicapé, ce dernier n’étant pas le redevable de la taxe d’habitation.

Le mécanisme de maintien des droits acquis s’est appliqué de 2005 à 2007 inclus. L’article 142 de la loi de finances pour 2008 a pérennisé le dégrèvement en faveur des foyers dont l’un des membres est handicapé, sous réserve de satisfaire aux conditions requises. Par ailleurs, l’article 29 de la loi de finances rectificative pour 2007 maintient, pour la seule année 2008, un dégrèvement de 50 % de la redevance audiovisuelle en faveur des personnes âgées de plus de 65 ans au 1er janvier 2004. Ce dégrèvement partiel a été transformé en dégrèvement total par l’article 8 de la loi n° 2008-111 du 8 février 2008 pour le pouvoir d’achat. Ce régime dérogatoire doit prendre fin en 2009 pour les personnes âgées de plus de 65 ans au 1er janvier 2004. Le maintien du dégrèvement en faveur des foyers dont l’un des membres est handicapé, sous réserve de satisfaire aux conditions requises, est en revanche pérenne.

Pour autant, comme il l’avait dénoncé les années précédentes, le rapporteur pour avis estime que les exonérations de redevance pour motifs sociaux ne doivent pas être financées par le budget de l’audiovisuel public. Pourtant, le principe d’un plafonnement des remboursements de dégrèvements de redevance, introduit pour l’année 2006 par l’article 46 de la loi de finances pour 2006, a été reconduit en 2007, en 2008, et encore cette année, par le 3°du II de l’article 23 du présent projet de loi. Un tel plafonnement déroge clairement au principe de remboursement intégral des exonérations posé par l’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 modifiant la loi de 1986, en disposant que « les exonérations de redevance audiovisuelle décidées pour des motifs sociaux donnent lieu à remboursement intégral du budget général de l’État ».

Il n’est pas normal de financer à moindre coût, sur le budget de l’audiovisuel public, des politiques sociales. Afin de sécuriser les ressources de l’audiovisuel public, il est donc indispensable de supprimer ce plafond qui n’est conforme ni à la loi régissant l’audiovisuel public, ni à l’esprit de la loi organique relative aux lois de finances. C’est pour cette raison que, conjointement avec le rapporteur spécial, le rapporteur pour avis a déposé un amendement en première partie du présent projet de loi de finances afin de supprimer ce plafond.

Parallèlement, cette année encore, le rapporteur pour avis s’étonne que les frais de gestion et de trésorerie du compte de concours financier augmentent dans de telles proportions. Après une hausse de plus de 66 % l’an passé, ils augmentent cette année de 12,5 %, soit bien plus que l’inflation, et représentent 1,76 % du montant des encaissements bruts, contre 1 % en 2006 ! Cette hausse particulièrement importante ponctionne le budget de l’audiovisuel public, alors même que la réforme de la perception de la redevance était censée permettre une baisse drastique des frais de recouvrement, de gestion et de trésorerie.

Ainsi le rapporteur général indiquait, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2005, « le recouvrement de la redevance verra son coût fortement baisser. L’économie réalisée ira, sous forme de produits de redevance supplémentaires, au secteur de l’audiovisuel public ». Il conviendrait que la représentation nationale obtienne enfin des informations claires sur les modalités de calcul de ces frais et que cette ligne ne soit pas une variable d’ajustement. La commission des finances pourrait peut-être se saisir de ce problème. Le rapporteur pour avis estime que le Gouvernement doit produire ces explications dans le cadre d’un rapport au Parlement qu’il devra remettre rapidement.

Le rapporteur pour avis s’étonne également que l’extinction de la diffusion analogique soit financée par la redevance, par le biais du programme « Passage à la télévision tout numérique » créé au sein de la mission « Avances à l’audiovisuel ». Il reviendra plus précisément sur ce point ultérieurement.

Les encaissements nets de redevance seront cette année ainsi répartis :

Répartition prévisionnelle de la redevance en 2009

(en millions d’euros)

Organismes

LFI 2008

PLF 2009

Évolution 2009/2008

Répartition 2009

France Télévisions

1 985,84

2 039,14

+ 2,7 %

68 %

Arte France

223,33

232,35

+ 4 %

8 %

Radio France

539,46

559,69

+ 3,8 %

18,5 %

RFI / Audiovisuel extérieur de la France

58,72

65,29

+ 11,2 %

2 %

INA

83,31

86,17

+ 3,4 %

3 %

Passage à la télévision tout numérique

0

15

n.p.

0,5 %

Total

2 890,66

2 997,64

+ 3,7 %

100,00 %

Source : projet de loi de finances pour 2009 et ministère de la culture et de la communication.

• Les crédits budgétaires

L’État s’est engagé à compenser dès 2009 la baisse de chiffre d’affaires publicitaire entraînée par la suppression progressive de la publicité sur les chaînes du groupe France Télévisions. Ainsi, conformément aux recommandations de la Commission pour la nouvelle télévision publique, dite « Commission Copé », qui a remis son rapport le 25 juin dernier, l’État apportera à France Télévisions en 2009 une dotation complémentaire de 450 millions d’euros TTC, versée via le programme « Contribution au financement de l’audiovisuel public » du budget général. Sont également prévus dans ce programme les crédits nécessaires à une compensation par l’État de la perte de recettes publicitaires que pourrait générer une restriction du régime publicitaire de Radio France en cas de modification de son cahier des charges (23 millions d’euros TTC en 2009).

Cette hausse des crédits publics alloués à France Télévisions et, potentiellement, à Radio France doit être financée par la création de deux taxes prévues par le projet de loi sur la communication audiovisuelle qui sera débattu à l’Assemblée nationale après l’examen du projet de loi de finances : l’une de 3 % sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision, l’autre de 0,9 % sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques.

2. Des ressources propres probablement en forte baisse

Suite à l’annonce du Président de la République le 8 janvier 2008, la baisse de recettes publicitaires de France Télévisions a conduit le groupe à présenter, sauf pour RFO, un budget rectificatif pour 2008, voté en juillet 2008 et qui prévoit, par rapport au budget initial, des recettes publicitaires réduites de 152 millions d’euros. Le groupe a bénéficié d’une dotation en capital de 150 millions d’euros, versée le 8 août 2008, à partir du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ». Dans ce contexte, en 2009, les objectifs de ressources propres (recettes commerciales, produits financiers et services rendus aux administrations) assignés aux sociétés de l’audiovisuel public seront probablement en très forte baisse.

Évolution des ressources publicitaires France Télévisions en 2008

 

Prévisions LFI 2008

Rectifié 2008

France Télévisions

Dont

France 2

France 3

809,7

440,9

297,3

657,7

358,1

241,4

Source : direction du développement des médias.

B. L’AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR

1. Une réorganisation en cours

Face au constat de l’absence de stratégie et du manque de cohérence de l’audiovisuel extérieur de la France, que les députés avaient soulignée de longue date (1), une mission interministérielle de concertation et de propositions a été constituée en juin 2007. À la fin de l’année 2007, le Président de la République a annoncé une réforme de l’audiovisuel extérieur de la France se déclinant selon les axes suivants :

− la création d’une société holding « Audiovisuel Extérieur de la France », dirigée par M. Alain de Pouzilhac et Mme Christine Ockrent, chapeautant les sociétés France 24, RFI et TV5 Monde ;

− une clarification des missions et des objectifs assignés à l’audiovisuel extérieur ;

− une offre éditoriale renouvelée et adaptée à la révolution numérique : France 24 se doit d’offrir un point de vue français sur l’actualité du monde, RFI doit assurer une mission d’information relative à l’actualité française et internationale et TV5 Monde doit se concentrer sur une mission de rayonnement du patrimoine audiovisuel francophone.

2. Des crédits pour financer cette réforme

Dans le cadre de cette réforme, les crédits visant à financer les sociétés de l’audiovisuel extérieur de la France (France 24, TV5 Monde, RFI et la société holding récemment créée) ne font plus l’objet d’une répartition par sociétés. Le montant total des crédits, qui s’élève à 298,36 millions d’euros, dont 233,1 millions d’euros issus du budget général (programme 115 « Audiovisuel extérieur de la France ») et 65,3 millions d’euros issus du compte de la redevance (programme 844 « Contribution au financement de l’audiovisuel extérieur de la France »), est ainsi versé à la holding qui les répartit et les verse aux différentes entreprises concernées.

Ressources publiques pour l’audiovisuel extérieur

(en millions d’euros)

 

LFI 2008

PLF 2009

Évolution

Audiovisuel extérieur de la France

Dont redevance

Dont crédits budgétaires

3,7*

298,36

65,29

232,07

 

France 24

Abondement en gestion

70

18,5*

0

 

RFI

Dont redevance

Dont subvention MAE

132,73

74,03

58,7

0

 

TV5

Dont subvention versée par FTV

69,9

4,2

0

 

Medi1 (budget général)

1,1

1,1

 

Total

295,9

298,4

+ 0,84 %

*Non inscrit en LFI. Ajout en cours d’année 2008

Source : missions interministérielles « Médias » et « Avances à l’audiovisuel public ».

En 2009, le ministère des affaires étrangères ne participera donc plus au financement de l’audiovisuel extérieur. S’agissant de France 24, sa convention prévoyait une dotation de 88,5 millions d’euros en 2008. Or, selon les informations fournies par le Gouvernement, le montant inscrit en loi de finances initiale 2008 s’élevant à 70 millions d’euros, c’est un abondement budgétaire en gestion qui a permis d’atteindre la somme. La commission des finances du Sénat a récemment dénoncé cette pratique et le rapporteur pour avis se joint à sa critique. L’ensemble des crédits alloués à France 24 devrait être prévu dans la loi de finances, tant pour des raisons de lisibilité budgétaire que de bonne information du Parlement.

C. LE DÉPLOIEMENT DE LA TÉLÉVISION NUMÉRIQUE TERRESTRE

Lancée en mars 2005 auprès de 35 % de la population, la télévision numérique terrestre (TNT) se déploie depuis cette date par phases successives. Selon le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), elle couvrait fin juillet 2008 plus de 87 % de la population métropolitaine. La loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur a introduit plusieurs dispositions pour favoriser de nouvelles extensions de la couverture du territoire par la TNT, afin de permettre concomitamment une extinction plus facile de la diffusion analogique. Elle prévoit en effet l’extinction de la diffusion analogique à compter du 30 novembre 2011, extinction qui devrait libérer des ressources pour créer de nouveaux services, ressources plus communément appelées « dividende numérique ». Mais, aujourd’hui, les acteurs du secteur que le rapporteur pour avis a rencontrés sont de plus en plus nombreux à s’inquiéter des possibles retards dans ce calendrier et des conséquences financières très lourdes de la prolongation d’une double diffusion au-delà de 2011.

1. Un plan d’extension de la diffusion numérique par phases successives

Le CSA a fixé en juillet 2007 le rythme de l’extension de la télévision numérique en précisant les objectifs annuels de couverture minimum au niveau national, mais aussi au niveau départemental. Ainsi, ce programme d’extension de la TNT permettra d’atteindre l’objectif d’une couverture minimum de 95 % de la population métropolitaine à la fin 2011 pour l’ensemble des éditeurs de la TNT, tout en garantissant à cette date pour chaque département une couverture minimum de 91 % de la population pour les chaînes historiques nationales gratuites et de 85 % pour les autres chaînes nationales privées. Mais l’extension de la TNT est actuellement freinée par une contrainte majeure liée à l’absence d’extinction de la diffusion analogique qui rend difficile, voire impossible dans certaines zones, de dégager de nouvelles fréquences. Dès lors, et les acteurs consultés par le CSA le soulignent quasiment tous, le couplage entre extinction de la diffusion analogique et extension de la TNT est indispensable pour couvrir les zones non encore desservies et faciliter le processus de passage à la télévision tout numérique.

2. Des inquiétudes sur le calendrier de l’extinction

La loi du 5 mars 2007 fixe au 30 novembre 2011 l’extinction de la diffusion en mode analogique des services de télévision, ce qui maintient la France dans le calendrier proposé par la Commission européenne, à savoir une extinction en 2012. D’autres pays européens majeurs sont en cours d’extinction et leur dispositif est rodé. C’est le cas en Allemagne, au Royaume-Uni ou en Scandinavie, même si le canal hertzien n’est pas le principal canal de diffusion audiovisuel dans ces pays.

En France, de nombreux diffuseurs ont fait part au rapporteur pour avis de leurs inquiétudes quant au respect du calendrier prévu par la loi. En effet, en 2007, suite à la promulgation de la loi, les institutions chargées de l’extinction de l’analogique (GIP, CSN, CSA, ARCEP, Commission parlementaire du dividende numérique, etc.) ont certes été installées ou se sont organisées pour préparer ce dossier, mais aucune extinction n’a eu lieu. En 2008, de sérieux retards ont été pris. Or la loi prévoit que l’extinction de l’analogique peut être opérée sur une zone donnée neuf mois après que la population en a été officiellement informée. Faute d’annonces sur une prochaine extinction, rien ne se passera donc avant la fin de l’année.

On peut regretter que le schéma national d’arrêt de la diffusion analogique, prévu par l’article 99 de la loi de 1986 précitée, n’ait pas encore été publié… et que sa publication soit trop liée à celle d’un autre schéma créé par la loi de 2007 précitée, celui de la réutilisation des fréquences libérées par l’arrêt de la diffusion analogique et le basculement vers le numérique. Or ces deux schémas ont été clairement distingués par les parlementaires à l’époque, justement pour éviter cette difficulté. Par ailleurs, on ne peut que regretter que les craintes exprimées à l’époque par les députés et les sénateurs se concrétisent. Rappelons par exemple que la commission des affaires culturelles du Sénat s’était inquiétée que « ce schéma contribue largement au caractère lourd et formel d’une procédure préalable à la définition du calendrier de l’extinction du numérique nécessitant successivement deux consultations publiques, la consultation du groupement d’intérêt public et une décision réglementaire dans un laps de temps extrêmement limité. Dans l’hypothèse où le projet de loi serait définitivement adopté fin février 2007, la mise en œuvre de l’ensemble de ces contraintes avant le 30 juin 2007 paraît tout simplement irréaliste ». À fin septembre 2008, on en est toujours au même point…

Il conviendrait que le Gouvernement publie au plus vite le schéma national d’arrêt, même si d’importants enjeux économiques et financiers lui font repousser la publication de celui relatif à la réutilisation des fréquences. En effet, si dans sa communication du 20 octobre dernier, M. Éric Besson, secrétaire d’État en charge du développement de l’économie numérique, a largement abordé la question de l'extinction de la télévision analogique et du passage à la télévision tout numérique (réaffirmation de l'objectif du 30 novembre 2011, mention des premières régions qui passeront au tout numérique, etc.), aucune date de publication du schéma d'extinction n’a encore été annoncée.

3. Une problématique financière lourde

 Le retard pris sur le calendrier d’extinction va-t-il remettre en cause l’équilibre financier des contrats d’objectifs et de moyens des chaînes publiques ?

Ainsi, dans le contrat d’objectifs et de moyens (COM) signé par France Télévisions en mars 2007, le plan d’affaires prévoyait des économies liées à l’extinction progressive de la diffusion analogique, de 19 millions d’euros en 2009 à 55,3 millions d’euros à compter de 2010. On peut aujourd’hui douter de la pertinence de ces extrapolations… Pour Arte, s’il est extrêmement difficile de prévoir exactement les conséquences financières d’un tel retard sans connaître les modalités de l’arrêt, on peut toutefois souligner que des économies de diffusion de 470 000 euros étaient prévues au COM pour 2008 et n’ont pas été réalisées. Les économies de diffusion prévues en 2009 par rapport à 2008, à hauteur de 1,8 million d’euros seront probablement très inférieures au montant prévu ; pour 2010, 3,8 millions d’euros d’économies étaient envisagés.

 Faut-il financer l’extinction par la redevance ?

L’article 23 du projet de loi de finances pour 2009 vise à élargir le champ des bénéficiaires de la redevance audiovisuelle au groupement d’intérêt public (GIP) « France Télé Numérique » qui supervise le passage à la télévision numérique. Ce GIP a été créé par l’article 6 de la loi du 5 mars 2007. Il est chargé de mettre en œuvre les mesures d’accompagnement de l’extinction de la diffusion analogique : communication adaptée et commune pour informer les téléspectateurs des changements à venir, gestion du fonds d’aide destiné à contribuer à la continuité des services nationaux diffusés en analogique après l’extinction, etc. Il regroupe l’ensemble des éditeurs de chaînes nationales hertziennes analogiques (TF1, France Télévisions, Canal Plus, Arte et M6) et l’État. La répartition des frais de fonctionnement du GIP entre les différents membres est la suivante : État : 50 % ; France Télévisions : 15 % ; Arte : 5% ; TF1 : 10 % ; M6 : 10 % ; Canal Plus : 10 %. La campagne nationale de communication et le fonds d’aide aux téléspectateurs doivent être pris en charge à 100 % par l’État.

