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N° 1199

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 octobre 2008.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2009 (n° 1127)

TOME X

SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES

Par Mme Valérie BOYER,

Députée.

___

Voir le numéro : 1198 (annexe n° 43).

INTRODUCTION 5

I.- LES PRINCIPALES INFLEXIONS DES CRÉDITS DE LA SOLIDARITÉ 7

A. L’ÉVOLUTION GLOBALE DE LA MISSION ET DE SES MOYENS 7

1. Le transfert de deux programmes 8

2. Le financement du revenu de solidarité active et les effets de périmètre afférents 8

3. Des crédits en augmentation 10

B. LES DIFFÉRENTS PROGRAMMES 10

1. Le financement des administrations sociales 11

2. Les actions en faveur des familles vulnérables 11

II.- L’ÉGALITÉ ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES : DES VALEURS À MIEUX AFFIRMER ; UN EFFORT PARTICULIER À FAIRE EN DIRECTION DES PLUS JEUNES ET DES PLUS ÂGÉES 13

A. DES INDICATEURS QUI RESTENT DÉCEVANTS, VOIRE INQUIÉTANTS 13

1. La surreprésentation des femmes parmi les personnes pauvres 13

2. Des inégalités qui s’atténuent lentement dans le monde du travail 14

3. Un très lent et très incomplet rattrapage des retraites et un isolement fréquent pour les femmes âgées 15

4. Le recours croissant des jeunes femmes à l’interruption volontaire de grossesse, signe d’un échec 17

5. La dégradation de certains indicateurs de mixité et de violence sexiste chez les jeunes 18

B. DES POLITIQUES VOLONTARISTES DANS DE NOMBREUX DOMAINES 19

1. La lutte contre les violences faites aux femmes 19

2. La promotion de l’égalité dans le champ professionnel 20

3. Un meilleur accès à l’emploi des femmes en situation de précarité, notamment des mères isolées 21

4. Le relèvement du minimum vieillesse, des pensions de réversion et des retraites agricoles des plus modestes 23

5. La promotion d’une véritable mixité dans les filières scolaires 23

6. La féminisation du sport 24

C. MAIS UNE ORGANISATION INSTITUTIONNELLE ET DES MÉTHODES DE TRAVAIL À AMÉLIORER 25

1. Un positionnement incertain dans l’organisation institutionnelle 26

2. Les moyens limités affectés par l’État aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes 28

3. Des actions dispersées, peu évaluées et peu coordonnées 30

4. Une méthodologie à généraliser et des valeurs à réaffirmer 34

D. SYNTHÈSE DES PISTES DE RÉFORME 35

TRAVAUX DE LA COMMISSION 37

I.- AUDITION DES MINISTRES 37

II.- EXAMEN DES CRÉDITS 71

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 73

INTRODUCTION

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », mission interministérielle relevant de deux départements ministériels différents, regroupe un ensemble d’interventions diverses de l’État qui ont en commun d’être orientées vers les personnes démunies, vulnérables ou plus généralement défavorisées ou discriminées. Cette mission comprend notamment un modeste programme budgétaire « Égalité entre les hommes et les femmes », géré par le service des droits des femmes et de l’égalité, ce qui a amené la rapporteure pour avis à regarder de plus près la politique de l’État dans ce domaine.

On constate que dans les réclamations déposées auprès de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE), celles qui invoquent une discrimination fondée sur le sexe sont très minoritaires : elles représentent 6 % des plaintes en 2007 et moins de 4 % sur les trois premiers trimestres 2008, loin derrière les plaintes fondées sur une discrimination selon l’origine des personnes (27 % du total en 2007) ou selon leur état de santé ou handicap (22 % du total en 2007), derrière aussi celles pour discrimination en fonction de l’âge et discrimination syndicale.

Pour autant, divers indicateurs de situation comparée des hommes et des femmes montrent la persistance d’inégalités considérables, tout particulièrement s’agissant des femmes âgées, qui sont (et resteront selon les prévisions) lourdement frappées par la pauvreté et l’isolement, tandis que d’autres éléments conduisent à douter de la diffusion des valeurs d’égalité et de mixité chez les jeunes. À cet égard, on peut se demander si le nombre relativement peu élevé de saisines de la HALDE pour discrimination sexiste ne rend pas compte d’une large intériorisation et acceptation de certaines inégalités, de certains comportements aux dépens des femmes, tandis que d’autres discriminations font depuis longtemps l’objet de recours contentieux (cas des discriminations syndicales) ou sont dénoncées depuis peu mais vigoureusement avec le soutien de mouvement très revendicatif (cas des discriminations selon l’origine).

Le décalage entre les inégalités considérables « objectives » qui subsistent entre hommes et femmes et la contestation relativement limitée de ces inégalités, par rapport à d’autres, justifie une réflexion sur la relance de la politique d’égalité entre les sexes.

Le fait est que des actions volontaristes pour l’égalité des hommes et des femmes ont été engagées ou accentuées dans plusieurs champs ministériels par le Gouvernement actuel, avec d’ailleurs des résultats que l’on peut constater. Le caractère interministériel de cette politique reste toutefois insuffisamment marqué. Il faut une politique plus coordonnée et organisée pour couvrir l’ensemble du champ de l’action publique dans le domaine de la promotion de l’égalité des hommes et des femmes ; cette politique doit reposer sur des valeurs et des méthodes bien identifiées et largement diffusées ; elle doit prendre en compte tout particulièrement la situation des femmes âgées et la question de la diffusion des valeurs républicaines parmi les jeunes.

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

La rapporteure pour avis a demandé que les réponses lui parviennent le 25 septembre 2008. À cette date, aucune réponse ne lui était parvenue. À la date butoir, le taux de réponses reçues s’élevait à 86 %.

I.- LES PRINCIPALES INFLEXIONS DES CRÉDITS DE LA SOLIDARITÉ

Parmi les trente-deux missions du budget général de l’État, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est l’une des neuf à présenter un caractère interministériel. Plusieurs membres du Gouvernement sont en effet responsables de sa gestion : d’une part, M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité, et Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille ; d’autre part, M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Cette mission regroupe, pour un montant total de crédits légèrement supérieur à 11 milliards d’euros, cinq programmes de poids très inégal. Le mieux doté, le programme « Handicap et dépendance », qui représente plus des trois quarts de l’ensemble des crédits, n’est pas commenté dans le présent rapport car, conformément aux usages, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a désigné un rapporteur spécialement chargé de ce programme (Mme Bérengère Poletti).

A. L’ÉVOLUTION GLOBALE DE LA MISSION ET DE SES MOYENS

Le tableau ci-après permet d’identifier, à l’intérieur des programmes de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », les principales interventions auxquelles ils correspondent.

Les principales lignes de crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »

(à périmètre constant)

Crédits de paiement en millions d’euros

Loi de fin. 2008 (1)

2009

2010

2011

Evolution 2009/2008 (%)

Evol. annuelle moyenne 2011/2008 (%)

MISSION SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES

10 525,6

11 176,6

11 600

12 148,1

6,2

4,9

Mission hors « recyclages » liés au financement du RSA (structure constante)

10 525,6

11 060,3

11 288

11 513,6

5,1

3

Programme Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales, dont :

45,1

582,5

1 250,5

1 709,1

1 192,1

235,9

Subvention au fonds national des solidarités actives

-

555,4

1 240,5

1 699,1

-

-

Programme Actions en faveur des familles vulnérables, dont :

1 294,3

837,7

366,9

252,4

- 35,3

- 42

Allocation de parent isolé (API)

1 020

601,5

n.d.

n.d.

- 41

-

Mesures de protection (tutelles/curatelles)

250,7

220,8

n.d.

n.d.

- 12

-

Programme Handicap et dépendance

8 106,3

8 651,1

8 843,8

9 020,4

6,7

3,6

Programme Égalité entre les hommes et les femmes

28,3

29,2

29,7

30,3

3,3

2,3

Programme Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

1 051,7

1 076,1

1 109,2

1 136

2,3

2,6

(1) Pour les moyens afférents aux différentes interventions à l’intérieur des programmes, les chiffres 2008 sont ceux de l’annexe « projet annuel de performances » au projet de loi de finances pour 2008.

Le programme étant l’unité de crédits sur laquelle s’exerce l’autorisation budgétaire du Parlement, les montants inscrits dans les documents budgétaires pour les actions et les diverses interventions présentent un caractère purement indicatif. Dans le cadre de la démarche de budget pluriannuel, les années 2010 et 2011 sont également programmées.

1. Le transfert de deux programmes

La présentation du tableau supra est effectuée à périmètre de programmes constant, les politiques regroupées dans la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » étant en 2009 moins nombreuses qu’en loi de finances pour 2008 :

– le programme « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables », qui regroupe notamment les financements destinés à l’hébergement d’urgence, aux centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et à la veille sociale, est transféré par le présent projet de loi de finances à la mission « Ville et logement » ;

– le programme « Protection maladie », consacré au financement de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUc), de l’aide médicale d’État et de l’indemnisation des victimes de l’amiante, est de même transféré à la mission « Santé ».

2. Le financement du revenu de solidarité active et les effets de périmètre afférents

Par ailleurs, il convient de tenir compte des effets de structure liés aux conditions de financement du revenu de solidarité active (RSA) tel qu’il est prévu par le projet de loi généralisant le RSA et réformant les politiques d’insertion en cours de débat.

La philosophie du RSA généralisé est, on le sait, de garantir que tout retour au travail et/ou augmentation du revenu du travail, même minime, donnent lieu à une augmentation du revenu effectivement disponible, ce qui devrait permettre d’éviter définitivement les effets de seuil qui entretiennent souvent les « trappes à inactivité ». Traiter de manière égale tous ceux qui travaillent, quel que soit leur « statut », en assurant le même revenu à tous pour une situation de famille et un niveau de revenus professionnels donnés, sans autre interférence, c’est aussi une question de justice. Le mécanisme du RSA vise donc à assurer, par le versement d’une allocation différentielle, un revenu égal à un montant de base, variable selon la composition du foyer, majoré de 62 % des revenus d’activité du foyer. Le RSA constitue aussi une mesure de simplification : il remplace deux minima sociaux existants, le revenu minimum d’insertion (RMI) et l’allocation de parent isolé (API), qui sont supprimés.

Le financement du montant de base, dit RSA « socle », sera à la charge des départements (y compris pour les ex-bénéficiaires de l’API), tandis que celui de la majoration proportionnelle aux revenus du travail, dite RSA « chapeau », sera à la charge de l’État.

Pour faire apparaître clairement le financement de ce RSA « chapeau », il est constitué un fonds dédié, le « Fonds national des solidarités actives » (FNSA), dont la forme et la gouvernance sont inspirées d’un instrument existant, le Fonds national d’aide au logement (FNAL) géré par la Caisse des dépôts et consignations. Le FNSA sera alimenté par le produit d’une nouvelle taxe au taux de 1,1 % sur les revenus du capital et par une subvention budgétaire ; cette subvention est inscrite sur le programme « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales ». Comme indiqué sur le tableau supra, cette subvention s’élèvera à 555 millions d’euros en 2009, année au milieu de laquelle le RSA entrera en vigueur, avant de monter en puissance en 2010 et 2011.

Les montants de subvention budgétaire au FNSA prévus résultent du « recyclage » de moindres dépenses que l’État fera par ailleurs du fait de l’instauration du RSA, comme on le voit sur le tableau ci-dessous.

Impact du RSA sur le budget général de l’État

(en millions d’euros)

Les mesures d’« économie » sont en négatif

2009

2010

2011

Suppression de l’API

- 439

- 928

- 1 064

Suppression de la prime de retour à l’emploi

- 38

- 153

- 170

Réforme des droits connexes en matière de taxe d’habitation

-

- 30

- 30

Réforme des doits connexes pour les aides au logement (suppression du taux plein automatique)

-

- 23

- 23

Diminution de la charge de prime pour l’emploi (PPE)

- 400

- 750

- 1 100

Compensation de l’extension de compétence des départements aux parents isolés (ex-API)

322

644

688

Solde : subvention budgétaire au FNSA

555

1 240

1 699

Source : Gouvernement.

En effet, le RSA :

– se substitue à l’API et aux dispositifs d’intéressement des bénéficiaires de minima sociaux au retour à l’emploi, notamment la prime de retour à l’emploi, que l’État finançait ;

– entraîne nécessairement une réforme des « droits connexes » qui s’attachaient au statut de bénéficiaire du RMI, notamment en matière de taxe d’habitation (dégrèvement de droit) et d’allocations logement (taux plein automatique du fait de la neutralisation intégrale des ressources antérieures) ;

– se combinera à la prime pour l’emploi (PPE) pour tout ou partie pour un certain nombre de bénéficiaires de ce dispositif, permettant une économie sur cette mesure.

En outre, il a été décidé de ne pas indexer sur l’inflation en 2009 le barème de la PPE, ce qui permet une économie de 400 millions d’euros.

Avec les sommes ainsi dégagées, l’État devra d’abord compenser aux départements, par l’attribution d’une fraction supplémentaire de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, le fait qu’ils financeront désormais le RSA « socle » des parents isolés, alors que l’API supprimée était à la charge de l’État. Le solde résiduel correspond à la subvention qui sera versée au FNSA.

Si l’API était bien inscrite sur les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » (programme « Actions en faveur des familles vulnérables »), les autres montants budgétaires « recyclés » par le RSA s’imputent sur d’autres missions, entraînant donc des transferts financiers de fait entre missions. Il convient de les neutraliser pour suivre les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » à structure constante. C’est ce qui est effectué sur le tableau général des crédits à la ligne consacrée à cette mission « hors recyclages liés au financement du RSA ».

3. Des crédits en augmentation

Après neutralisation des différents effets de périmètre, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » ressortent en hausse de 5,1 % en 2009 et en hausse annuelle moyenne de 3 % sur la période 2008-2011. Dans le contexte de ralentissement économique et de maîtrise des comptes publics qui est le nôtre, ces taux rendent compte d’une accentuation de l’effort de solidarité pris en charge par l’État au bénéfice des plus défavorisés. Si l’on y ajoutait les 1,5 milliard d’euros supplémentaires fournis par la nouvelle taxe de financement du RSA, non pris en compte dans cette présentation à structure constante, cet effort apparaîtrait en forte hausse.

B. LES DIFFÉRENTS PROGRAMMES

Comme on l’a indiqué supra, le présent rapport n’évoque pas le principal des programmes de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », à savoir celui consacré au handicap.

Le programme « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales » est essentiellement consacré au financement du RSA dans les conditions que l’on a décrites ci-avant.

Le programme « Égalité entre les hommes et les femmes », modeste en montant, est plus longuement analysé dans le développement thématique de la seconde partie du présent rapport.

1. Le financement des administrations sociales

Le programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » regroupe l’ensemble des dépenses de personnel et de fonctionnement, non seulement de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », mais aussi de la mission « Santé » et du programme « Prévention de l’exclusion et insertion des plus vulnérables » de la mission « Ville et logement » ; 80 % de ses crédits sont en fait consacrés au fonctionnement des services déconcentrés que sont les directions régionales et départementales des affaires sanitaires et sociales (DRASS et DDASS)

Le principal défi auquel les gestionnaires de ce programme vont être confrontés à court terme est la mise en place des agences régionales de santé (ARS) destinées à unifier le pilotage territorial du système de santé. Les ARS regrouperont de nombreuses structures territoriales : les pôles santé et médico-social des DRASS et des DDASS, les agences régionales de l’hospitalisation (ARH), les unions régionales des caisses d’assurance maladie (URCAM), les missions régionales de santé (MRS), les groupements régionaux de santé publique (GRSP), une partie des services des caisses régionales d’assurance maladie (CRAM).

Une réorganisation plus générale est programmée sur la période 2009-2011, avec la constitution au niveau central d’une direction générale de la cohésion sociale (autour de la direction générale de l’action sociale), la création de directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, enfin la création de directions départementales de la population et de la cohésion sociale ou de direction départementale de la cohésion sociale (selon les départements).

Les crédits du programme augmenteront modérément en 2009 : + 2,3 %. Le plafond d’emplois, qui était en 2008 de 14 337 équivalents temps plein (ETPT), sera fixé en 2009 à 14 064 ETPT. Cette diminution rend principalement compte du non-remplacement d’un départ en retraite sur deux.

2. Les actions en faveur des familles vulnérables

 La poursuite du rapprochement des réglementations API et RMI

La diminution des crédits afférents à l’API inscrits pour 2009 (601 millions d’euros contre plus d’un milliard en 2008) s’explique principalement, bien sûr, par la perspective de la suppression de cette allocation à la mi-année au bénéfice du RSA (voir supra). Les crédits proposés sont donc calibrés pour verser l’API pendant une demie-année, ce qui correspond à un coût de 520 millions d’euros, et financer en outre certaines dépenses qui se maintiendront à titre transitoire durant le déploiement du RSA (API outre-mer tant que le RSA n’y est pas appliqué, extinction des mesures antérieures d’intéressement au retour à l’emploi des bénéficiaires de l’API ou d’expérimentation du RSA…).

Cette prévision budgétaire intègre aussi d’autres évolutions :

– une certaine inflexion du nombre de bénéficiaires depuis 2007. Après des taux de croissance annuelle de 4 à 5 % pendant plusieurs années, la progression de ce nombre n’a été que de 0,3 % en 2007, du fait notamment de la baisse du nombre des naissances et d’un meilleur accès à l’emploi. La prévision de progression de l’effectif de bénéficiaires est de 1,3 % pour 2008 et de 1 % pour 2009 ;

– l’incidence de modifications de réglementation antérieures, en particulier l’instauration par la loi de finances pour 2007 d’une subsidiarité de l’API par rapport à l’allocation de soutien familial (ASF) : les personnes qui demandent l’API sont tenues de faire une demande d’ASF dans les deux mois, cette mesure générant environ 110 millions d’euros de moindre dépense d’API en 2008 ;

– l’incidence, chiffrée à 63,6 millions d’euros de moindre dépense en année pleine, de mesures prévues à l’article 75 du présent projet de loi de finances ou renvoyées à un futur décret compte tenu de leur nature réglementaire : ouverture automatique d’un droit à l’ASF dès que la demande d’API est acceptée ; alignement du barème de récupération des indus d’API sur celui du RMI ; suppression du maintien de six mois de l’API en cas de demande tardive (lorsque la demande a été présentée tardivement, la réglementation actuelle autorise la poursuite du versement de l’API pendant six mois au-delà de l’échéance de droit commun, soit le troisième anniversaire du plus jeune enfant ou le premier anniversaire à compter de la séparation ou du décès du conjoint ou concubin).

Comme on le voit, ces mesures alignent les réglementations du RMI et de l’API sur des points techniques, ce qui s’inscrit dans la perspective de leur fusion dans le nouveau RSA.

 L’incidence de la réforme de la protection des majeurs

L’exercice 2009 verra l’entrée en vigueur de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs. Cette réforme de grande ampleur, la première en la matière depuis 1968, devrait ralentir la progression du nombre de mesures judiciaires de tutelle et curatelle à financer du fait d’une obligation de révision périodique, de la priorité donnée aux mesures d’accompagnement social sur ces mesures judiciaires, ainsi que de la restriction des conditions d’ouverture des mesures judiciaires. En outre, la réforme supprime les notions de tutelle et de curatelle d’État et modifie les règles de répartition du financement public : à l’avenir, l’État financera les mesures de protection des personnes qui ne perçoivent pas de prestation sociale, les départements finançant celles des personnes percevant une telle prestation, le champ des mesures à la charge de l’État étant réduit.

Sans cette loi, il est estimé que l’État aurait financé en moyenne près de 259 000 mesures en 2009 pour un coût évalué à près de 270 millions d’euros. La prévision pour 2009 table, compte tenu de la réforme, sur le financement par l’État de 187 000 mesures pour une enveloppe budgétaire de 214 millions d’euros.

II.- L’ÉGALITÉ ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES :
DES VALEURS À MIEUX AFFIRMER ; UN EFFORT PARTICULIER À FAIRE EN DIRECTION DES PLUS JEUNES ET DES PLUS ÂGÉES

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » intègre un modeste programme budgétaire « Égalité entre les hommes et les femmes », ce qui a amené la rapporteure pour avis à regarder de plus près les politiques de l’État en faveur de cette égalité.

Le sujet est d’actualité : la Cour des comptes, dans son rapport public de l’année 2008, s’est penchée assez sévèrement sur le service des droits des femmes et de l’égalité ; dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), la question de l’avenir de ce service, de ses représentations régionales et départementales ainsi que des diverses instances consultatives qui s’occupent de l’égalité entre les hommes et les femmes est posée.

Des politiques volontaristes ont été engagées ou accentuées dans plusieurs domaines par le Gouvernement actuel, avec d’ailleurs des résultats que l’on peut constater. Pourtant, d’autres indicateurs relatifs aussi bien à la situation réelle des femmes qu’à la diffusion des valeurs d’égalité entre les hommes et les femmes restent décevants, voire inquiétants car ils se dégradent. On relève en particulier la persistance de la pauvreté des femmes âgées et la mise en cause des valeurs de mixité et de respect entre les sexes parmi les jeunes. La politique de promotion de l’égalité mérite donc une relance.

