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N
° 1200

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 octobre 2008

AVIS

présenté

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ECONOMIQUES, DE L’ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2009 (n° 1127),

TOME IV
OUTRE-MER

PAR M. Alfred ALMONT,

Député.

——

Voir le numéro : 1198 (annexe 30)

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I.— L’ÉCONOMIE ULTRAMARINE RESTE TROP VULNÉRABLE 9

A.— FACTEURS ET DONNÉES 9

B.— LA RÉPONSE BUDGÉTAIRE EN 2008 14

II.— LE PROJET DE BUDGET POUR 2009 S’AVÈRE ENCOURAGEANT 19

A.— UN BUDGET EN PROGRESSION INDISCUTABLE… 19

B.— L’EMPLOI OUTRE-MER : UNE QUESTION LANCINANTE 22

C.— LES CONDITIONS DE VIE : ENCORE ET TOUJOURS À AMÉLIORER 29

III.— LE DÉBAT SUR LA DÉFISCALISATION 35

EXAMEN EN COMMISSION 43

MESDAMES, MESSIEURS,

Pour la deuxième année consécutive, notre commission des Affaires économiques, de l’environnement et du territoire, m’a fait l’honneur de me charger de lui présenter et de lui soumettre un avis sur le projet de budget affecté à l’outre-mer.

L’année dernière, j’avais tenu d’abord à rappeler comment s’était constitué l’outre-mer français, comment plusieurs terres ultramarines étant devenues françaises bien avant certaines régions de métropole : la Guyane avant la Lorraine, la Guadeloupe et la Martinique avant la Corse, Mayotte, la Réunion, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie avant Nice, la Savoie et le Comtat Venaissin.

La République a intégré nos territoires en y diffusant ses valeurs d’égalité et de justice, devenues, sur le plan économique et social, solidarité et soutien. Non parce que l’outre-mer aurait des droits particuliers mais simplement parce qu’il est du premier devoir de la nation française d’assurer sa cohésion, cohésion qui constitue désormais un objectif européen puisque l’article 299-2 du Traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997, entré en vigueur le 1er mai 1999, reconnaît les handicaps structurels de nos régions d’outre-mer et fixe comme objectif de les résorber, en des termes dépourvus d’ambiguïté et montrant clairement la voie, non de la discrimination, mais de ses contraires que sont la justice et la solidarité car :

« Compte tenu de la situation économique et sociale structurelle des départements français d’outre-mer, des Açores, de Madère et des îles Canaries, qui est aggravée par leur éloignement, l’insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles, leur dépendance économique vis-à-vis d’un petit nombre de produits, facteurs dont la permanence et la combinaison nuisent gravement à leur développement, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, arrête des mesures spécifiques (…) »

Le Conseil européen doit ainsi tenir compte des domaines tels que les politiques douanières et commerciales, la politique fiscale, les zones franches, les politiques dans les domaines de l’agriculture et la pêche, les conditions d’approvisionnement en matières premières et en biens de consommation de première nécessité, les aides d’État et les conditions d’accès aux fonds structurels ainsi qu’aux programmes horizontaux de la Communauté. Il tient également compte des caractéristiques et des contraintes particulières des régions ultrapériphériques sans nuire à l’intégrité et à la cohérence de l’ordre juridique communautaire, y compris en ce qui concerne le marché intérieur et les politiques communes.

Les principes ainsi rappelés font eux-mêmes suite à ceux formulés dans les considérants de l’arrêt Wagner de la Cour européenne de Justice du 23 février 1983, prohibant les discriminations territoriales en expliquant que :

« La discrimination consiste à traiter de manière différente des situations qui sont identiques et de manière identique des situations qui sont différentes ».