En 2008, pour ce qui concerne les frais supportés par l’État, le GIP est financé sur l’action « Coordination sectorielle » du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », c’est-à-dire sur crédits budgétaires. Lors des débats sur le projet de loi de modernisation de la diffusion audiovisuelle, le rapporteur de la commission des affaires culturelles, M. Emmanuel Hamelin, avait d’ailleurs indiqué en réponse à une question de Mme Martine Billard qu’il était « impensable de demander aux chaînes de financer les conséquences de la fin de leur diffusion en mode analogique. Cela reviendrait en quelque sorte à les faire payer pour leurs obsèques. Au contraire, étant donné qu’il s’agit d’une décision gouvernementale, c’est un financement public qui s’impose ». Or l’objet de la redevance est de financer la télévision et la radio publiques, comme l’indiquait Patrice Martin-Lalande dans son rapport précité sur la redevance audiovisuelle : « la justification de la redevance, sous sa forme actuelle ou sous une autre modernisée, réside, puisqu’il s’agit d’une recette affectée, dans l’objet même de ce qu’elle contribue à financer : le service public de l’audiovisuel ».

Même si l’on peut comprendre que de lourdes contraintes budgétaires pèsent sur l’État, on sait que les opérations de communication relatives à l’extinction sont très coûteuses (au Royaume-Uni, les opérations de communication sont évaluées à plus de 200 millions de livres !). Cette dilution de l’objet de la redevance n’est pas acceptable, alors même que l’on tente de clarifier les modalités de financement de l’audiovisuel public. C’est pour cette raison que le rapporteur pour avis a défendu un amendement visant à revenir au champ antérieur des bénéficiaires de la redevance, le GIP ne pouvant en aucun cas en faire partie. Dans le cas contraire, et en l’absence de hausse de la redevance, le financement du GIP risque de se faire au détriment du respect des COM des différents acteurs de l’audiovisuel public, d’autant que la ministre a annoncé lors de sa conférence de presse du 26 septembre que, s’il s’agit de 15 millions d’euros en 2009 « pour financer une campagne nationale d’information et un fonds d’aide au bénéfice des foyers les plus modestes », il s’agirait de 72 millions d’euros en 2010 et 131 millions d’euros en 2011 ponctionnés sur ce même compte...

Rappelons que le fonds d’aide aux plus défavorisés, instauré par l’article 102 de la loi n° 86-1067, est à la charge de l’État et que pour l’élaboration du projet de loi de finances pour 2009, l’estimation des dépenses est la suivante : 5,4 millions d’euros en 2009, 30,7 millions d’euros en 2010 et 48,8 millions d’euros en 2011. Le montant total des dépenses prévues pour ce fonds s’élève ainsi à environ 85 millions d’euros.

II.- LES AIDES À LA PRESSE : UN BUDGET DE CONSOLIDATION

L’année 2009 est avant tout une année de transition, qui pourrait voir évoluer certains dispositifs d’aides publiques existants, à la lumière des travaux qui sont actuellement conduits dans le cadre des États généraux de la presse.

La vitalité de la presse est un des enjeux majeurs de notre vie démocratique. C’est la raison pour laquelle l’État s’attache, de longue date, à soutenir ce secteur stratégique. Une loi du 4 thermidor an IV posait déjà le principe d’une aide postale au transport de presse en reconnaissant à cette dernière un tarif privilégié. Bien évidemment, les dispositifs d’aide à la presse ont continûment évolué depuis. Plusieurs objectifs principaux les animent aujourd’hui : garantir la liberté de la presse, mais également favoriser sa modernisation afin de soutenir le développement de sa diffusion et de conforter les conditions de son pluralisme et de son indépendance.

Alerte sur les annonces légales

Le rapporteur pour avis s’inquiète vivement des conséquences qu’aurait l’adoption sans modification de la proposition de la Commission de révision des directives n° 68/151/CEE et n° 89/666/CEE, notamment sur la presse hebdomadaire régionale. Cette proposition supprime les obligations de publication dans les journaux des informations concernant une société – statuts, actes modificatifs de statuts, changements de dirigeants, dissolution, liquidation judiciaire, etc. –, plus communément appelées « annonces légales », dans la mesure où ces informations sont déjà disponibles en ligne au registre du commerce. Si un tel système était mis en place en France dans les termes prévus par le projet de la commission, l’équilibre financier et donc la pérennité de nombreux journaux régionaux et d’entreprises de presse judiciaire seraient menacés. Il conviendrait de trouver très rapidement une solution qui permette de pérenniser le système français actuel, tout en l’intégrant dans les nouvelles obligations prévues par la Commission européenne. Selon les informations communiquées par le Gouvernement, le Parlement européen a adopté un amendement, à la demande de Mme Kauppi, rapporteure, qui prévoit notamment que la redevance unique qui finance la plate forme électronique peut refléter les coûts des publications additionnelles, à condition que cela reste une redevance unique. Il conviendrait que ce compromis soit maintenu dans la suite des discussions, le texte retenu par le Parlement européen permettant de ne pas fragiliser le financement de la presse. Le Parlement français se devra d’être attentif à l’évolution de ce dossier.

L’ensemble des aides directes à la presse est regroupé avec les abonnements à l’Agence France Presse (AFP) dans le programme « Presse » de la mission « Médias ». Avec 279,56 millions d’euros en crédits de paiement et 284,56 millions d’euros en autorisations d’engagement, le budget des aides directes à la presse pour 2009 est stable par rapport à 2008. Le rapporteur pour avis décrit dans cette partie l’ensemble des aides à la presse, mais reviendra plus longuement dans la troisième partie de son avis sur la question des liens ambigus entre la presse et Internet.

A. LES AIDES DIRECTES

En 2009, les aides à la presse s’élèveront à 173,17 millions d’euros en autorisations d’engagement, en légère baisse par rapport à 2008 (- 1,16 %). Parallèlement, les abonnements de l’État à l’AFP sont en hausse à 111,38 millions d’euros (+ 1,8 %).

Évolution des aides directes à la presse (autorisations d’engagement)

(en millions d’euros)

 

LFI 2008

PLF 2009

Variation %

Abonnements de l’État à l’AFP

109,41

111,38

+ 1,8

Aides à la presse

175,15

173,17

- 1,13

Aides à la diffusion

99

99

0

Aide au transport postal de la presse IPG

83

83

0

Réductions du tarif SNCF

5,8

5,8

0

Aide impression décentralisée

0

0

0

Distribution et promotion à l’étranger

1,95

1,95

0

Aide au portage

8,25

8,25

0

Aides au pluralisme

9,97

9,97

0

Aide aux quotidiens nationaux IPG* à faibles ressources publicitaires

7,15

7,15

0

Aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux IPG* à faibles ressources de petites annonces

1,4

1,4

0

Aide à la presse hebdomadaire régionale (PHR)

1,42

1,42

0

Aides à la modernisation

66,17

64,2

- 2,98

Aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne IPG*

26,67

24,7

- 7,39

Aide à la modernisation de la distribution de la PQN**

12

12

0

Aide à la modernisation des diffuseurs de presse

2

2

0

Aide au dévt des services en ligne des entreprises de presse

0,5

0,5

0

Aide à la modernisation de la presse quotidienne IPG

25

25

0

Total

284,56

284,56

0

* d’information politique et générale

** presse quotidienne nationale

Source : ministère de la culture et de la communication.

La baisse constatée sur l’aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d’information politique et générale s’explique par un ajustement à la réalité des besoins, selon les informations communiquées au rapporteur pour avis par le Gouvernement.

Le protocole d’accord entre l’État, la presse et La Poste qui entrera en vigueur au 1er janvier 2009 constitue le nouveau cadre pour le transport et la distribution de la presse jusqu’en 2015. L’État, en s’engageant financièrement pour une durée, historiquement longue, de sept ans, offre un cadre pérenne et sécurisé apte à garantir le pluralisme de la presse et sa diffusion postale sur l’ensemble du territoire tout en encourageant les acteurs à réfléchir à la pertinence du recours à d’autres modes de distribution comme le portage. Dans ce cadre, l’État versera à La Poste 242 millions d’euros en 2009, 2010 et 2011, puis 232 millions d’euros en 2012, 217 millions d’euros en 2013, 200 millions d’euros en 2014, 180 millions d’euros en 2015.

Le rapporteur pour avis se réjouit de la signature de cet accord mais s’interroge sur la pertinence de ce mode de distribution pour les quotidiens. La solution d’avenir semble plutôt être le portage et le Gouvernement doit apporter tout son soutien, budgétaire, voire fiscal, à ce mode de distribution.

B. L’IMPORTANCE DES AIDES INDIRECTES

Le taux de TVA super réduit (2,10 %) réservé depuis 1977 aux quotidiens a été étendu à tous les périodiques à compter de 1989. Le rapporteur pour avis a déposé un amendement au projet de loi de finances pour rappeler qu’il souhaite vivement que le dossier de la TVA sur la presse en ligne avance rapidement au niveau européen. Aujourd’hui seules les publications imprimées sur support papier peuvent bénéficier du taux de TVA « super réduit » à 2,10 %. Or il est aberrant que la même publication soit assujettie à des régimes de TVA différents selon qu’elle est imprimée (2,10 %) ou accessible en ligne (19,6 %), l’édition électronique étant aujourd’hui indissociable de l’édition papier. Il reviendra sur ce point dans la troisième partie de son avis.

Montant des aides indirectes à la presse

(en millions d’euros)

Nature de l’aide

2007

2008

2009

Moins-values de recettes du Trésor public en raison d’allégements et de régimes fiscaux particuliers aux entreprises de presse :

     

- taux de TVA super réduit

200

205

210

- régime spécial des provisions pour investissements (article 39 bis A du code général des impôts)

0,5

0,5

0,5

- Réduction d’impôt en faveur des sociétés de presse (article 220 undecies du code général des impôts)

0,5

0,5

0,5

- Exonérations des publications des collectivités publiques et des organismes à but non lucratif (article 298 duodecies)

1

1

1

- Exonération de la taxe professionnelle en faveur des diffuseurs de presse (article 1469 A quater du code général des impôts)

0,67

0,67

0,67

Total des aides fiscales indirectes

202,67

207,67

212,67

Aide budgétaire indirecte : subvention de l’État à la Poste pour la distribution de la presse dans les zones peu denses *

166

159

159

Total des aides budgétaires indirectes

166

159

159

* Aide gérée par le ministère de l’industrie

Source : tome II « Evaluation des voies et moyens », PLF 2009.

Depuis 2007, un mécanisme de réduction d’impôt sur les sociétés est prévu pour les entreprises entrant dans le capital des entreprises de presse éditant des publications d’informations politiques et générales (article 220 undecies du code général des impôts) : cette réduction est égale à 25 % du montant des sommes versées au titre des souscriptions en numéraire au capital de ces sociétés.

Selon les indications de la direction de la législation fiscale, le coût fiscal de cette mesure serait estimé à moins de 500 000 euros au titre des années 2007, 2008 et 2009, ce qui signifie que les apports de capitaux extérieurs effectués en vue de consolider le capital des entreprises de presse ne dépassent pas 2 millions d’euros.

C. L’AGENCE FRANCE PRESSE

Sur le plan financier, l’Agence France Presse (AFP) bénéficiera d’une revalorisation des subventions de l’État, lesquelles se monteront à 111,4 millions d’euros (+ 1,8 % par rapport à 2008).

Les évolutions des relations de l’Agence avec l’État font partie intégrante des discussions actuellement en cours avec l’État autour d’un nouveau contrat d’objectif et de moyens (COM) qui couvrira la période 2008 à 2012.

Par ailleurs, un dispositif spécifique devrait être précisé dans le COM afin de doter l’AFP, sur toute la durée du contrat, des moyens d’investissement nécessaires au financement de son système de gestion des contenus multimédias (4XML).

C’est à ce titre que, dans l’attente de la signature du COM, des moyens nouveaux seront alloués à l’AFP dès 2009.

En outre, dans le cadre des discussions préparatoires au nouveau COM, l’Agence a entamé une réflexion sur son statut.

Selon les informations communiquées au rapporteur pour avis par le Gouvernement, les particularités du statut de l’AFP, notamment l’absence d’actionnaires, compliquent l’obtention des ressources nécessaires à son développement.

Dans un premier temps, une « fondation » pourrait être créée pour collecter des fonds défiscalisés auprès des entreprises et du public. L’Agence pourrait ensuite être transformée en entreprise dotée par l’État d’un capital initial. Cette demande d’évolution est en cours d’expertise.

III.- LA PRESSE ET INTERNET :
CONCURRENCE OU COMPLÉMENTARITÉ ?

« À ce jour, l’arrivée d’un nouveau média n’a jamais fait disparaître les autres médias. L’arrivée de la radio n’a pas fait disparaître les journaux de même que le développement de la télévision n’a pas empêché le maintien d’une présence forte de la presse et de la radio. Cependant, si l’irruption d’un nouveau média n’entraîne pas la disparition des autres, elle remet en cause leurs positions acquises. Elle conduit ainsi, le plus souvent, à une réduction de leur place ainsi qu’à un bouleversement des équilibres économiques sur lesquels ils avaient bâti leur croissance. En particulier, les médias déjà en place sont conduits à renoncer à certaines activités et certaines fonctions que le nouveau venu réalise de façon plus efficace ou plus avantageuse » (2). Le rapporteur pour avis partage ce constat dressé par M. Marc Tessier en 2007. Les inquiétudes qui se font jour dans les entreprises de presse, les nombreuses difficultés financières rencontrées par les journaux au cours des dernières années l’ont conduit cette année à vouloir faire un point sur le rôle et la nécessaire évolution de notre presse à l’heure du multimédia. Le rapporteur pour avis espère que cette contribution alimentera de manière constructive les réflexions engagées par le Président de la République dans le cadre des États généraux de la presse.

La presse payante et gratuite française – 4 754 titres, plus de 7 milliards d’exemplaires diffusés en 2007 et un chiffre d’affaire d’environ 10,5 milliards d’euros (10,7 milliards d’euros en 2007 contre 10,66 milliards d’euros en 2006) réalisé essentiellement par 25 % d’entre eux – contribue de manière essentielle à l’information de nos concitoyens. L’État s’est attaché de longue date à garantir sa liberté et à conforter les conditions de son pluralisme. Pourtant, l’économie du secteur est toujours fragile et, au cours des dernières années, elle a été bouleversée par l’arrivée de l’Internet.

La presse connaît aujourd’hui deux mutations majeures : d’une part une mutation des pratiques (fragmentation des supports, des messages, des audiences) ; d’autre part une mutation de l’information elle-même, alors que la dissémination de l’information est gratuite et rapide du fait du développement de l’Internet, sa production par des journalistes professionnels reste coûteuse.

En 2007, le chiffre d’affaires de la presse payante a baissé de 0,4 % en euros courants, ce qui signifie une dégradation réelle de chiffre d’affaires. Pourtant, 2007 était une année électorale, propice aux ventes de journaux. Cette augmentation de 1,7 % des ventes au numéro et de 1,8 % des abonnements a été contrebalancée par une baisse de 1,3 % du chiffre d’affaires publicitaire. Cette érosion n’est pas la même pour tous les types de presse, la presse nationale d’information générale et politique accusant les plus fortes baisses.

Répartition du chiffre d’affaires de la presse

Répartition en % du chiffre d’affaires total

2007

2000

1990

Ensemble des ventes

56,8 %

55,2 %

52,5 %

Ventes au numéro

34,1 %

35,6 %

36,7 %

Ventes par abonnements

22,7 %

19,5 %

15,8 %

Ensemble publicité

43,2 %

44,8 %

47,6 %

Recettes publicitaires

34,4 %

35,2 %

36 %

Recettes d’annonces

8,8 %

9,6 %

11,6 %

CA total en milliards d’euros courants

10,7

10,64

8,72

Source : direction du développement des médias

C’est pour cette raison que les éditeurs de presse continuent à diversifier leurs activités. Selon l’Association mondiale des journaux (AMJ), l’exploitation optimale des nouvelles opportunités multimédia est devenue un enjeu majeur pour les entreprises de presse. Toujours selon l’AMJ, les recettes publicitaires liées à Internet ont ainsi augmenté de 32,45 % entre 2006 et 2007 et de 200 % entre 2003 et 2007.

L’Internet connaît en effet aujourd’hui un développement considérable : le nombre de sites Web ne cesse de croître et les éditeurs de presse écrite sont désormais tous présents sur la « toile ». Parallèlement, se développent sur Internet des sites de presse « dématérialisés », tels que MédiaPart, Rue 89 ou Backshich. Même si le développement de la presse sur Internet en France a été relativement plus tardif qu’aux États-Unis, peut-on pour autant dire qu’il existe un modèle américain sur lequel la France pourrait s’appuyer ? Suite au déplacement que le rapporteur pour avis a effectué du 8 au 10 septembre dernier à New York, le constat doit être nuancé (voir notamment http://stateofthemedia.org/2008/ pour avoir une idée des grandes tendances de la presse aux États-Unis).

Aux États-Unis, les sites Internet, payants ou gratuits, des quotidiens les plus prestigieux drainent des millions de lecteurs et donc des recettes publicitaires conséquentes depuis de nombreuses années déjà. Ainsi, le Wall Street Journal a franchi en novembre 2007 le cap du million d’abonnés à son portail Internet, marquant une victoire de l’abonnement payant sur le tout gratuit. Alors que les revenus des éditions papier ont diminué de 2,9 %, passant de 1,71 million à 1,66 million de dollars en un an entre 2006 et 2007, les revenus tirés des éditions numériques ont augmenté. Ainsi, en octobre 2007, le nombre de souscriptions payantes a enregistré une hausse de 25,5 % (989 000 abonnements au troisième trimestre 2007), principalement grâce à une offre couplée (éditions papier et numérique). Pour autant, les journaux américains se posent les mêmes questions que leurs homologues français sur le modèle économique à développer, sur la disparition ou non de la presse papier, sur le rôle des sites agrégateurs de contenus, tels Google ou Yahoo, sur la place des sites communautaires ou participatifs, sur le développement de la vidéo sur Internet et donc sur la nécessaire évolution des journaux dans cet univers de l’image.