A. DES INDICATEURS QUI RESTENT DÉCEVANTS, VOIRE INQUIÉTANTS

1. La surreprésentation des femmes parmi les personnes pauvres

Les femmes constituent la majorité des personnes « pauvres » au sens de la définition la plus couramment utilisée, qui consiste à dénombrer les foyers dont le revenu, à même nombre d’unités de consommation, est inférieur à 60 % du revenu médian. Selon cette définition, le seuil de pauvreté se situait à 880 euros par mois pour une personne seule fin 2006 ; à cette date, près de huit millions de personnes étaient considérées comme pauvres, dont 53,9 % de femmes. Par ailleurs, le taux de pauvreté était alors de 12,5 % pour les hommes et de 13,9 % pour les femmes.

Les femmes sont donc surreprésentées dans la population pauvre et cette surreprésentation concerne pratiquement toutes les tranches d’âge, mais plus particulièrement certaines tranches d’âge, les jeunes adultes et les 65 ans et plus, comme on le voit sur le tableau ci-après.

Pauvreté monétaire par sexe et tranche d’âge en 2006

Tranches d’âge

Nombre de personnes « pauvres »
(en milliers)

Dont % de femmes

Taux de pauvreté (en %)

Hommes

Femmes

Moins de 18 ans

2 358

48,4

17,8

17,6

18-24 ans

1 005

54,8

18,9

23,2

25-34 ans

839

56,0

9,5

12,0

35-44 ans

1 051

54,9

11,2

13,2

45-54 ans

945

54,6

10,6

12,1

55-64 ans

703

51,1

10,0

9,9

65-74 ans

396

56,6

7,7

8,5

75 ans et plus

565

70,3

9,3

13,6

Ensemble

7 862

53,9

12,5

13,9

Champ : France métropolitaine hors étudiants.

Source : INSEE, enquête revenus fiscaux et sociaux.

L’analyse de la répartition par sexe des bénéficiaires de minima sociaux montre, corrélativement, une surreprésentation des femmes. Fin 2007, près de 55 % des bénéficiaires des cinq principaux minima sociaux (RMI, API, minimum vieillesse, allocation aux adultes handicapés et allocation de solidarité spécifique, qui représentent 94 % de l’ensemble des allocataires de minima sociaux) étaient des femmes, avec en particulier un « monopole » quasi-féminin de l’API, mais aussi une forte prédominance féminine dans les effectifs du minimum vieillesse.

Part des femmes dans les effectifs des principaux minima sociaux (fin 2007)

 

Effectif (milliers)

% de femmes

Revenu minimum d’insertion (RMI)

1 172,1

51,9

Allocation aux adultes handicapés (AAH)

813,1

49,3

Allocation supplémentaire vieillesse (minimum vieillesse)

588,0

58,0

Allocation de solidarité spécifique (ASS)

347,9

45,8

Allocation de parent isolé (API)

205,4

98,4

Champ : France entière (RMI, API, AAH : donnée sur le champ CNAF, hors MSA).

Sources : CNAF, MSA, UNEDIC, CNAMTS, CNAV.

2. Des inégalités qui s’atténuent lentement dans le monde du travail

L’inégalité entre les sexes en matière d’emploi reste flagrante, comme en témoigne une récente synthèse de l’INSEE (1), avec :

– un taux de chômage global plus élevé de 1,5 point pour les femmes, avec des écarts plus marqués chez les jeunes ;

– une prédominance du temps partiel féminin (31 % des femmes travaillent à temps partiel contre 6 % des hommes) ;

– un accès minoritaire des femmes aux fonctions d’encadrement (un cadre sur quatre est une femme) ;

– des salaires moyens plus faibles pour les femmes (avec en 2005, pour les salariés de droit privé à temps plein et selon les sources, un écart moyen de 19 % à 23 % pour l’ensemble, de 23 % à 27 % pour les cadres), les trois quarts de différences de salaires observées seulement pouvant s’expliquer par des facteurs « objectifs » (temps de travail, qualification, expérience…).

On observe cependant de lents progrès : ainsi, selon les chiffres les plus récents de l’Association pour l’emploi des cadres (APEC), l’écart de salaire moyen entre les hommes et les femmes cadres aurait diminué de 31 % en 1994 à 27 % en 2004 et 22 % aujourd’hui. L’écart moyen entre un homme et une femme occupant le même poste d’encadrement dans le même type d’entreprise avec les mêmes qualifications ne serait « que » de 7 %.

3. Un très lent et très incomplet rattrapage des retraites et un isolement fréquent pour les femmes âgées

L’étude des éléments disponibles quant aux retraites comparées des hommes et des femmes fait apparaître une grande inégalité.

Cette question ayant été développée dans un récent rapport rendu par Mme Claude Greff au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale (2), on se bornera à rappeler les données chiffrées les plus récentes disponibles, tout en saluant l’intérêt des mesures proposées par ledit rapport, notamment la demande d’un partage en cas de divorce des droits de retraite acquis par les deux conjoints (au bénéfice de celui qui a renoncé à travailler ou travaillé à temps partiel pour s’occuper de la famille).

En 2006, l’ensemble des avantages de retraite dits de droit direct perçu par une femme s’élevait en moyenne à 772 euros par mois, soit seulement 56,1 % du montant moyen perçu par un homme, à savoir 1 375 euros. Si les régimes de retraite de base assurent une certaine redistribution entre genres – le rapport de la retraite moyenne des femmes relativement à celle des hommes s’élevant dans ces régimes à 66 % – la logique des régimes complémentaires est plus strictement contributive.

Les écarts de pension entre hommes et femmes découlent naturellement des inégalités de salaire et de durée de carrière prise en compte.

Pensions moyennes (base et complémentaires) en droits directs

(en euros par mois)

 

2004

2005

2006

Hommes

1 316

1 347

1 375

Femmes

724

745

772

Ratio femmes / hommes (%)

55

55,3

56,1

Source : DREES.

On voit cependant sur le tableau que le ratio des pensions des femmes à celles des hommes devient d’année en année un peu moins défavorable.

D’après des travaux récents du Conseil d’orientation des retraites (COR), ce mouvement est appelé à se poursuivre à l’avenir sous le double effet des progrès de l’activité féminine et de la montée en charge des droits familiaux, mais les disparités entre hommes et femmes au moment de la retraite ne devraient pas disparaître à un horizon prévisible : bien que les durées effectives de cotisation validées soient vouées à s’équilibrer, voire à terme à devenir plus élevées pour les femmes, des écarts significatifs de niveau de retraite devraient subsister, même pour les générations qui sont actuellement au milieu de leur vie active, voire au début de celle-ci.

Ainsi, selon des simulations, pour les hommes nés au début des années 1960, la pension de retraite moyenne en droit direct serait voisine de 1 500 euros quand celle des femmes de la même génération resterait en deçà de 1 000 euros (3). Ce constat ne rend que plus légitime une politique publique vigoureuse de réduction des écarts salariaux entre les hommes et les femmes et d’accroissement des opportunités des femmes en temps partiel subi, afin de réduire l’écart futur des retraites entre les premiers et les secondes.

Une analyse par génération, c’est-à-dire par date de naissance des retraités actuels, montre une relative amélioration du ratio femmes/hommes quant au niveau moyen des droits directs des femmes retraitées les plus jeunes.

Toutefois, si l’on prend en compte l’ensemble des droits à la retraite (en intégrant les pensions de réversion et les avantages accessoires tels que la bonification réservée aux parents d'au moins trois enfants), on obtient, quelle que soit la génération de retraités actuels, un ratio des retraites moyennes des femmes à celles des hommes de l’ordre de 65 %. En termes de niveau de vie moyen des hommes et femmes retraités, l’écart est moindre (car les femmes vivant en couple ont par construction le même niveau de vie que leur conjoint), mais devrait également perdurer.

Champ : Bénéficiaires d’un droit direct âgés de 66 ans ou plus, nés en France ou à l'étranger.

Source : DREES.

Les femmes âgées, compte tenu de leur espérance de vie plus élevée que celles des hommes, souffrent également plus souvent de l’isolement. Les personnes isolées accompagnées par une association telle que « Les petits frères des pauvres » » sont à près de 75 % des femmes ; après 75 ans, selon cette association, une femme sur cinq se retrouve sans conjoint ni enfant pour la soutenir dans la maladie ou le handicap, alors que la situation ne concerne qu’un homme sur huit. En outre, les personnes âgées victimes de maltraitances seraient à 70 % des femmes.

L’augmentation de la féminisation des personnes en grande précarité et l’apparition de personnes âgées à la rue sont également deux phénomènes observés par tous les réseaux d’accueil d’urgence, avec des causes multiples : fugues depuis des maisons de retraite ; problèmes psychiques et/ou alcoolisme ; personnes jetées à la rue par les enfants de leur compagnon lors du décès de ce dernier ; anciens travailleurs immigrés qui se voient opposer un refus de liquidation de leur retraite contributive au motif qu'ils ne résident pas de manière régulière sur le territoire français…

4. Le recours croissant des jeunes femmes à l’interruption volontaire de grossesse, signe d’un échec

Avec 210 000 interruptions volontaires de grossesse (IVG) pratiquées en France métropolitaine en 2006, soit un taux de 14,5 IVG pour 1 000 femmes de quinze à quarante-neuf ans, notre pays se situe dans les tout premiers rangs en Europe (avec la Suède, le Royaume-Uni et certains pays d’Europe centrale) pour le recours aux interruptions de grossesse. Le nombre global d’IVG est assez stable à moyen terme, puisqu’on en décomptait 197 000 en 1990. Cependant, le recours à l’IVG augmente continûment chez les plus jeunes femmes, ainsi qu’on l’observe sur le tableau ci-après. De 1990 à 2006, le nombre d’IVG pour 1 000 jeunes filles de quinze à dix-sept ans est passé de 6,8 à 11,5 (+ 69 %) ; pour 1 000 jeunes femmes de dix-huit et dix-neuf ans, de 16,4 à 23,8 (+ 45 %).

Nombre d’IVG pour 1 000 femmes

Tranches d’âge

2002

2003

2004

2005

2006

15-17 ans

8,9

9,0

10,0

10,6

11,5

18-19 ans

21,6

21,7

22,9

22,8

23,8

20-24 ans

27,6

26,7

27,2

26,8

27,1

25-29 ans

22,6

22,3

23,4

22,8

23,0

30-34 ans

18,8

18,2

18,8

18,0

18,0

35-39 ans

13,4

13,0

13,6

13,1

13,4

40-44 ans

5,7

5,6

5,7

5,5

5,6

45-49 ans

0,6

0,7

0,6

0,5

0,5

Total (15-49 ans)

14,4

14,1

14,6

14,3

14,5

Sources : BIG, PMSI, SAE – DREES.

D’autres indicateurs traduisent les limites des politiques publiques, tels que le nombre important d’IVG répétées – d’après les bulletins d’interruption de grossesse de 2002, 27 % des femmes venant pour une IVG ont déjà subi une telle intervention (données INED) – ou l’échec apparent des méthodes contraceptives, pourtant largement répandues : une grossesse sur trois est toujours qualifiée de non prévue par les femmes, dont les deux tiers surviennent sous contraception (4).

Toujours est-il que le recours à l’IVG, en particulier chez les jeunes femmes, rend compte d’un échec des politiques contraceptives, d’autant plus grave que ces politiques visent aussi à prévenir la diffusion des maladies sexuellement transmissibles et en particulier du SIDA.

5. La dégradation de certains indicateurs de mixité et de violence sexiste chez les jeunes

Beaucoup d’intervenants sur les questions d’égalité des sexes constatent une nette régression des valeurs républicaines d’égalité chez les jeunes, en particulier dans les quartiers sensibles, et une augmentation des violences sexistes. Des stéréotypes sexistes se diffusent, ainsi que certaines formes de ségrégation entre les sexes que les jeunes prennent l’habitude de considérer, sinon nécessairement comme légitimes, du moins comme faisant partie de la nature des choses. Dans le même temps, les collectivités locales sont confrontées à des demandes de sport séparé, notamment dans les piscines, ainsi qu’à des demandes de subvention pour un nombre croissant d’établissements (écoles, crèches) confessionnels ou communautaires, souvent non mixtes.

Il est difficile de « chiffrer » ces dérives, mais quelques données chiffrées font tout de même réfléchir :

– Les opérations « Ville vie vacances » (VVV) financées par le ministère de la ville permettent à des préadolescents et adolescents en difficulté d’accéder à des activités de loisirs et une prise en charge éducative durant les vacances scolaires. Or, en 2006, le taux de filles parmi les bénéficiaires était tombé à un quart, avant que des mesures correctrices ne ramènent ce taux à deux-cinquièmes en 2007.

– La pratique sportive féminine s’est certes beaucoup développée : on est passé de 9 % de femmes pratiquant une activité sportive au moins en 1968 à 48 % aujourd’hui ; toutefois les femmes restent minoritaires parmi les licenciés (35 % en 2007) et, surtout, la pratique des jeunes filles reste minoritaire dans les quartiers sensibles, et plus généralement dans les milieux modestes. On constate que 51 % des filles pratiquent le sport hors zones d’éducation prioritaire (ZEP) et 32 % en ZEP. Dans les familles dont le revenu est inférieur à 1 830 euros par mois, 45 % seulement des filles pratiquent une activité sportive contre 75 % des garçons.

– Une récente enquête menée par l’observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis auprès de jeunes femmes de dix-huit à vingt-et-un ans a révélé une situation alarmante : 23 % des enquêtées ont déclaré avoir subi des violences physiques (coups violents, tabassage, menace armée, tentative de meurtre) au cours de leur vie ; 14 % des agressions sexuelles (attouchements du sexe, tentatives de viol et viols) au cours de leur vie ; 60 % du harcèlement sexuel (autre que verbal) au cours des douze derniers mois, etc.

B. DES POLITIQUES VOLONTARISTES DANS DE NOMBREUX DOMAINES

Ces dernières années, des chantiers majeurs ont été ouverts, ou relancés, dans de nombreux domaines. Le Gouvernement actuel poursuit activement ces politiques.

1. La lutte contre les violences faites aux femmes

La loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs élargit les possibilités de répression pénale des violences dans le couple sous toutes leurs formes et pose dans le code civil un nouveau principe : les époux se doivent mutuellement non seulement fidélité, secours, assistance, mais aussi « respect ». La loi renforce également les moyens de lutter contre les mariages forcés, notamment en relevant à dix-huit ans l’âge légal du mariage pour les filles (qui est donc enfin aligné sur celui des garçons) et en portant de six mois à cinq ans le délai dans lequel la nullité du mariage peut être demandée pour vice de consentement en cas de cohabitation des époux. La loi accroît enfin la répression des mutilations sexuelles féminines, en particulier en élargissant la compétence des juridictions françaises à des faits commis à l’étranger sur de jeunes victimes étrangères dès lors que celles-ci résident habituellement en France.

Les statistiques recueillies quant à la sanction des violences dans le couple, retracées notamment dans le rapport d’information qui a été réalisé à l’Assemblée nationale sur la mise en application de cette loi (5), montrent une évolution rapide dans ce domaine : de plus en plus nombreuses, ce qui rend compte, on l’espère, d’un accroissement des dénonciations et non des faits eux-mêmes, ces violences sont aussi de plus en plus sanctionnées. On est ainsi passé, de 2003 à 2006, de 39 000 à 52 000 affaires nouvelles enregistrées par les parquets, de 7 500 à 12 600 condamnations (criminelles ou correctionnelles). Le taux de réponse pénale (poursuites) est en augmentation, passant de 76 % en 2005 à 80 % en 2006 et à 83 % pour les trois premiers trimestres de l’année 2007.

La mesure d’éviction du domicile du conjoint violent est également de plus en plus utilisée : 350 évictions en 2005, 1 000 en 2006, plus de 1 200 sur trois trimestres en 2007. Cette procédure devrait faire l’objet d’une évaluation précise en 2008 dans le cadre du deuxième plan global triennal (2008-2010) visant à combattre les violences faites aux femmes, qui a été présenté le 21 novembre 2007.

2. La promotion de l’égalité dans le champ professionnel

La loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes comporte des mesures visant notamment à garantir le bénéfice des augmentations de salaires ayant eu lieu dans l’entreprise aux femmes revenant d’un congé de maternité ou d’adoption et à imposer l’organisation de négociations de banche et d’entreprise en vue de la résorption des écarts de rémunération entre les sexes d’ici la fin 2010.

À l’issue de la conférence tripartite sur l’égalité professionnelle tenue en novembre 2007, le Gouvernement a annoncé que des pénalités financières seraient mises en œuvre à l’encontre des entreprises qui n’auraient pas mis en place en 2010 un plan de résorption des écarts salariaux. Un prochain projet de loi est prévu à cet effet.

Par ailleurs, afin de rendre possible la politique de résorption des écarts salariaux, ce qui suppose au préalable qu’ils soient mesurés, le Gouvernement et les partenaires sociaux ont mené un travail méthodologique. Il est en effet apparu que l’obligation d’élaborer un rapport de situation comparée des hommes et des femmes dans les entreprises n’était guère respectée (un tiers des entreprises seulement se conformant à cette obligation légale selon une enquête retracée par le Sénat en 2004), par méconnaissance de la réglementation, mais aussi du fait de l’inadaptation de celle-ci. Un groupe de travail composé de spécialistes des ressources humaines et des partenaires sociaux a été mis en place et a formulé des propositions portant à la fois sur les indicateurs du rapport de situation comparée et sur la méthode de recueil et d’analyse des données sur l’égalité professionnelle. Les propositions d’évolution du rapport de situation comparée ont ensuite été soumises aux partenaires sociaux dans le cadre notamment du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle. Ce travail a abouti à la mise en place en août 2008 d’outils nouveaux, simplifiés et accessibles sur le site internet du ministère du travail, qui seront applicables à partir du 1er janvier 2009 ; les nouveaux modèles de rapport de situation comparée sont accompagnés d’un guide méthodologique.

Dans un autre registre, on sait que le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2006-533 DC du 16 mars 2006, a réduit la portée de la loi du 23 mars 2006 précitée en censurant ses dispositions destinées à améliorer l’« accès des femmes à des instances délibératives et juridictionnelles ». Ces dispositions imposaient, à des degrés divers, une présence féminine, voire la parité, dans la composition des conseils d’administration et dans celle des listes présentées pour les élections professionnelles et prud’homales, ce qui a été considéré comme contraire au principe d’égalité par le juge constitutionnel. Le législateur a depuis donné une base potentielle à ce type de « discriminations positives » en insérant à l’article 1er de la Constitution, dans le cadre de la révision constitutionnelle de juillet 2008, une habilitation explicite à la loi de favoriser non seulement l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux, mais aussi aux « responsabilités professionnelles et sociales ».

3. Un meilleur accès à l’emploi des femmes en situation de précarité, notamment des mères isolées

La problématique de l’insertion, en particulier dans le monde du travail, des mères de famille isolées est l’une des plus difficiles, compte tenu des problèmes de garde des enfants qui s’ajoutent à tous les autres.

Ainsi qu’on l’a vu supra, la quasi-totalité des plus de 200 000 bénéficiaires de l’allocation de parent isolé (API) sont des femmes. Les perspectives d’insertion de ces femmes ont longtemps été particulièrement décevantes : les statistiques montrent que lorsque l’API cesse d’être versée (elle ne l’est que pendant un an ou tant qu’un enfant au moins a moins de trois ans), un grand nombre des allocataires basculent dans le RMI ; si l’on regarde la situation des personnes trois ans après leur passage dans l’API, on s’aperçoit qu’un tiers sont allocataires du RMI (6).

Pendant longtemps, à la différence des bénéficiaires du RMI, ceux de l’API n’ont eu accès à aucune offre systématique d’aide à l’insertion (l’API étant une prestation familiale). Depuis quelques années, un effort a cependant été engagé par les caisses d’allocations familiales, gestionnaires de l’API. La convention d’objectifs et de gestion conclue entre l’État et la Caisse nationale des allocations familiales pour 2005-2008 met ainsi l’accent sur le « renforcement de l’accompagnement des familles vulnérables », fixant notamment l’objectif que 80 % des bénéficiaires de l’API aient au moins un entretien avec un travailleur social ; en 2006, d’après une évaluation de la mise en œuvre de la convention susmentionnée, 85 % des caisses d’allocations familiales ont mis en place des mesures (de toutes natures) d’accompagnement des familles vulnérables ; la même année, 29 000 allocataires (sur un total de 217 000) ont été suivis par des travailleurs sociaux (7). Des progrès ont également été obtenus en matière d’accès à l’emploi dans le cadre de la loi n° 2006-339 du 23 mars 2006 relative au retour à l’emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux : le taux de bénéficiaires de l’API accédant à une mesure dite d’intéressement au retour à l’emploi ou à un contrat aidé est passé de 5,8 % fin 2005 à 10,2 % fin 2007.

Surtout, l’instauration du revenu de solidarité active (RSA) en cours de débat devrait changer profondément la donne :

– Le RSA remplace à la fois le RMI et l’API.

– Il valorise le travail en garantissant la conservation à ses bénéficiaires de 62 % des revenus qu’ils tirent de leur activité professionnelle en sus du montant de base correspondant à l’ex-RMI ou ex-API.

– Il renforce le cadre d’insertion existant en créant un cadre juridique de droits et de devoirs pour ses bénéficiaires, en généralisant l’accompagnement, notamment aux ex-bénéficiaires de l’API, en prévoyant une orientation systématique des bénéficiaires et en donnant la primauté à leur insertion dans l’emploi.