Les régions ultrapériphériques (RUP) de l’Union européenne en font partie intégrante et bénéficient de droits propres eu égard à leur spécificité. Regroupant quatre millions et demi d’habitants, représentant une grande partie du territoire maritime de l’Union européenne et lui permettant ainsi d’occuper, avec 25 millions de km2, le premier rang mondial, les RUP représentent 80 % de la biodiversité européenne. Les départements et les collectivités françaises en constituant la plus grande part :

 

Açores

Canaries

Guadeloupe

Guyane

Madère

Martinique

Réunion

Localisation

Océan Atlantique

Océan Atlantique

Mer des Caraïbes

Amérique du Sud

Océan Atlantique

Mer des Caraïbes

Océan Indien

Capitale ou chef lieu

Ponta Delgada

Las Palmas

Basse-Terre

Cayenne

Funchal

Fort-de-France

Saint-Denis

Superficie

2 333 km2

7 447 km2

1 710 km2

84 000 km2

795 km2

1 080 km2

2 510 km2

Population

237 900

1 715 700

425 700

161 100

244 800

383 300

715 900

PIB/habitant (indice 100 pour l’Union européenne)

52

78

58

54

67

50

 

Taux de chômage

2,5 %

11,1 %

26,0 %

24,4 %

2,5 %

22,9 %

29,3 %

Ces régions permettent à l’Union européenne non seulement de détenir un territoire maritime très largement étendu, mais aussi d’avoir une économie encore plus diversifiée, en fournissant des produits agricoles, comme le rhum, le sucre de canne, les bananes et autres fruits et légumes exotiques qui répondent à la demande des consommateurs européens. En outre, les opportunités que représentent les RUP sont vastes et constituent un atout dans les relations entre les pays voisins et l’Europe, tout en étant attrayantes pour certaines activités de recherche et de haute technologie, à l’image de l’Institut d’Astrophysique des îles Canaries, de l’Agence spatiale européenne en Guyane ou du Département d’Océanographie et de Pêche de l’université des Açores.

Cependant, l’insularité des RUP, leur climat tropical, leur relief fréquemment volcanique et accidenté, la distance qui les sépare du continent et leur proximité avec des pays tiers moins développés sont autant d’obstacles à l’expansion économique de ces régions. De même, à l’exception de la Guyane, leur densité de population est relativement élevée, alors que leur poids démographique, économique et territorial est réduit par rapport à l’ensemble de l’Union européenne.

Leur difficulté à réaliser des économies d’échelle et à rentabiliser les grands investissements, tout comme leurs taux de chômage – le plus souvent très élevés, en particulier chez les jeunes – et leurs faibles niveaux de revenus placent les RUP parmi les régions les plus pauvres de l’Union malgré les efforts consentis depuis plus de vingt ans par le budget national comme par les fonds structurels européens.

Plusieurs territoires français ne font pas partie des RUP, notamment Mayotte, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie en raison de leurs statuts juridiques particuliers. Ce qui ne les empêche pas d’être confrontés à des problèmes économiques similaires et auxquels la solidarité européenne ne répond qu’insuffisamment. Avec le statut de Pays et Territoire d’Outre-Mer (PTOM), ils ne bénéficient que du Fonds européen de développement (FED) dont les aides sont sensiblement inférieures au soutien apporté par le statut de RUP. Cela conduit à ce que certains territoires institutionnellement français ne soient pas de la même manière européens. La différence de statut résulte certes des traités. Mais cette distorsion n’est-elle pas en contradiction avec nos valeurs fondatrices, posant donc à la fois des questions de principe et des questions, plus concrètes, de disparités de traitement ? Il conviendrait de bien étudier cette question et de définir, à terme, les moyens d'assurer véritablement l'objectif de cohésion au sein de l'Union Européenne.

I.— L’ÉCONOMIE ULTRAMARINE RESTE TROP VULNÉRABLE

L’année 2008 aura été marquée par un certain nombre d’événements qui auront, peu ou prou, accru la fragilité des économies ultramarines.

A.— FACTEURS ET DONNÉES

L’année 2008 n’a guère épargné l’outre-mer. Les facteurs structurels de faiblesse demeurent, au premier rang desquels se place la concurrence internationale toujours plus âpre sur les débouchés commerciaux des cultures traditionnelles, banane, rhum, sucre et vanille. En sens inverse, les importations d’énergie et de matières premières ont vu leur coût continuer de croître, maintenant l’inflation à un niveau sensiblement plus élevé que dans l’hexagone et de dégrader encore le taux de couverture des importations par les exportations, lequel se situe à un de ses niveaux historiques les plus bas en Guadeloupe (6,2 %), à la Réunion (6,7 %), en Polynésie (10,4 %) et à la Martinique (13,2 %). Celui de la Nouvelle-Calédonie, d’apparence plus élevé (73,2 %) a subi de plein fouet la crise du nickel.