Dans le cadre d’un avis budgétaire, le rapporteur pour avis ne saurait prétendre à l’exhaustivité sur un sujet aussi vaste que complexe, d’autant plus que de nombreux rapports très fournis ont été publiés au cours des trois dernières années. Il tentera plutôt dans les pages qui suivent de se faire l’écho des interrogations et des inquiétudes des entreprises de presse et journalistes qu’il a rencontrés, tout en s’attardant sur trois points fondamentaux pour l’avenir de la presse écrite à l’heure de l’Internet : la question de la TVA sur la presse en ligne, celle des droits d’auteurs et enfin celle de l’extension des aides à la presse aux journaux numériques.

A. LE DÉVELOPPEMENT D’INTERNET A MIS AU JOUR LES FAIBLESSES DE LA PRESSE TRADITIONNELLE

Comme l’indique M. Tessier dans le rapport précité, « si le numérique n’est pas à l’origine du recul de la diffusion de la presse, cette tendance ayant démarré dès les années 1970, il n’en constitue pas moins un catalyseur de changements profonds dans la mesure où il met en lumière les limites de celle-ci par rapport aux attentes des consommateurs et bouleverse les équilibres économiques du secteur. De plus, Internet fait très fortement ressortir les difficultés et les dysfonctionnements spécifiques que connaît ce média dans notre pays ». Internet est aujourd’hui le catalyseur d’une mutation très importante des pratiques liées aux médias, tout en introduisant une modification de la perception par les citoyens de ce que doit être l’information.

1. Internet a introduit une mutation lourde des pratiques

a) Internet est consommateur de temps

Cette consommation est réalisée au détriment de la lecture de supports traditionnels, comme les livres ou les journaux papier. D’après Médiamétrie, plus de la moitié de la population âgée de 11 ans et plus, soit plus de 27 millions de Français, s’est connectée à Internet au cours du mois de septembre 2006. En juin 2008, ils étaient 61 %, soit 32,3 millions de personnes âgées de plus de 11 ans… 54,2 % des foyers nationaux ont Internet et, parmi ceux-ci, 95 % sont connectés en haut débit. Le temps moyen passé sur Internet est d’environ 24 heures par mois, soit presque quatre fois plus qu’en 2002. Ainsi, la croissance du temps passé sur les sites d’échanges et les sites communautaires est très impressionnante et l’évolution de ce que nos concitoyens considèrent être les principales sources d’information corroborent ce constat. Demain, encore plus qu’aujourd’hui, c’est sur Internet qu’ils iront chercher les informations dont ils ont besoin, comme le souligne l’étude réalisée par Harris pour le Newspaper Readership Survey sur l’évolution des sources d’information des lecteurs.

Si aucune étude récente n’a été diligentée en Europe, aux États-Unis, d’après une enquête du Pew Research Center, la proportion des personnes interrogées ayant lu un journal la veille de l’enquête est passé de 49 % en 1994 à 40 % en 2006.

Les principales sources d’information aujourd’hui

En pourcentage

 

France

Royaume- Uni

Italie

Espagne

Allemagne

Etats-Unis

Information sur réseaux TV

29

36

30

22

28

25

Editions en ligne d’information

17

14

22

18

16

18

Information sur réseaux câblés

9

2

5

7

7

14

Radio

20

16

11

16

18

12

Principaux quotidiens

7

6

6

13

13

12

Quotidiens locaux

3

6

7

3

4

8

Magazines

5

3

5

4

5

4

Quotidiens nationaux

8

11

8

12

5

3

Newsletters

1

1

1

1

1

1

Autres sources

3

2

3

2

3

3

Source : Harris Interactive/Innovation Media Consulting Group, Newspaper Readership Survey 2007

Les principales sources d’information dans cinq ans

En pourcentage

 

France

Royaume-Uni

Italie

Espagne

Allemagne

États-Unis

Éditions en ligne d’information

26

26

39

28

23

26

Information sur réseaux TV

24

33

22

17

26

22

Information sur réseaux câblés

11

4

8

10

6

15

Radio

16

14

9

15

17

11

Principaux quotidiens

5

4

4

10

12

10

Quotidiens locaux

2

3

4

2

3

6

Magazines

4

2

4

3

4

3

Quotidiens nationaux

6

11

8

12

5

3

Newsletters

1

1

1

1

1

1

Autres sources

5

3

2

2

3

4

Source : Harris Interactive/Innovation Media Consulting Group, Newspaper Readership Survey 2007

b) Internet est paradoxalement consommateur d’argent tout en développant l’idée que l’information est gratuite

En effet, même si, contrairement aux États-Unis, les abonnements triple play à Internet sont en France relativement bon marché (environ 30 euros), cette dépense, ajouté d’autres dépenses multimédia de plus en plus importantes – achat de matériels informatiques, de consoles de jeux, de téléphones portables, abonnements divers, etc., – réduit d’autant le budget que les Français peuvent consacrer à l’achat de journaux. Une enquête de Médiamétrie datée d’octobre 2008 estime que les Français consacrent annuellement 2 270 euros en moyenne au multimédia, dont la moitié consacrée aux abonnements télécoms, télévision, presse et Internet. Ce type de dépenses étant par essence peu élastique, ce sont les achats ponctuels, notamment de journaux, qui sont pénalisés en temps de crise. Par ailleurs, la hausse régulière du prix de vente de des journaux rend leur achat de plus en plus coûteux. Pour ne prendre qu’un exemple, Libération est ainsi passé à 1,30 euro le 15 octobre 2008, quand le Times est à 0,80 £, soit 1 euro. Comme le montre le tableau ci-dessous, les prix de vente des journaux français les plus diffusés sont dans la fourchette haute en Europe, même si l’on doit nuancer ce constat du fait de la présence de quotidiens populaires à grand tirage et à bas prix (0,50 €), tels Bild en Allemagne et le Sun ou le Daily Mirror au Royaume Uni, qui sont une catégorie de presse sans équivalent en France.

Prix de vente à l’exemplaire des quotidiens en Europe

Pays

Prix du titre le plus diffusé en 2006

Prix du titre le plus diffusé en 2007

Prix 2007 en €

Fourchette des 10 principaux

Pologne

0,34 $

0,38 $

 

Slovaquie

0,20 $

0,50 $

 

République tchèque

0,32 $

0,50 $

 

Bulgarie

0,55 $

0,78 $

 

Allemagne

0,50 €

0,50 €

0,50 – 1,60

Grande Bretagne

0,35 £ (0,45 €)

0,35 £

 

Portugal

0,75 €

0,60 – 2,90

France local

0,80 €

0,80 €

0,70 – 0,95

Autriche

0,90 €

0,90 €

0,90 – 1,50

Belgique

0,95 €

0,95 €

0,95 – 2,00

Italie

1,00 €

1,00 €

1,00

Espagne

1,00 €

1,00 €

1,00

Grèce

1,00 €

1,00 €

1,00 – 3,50

Pays-Bas

1,00 €

1,20 €

1,00 – 1,60

France national

1,20 €

1,20 €

0,90 – 1,40

Irlande

1,60 €

1,70 €

0,70 – 1,80

Finlande

2,22 €

2,22 €

1,00 – 2,34

Danemark

2,90 $

3,61 $

 

Source : World Association of Newspapers – Direction du développement des médias

Dans le même temps, le développement d’Internet accrédite l’idée que l’information peut être gratuite et qu’il serait donc inconséquent de payer pour l’obtenir. Les journaux gratuits avaient d’ailleurs déjà largement contribué à diffuser cette idée. C’est toute la question du modèle économique que doit développer la presse pour survivre sur Internet : vaut-il mieux des abonnés payants ou un modèle basé sur le gratuit qui attirera un très grand nombre d’annonceurs publicitaires, grâce à l’augmentation du nombre de lecteurs du journal ? Fin 2007, Rupert Murdoch, propriétaire du Wall Street Journal, annonçait vouloir passer le modèle du quotidien au tout gratuit sponsorisé par la publicité, en lieu et place de l’abonnement payant, avant de se rétracter en janvier 2008 et d’annoncer le maintien d’un site payant, avec un tarif d’abonnement plus élevé. De même, en septembre 2007, le New York Times avait clos son service payant TimesSelect comprenant l’accès à des contenus exclusifs. Le Financial Times, qui avait lui aussi créé un site payant, offre désormais la possibilité d’avoir accès à 30 articles gratuits durant un mois.

En Europe également, la plupart des grands quotidiens bénéficient d’une édition en ligne et la distinction gratuit/payant s’opère en fonction du type d’information diffusée. Les informations par ailleurs contenues dans l’édition papier sont le plus souvent gratuites, mais les services supplémentaires sont payants. Seuls Les Échos font exception, mais leur modèle et leurs lecteurs se rapprochent plus de ceux du Wall Street Journal que de ceux des autres grands quotidiens d’information générale. Aux États-Unis comme en Europe, ce perpétuel va-et-vient entre le gratuit et le payant montre bien que la presse n’a pas encore trouvé son équilibre sur Internet et qu’elle tâtonne pour trouver un modèle économiquement viable. Ainsi, en 2006, le 1,3 million d’euros de bénéfices du Monde Interactif n’a pas suffi à compenser les 20 millions d’euros de pertes du groupe Le Monde. Plus récemment, François Bonnet, responsable éditorial de Médiapart, indiquait : « Malgré ce que l’on peut entendre ici ou là, le modèle du tout-gratuit n’a pas davantage fait la démonstration de sa pérennité que notre modèle mixte. Car rien ne dit que la publicité qui déserte en ce moment la presse papier va se reporter sur les sites d’information généralistes et non sur une petite dizaine de grands portails. Le modèle économique pour les nouveaux médias reste encore à trouver, en espérant qu’il y ait de la place pour différentes options » (interview dans Les Inrockuptibles, 30 septembre 2008).

c) Internet est consommateur de crédits publicitaires

Si le chiffre d’affaires publicitaire des journaux a baissé de 6,62 % entre 2000 et 2007, la publicité sur Internet a fait un bond de 32 % entre 2006 et 2007 et de plus de 91 % entre 2005 et 2007, sa part de marché passant de 5,9 à plus de 12 % du marché publicitaire. Il s’agit là d’une fragilisation importante d’une recette essentielle pour la presse imprimée, fragilisation aujourd’hui accentuée par la crise économique.

Évolution des recettes publicitaires des grands médias

En millions d’euros

 

2000

2005

2006

2007

07/06

Presse

5 094

4 753

4 847

4 757

- 1,8 %

Télévision

3 046

3 236

3 382

3 460

2,3 %

Publicité extérieure

1 174

1 082

1 085

1 102

1,5 %

Radio

716

795

807

767

- 5,0 %

Cinéma

82

78

82

89

9,0 %

Sous-total

10 112

9 944

10 202

10 175

- 0,2 %

Annuaires

986

1 035

1 086

4,9 %

Internet

255

370

488

32,0 %

Total

11 885

11 607

11 479

1,2 %

Source : IREP

Répartition des dépenses publicitaires mondiales par média (réalisé et prévisions)

 

2006

2007

2008

2009

2010

Journaux

28,4 %

27,1 %

25,6 %

24,5 %

23,3 %

Magazines

12,5 %

12,1 %

11,7 %

11,4 %

11,1 %

Télévision

37,3 %

37,4 %

37,5 %

37,3 %

37,0 %

Radio

8,2 %

8,0 %

7,9 %

7,7 %

7,5 %

Cinéma

0,5 %

0,5 %

0,5 %

0,5 %

0,5 %

Affichage

6,2 %

6,5 %

6,6 %

6,8 %

6,8 %

Internet

6,8 %

8,6 %

10,2 %

11,9 %

13,8 %

Source : ZenithOptimedia – octobre 2008

Marché publicitaire international : répartition par médias en 2007

En pourcentage

Pays

Quotidiens

Magazines

Total presse

Presse en 1997

TV

Radio

Cinéma

Affichage

Internet

Finlande

53,5

15,8

69,3

 

19,5

3,7

0,2

3,0

4,3

Irlande

60,9

2,2

63,1

55,7

18,7

7,3

0,6

7,7

2,6

Allemagne

39,2

22,8

62,0

69,7

24,2

4,1

0,7

4,9

4,1

Pays-Bas

39,5

21,8

61,3

72,3

22,8

7,2

0,1

4,6

4,0

Autriche

39,7

18,5

58,2

57,5

24,1

6,8

0,7

7,1

3,1

Suède

41,5

11,2

52,7

72,1

21,2

3,0

0,4

4,9

17,8

Grèce

16,0

36,5

52,5

41,1

30,8

4,5

0,6

11,6

0,0

Norvège

42,0

8,5

50,5

 

23,5

4,6

0,8

3,8

16,8

Royaume-Uni

31,1

11,9

43,0

58,0

26,6

3,7

1,3

6,7

18,7

Belgique

29,3

8,5

37,8

39,3

38,2

12,2

0,9

7,6

3,3

République Tchèque

16,8

20,1

36,9

 

46,9

5,4

0,4

5,0

5,4

France

14,8

20,1

34,9

50,1

33,9

7,6

0,8

10,6

12,2

Espagne

24,6

9,2

33,8

46,6

44,3

8,6

0,5

7,2

5,6

Italie

18,9

13,7

32,6

36,6

53,2

6,7

0,8

3,5

3,2

Pologne

11,6

13,5

25,1

27,7

52,9

7,6

1,1

8,7

4,6

Portugal

7,3

16,2

23,5

24,0

56,6

5,6

0,6

12,7

1,0

Hongrie

9,8

10,8

20,6

 

62,4

7,4

0,2

7,2

2,2

Bulgarie

11,0

8,6

19,6

 

64,0

2,5

0,0

11,7

2,2

Roumanie

8,1

10,7

18,8

 

64,2

6,0

0,6

8,7

1,7

                   

Japon

21,3

8,2

29,5

37,7

44,8

3,7

0,0

11,9

10,1

Inde

38,2

5,5

43,7

 

44,5

3,1

1,4

5,3

2,0

États-unis

27,9

14,3

42,2

47,6

32,8

11,8

0,3

3,9

9,0

Source : WAN World Association of Newspapers

Pour autant, les recettes publicitaires des entreprises de presse sur Internet ne suffisent pas à compenser les pertes de recettes sur le support papier, car tous les éditeurs s’accordent à dire que la monétisation de l’investissement sur Internet est difficile. Les tarifs publicitaires ne sont par exemple aucunement comparables à ceux appliqués dans la presse papier. Mais une évolution se dessine qui laisse à penser que la croissance exponentielle de ces recettes publicitaires pourrait, à terme, permettre aux entreprises de dégager des marges financières sur Internet. Ainsi, en septembre 2007, le New York Times a clos son service payant alors qu’il était parvenu en deux ans à convaincre 227 000 personnes de s’abonner en ligne, générant ainsi un revenu de 10 millions de dollars par an (7,2 millions d’euros). A été préféré un financement publicitaire du site, au regard du nombre considérable de lecteurs potentiels amenés par des liens générés par les moteurs de recherche, susceptibles dès lors de générer un revenu publicitaire accru.

2. Internet introduit également une modification de la perception de ce qu’est l’information

a) Internet amène un changement inquiétant de comportement des plus jeunes

Les éditeurs et les diffuseurs rencontrés par le rapporteur pour avis s’en inquiètent : les plus jeunes ciblent l’information dont ils ont besoin, vont la chercher sur Internet, sans trop se préoccuper d’avoir une vision globale de l’actualité. Comme le relatait un diffuseur auditionné par le rapporteur pour avis, lors du dernier congrès de la Fédération nationale de la presse française (FNPF), les jeunes présents le disaient clairement : ils veulent de l’information « qui viennent d’eux et qu’ils peuvent choisir ». Ce constat était déjà celui de Marc Tessier en 2007 : « Cette évolution s’accompagne d’une fragmentation croissante des audiences. Alors que les médias traditionnels s’étaient plutôt structurés autour d’audiences de masse, en cherchant à agréger un nombre de « récepteurs » le plus important possible, Internet et les autres nouveaux supports tels que le téléphone mobile, permettent une plus grande individualisation des usages (…). La place des médias numériques est particulièrement forte pour les jeunes générations, en rupture par rapport aux comportements du reste de la population. Ces générations sont en effet les « autochtones de l’Internet » (digital natives), pour reprendre l’expression du magnat des médias Rupert Murdoch, c’est-à-dire ceux qui ne connaîtront jamais un monde sans Internet à haut débit et dont le numérique est la « langue maternelle » (…). En France, les mêmes tendances ont été identifiées et montrent une très forte adhésion des 11-25 ans à l’ensemble des nouveaux médias numériques (Internet, téléphone portable…) et, au contraire, une certaine désaffection pour la presse écrite(3). Il y a donc là un puissant effet de génération qui risque d’être particulièrement déstabilisateur pour la presse écrite dans son format traditionnel ». Il convient très clairement d’être attentif à ce point et au risque de rétrécissement de l’horizon de ces générations. L’éducation aux médias est donc d’autant plus fondamentale dans ce contexte.