– Des aides temporaires de retour à l’emploi personnalisées pourront être attribuées aux bénéficiaires, ce qui devrait servir notamment à régler des problèmes de garde d’enfants ; une enveloppe budgétaire annuelle de 150 millions d’euros est programmée à cette fin.

Par ailleurs, il convient de saluer les mesures inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 (articles 71 et 72), dans la lignée du rapport de Mme Michèle Tabarot sur le développement de l’offre d’accueil de la petite enfance remis cet été au Premier ministre, à savoir :

– une majoration de l’allocation de complément de mode de garde pour les parents ayant des horaires de travail atypiques ;

– l’augmentation à quatre du nombre d’enfants qu’un assistant maternel peut garder ;

– à titre expérimental, une faculté de regroupement des assistants maternels dans des locaux adaptés distincts de leur domicile.

Plus généralement, ces mesures s’inscrivent dans la perspective du droit à la garde d’enfants, qui apportera enfin une réponse à l’une des principales difficultés rencontrées par les femmes, en particulier isolées, dans l’accès à l’emploi.

4. Le relèvement du minimum vieillesse, des pensions de réversion et des retraites agricoles des plus modestes

Les femmes bénéficient, on l’a vu, de retraites moyennes beaucoup plus faibles que celles des hommes et sont corrélativement fortement majoritaires parmi les bénéficiaires du minimum vieillesse ; elles sont aussi, compte tenu de leurs droits propres plus faibles et de leur espérance de vie plus longue, bénéficiaires de l’essentiel (92 %) des pensions de réversion.

On peut donc considérer comme une puissante mesure en faveur des femmes le relèvement du minimum vieillesse, dont l’article 51 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 constitue la base légale : le minimum vieillesse doit être revalorisé de 25 % de 2007 à 2012 pour les personnes seules ; un acompte de 200 euros sur cette revalorisation a déjà été versé en 2008.

Par ailleurs, l’article 52 du même projet a pour objet de majorer à partir de 2010 les pensions de réversion dont les titulaires ont la situation la plus modeste (veufs et veuves dont la somme des avantages personnels de retraite et de réversion n’excède pas 800 euros mensuels), cette majoration équivalant à une augmentation à 60 % (contre 54 % aujourd’hui) du taux de réversion, y compris pour les veufs et veuves dont la pension de réversion a déjà été liquidée, ce qui représentera un effort annuel de plus de 200 millions d’euros.

Enfin, l’article 53 du même texte comporte une nouvelle mesure de majoration des retraites agricoles les plus faibles. Cette mesure devrait bénéficier particulièrement aux veuves d’agriculteurs dont 91 %, quand elles n’ont pas acquis de droits propres, perçoivent une pension de moins de 400 euros par mois.

5. La promotion d’une véritable mixité dans les filières scolaires

Le ministère de l’éducation nationale a le mérite de placer son action dans un cadre interministériel. Il a conclu en 2000 et renouvelé en 2006 une convention « pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes, dans le système éducatif » associant huit départements ministériels.

L’axe principal de cette convention porte sur l’orientation des filles et des garçons, en vue de sortir de « tout déterminisme sexué de l’orientation ». L’accent mis sur ce point renvoie au constat de la faible, voire très faible mixité de certaines filières scolaires : ainsi compte-t-on 94 % de filles, dans l’enseignement secondaire, dans l’option sciences médico-sociales, mais 94 % de garçons dans l’option informatique et systèmes de production… La part des filles dans les terminales scientifiques constitue d’ailleurs l’un des indicateurs budgétaires de performance du programme « Égalité entre les hommes et les femmes » : cet indicateur, intéressant, gagnerait peut-être en pertinence s’il mesurait plus globalement la non-mixité de fait sur l’ensemble des filières scolaires (par exemple en dénombrant les filières où le rapport entre les deux sexes sort d’une fourchette 40-60 % ou 30-70 %) ; en effet, le problème n’est pas seulement la faible présence des filles dans certaines filières, mais aussi la quasi-absence des garçons dans d’autres…

La convention précitée comporte aussi des actions de développement de l’éducation des jeunes à l’égalité des sexes, de lutte contre les violences sexistes, de formation des enseignants et personnels, d’intégration de la problématique d’égalité des sexes dans les projets d’établissement. Au regard de la remise en cause des valeurs d’égalité que l’on constate de plus en plus chez certains jeunes, on peut se demander si l’éducation à l’égalité ne devrait pas présenter un caractère systématique, alors qu’aujourd’hui les interventions sur ce point dans les établissements scolaires, assurées par divers réseaux associatifs, sont laissées au bon vouloir des chefs d’établissement.

Dans le même ordre d’idées, il est nécessaire d’insister sur l’obligation du sport scolaire et sur les règles entourant les dispenses pour raisons médicales : selon l’article R. 312-2 du code de l’éducation (reprenant des dispositions d’un décret de 1988), les certificats de dispense doivent indiquer le caractère total ou partiel de l’inaptitude ; en cas d’inaptitude partielle, ils peuvent « comporter, dans le respect du secret médical, des indications utiles pour adapter la pratique de l’éducation physique et sportive aux possibilités individuelles des élèves », bref des contre-indications mais aussi, le cas échéant, la mention d’activités qui sont au contraire recommandées. Un arrêté du 13 septembre 1989 a en outre prévu, pour toute dispense excédant trois mois dans l’année, une obligation de « suivi particulier » par le médecin scolaire.

Les dispenses de sport ne doivent pas être systématiquement générales ; dès lors qu’elles durent, elles doivent faire l’objet d’un contrôle : ces principes mériteraient d’être mis en exergue obligatoirement dans les règlements intérieurs des établissements scolaires.

6. La féminisation du sport

Depuis 2005 le ministère des sports a développé une politique spécifique en faveur des femmes. En 2007, plus de 9 millions d’euros ont été consacrés à cette politique, dont près d’un million au titre de la pratique féminine dans les quartiers sensibles. Un pôle ressources national « Sport, famille et pratiques féminines » a été créé.

Dans le cadre de cette politique, il est notamment organisé un concours national « Femmes et sport » dont l’objectif est de promouvoir l’image, la place et le rôle des femmes dans les pratiques physiques et sportives ; le concours permet de mettre en valeur des initiatives.

La place des femmes dans les instances sportives est également un enjeu. Le code du sport (à son article L. 121-4) conditionne l’obtention de l’agrément des groupements sportifs à « l’existence de dispositions statutaires garantissant (…) l’égal accès des femmes et des hommes [aux] instances dirigeantes ».

À l’occasion du renouvellement des instances dirigeantes de 2005, le ministère avait demandé aux fédérations d’établir et de mettre en œuvre, dans un délai de trois ans, des plans de féminisation de leurs instances dirigeantes ; 62 % des fédérations ont modifié leurs statuts en conséquence dès 2005, mais avec une mise en œuvre inégale (une majorité de fédérations concernées n’ayant pas prévu de féminisation de toutes leurs instances ou n’ayant pas effectivement accueilli le nombre requis de femmes dans ces instances malgré les nouvelles dispositions). On ne compte que 6 femmes présidentes pour 117 fédérations sportives : le moins que l’on puisse dire est qu’il y a du chemin à faire ; le renouvellement des instances fédérales qui va bientôt avoir lieu (suite aux jeux olympiques) doit être l’occasion d’améliorer ce score. La féminisation des fédérations et clubs sportifs est suivie spécifiquement par le ministère ; en 2006 a été établi un premier rapport sur la féminisation du sport, qui sera actualisé prochainement.

C. MAIS UNE ORGANISATION INSTITUTIONNELLE ET DES MÉTHODES DE TRAVAIL À AMÉLIORER

Les politiques que l’on a évoquées supra sont conduites par différents départements ministériels, sans que leur coordination soit toujours évidente. En effet, la question de l’égalité entre les hommes et les femmes, si elle fait partie, à des degrés divers, des préoccupations des gouvernements depuis maintenant quatre décennies, a constamment souffert d’une dispersion et d’une instabilité des instances censées la gérer. Une petite administration centrale en charge du dossier – le service des droits des femmes et de l’égalité – a fini par être stabilisée, mais avec une autorité limitée et des moyens financiers modestes, de sorte que cette administration n’est pas apparue, du moins jusqu’à présent, en mesure de piloter efficacement ses interventions, a fortiori de piloter une politique interministérielle. Pourtant, la question doit obligatoirement être gérée de manière transversale, de sorte de couvrir tout le champ de l’action des administrations publiques. Au-delà de la seule question des structures, la rapporteure pour avis considère qu’il est nécessaire que puissent être mieux affirmés et diffusés un certain nombre de points de méthode quant à la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes, ainsi que les valeurs républicaines qui les sous-tendent.

1. Un positionnement incertain dans l’organisation institutionnelle

 Une terminologie et un positionnement ministériels évolutifs

La promotion de l’égalité hommes/femmes est devenue une rubrique « officielle » de l’action gouvernementale il y a plus de quarante ans, mais a connu diverses variations terminologiques et divers positionnements dans l’organisation administrative et gouvernementale :

– en 1965 est institué au ministère du travail un comité du travail féminin ;

– en 1974, Françoise Giroud devient la première secrétaire d’État à la condition féminine, placée auprès du Premier ministre ;

– en 1978, Mme Monique Pelletier prend le titre de ministre déléguée à la condition féminine et il est institué un comité interministériel chargé de l’action pour les femmes ; parallèlement, il y a aussi un secrétariat d’État à l’emploi féminin rattaché au ministère du travail ;

– en 1981, changement de terminologie avec le ministère délégué chargé des droits de la femme, dont la titulaire, Mme Yvette Roudy, devient en 1985 ministre de plein exercice ;

– de 1986 à 2002, alternent des périodes où les droits des femmes disparaissent de la nomenclature gouvernementale et d’autres où un secrétariat d’État ad hoc est institué, mais désormais plutôt rattaché au ministère des affaires sociales qu’au Premier ministre ; une délégation interministérielle est brièvement créée en 1997 ;

– en 2002, Mme Nicole Ameline est nommée ministre déléguée à la parité et à l’égalité professionnelle, puis ministre de plein exercice en 2004 ;

– en 2005, Mme Catherine Vautrin est nommée ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, sous l’autorité de M. Jean-Louis Borloo qui coiffe le « pôle social » ; cependant, M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances, rattaché au Premier ministre, a également autorité sur le service des droits des femmes et de l’égalité.

Aujourd’hui, les questions de droits des femmes, de parité et d’égalité professionnelle sont de la compétence de Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité, sous l’autorité de M. Xavier Bertrand.

Tandis que se produisaient ces changements fréquents d’organisation gouvernementale, une petite administration, avec des déléguées régionales et des chargées de mission départementales, s’est mise en place dès les années 1970. L’organisation actuelle du service des droits des femmes et de l’égalité (SDFE) a été fixée en 2000.

Les moyens du SDFE restent toutefois limités (voir infra) et l’instabilité de l’organisation gouvernementale n’a pas permis à la question des droits des femmes de prendre réellement un caractère interministériel, alors même que cette question peut et doit être présente dans l’action de nombreux départements ministériels.

La Cour des comptes, dans le rapport public précité, stigmatise « l’absence de leviers interministériels efficaces ». Ainsi, selon la Cour, le SDFE, en principe chargé de veiller à ce que les décisions gouvernementales dans tous les domaines respectent voire améliorent l’égalité des sexes, n’a aucune autorité à ce titre sur les différents ministères, non plus que les moyens pratiques d’une réelle influence, malgré un réseau de correspondants ministériels dont la Cour dénonce les carences.

 Des instances consultatives multiples

Par ailleurs, autre illustration de la difficulté de l’État à coordonner efficacement ses actions dans le domaine des droits des femmes, on se doit de relever le nombre important d’instances consultatives d’expertise et/ou de consultation en la matière, créées les unes de par la loi, les autres par voie réglementaire, et toujours existantes en droit sinon actives dans les faits :

– le Conseil supérieur de l’information sexuelle, de la régulation des naissances et de l’éducation familiale, créé en 1973 ;

– le Comité interministériel chargé des droits de la femme, créé en 1982 ;

– le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle, créé en 1983 ;

– l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, créé en 1995 ;

– la Commission nationale de lutte contre les violences, créée en 2001.

Conformément à la volonté du Gouvernement de simplifier les commissions administratives et en référence aux dispositions de l’article 17 du décret n° 2006-672 du 8 juin 2006 relatif à la création, à la composition et au fonctionnement des commissions administratives à caractère consultatif, l’opportunité du maintien de celles de ces instances qui n’ont pas de support législatif doit être examinée avant juin 2009. Cet examen doit être l’occasion d’une réflexion intégrant l’ensemble des instances, y compris d’origine législative, qui interviennent plus ou moins en rapport avec la thématique des droits des femmes. Dans le cadre plus large de la RGPP, il est envisagé d’aller vers une instance interministérielle enfin stabilisée, ce dont on ne peut que se féliciter.

2. Les moyens limités affectés par l’État aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes

 Le service des droits des femmes et de l’égalité

Les moyens que gère le SDFE sont retracés dans le programme budgétaire « Égalité entre les hommes et les femmes » : en 2009, ils représenteront un peu plus de 29 millions d’euros, en augmentation de 3,3 % sur 2008. Ce total est réparti entre cinq « actions ».

Actions du programme « Égalité entre les hommes et les femmes » en 2009

Actions

Crédits (en euros)

Accès des femmes aux responsabilités et à la prise de décision

529 922

Égalité professionnelle

5 513 647

Égalité en droit et en dignité

10 563 718

Articulation des temps de vie

168 113

« Soutien » (fonctionnement du SDFE)

12 467 562

Total

29 242 962

Poids relatif des actions dans le programme en 2009

Comme on peut le constater, le fonctionnement du SDFE absorbe près de la moitié des modestes crédits du programme « Égalité entre les hommes et les femmes ». Ces moyens de fonctionnement se décomposent, pour 2009, en 11,45 millions d’euros de crédits de personnels et 1,02 million d’euros de moyens matériels pour les services déconcentrés. Il est prévu 196 emplois en équivalents temps plein (ETPT), soit 4 de moins qu’en 2008. Pour 2010 et 2011, il est envisagé de financer respectivement 191 et 187 ETPT.

Les autres actions, qui se traduisent par des subventions à des organismes et associations divers, se rattachent aux objets suivants :

– l’accès des femmes aux responsabilités dans la vie politique, économique et associative ;

– l’égalité professionnelle, les priorités affichées étant l’orientation des jeunes filles vers les filières scientifiques et techniques, la mise en œuvre des mesures de la conférence nationale sur l’égalité salariale du 27 novembre 2007 et la création/reprise d’entreprises par les femmes ;

– l’égalité en droit et en dignité, les mesures financées à ce titre concernant l’information des femmes sur leurs droits et la mise en œuvre du plan interministériel 2008-2010 de lutte contre les violences faites aux femmes présenté le 21 novembre 2007 ;

– l’articulation des temps de vie.

 Les centres d’information sur les droits des femmes et des familles

Parmi les organismes bénéficiaires de subventions du SDFE, viennent en tête les centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) et leur tête de réseau, le centre national d’information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF). Ce réseau a été constitué en 1972 à l’initiative des pouvoirs publics. Si son caractère effectivement associatif, et pas seulement « para-administratif », s’est affirmé depuis, il conserve de cette origine certaines caractéristiques, en particulier une retenue par rapport aux prises de position militantes.

L’ensemble CNIDFF/CIDFF bénéficie annuellement d’environ 6,4 millions d’euros de subventions du SDFE, soit près de 40 % des crédits d’intervention à la disposition de ce dernier. Ces subventions représentent environ le cinquième des ressources de cet ensemble.

Les CIDFF ont pour mission d’assurer gratuitement l’accès à l’information sur les droits des femmes dans les domaines juridique, professionnel, économique, social et familial ; cette mission peut relever d’un simple entretien informatif, d’un suivi individuel ou collectif ou d’un accompagnement plus spécialisé à destination des femmes.

Le réseau des CIDFF constitue donc le principal relais d’intervention « sur le terrain » du SDFE. Il regroupe 114 associations, représentant 1 250 permanences d’information. En 2007, il a traité 742 830 demandes d’information ; 425 212 personnes ont reçu ces informations. L’accès au droit est quantitativement la première activité des CIDFF : 72 % du public est reçu par les services d’accès au droit (en premier lieu pour recueillir des informations sur la rupture du couple). Les CIDFF proposent aussi des services de suivi aux femmes plus en difficulté : en 2007, 39 644 personnes ont bénéficié d’un suivi, dont 20 111 accompagnements « emploi » et 15 197 suivis de femmes victimes de violences sexistes, les autres suivis relevant notamment du conseil conjugal et familial ou de la médiation familiale.

 Les autres moyens recensés au titre de la politique d’égalité entre les hommes et les femmes

L’État recense l’ensemble des moyens qu’il consacre « aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes » dans un document dit « jaune » annexé à la loi de finances. Pour 2009, ce document fait état d’un effort budgétaire global de près de 950 millions d’euros. Toutefois, la quasi-totalité de ce montant est constituée de mesures fiscales en faveur des familles au titre principalement des frais de garde d’enfants : 900 millions d’euros. Les crédits proprement budgétaires récapitulés, soit 48,2 millions d’euros, recouvrent :

– les moyens gérés par le SDFE (29,2 millions d’euros) ;

– 16,4 millions d’euros pris en compte au titre de l’action sociale du ministère de la défense, correspondant essentiellement à des aides à la garde des jeunes enfants des personnels du ministère ;

– diverses contributions faibles, voire insignifiantes (1 300 euros pour le ministère du tourisme !), imputées à d’autres départements ministériels.

Sont enfin signalées les dépenses de quatre conseils régionaux, pour un peu plus de 10 millions d’euros.

Le « jaune » rend donc compte d’un ensemble de dépenses pas très cohérent et est probablement très incomplet par ailleurs (en particulier s’agissant de l’effort des collectivités territoriales). Un document transversal plus exhaustif et plus cohérent doit être élaboré.

3. Des actions dispersées, peu évaluées et peu coordonnées

La conduite des actions relevant du SDFE lui-même n’a pas été non plus, jusqu’à présent, très satisfaisante. Dans son rapport précité, la Cour des comptes porte dessus un jugement sévère. Il en ressort le sentiment d’une absence de tout pilotage national, du moins pour la période passée concernée par le dernier contrôle de la Cour, soit les exercices 2003-2005. Les constats que l’on peut faire aujourd’hui ne permettent pas d’affirmer que cette situation appartient au passé, même si la volonté de redresser la barre est certaine.

● Le jugement sans appel de la Cour des comptes : ni pilotage, ni évaluation

S’agissant du fonctionnement interne du service, et plus particulièrement des relations entre le service central et les services déconcentrés, la Cour reprend à son compte des observations de l’Inspection générale des affaires sociales selon lesquelles le pilotage du réseau déconcentré est – ou du moins était récemment – pour le moins défaillant : « faiblesse, à tous les niveaux, du cadrage politique des travaux, absence d’objectifs stratégiques et opérationnels régionaux à caractère pluriannuel, manque d’outils de pilotage et d’évaluation (…) » ; non-prise en compte des évolutions institutionnelles, notamment la création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) ; motivation jugée faible des responsables régionaux et départementaux…

Le constat n’est pas meilleur pour ce qui est des relations avec le réseau des CIDFF : « Le SDFE, qui est le premier financeur du CNIDFF avec qui il a signé une convention d’objectif, n’a pas mis le centre national en position d’élaborer des objectifs personnalisés de développement de chaque CIDFF s’inscrivant dans une stratégie d’ensemble de développement de son réseau. Il ne l’a pas davantage mis en position de donner des orientations aux CIDFF afin d’optimiser le service qu’ils rendent, service que le SDFE n’a d’ailleurs pas cherché à évaluer auprès des femmes qui ont recours à eux. Enfin, les indicateurs essentiellement descriptifs dont les conventions d’objectifs sont assorties n’ont pas permis d’en évaluer l’efficacité. Le SDFE n’a pas empêché les tensions qui existent sur le terrain, depuis de nombreuses années, entre certaines déléguées régionales ou chargées de missions départementales et les CIDFF qu’elles financent sur les crédits délégués. (…). Les services déconcentrés du SDFE n’ont pas une vision globale de la stratégie du réseau ; les financements qu’ils accordent aux centres ne sont pas subordonnés à la mise en cohérence de leur action avec les orientations nationales (…) ».

Il en est de même quant aux relations conventionnelles avec les associations subventionnées : « Lorsqu’ils sont présents dans le dossier, les rapports d’activité [des structures subventionnées] sont très souvent inexploitables ; en l’absence d’une formalisation de leur présentation, il est généralement difficile de rapprocher la réalisation de la convention initialement conclue ; dans la plupart des cas, aucun justificatif des actions conduites n’est demandé, les informations ne sont donc pas recoupées. En outre, les structures sont très souvent financées par le SDFE pour leur fonctionnement et ne présentent pas au soutien de leur demande une description claire des actions qu’elles souhaitent engager ».