La crise du nickel en Nouvelle-Calédonie

Une part importante, estimable à près de 30 %, de l’économie du « Caillou » dépend de l’extraction et de la revente du nickel. Celle-ci bénéficie d’ailleurs d’une fiscalité spécifique. Or, particulièrement depuis la rentrée de septembre, les cours du nickel baissent de façon inquiétante, descendant à 12 000 dollars la tonne en ce mois d’octobre 2008, alors qu’il avait culminé à 50 000 dollars la tonne en avril 2007. Cette chute est, pour l’essentiel, imputable au ralentissement de la production d’acier inoxydable, principal débouché du nickel. Nul ne peut dire aujourd’hui si la chute des cours, aggravée par les perspectives d’une récession mondiale, se poursuivra encore, pendant combien de temps et jusqu’à quelle ampleur.

Le chômage, après avoir diminué en 2006 et 2007, s’est stabilisé en 2008 à un niveau élevé, dépassant toujours les 20 %, et souvent les 25 %, de la population active dans six territoires sur onze en 2007 :

 

Taux de croissance

PIB/habitant

Taux de chômage

Inflation

Guadeloupe

3,5 %

17 221 (06)

3,6 %

22,7 % (07)

– 2,4

1,4 %

Guyane

4,1 %

12 965 (04)

0,6 %

20,6 % (07)

– 7

3,4 %

Martinique

5,1 %

19 111 (06)

4,3 %

21,2 % (07)

– 4

2,4 %

Réunion

6,1 %

16 244(06)

5,8 %

24,2 % (07;

– 3,3

2,4 %

Mayotte

nd

3 960 (01)

nd

25,6 % (06)

– 3,4

4,4 %

Nouvelle-Calédonie

7,9 %

22 735 (06)

nd

16,3 % (04)

nd

1,8 %

Polynésie française

4,2 %

17 071 (03)

2,4 %

11,7 %(02)

nd

2,0 %

St Pierre Miquelon

nd

26 073 (06)

nd

9,3 % (07)

+ 1,5

0,8 %

Wallis et Futuna

nd

nd

nd

15,2 % (03)

nd

0,4 %

Saint-Martin

nd

14 500 (99)

nd

26,5 % (99)

nd

1,4 %

Saint-Barthélemy

nd

26 000 (99)

nd

4,3 % (99)

nd

1,4 %

Métropole

4,7 %

29 765 (07)

4 %

8,3 % (07)

– 1,2

1,5 %

Les taux d’activité, d’emploi, de dépendance à l’égard du RMI, enfin la part des emplois publics, fournissent, du moins dans les territoires pour lesquels des chiffres récents sont disponibles, d’instructives informations complémentaires :

TAUX D’ACTIVITÉ

 

2006

2007

évolution

Guadeloupe

52,3

54,3

2

Guyane

54,5

52,3

– 2,2

Martinique

50,7

51,3

0,6

Réunion

54,7

58

+ 3,3

Saint Pierre et Miquelon

64,2

nd

Métropole

69,7

69,9

0,2

TAUX D’EMPLOI

 

2006

2007

évolution

Guadeloupe

39,4

41,9

2,5

Guyane

40,3

41,5

1,2

Martinique

39,3

40,4

1,1

Réunion

43,1

44,4

1,3

Saint Pierre et Miquelon

57,7

nc

Métropole

63,8

64,2

0,4

EMPLOI SALARIÉ

 

2006

2007

évolution

Guadeloupe

81 236

80 907

– 0,4 %

Guyane

22 678

24 116

6,3 %

Martinique

78 548

78 396

– 0,2 %

Réunion

132 249

138 279

4,6 %

Saint Pierre et Miquelon

1 457

1 447

– 0,7 %

Total

316 168

323 145

2,2 %

Métropole

16 289 080

16 649 976

2,2 %

BÉNÉFICIAIRES DU RMI

Au 31 décembre 2007, on comptait dans les départements d’outre-mer 144 063 bénéficiaires du RMI, soit 327 256 personnes couvertes par le dispositif (environ 17,8 % de la population) alors qu’en métropole à la même date, les bénéficiaires du RMI étaient au nombre de 1 007 117 (soit 1 923 236 personnes couvertes et 3,1 % de la population).