Pour autant, la presse doit également prendre en compte cette rupture, travailler sur les contenus tout en améliorant l’accessibilité de l’information. En effet, le foisonnement de l’information sur Internet nécessite malgré tout des éditeurs pour opérer une sélection, une validation et une certaine hiérarchisation des informations collectées (à l’opposé, sur Google, les propriétaires de site paient pour être référencés prioritairement). La qualité du contenu des journaux doit être d’autant plus irréprochable dans cet univers et la marque de l’éditeur ou le nom du journaliste doivent servir à « labelliser » l’information.

b) Internet, c’est avant tout la parole donnée à l’internaute et de moins en moins un média écrit

Internet déstabilise également les journaux traditionnels car un journal est avant tout une parole reçue, censée donner à réfléchir. Avec Internet, on n’est plus dans un rapport descendant à l’information, mais dans un rapport collectif, par le biais de sites communautaires ou de blogs. Comme le résume Marc Tessier, « lorsqu’un lecteur achète un journal ou un magazine, il achète un produit fini, à la production duquel il n’a pas participé, ni dans le choix de sujets, ni dans le contenu des articles et à propos duquel il ne peut manifester son opinion qu’en écrivant au journal, avec une chance aléatoire d’être publié ou bien en ne renouvelant pas son achat. À l’inverse, sur Internet, un internaute peut participer à la production de contenus, soit en apportant des informations ou des avis, soit en créant lui-même son propre contenu (blogs, sites Internet, Wiki…), il peut aussi choisir les sujets sur lesquels il veut être informé en priorité, il peut réagir directement aux contenus qu’il lit, en écrivant ses commentaires et connaître l’avis des autres internautes ».

Les journaux tentent de réagir en travaillant en ce sens. Ainsi, le site Le Post développé par Le Monde tente de prendre le contre-pied de cet attrait pour les sites communautaires en s’inscrivant dans cette logique. De même, le site Internet du Figaro a récemment remporté le prix CB News de l’initiative multimédia 2008 pour sa stratégie originale fondée sur un mélange d’informations et de services. Le site a adopté une logique de programmation proche de celle d’une chaîne de télévision en adaptant ses contenus à l’actualité politique mais également au type de lectorat présent durant la journée, aux heures de bureau ou durant le week-end. Le site de Libération s’inscrit également dans cette évolution en proposant des services interactifs : chats, blogs et forums, tandis que sa rubrique « libé labo » propose d’écouter des vidéos sur le site ou de télécharger des podcasts payants. En effet, la presse doit également affronter une évolution inéluctable : Internet est de moins en moins un média écrit. Ainsi, aux États-Unis, l’usage de la vidéo y est maintenant supérieur à la consultation des pages écrites. Sur ce point, la presse française lutte difficilement face aux sites de partage de vidéos ou aux blogs, même si la vidéo se développe sur les sites des entreprises de presse, qui forment de plus en plus leurs journalistes à ce travail multimédia. Ainsi, sur le Monde.fr, 1 million de vidéos ont été vues en 2007 contre 40 000 en 2006. De même, Le Figaro a récemment formalisé sa stratégie vidéo sur Internet.

3. Ces évolutions ont conduit l’État à soutenir financièrement la presse dans sa réflexion sur cette mutation numérique

Dès le milieu des années 1990, l’État a suivi attentivement les mutations technologiques en œuvre et leurs effets sur la presse papier. Au plan économique, une réflexion a été menée avec les éditeurs de presse qui s’est traduite, d’une part, par la création du fonds « presse et multimédia » en 1997, auquel a succédé en 2004 le fonds d’aide au développement des services en ligne des entreprises de presse, d’autre part, par celle du fonds d’aide à la modernisation de la presse en 1999. Chacun de ces fonds a contribué au développement des services en ligne des entreprises de presse : les premiers dédiés plus particulièrement aux publications magazines, le second étant réservé à la presse quotidienne d’information politique et générale, ainsi qu’aux agences de presse. Les sites Internet des grands titres de la presse quotidienne, notamment ceux du Monde, de La Croix, ou de La Provence ont ainsi pu être créés et se développer grâce aux aides du fonds de modernisation de la presse. Pour autant, ces aides sont-elles suffisamment incitatives et utilisées à bon escient ? Ne sont-elles pas trop faiblement sélectives ? Trop éparpillées ? Les coûts induits d’examen des dossiers de demande d’aide ne sont-ils pas démesurément élevés ?

a) Le fonds d’aide au développement des services en ligne des entreprises de presse

Ce fonds a pour objet l’octroi d’avances, partiellement remboursables, à des entreprises de presse écrite pour « la réalisation de projets permettant la mise à disposition du public du contenu éditorial d’un titre de presse écrite sur un support numérique, de type service en ligne ou support d’archivage remis périodiquement à jour ». Ce fonds s’adresse plus particulièrement aux publications de presse magazine d’information et à la presse technique et professionnelle. L’avance ne peut dépasser 50 % des dépenses éligibles, plafonnées à 300 000 euros. Les avances sont limitées à un projet par an et par entreprise. L’allégement du remboursement de l’avance ne peut dépasser 30 % de son montant initial. Depuis la création du fonds, 39 projets ont été aidés pour un montant de 1,97 million d’euros, répartis annuellement comme suit :

Évolution du fonds

(en millions d’euros)

 

Dotations

Nombre de dossiers financés

Avances versées

2005

2,6

10

0,92

2006

0,79

16

0,58

2007

0,5

9

0,32

2008

0,5

4*

0,14*

* prochaine réunion de dotations mi-octobre 2008

Source : direction du développement des médias

Les différences constatées entre dotations et consommations s’expliquent par le nombre décroissant de projets déposés par les éditeurs. En effet, la quasi-totalité des entreprises de presse concernées disposent aujourd’hui d’un site Internet et de rédactions multimédia, ce qui n’était pas le cas en 1997 lors de la création du premier fonds « presse et multimédia ». Pour rappel, celui-ci avait versé 95 avances, pour un total de plus de 10 millions d’euros de 1997 à 2002.

Si on ne peut que se féliciter du succès rencontré par le premier fonds, on peut s’interroger sur la pertinence du maintien d’un tel dispositif, lourd à gérer – examen de dossiers comportant de nombreuses pièces, réunions de comités, etc. – étant données les sommes réduites aujourd’hui débloquées. Lors de leur audition, certains éditeurs ont souligné le caractère inapproprié de ce fonds et plaident pour un dispositif fiscal, sur le modèle du crédit d’impôt recherche, selon eux beaucoup plus incitatif à la modernisation des sites Internet des entreprises de presse. Le rapporteur pour avis partage leur point de vue, ainsi que celui de Mme Danièle Giazzi (4) qui estime à juste titre que « les dispositifs d’incitation fiscale à l’innovation, de type crédit d’impôts recherche, ont fait la preuve de leur utilité. Commodes (ils ne demandent pas de constitution de dossier ni d’engagement a priori), incitatifs (il y a proportionnalité parfaite entre les investissements de l’entreprise et l’aide consentie), équitables (le crédit d’impôt peut se transformer en versement lorsque l’activité est déficitaire), ils offrent un véritable soutien aux entreprises innovantes ». Une telle incitation fiscale faciliterait les décisions d’investissement des éditeurs dans le numérique à un moment où leurs ressources traditionnelles, issues de l’activité papier, sont sous pression et permettrait d’accélérer leur déploiement numérique. Il conviendrait que le Gouvernement étudie cette possibilité.

b) Les aides du fonds de modernisation de la presse allouées au développement Internet des entreprises de presse

Les publications de presse quotidienne nationale ou locale bénéficient pour leur part du fonds d’aide à la modernisation de la presse pour soutenir leurs investissements numériques. Ce fonds dispose en moyenne de 20 à 25 millions d’euros chaque année. Les crédits destinés aux investissements numériques, récapitulés ci-dessous, ne sont donc qu’une partie infinitésimale du budget du fonds.

Dotation du fonds pour les investissements numériques (2003-2008)

En euros

Année

Titre

Projet

Montant de la subvention

Taux de subvention

2003

Agence de presse H & K

Numérisation photographique - Développement d’un site Internet

14 748

30,00 %

2003

La Nouvelle République du Centre Ouest

Site Internet emploi

13 317

30,00 %

2004

La Dépêche du Midi

Développement d’un site Internet

3 254

30,00 %

2004

Le Monde

Mise à jour technologique du site Internet

1 361 200

40,00 %

2004

L’Indépendant

Refonte du site Internet

19 900

40,00 %

2004

Le Courrier Picard

Site Internet institutionnel et marchand

6 637

40,00 %

2005

La République des Pyrénées et L’Éclair

Création d’un site Internet

20 016

40,00 %

2005

NVO

Création d’un site Internet

29 644

40,00 %

2005

La Presse de Gray et La Presse de Vesoul

Création d’un site Internet

11 748

40,00 %

2006

Charente libre

Développement du site Internet

18 384

40,00 %

2006

Agence de presse Destination santé

Création d’un site Internet

5 040

40,00 %

2006

La Marseillaise

Création d’un site Internet

3 284

59,99 %

2006

Nice-Matin

Nouveau site Internet

108 404

40,00 %

2007

La Manche Libre

Développement du site Internet des annonces

45 552

39,58 %

2007

Agence de communication Focus

Création d’un site Internet

29 928

38,15 %

2007

L’Humanité

Refonte du site Internet

49 801

60,00 %

2007

Écho d’Ile-de-France

Nouvelles maquettes pour les éditions locales et création d’un site Internet

83 661

39,81 %

2007

Le Réveil du Midi

Développement d’un site Internet

2 880

40,01 %

2008

L’Alsace

Création d’un site Internet destiné aux jeunes lecteurs

59 800

40,00 %

2008

L’Observateur

Création d’un site Internet et d’un site intranet

46 715

40,00 %

2008

L’Écho du Berry

Création du site Internet du journal et renouvellement de sa maquette

15 639

40,00 %

2008

Le Quotidien

Refonte intégrale du site Internet

68 146

40,00 %

Source : direction du développement des médias

Le rapporteur pour avis s’interroge sur le faible nombre d’aides distribuées, ainsi que sur les montants très variables, et parfois très faibles, débloqués. Le Gouvernement indique que peu de dossiers sont déposés. Peut-être conviendrait-il dans ce cadre de revoir le périmètre et les modalités de cette aide, afin de mieux l’adapter aux besoins du secteur, compte tenu de l’actualité grandissante du sujet pour l’ensemble de la presse.

B. LA PRESSE DOIT S’APPUYER SUR SES ATOUTS POUR QU’INTERNET DEVIENNE UN LEVIER DE CROISSANCE

Certes, comme le rappelait M. Jean Hornain, directeur général du Parisien, devant le rapporteur pour avis, les nouveaux clients de la presse évoluent dans leur mode de consommation et dans leur manière de s’informer. Mais c’est le métier des éditeurs que de s’adapter et, autour de leurs marques, crédibles, de continuer à produire de l’information dans le monde numérique. Au plan juridique, les pouvoirs publics doivent accompagner les réflexions des professionnels, entreprises de presse comme journalistes, portant sur les droits d’auteurs des journalistes, afin de sécuriser les modes d’exploitation électronique des contributions journalistiques par les éditeurs ainsi que celles portant l’application d’un taux de TVA réduit à la presse en ligne. En outre, face à la création de sites d’information politique et générale non adossés à un groupe de presse, tels que Mediapart, Bakchich ou Rue 89, se pose la question d’une évolution des dispositions réglementaires encadrant l’accès aux aides à la presse.

1. Internet constitue une opportunité pour développer la mission d’information de la presse

Internet peut tout d’abord permettre de toucher de nouveaux publics, qui ne seraient pas forcément venus vers les journaux papier et d’augmenter de manière importante le lectorat des titres de presse, tout comme la presse gratuite a conduit à la lecture des personnes qui n’auraient jamais acheté un journal payant. Ainsi, aux États-Unis, le New York Times vend 1,6 million de journaux par jour et touche près de 14 millions de lecteurs par mois sur Internet. De même, le Wall Street Journal qui vend 2 millions de journaux par jour, touche plus de 8 millions de personnes sur Internet.

En France, comme le montre très clairement le tableau ci-dessous, les sites des entreprises de presse sont beaucoup plus consultés qu’aux États-Unis et, plus surprenant encore, il n’existe pas de réelle corrélation entre la diffusion papier et la diffusion Internet. Cela s’explique en grande partie par le simple fait que les lecteurs des sites Internet des journaux ne sont pas forcément les mêmes que ceux du journal papier. Lors de son déplacement aux États-Unis, le rapporteur pour avis a pu constater que ce constat était confirmé par une étude de Comscore, société américaine spécialisée dans les nouveaux médias.

Lectorat papier et en ligne aux États-Unis et en France

Journaux

Nombre d’exemplaires papier moyens diffusés par jour

Nombre de visiteurs uniques par mois sur le site Internet

New York Times

1 623 697

13 857 000

Washington Post

930 619

11 682 000

USA Today

2 549 252

9 186 000

Wall Street Journal

2 047 127

8 337 000

Le Monde

313 977

38 411 437

Le Figaro

321 490

18 440 114

Libération

134 789

11 355 361

Les Échos

117 766

6 903 299

Source : Rapport Tessier (données 2006) / OJD Internet septembre 2008 / Nielsen/Net Ratings (données 2007) / direction du développement des médias.

Pour autant, comme l’indiquait Marc Tessier dans son rapport, « Internet propose désormais à ceux qui le consultent la plupart des services et des fonctions que la presse offrait jusqu’ici et dans des conditions souvent plus efficaces et généralement moins onéreuses. Dès lors, cette évolution ne peut manquer d’avoir un impact direct sur la valeur de la presse pour ses lecteurs ». Dans ce nouveau contexte, les éditeurs de presse doivent se différencier pour conserver une valeur ajoutée monétisable. Le rapporteur pour avis estime, comme de nombreux interlocuteurs rencontrés en France ou aux États-Unis, que les journaux papier auront à l’avenir toujours un attrait pour ceux qui s’intéressent vraiment aux questions de fond et à la réflexion, en réaction à l’immédiateté de l’information disponible sur Internet.

Aux États-Unis, M. Robert Niles, directeur de l’Online Journalism Review, est plus radical en ce qu’il estime qu’Internet n’est plus aujourd’hui une source d’information « complémentaire », mais précède ou remplace les quotidiens. Il est pourtant optimiste pour l’avenir des grands quotidiens : « L’intérêt général pour l’information croît, et les journalistes s’adaptent ». Comment ? Face à des sites composés souvent de reprises d’informations et d’articles courts, en valorisant l’originalité des sujets, l’enquête de longue haleine, ce que ne peuvent se permettre les sites Internet.

Par ailleurs, comme l’ont rappelé différents éditeurs de presse devant le rapporteur pour avis, il n’existe pas toujours de « cannibalisation » de la diffusion papier par l’Internet. Par exemple, en cas d’événement majeur (élections, catastrophe, événement international, etc.), on constate très souvent une progression concomitante des deux modes de diffusion. De même, Les Échos, qui ont beaucoup investi sur Internet, continuent à voir leurs ventes papier progresser, du fait notamment de la qualité de leurs articles. L’exemple le plus paradoxal est constitué par Le Canard Enchaîné qui, sans avoir augmenté son prix de vente ni investi sur Internet, se porte très bien et continue d’être une entreprise de presse étonnamment rentable. Une autre évolution, inverse, est intéressante. Le Nouvel Observateur ou Le Journal du Dimanche, Challenges, le Point ou L’Express sont devenus des quotidiens sur Internet alors qu’ils sont hebdomadaires. Ils ont donc fait d’une faiblesse un atout ! Hebdomadaires, leur coût de fabrication et de diffusion est moindre mais, sur Internet, ils touchent quotidiennement un lectorat très nombreux. Ce type de démarche permet en effet d’acquérir de l’audience sans nuire au papier, puisqu’on retrouve des informations différentes sur les deux supports.

2. Internet peut devenir un vrai levier de croissance…

En France, aucune statistique fiable n’existe s’agissant du poids économique des activités numériques des entreprises de presse. Le seul indicateur existant est issu de la dernière enquête rapide de la Direction du développement des médias de juin 2008. Ont répondu à cette enquête les 300 plus importantes entreprises du secteur. Sont extraites les réponses des entreprises qui réalisent du chiffre d’affaires sur Internet au sein de l’entreprise éditrice, sans filiale dédiée, et qui ont bien voulu répondre à la question.

Chiffre d’affaires Internet des entreprises de presse

 

Chiffre d’affaires Internet 2007
en millions d’euros

Part sur CA total

Évolution
du CA Internet 2006/2007

Presse IGP nationale

7,6

0,94%

+ 4,0%

Presse IGP locale

3,3

0,29%

+ 10,3%

Presse IGP gratuite

0,7

0,30%

+ 63,6%

Presse spécialisée grand public

32,8

2,39%

+ 39,0%

Presse spécialisée technique

54,0

8,40%

+ 54,5%

Presse gratuite d’annonces

22,3

7,30%

+ 36,0%

Ensemble

120,7

2,70%

+ 40,9%

Ensemble Quotidiens

10,2

0,47%

+ 6,10%

Source : direction du développement des médias

Aux États-Unis, en 2007, les revenus issus des activités numériques représentaient 13,7 % du chiffre d’affaires du Washington Post (contre 4,2 % en 2002) et 8,1 % de celui du New York Times (2,4 % en 2002), selon Borrel Associates. On peut donc estimer qu’elles seront demain un soutien pour les entreprises de presse qui auront su se renouveler pour survivre. À plus long terme, selon les interlocuteurs rencontrés par le rapporteur pour avis, l’e-paper est potentiellement un relais de croissance fantastique pour les entreprises de presse. On peut estimer que, dans dix à quinze ans, il y aura une véritable convergence papier/informatique grâce à ces nouveaux supports, type Kindle d’Amazon.