La Cour des comptes critique enfin les indicateurs retenus, dans le cadre de la démarche impulsée par la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, pour évaluer la performance du programme « Égalité entre les hommes et les femmes ». Il est d’abord reproché à ces indicateurs de ne rendre compte de l’efficacité que d’une part modeste des dépenses du programme ; selon la Cour, « aucun indicateur ne permet d’évaluer la performance des 15 millions d’euros affectés chaque année au financement des structures associatives et notamment leur “effet de levier”, alors que le SDFE soutient que les fonds qu’il alloue aux associations leur permettraient, fortes de cette caution, d’obtenir d’autres financements » ; d’autres indicateurs statistiques sont difficiles à interpréter et leurs évolutions ne paraissent de toute façon pas imputables aux dépenses du programme, ni même réellement corrélés à l’action du SDFE, comme par exemple celui relatif aux taux d’accords collectifs traitant de l’égalité salariale…

 À ce jour, des financements qui restent dispersés

Certaines critiques de la Cour des comptes quant aux indicateurs budgétaires peuvent sans doute être discutées, notamment quant au fait qu’ils rendraient compte de questions échappant largement au champ direct des interventions financières du SDFE : si celui-ci doit avoir une action transversale interministérielle, ce que l’on ne peut que souhaiter, il est normal qu’il puisse être jugé sur des problématiques hommes/femmes relavant de divers ministères.

Toutefois, sur un autre point, la lecture du « projet annuel de performances » (« bleu ») de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour 2009 ne permet toujours pas de se convaincre pleinement de la pertinence des interventions du SDFE. Il en ressort en effet une grande dispersion des financements accordés par ce service :

– au titre de l’accès des femmes aux responsabilités, sont financées des actions d’information et de formation menées par douze associations nationales et près de cent associations locales, avec un niveau moyen de subvention de 4 731 euros par structure ;

– au titre de l’articulation des temps de vie, une cinquantaine d’associations sont soutenues par une subvention moyenne de 3 362 euros pour diverses actions (sensibilisation, formation, projets innovants de garde des jeunes enfants, actions de communication visant à renforcer la pratique sportive féminine, etc.) ;

– au titre de l’égalité en droit et en dignité, en dehors de quelques grandes associations ou réseaux bénéficiant de subventions substantielles (le réseau CNIDFF/CIDFF, les structures assurant les permanences téléphoniques nationales, l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail, le Mouvement français pour le planning familial), 390 autres associations reçoivent une subvention unitaire moyenne de 5 566 euros (soit au total plus de deux millions d’euros) pour leurs actions en matière de contraception, de mariages forcés, de lutte contre l’esclavage moderne et les mutilations sociales, d’aide aux hommes auteurs de violences, etc.

Par construction, sauf à déployer des moyens administratifs disproportionnés, des petites subventions dispersées des ordres de grandeur susmentionnés ne se prêtent pas à la définition d’objectifs, au suivi et à l’évaluation de leur impact…

 Sur le terrain, des actions menées sans coordination

Par ailleurs, le déploiement sur le terrain des actions des pouvoirs publics pour l’égalité des sexes, tel que la rapporteure pour avis a pu l’observer à Marseille, reste dispersé :

– La délégation régionale aux droits des femmes (représentation locale du SDFE) n’a que peu de moyens financiers et encore moins de prérogatives par rapport aux autres administrations. Son action repose principalement sur l’influence, la culture qu’elle peut diffuser dans les autres services de l’État…

– La coordination des actions est très faible. Dans la même ville peuvent coexister, sans rapports autres qu’informels, une association appartenant au réseau des CIDFF qui fait de l’accueil et de l’information des femmes sur leurs droits et un service municipal qui a sensiblement la même activité. De même, la diffusion des valeurs d’égalité chez les jeunes ne semble assurée dans le milieu scolaire, par des associations, qu’au niveau du collège, où elle est plus ou moins coordonnée par le conseil général, mais de manière souple : les établissements sont libres de demander ou non tel ou tel type d’intervention de cette nature.

La remise en cause des subventions « historiques » accordées année après année aux mêmes acteurs, la fin du saupoudrage de petites allocations, la reprise en main des réseaux déconcentrés, la généralisation de démarches d’objectifs et de moyens effectivement contrôlées sont des nécessités dont les pouvoirs publics sont aujourd’hui conscients dans le domaine de l’égalité hommes/femmes. Le choc causé par les critiques de la Cour des comptes a déjà amené des mesures correctrices. En outre, dans le cadre de la RGPP et de la réforme de l’État déconcentré qu’elle comporte, le réseau déconcentré du SDFE devrait être remis en tension.

Mais au-delà d’un type de considérations qui valent pour beaucoup de politiques publiques, le domaine particulier de l’égalité hommes/femmes implique, du point de vue de la rapporteure pour avis, un effort plus spécifique de réaffirmation des valeurs que l’on diffuse, d’élaboration de méthodes pour cette diffusion, de gestion transversale de cette diffusion afin qu’elle touche l’ensemble des politiques publiques.

À cet égard, la création d’une instance interministérielle durable devrait fournir un outil doté de stabilité, de visibilité et d’influence sur l’ensemble des administrations. Il conviendra toutefois de veiller à ce que cette instance dispose de véritables moyens d’action, de prérogatives inscrites dans les textes : pour que la prise en compte préalable de la dimension hommes/femmes s’impose dans toute politique publique, il faut que cette obligation soit inscrite dans les textes internes des administrations et soit suivie par la généralisation des indicateurs de résultats « sexués ». Cela ne signifie pas imposer des quotas mais, notamment parmi les indicateurs associés à la loi de finances pour l’ensemble des ministères, multiplier ceux qui permettent un suivi par sexe des personnes concernées par les différentes mesures. Tout cela ne ferait d’ailleurs que mettre en œuvre le principe de démarche intégrée et transversale de l’égalité développé au niveau européen et inscrit dans la charte nationale de l’égalité entre les hommes et les femmes remise en 2004 au Premier ministre.

4. Une méthodologie à généraliser et des valeurs à réaffirmer

Notre pays porte des valeurs qui ne font pas nécessairement l’unanimité dans le spectre des nations démocratiques. Un récent débat législatif l’a illustré : la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, qui par ailleurs introduit dans le droit français les définitions européennes de la discrimination indirecte et du harcèlement, a, conformément au droit communautaire, posé que :

– ne constitue pas une discrimination sexiste le fait d’organiser des enseignements « par regroupement d’élèves en fonction de leur sexe » (article 2) ;

– n’est pas pénalement condamnable la discrimination fondée sur le sexe quand elle est « justifiée par (…) la liberté d’association ou l’organisation d’activités sportives » (article 7).

Certes, ces dérogations correspondent à des situations de droit et de fait dont certaines ne sont évidemment pas contestables : la mixité n’est pas imposée dans tout l’enseignement ; le sport masculin et le sport féminin ont des épreuves différentes, des barèmes de notation différents dans les examens et concours… Cependant, dans le contexte actuel, il faut éviter que certains tirent partie de ce qui apparaît comme la consécration légale de possibilités de traitements distinct, séparé, des filles et des garçons dans l’éducation et la pratique sportive : toute revendication de cet ordre allant au-delà du statu quo actuel doit être proscrite.

À ce titre, une attention particulière doit sans doute être portée au monde associatif, du moins quand il est subventionné. Les associations sont souvent financées au titre d’une mission de service public qui leur est déléguée, ce qui justifie des obligations et un contrôle.

Peut-être faut-il envisager une sorte de charte de l’égalité spécifique aux associations, rappelant un certain nombre de valeurs républicaines, que toute structure souhaitant être financée devrait s’engager à respecter et diffuser.

La formation des intervenants associatifs, qui par exemple prennent la parole dans les établissements scolaires sur le thème de l’égalité, constitue également un enjeu si l’on veut que la promotion de cette égalité repose sur des méthodes et, plus important encore, des valeurs identifiées et partagées. Les enjeux éthiques et déontologiques doivent être mis en avant. Le réseau des CIDFF, relais traditionnel des pouvoirs publics peut avoir un rôle à jouer dans ce domaine.

D. SYNTHÈSE DES PISTES DE RÉFORME

Sans prétendre à l’exhaustivité sur des questions depuis longtemps débattues et examinées, notamment dans le cadre de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, la rapporteure pour avis considère qu’un certain nombre de pistes de réforme sont prioritaires :

1. En regroupant les instances consultatives et les services existants, créer et stabiliser une véritable instance interministérielle chargée de l’égalité entre les hommes et les femmes.

2. Inscrire la dimension hommes/femmes dans toutes les politiques publiques en prévoyant sa prise en compte obligatoire, formalisée, préalable, dans toute décision publique.

3. Rendre plus cohérent et plus exhaustif le document budgétaire transversal (« jaune ») et développer des indicateurs budgétaires sexués pour les diverses politiques de l’État.

4. Envisager une charte de l’égalité spécifique aux associations, rappelant les valeurs républicaines, que toute structure souhaitant être subventionnée devrait s’engager à respecter et diffuser.

5. Mettre l’accent sur la formation des intervenants associatifs, afin que la promotion de l’égalité hommes/femmes repose sur des méthodes et des valeurs identifiées et partagées.

6. Systématiser (en l’organisant au niveau de l’éducation nationale) la formation des jeunes à l’égalité entre les filles et les garçons.

7. Mettre en exergue dans le règlement intérieur des établissements scolaires la réglementation relative aux dispenses d’activités sportives pour raisons médicales.

8. Modifier l’indicateur budgétaire rendant compte de la part des filles dans les filières scolaires scientifiques, afin qu’il rende compte plus généralement du maintien ou non de filières très peu mixtes, que ce soit aux dépens des filles ou des garçons.

9. En tenant compte de la situation des finances publiques, faire porter l’effort sur la réduction des inégalités de retraite entre hommes et femmes, notamment en organisant un partage des droits à pension acquis en cas de divorce.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DES MINISTRES

Au cours de sa séance du lundi 3 novembre 2008, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales entend, en commission élargie à l’ensemble des députés, Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité, Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille, et M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, sur les crédits pour 2009 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

La séance est ouverte à seize heures.

M. le président Didier Migaud. Je suis heureux, avec Pierre Méhaignerie, président de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, d’accueillir Mmes Valérie Létard et Nadine Morano, secrétaires d’État respectivement chargées de la solidarité et de la famille, ainsi que M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Je voudrais excuser l’absence de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, qui a été empêché à la dernière minute.

Nous sommes réunis en formation de commission élargie pour examiner les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances pour 2009. C’est une procédure qui privilégie les échanges directs entre membres du Gouvernement et députés et qui donne donc une large place aux questions et réponses, après les présentations plus générales de nos trois rapporteurs – dont je précise qu’ils sont par ailleurs en relation étroite avec les ministres tout au long de l’année, et pas seulement à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances.

M. Jean-Marie Binetruy, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l’économie générale et du plan. Les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » témoignent d’un effort substantiel dans ce domaine et permettent la mise en œuvre des engagements pris par le Président de la République. À périmètre constant, les crédits de paiement augmenteraient en 2009 de 6 %, pour atteindre 11,18 milliards d’euros, et la hausse devrait se poursuivre en 2010 d’environ 4 %.

Le périmètre de la mission a été redessiné avec le transfert de deux programmes, « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » et « Protection maladie » – des publics défavorisés –, respectivement vers les missions « Ville et logement » et « Santé ». La mission sera donc constituée de cinq programmes.

Le premier, « Lutte contre la pauvreté », permet de financer l’expérimentation puis la généralisation du revenu de solidarité active, le RSA.

Le suivant, « Actions en faveur des familles vulnérables », est essentiellement constitué de l’allocation de parent isolé, que la mise en place du RSA fera disparaître. La question de l’avenir de ce programme se pose donc, mais il intègre d’autres mesures essentielles, relatives à l’adoption et à l’enfance en danger, dont les crédits devront être conservés de façon distincte.

Les crédits du programme « Handicap et dépendance », le plus lourd de cette mission, augmentent fortement, traduisant notamment les orientations fixées par le Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap du 10 juin dernier.

Le programme « Égalité entre les hommes et les femmes » est certainement le plus modique, puisqu’il n’est doté que de 29 millions d’euros de crédits, mais cela ne rend pas compte de son fort effet de levier. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement tendant à la création d’un document de politique transversale, qui offrirait une vision globale des mesures consacrées à ce champ de l’action publique.

Enfin le programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » subira les effets de la révision générale des politiques publiques.

Deux faits marquants expliquent cette augmentation : d’une part, la généralisation en métropole, à compter du 1er juin 2009, du revenu de solidarité active, dont les crédits relèvent du programme « Lutte contre la pauvreté » ; d’autre part, la mise en œuvre de plusieurs engagements pris par le Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap du 10 juin dernier, dont le programme « Handicap et dépendance » est la traduction budgétaire. Ainsi, 1 400 nouvelles places en établissements et services d’aide par le travail, ESAT, seront créées entre 2009 et 2012, année où le montant de l’allocation adulte handicapé sera supérieur de 25 % à son niveau de 2007.

Ma première question, monsieur le haut commissaire, portera sur cette véritable révolution sociale qu’est le revenu de solidarité active. Je ne reviendrai pas sur le fonctionnement de ce dispositif, que tous nos collègues connaissent parfaitement pour en avoir débattu longuement, Pouvez-vous nous assurer que l’ensemble des acteurs impliqués dans ce dispositif sera prêt afin que ce dernier soit pleinement opérationnel dès le 1er juin prochain ?

À l’heure actuelle, compte tenu de la situation économique, on peut craindre une augmentation du nombre de ses bénéficiaires potentiels. Quelles en seraient les conséquences et avons-nous les moyens d’y faire face ?

Ma deuxième question porte sur l’évolution de la délégation interministérielle à l’innovation, à l’expérimentation sociale et à l’économie sociale, qui a permis l’émergence de plusieurs dispositifs innovants en matière de politique sociale. Il paraît important de maintenir une telle structure qui joue un rôle d’avant-garde. Alors qu’une nouvelle direction générale de la cohésion sociale est sur le point de naître, quelle sera l’évolution de la délégation ?

Ma troisième question vous concerne plus particulièrement, madame la secrétaire d’État chargée de la solidarité. Elle a trait à la politique du handicap. La loi du 11 février 2005 a permis des améliorations sans précédent en ce qui concerne les personnes handicapées, mais elle ne produira son plein effet qu’une fois que les décrets d’application, relatifs notamment à l’éducation ou à l’accessibilité, seront parus. Pourrions-nous disposer d’un calendrier de parution de ces textes réglementaires ?

La loi de 2005 prévoit par ailleurs la publication, tous les trois ans, d’un rapport destiné à évaluer son impact. Le premier devrait être soumis le 3 décembre prochain au Comité consultatif des personnes handicapées et présenté, dans un second temps, au Parlement. Quand ce rapport sera-t-il présenté à la représentation nationale ? Quels en seront les principaux enseignements ?

Je voudrais vous interroger également sur le vaste mouvement de réorganisation des administrations sanitaires et sociales, qui verra la création en 2009 d’une direction générale de la cohésion sociale, d’agences régionales de santé, de directions régionales de la cohésion sociale et de la jeunesse, et de directions départementales de la population, créations auxquelles s’ajouteront la réforme de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie – la CNSA – ou la création du cinquième risque. Les auditions ont fait apparaître une certaine inquiétude chez les acteurs, notamment s’agissant de l’articulation entre les politiques sanitaires et médico-sociales. Pourriez-vous faire un point d’étape concernant ces évolutions et leur impact sur le secteur médico-social ?

Ma cinquième et dernière question a trait à l’exonération de charges des indemnités des correspondants territoriaux de la Défenseure des enfants, problème sur lequel j’avais interrogé le ministre l’an passé. Ces correspondants perçoivent une indemnité de 370 euros mensuels. Une exonération de charges sur ces indemnités dégagerait une marge de manœuvre suffisante pour élargir le réseau de ces correspondants territoriaux, de façon qu’il couvre l’ensemble du territoire. M. le ministre s’était déclaré l’an dernier favorable à une telle mesure : l’est-il toujours ? Ce serait une reconnaissance légitime de la qualité du travail effectué par ce service.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure pour avis de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales. En tant que rapporteure pour avis de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le programme « Handicap et dépendance », je souhaiterais d’abord m’arrêter sur l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, et sur les établissements et services d’aide par le travail, qui mobilisent plus de 95 % des crédits. Je parlerai ensuite d’un sujet qui intéresse nombre de nos collègues puisqu’il s’agit des maisons départementales des personnes handicapées. Il est temps en effet de faire le point sur les difficultés que rencontre ce dispositif nouveau et ambitieux.

En ce qui concerne l’AAH, je me félicite que le Gouvernement se donne les moyens d’atteindre les 25 % de revalorisation annoncés par le Président de la République. Cet effort budgétaire s’inscrit dans une réforme globale de l’allocation. En effet, la condition d’un an d’inactivité sera supprimée afin que cette aide ne décourage pas l’accès à l’emploi de la personne handicapée. La nouvelle AAH repose sur un dispositif d’intéressement, proche de la philosophie du RSA, tout en étant adaptée au handicap. Les MDPH, les maisons départementales des personnes handicapées, qui font l’objet du rapport que je soumettrai aujourd’hui, devront d’ailleurs évaluer désormais l’employabilité des personnes.

Parce que toutes les personnes handicapées qui souhaitent et peuvent travailler doivent pouvoir le faire, j’approuve aussi la volonté du Gouvernement de poursuivre sa politique de développement des établissements et des services d’aide par le travail, notamment en créant 1 400 places supplémentaires en 2009. La mise en place d’enveloppes anticipées introduira une plus grande souplesse dans l’inscription des crédits, entravée jusqu’à présent par une instruction souvent très longue des dossiers.

En ce qui concerne les MDPH, il ressort des diverses auditions que j’ai conduites que les départements ont globalement joué le jeu de la mise en œuvre de la loi du 11 février 2005. Les MDPH ont incontestablement permis une amélioration de très nombreux aspects de la vie des personnes handicapées. Tous les représentants des associations et des personnes handicapées auditionnés se félicitent de l’existence de cette structure. Son caractère décentralisé a permis aux MDPH d’offrir une réponse adaptée aux questions posées par les personnes handicapées et leur famille.

Les MDPH ont été conçues comme un guichet départemental unique au service de la personne handicapée, réunissant les missions des commissions techniques d’orientation et de reclassement professionnel, les COTOREP, des commissions départementales d’éducation spéciale, les CDES, et des sites pour la vie autonome. La mise en place des MDPH a représenté un investissement en temps et en moyens humains considérables. Au-delà des considérations matérielles et financières, il a fallu définir et assimiler des procédures nouvelles, mettre en relation des services et des collectivités qui ne travaillaient pas en commun, construire des partenariats avec des organismes et des associations locaux, en un mot procéder à une véritable révolution administrative. Ce changement a été mené à bien grâce à la forte implication personnelle de la plupart des présidents de conseil général.

Le grand intérêt de cette nouvelle structure est de replacer la personne handicapée au cœur de la prise en charge. Néanmoins, certains dysfonctionnements, liés à leur statut et à celui de leur personnel entravent l’efficacité des MDPH. En effet, la forme du groupement d’intérêt public (GIP), retenue un peu rapidement au moment du vote de la loi, n’apparaît plus adaptée. Aussi, trois options sont possibles : soit adapter les règles de fonctionnement des GIP ; soit intégrer le GIP dans les services du département ; soit transformer le GIP en établissement public départemental.

Une étude en cours, commandée par le ministère, proposera une solution obéissant à quatre impératifs légitimes : la garantie de l’équité territoriale ; la faculté pour les associations de participer au fonctionnement des MDPH, conformément à leur souhait ; une plus grande souplesse de gestion pour les conseils généraux et une évolution vers la mise en place de maisons de l’autonomie.

Certains directeurs de MDPH doivent gérer jusqu’à huit statuts de personnels, avec à chaque fois des missions, des rémunérations, des durées hebdomadaires de travail, des conditions de récupération, des congés différents.

Par ailleurs, plusieurs directeurs de MDPH observent des conflits d’intérêt ou d’emploi du temps entre les fonctionnaires de l’État mis à disposition ou détachés dans les maisons départementales et leur administration d’origine. Il arrive régulièrement que les directeurs des MDPH découvrent l’absence de ces personnels, retenus par une réunion administrative organisée dans leur administration d’origine. Un nouveau statut permettrait l’intégration des personnels dans la fonction publique territoriale. Pour ma part, et après avoir écouté l’ensemble des interlocuteurs, il me semble que l’établissement public serait la structure qui pourrait le mieux répondre à ces exigences. Je souhaite connaître, madame la secrétaire d’État chargée de la solidarité – la plupart de mes questions s’adresseront d’ailleurs à vous –, les orientations du Gouvernement en la matière.

Je tiens également à évoquer la compensation financière de l’État en cas d’absence de transfert, problème auquel les départements ont eu différentes approches. Les personnels issus des différentes structures de l'État qui ont donné naissance aux MDPH ont été mis à la disposition de ces dernières. En cas d’absence de mise à disposition ou de cessation de cette mise à disposition – pour cause de départ à la retraite ou de mutation sans remplacement par un nouveau fonctionnaire –, l’administration d'État doit alors verser une compensation financière au GIP.

La difficulté de la réalisation des mises à disposition de fonctionnaires de l'État a été accrue par le fait que les transferts ont été réalisés sur la base du volontariat. Des fonctionnaires pourtant mis à disposition n’ont ainsi jamais quitté leur administration d'origine ou ont quitté leur poste pour revenir dans leur administration, mais sans qu’un remplaçant soit affecté à la MDPH – non pas en raison d’une mauvaise volonté des services, mais faute de personnes à transférer. Dans ce cas de figure, la fongibilité asymétrique ne peut pas jouer et le trésorier-payeur général ne peut adresser au GIP la compensation financière qu’appellerait pourtant cette vacance de poste.