Entre 2006 et 2007, l’évolution du nombre de bénéficiaires a été de - 6,5 % outre mer et – 7,9 % en métropole.

La répartition des bénéficiaires du RMI entre les quatre départements d’outre-mer au 31 décembre 2007 est la suivante :

– Guadeloupe : 32 052

– Guyane : 12 178

– Martinique : 31 592

– Réunion : 68 241.

PART DES EMPLOIS PUBLICS (en % de la population active)

Guadeloupe

38,7

Martinique

37

Guyane

41

Réunion

45,5

Saint-Pierre-et-Miquelon

25,8

Mayotte

50

Wallis et Futuna

55,3

Nouvelle-Calédonie

29,6

Polynésie française

32,4

Métropole

23

D’une façon générale, les insuffisances structurelles des économies ultramarines rendent celles-ci plus vulnérables que d’autres aux tourmentes conjoncturelles, particulièrement celles de 2008, qui commencèrent avec une hausse insensée et totalement imprévisible, même à court terme, du coût de l’énergie, une sur appréciation de l’euro par rapport au dollar et, maintenant, une crise financière sans précédent vraiment comparable, qui vient d’éclater sous nos yeux qui n’y étaient guère préparés.

Elle frappe l’outre-mer d’une façon psychologiquement plus aiguë car, loin des corbeilles, des sièges des grandes banques et compagnies d’assurance, des centres de décision financière et des lieux où se commente savamment la conjoncture, nos îles et nos terres se sentent nécessairement plus démunies que les régions métropolitaines. Elles encourent, de ce fait, un risque d’amplification du phénomène et, plus encore, d’aggravation accélérée de son incidence négative sur l’économie réelle.

Enfin, aux perturbations purement économiques et financières, se greffent quelques crises endogènes particulières à nos régions. Il en va notamment ainsi du problème lancinant du chlordécone aux Antilles et du virus du chikungunya à la Réunion et à Mayotte.

Pour les problèmes posés par l’utilisation du chlordécone aux Antilles, notre commission des affaires économiques avait pris la judicieuse initiative de saisir le problème « à bras le corps » en 2005. Il nous paraît utile de faire le point de la question dans le présent rapport et de dire tout l’intérêt que porte notre Commission pour suivre les engagements pris par l’État pour faire face aux conséquences de ce fléau agro-sanitaire.

LE CHLORDÉCONE AUX ANTILLES
État des lieux en octobre 2008

I. Rappel des épisodes précédents :

– juillet 2005 : la Commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale remet un rapport d'information intitulé : « Le chlordécone aux Antilles et les risques liés à l'utilisation des produits phytosanitaires. Quel bilan du passé? Quelles leçons pour l'avenir?» dans lequel est formulé un certain nombre de préconisations ;

– juillet 2007 : création, au sein de la Commission des Affaires économiques, d'un Comité de suite aux travaux de la mission d'information, composé de : Alfred Almont, Louis-Joseph Manscour, Jean-Baptiste Vialatte et dont le rapporteur est Jacques Le Guen ;

– automne 2007 : le Comité procède à une série d'auditions d'experts ; la
Commission des Affaires économiques également, notamment les représentants
de l'INSERM, de l'InVS et de l'AFSSA, qu'elle confronte, le 7 novembre 2007
au professeur Dominique Belpomme ; le président Patrick Ollier décide de saisir
de la question du chlordécone l'Office parlementaire d'évaluation des choix
scientifiques et technologiques ;

– janvier 2008 : mission de Jacques Le Guen en Martinique et en Guadeloupe, suivie, le 6 février, d'une communication de sa part à la Commission des Affaires économiques ;

– avril 2008 : Catherine Procaccia, sénateur, et Jean-Yves Le Déaut, député, présentent à l'Office l'étude de faisabilité sur l'utilisation du chlordécone et
autres pesticides aux Antilles françaises et ses effets sur la santé humaine.

II. Aujourd'hui :

– l'Office, qui a déjà effectué une mission à la Martinique et à la Guadeloupe, poursuit ses travaux d'investigation, notamment auprès des laboratoires compétents, et devrait remettre son rapport vers la fin mai 2009 ;

– le Gouvernement a arrêté, sur la proposition de Didier Houssin, directeur
général de la Santé et coordonnateur de l'action des services publics en la
matière, un plan d'action en quatre volets en cours de mise en
œuvre :

– « renforcer la connaissance des milieux » ;

– « diminuer l'exposition [des populations] et mieux connaître les effets sur la santé » ;

– « assurer une alimentation saine » ;

– « améliorer la communication ».