3. … sous réserve que les pouvoirs publics fassent évoluer le cadre juridique de la presse sur trois sujets

Le développement de l’Internet pose principalement trois questions aux entreprises de presse et aux pouvoirs publics.

a) la question des taux de TVA de l’information en ligne

Un débat risque de naître à l’horizon 2010. Il convient de tout faire pour maintenir la presse papier dans le champ de la TVA super réduite (2,10 %). La stabilité fiscale dans ce domaine est fondamentale au maintien d’entreprises de presse diversifiées sur notre territoire. Les affirmations formulées par Mme Giazzi dans son rapport rendu à l’automne au Président de la République (5) doivent être maniées avec précaution dans ce contexte, même si le rapporteur pour avis partage son point de vue sur l’intérêt d’appliquer un taux de TVA unique pour les médias, quel que soit leur support de diffusion(6).

 Rappel des textes en vigueur permettant d’assujettir les publications de presse et les services de radio et de télévision à un taux réduit de TVA

En leur état actuel, les dispositions communautaires relatives à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ne permettent d’appliquer un taux réduit qu’aux seuls journaux et périodiques imprimés. En France, ces publications de presse sont imposées au taux superréduit de 2,1 %, tandis que la presse en ligne doit se voir appliquer le taux normal de 19,6 %. Les modalités selon lesquelles les États membres sont autorisés à fixer le taux applicable aux opérations assujetties à la TVA sont déterminées par la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006. C’est sur ce fondement que le taux de 2,1 % est aujourd’hui appliqué en France métropolitaine aux opérations de « ventes, commissions et courtages portant sur les publications qui remplissent les conditions prévues par les articles 72 et 73 de l’annexe III du présent code » (article 298 septies du code général des impôts). Ceci constitue l’une des principales mesures du régime économique de la presse écrite.

 En son état actuel, le droit communautaire ne permet pas l’application d’un taux réduit ou superréduit de TVA aux publications de presse en ligne

Si l’annexe III de la directive TVA précitée mentionne bien les « journaux et périodiques », elle ne vise que les publications imprimées et non celles sur support électronique. Cette interprétation stricte a été confortée par la jurisprudence (7) et explicitée par la directive 2002/38/CE, qui exclut explicitement du bénéfice d’un quelconque taux réduit les services fournis par voie électronique et notamment ceux énumérés à l’annexe II de la directive, qui comprennent la fourniture (par voie électronique) « d’images, de textes et d’informations, et mise à disposition de bases de données ». Malgré la complexité due à la nécessité de combiner ces dispositions, ces règles, sans équivoque, ne permettent pas d’assimiler une publication en ligne à un journal ou à un périodique imprimé pour le bénéfice du taux superréduit de TVA de 2,1 %.

 La France a ouvert la discussion à l’échelon communautaire sur la question du taux de TVA applicable à la presse en ligne

À l’heure où l’équation économique de la presse en ligne se cherche encore, le secteur s’accommode difficilement d’une fiscalité alourdie par rapport à la presse papier. Aussi, le 11 mai 2006, le Premier ministre de l’époque a demandé au ministre de l’économie d’entreprendre les démarches nécessaires auprès de la Commission européenne. Depuis lors, la lettre de mission adressée par le Président de la République et le Premier ministre à la ministre de la culture et de la communication le 1er août 2007 est venue confirmer cette orientation, en élargissant le champ de la demande à l’ensemble des services culturels.

Dans un contexte difficile, marqué par un calendrier peu propice et des négociations communautaires déjà tendues sur la fiscalité indirecte (toute décision requérant l’unanimité), la Commission a accueilli cette demande de manière réservée, indiquant notamment vouloir attendre les conclusions d’une étude engagée sur les taux réduits de TVA. Ces conclusions ont été rendues publiques le 5 juillet 2007. Suite à leur publication, la Commission a publié une communication qui esquisse notamment ce que pourrait être l’architecture future des taux réduits, et qui est peu favorable à la demande française : un taux très bas (entre 0 et 5 %) pour les biens et services de première nécessité ; un taux intermédiaire (entre 10 et 15 %) pour les biens et services dont on estime qu’ils méritent un traitement préférentiel (tels les biens et services culturels) ; un taux normal fixé par chaque État à au moins 15 %, comme aujourd’hui.

Suite à cette communication, la Commission a lancé le 3 janvier 2008 une consultation publique sur le « réexamen de la législation existante sur les taux réduits de TVA ». Dans le respect des orientations fixées par le Président de la République, la France a fourni une contribution rappelant sa demande que soit ouverte la possibilité d’une application de taux réduits de TVA aux biens et services culturels, et notamment aux services de presse en ligne. La Commission devrait faire des propositions courant 2009, mais la révision éventuelle des structures des taux de TVA, comme toutes les décisions communautaires touchant à la fiscalité, s’effectuera à l’unanimité des États membres au Conseil. Selon les informations fournies par le Gouvernement, cela rend l’obtention de taux réduits pour la presse en ligne très incertaine, dans un contexte de négociation difficile. Pour autant, le rapporteur pour avis estime que cet alignement sur le taux superréduit est indispensable et que toute remise en cause du taux superréduit pour la presse papier serait dramatique alors que l’économie du secteur est déjà chancelante. C’est pour cette raison qu’il a déposé un « amendement d’alerte » en ce sens en première partie de loi de finances.

b) La question des droits d’auteurs à l’heure du numérique

En l’état actuel du droit, les journalistes travaillent pour leur journal, et non pour un éditeur. Ce qui conduit à l’équation suivante lorsqu’un article est publié : chaque nouvelle utilisation, sur Internet, la téléphonie mobile, etc. doit donner lieu à une négociation individuelle et au paiement de droits d’auteurs. La jurisprudence est venue rappeler que le contrat de travail n’emporte aucune dérogation aux droits dont bénéficie l’auteur journaliste et que ne peuvent être rattachées à la première exploitation d’une œuvre que des exploitations expressément prévues dans ce contrat. Pour exploiter les contributions des journalistes sur les sites Internet des publications de presse, l’entreprise de presse employeuse est donc censée conclure avec chaque journaliste une convention de cession de droits secondaires respectant l’ensemble des dispositions du code de la propriété intellectuelle. Ainsi, au Parisien-Aujourd’hui en France, la négociation a d’abord été collective, puis individuelle pour chaque nouvelle utilisation. Les réflexions qui se sont développées tendent en conséquence à rapprocher les acteurs autour d’accords d’entreprises négociés entre éditeurs et journalistes, à défaut de la conclusion d’un avenant à la convention collective des journalistes, fixant le périmètre des exploitations visées, les modalités de rémunération et leurs bénéficiaires. Toutefois, le droit d’auteur étant un droit individuel et personnel, la validité de ces accords collectifs est parfois sujette à caution et suppose que leur mise en œuvre soit subordonnée à l’autorisation de chaque personne physique concernée.

Or la publication d’une œuvre journalistique se conçoit de plus en plus indifféremment de son support. Par ailleurs, un journal est une œuvre collective et non une succession d’œuvres particulières. Il serait logique, voire naturel, que l’éditeur initial puisse utiliser ce travail collectif et donc soit le détenteur des droits sur tous les supports, comme c’est le cas dans d’autres pays, notamment aux États-Unis, sous réserve que cette détention soit clairement encadrée.

S’il convient de préserver la législation française très spécifique des droits d’auteurs, elle doit être adaptée à l’environnement actuel. Le principe des droits d’auteurs doit être maintenu, mais également assoupli. C’est aussi l’intérêt des journalistes, qui risquent sinon demain tout simplement de perdre leur outil de travail ! Les représentants de la presse, entreprises comme journalistes, associés à la réflexion des pouvoirs publics, souhaitent voir examiner la création d’un statut d’« œuvre de presse multisupports », papier et numérique, le site de presse étant soit le reflet, soit le prolongement de la publication imprimée. L’éditeur acquérrait les droits de première diffusion multisupports de l’œuvre journalistique par le paiement du salaire versé au journaliste. Passé un délai déterminé, l’œuvre serait versée au fonds éditorial de la publication et les réutilisations des contributions feraient l’objet d’une rémunération en droits d’auteurs des journalistes. Cette proposition permettrait de conforter la pratique actuelle des accords collectifs, qui distinguent l’exploitation directe des contributions des journalistes sur les services en ligne et la réutilisation des archives. Cette proposition a fait l’objet, depuis plus d’un an, de réunions de concertation et d’un « Livre Blanc », remis fin 2007, synthétisant les positions résultant des discussions menées.

Il convient aujourd’hui d’agir. Le projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet serait le bon support pour insérer des dispositions relatives aux droits d’auteur des collaborateurs de la rédaction d’une publication de presse. Cela nécessitera d’adapter tant le code de la propriété intellectuelle que le code du travail, afin de garantir une plus grande sécurité juridique aux éditeurs de publications de presse tout en préservant les droits des journalistes sur leurs œuvres. Il conviendrait sans doute pour ce faire de créer une nouvelle section au sein du chapitre II du titre III du livre Ier du code de la propriété intellectuelle, mais également de mettre en conformité les articles L. 7113-1 et L. 7113-2 du code du travail avec ces nouvelles dispositions du code de la propriété intellectuelle.

Malgré tout, il faudra garder à l’esprit, comme les syndicats de journalistes l’ont rappelé au rapporteur pour avis, que chaque article est une œuvre personnelle et qu’elle ne doit pas être dénaturée lors de ces différentes utilisations. Or, sur certains sites de journaux, la mise en scène de l’information tend à primer sur le fond. Peu de journalistes professionnels sont embauchés, les sites fonctionnent avec des pigistes rémunérés en droits d’auteurs, qui retravaillent parfois de manière malheureuse les articles de leurs collègues de la presse écrite. Il conviendrait que les entreprises de presse veillent à garantir sur Internet une information de même qualité que celle que l’on peut trouver sur les journaux traditionnels. À défaut, c’est toute la crédibilité des entreprises de presse qui sera effritée.

c) L’extension des aides de l’État aux « journaux » uniquement en ligne ?

La question se pose depuis que Mediapart, site d’information créé par Edwy Plenel, s’est vu refuser son inscription à la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), inscription qui conditionne l’octroi des aides de l’État à la presse. En effet, parmi les critères d’inscription prévus à l’article D. 18 du code des pcostes et communications électroniques, on trouve des références à l’impression (nom de l’imprimeur, notamment). Un recours gracieux est en cours d’instruction. Selon les informations communiquées par le Gouvernement, aucun choix n’est fait à ce stade, étant observé qu’un élargissement à budget constant se ferait au détriment des publications imprimées, qui subissent à ce titre des coûts spécifiques (d’impression et de distribution). Les États généraux de la presse doivent clairement trancher cette question. Dans son rapport au Président de la République, Mme Danièle Giazzi plaide pour une extension des aides du fonds d’aide au développement des services en ligne des entreprises de presse (8). Le rapporteur pour avis estime pour sa part que, si une telle décision doit être prise, les journaux en ligne doivent pouvoir prétendre aux mêmes aides que la presse papier au motif que la convergence numérique rend le format de lecture moins important que la qualité du contenu.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DE LA MINISTRE

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu, en commission élargie à l’ensemble des députés, Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, sur les crédits pour 2009 de la mission « Médias », au cours de la séance du mercredi 29 octobre 2008 à 9 h 00.

M. Patrice Martin-Lalande, président, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour la mission « Médias », le compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien » et le compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel ». Madame la ministre de la culture et de la communication, je suis heureux de vous accueillir, avec M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, et M. Axel Poniatowski, président de la Commission des affaires étrangères. Je suis chargé d’excuser M. Didier Migaud, président de la Commission des finances, de l’économie générale et du plan, et M. Gilles Carrez, rapporteur général.

Nous sommes réunis en formation de commission élargie afin de vous entendre sur les crédits consacrés à la mission « Médias » et aux comptes spéciaux associés, dans le projet de loi de finances pour 2009.

Vous avez été entendue avant-hier en commission élargie sur la mission « Culture ». Je ne rappellerai donc pas les règles du jeu, si ce n’est pour répéter à nos collègues qu’ils peuvent consulter les projets de rapports écrits des rapporteurs.

Les rapporteurs de nos trois commissions sont aujourd’hui : M. Christian Kert, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles, pour la mission « Médias » ; M. Didier Mathus, rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères, pour le programme « Audiovisuel extérieur de la France », moi-même étant rapporteur spécial de la Commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour la mission « Médias », le compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien » et le compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel ».

Les rapporteurs, sans exposé liminaire, vous poseront leurs questions.

Après les réponses et précisions que vous aurez apportées à chacun, les députés qui le souhaitent vous interrogeront à leur tour.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je laisse aux rapporteurs le soin de poser leurs questions.

M. le président Axel Poniatowski. La Commission des affaires étrangères s’intéresse de près à la question de l’audiovisuel extérieur, au sujet de laquelle elle a rédigé un certain nombre de rapports.

L’année 2009 a été décisive pour la mise en œuvre de la réforme de l’audiovisuel extérieur engagée par le Président de la République.

Je me félicite que le Gouvernement soit pratiquement parvenu à résoudre la crise que TV5 a connue ces derniers mois. L’attachement des francophones à cette chaîne a pu être mesuré récemment. En contrepartie des garanties obtenues en matière de gouvernance, nos partenaires francophones s’apprêtent-ils à accroître leur contribution financière, comme cela avait été annoncé ?

La langue française doit être le véhicule naturel des idées françaises. C’est pourquoi je plaide pour le renforcement de la couverture en français de France 24. Personnellement, même si je suis conscient que ma position est minoritaire, je ne vois pas quel intérêt représentent les émissions diffusées sur cette chaîne en anglais ou en arabe.

S’agissant de la grande réforme en gestation, il me semble qu’un recentrage de RFI sur l’Afrique et le Maghreb aurait davantage d’avenir qu’une espèce de complémentarité avec la télévision. Pouvez-vous nous en dire davantage à propos des évolutions que vous envisagez pour RFI ?

Je rappelle que, à l’issue de cette réunion, les membres de la Commission des affaires étrangères se prononceront sur les crédits de la mission « Médias ».

M. Patrice Martin-Lalande, président et rapporteur spécialLe domaine des médias illustre bien la volonté du Président de la République de mener des réformes tous azimuts, conformément à ce qu’il avait annoncé au cours de la campagne électorale.

Trois secteurs font ainsi l’objet de réformes d’une ampleur sans précédent : l’audiovisuel extérieur, qui évolue enfin, France Télévisions, mais aussi la presse écrite, grâce à l’organisation des états généraux de la presse. Seul le secteur de la radio semble rester l’écart de ce mouvement – à ceci près que RFI fait partie de l’audiovisuel extérieur et que la radio numérique sera lancée en 2009.

Je précise également que certaines problématiques dont nous débattrons à l’occasion de ce budget reviendront plus tard en débat, à la faveur du projet de loi sur l’audiovisuel, qui sera discuté à l’Assemblée à partir du 25 novembre.

Dans le domaine de la presse, la réalité de certains succès au plan national et international, notamment celui des magazines français, ne doit pas dissimuler que la presse quotidienne continue à s’enfoncer dans la crise : elle perd en effet des lecteurs et ses problèmes financiers s’accentuent du fait de la raréfaction de la publicité, mais aussi du niveau plus élevé des coûts de production et de diffusion en France que dans d’autres pays.

Comment peut-on alléger ces coûts, madame la ministre ? Si la presse était plus accessible, nous pourrions éviter que certains publics ne renoncent à la lire pour des raisons financières. Je pense en particulier aux jeunes.

Le développement de la publicité « hors médias », dont l’ampleur est particulièrement importante en France, se fait également au détriment de la presse écrite. Même s’il revient bien sûr aux annonceurs de choisir librement leur mode de communication, on peut s’interroger sur les moyens auxquels nous pourrions recourir afin de réorienter une partie de cette publicité au profit des médias.

L’arrivée de nouveaux concurrents en matière d’information plonge également la presse dans une crise structurelle : ce n’est plus en lisant le journal que l’on apprend les nouvelles, mais en consultant divers terminaux d’information, tels que les écrans. Il est donc urgent – je ne cesse de le répéter au fil de mes rapports et de mes entretiens avec les responsables de la presse – de réfléchir à ce que pourrait être la presse de demain.

Il existe déjà un important système de soutien à la presse, dont l’ampleur et le coût n’ont pas toujours d’équivalent dans d’autres pays, mais nous devons nous interroger : quelles aides devons-nous conserver ? Et lesquelles faudrait-il instaurer si elles n’existent pas ?

Pour toutes ces raisons, je me réjouis que des états généraux de la presse soient organisés. Cela étant, il faut être conscient que leurs conclusions ne pourront pas avoir de traduction budgétaire avant 2010.

J’aimerais également savoir de quelle façon l’État entend accompagner l’AFP dans la réalisation du projet 4XML, qui consiste en un basculement vers le « tout numérique ». Nous devons veiller à ce que l’AFP conserve sa position actuelle, dont il faut se féliciter compte tenu de l’âpreté de la concurrence internationale.