Pour pallier ponctuellement l’absence de possibilité de versement de la compensation financière par les ministères d'origine des fonctionnaires, l’État a ouvert un crédit exceptionnel de 8 millions d’euros en 2006 et de 8,25 millions en 2007 pour verser des compensations aux MDPH concernées. Or, pour 2008, aucun crédit n’a été jusqu'à présent versé. Certaines MDPH n'ont eu aucun transfert de la part de l'État du fait du refus des personnels. Obligées de procéder à des embauches par le biais du GIP, elles sont pourtant totalement dépendantes de la compensation supplémentaire décidée par l'État.

La gravité de la situation m’a conduit à vous interpeller, madame la secrétaire d’État, ainsi que M. Xavier Bertrand, mais aussi M. François Fillon, Premier ministre, et même M. Nicolas Sarkozy, Président de la République. Je rappelle que non seulement les MDPH doivent stabiliser leurs activités initiales, mais qu'elles devront exercer en plus les nouvelles compétences concernant l’octroi de l’AAH selon l’employabilité de la personne, et se transformer en maison de l’autonomie avec la mise en place de la convergence des politiques entre le handicap et la perte d’autonomie liée à l'âge. Qu’en est-il de la compensation financière pour 2008, mais aussi de la pérennité de cette dernière dans les années à venir ?

Plusieurs problèmes se posent par ailleurs. La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) a mis au point, avec les représentants des ministères, des départements et des associations, un outil d'évaluation unique des situations individuelles : le guide de l'évaluation – GEVA. Mais sa complexité et la lourdeur de son maniement sont telles que certaines MDPH ont renoncé à l’utiliser, ou ne l’emploient que partiellement. Il me paraît indispensable qu’une simplification du GEVA soit entreprise afin que les MDPH puissent disposer d’un outil au maniement plus aisé leur permettant de procéder à une évaluation systématique des besoins de compensation. Je sais que la Caisse s'est intéressée au sujet. Que compte faire votre ministère pour favoriser cette mise en place ?

Ensuite, la mise en œuvre de la PCH enfant – la prestation de compensation du handicap pour les enfants –semble poser de difficiles problèmes de choix aux familles, et la possibilité, malgré les conseils avisés des MDPH, de revenir sur leur choix, révèle une mauvaise compréhension du dispositif. Comment le Gouvernement compte-t-il améliorer l’accessibilité de cette prestation ?

Malgré l’effort entrepris par tous pour que les MDPH soient un interlocuteur unique, il semble que l'on puisse encore améliorer les facilités d'accès à l'information et aux droits des personnes handicapées par la formation de fiches navettes entre les MDPH et les caisses d’allocations familiales. L’idéal serait de pouvoir le faire numériquement. Qu’en pense le Gouvernement ?

Le lancement du fonds de compensation prévoyait un abondement de la part de l'État. Il est devenu fonds de concours en 2008 pour disparaître en 2009. Beaucoup s'en inquiètent. Je sais qu'il s’agit là d'un souci de bonne gestion car les fonds de compensation disposent de réserves assez grandes dans les départements, au moins pour l'année 2009, mais je demande au Gouvernement la plus grande vigilance pour le budget 2010.

L’informatisation, malgré l’aide de la CNSA, se révèle longue, fastidieuse et complexe à mettre en place. Il faudra bien pourtant, face aux nouvelles perspectives qui attendent les MDPH, optimiser l’outil informatique.

Je souhaite terminer sur une note optimiste en vous faisant part de la satisfaction de l’ensemble des partenaires concernant le nouvel accompagnement qu’offrent les MDPH sur tout notre territoire. Certaines ont voulu respecter à la lettre la loi du 11 février 2005 et, malheureusement, accusent encore des retards importants dans l’instruction des dossiers. D’autres ont voulu privilégier la résorption de ces retards hérités des COTOREP et des CDES et n’ont malheureusement pas pu établir les projets de vie des personnes handicapées dans toutes leurs dimensions. Elles sont à présent en voie de stabilisation. À condition d’être sécurisées quant à leur statut et à leurs compensations financières, elles vont pouvoir mettre en œuvre la loi de 2005 et la mise en place des maisons de l’autonomie.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je souhaite revenir sur la présentation qui nous a été faite du budget, pour 2009, du programme « Handicap et dépendance ». S'il est vrai que l'on peut saluer certaines évolutions positives, des nuances doivent être apportées, en particulier sur trois sujets.

Le premier concerne les ressources des personnes handicapées. Il est vrai que le montant de l'AAH augmente mais, à 680 euros, il reste inférieur au niveau du seuil de pauvreté, soit 880 euros. En dépit des efforts consentis, nous sommes donc encore loin du compte. Nous devons parvenir à mettre le montant de cette allocation à niveau, surtout dans une période où les personnes les plus démunies – et les personnes handicapées en font partie – éprouvent de grandes difficultés, notamment en raison de l'augmentation des franchises médicales et du prix des produits de première nécessité.

S’agissant de l'insertion professionnelle des personnes handicapées, nous ne pouvons accepter de conditionner l'attribution des ressources à la question de l'employabilité. Les personnes handicapées aimeraient trouver un emploi, mais elles en sont souvent empêchées par de multiples difficultés. Dès lors, conditionner l'attribution de l'allocation à la notion de retour à l'emploi serait une erreur : nous ne pouvons, s'agissant des personnes handicapées, nous fonder sur les mêmes critères que pour le RSA. Celles qui sont en capacité de travailler travaillent, mais la plupart d'entre elles ne sont pas dans cette situation. De même, l'examen systématique de la qualité de travailleur handicapé introduit une difficulté supplémentaire.

Quant à la suppression de l’obligation d’inactivité professionnelle d'un an pour obtenir l’AAH, elle ne s'applique pas pour le complément de ressources, ce qui pose certains problèmes qui n'ont, semble-t-il, pas été évoqués. J'aimerais donc obtenir quelques précisions sur ce point.

Deuxième sujet qui suscite de nombreuses inquiétudes : la question des ESAT. Vous avez pris des engagements, en particulier en matière de création de places. Mais avec un taux de reconduction fixé à 1,5, ces établissements vont être rapidement confrontés à des difficultés - les associations l'ont d'ailleurs bien relevé. Ils peineront à assumer leur mission avec un taux directeur bien en deçà de l'inflation, d'autant que, comme le montre le rapport, les charges sont, pour 74 %, des charges de personnel, le reste relevant du fonctionnement. Ces établissements ont fourni des efforts considérables pour pouvoir répondre aux exigences de l'État, qui leur demandait de recentrer leurs missions et d'évaluer correctement leurs activités. Ils ne peuvent faire plus. Or ce qui est proposé aujourd'hui va les pénaliser lourdement. L'annonce de 1 400 places supplémentaires n'aura pas d'incidence sur 2009, et les établissements vont devoir, une nouvelle fois, ajuster leur financement.

Le troisième sujet, enfin, a trait à l'éducation et à l'accueil des enfants. Nous sommes inquiets en ce qui concerne la formation des personnels, et en particulier des AVS, les auxiliaires de vie scolaire, qui sont certes en augmentation, mais dont la formation reste insuffisante. En outre, leurs frais de déplacement ne sont pas pris en compte. Comment comptez-vous donner à ces auxiliaires, dont le rôle est si important, des conditions acceptables pour assurer leurs missions ?

Mme Martine Billard. Une remarque de forme, tout d'abord : en raison du chamboulement que connaît la mission, il est difficile de suivre l'évolution des budgets d'une année sur l'autre. Le manque de documents explicatifs, en particulier, nous ôte en grande partie toute possibilité d'exercer notre fonction de contrôle, que l'on parle pourtant de développer. J’espère que nous pourrons progresser dans ce domaine à l’occasion de la réforme du fonctionnement de l’Assemblée. Nous devons disposer des documents plus tôt afin de travailler plus efficacement.

Mais c’est surtout le chamboulement de la mission qui m’inquiète. Son champ est en effet très instable, à l’instar des autres missions de nature interministérielle : les politiques d’hébergement relèvent désormais de la mission « Ville et logement », et la CMU-C de la mission « Santé ».

Du fait de ces évolutions, la mission « Solidarité et intégration » se résume aujourd’hui, pour l’essentiel, au RSA, ce qui pose tout de même un problème. Malgré tous les espoirs qui accompagnent ce nouveau dispositif, il est en effet difficile d’imaginer qu’il permettra de régler toutes les difficultés actuelles.

Je note également que les politiques en direction des jeunes sont totalement absentes de ce budget. Comment le comprendre, sachant que les jeunes n’ont pas accès au RSA s’ils ont moins de vingt-cinq ans, et que la politique de lutte contre l’exclusion comporte de moins en moins de dispositifs en leur faveur ? Je rappelle également que le nombre de jeunes vivant dans la rue ne fait qu’augmenter.

On me rétorquera peut-être que j’ai mal étudié les documents budgétaires qui nous sont fournis, mais force est de constater que les politiques en direction des jeunes victimes d’exclusion ne sont pas du tout mises en avant, et que l’on a le plus grand mal à les appréhender.

Je m’interroge en outre sur les subventions destinées aux associations qui s’intéressent aux personnes vivant dans la rue. Elles les aident à se resocialiser, et les accompagnent notamment dans leurs démarches. Toute personne en situation régulière a droit aujourd’hui au RMI, et bientôt au RSA, mais il est fréquent que les personnes vivant dans la rue ne fassent pas valoir leurs droits. Il est donc fondamental de les aider.

Je me demande en outre, du fait du renforcement des obligations pesant sur les bénéficiaires du RSA de base, ce que deviendront les personnes dont les droits au RSA auront été suspendus ou supprimés. De quelles aides bénéficieront-elles ? Faudra-t-il qu’elles aillent faire la manche dans la rue ?

J’observe enfin que le Gouvernement a décidé de supprimer le service des droits des femmes et de l’égalité. Si des défaillances sont observées, ne vaudrait-il pas mieux le réformer afin de le rendre plus efficace, au lieu de le remplacer par une instance interministérielle dont chacun connaît les difficultés à se faire entendre ?

Au total, vous adressez un signal assez peu positif : il n’y a plus ni ministère, ni service spécifiquement consacré aux droits des femmes, alors même que les inégalités n’ont pas diminué. S’agissant, par exemple, des petites retraites féminines, le rapport de Mme Boyer prétend que la situation devrait s’améliorer, mais je suis loin d’en être convaincue.

Mme Valérie Boyer, rapporteure pour avis de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales. L’action du service des droits des femmes et de l’égalité, que j’ai examinée dans le cadre de mon rapport pour avis, appelle plusieurs observations.

En premier lieu, il me semble nécessaire de stabiliser le positionnement institutionnel de ce service afin de lui conférer une véritable autorité interministérielle, c’est-à-dire transversale.

Nous devons également inscrire en amont la dimension de l’égalité hommes-femmes, en prévoyant que toutes les politiques publiques devront obligatoirement prendre en compte cette question de façon préalable et formalisée.

Il faudrait par ailleurs développer des indicateurs budgétaires sexués pour toutes les politiques menées par l’État. Sans chercher à établir une parité absolue, ni instaurer des quotas, nous avons besoin d’un véritable suivi. Quels engagements le Gouvernement peut-il prendre à cet égard dans le cadre de la RGPP ?

En deuxième lieu, force est de reconnaître que les diverses associations que nous aidons, notamment au titre de la politique de la ville, ne contribuent pas nécessairement à la promotion de l’égalité, et que leur action repose parfois sur des conceptions un peu rétrogrades. Améliore-t-on vraiment les perspectives des femmes résidant dans les quartiers en difficulté en leur donnant des cours de cuisine ? Il faudrait parfois s’interroger sur l’action des associations subventionnées.

Dans ce contexte, ne pourrait-on pas élaborer une charte de l’égalité spécifique aux associations, qui comporterait un code d’éthique et de déontologie, rappelant les valeurs républicaines, que toute structure souhaitant bénéficier de subventions devrait s’engager à respecter et à diffuser ?

Il faudrait également renforcer la formation des intervenants associatifs, afin que la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes repose sur des valeurs identifiées et partagées. Comme nous en sommes malheureusement loin sur le terrain, ne pourrait-on pas confier cette mission au centre d’information sur les droits des femmes, les CIDFF ?

On observe, en troisième lieu, que les stéréotypes sexistes et les violences se développent à l’école. La mixité demeure par ailleurs insuffisante dans de nombreuses filières et elle est souvent contestée dans le cadre des enseignements sportifs. Dans le secondaire, certaines filières comptent ainsi moins de 10 % de filles, et d’autres moins de 10 % de garçons. Moins d’un tiers des filles pratiquent par ailleurs une activité sportive extrascolaire dans les ZEP, et seul un quart des bénéficiaires des opérations « Ville Vie Vacances » étaient de sexe féminin en 2006. Enfin, selon une étude menée en Seine-Saint-Denis, 60 % des jeunes femmes âgées de dix-huit à vingt-et-un ans font l’objet d’au moins un acte de harcèlement sexuel par an.

N’est-il pas temps, dans ces conditions, de systématiser la formation des jeunes à l’égalité entre les filles et les garçons, en l’organisant dans le cadre de l’éducation nationale ? La Constitution nous invite à agir dans ce domaine.

De façon plus ponctuelle, la réglementation relative aux dispenses d’activités sportives pour raisons médicales devrait être mise en exergue dans les carnets scolaires. En effet, cette réglementation n’est pas assez connue des familles, ni d’ailleurs des médecins qui délivrent souvent des certificats en grand nombre dans les quartiers sensibles. Je rappelle d’ailleurs que les certificats médicaux ne doivent pas être de portée générale : ils doivent préciser les activités physiques déconseillées et, au contraire, celles qui sont recommandées au regard du problème de santé invoqué.

En quatrième lieu, le recours croissant à l’IVG chez les jeunes et les très jeunes femmes – on constate une augmentation de 70 % en quinze ans chez les 15-17 ans, et de 45 % chez les 18-19 ans – est un autre sujet de préoccupation. Que peut-on faire pour relancer les politiques de prévention et de contraception, en coordination avec les politiques de protection contre les maladies sexuellement transmissibles ? Les différents types de campagnes sont en effet aujourd’hui dissociés.

J’en viens, enfin, à la question des retraites féminines, dont nous avons longuement débattu dans la nuit de vendredi à samedi à l’Assemblée, et qui devrait faire l’objet d’un rapport, comme l’a demandé à juste titre notre collègue Bérengère Poletti.

Si l’on raisonne en droits directs, la moyenne des retraites versées aux femmes ne dépasse pas 800 euros – somme inférieure au seuil de pauvreté – contre 1 400 euros pour les hommes. Selon les travaux du Conseil d’orientation des retraites, le COR, il semble que les écarts devraient se réduire, sans pour autant disparaître spontanément.

Nous devons donc nous efforcer, à long terme, d’accroître l’emploi féminin et de réduire le temps partiel. À plus court terme, nous pourrions adopter certaines des mesures, au demeurant peu coûteuses pour les finances publiques, qui ont été préconisées par notre collègue Claude Greff, notamment un partage équitable des points de retraite acquis par les deux conjoints en cas de divorce.

M. le président Pierre Méhaignerie. Bien que la période actuelle soit difficile, nous avons consacré un grand effort à la lutte contre la pauvreté, domaine dans lequel nous étions déjà bien classés au sein de l’Union européenne, et à la politique du handicap. Les crédits concernés représentent d’ailleurs deux fois le bouclier fiscal, si souvent critiqué.

M. le président Didier Migaud. Le nombre d’intéressé n’est pas le même.

M. le président Pierre Méhaignerie. Ma première question porte sur le RSA : le Sénat a souhaité que les centres communaux d’action sociale, les CCAS, ne soient plus instructeurs de droit commun des dossiers. Or ce sont les structures les plus proches de nos concitoyens. Il me semble que nous devrions y réfléchir à deux fois d’ici à la réunion de la CMP.

Je m’interroge également sur la faible différence qui peut exister, notamment chez les équipementiers travaillant pour le secteur de l’automobile, entre une rémunération au SMIC, notamment s’il y a chômage partiel, et ce que pourra gagner un bénéficiaire du RSA travaillant à tiers temps ou à mi-temps.

Afin d’éviter que les salariés de l’industrie ne soient une fois encore les seuls à payer le coût des mutations et des crises économiques, ne pourrait-on pas réfléchir à un aménagement de la prime pour l’emploi, la PPE ? Vous savez, monsieur le haut commissaire, l’intérêt que je continue à porter à ce dispositif.

S’agissant des maisons départementales des personnes handicapées, il me semble que nous souffrons d’un manque de lisibilité des acteurs sociaux. Je n’y reviens cependant pas, car Mme Bérengère Poletti a très bien évoqué ce sujet.

M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvretéMadame Boyer, la délégation interministérielle à l’économie sociale et solidaire est une petite structure qui comprend quelques chargés de mission. Toutefois, nous souhaitons développer l’innovation et l’expérimentation sociale, dont les crédits ont été fortement augmentés : c’est une priorité budgétaire très claire ; je viens d’ailleurs d’annoncer que dix millions d’euros seraient libérés pour des expérimentations concernant les jeunes. Quant à la structure elle-même, son avenir dépendra de la réorganisation en cours de l’action sociale, dont nous souhaitons améliorer la cohérence ; que cela passe par le maintien d’une délégation interministérielle ou par une simplification, est une question à étudier. En revanche, sur le fond, nous renforçons considérablement notre politique : il n’y a donc pas d’inquiétudes à avoir.

Monsieur Binétruy, la mise en place du RSA, qui brasse tout un ensemble de prestations et accroît le nombre d’allocataires, répond à un calendrier serré. Nous ferons tout pour être prêts en juin – et dans de bonnes conditions. Nous nous réunissons tous les quinze jours avec les dirigeants des quatre principaux réseaux concernés – départements, caisses d’allocations familiales, service public de l’emploi et État –, afin de coordonner nos efforts, de mettre en place les outils nécessaires et de nous assurer que nous disposerons en juin d’un système sécurisé. Cela suppose de conduire des chantiers opérationnels de refonte d’outils informatiques, de mettre en place un système d’orientation pour les bénéficiaires, de préparer les textes d’application réglementaire – nous avons pris l’engagement de l’avoir fait d’ici la fin de l’année –, d’octroyer, en coordination avec Nadine Morano, une enveloppe budgétaire supplémentaire au réseau des CAF afin qu’elles puissent anticiper dès maintenant les besoins en personnel supplémentaire, et d’informer au premier trimestre les futurs bénéficiaires. Nous avons huit mois devant nous, et je n’ai pas d’inquiétudes particulières. J’en profite pour rendre hommage à tous les acteurs ainsi mobilisés : les départements, les CAF, le service public de l’emploi, les services de l’État et les CCAS.

À leur propos, monsieur le président Méhaignerie, je reconnais qu’il y a eu quelques oscillations entre le projet de loi initial, le texte voté par l’Assemblée et celui adopté par le Sénat ; les choses devraient se stabiliser grâce à la commission mixte paritaire.

Comme le rappelle la loi, ce sont les conseils généraux qui sont compétents en matière de politique d’insertion ; en revanche, les CCAS jouent un rôle dans l’instruction des dossiers et sont parfois le premier recours, notamment dans certaines régions. Le débat, qui opposait les conseils généraux d’un côté, les villes et les CCAS de l’autre, était de savoir si la compétence des CCAS était directe ou si elle était déléguée par le conseil général. Il y a eu hésitation. Compte tenu des éléments obtenus, nous nous orientons vers une position équilibrée : les CCAS seront directement compétents, mais comme le conseil général a la responsabilité des politiques d’insertion, il pourra intervenir en cas de déficience de l’un d’entre eux.

M. le président Pierre Méhaignerie. Un président de conseil général pourra-t-il refuser à un CCAS la possibilité d’instruire des dossiers ?

M. le haut commissaire. Tout dépend de ce que le Parlement décidera. Il semble que les rapporteurs s’accordent sur un système dans lequel les présidents des conseils généraux ne pourraient le faire, mais qu’ils pourraient en revanche tirer les conséquences de la déficience d’un CCAS – ce qui me paraît une bonne solution, étant donné qu’on ne pourra pas satisfaire les deux parties à la fois.

Pour conclure sur la mise en place du RSA, et répondre à la préoccupation légitime de votre rapporteur spécial, nous tiendrons compte mensuellement de l’état d’avancement des chantiers de préparation.

M. Binétruy a posé une autre question extrêmement importante : comment tenir compte des menaces qui ne manqueront de peser sur certaines catégories de population en cas de ralentissement économique et d’augmentation du chômage ? Nous nous mobilisons sur ce sujet car, si cette éventualité nous semble probable, il nous apparaît possible d’en atténuer les effets, voire de les compenser, à condition que les enjeux soient bien définis dès à présent.

À cet égard, les tableaux qui vous ont été distribués apportent plusieurs informations essentielles.

Tout d’abord, le nombre de bénéficiaires de minima sociaux augmente fortement dans les périodes de ralentissement de l’activité économique. De plus, la part des dépenses contraintes dans le budget des ménages les plus modestes est aujourd’hui bien plus élevée qu’auparavant : en 2001, les dépenses dites « préengagées » représentaient la moitié du revenu des ménages modestes, contre les trois quarts aujourd’hui. Il faut également tenir compte de trois évolutions récentes : la croissance de la pauvreté des jeunes, l’augmentation du nombre de travailleurs pauvres et le surendettement qui, s’il s’est stabilisé ces dernières années, peut connaître un regain.