Ce plan, dont la réalisation s'étale sur trois ans, est doté de 33 millions d'euros de crédits.

LES PATHOLOGIES SPÉCIFIQUES A L’OUTRE-MER

Outre la drépanocytose, maladie génétique frappant un nouveau-né sur 250 dans les Antilles et en Guyane, contre laquelle le dépistage néonatal est maintenant pratiqué systématiquement, nos régions ultramarines souffrent surtout de plusieurs maladies à transmission vectorielle.

– S’il n'y a plus de paludisme autochtone à la Réunion, grâce à la permanence d'une lutte antivectorielle, mais des cas de paludisme importé des pays de la zone, il s'agit toujours d'une maladie endémique à Mayotte, bien que passée de 1 841 cas en 2002 à 565 cas en 2007. En Guyane, le nombre de cas recensés est de l'ordre de 4 000 par an, et la configuration géographique de ce département ainsi que les mouvements de populations dans les zones frontalières en provenance de zones de transmission (Brésil, Surinam) rendent difficiles les programmes de contrôle, en dépit de la mise en œuvre de programmes régionaux de coopération.

– Les départements français d'Amérique connaissent régulièrement des épidémies de dengue plus ou moins graves, mais depuis 2005, la maladie connaît dans cette zone une recrudescence inhabituelle.

Après l'épidémie de 2005-2006, une nouvelle épidémie a sévi de août 2007 jusqu'au début de 2008, en Martinique, Guadeloupe et les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Elle a dépassé en ampleur (environ 17 990 cas en Martinique et 9 800 cas en Guadeloupe) et en gravité (respectivement 1,2% et 0,8% de formes sévères) l'épidémie de 2005.

En Guyane, où la dengue est également endémique et son vecteur présent toute l'année, une très forte épidémie a sévi de décembre 2005 à juillet 2006, due principalement au virus DEN-2 (plus de 16 000 personnes touchées).

Les trois départements français d’Amérique ont élaboré un programme gradué de surveillance, d'alerte et de gestion des épidémies de dengue, régulièrement actualisé.

Les territoires français du Pacifique sont également confrontés aux épidémies de dengue. La Polynésie française, après la très importante épidémie de 2001, a connu une nouvelle épidémie en 2007, avec 1 897 cas recensés. La Nouvelle-Calédonie est en période épidémique depuis février 2008, 976 cas ont été déclarés

– La maladie du chikungunya qui a sévi dans l'Océan indien a touché la Réunion au printemps 2005 et Mayotte en janvier 2006 (respectivement 266 000 et 7 290 cas ; mais ces chiffre ne reflètent pas l'ampleur réelle de l'épidémie, de nombreux patients n'ayant pas eu recours aux services médicaux. Afin de faire face à une éventuelle reprise de l'épidémie, environ 40 % de la population réunionnaise et 38 % de la population mahoraise seulement étant immunisée, un plan de prévention et de gestion a été élaboré à la Réunion et à Mayotte.

– La maladie de Chagas, transmise par des réduves (punaises), est présente en Guyane avec des cas humains cliniques autochtones récents démontrés dans les régions fluviales. Dans la région du littoral, des réduves infectées sont installées dans l'environnement résidentiel. 53 cas ont été enregistrés en 2007. Pour des raisons de sécurité transfusionnelle, la collecte du sang a été interrompue dès le 8 avril 2005.

Parmi les problèmes liés à l'environnement susceptibles d'avoir un impact sur la santé, on recense :

– L'imprégnation mercurielle en Guyane

Les populations du Haut Maroni, très consommatrices de poissons, chez lesquelles 57 % de la population dépassaient la valeur seuil, demeurent les plus exposées au risque mercuriel. La prévention et la réduction des risques spécifiques d'exposition au mercure en Guyane font partie des objectifs du Plan national santé-environnement 2004-2008.

Une étude a été menée par le CNRS et le BRGM sur la présence de mercure dans les sédiments des différents cours d'eau confirmant la contamination à des degrés divers des sédiments et poissons guyanais. Une étude sur l'imprégnation mercurielle des principales espèces d'intérêt commercial (poissons et crevettes) va être lancée en partenariat avec l'IFREMER afin de disposer d’une meilleure connaissance de l'exposition des consommateurs de poissons sur le littoral.