Je vous rappelle que j’ai remis un rapport d’information sur l’audiovisuel extérieur en juillet dernier, après avoir fait le point sur la situation avec la Cour des comptes, en compagnie du président de la Commission des finances. Sans revenir sur l’ensemble du rapport, j’aimerais vous interroger, madame la ministre, sur certaines des difficultés que nous avions mises en avant.

La première concerne l’insuffisance actuelle de pilotage politique, qui résulte de l’empilement des structures, de la multiplicité des autorités de tutelle et de l’absence de coordination entre les parties prenantes. Pouvez-vous nous dire quelles solutions ont été retenues pour remédier à cette situation ?

Sans pilotage politique, notre action ne saurait être efficace dans ce domaine, comme dans d’autres. La réforme en cours démontre qu’il existe aujourd’hui une volonté politique, mais il faut veiller à la pérenniser.

Comme j’ai eu l’occasion de le rappeler à M. Alain de Pouzilhac et à Mme Christine Ockrent, que j’ai rencontrés à plusieurs reprises depuis le mois de septembre, il n’appartiendra pas au conseil d’administration de la nouvelle holding de définir la politique de notre pays dans ce domaine. Nous avons besoin d’un autre niveau de décision, de nature politique.

D’autre part, nous avons cru comprendre qu’un accord était sur le point d’être signé à propos des conditions de sortie des partenaires actuels – TF1, mais aussi France Télévisions – hors du capital de France 24. Pouvez-vous le confirmer ?

Une autre de mes interrogations porte sur l’évolution des crédits prévus pour l’audiovisuel extérieur. Il faut naturellement espérer que les synergies à venir permettront de faire plus et mieux à crédits constants – c’est d’ailleurs l’un des objectifs de la réorganisation actuelle. Toutefois, l’augmentation des crédits – 0,8 % – me semble bien faible. J’espère que nous n’en resterons pas là au cours des années suivantes.

J’en viens aux évolutions concernant France Télévisions. Pour avoir participé, en compagnie de M. Christian Kert, à la rencontre mondiale des télévisions publiques, qui a eu lieu en Arles à l’initiative de Patrick de Carolis, je peux témoigner que tous les responsables, dans le monde entier, s’interrogent sur l’avenir de la télévision publique. Dès lors qu’on peut recevoir 500 chaînes par satellite et que de nouveaux modes d’accès se développent, quels doivent être le rôle et la valeur ajoutée du service public ?

Tout le monde m’a paru convaincu que le service public devait redéfinir sa façon d’agir, mais que sa légitimité et son identité n’étaient pas en cause. Il nous reste toutefois à leur donner une nouvelle formulation. Pouvez-vous nous exposer la vision du Gouvernement à ce sujet ?

À titre personnel, je pense que nous devons veiller à préserver l’existence des télévisions généralistes. Dans le déluge actuel de contenu circulant par des canaux spécialisés, qu’il s’agisse des télévisions thématiques ou de l’Internet, qui permettent à chacun de se concentrer sur les seuls sujets qui l’intéressent, nos concitoyens doivent pouvoir accéder à un certain nombre de chaînes généralistes, publiques ou privées, qui leur offrent une véritable ouverture culturelle et intellectuelle.

C’est pourquoi il sera très important de réussir la mutation de France Télévisions en média global.

J’aimerais avoir la confirmation que la suppression des recettes publicitaires pour les chaînes publiques sera durablement compensée par l’État, et surtout que la publicité se réorientera vers des secteurs qui en ont un grand besoin, tels que les télévisions locales ou thématiques, la presse quotidienne ou les médias généralistes privés. Comment le Gouvernement compte-t-il y parvenir ?

La suppression de la publicité a été considérée comme un « cadeau » fait au secteur privé.

M. Michel Françaix. Il s’agit d’un enrichissement sans cause !

M. Patrice Martin-Lalande, président et rapporteur spécial. Peut-être, mais c’est en tout cas un très beau cadeau fait au service public, qui lui permet d’échanger une recette incertaine, en pleine diminution et qui pèse sur la programmation, puisque les liens entre audimat et montant des recettes publicitaires ne sont plus à démontrer, contre une recette certaine, garantie par l’État et qui le libère des contraintes de programmation. Le service public de l’audiovisuel mérite ce beau cadeau et je suis persuadé qu’il saura l’utiliser au mieux.

En matière de redevance, la réforme de la collecte a permis une économie de 100 millions par an tout en confirmant cette ressource de l’audiovisuel public. Je suis heureux que le Gouvernement ait retenu le principe de l’indexation de la redevance, mais je voudrais savoir s’il compte y assujettir les personnes qui reçoivent la télévision par un autre biais qu’un téléviseur – un ordinateur notamment. C’est une question d’égalité devant l’impôt. Y aura-t-il du nouveau de ce côté ? J’ai déposé un amendement tendant à ce qu’un rapport soit présenté à ce sujet.

M. Christian Kert, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la mission « Médias ». Nous sommes dans une année charnière pour l’audiovisuel : ce matin même sera mise en place à l’Assemblée la commission spéciale sur la loi sur l’audiovisuel, qui doit mener la réflexion sur cette réforme voulue par le Président de la République. C’est pourquoi les parlementaires regrettent de ne disposer d’aucune évaluation des ressources d’ensemble de l’audiovisuel public, ce qui les empêche de se rendre compte si le financement public est adapté ou non. Quelles sont donc les ressources propres de France Télévisions et quelles économies de gestion pouvons-nous attendre de la création de la société unique ?

Il semble ensuite que l’extinction de la diffusion analogique ait pris un peu de retard, même si le calendrier d’ensemble semble devoir être tenu. Cela ne va-t-il pas remettre en cause l’équilibre financier des contrats d’objectifs et de moyens des chaînes publiques ? Quand seront publiés les schémas d’extinction, et pourquoi ont-ils pris du retard ? Il est par ailleurs envisagé que la redevance contribue au financement de l’extinction, à hauteur de 200 millions sur trois ans. Mais comme l’a dit en 2007 Emmanuel Hamelin, rapporteur du projet de loi sur la télévision du futur, cette décision gouvernementale doit être financée sur des crédits budgétaires. Ce n’est pas l’objet de la redevance que de financer une campagne nationale d’information et un fonds d’aide pour les foyers les plus modestes.

S’agissant de la radio maintenant, comment comptez-vous soutenir le passage au numérique des radios associatives ? Le fonds de soutien suffira-t-il pour les aider à financer la double diffusion, ou un autre fonds doit-il être créé ?

En ce qui concerne la presse écrite, il faut s’inquiéter de la révision que propose la Commission européenne par deux directives et surtout de ses conséquences sur la presse hebdomadaire régionale et sur les entreprises de presse judiciaire, qui perdraient en l’état les ressources considérables que représentent les annonces légales. Leur existence même serait mise en péril. Où en sont les réflexions du Parlement européen et de la Commission ? Comment la France peut-elle préserver son système actuel en l’adaptant aux nouvelles règles ?

Enfin, le développement d’Internet soulève trois questions principales : celle des taux de TVA, différents pour l’information en ligne et la presse écrite, celle des droits d’auteur et celle des aides de l’État aux journaux qui ne sont disponibles qu’en ligne. Quelle est votre position, madame la ministre, et qu’attendez-vous des états généraux de la presse sur ces questions ? Ne conviendrait-il pas de revoir les aides de l’État en faveur du développement numérique des entreprises de presse, aujourd’hui peu opérationnelles ? Que pensez-vous de l’idée du crédit d’impôt numérique, une déduction de type crédit d’impôt recherche qui serait liée à l’investissement numérique des entreprises de presse ?

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères, pour le programme « Audiovisuel extérieur de la France ». L’audiovisuel extérieur français a été l’objet d’une réforme lancée avec fracas par le conseiller élyséen M. Benamou pour un succès au bout du compte assez nuancé. L’objectif initial était d’en souder les trois composantes : TV5 Monde, RFI et France 24, mais il a d’abord fallu se faire à l’idée que TV5 Monde ne pouvait être un morceau de l’opérateur national.

Nos partenaires francophones se sont froissés, pour le moins, de notre comportement dans cette affaire et, à l’arrivée, la position de la France dans TV5 Monde est plus inconfortable qu’au départ. Pour le reste, une holding va gérer les participations de France 24 et de RFI avec l’objectif de déployer des synergies, certes toujours souhaitables mais en l’occurrence quelque peu difficiles à trouver entre une radio à l’utilité toute particulière en Afrique et une télévision d’information – au format d’ailleurs peut-être déjà obsolète à l’heure d’Internet. On manque d’éléments pour apprécier l’impact de France 24 et il est quasiment impossible de mesurer son audience réelle, mais je ne suis pas sûr, même si l’idée d’une télévision à vocation internationale est intéressante a priori, que le format retenu soit le bon.

Voilà une réforme au milieu du gué, dont nous avons compris qu'elle visera seulement France 24 et RFI, avec des objectifs incertains. Il peut en effet s'avérer hasardeux d'instrumentaliser, dans une vision préformatée, une rédaction aussi particulière que celle de RFI.

Ainsi ce paysage audiovisuel international ne constitue-t-il pas vraiment un succès. Plusieurs maladresses ont émaillé la constitution du pôle, comme la nomination de l'épouse du ministre des affaires étrangères à sa tête ou la substitution au nom de France Monde – déjà déposé ! – du peu attractif acronyme « AEF ».

Le mécanisme retenu pour la répartition des ressources entre les différents partenaires n'est pas convaincant : comment penser que RFI ne sera pas négligé par une holding dont les dirigeants ne sont autres que M. de Pouzilhac et Mme Ockrent ?

Pouvez-vous donner des précisions sur l'actionnariat de France 24, pour le moins baroque à l'origine ? Il semble que TF1, pour en sortir, empochera une plus-value colossale : on a évoqué jusqu'à 90 millions d'euros pour une mise de fonds de départ de 17 500 euros. Même s'il faut se réjouir que, grâce au parallélisme des formes, France Télévisions ne fasse pas une mauvaise affaire, cela ne manque pas de nous interroger.

Précisément, l'absence de l'opérateur national dans le dispositif AEF pose question. Les ressources considérables du service public ne sont pas utilisées. La participation de France Télévisions dans TV5 Monde passe à 12 %, au point que ses dirigeants s'interrogent légitimement sur la nécessité de continuer à fournir gratuitement des programmes à cette chaîne.

Enfin, Nicolas Sarkozy a promu l'idée curieuse, pour une chaîne censée s'adresser à des étrangers, que France 24 devait parler exclusivement en français. Même si des versions arabe et anglaise sont prévues, un tel choix place France 24 sur le même créneau que TV5, ce qui induit une concurrence frontale, notamment dans le domaine de la distribution.

Personne n'a souhaité l'immobilisme, mais il faut bien constater que ce dispositif, bancal au départ, ne s'est pas amélioré.

M. le président Axel Poniatowski. Compte tenu de la durée de cette réunion, la Commission des affaires étrangères se prononcera sur le programme « Audiovisuel extérieur de la France » lors d'une réunion ultérieure.

M. Michel Françaix. Commençons par les états généraux sur la presse, dont le lancement récent a donné libre cours aux grands principes, comme celui du pluralisme : ne craignez-vous pas que ce soit le « baiser qui tue », quand la presse – mis à part quelques journaux confidentiels – continue d'étouffer au nom de la divine concentration ?

Êtes-vous d'accord avec notre collègue Frédéric Lefebvre, qui souhaite voir installer un observatoire déontologique de la presse, comme si c'était là le rôle des politiques ? Ne pensez-vous pas qu'il serait plus intéressant d'aider à la reconnaissance des rédactions ?

Où en êtes-vous de la réflexion sur les droits d'auteur des journalistes, qui peuvent voir leurs articles repris par des revues spécialisées appartenant au même groupe ?

Considérez-vous que les journaux en ligne soient des journaux et, partant, qu'il convient de baisser la TVA les concernant ?

Ne pensez-vous pas que le très mauvais taux de pénétration de la presse quotidienne soit dû davantage au nombre des journaux et à la concentration des groupes plutôt qu'au lectorat ? Pour éviter le saupoudrage de l'aide à la presse, ne conviendrait-il pas de distinguer entre la presse « citoyenne » –quotidiens et périodiques d'information générale – et la presse plus commerciale – magazines spécialisés ? S'il est vrai qu'un arbre peut cacher la forêt, il faut reconnaître que certains arbres se portent très bien.

S'agissant de l'audiovisuel, comment accepter l'idée que quelques grands groupes du CAC 40 obtiennent de l'État ce que leur stratégie inadéquate leur a fait manquer ? Bouygues, qui a totalement échoué dans le passage au numérique, va bénéficier d’un enrichissement sans cause. Pourtant, le Président de la République ne s'est jamais vanté d'aider les perdants !

La réforme que vous vous apprêtez à mener ne risque-t-elle pas de freiner la création ? Les nombreux aléas et l'absence de visibilité sur le financement de l'audiovisuel public font que tous les projets sont au point mort. Est-il logique que le service public en vienne à encourager, par ses mauvaises émissions, le succès de TF1, afin de profiter de la manne publicitaire qui reviendra à la chaîne privée ?

Je n'en peux plus d'entendre parler de concentrations ! Cela n'a jamais fonctionné en France. Lorsque M. Hersant rachète Le Dauphiné et Le Progrès, le nombre de lecteurs chute de 41 % ; lorsque M. Lagardère réunit Le Méridional et Le Provençal sous le titre La Provence, les ventes baissent de 35 % ; en revanche, lorsque Ouest France et Le Télégramme de Brest poursuivent leur concurrence, les ventes augmentent de 17 %. Ce ne sont pas la pensée unique ou le politiquement correct qui importent, mais le pluralisme ! Seules les concentrations conduites par de vrais groupes de presse, comme Bayard ou Amaury, fonctionnent. De grâce, madame la ministre, n'aidons pas par de fausses concentrations les amis du Président de la République, qui ne s'intéressent qu'à l'audience et à l'influence ?

Mme Muriel Marland-Militello. Nous nous félicitons, au nom du groupe UMP, d’un budget qui, dans cette année de mutation, respecte les contrats passés avec Arte et Radio France, prend en compte les mutations technologiques et répond aux décisions politiques concernant notamment la suppression de la publicité à la télévision. En prévoyant une dotation accrue de 450 millions d’euros, le Gouvernement a tenu compte de l’avis de la commission Copé pour compenser la perte de recettes résultant de cette suppression.

Je m’étonne que l’on puisse s’inquiéter au sujet du pluralisme des opinions dans les médias. Quiconque a un peu voyagé sait bien que la liberté de la presse est parfaitement défendue par le Gouvernement et qu’elle s’exerce à l’intérieur même des grands groupes, où la diversité d’expression est très grande.

Le groupe UMP demande au Gouvernement d’être attentif à ce que l’extinction de l’analogique au profit du numérique ne pèse pas sur les ressources propres de l’audiovisuel. Il ne faut pas que l’on reprenne d’une main ce que l’on a donné de l’autre.

Selon nous, Internet offre la possibilité de donner un nouvel élan à la presse écrite actuellement en crise. Nous constatons avec regret que la TVA de la presse sur Internet est maintenue à un taux élevé. Nous souhaiterions qu’elle soit ramenée au taux applicable à la presse écrite.

S’agissant d’Arte, le contrat d’objectifs et de moyens permettra-t-il à la chaîne de se développer aussi bien dans le domaine de la haute définition que dans celui de la télévision mobile personnelle ?

Enfin, nous nous intéressons beaucoup au problème de l’accès des personnes handicapées à la culture. Le budget prévoit-il des moyens ciblés supplémentaires en matière de médias ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Vous l’avez souligné, nous sommes dans une période de mutation, tant dans l’audiovisuel que dans la presse.

Notre presse traverse une crise généralisée. Elle est en effet la plus aidée et celle qui se porte le plus mal en Europe. Sur un total de 285 millions d’euros, les aides directes s’élèvent à environ 200 millions et vont presque intégralement à la presse d’information politique et générale, tandis que 84 millions permettront l’application des accords presse-Poste signés en juillet dernier.

S’ajoutent à ces aides des mécanismes fiscaux, comme le crédit d’impôt prévu à l’article 39 bis A du code général des impôts et ciblé lui aussi sur presse d’information politique et générale, et des actions d’aide à la modernisation et à la numérisation. Le fonds d’aide au développement des services en ligne prévoit des avances remboursables pour un montant encore modeste – moins de 2 millions d’euros pour 35 projets – car nous ne sommes pas saisis de beaucoup de demandes : environ 4 projets par an.

Le ministère de la culture et de la communication a également fait passer de 8 à 12 millions d’euros sa participation au plan « Défi 2010 » des NMPP. Le nombre de points de vente est aujourd’hui de 30 000, soit 500 de plus au cours de cette année.

M. Michel Françaix. Mais 2 000 de moins les années précédentes !

M. Jacques Myard. Demandez pourquoi à la CGT !

Mme la ministre. Le plan « Défi 2010 » prévoit aussi un resserrement des effectifs moyennant des plans sociaux généreux – 60 millions d’euros pour quelques centaines de personnes.

Quoi qu’il en soit, les coûts de production ont augmenté, la distribution laisse à désirer et le secteur souffre d’un problème global de sous-financement.