Par ailleurs, deux autres indicateurs conjoncturels impliquent d’être vigilants. Premièrement, alors que le nombre de bénéficiaires du RMI diminuait de 0,5 % par mois depuis six ou sept trimestres, la tendance s’est inversée en septembre, avec une augmentation de 1 %, soit 10 000 allocataires supplémentaires. Deuxièmement, les demandes de prêts sur gage auprès des crédits municipaux – indicateur rustique mais très parlant – ont considérablement augmenté ces derniers mois – de 40 % à Paris et de 20 % en moyenne dans les autres villes – ce qui est un signe d’inquiétude et de tension.

Dans ce contexte difficile, le RSA est plus que jamais nécessaire et utile, puisqu’il permet de soutenir les revenus les plus faibles et d’atténuer les difficultés supplémentaires. De même, nos objectifs de réduction de la pauvreté restent valables. Si l’on ne fait rien, la pauvreté risque en effet d’augmenter. Peut-être devrait-on d’ailleurs, monsieur le président Méhaignerie, mettre en avant, non seulement la lutte contre la pauvreté, mais celle contre l’appauvrissement, afin de soutenir et d’aider celles et ceux dont la situation risque d’être fragilisée ?

Tenir ces objectifs suppose de faire un bon diagnostic des éléments qui peuvent avoir des effets sur les minima sociaux et sur les travailleurs pauvres les plus vulnérables. À ce stade de notre analyse, nous estimons qu’en 2009 le principal impact proviendrait, non de l’inflation – qui, après une période d’accélération, est plutôt en décélération –, mais d’une baisse des revenus du travail et d’une augmentation du chômage.

Je rassure Mme Billard : nous n’essayons pas de transférer les dépenses vers d’autres acteurs en supprimant pour certaines catégories de bénéficiaires le RSA, qui demeure à la fois un revenu minimum pour celles et ceux qui n’ont pas d’activité et un complément de revenu pour celles et ceux qui ont une activité faible. Au contraire, un mécanisme de sauvegarde a été institué durant l’examen du texte par l’Assemblée nationale et le Sénat afin que le président du conseil général réunisse une équipe pluridisciplinaire et recueille des avis contradictoires avant de prendre une éventuelle décision de suspension du RSA. Les procédures ont donc été renforcées par rapport au RMI.

Les conséquences de la conjoncture économique sur le RSA peuvent être doubles.

En premier lieu, une augmentation de l’inactivité aurait le même impact que précédemment sur le RMI, sans avoir aucune conséquence sur le financement du RSA, car cela ne concernerait que le RSA « socle ». C’est pourquoi le Gouvernement a décidé, dans le cadre d’une autre mission, de reconduire à hauteur de 500 millions d’euros le fonds de mobilisation pour le RMI, qui aurait dû être supprimé à la fin de l’année et n’est pas compris dans le 1,5 milliard attribué au RSA ; cela permettra de soutenir les conseils généraux confrontés à une inversion de tendance.

En second lieu, le RSA ayant un rôle d’amortisseur des baisses de revenus des personnes en chômage partiel, le risque est qu’il y soit davantage recouru.

Tel qu’il a été prévu, le financement est bien calibré. C’est la dépense qui le guidera, et non la recette. Je vous rappelle qu’on n’a jamais gagé les économies attendues d’un taux de retour à l’emploi supérieur au revenu de solidarité active et que, comme le montrent les tableaux qui vous ont été communiqués, il est prévu que le Fonds de solidarité active devrait être excédentaire en 2009 par rapport aux dépenses programmées. Les futurs allocataires du RSA ne doivent donc pas s’inquiéter de la pérennité et de la solidité de ce dispositif.

Il n’en faut pas moins préparer les mesures complémentaires qui pourraient se révéler nécessaires. Il s’agit en effet de tenir le cap et de faire en sorte que la pauvreté n’augmente pas. Nous disposons pour ce faire de trois formes de soutien aux faibles revenus : les aides au logement, le revenu de solidarité active et la prime pour l’emploi. Le Gouvernement est prêt à étudier dès les prochains jours avec les différents groupes politiques les mesures qui, en fonction des craintes qui peuvent se faire jour pour les différentes tranches de revenus, pourraient être envisagées pour faire jouer à ces différents leviers leur rôle d’amortisseur.

À la différence des grandes crises d’avant-guerre, nous disposons aujourd’hui d’un système de protection sociale, lequel doit pouvoir jouer à plein, sans que, comme le soulignait le président Méhaignerie, certains n’aient à craindre d’être rattrapés par d’autres. De fait, l’indemnisation du chômage est prise en compte dans la base ressources comme un salaire : celui qui travaille à mi-temps percevra donc moins que celui qui travaille à plein-temps, et celui qui travaille à plein-temps et a des charges de famille percevra le complément de revenu de solidarité active, de telle sorte que les écarts seront maintenus. Nous devons à la fois éviter que la perte d’activité conduise à la pauvreté et maintenir la hiérarchie des revenus, de telle sorte que celui qui travaille plus ait des revenus plus élevés que celui qui travaille moins. Nous disposons désormais des outils nécessaires pour faire face à ces impératifs.

J’ajoute que je recevrai cette semaine les associations et les différents acteurs sociaux pour évoquer les indicateurs dont nous avons besoin de disposer régulièrement, sans attendre la publication des chiffres de l’INSEE, et qui seront établis grâce à un suivi mis en œuvre à compter du mois de novembre. Nous devons, en effet, tenir les rênes courtes. L’objectif qui m’a été confié de ne pas laisser croître la pauvreté n’est pas subordonné à la conjoncture ou aux cours de la Bourse. Le cours que nous suivons est celui de la pauvreté et nous le faisons avec vigilance afin d’être en mesure, même si d’autres indicateurs sont mauvais, de continuer à assurer une protection aux plus faibles.

Mme Martine Billard. Et les jeunes ?

M. le haut commissaire. Les crédits destinés au soutien aux jeunes ne disparaissent pas et ne sont pas dilapidés : ils figurent dans la mission « Emploi », avec par exemple le soutien aux missions locales, au CIVIS ou au Fonds d’insertion pour les jeunes, ou dans la mission « Vie et logement », avec les crédits destinés aux points d’accueil et d’écoute des jeunes, aux contrats d’autonomie et au plan banlieue. Certains crédits sont en outre décentralisés, comme ceux de la protection des jeunes mineurs. Un document de politique transversale sur les jeunes pourrait permettre de suivre l’évolution de ces crédits d’une année sur l’autre.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité. Monsieur le rapporteur spécial Binetruy, vous avez évoqué le handicap en rappelant la loi fondatrice du 11 février 2005 et les 5 millions de personnes touchées par le handicap – les personnes handicapées et leurs familles –, et demandé l’état d’avancement de la préparation des décrets d’application et des documents réglementaires.

Depuis la promulgation de la loi, 120 décrets et arrêtés ont été pris en trois ans, élaborés en totale concertation avec le secteur, notamment avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées – le CNCPH –, ce qui a représenté un travail considérable, actuellement en cours de finalisation. L’année 2008 devrait voir l’achèvement de ce volumineux travail de publication. Il ne reste plus en effet que quelques textes à publier, qui le seront avant la fin de l’année.

Un premier texte permettant aux travailleurs en établissements d’aide par le travail, ou ESAT, d’accéder à la validation des acquis de l’expérience est désormais signé et en cours de publication.

Un autre texte, qui précise les obligations des établissements prenant en charge les adultes qui n’ont pu acquérir un minimum d’autonomie, est en cours de signature.

Un troisième est consacré aux associations, et en particulier celles qui fédèrent les familles de personnes handicapées mentales, qui attendent également la publication du décret permettant aux personnes handicapées de continuer à bénéficier du régime favorable d’aide sociale à l’hébergement dont elles bénéficient lorsqu’elles passent en EPAD. Ces deux décrets, actuellement en cours d’examen par le Conseil d’État, ont recueilli l’avis favorable des associations représentées au sein du CNCPH et des représentants des départements. Le processus est donc pratiquement achevé.

Un autre décret, portant sur l’accessibilité des lieux de travail, est très attendu. Nous avons dû attendre sur ce point l’avis de la Commission européenne, qui vient de nous être transmis après plusieurs relances. Le texte est actuellement devant le Conseil d’État et sera publié d’ici la fin de l’année.

Un autre enfin, consacré aux modalités de coopération entre éducation ordinaire et éducation adaptée et accompagné d’un arrêté dans le même sens, est actuellement soumis au Conseil supérieur de l’éducation et au Conseil d’État.

Le rapport qui doit faire suite à la conférence nationale du handicap tenue le 10 juin dernier est conçu comme l’aboutissement de la concertation que nous avons menée durant six mois avec toutes les associations pour préparer cette conférence. Sept groupes de travail se sont réunis autour des sujets que nous avons évoqués aujourd’hui, dont les maisons départementales des personnes handicapées, ou MDPH. Les propositions formulées par ces groupes ont déjà été utilisées dans le cadre de l’élaboration des réformes annoncées lors de la conférence : réforme de l’AAH, pacte national pour l’emploi, orientation sur la prise en compte du handicap dans le cinquième risque, plan pluriannuel de création de places. Le Gouvernement souhaite pouvoir soumettre ce rapport au CNCPH au mois de décembre, pour le déposer sur le bureau des deux assemblées avant la fin de l’année.

Comme vous le rappelez, la loi prévoit la possibilité pour les parlementaires de demander l’organisation d’un débat sur ce rapport. Le Gouvernement souhaite bien évidemment que le législateur se mobilise autour de cette question et l’en saisisse. Le quatrième anniversaire de loi pourrait être une excellente occasion d’organiser ce débat.

Enfin, vous vous êtes fait l’écho des interrogations du secteur médico-social quant à son intégration dans les futures agences régionales de santé – les ARS. Celle-ci est une occasion unique de supprimer ce cloisonnement et de mieux articuler nos politiques sanitaire et médico-sociale.

Dans le domaine de la planification de l’offre de soins et de services, les ARS pourront apporter une véritable plus-value. Les exercices de planification et de programmation sont aujourd’hui insatisfaisants à plusieurs égards. D’abord, la planification de l’offre d’établissements et de services médico-sociaux n’est pas coordonnée avec la planification hospitalière et le partage des compétences entre les conseils généraux et l’État dans deux exercices de programmation parallèles – et parfois même contradictoires – fait perdre du temps à la mise en œuvre de ces programmes. Les ARS vont permettre cette approche commune indispensable pour reconvertir à plus grande échelle les lits d’hôpitaux en lits médico-sociaux dans les territoires où ces redéploiements sont nécessaires. Le principe d’une recomposition d’une partie de l’offre hospitalière vers le médico-social fait donc consensus, mais une des premières tâches des ARS sera de mettre en œuvre le principe de fongibilité asymétrique : s’il est possible que des moyens puissent passer du secteur sanitaire vers le médico-social, l’inverse ne l’est pas, ce qui permet de sécuriser les moyens et la spécificité du médico-social.

Par ailleurs les ARS doivent permettre d’améliorer et d’accélérer les procédures de création de places nouvelles dans le secteur médico-social. L’actuelle procédure d’autorisation est centrée sur les comités régionaux d’organisation sanitaire et médico-sociale, ou CROSMS. Cette procédure très lourde ne joue pas son rôle de filtre, car la grande majorité des projets recueille un avis positif, le filtre réel ne jouant que plus tard, avec l’attribution des financements. Nous voulons, dans la perspective du cinquième risque, réformer en profondeur la procédure d’autorisation et de création de places en supprimant les CROSMS dans leur format actuel et en les remplaçant par une procédure d’appel à projets, sur la base de plans stratégiques régionaux de santé.

Enfin, les prises en charge médico-sociales sont à la croisée des compétences de l’État et des départements. Il est donc primordial que les conseils généraux trouvent leur juste place dans la gouvernance des agences régionales de santé. Ils seront donc représentés au sein du conseil de l’ARS et, surtout, membres d’une commission des planificateurs au sein de laquelle les exercices de planification pourraient être articulés entre l’État et les départements dans le respect des compétences de chacun, et membres de la commission chargée des appels à projet pour la création de places nouvelles. À chaque stade du fonctionnement de ces agences, un véritable travail de coproduction des programmations doit s’engager entre les départements l’État. Nous allons nous y employer.

Enfin, le chantier des ARS doit permettre d’améliorer le pilotage national des politiques médico-sociales. La CNSA doit être confortée dans son rôle d’agence chargée du cinquième risque. En tant que maître d’œuvre, elle pourrait ainsi se voir confier l’animation des ARS dans leur compétence médico-sociale, dans le cadre de la coordination assurée par le Conseil stratégique de santé.

Madame la rapporteure spéciale Bérengère Poletti, je vous remercie pour tout votre travail en faveur de l’emploi des personnes handicapées au titre des différents groupes que vous pilotez. Vous avez raison : la création des MDPH est un élément central de la réforme de 2005, qui a permis d’engager au plan local un véritable travail partenarial sur la politique d’accompagnement des personnes handicapées. Il nous faut éviter à tout prix que leurs difficultés actuelles ne viennent jeter un doute sur leur utilité essentielle.

Votre rapport, qui recoupe pleinement l’analyse du Gouvernement quant aux difficultés de fonctionnement des MDPH, sera précieux pour bâtir des solutions à long terme. Deux ans et demi après leur création, les difficultés qu’elles rencontrent sont indéniables et persistent en dépit des moyens importants qui leur ont été consacrés par l’État et par la CNSA. Ces difficultés sont de deux ordres.

Elles sont d’abord liées à la révolution culturelle que nous avons demandé aux équipes d’accomplir en un temps record : il a fallu que les MDPH passent d’un traitement administratif de masse à l’accompagnement individualisé de chaque personne handicapée pour bâtir son projet de vie. Elles sont également, reconnaissons-le, liées aux problèmes de constitution et de gestion des équipes, notamment du fait des conditions de la mise à disposition des personnels de l’État. Celui-ci s’est engagé à compenser financièrement les postes devenus vacants à la suite de départs à la retraite ou de mutations. Nous venons de recevoir le dernier relevé de situation, MDPH par MDPH ; sur la base de cette analyse fine, nous faisons en sorte que l’engagement de l’État soit tenu d’ici à la fin de l’année. En 2009, 2010 et 2011, nous poursuivrons la même démarche, mais en l’articulant avec la mise en place du cinquième risque, avec la révision générale des politiques publiques, avec le statut futur des MDPH et avec celui des professionnels, tout cela devant former un tout cohérent.

Plus largement, dans le cadre de la Conférence nationale du handicap, le Président de la République nous a demandé d’atteindre deux objectifs. Le premier est de continuer à améliorer la qualité du service rendu aux personnes handicapées et à leurs familles ; dans ce but, nous allons engager avec les associations et les MDPH un travail de simplification des procédures et de formation des professionnels des maisons. Le deuxième est de faire évoluer le statut des MDPH et de leurs personnels pour leur permettre de remplir pleinement leurs missions : nous avons demandé à l’IGAS, en lien avec le Secrétariat général du ministère, la DGAS et la CNSA, d’approfondir l’expertise technique des différentes pistes ; les conclusions de ce travail sont attendues pour la fin de l’année, et nous pourrons les traduire dans la loi à l’occasion du texte sur le cinquième risque.

Vous vous êtes également inquiétée de l’avenir des fonds départementaux de compensation, dont la mission est de mutualiser les contributions volontaires de l’État, des départements, des organismes de sécurité sociale et des mutuelles pour aider les personnes à couvrir leurs frais de compensation. En 2006 comme en 2007, l’État a abondé ces fonds à hauteur de 14 millions ; mais le bilan de leur activité réalisé fin 2007 montre que leur montée en charge est très lente : ils avaient dépensé à peine la moitié des contributions qu’ils avaient reçues des différents financeurs. L’État a donc décidé de faire une pause dans leur abondement, considérant que les réserves accumulées leur permettent de poursuivre leur action. Un nouvel abondement sera envisagé dans les années à venir au vu de l’état de consommation de leurs crédits ; bien sûr, nous regardons cela avec beaucoup d’attention.

La dotation de la CNSA a été augmentée pour permettre la mise en place des outils informatiques : en 2007, à une dotation pérenne de 30 millions s’était ajoutée une dotation exceptionnelle de 20 millions ; en 2008, on est passé à une dotation pérenne de 45 millions, qui est donc maintenue.

En ce qui concerne le GEVA, le guide d’évaluation, nous avons confié une mission de suivi à la CNSA, qui pourra faire toute proposition de simplification, en lien, bien sûr, avec les associations concernées.

Depuis avril 2008, conformément au calendrier fixé par la loi de 2005, la prestation de compensation du handicap – PCH – est ouverte aux enfants. Quatre décrets sont parus au JO. La première étape a pris la forme d’un droit d’option entre les compléments d’allocation d’éducation de l’enfant handicapé – AEEH – et la PCH, ce qui permet un progrès immédiat pour les situations les plus difficiles, mais impose un délai supplémentaire pour beaucoup de familles. Une seconde étape reste donc nécessaire pour adapter la PCH aux spécificités de la compensation du handicap chez l’enfant, laquelle passe notamment par la prise en charge de ses besoins éducatifs. Nous avons mis en place un groupe de travail, copiloté par M. Gohet, délégué interministériel aux personnes handicapées, et par l’IGAS, pour faire des propositions en ce sens et suggérer une ligne de partage entre les besoins relevant d’une prestation familiale et ceux relevant de la PCH. Une large concertation s’ensuivra au cours de l’année 2009. La question des besoins éducatifs au-delà de l’enfance sera également posée, pour les adultes atteints d’un handicap mental, psychique ou cognitif.

Madame Carrillon-Couvreur, nous tenons bien sûr l’engagement pris par le Président de la République sur l’AAH. La progression est de 25 % sur cinq ans, soit à terme une dépense annuelle supplémentaire de 1,5 milliard : c’est un effort considérable. S’y ajoute l’engagement pris dans le cadre de la Conférence sur le handicap de créer 50 000 places en établissements et services, ce qui représente également une dépense supplémentaire de 1,5 milliard.

Concernant la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, vous n’avez pas à craindre une pénalisation : il n’est pas question de dire que toutes les personnes handicapées doivent travailler, et d’ailleurs nous encourageons la création de places en établissement ; mais trop de personnes en situation de handicap qui souhaiteraient travailler ne bénéficient pas de l’accompagnement nécessaire, qui passe par une évaluation du niveau de qualification et des compétences. Nous voulons que toutes les personnes qui ont envie d’être autonomes puissent l’être, et que nul ne soit perdant en cas de cumul entre AAH et revenu d’une activité à temps partiel – étant entendu que nombre de personnes, du fait de leur handicap, ne pourront jamais travailler plus que quelques heures par mois. L’intéressement existait déjà dans l’AAH, il s’agissait donc de l’améliorer. Dans le nouveau dispositif, les ressources seront déclarées chaque trimestre, afin que l’allocation versée s’ajuste plus rapidement à l’évolution de la situation du bénéficiaire ; c’est un réel progrès par rapport à l’actuel décalage d’un an. D’autre part, allocation et salaire pourront être cumulés intégralement pendant les six premiers mois suivant l’accès à l’emploi. Après cette période, les personnes pourront cumuler de façon pérenne leur salaire et une AAH partielle, calculée en fonction d’un abattement unique sur les revenus d’activité de 80 % en deçà de 0,4 SMIC et de 40 % au-delà. Ainsi, une personne handicapée touchant 400 euros de salaire conservera une AAH de 573 euros : c’est 118 euros de plus qu’aujourd’hui. Une personne handicapée travaillant à temps plein au SMIC conservera une AAH de 213 euros, alors qu’aujourd’hui elle perdrait tous ses droits. Une AAH partielle sera versée jusqu’à 1,3 SMIC, tandis que c’est aujourd’hui jusqu’à 1 SMIC.

Concernant les ESAT, la politique du Gouvernement vise à l’équité : les établissements les moins bien dotés se voient attribuer des augmentations supérieures, tandis que les établissements les mieux dotés, qui dépassent les tarifs plafonds – lesquels sont définis par arrêté pour les EHPAD depuis 2008, et le seront en 2009 pour les ESAT –, sont appelés à faire des efforts de gestion. Le Gouvernement développe une démarche de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens – CPOM –, destinés à accompagner les établissements dans leurs démarches de réorganisation. Elle vise à dépasser le principe de l’annualité budgétaire pour inscrire la gestion de l’établissement dans la durée et adapter les financements en fonction de l’orientation de l’activité. Pour les établissements pour personnes handicapées, la signature de ces contrats entraîne également le passage d’une tarification au prix de journée à une tarification en dotation globale. Le Gouvernement consacre en 2009 24 millions à ces contrats.

J’en viens à la formation des auxiliaires de vie scolaire – AVS –, qui permettent de scolariser 10 000 enfants supplémentaires chaque année. Nous travaillons avec le ministère de l’éducation nationale sur ce sujet, que nous avons intégré dans l’expérimentation de notre plan métiers sur le médico-social ; il s’agit de faciliter l’accès à la formation ainsi que l’accès à la VAE après trois ans d’expérience professionnelle.