Un programme spécifique de gestion du risque mercuriel pour les populations amérindiennes, est confié à la Croix Rouge française pour la troisième année consécutive comportant notamment des messages élaborés via des relais recrutés parmi les communautés concernées.

Les pathologies à prévalence élevée : les maladies métaboliques et cardiovasculaires

La Guyane cumule des causes de mortalité propres aux pays développés (maladies cardio-vasculaires, tumeurs) et une surmortalité prématurée accentuée par les pathologies infectieuses. En Guadeloupe, plus du tiers des années potentielles de vie perdues est dû à des accidents de transport. Les maladies cardio-vasculaires sont la première cause de décès en Martinique. Quant au diabète, tant aux Antilles qu'à la Réunion, sa prévalence est de l'ordre de 8 à 10 %, ce qui est deux à trois fois plus élevé qu'en métropole.

Des programmes régionalisés de prévention concernant ces pathologies, sont mis en œuvre, développés et perfectionnés dans les quatre départements d'outre-mer. Leur coût ressort notamment du budget du ministère chargé de la Santé.

B.— LA RÉPONSE BUDGÉTAIRE EN 2008

Si les rapports sur les projets de loi de règlement constituent un cadre plus approprié à l’analyse de la consommation des crédits budgétaires votés pour l’exercice en cours, et s’il appartient bien sûr, plus spécialement à la commission des finances de procéder à cet examen, il nous faut cependant l’observer de notre côté.

Les constatations que nous pouvons faire à ce jour montrent que le budget voté pour 2008 s’exécute dans des conditions normales, globalement conformes aux prévisions initiales qui avaient engagé son adoption au Parlement.

Comme l’a indiqué notre rapporteur de la commission des finances, des mouvements intervenus dans la gestion budgétaire de l’exercice en cours ont eu pour effet d’établir, à ce jour, le montant des crédits de la mission Outre-mer à 1 801,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 1 790,64 millions d’euros en crédits de paiement, soit des abondements respectifs de 48,15 millions d’euros (+ 2,7 %) et de 70,78 millions d’euros (+ 4,1 %), résultant pour l’essentiel de reports de 2007 sur 2008 et de fonds de concours qui ont donc plus que compensé les annulations de crédits opérées par le décret n° 2008-629 du 27 juin 2008.

On le sait, le budget de la mission Outre-mer ne constitue que l’un des éléments du soutien public à ces régions. L’observation de leur situation financière exige de prendre également en compte :

– les dépenses fiscales, que nous aborderons dans un chapitre spécifique compte tenu du débat d’actualité qu’elles suscitent ;

– les crédits communautaires ;

– les dépenses des collectivités publiques elles-mêmes (régions, départements et communes).

Les finances communautaires s’étendent sur une période pluriannuelle qui s’adapte à leur objectif de contribuer à l’économie ultramarine à long terme mais ne facilite pas leur mesure dans le cadre de l’exercice budgétaire annuel.

Les RUP bénéficient, pour la période 2007-2012, du concours de cinq fonds européens et assimilables :

– le Fonds européen de développement régional (FEDER) et le Fonds social européen (FSE) ont, de concert, inscrit 3,17 milliards d’euros au titre de l’objectif de « convergence » de l’ensemble des régions dépendant de l’Union européenne ;

– le FEDER seul apporte une contribution complémentaire de 96 millions d’euros afin de favoriser, non seulement la coopération transnationale mais désormais, depuis 2008, également la coopération transfrontalière ;

– la politique agricole est soutenue à hauteur de 631 millions d’euros par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) ;

– les départements d’outre-mer bénéficient en outre, sur la même période, d’un programme de développement rural régional (PDRR) pour 648 millions d’euros, versés par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) et d’une aide à la pêche de 34,25 millions d’euros versés par le Fonds européen pour la pêche (FEP).

En face de quoi, les PTOM ne bénéficient que du soutien du Fonds européen de développement (FED), initialement conçu pour l’aide communautaire aux pays en voie de développement, évidemment hors zone Europe. Au titre du dixième FED, couvrant la période 2001-2013, ils seront ainsi attributaires d’une enveloppe de 286 millions d’euros, ce qui traduit bien le décalage entre deux catégories de régions ultramarines et, partant, d’un outre-mer qu’il faut bien appeler « à deux vitesses ».