Les états généraux de la presse écrite visent donc à mettre à plat l’ensemble du système pour pouvoir traiter tous les problèmes. Ils réunissent quatre groupes principaux, présidés respectivement par Bruno Frappat – les métiers du journalisme –, Arnaud de Puyfontaine – processus industriel de la presse écrite –, François Dufour – presse et société – et Bruno Patino – presse et Internet. Nous sommes en début de processus et rien n’est fixé par avance. Il y a beaucoup de non-dits dans la presse écrite et l’on peut observer des situations d’accord de fait notamment entre les éditeurs et les syndicats. Sans doute est-il possible de faire évoluer les choses pour redynamiser notre presse et lui faire atteindre un niveau comparable à celui des autres pays européens. C’est le sens de la démarche des états généraux, qui s’achèveront sans doute au début de 2009, après que l’on aura procédé à un nombre considérable d’auditions et organisé des journées de débats publics. Les participants ont été choisis pour leur personnalité et pour leurs responsabilités, et non en tant que représentants d’institutions.

Comme l’a remarqué M. Martin-Lalande, le marché de la publicité tend à se rétrécir et à se déporter vers le hors-médias. Pour tenter d’inverser la tendance, il faudrait presque en venir à taxer la publicité hors médias, ce qui peut s’envisager, mais ce qui n’est pas sans poser des problèmes puisque les annonceurs sont libres de choisir le support de leur communication. Notre pays est celui où la part de publicité hors médias est la plus importante et que nous aurions bien besoin de ces revenus pour soutenir nos médias.

S’agissant du quotidien de demain, c’est tout l’intérêt des états généraux que de se demander quels produits l’on fera, et pour quels lecteurs. Certains journaux trouvent leur place et marchent bien. Il y a donc des possibilités que cette phase de réflexion permettra de mieux cerner, sachant qu’il existe dans ce secteur un conservatisme que les professionnels sont les premiers à reconnaître.

L’AFP est en train de moderniser son outil de production technique avec le projet de système de production multimédia intégré, dit 4XML, qui permettra à l’Agence de répondre aux nouvelles attentes de ses clients et de conquérir de nouveaux marchés. Il s’agit de fusionner des systèmes informatiques cloisonnés, pour certains d’entre eux, depuis le début des années 90, tout en faisant évoluer les métiers traditionnels. Le Gouvernement prévoit de soutenir l’Agence à hauteur de 20 millions d’euros. Cette aide sera formalisée dans le contrat d’objectifs et de moyens 2009-2013. En outre, la dotation budgétaire sera portée à 111,4 millions d’euros, soit une augmentation de 2 millions. L’AFP, quant à elle, s’engage sur le projet 4XML à hauteur de 10 millions d’euros.

La question des annonces légales est essentielle puisque ces dernières concourent en particulier au financement de la presse départementale à hauteur de 200 à 300 millions par an. Selon la Commission juridique, les informations soumises à obligation de publicité devraient être assurées par une plateforme électronique centrale unique. Nous avons quant à nous insisté sur le principe de subsidiarité et l’importance de cette forme de financement. À l’issue de sa réunion du 7 octobre, la Commission a prévu que les États membres peuvent maintenir sans délai particulier les obligations additionnelles en matière de publicité légale, les éditeurs soumis à obligation pouvant donc choisir de publier – pour une redevance égale – soit sur la plateforme numérique, soit dans un quotidien. Il faut espérer qu’ils privilégieront la seconde solution.

M. Patrice Martin-Lalande, président et rapporteur spécial. C’est en effet important.

Mme la ministre. Enfin, nous réfléchissons sur la gestion de cette plateforme par les éditeurs.

Concernant les taux de TVA entre la presse électronique et la presse papier, la disparité est évidemment très grande entre des taux respectifs de 19,6 % et de 2,2 %. L’Union européenne envisageant une refonte de l’ensemble des taux, il importe surtout de ne pas perdre ce dernier au profit d’un taux uniformisé de 5,5 %. Le Gouvernement est quant à lui mobilisé afin de parvenir à mettre un terme à cette disparité, laquelle affecte d’ailleurs également le livre papier et le livre numérique.

Le développement d’Internet change bien entendu la donne en matière de droit d’auteur. Nous envisageons de légiférer afin de donner un fondement juridique aux accords entre éditeurs et journalistes de manière que les articles soient utilisés dans les « deux presses », alors même que nombre de cas de figure se présenteront en fonction des différents types de reproductions et des passages entre plusieurs groupes de presse. La loi doit donc affirmer à la fois le principe de la juste rémunération des journalistes et celui de la présomption de cession de droits.

M. Michel Françaix. Ce sont donc les sociétés de rédacteurs et de journalistes qui, in fine, décideraient.

M. Jacques Myard. C’est la soviétisation de la presse !

Mme la ministre. Il y aura en tout cas des accords entre éditeurs et journalistes, mais nous avons travaillé, je le répète, à l’élaboration d’un avant-texte.

La question de l’octroi d’aides de l’État aux journaux en ligne est ouverte même si ces derniers, stricto sensu, demeurent encore relativement marginaux. La question des crédits d’impôt doit quant à elle être traitée avec beaucoup de précaution.

Si, par ailleurs, nombre de professionnels seront très attentifs aux résultats des travaux des états généraux, je ne crois pas en revanche que l’idée de la création d’un observatoire soit particulièrement opportune. La question de l’offre de presse sera débattue, mais je note d’ores et déjà que la plupart des points de vente présentent de plus en plus ce qui est susceptible de satisfaire leur clientèle de proximité.

En ce qui concerne l’audiovisuel extérieur, M. Martin-Lalande a vu juste. Nous avons certes traversé une période de refondation mais, contrairement a ce que pense M. Mathus, la situation ne s’aggrave pas, au contraire. L’audiovisuel extérieur est, en effet, bien financé, alors même qu’il souffrait jusqu’ici d’un manque de synergies. La holding contribuera à changer la donne en détenant 100 % des parts de RFI et de France 24, mais également 49 % de TV5 Monde, 17 % de France Télévisions, INA et Arte, et 33 % des chaînes francophones. Cette association plus étroite me semble de très bon augure. Alain de Pouzilhac, président exécutif de RFI, présidera bien entendu France 24 et c’est Marie-Christine Saragosse, appréciée de tous, qui préside TV5. La gestion de l’audiovisuel extérieur a par ailleurs été transférée à la direction du développement des médias – laquelle sera associée au ministère de la culture –, mais le programme « Audiovisuel extérieur de la France » au sens strict sera directement placé sous l’autorité du Premier ministre avec un conseil réunissant les représentants des ministères des affaires étrangères, de la culture et de l’économie. Le retrait de TF1 de la chaîne d’informations en continu est en négociation. L’investissement initial de la chaîne était de 18 000 euros ; elle réclame aujourd’hui 90 millions mais, assurément, elle obtiendra infiniment moins, même si des accords de fourniture de programmes seront passés. Ainsi, la gouvernance de l’ensemble sera grandement clarifiée.

En ce qui concerne RFI, l’idée est de se recentrer sur les langues et les zones géographiques les plus porteuses. En effet, alors qu’existent à Paris des rédactions en allemand, serbo-croate ou polonais, les enquêtes révèlent un taux d’écoute extrêmement faible dans les pays concernés. Il est donc plus intéressant de supprimer certaines langues et de se concentrer sur l’Afrique, où les enjeux sont considérables. Par ailleurs, des synergies pourront être trouvées entre RFI et France 24. Ainsi, cette dernière voulait absolument augmenter ses émissions en langue arabe, sans toutefois parvenir à trouver les financements nécessaires. Or RFI dispose de rédactions en langue arabe remarquables. La réunion de l’ensemble permettra donc des synergies intéressantes.

Je ne partage pas l’avis de M. Poniatowski, selon lequel France 24 devrait diffuser en Français.

On pourrait dire que TV5 est une chaîne francophone, et France 24 une chaîne francophile.

M. Jacques Myard. Cela n’a rien à voir !

Mme la ministre. France 24 n’est pas destinée à porter la voix de la France, mais à transmettre un regard, une approche spécifique. Et il est très important qu’elle le fasse en arabe ou en anglais. Si vous commentez les événements qui se déroulent à Bagdad, votre discours aura plus d’impact en arabe qu’en français.

M. Jacques Myard. Ce n’est pas vrai !

Mme la ministre. J’en viens à l’audiovisuel hexagonal, qui fait l’objet d’une vaste réforme. Avant tout, il est important de rappeler que les COM, les contrats d’objectifs et de moyens, seront respectés dans les prochaines années.

Christian Kert m’a interrogée sur les ressources propres des chaînes publiques : elles sont de 5,4 millions pour Arte et de 41,2 millions pour l’INA. S’agissant de Radio France, elles restent budgétées au niveau prévu dans le COM.

Le financement de France Télévisions suscite de nombreuses interrogations. Mais, comme l’a dit Patrice Martin-Lalande, il est garanti, et ce dans une époque extrêmement chahutée. Rappelons que les ressources publicitaires du groupe de France Télévisions avaient commencé à baisser bien avant l’annonce faite par le Président de la République le 8 janvier dernier.

M. Patrice Martin-Lalande, président et rapporteur spécial. Dès 2007 !

Mme la ministre. Une tentative de réforme de la régie publicitaire avait amené des résultats si peu concluants que France Télévisions y avait renoncé en cours d’année. Si le groupe avait dû compter sur les ressources publicitaires, son déficit serait aujourd’hui considérable, nous le savons bien.

Le problème des compensations a été abordé au sein de la commission Copé, qui comprenait de nombreux professionnels et a procédé à un grand nombre d’auditions. Les propositions ont pris pour base le COM, lui-même calculé par rapport à 2007, qui a été une bonne année en termes de publicité. Il fallait trouver 800 millions d’euros pour compenser la suppression des recettes publicitaires, mais seulement 450 millions si l’on tient compte du fait que cette suppression n’est encore que partielle : la publicité demeure en journée, mais aussi sur RFO – jusqu’à l’arrivée du numérique et l’établissement d’une véritable concurrence dans les DOM-TOM –, ainsi que lors des décrochages de France 3. À ces recettes s’ajoutent les ressources de parrainage.

Pour la suite, nous verrons. Nous vivons une période de mutation considérable, à laquelle s’ajoute d’ailleurs la réorganisation de France Télévisions en une société unique regroupant plusieurs chaînes, sur le modèle de Radio France. Dans un tel contexte, il n’est pas impensable de connaître un déficit, à condition de prévoir un calendrier précis pour sa résorption.

Les ressources prévues sont loin d’être négligeables. Elles permettent d’agir. Elles sont bien sûr assorties d’un cahier des charges, monsieur Françaix, et celui-ci est précis et exigeant : il fait une grande place à la création. Ainsi, l’autre jour, lors de la renégociation des décrets Tasca en vue d’obtenir des accords interprofessionnels entre les producteurs et les auteurs, nous avons signé un accord avec Canal Plus, TF1 et France Télévisions – j’espère bien que M6 va nous rejoindre – à l’occasion duquel le groupe de télévision publique a pris des engagements importants : augmentation des investissements dans la création – de 365 millions, ils passeront à 425 millions d’euros en 2012 –, obligation de consacrer 70 % de la programmation aux œuvres européennes et 50 % aux œuvres françaises. De toute évidence, la création et la production ne sont pas la variable d’ajustement des budgets futurs. Tout le sens de la réforme est justement de proposer des programmes riches, dignes du service public.

Je m’inscris totalement en faux contre l’idée d’un cadeau fait aux chaînes privées. Tout d’abord, le caractère écrasant des chaînes privées relève du fantasme. Aujourd’hui, les géants véritables sont à chercher du côté des télécoms. Ainsi, le cours de l’action de TF1, qui était notre grande chaîne privée, ne cesse de chuter. Mais personne n’a intérêt à ce que les chaînes privées se portent mal, puisque toutes les obligations concernant le cinéma ou la création sont assises sur leur chiffre d’affaires.

M. Michel Françaix. Dans ce cas, coupez la TNT !

Mme la ministre. Nous avons intérêt à garantir de bonnes ressources pour l’audiovisuel public, mais aussi à ce que les chaînes privées puissent aborder les mutations en cours, qu’il s’agisse de la montée en puissance d’Internet ou de celle de la TNT. Peut-être que TF1, chaîne leader, qui a su inventer beaucoup de choses, a raté certaines occasions. Mais aujourd’hui, la chaîne est mobilisée pour traverser ces temps de crise.

Par ailleurs, il est naturel de transposer la directive européenne « Services de médias audiovisuels sans frontières ». Certes, nous ouvrons légèrement les fenêtres en matière d’autorisation publicitaire, mais sans aller au maximum de douze minutes permis par la directive – sauf pour la TNT. Quant à la décision d’autoriser une deuxième coupure, elle s’explique par la chute de la diffusion du cinéma à la télévision : au cours des dernières années, le nombre de films présentés en première partie de soirée sur les chaînes nationales a baissé de 40 %. Il est en effet plus rentable de proposer un téléfilm de cinquante minutes plutôt qu’un long métrage. La deuxième coupure incitera donc les chaînes privées à diffuser des films. Cela n’a rien d’un cadeau.

Le système de taxation, quant à lui, va toucher l’ensemble des ressources publicitaires des chaînes, donc celles des chaînes privées. Et l’impact sur le groupe Bouygues sera plus important, puisque sa branche télécoms sera soumise à la taxe pour la compensation de la publicité. Les mesures envisagées me semblent donc à la fois équilibrées et de nature à donner un peu d’air à ces chaînes, dont nous avons besoin – les producteurs et les auteurs, eux, n’ont pas du tout envie que leur chiffre d’affaires s’effondre.

S’agissant de la redevance, il est en effet prévu d’en indexer le taux. C’est une bonne chose, car son niveau ne bougeait plus depuis longtemps – et donc, en réalité, tendait à baisser. On peut encore discuter de son assiette : pour ma part, je m’interroge sur l’opportunité de l’étendre aux ordinateurs. S’il est tout à fait exact que l’on peut regarder la télévision sur son ordinateur, certaines personnes qui en possèdent un sont farouchement anti-télé ! Je crains donc qu’une telle mesure ne soit compliquée à mettre en œuvre.

Christian Kert s’est aussi interrogé sur l’extinction de l’analogique. Celle-ci a pris un peu de retard en raison de la tenue des Assises du numérique, mais le calendrier n’est pas remis en question : l’échéance prévue est toujours novembre 2012. Le nombre de foyers équipés augmente sans cesse ; le 8 novembre, une opération pilote d’extinction totale de l’analogique se tiendra à Coulommiers. À partir de 2011, le processus de passage au numérique ne sera plus financé par la redevance. En attendant, un éventuel écart sera compensé par l’État ; c’est déjà lui qui compense en grande partie les exonérations de redevance. Le plus important est que les contrats d’objectifs et de moyens soient garantis. Pour le reste, le passage au numérique étant quelque chose d’essentiel, il faudra bien assurer la transition.

Les radios associatives ont plutôt gagné à ne plus être financées par la publicité, dans la mesure où celle-ci tend à baisser. Désormais, leur financement est intégré au budget, et les crédits qui leur sont consacrés augmentent de 6 % en 2009. La somme n’est pas immense, mais il s’agit tout de même d’un effort sensible. En tout état de cause, les radios associatives gagneront en sécurité.

En ce qui concerne les handicapés, madame Marland-Militello, la loi prévoit des obligations spécifiques sur l’audio-description, destinée aux malvoyants.

M. Marc Bernier. L’INA fait un travail remarquable et reconnu de numérisation de ses archives. Il a un contrat avec l’État, respecté depuis des années, aux termes duquel ses ressources sont constituées pour les deux tiers de fonds de la redevance – environ 80 millions d’euros – et pour le tiers restant de ressources propres, issues notamment de la vente d’archives. L’INA voulait créer une chaîne pour mettre en valeur ses archives. Où en est ce projet ?

Dans nos circonscriptions est régulièrement posée la question des droits acquis en matière de dégrèvement de la redevance pour les plus de soixante-cinq ans. Ils ne peuvent plus en bénéficier depuis la réforme de 2005, qui a lié la redevance à la taxe d’habitation. Un texte a été pris pour les handicapés. Qu’en est-il pour les personnes âgées ?

M. Franck Riester. Vous allez venir à Coulommiers le 8 novembre prochain pour la mise en place de la première expérience d’extinction totale de la télévision analogique. Je remercie vos services et la DDM. Il faut dès maintenant travailler avec les collectivités locales et leurs associations. L’implication des élus est fondamentale.

Nous avons mis en place des ambassadeurs du numérique. La pédagogie de terrain va être essentielle. La solidarité intergénérationnelle le sera aussi. Sur le plan local, nous mobilisons tous les services, notamment les CCAS, pour accompagner les plus fragiles lors du passage au 100 % numérique.

La loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur a cependant prévu la création d’un fonds d’aide. Or, à dix jours du lancement de l’extinction de la diffusion analogique à Coulommiers, nous n’avons toujours rien sur les conditions d’éligibilité à ce fonds. Cette question revient lors de toutes les réunions que nous organisons sur le terrain. Un adaptateur coûte 30 euros environ. Aujourd’hui, on ne sait pas expliquer aux plus modestes comment ils pourront être aidés à franchir le pas.

Une autre question concerne le passage au tout numérique dans les immeubles collectifs. Les bailleurs sociaux, les syndics, doivent adapter les têtes de réseaux. Il paraît nécessaire d’adapter la loi pour qu’ils puissent le faire sans passer devant les assemblées générales.