Un groupe de travail partenarial entre le ministère chargé de la solidarité et celui de l’éducation nationale doit aussi avancer sur la question du statut des AVS, lesquels, du traducteur en langage des signes à l’accompagnateur d’un handicapé moteur, ont des fonctions et des formations très diverses et peuvent autant occuper un poste temporaire en contrat aidé qu’un emploi qualifiant. Il faut donc faire évoluer ce statut.

Enfin, la politique en faveur des droits des femmes ne se résume évidemment pas aux quelques millions qui peuvent apparaître dans ce budget : c’est une politique transversale, et un document tout aussi transversal est indispensable pour avancer. Nous y avons travaillé avec l’ensemble des ministères concernés et, après une année de concertation, nous sommes en ordre de marche. Nous accueillons donc très favorablement la proposition d’amendement de M. Binetruy tendant à créer ce DPT. Quant au service des droits des femmes et de l’égalité, ce n’est pas son appellation qui est en cause : notre volonté, en créant une délégation interministérielle aux droits des femmes, est de donner toute sa force justement au caractère interministériel de cette politique. Il ne s’agit pas de supprimer le service mais de créer une structure directement rattachée à la direction générale de la cohésion sociale, dotée d’un budget particulier et d’un document de politique transversale et qui remplira les attentes notamment européennes concernant la visibilité de l’ensemble de l’effort que nous consentons en la matière.

En ce qui concerne la question du soutien aux associations et du saupoudrage des crédits, toujours dans le domaine des droits des femmes, notre volonté a été de privilégier nos relations avec les associations têtes de réseau et les grandes structures nationales dont des conventions pluriannuelles d’objectifs et de moyens, au contenu fixé selon les priorités du ministère, constituent la feuille de route. Le nombre des petites subventions éparses va être réduit, du fait de l’évolution de l’ensemble de notre politique de contractualisation avec les associations. Un cours de cuisine, par exemple, n’est pas par essence une activité à subventionner ou non. S’il a lieu dans un cadre structuré, en liaison avec une école de consommateurs d’un quartier difficile, et qu’il fait partie d’une action d’ensemble d’apprentissage de l’économie familiale et d’aide à la gestion d’un budget, menée par des associations professionnalisées qui poursuivent des objectifs pluriannuels et dont l’action est évaluée à terme, c’est une subvention utile. Ce ne l’est pas si c’est un cours sans projet d’ensemble ni suivi dans le temps. Je crois beaucoup à de telles politiques coordonnées.

En ce qui concerne l’évolution du SDFE, j’ajoute que le caractère transversal de l’action pour les droits des femmes sera préservé à l’échelon des régions, avec un rattachement au SGAR des délégués régionaux aux droits des femmes.

Pour tout ce qui concerne les stéréotypes de genre, il faut agir à deux niveaux. Au niveau éducatif d’abord, une convention interministérielle a été chargée par Xavier Darcos, sous la direction de Mme Philippe, recteur d’académie, de réfléchir aux diverses actions de sensibilisation et de prévention à mener au sein de l’école. Parallèlement, il faut accomplir un travail plus général. Le rapport sur l’image des femmes dans les médias par exemple, qui donne une idée édifiante des progrès qui restent à faire, a présenté des propositions sur lesquelles nous sommes en train de travailler. Il sera par ailleurs nécessaire de former les conseillers d’orientation à la promotion de la mixité et de la diversification des filières et de favoriser leur coopération avec les équipes pédagogiques et le monde des entreprises afin de créer une synergie en la matière.

La question de la retraite des femmes a été abondamment traitée par Xavier Bertrand au cours de la discussion budgétaire. Nous sommes mobilisés sur ce point et conscients qu’il faut continuer l’effort. Quant à l’égalité professionnelle et salariale, un travail important est en cours d’élaboration pour concrétiser l’engagement pris à l’occasion du conseil national sur l’égalité de sanctionner les entreprises qui ne mettraient pas en œuvre leur plan de réduction des écarts salariaux. L’égalité professionnelle sera, au même titre que les violences faites aux femmes, au cœur de nos efforts pour 2009.

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la familleJe dois répondre à deux questions de M. Binetruy. La première concerne la pérennité du programme « Actions en faveur des familles vulnérables », dont 71 % des crédits sont consacrés à l’allocation parent isolé qui sera supprimée en cours d’année et intégrée dans le RSA – cela nous a en effet semblé une façon de tirer vers le haut ces personnes en situation d’isolement. Un groupe de travail a été constitué pour réfléchir à l’adaptation de ce programme. Quant à l’exonération de charges sur les indemnités des correspondants territoriaux de la Défenseure des enfants, Xavier Bertrand a donné son accord de principe mais nous nous heurtons à cette difficulté que les correspondants territoriaux ne sont pas inscrits dans la loi. Même si le budget nécessaire à cette exonération est très faible, il sera nécessaire, ne serait-ce que pour pérenniser le dispositif, de clarifier la situation législative.

M. le président Didier Migaud. Nous en venons à une nouvelle série de questions.

M. Christophe Sirugue.  Ma première question concerne le programme 304, chargé de financer la généralisation du RSA et qui, après le transfert vers la mission « Ville et logement » de tout ce qui a trait aux CHRS et à l’hébergement d’urgence et vers la mission « Santé » de la CMU complémentaire, reste seul dispositif d’importance de votre mission. C’est le signe que vous faites le pari de sa réussite, mais le RSA est un dispositif de retour à l’emploi. Or, la priorité pour des personnes fragilisées en situation d‘exclusion n’est pas toujours le retour à l’emploi, mais souvent des problèmes de santé et de logement ou des difficultés familiales. Comment doit-on comprendre cette orientation prioritaire des politiques d’insertion vers le retour à l’emploi, et le retour en force des contrats aidés – après que vous avez fait la démonstration qu’ils devaient absolument être remplacés par des contrats à durée indéterminée d’insertion ? Comment tout cela s’organise-t-il ?

Je m’interroge également sur l’absence des moyens qui permettraient un accompagnement fort de ces dispositifs, d’autant plus nécessaire à leur réussite que le contexte économique et social s’est dégradé depuis le vote de la loi généralisant le RSA. Je me demande notamment comment l’insertion professionnelle des allocataires sera assurée alors que la fonction publique devrait perdre 30 000 agents en 2009. Dans quelle mesure le service public de l’emploi en sera-t-il affecté ?

Vous nous dites par ailleurs, monsieur le haut-commissaire, que l’accompagnement des jeunes bénéficie de crédits en provenance d’autres programmes. Sauf erreur, je n’ai pas constaté de hausse sensible des crédits consacrés aux missions locales et autres dispositifs destinés spécifiquement à ce public.

Je m’interroge enfin sur l’amendement voté par le Sénat qui permet aux entreprises de s’exonérer de leurs obligations d’emploi de travailleurs handicapés en employant des stagiaires rémunérés à 30 % du SMIC. Il est surprenant de voir surgir une telle proposition, quoiqu’il ne s’agisse que d’une demi-surprise, un amendement similaire ayant déjà été déposé lors de l’examen du texte par l’Assemblée nationale. Quoi qu’il en soit, cette mesure, qui constitue un recul en matière d’insertion professionnelle des personnes handicapées, appelle de plus amples précisions.

Mme Chantal Brunel. Je voudrais faire deux remarques avant de vous proposer un amendement.

Je veux d’abord souligner, après le haut-commissaire, la nécessité de mesurer l’impact de la situation économique actuelle sur les populations les plus en difficulté. Si je vous ai bien compris, nous pouvons nous féliciter d’une progression contenue du nombre des allocataires du RMI, celui-ci n’augmentant que d’1 %. On ressent cependant une certaine désespérance, et il sera intéressant que vous nous fassiez part, après avoir rencontré les associations en charge des plus pauvres, de leur sentiment à ce sujet.

Je voudrais également, madame Létard, souligner la nécessité pour votre administration de collaborer avec le ministère de l’immigration s’agissant du droit des femmes, car les femmes issues de l’immigration nous posent un vrai problème en la matière. Sous la précédente législature, nous avions, à mon initiative, voté à l’unanimité un amendement permettant de confier les prestations familles à un tuteur quand la famille vit en situation de polygamie : il s’agissait d’éviter que les prestations familiales, qui doivent bénéficier aux enfants et permettre aux femmes d’échapper à la cohabitation, ne deviennent un salaire pour l’homme.

Mme Martine Billard. Nous demandions qu’elles soient versées aux femmes elles-mêmes, non à un tuteur !

Mme Chantal Brunel. J’aimerais savoir pourquoi cette disposition a disparu.

L’amendement que nous vous proposons tend à élever le plafond au-delà duquel les rentes viagères constituées dans le cadre d’un contrat épargne handicap par la personne handicapée sont exclues du montant des ressources servant au calcul de l’AAH. Comme vous le savez, ces rentes viagères constituent, à côté des rentes survie constituées par les parents au profit de leur enfant handicapé, une possibilité de constituer un complément de ressources. Ce contrat est souscrit par la personne handicapée, même si les parents contribuent à l’épargne.

Mais contrairement aux rentes survie, le montant imposable des rentes issues d’un contrat épargne handicap ne doit pas excéder 1 830 euros annuels. Ce montant, fixé en 1990, n’a jamais été revalorisé. S’il excède ce montant très modeste, puisque cela représente environ 150 euros par mois, l’AHH est diminuée d’autant.

Voilà pourquoi nous vous proposons d’adopter un article additionnel après l’article 76 visant à porter à 2 875 euros le montant annuel des rentes survie ou des contrats d’épargne handicap servant au calcul de l’AAH. Le montant de 2 875 euros que nous vous proposons correspond à une moyenne établie à partir de 6 000 contrats.

Vous m’objecterez, messieurs les présidents, que cet amendement tombe sous le coup de l’article 40, et je n’en disconviens pas. Mais à un moment où l’État distribue des garanties de plusieurs milliards, le Gouvernement ne pourrait-il pas faire ce geste d’un coût très modique ? Cela fait tout de même dix-huit ans que ce montant n’a pas été revalorisé ! Ce serait un signe fort en direction des parents d’enfants handicapés.

M. le président Didier Migaud. Aussi légitime soit-elle, votre proposition n’est pas recevable au regard de l’article 40 de la Constitution, qui nous interdit d’aggraver les charges publiques. Le Gouvernement, en revanche, a tout à fait le droit de reprendre votre proposition à son compte.

M. Jean-Marie Binetruy, rapporteur spécialJ’aimerais, Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, que vous nous disiez quelques mots sur la montée en charge de l’Agence française de l’adoption, qui n’est pas tout à fait à la hauteur de ce que nous en attendions.

M. Armand Jung. J’aimerais, madame Létard, que vous complétiez votre réponse concernant les conditions d’attribution de l’AHH, et les mécanismes de cumul entre cette allocation et un salaire.

Les conditions d’attribution liées au handicap sont totalement incohérentes et contraires à l’esprit du RSA, notamment lorsque le taux d’incapacité est compris entre 50 et 80 %. Dans ce cas, la personne handicapée ne doit pas avoir occupé d’emploi depuis un an ! Cette condition d’inactivité, que vous vous proposez très justement de supprimer, est une première incohérence : pourquoi travailler s’il suffit d’attendre un an sans rien faire ?

Deuxième incohérence, si cette personne travaille ne serait-ce que quelques heures par semaine, son allocation sera diminuée du montant des revenus qu’elle tire de ces quelques heures, ce qui la dissuade également de travailler. Vous avez remédié à la première absurdité, mais ne semblez pas avoir trouvé le moyen de supprimer la seconde. Pourriez-vous nous rappeler quelles sont les conditions nouvelles d’attribution de l’AHH – vous les avez déjà énumérées, mais je n’ai pas eu le temps de noter – et sous quelle forme elles seront décidées ?

Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité. Par décret.

M. Armand Jung. Sachez, madame Létard, que des centaines de personnes vivent ces deux situations, et préfèrent regarder passer les trains plutôt qu’on défalque ces revenus modestes de leur allocation. Je voulais vous signaler la perversité du mécanisme, et je jugerai vos propositions à l’aune de leur application concrète.

M. Jean-Marc Lefranc. Si j’avais été membre de la commission des affaires sociales, j’aurais volontiers cosigné l’amendement déposé par Chantal Brunel et Benoist Apparu.

Vous devez savoir que ce type de contrat ne prévoit pas de possibilité de capitalisation : ce n’est qu’au moment du décès de ses parents que la personne handicapée en bénéficie ; si le versement des primes est interrompu pendant quelque temps ou si le bénéficiaire décède prématurément, les fonds sont perdus, sauf pour l’assureur.

Le montant de 2 875 euros n’a pas été arbitrairement retenu : il a été établi à partir de l’étude de 6 000 contrats, répartis en quatre classes : le montant d’une classe étant d’environ 718 euros, il suffit de le multiplier par quatre pour parvenir à ce chiffre.

Si je comprends aisément que M. le président de la commission des finances oppose l’irrecevabilité à cet amendement, il serait important, madame la secrétaire d’État, puisque vous disposez du pouvoir réglementaire, que vous augmentiez sensiblement ce plafond. Il faut que, dans le cas des rentes survie, la fratrie ne soit plus pénalisée, et dans le cas du contrat épargne handicap, que les sommes soient restituées aux ayants droit.

Je salue par ailleurs, madame la secrétaire d’État, votre volonté de venir en aide aux personnes handicapées, que traduit la valorisation de l’AHH de 25 % en cinq ans.

Mme Catherine Coutelle. Je poserai tout d’abord une question à M. le haut commissaire. L’API, qui était une allocation à caractère familial, ne change-t-elle pas de nature avec son inclusion dans le RSA ?

Par ailleurs, les tableaux très intéressants qui nous ont été donnés m’inspirent une remarque : est-il normal que les ménages très modestes voient leurs impôts augmenter de 5,6 à 6,3 % alors que, pour d’autres, les impôts restent constants ?

J’en viens au programme « Égalité entre les hommes et les femmes ». Je suis désolée, madame la secrétaire d’État chargée de la solidarité, de ne pas partager votre enthousiasme s’agissant du caractère transversal de votre champ d’action. Notre groupe, je le répète, regrette l’absence d’un ministère ou d’un secrétariat d’État consacré aux droits des femmes. Nous avons besoin, en ce domaine, d’initiatives législatives importantes et d’une plus grande visibilité politique.

Je suis très inquiète de lire, à la page 7 du rapport, qu’il n’est pas exclu d’intégrer le programme dans un ensemble plus vaste.

Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité. Il ne le sera pas.

Mme Catherine Coutelle. J’ai rencontré récemment un préfet de région, venu présenter les dispositions de la RGPP : il a été incapable de me dire où se trouvait le service dédié aux droits des femmes – sans doute parce son rattachement au SGAR est encore récent. Voilà qui est symptomatique du manque de lisibilité de l’organisation administrative.

En ce qui concerne l’égalité professionnelle, vous insistez sur l’accès aux métiers, l’orientation, les bourses destinées aux jeunes filles, etc. Mais les femmes subissent toujours un différentiel de rémunération de plus de 19 %. Dans le cadre de la convention tripartite que vous avez conclue l’an dernier avec Xavier Bertrand, vous vous êtes donné pour objectif de réduire cette inégalité dès 2012. Le Président de la République, lui, parle de 2010. Comment serez-vous en mesure d’y parvenir ?

De même, les femmes se voient plus souvent proposer des CDD, et sont souvent contraintes d’accepter des horaires partiels, quand beaucoup préféreraient des temps pleins. C’est pourquoi elles sont les plus nombreuses parmi les travailleurs pauvres. Or je ne vois aucune politique volontariste destinée à réduire ces inégalités.

Par ailleurs, la nation doit poursuivre son effort de lutte contre le fléau de la violence conjugale. En plus de ses conséquences dramatiques pour les personnes concernées, nous arrivons aujourd’hui à en mesurer l’impact financier, considérable. Quels sont vos objectifs en ce domaine ?

J’ai assisté, à l’Assemblée, à un colloque sur les femmes et le VIH, et j’ai découvert à cette occasion que les femmes, qui représentaient en 1997 5 % des malades du sida, en représentent aujourd’hui 47 %. Les associations présentes ont noté le manque manifeste de recherche consacrée à cette question.

Enfin, je souhaitais intervenir sur l’articulation des temps de vie, un sujet qui me tient à cœur, puisque des politiques que j’ai conduites de manière expérimentale tendent aujourd’hui à s’étendre par l’intermédiaire des associations. Je remarque tout d’abord que ce sujet ne devrait pas concerner seulement les femmes. Si c’est le cas, c’est uniquement parce que le temps consacré par les hommes aux tâches ménagères n’a augmenté, selon l’INSEE, que de sept minutes quotidiennes en vingt ans.

Avec 800 000 naissances par an, la France s’enorgueillit d’une démographie dynamique. Mais elle n’est pas le pays dans lequel le congé de maternité dure le plus longtemps – même si je sais que l’Union européenne, et sans doute le Gouvernement, dans le cadre de la présidence française, travaillent à un allongement. On sait par ailleurs que seule l’existence d’un grand nombre de places d’accueil pour les enfants permet aux femmes de reprendre leur vie professionnelle. En ce domaine, on observe plusieurs signes inquiétants : le taux de scolarisation des deux-trois ans a fortement chuté ; en 2003, le nombre d’enfants de trois ans gardés par des proches a augmenté de 7 % ; enfin, pour un tiers des mères ayant pris un congé parental, il s’agissait d’un choix contraint. Or, on sait que ce sont les femmes les moins qualifiées qui s’arrêtent le plus souvent de travailler jusqu’à ce que leur enfant ait trois ans. Elles ont beaucoup de mal, par la suite, à se réinsérer. Quelle est la politique du Gouvernement dans ce domaine ?

Il faudrait créer 350 000 places de crèche pour répondre aux besoins. Comment pensez-vous être en mesure de présenter, en 2012, une loi faisant de l’accueil en crèche un droit opposable, si le nombre de places créé chaque année n’augmente pas de manière significative ?

Enfin, les places d’accueil classiques ne suffiront pas, car nous sommes dans une société où les horaires décalés se multiplient. Ainsi, pour ne citer que deux phénomènes qui bousculent les rythmes des familles, on parle d’autoriser le travail le dimanche, tandis que la semaine de quatre jours a été décidée très brutalement par le ministre de l’éducation. Les besoins de garde vont bien au-delà de trois ans, car on n’imagine pas laisser un enfant de cinq ou six ans seul à la maison. De quels moyens serez-vous dotés pour répondre à ces évolutions fortes de la société, qui concernent principalement les femmes ?

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Vous avez, madame la secrétaire d’État chargée de la solidarité, répondu longuement à nos questions, et je vous en remercie. Mais vous ne m’avez pas convaincue s’agissant des ESAT. En effet, la plupart des associations gestionnaires et des directeurs d’établissement sont confrontés à de grandes difficultés financières. Vous avez évoqué un coût de 11 900 euros pour la création de places nouvelles. Mais s’agissant des places existantes, nous sommes sur un tout autre montant, et c’est sur ce point que nous avons besoin de réponses.

Par ailleurs, nous sommes tous convaincus de la nécessité de permettre l’accès à l’emploi des personnes handicapées. Mais les choses ne sont pas si simples. Et pour les 6 000 personnes venant des ESAT qui ont pu trouver un emploi ordinaire grâce au travail des structures d’accompagnement, les possibilités d’un retour en ESAT sont pratiquement nulles, en raison des difficultés de ces établissements.

Vous avez évoqué les maisons de l’autonomie, qui rejoignent les travaux que vous menez autour du cinquième risque. Quelle serait leur forme ? Est-ce que les MDPH vont progressivement évoluer vers ce type de structures ? Quel sera leur champ d’action ? Nous avons compris qu’il y aurait une convergence entre l’accueil des personnes handicapées et celui des personnes ayant perdu l’autonomie. Que deviendraient les CLIC, qui jouent un rôle important dans les départements ? Je conviens qu’il est un peu prématuré de poser de telles questions, mais nous devrons les garder à l’esprit pour la poursuite de nos travaux.

Mme la secrétaire d’État chargée de la famille. M. Binetruy m’a interrogée sur la légère baisse des crédits destinés à l’Agence française de l’adoption. Il s’agit avant tout de s’adapter aux dépenses effectivement réalisées. Nous accompagnerons la montée en puissance de l’AFA grâce à une convention d’objectifs que nous allons définir avec elle.

Un texte portant réforme de l’adoption a été présenté au conseil des ministres. Il concerne d’abord l’adoption internationale, qui représente 80 % des adoptions, et doit permettre d’améliorer le fonctionnement de nos réseaux. Par ailleurs, le programme « Développement solidaire et migrations », sous la responsabilité de Brice Hortefeux, comprend des actions en faveur des orphelinats dans les pays d’origine des migrations. Le financement de l’AFA est donc complété par des fonds directement liés à l’action de terrain.

Mais la réforme concerne également l’adoption d’enfants nés sur notre territoire, et qui passent trop souvent de famille d’accueil en famille d’accueil. Je rappelle que si 28 000 familles, aujourd’hui, détiennent un agrément, nous ne réalisons que 4 000 adoptions. De nombreuses familles ne respectent pas l’obligation de déclarer leur situation à la fin de l’année. Lorsque certains services départementaux mettent leurs informations à jour, on voit tomber le quart des agréments. Nous avons donc besoin d’une meilleure lisibilité en ce domaine.