Les finances des collectivités publiques d’outre-mer traduisent d’importantes disparités, qui tiennent, ici encore, d’une part à leurs différences de statut, d’autre part à leurs caractéristiques, ou à leurs handicaps économiques particuliers.

Les régions d’outre-mer (ROM) et en particulier les régions Guadeloupe, Guyane et Martinique sont les collectivités qui ont connu les crises financières les plus graves au début de la décennie 1990. Les dispositions législatives prises pour accroître leurs ressources en 1994 et une gestion plus rigoureuse ont permis globalement de rétablir leur situation.

En 2006, les quatre régions d’outre-mer avaient un volume budgétaire estimé à 1,38 milliard d’euros, soit un niveau moyen de dépenses totales de 754 euros par habitant, nettement supérieur à celui des régions de métropole (329 euros par habitant). En un an les dépenses totales ont très fortement progressé (+19,3%) sous l’effet notamment d’un effort d’investissement très important (+45,6%) mais encore insuffisant comme on le verra plus loin.

Les compétences assurées par les régions d’outre-mer sont, en effet, bien plus étendues que celles exercées par les régions de métropole ; il en résulte une structure des dépenses différente avec notamment des dépenses de gestion courante, en particulier les frais de personnel, plus élevées.

La structure des dépenses d’investissement est différente de celle des régions de métropole. Les dépenses d’investissement direct représentent 65,3% des dépenses d’investissement (contre 31,2% en métropole). Les régions d’outre-mer versent moins de subventions et sont plus souvent maîtres d’ouvrage. Cet écart de structure avec la métropole tend encore à se creuser.

Les recettes réelles de fonctionnement atteignent 515 euros par habitant contre 267 euros en métropole. Comme pour les dépenses courantes, la structure des recettes courantes est différente de celle de métropole.

La part des recettes de fiscalité dans les recettes courantes est bien plus importante qu’en métropole (63,1% contre 47,7%). En majorité, les recettes fiscales sont des recettes de fiscalité indirecte dues à des taxes induites spécifiques : octroi de mer, taxe spéciale sur les carburants, taxe sur les rhums…

La fiscalité totale des régions d’outre-mer a diminué de 1,5% entre 2005 et 2006, et dans le même temps les compensations fiscales ont fortement progressé.

Les régions d’outre-mer sont de moins en moins endettées, la dette par habitant atteint seulement 202 euros par habitant, soit un niveau proche de la moyenne des régions de métropole (176 euros par habitant).

Les départements d’outre-mer diffèrent très sensiblement sur le plan budgétaire des départements métropolitains. La présentation des évolutions moyennes qui ressortent de leurs budgets primitifs masque des disparités au moins aussi importantes que celles qui existent entre départements de métropole.

Ils diffèrent d’abord par leur niveau de dépenses. Le montant par habitant reste nettement supérieur à celui de la métropole : 1 525 euros par habitant contre 1 005 euros pour les départements métropolitains, hors Paris.

Ils diffèrent ensuite par leur structure qui présente des spécificités marquées : les opérations de fonctionnement ont un poids plus important dans le budget qu’en métropole : 79,1 % contre 71,7%. De plus, elles se répartissent pour 75,8 % en transferts versés contre 66,9 % en métropole.

La composition des recettes de fonctionnement est, elle aussi, particulière et traduit la forte solidarité nationale qui s’exerce envers les départements d’outre-mer.

Les dotations de l’État constituent 36,2 % des recettes contre 30,8 % pour les départements métropolitains.

Leur montant par habitant s’élève à 470 euros, alors qu’il est de 253 euros en métropole. Ces dotations compensent l’insuffisance de la fiscalité locale dont le produit reste relativement faible, malgré l’existence de taxes spécifiques.

En 2007, l’évolution du produit voté des taxes foncière, d’habitation et professionnelle est de 6 % contre 3,3 % en métropole. Celui-ci représente 174 euros/hab. contre 312 euros/hab. en métropole.