Mme Françoise de Panafieu. Le basculement de la diffusion de la télévision au numérique est fixé au 30 novembre 2011. Or, aujourd’hui, dans la rue, personne, sauf peut-être à Coulommiers, n’est au courant ! Il faut développer l’information pour dire aux gens que ce basculement ne coûte pas très cher.

Des dispositions sont-elles prévues pour aider les collectivités locales et les institutions comme les hôpitaux ou les maisons de retraite, qui ont beaucoup de postes ?

M. Marcel Rogemont. Je voudrais revenir sur le financement de la télévision. Le Président Sarkozy avait dit qu’il ne toucherait pas à la redevance, et qu’il augmenterait le financement de l’audiovisuel public. Or il fait le contraire.

Il avait également dit que le financement du passage de la diffusion télévisuelle au numérique serait assuré par des moyens budgétaires. Or ce sera par prélèvement sur la redevance. Là aussi, il fait le contraire de ce qu’il a dit.

Qu’allez-vous faire pour que la redevance, qui va financer la télévision publique, ne soit pas sans cesse ponctionnée par des décisions erratiques du Président de la République ? Il n’est pas normal que 218 millions d’euros ne viennent pas financer l’audiovisuel public.

La question de la participation des télévisions à la création est également en question. On dit que TF1 va diminuer sa participation ; M6 accepterait de maintenir la sienne, mais en faisant entrer dans les œuvres patrimoniales des productions qui n’ont rien à y voir.

Le financement était assuré par des guichets multiples. Cela assurait une offre plus large qu’un guichet unique ne pourrait le faire.

Enfin, avez-vous réfléchi au contenu de l’émission qui serait laissée à la compétence du Gouvernement sur France Télévisions ? Pouvez-vous nous dire quelque chose qui nous rassurerait ? Nous ne voudrions pas voir revenir quelque chose que nous avons « perdu de vue » – titre d’une ancienne émission –, c’est-à-dire l’ORTF. Allez-vous devenir un nouveau ministre de l’information ?

M. Jacques Myard. On finance des programmes et la télévision : comment est-il possible que des chaînes diffusent le supplément hebdomadaire en langue étrangère d’un quotidien du soir ? Celui-ci devrait rembourser à l’État le coût de cette diffusion de la presse américaine hebdomadaire.

En ce qui concerne les programmes, je suis frappé par la naïveté des télévisions françaises par rapport aux chaînes étrangères, comme la BBC. France Info ne cesse de faire de la publicité pour des groupes de rap anglo-saxons, alors qu’elle pourrait promouvoir des groupes reggae de banlieue. A-t-on affaire à des cerveaux lavés ?

Je ne comprends pas l’idée d’une fusion en ce qui concerne la chaîne internationale. La radio n’est pas la télévision. L’instrument RFI doit être préservé.

Il n’est pas possible de dire que France 24 ne doit pas diffuser en français du fait de l’existence de TV5.

Mme la ministre. Je n’ai pas dit cela !

M. Jacques Myard. Je vous ai donc mal comprise et j’en suis rassuré.

TV5 est une sorte d’équivalent télévisuel de France Culture. Il faut développer France 24, en langue française, anglaise, arabe, où il va falloir monter en puissance, et en chinois, langue à laquelle il va falloir s’intéresser. C’est un outil qui fait son trou, et il va falloir le développer.

M. Charles de Courson. Selon quelles modalités juridiques le spectre hertzien va-t-il être cédé. On parle d’enchères, mais aussi de négociations avec les acheteurs : n’y a-t-il pas une difficulté en termes de marchés publics ?

Aujourd’hui, il produit 600 millions d’euros de recettes ; celles-ci vont au ministère de la défense, puisque les fréquences cédées sont des fréquences qui lui étaient attribuées. Mais quel montant peut-on espérer de la cession des fréquences autres que militaires ? Qu’envisage-t-on de faire du produit qu’on en tirera ?

Que pensez-vous du ciblage des aides fiscales à la presse, qui représentent tout de même 210 millions, et des propositions de notre rapporteur spécial ? Quel premier bilan peut être tiré du nouveau dispositif de dons aux entreprises de presse via l’association Presse et pluralisme ?

Mme la ministre. Monsieur Bernier, je m’associe à l’hommage que vous avez rendu à l’INA. Le projet de chaîne nationale porté par l’INA et Canal Plus progresse, mais lentement. Pour qu’il aboutisse, il faudrait que France Télévisions s’y associe car beaucoup de ses ressources sont gérées par l’INA.

Il est prévu de proroger la dérogation de redevance en faveur des personnes handicapées. Les modalités de l’exonération en faveur des personnes âgées pourraient être calquées sur celles en vigueur pour la taxe d’habitation. Patrice Martin-Lalande déposera probablement un amendement instaurant un régime unique pour les personnes handicapées et les personnes âgées de plus de soixante-cinq ans.

M. Jacques Myard. Les personnes économiquement faibles seront-elles les seules éligibles ?

Mme la ministre. La mesure cible les contribuables modestes exonérés de la taxe d’habitation mais actuellement soumis à la redevance.

M. Patrice Martin-Lalande, président et rapporteur spécial. Un amendement a en effet été déposé ; il sera examiné le 13 novembre, je crois.

Mme la ministre. Monsieur Riester, madame de Panafieu, pour le passage au numérique, tous les acteurs doivent s’impliquer, particulièrement les élus et les centres communaux d’action sociale. L’expérimentation – Coulommiers est à la pointe – sera financée par le groupement d’intérêt public France Télé numérique, qui dispose des moyens nécessaires. Un décret relatif au déploiement dans le reste de la France sera pris d’ici à la fin de l’année ; il créera un fonds d’aide destiné à financer les actions d’information nécessaires, sachant tout de même que 40 % des Français sont déjà équipés.

M. Michel Françaix. Le déploiement a été un peu plus rapide qu’on ne le pensait. C’est le seul point positif !

Mme la ministre. Tous les modèles de télévision commercialisés sont désormais compatibles avec la télévision numérique et les ventes ont explosé l’année dernière au moment de Noël.

Monsieur Rogemont, j’ai souvent entendu Nicolas Sarkozy défendre la logique du financement de l’audiovisuel public par des ressources publiques. Un débat a eu lieu dans le courant de l’été 2007, mais aucune décision n’a alors été prise.

M. Jacques Myard. Le Gouvernement n’a fait que reprendre une idée socialiste !

Mme la ministre. Absolument ! Mais Mme Catherine Trautmann ne l’avait finalement appliquée que pour une petite portion de la publicité.

Je suis convaincue que le financement sera assuré car il est assis sur des ressources dynamiques, le secteur des télécommunications générant un chiffre d’affaires de plusieurs dizaines de milliards d’euros et n’étant pas près de s’effondrer. Ce système de financement a été approuvé récemment par le Conseil d’État et la Commission n’a pas soulevé de difficultés. Je rappelle aussi que l’extinction de l’analogique entraînera une économie de quelque 100 millions d’euros, qui entrent dans les plans de financement.

Si les auteurs – avec Pascal Rogard –, les producteurs et les chaînes de télévision ont signé les accords interprofessionnels, c’est qu’ils ne les trouvent pas si mauvais. Je souhaite que M6 rejoigne le dispositif dans les jours à venir. Nous souhaitons contraindre à un recentrage de la création sur des programmes patrimoniaux plutôt que sur des émissions comme Super Nanny ou Popstars. Si M6 ne signe pas, le décret donnant valeur réglementaire aux accords devra contenir des dispositions particulières pour cette chaîne, ce qui serait dommage.

France Télévisions sera restructurée sur le modèle de Radio France, mais les sociétés de cinéma resteront disjointes. La création de grandes unités de programmes ne se traduira pas par une disparition des équipes travaillant sur les différentes antennes. Il existe ainsi déjà une unité de programmes destinés à la jeunesse pour l’ensemble des chaînes du groupe.

En une dizaine d’années, le nombre de collaborateurs de France 3 est passé de 3 600 à 6 600, pour un temps d’antenne équivalent. Des synergies et des mutualisations sont possibles, nous le savons tous. Les personnalités doivent néanmoins continuer à s’affirmer et il n’est pas question de créer un guichet unique, d’autant que le groupe a l’obligation de fournir des programmes abondants et variés.

Une polémique est apparue hier à propos de cette émission du Gouvernement. Nous n’avons évidemment pas l’intention de rééditer l’expérience de Parlons France, émission du temps de Laurent Fabius, ni de ressusciter le ministère de l’information. Thierry Saussez a seulement évoqué la possibilité d’acheter des spots un peu plus longs, dans un souci pédagogique.

Monsieur Myard, l’existence d’un petit supplément hebdomadaire en anglais dans Le Monde ne me semble pas dramatique.

M. Jacques Myard. C’est inadmissible ! Demandez donc au New York Times s’il compte respecter le principe de réciprocité !

Mme la ministre. Je n’ai pas remarqué d’invasion de musique britannique sur Radio France. Les obligations qui incombent au groupe sont considérables : plus de 50 % de chanson française sur les différentes stations, notamment Le Mouv’.

À propos de France 24, je rejoins votre analyse : la chaîne doit diffuser des programmes en anglais, en arabe, en français et, pourquoi pas, demain, en mandarin.

Monsieur de Courson, le projet de spectre hertzien est géré par le Premier ministre. Le ministère de la culture, qui y est évidemment associé, défend l’idée d’un développement de l’audiovisuel grâce au dividende numérique. Éric Besson a récemment annoncé que les bandes militaires pourraient être vendues pour un montant de près de 1,5 milliard. Je ne puis en dire davantage car le sujet est géré directement par le cabinet du Premier ministre et je me contente de faire valoir les intérêts de la sphère audiovisuelle.

S’agissant des aides indirectes, la disposition de l’article 39 bis du code général des impôts sera prorogé jusqu’en 2010, avec un resserrement sur la presse d’information politique et générale. Cet objectif me semble le bon car il incite des investisseurs à soutenir des journaux, comme ce fut le cas pour Libération. Reste à redéfinir le champ de la presse politique et générale.

S’agissant du taux super-réduit de TVA, toutes les publications inscrites sur les registres de la commission paritaire sont concernées, y compris la presse récréative. Des études d’impact sont à faire.

Quant à la fondation pour le pluralisme, sa création a été longue et difficile, mais elle est désormais en place. Il n’y a pas encore de dons, mais nous dresserons un bilan le moment venu.

M. Patrice Martin-Lalande, président et rapporteur spécial. Nous vous remercions, madame la ministre.

II. EXAMEN DES CRÉDITS

À l’issue de l’audition de Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné pour avis, sur le rapport de M. Christian Kert, les crédits de la mission « Médias », au cours de sa première réunion du 29 octobre 2008.

(Présidence de M. Christian Kert, vice-président)

Article additionnel après l’article 82

Rapport au Parlement sur les frais d’assiette, de recouvrement
et de trésorerie de la redevance

La commission examine un amendement de M. Christian Kert prévoyant que le Gouvernement devra présenter au Parlement, avant le 30 juin 2009, un rapport analysant l’évolution des frais d’assiette, de recouvrement et de trésorerie de la redevance audiovisuelle depuis 2004.

M. Christian Kert, rapporteur pour avis. Cet amendement fait écho au constat d’une tendance haussière des frais d’assiette, de recouvrement et de trésorerie de la redevance audiovisuelle : 40 millions d’euros en 2008, 45 millions d’euros estimés pour 2009, soit une croissance de 12,5 %. Or cette augmentation demeure à ce jour inexpliquée. Rappelons que ces frais s’élevaient certes à 66,4 millions d’euros en 2005, mais qu’ils avaient été considérablement réduits à 41,4 millions d’euros en 2006. À cet égard la tendance haussière observée ces dernières années apparaît préoccupante et reste incompréhensible. Par conséquent le Parlement demande au Gouvernement de lui présenter un rapport analysant les raisons d’une telle évolution.

La commission adopte l’amendement.

*

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2009 de la mission « Médias ».

AMENDEMENT ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

Après l’article 82

Amendement présenté par M. Christian Kert, rapporteur pour avis :

« Insérer la division et l’article suivants : Avances à l’audiovisuel

« Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 30 juin 2009, un rapport analysant l’évolution des frais d’assiette, de recouvrement et de trésorerie de la redevance audiovisuelle depuis 2004. »

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

(par ordre chronologique)

Ø Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP) – M. Rémy Pflimlin, directeur général

Ø Union nationale des diffuseurs de presse (UNDP) – M. Gérard Proust, président, M. Philippe di Marzio, directeur général, et M. Bertrand Thorette, directeur adjoint

Ø Radio France – M. Jean-Paul Cluzel, président directeur général, M. Martin Adjari, directeur général délégué, et M. David Kessler, directeur de France Culture

Ø Syndicat de la presse magazine et d’information (SPMI) – Mme Anne-Marie Couderc, présidente et Mme Pascale Marie, directrice générale

Ø Syndicat professionnel de la presse magazine et d’opinion (SPPMO) – M. François d’Orcival, président, M. Paul Miguel, directeur, et M. Yann Gilbert, « spécialiste Internet »

Ø Syndicat de la presse hebdomadaire régionale (SPHR) – M. Bruno Hocquart de Turtot, directeur

Ø Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN) – M. Denis Bouchez, directeur

Ø Syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR) – M. Jacques Hardoin, directeur général de La Voix du Nord, M. Jean Hornain, directeur général du Parisien, M. Vincent de Bernardi, directeur général du SPQR, et Mme Haude d’Arcourt, conseillère

Ø M. Marc Tessier, auteur du rapport au ministre de la culture et de la communication « La presse au défi du numérique »

Ø M. Gilles Bruno, fondateur de l’Observatoire des médias

Ø M. Jean-Clément Texier, conseiller médias de BNP Paribas

Ø M. Tristan Coloma, journaliste

Ø M. Denis Delbecq, journaliste, ancien rédacteur en chef adjoint des sites Internet de Libération et du Monde interactif

Ø Syndicat national des journalistes CGT (SNJ-CGT) – Mme Dominique Candille, secrétaire générale

Ø Union syndicale des journalistes CFDT (USJ-CFDT) – Mme Dominique Préhu, cosecrétaire générale

Ø Syndicat national des journalistes (SNJ) – M. Alain Girard, secrétaire général, et M. Éric Marquis, membre du bureau national

Ø M. Michel Françaix, député, co-président du groupe d’études sur la presse

Ø M. Jean-Marc Roubaud, député, co-président du groupe d’études sur la presse

Ø Agence France-Presse (AFP) – M. Pierre Louette, président-directeur général, et M. Jean-Pierre Vignolle, directeur-général

Ø  France Télévisions – M. Patrick de Carolis, président-directeur général, M. Damien Cuier, directeur général en charge de la gestion, des finances et des ressources humaines, et M. Patrice Duhamel, directeur général chargé des antennes, du développement et de la diversification

Ø  Audiovisuel extérieur de la France (AEF) – M. Alain de Pouzilhac, président, et Mme Christine Ockrent, directrice générale

Ø  Arte – M. Jérôme Clément, président

Ø  Direction du développement des médias (DDM) – Mme Laurence Franceschini, directrice du développement des médias, et Mme Sylvie Clément-Cuzin, sous-directrice de la presse écrite et de l’information

Ø  NextRadio-BFM – M. Alain Weill, président

●  Déplacement du 8 au 10 septembre 2008 à New York

Ø  Ambassade de France aux Etats-Unis – Mme Kareen Rispal, conseillère culturelle, M. Olivier Daube, attaché audiovisuel, et Mme Armelle Pradalier, conseillère arts visuels

Ø M. Guy Yelda, consul général de France à New York

Ø Mme Marie-Laure Charrier, conseillère de presse au consulat général

Ø Columbia Graduate School of Journalism – M. Sree Sreenivasan, dean of Student Affairs

Ø M. Emmanuel Saint Martin, journaliste à France24, créateur du site www.frenchmorning.com

Ø Mme Célia de Lavarene, correspondante de Radio France à New York

Ø Mme Jean-Louis Turlin, correspondant du Figaro à New York

Ø Mme Paola Messana, Agence France Presse, New York

Ø Mme Virginie Robert, correspondante des Echos à New York

Ø M. Alan Murray, responsable du site Internet du Wall Street Journal

© Assemblée nationale

1 () Rapport d'information n° 3589 du 17 janvier 2007 de M. François Rochebloine sur l'organisation et le financement de l'audiovisuel extérieur et n° 1087 du 22 juillet 2008 de M. Patrice Martin-Lalande sur les comptes et la gestion des opérateurs de l'audiovisuel extérieur.

2 () La presse au défi du numérique, rapport au ministre de la culture et de la communication, Marc Tessier, Maxime Baffert, février 2007.

3 () Fondation d’entreprise Médiamétrie, sous la direction de Jacqueline Aglietta, Jeunes et médias – J’ai 20 ans en 2005, 2005.

4 () Recommandation n° 19, les médias et le numérique, septembre 2008.

5 () Calcul du coût fiscal de la TVA super réduite qui prend comme base une TVA à 19,6 % alors que tous les produits culturels sont à 5,5 %.

6 () Recommandation n° 34, Les médias et le numérique, septembre 2008.

7 () Cour de justice des communautés européennes, 18 janvier 2001, affaire C83/99, Commission c/ Espagne.

8 () Recommandation n° 20, les médias et le numérique, septembre 2008.