Pour répondre à votre question sur les modes de garde, madame Coutelle, je rappelle qu’ils relèvent non du projet de loi de finances, mais du projet de loi de financement de la sécurité sociale. J’ai présenté trois mesures à cet égard, notre objectif étant bien de développer des modes de garde adaptés aux territoires et aux contraintes professionnelles des parents.

S’agissant du problème des horaires atypiques, le PLFSS comporte une augmentation de 10 % du complément « mode de garde » versé aux personnes employant une assistante maternelle soit à leur propre domicile, soit au domicile de l’assistante maternelle. C’est une mesure de bon sens, car il coûte plus cher de recourir à quelqu’un pour garder ses enfants tôt le matin, ou tard le soir.

En second lieu, un amendement adopté dans la nuit de vendredi à samedi autorise les assistantes maternelles à se regrouper dans un local commun. Comme l’ont montré les expérimentations menées dans 14 sites, dont 12 dans la Mayenne, ces structures ont l’avantage d’offrir une plus grande amplitude horaire, qui peut aller de 4 heures 30 du matin jusqu’à 21 heures 30. J’ajoute que les assistantes maternelles pourront non seulement se relayer dans la journée, mais également mutualiser leurs moyens et leur expérience, et qu’il s’agit de structures souples, faciles à créer grâce à un dispositif de contractualisation avec les parents et de conventionnement entre les assistantes. Grâce à ce dispositif, nous allons répondre à une forte attente de la part des professionnels, des élus locaux et des familles.

En dernier lieu, le PLFSS pour 2009 assouplira les dispositions relatives au nombre d’enfants que les assistantes maternelles peuvent accueillir. En passant de 3 à 4 enfants – contre 5 dans les pays scandinaves –, nous allons créer 10 000 places supplémentaires.

Les moyens disponibles seront non seulement diversifiés grâce au PLFSS, comme je viens de démontrer, mais ils seront également intensifiés.

Nous allons ainsi « booster » le crédit d’impôt « famille » et le recentrer vers la création de places dans les crèches d’entreprises et les crèches interentreprises. Alors qu’il n’en existe aujourd’hui que 5 000, nous voudrions qu’on en crée au moins autant chaque année. J’ai réuni le MEDEF, l’UPA, la CGPME, la fédération française des crèches privées et la CNAF à cet effet.

Nous souhaitons également optimiser les moyens existants, et par exemple, améliorer le système des crèches hospitalières. Comme nous l’avons déjà fait avec la CAF d’Île-de-France, où l’on compte 30 % de places inoccupées, nous allons signer des conventions sur l’ensemble du territoire afin d’augmenter le taux d’occupation. Rien qu’à Paris, nous perdions 13 millions d’euros par an.

Afin d’atteindre notre objectif de créer entre 200 000 et 400 000 places supplémentaires, ce qui permettra de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle, conformément à l’engagement du Président de la République, nous allons non seulement diversifier les moyens, mais aussi optimiser l’offre existante.

M. le président Pierre Méhaignerie. Puis-je ajouter que lever les enfants à 4 heures 30 du matin pose problème ? Dans la Mayenne, c’est l’assistante maternelle qui se déplace afin d’éviter de lever les enfants si tôt.

Je précise également nous aurions beaucoup de mal à financer tous ces dispositifs sans l’aide du Fonds social européen. Il en coûte tout de même 19 euros de l’heure. J’aimerais savoir si la ministre nous aidera à continuer cette expérience.

Mme Catherine Coutelle. Il existe un dispositif similaire dans ma circonscription, et je peux vous dire que l’on se heurte à d’immenses difficultés en raison de la réduction des crédits communautaires et de la complexité de la réglementation en vigueur.

M. le président Pierre Méhaignerie. J’ajoute que chez moi les publics concernés sont à 90 % des ouvrières, ce qui n’est pas rien.

Mme Chantal Brunel. Le nombre d’enfants que les assistantes maternelles pourront accueillir étant porté à 4, j’aimerais savoir s’il y aura un contrôle sur les locaux, bien souvent très petits dans les grandes villes.

Mme la secrétaire d’État chargée de la famille. Si j’ai décidé d’abonder le complément « mode de garde » pour les familles employant une assistante à domicile, c’est précisément en m’inspirant de l’action menée par le Président Méhaignerie au plan local.

Je suis d’accord que la meilleure solution n’est pas de lever les enfants à 4 heures 30 du matin, mais nous devons également respecter la liberté de choix des parents. Les mères que j’ai rencontrées m’ont expliqué que leurs enfants ne se réveillaient quasiment pas quand elles les emmenaient chez l’assistante maternelle. D’autre part, toutes les familles n’aiment pas l’idée qu’une personne se rende à leur domicile pour garder les enfants. Par conséquent, donnons-leur toutes les options.

Il n’en reste pas moins que j’appuierai les demandes auprès du Fonds social européen. Je suis également consciente que nous devrons veiller à assouplir les contraintes, souvent injustifiées dans notre pays.

Pour répondre à Mme Brunel, je précise qu’il y aura un agrément, qui tiendra notamment compte des locaux.

S’agissant de la polygamie, un groupe de travail a été constitué, mais nous ne sommes pas tout à fait parvenus au terme de notre réflexion. L’instauration d’un tuteur nous a semblé très complexe. Le versement direct des allocations aux femmes l’est un peu moins, mais il faut continuer à étudier cette question. Évitons une nouvelle usine à gaz.

Mme Chantal Brunel. Vous avez raison sur ce point, mais nous ne pouvons pas continuer à accepter que les prestations familiales servent de salaire aux hommes. Certains d’entre eux achètent de nouvelles femmes avec l’excédent de ce « salaire ».

Il faut dire la vérité ! Dans ma circonscription, il y a des familles polygames, dans lesquelles les femmes subissent un semi-esclavage. Il est urgent de « flécher » les prestations familiales.

M. le haut commissaire. M. Sirugue m’a demandé si l’augmentation du programme 304 traduisait un pari sur le retour à l’emploi, et cela au détriment des autres politiques. La réponse est non. D’abord, le RSA n’est pas un pari. Ensuite, il ne concerne pas uniquement le retour à l’emploi. Ce dispositif vise aussi à renforcer les plus faibles revenus, notamment ceux des travailleurs pauvres. Il y a donc deux objectifs. Je le revendique, et je l’ai toujours dit.

Le RSA soutiendra ainsi les personnes qui ne travaillent pas, celles qui travaillent mais restent pauvres, et celles dont les revenus risquent de baisser demain.

S’agissant des emplois aidés, j’avais suscité un certain émoi en indiquant l’an dernier, en réponse à une question de M. Sirugue, que les crédits diminuaient parce que nous estimions que la situation de l’emploi s’améliorait. Avec la même transparence, j’avais également précisé que je trouvais choquant qu’un tiers seulement des érémistes bénéficient d’un accompagnement. Nous y avons remédié depuis lors. Il n’y a pas de contradiction entre le RSA, qui est un mécanisme de soutien aux personnes employées, et les contrats aidés, qui sont des dispositifs de soutien aux employeurs. Il y a, au contraire, une complémentarité. Depuis des mois, j’entends dire que nous allons prendre de l’argent au dispositif des contrats aidés pour financer le RSA. Vous avez maintenant la preuve éclatante que l’on peut à la fois instaurer le RSA et augmenter les crédits alloués aux contrats aidés quand on estime que la conjoncture le justifie.

J’ajoute que nous transformons les différents contrats d’insertion en un seul contrat d’insertion, dont les dispositions ont pour la plupart été adoptées à l’unanimité. Nous donnerons plus de garanties en matière d’accompagnement et de formation, mais aussi plus de souplesse grâce à des dérogations qui seront applicables dès le 1er janvier 2009.

Quant à l’accompagnement, il ne pâtira pas de suppressions de postes. Non seulement la mission d’accompagnement sera mieux assurée par les différents acteurs concernés grâce aux pactes territoriaux pour l’insertion, mais il se trouve également que les effectifs ne seront pas touchés par la règle de non-remplacement d’un départ sur deux à la retraite, qu’il s’agisse des services de l’emploi, des CAF ou des conseils généraux.

Pour ce qui est des politiques à destination des jeunes, je ne suis pas aujourd’hui en mesure de préciser l’évolution exacte des crédits, faute de consolidation des données. Nous avons effectivement besoin d’une vision transversale.

Enfin, madame Coutelle, je suis surpris de votre question relative à l’allocation parent isolé. Je pense que vous n’avez pas raison lorsque vous sous-entendez qu’on va abandonner les femmes sous prétexte que l’allocation parent isolé sera intégrée dans le revenu de solidarité active. Vous savez comme moi, pourtant, que des femmes se voient refuser des actions d’insertion parce qu’elles perçoivent l’API, et non le RMI. L’allocation parent isolé est destinée à des femmes isolées avec des enfants à charge, et ne prévoit ni accompagnement, ni insertion. En devenant bénéficiaire du RSA, une femme qui perçoit aujourd’hui l’API percevra le même montant, avec une majoration pour isolement, et pourra en outre bénéficier d’un accompagnement. Elle se trouvera dans une logique de droits et devoirs – sauf si, n’ayant pas de possibilité de garde pour ses enfants, elle ne peut rechercher d’emploi, et ce cas est prévu. L’enjeu est d’éviter que l’API ne soit, comme c’est le plus fréquent, l’antichambre du RMI. Mieux vaut, comme le montrent les programmes expérimentaux, proposer aux femmes isolées des actions d’insertion et un accompagnement précoce tout en mettant en place, entre autres choses, un droit de garde opposable, plutôt que de les laisser en dehors de tous les circuits d’insertion. Lorsqu’on les interroge, il semble que cette formule leur convienne mieux.

Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité. Je tiens à rassurer Mme Brunel et M. Lefranc, qui ont défendu un amendement qui s’expose à la sanction de l’article 40 : un décret est en cours de préparation pour définir le montant retenu et devrait être publié au cours du premier semestre de 2009.

Mme Chantal Brunel. C’est loin ! Quel sera le montant retenu ?

Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité. Le Gouvernement a entendu votre proposition, madame Brunel, et s’efforcera de vous donner satisfaction.

Madame Carrillon-Couvreur, vous avez demandé des précisions à propos des ESAT.

Pour ce qui concerne les contrats pluriannuels d’objectifs, dans ce cadre contractuel, le coût à la place est réévalué en contrepartie de mesures de réorganisation et de mutualisation. Les 24 millions d’euros consacrés à cette action sont précisément destinés à revaloriser l’enveloppe globale pour permettre que les efforts réalisés se traduisent par un renforcement des moyens à la place.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Pour toutes les places, y compris existantes ?

Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité. Oui.

Par ailleurs, la loi prévoit la possibilité pour l’ESAT d’accompagner le passage vers le milieu ordinaire. Nous allons expérimenter sur la période 2009-2011 le dispositif intitulé « Passerelle vers le milieu ordinaire » (PASSMO) couplant un accompagnement par l’ESAT, une aide financière à l’employeur et un service de mise en relation entre l’entreprise et l’ESAT. Enfin, la loi a prévu un filet de sécurité avec un droit au retour en cas d’échec de l’insertion professionnelle.

Monsieur Jung, vous m’avez interrogée sur le cumul entre l’AAH et le revenu d’activité pour les personnes dont le taux d’invalidité se situe entre 50 % et 80 %. Outre que la condition d’inactivité d’un an est supprimée, l’AAH est conservée intégralement pendant six mois, puis partiellement. Ainsi, sans intéressement, une personne handicapée touchant 0,5 SMIC verrait son salaire serait entièrement défalqué, alors qu’avec la réforme, elle conservera environ 500 euros, soit des ressources totales correspondant approximativement au montant du SMIC.

M. Armand Jung. Cela sera-t-il fixé par décret ?

Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité. Oui. Ce dispositif sera mis en application en 2009. Je vous ferai parvenir le détail de toutes les mesures qui seront intégrées, notamment la répartition de ces mesures en fonction des niveaux de revenu.

Monsieur Sirugue, la comptabilisation des stagiaires était une demande forte des associations au sein du groupe « ressources et emploi » de la Conférence du handicap, laquelle réunit toutes les grandes associations représentant les personnes handicapées. La comptabilisation – dans la limite de 2 % des effectifs –, qui n’était jusqu’à présent possible que pour les stagiaires étudiants, le sera désormais pour ceux de la formation professionnelle et ceux qui sont agréés par l’AGEFIPH. Il s’agit là d’un élément clé pour élargir l’accès des personnes handicapées à la formation.

Madame Carrillon-Couvreur, les maisons de l’autonomie vont faire l’objet d’une expérimentation sous les auspices de la CNSA, qui procède actuellement au dépouillement des candidatures reçues en réponse à un appel d’offres. L’expérimentation, qui se déroulera durant une année, permettra de tester plusieurs modèles intégrant ou non les CLIC et l’articulation des dispositifs destinés aux personnes âgées ou aux personnes handicapées. Cette démarche est bien évidemment engagée avec les conseils généraux, car elle repose sur la candidature volontaire de ces derniers.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Combien de candidatures seront-elles retenues ?

Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité. Trois à cinq départements devraient être choisis pour chaque formule expérimentée, soit une trentaine au total.

Pour ce qui concerne les MDPH, j’ai précisé que nous veillerions à disposer des 7,6 millions d’euros de compléments de crédits encore nécessaires.

J’en viens aux droits des femmes. Vous avez notamment évoqué à ce propos, madame Coutelle, le travail à temps partiel. Je vous rappelle que, dans le cadre de la conférence sur l’égalité, Xavier Bertrand et moi-même nous sommes engagés à travailler à améliorer la qualité et la rémunération des emplois à temps partiel et que diverses mesures relatives à l’égalité salariale et à la question du temps partiel choisi ou subi doivent être mises en place. Il convient d’abord de privilégier la concertation avec les partenaires sociaux pour engager une nouvelle négociation de branche et interprofessionnelle sur l’amélioration de la qualité de ces emplois à temps partiel. Une table ronde est prévue en décembre prochain avec les branches professionnelles qui y recourent le plus, afin de définir les causes structurelles du recours au temps partiel subi et éclaté et de trouver des réponses aux questions relatives notamment à l’amplitude horaire, à la multiactivité et aux groupements d’employeurs ou à la polyvalence.

L’aménagement du temps partiel pour des raisons familiales et l’assouplissement des modalités d’utilisation de ce temps partiel sont un autre aspect qui sera évoqué. Enfin, nous travaillons aussi avec la grande distribution pour faire émerger de bonnes pratiques destinées à être traduites en mesures qui pourraient être prises dans ces branches professionnelles.

Je vous rappelle en outre qu’un texte donnera corps au travail accompli et aux engagements pris en vue de la résorption des disparités salariales. Nous espérons que ce texte sera l’occasion d’aller bien au-delà de la sanction salariale et d’adopter à cet égard une approche plus transversale qui nous permettra d’accompagner cette politique en faveur de l’égalité professionnelle entre hommes et femmes. Une fois finalisé, ce texte vous sera présenté.

Dans le domaine de la famille et des migrations, le Gouvernement mène déjà des actions d’insertion sociale et professionnelle. Nous comptons renforcer, avec des actions d’information sur les droits et l’accès au droit, l’accord-cadre conclu entre le service des droits des femmes et de l’égalité et le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD), qui vise à favoriser l’intégration des femmes issues de l’immigration et à prévenir et combattre les phénomènes de double discrimination. Cet accord élargi et renforcé est en cours de mise en œuvre.

L’articulation entre le temps de vie et le temps de travail des femmes fera l’objet d’une table ronde spécifique lors de la conférence ministérielle sur l’égalité professionnelle, qui se déroulera les 13 et 14 novembre à Lille, dans le cadre de la présidence française de l’Union.

M. le président Didier Migaud. Je remercie les membres du Gouvernement.

La séance est levée à dix-neuf heures.

II.- EXAMEN DES CRÉDITS

À l’issue de l’audition de Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité, de Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille, et de M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales examine pour avis, sur le rapport de Mme Valérie Boyer (8), les crédits pour 2009 de la mission « Solidarité insertion et égalité des chances », au cours de sa séance du lundi 3  novembre 2008.

La séance est ouverte à 19 heures.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission)

Article 74 : Renforcement de la convergence tarifaire et de la rationalisation des coûts dans les établissements médico-sociaux financés par l’État

La Commission est saisie d’un amendement de suppression présenté par Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Il est légitime de supprimer ce dispositif dit de « rationalisation » pour trois raisons. Tout d’abord, il a été élaboré sans concertation avec les associations qui interviennent dans le champ concerné. Ensuite, il existe actuellement un dispositif expérimental de convergence tarifaire et il convient d’attendre les résultats de cette expérimentation. Enfin, le changement fondamental de méthode consistant à fixer les budgets en fonction des ressources et non des charges des établissements justifierait une étude d’impact préalable.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure pour avis. L’Assemblée nationale a adopté l’article 44 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Il serait incohérent de ne pas adopter l’article 74 du projet de loi de finances, qui constitue la mesure symétrique en matière de tarification des prestations et de convergence entre les établissements.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette cet amendement.

Après l’article 76

La Commission est saisie d’un amendement de Mme Chantal Brunel portant à 2 875 euros la fraction des rentes viagères constituées dans le cadre d’un contrat épargne handicap qui n’est pas prise en compte dans les ressources pouvant être cumulées avec le service de l’allocation aux adultes handicapés (AAH).

Mme Chantal Brunel. Compte tenu des engagements pris devant nous par Mme Valérie Létard, je retire l’amendement.

*

Conformément aux conclusions de la rapporteure pour avis, la Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2009 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

ANNEXE


LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

À l’Assemblée nationale

Ø Cabinet de la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville – M. Mohamed Abdi, conseiller spécial, Mme Luce Vidal, conseillère chargée du pôle social, et Mme Sophie Lorant, conseillère parlementaire

Ø Mouvement Ni putes, ni soumises – Mme Sihem Habchi, présidente

Ø Association Les petits frères des pauvres – M. Jean-François Serres, secrétaire général

Ø Service des droits des femmes et de l’égalité – Mme Joëlle Voisin, ancienne chef du service, et M. Alain Kurkdjian, chef du service par intérim

Ø Cabinet du secrétaire d’État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative – M. Julien Nizri, conseiller

Ø Cabinet de la secrétaire d’État chargée de la solidarité – Mme Dominique Simon-Peirano, conseillère technique chargée de l’égalité hommes/femmes, et Mme Marie-Caroline Douceré, attachée parlementaire

Ø Cabinet de la secrétaire d’État chargée de la famille – M. Franck Staub, conseiller parlementaire

Ø Direction générale de l’enseignement scolaire – Mme Anne Rebeyrol, chef de la mission pour l’égalité entre les filles et les garçons, et M. Yves Touchard, chargé de mission pour l’éduction physique et sportive

Ø Fédération nationale solidarité femmes – Mme Nicole Crépeau, présidente

Ø Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) – M. Marc Dubourdieu, directeur général, et M. Fabien Dechavanne, chef du pôle biens et services

Ø Centre national d’information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF) – Mme Annie Guilberteau, directrice générale

Ø Assistance publique – hôpitaux de Paris – Mme Frédérique Kuttenn, chef du service endocrinologie et médecine de la reproduction à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Mme Anne Gompel, responsable de l’unité de gynécologie endocrinienne à l’Hôtel-Dieu, et Mme Nicole Bernard, membre du comité de défense de la gynécologie médicale

À Marseille

Ø Centre d’information sur les droits des femmes et des familles des Bouches-du-Rhône – Mme Catherine Body, directrice, et son équipe

Ø Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSé) –M. Henry Dardel, directeur régional, et M. Pierre N’Gahane, préfet à l’égalité des chances

Ø Délégation régionale aux droits des femmes et à l’égalité – Mme Françoise Rastit, déléguée régionale

Ø Direction régionale de la jeunesse et des sports – Mme Marie-Christine Lanfranchi, chargée de mission femmes et sport, et Mme Françoise Bigi, chargée de mission sport de haut niveau

Ø Ville de Marseille, direction de la politique de la ville – M. Pierre-Yves Debrenne, directeur, et M. Amar Lahmadi, responsable du pôle réussite éducative

Ø Ville de Marseille, direction de l’action familiale et des droits des femmes –Mme Sylvie Didiot, directrice

© Assemblée nationale

1 () INSEE Références, « Femmes et hommes, regards sur la parité », 2008.

2 () Rapport d’information n° 1028, Assemblée nationale, XIIIe législature, 4 juillet 2008.

3 () COR, séance du 9 juillet 2008, « Evolution des droits familiaux et conjugaux ; niveau de vie au moment du veuvage », documents de travail.

4 () Bajos N. et al. (2003), « Contraception : from accessibility to efficiency », Human Reproduction, 18(5), p. 994-998.

5 () Rapport d’information n° 491, XIIIe législature, enregistré le 11 décembre 2007, par MM. Guy Geoffroy et Serge Blisko.

6 () Selon la DREES, au 31 décembre 2005, 37 % des personnes entrées en API « courte » en 2002 et 30 % de celles qui étaient en API « longue » en 2002 percevaient le RMI (Études et résultats, n° 536, novembre 2006).

7 () Source : documents budgétaires, rapport annuel de performance « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour 2007.

8 () Le programme « Handicap et dépendance » donne lieu à un avis spécifique présenté par Mme Bérengère Poletti