L’impact de la décentralisation complète du RMI varie sensiblement entre départements, les transferts versés n’augmenteraient que de 1,7 % en Martinique, de respectivement 6,9 et 7,9 % à La Réunion et à la Guadeloupe. La Guyane prévoit une hausse de 15,7 % de ses transferts. Leur poids dans les budgets est aussi très contrasté : il est de 79,1 % pour la Réunion, de 78,3 % pour la Guadeloupe, de 69,5 % pour la Martinique, et de seulement 55,4 % pour la Guyane.

L’évolution des transferts versés des départements d’outre-mer est supérieure à celle de la métropole (6,6 % contre 6 %). En effet, le nombre de bénéficiaires du RMI a diminué (en données brutes) de 2,5 % en 2007, alors que cette baisse est de 3,9 % pour les départements de métropole.

SITUATION FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS EN 2008

Guadeloupe

en milliers d'euros

 

en €/ habitant

Conseil général

recettes

dépenses

endettement

fonctionnement

527 721

493 599

44

investissement

79 835

113 957

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conseil régional

recettes

dépenses

endettement

fonctionnement

238 022

151 474

492

investissement

42 137

128 685

 

       

Martinique

 

 

 

Conseil général

recettes

dépenses

endettement

fonctionnement

513 619

484 535

89

investissement

110 385

139 469

 

 

 

 

 

Conseil régional

recettes

dépenses

endettement

fonctionnement

208 587

126 824

nd

investissement

79 413

161 176

 

       

Guyane

 

 

 

Conseil général

recettes

dépenses

endettement

fonctionnement

228 491

217 352

38

investissement

18 240

29 379

 

 

 

 

 

Conseil régional

recettes

dépenses

endettement

fonctionnement

118 334

72 526

423

investissement

58 352

118 260

 

       

La Réunion

 

 

 

Conseil général

recettes

dépenses

endettement

fonctionnement

1 104 700

1 013 992

102

investissement

211 722

302 430

 

 

 

 

 

Conseil régional

recettes

dépenses

endettement

fonctionnement

407 063

247 740

82

investissement

463 722

623 044

 

Les communes des départements d’outre-mer enregistrent un niveau de dépenses de fonctionnement largement supérieur à celui des communes de métropole, soit 1 103 euros par habitant contre 666 euros. Elles sont constituées pour une part importante de frais de personnel : 58,7 % contre 45,9 % en métropole.

II.— LE PROJET DE BUDGET POUR 2009 S’AVÈRE ENCOURAGEANT

Dans un contexte éminemment délicat, où la maîtrise des dépenses publiques inlassablement affichées et inévitablement mise à mal par la conjoncture, la progression du budget de la mission Outre-mer s’inscrit comme un signe encourageant. C’est l’illustration de la détermination de la collectivité nationale, à l’heure où il lui serait facile de céder à la tentation du repli continental, d’assumer la France dans sa totalité historique et géographique en maintenant le cap de la cohésion entre la métropole et l’Outre-mer.

Ce projet de budget pour 2009 marque aussi la première étape de la future loi de développement, dont les contraintes politiques ont décalé la discussion, mais dont les perspectives doivent former, dès 2009, le cadre cohérent de l’action budgétaire.

A.— UN BUDGET EN PROGRESSION INDISCUTABLE…

En 2007, l’examen du projet de budget pour 2008 avait été perturbé par un changement de périmètre de la mission qui rendait malaisée la comparaison des crédits d’une année à l’autre. Nous déclarions alors, à l’occasion de l’examen du projet de budget en commission des affaires économiques, le 27 octobre 2007, répondant à la présentation de celui-ci par M. Christian Estrosi, secrétaire d’État chargé de l’Outre-mer :

« La stricte comparaison des crédits de la mission Outre-mer avec ceux de l’année précédente ne présente aucune pertinence. La lecture ne peut se faire qu’au regard des transferts de crédits d’anciens programmes au ministère de l’économie des finances et de l’emploi et vers d’autres programmes du ministère de l’intérieur, de l’outre mer et des collectivités territoriales. Ainsi une centaine de millions d’euros de crédits correspondant à des dépenses de personnel et de fonctionnement vont-ils être transférés sur des programmes relevant de la mission « administration générale et territoriale de l’État.

«  De même, passent sous la gestion du ministère de l’économie, des finances et de l’emploi 158 millions d’euros consacrés aux dispositifs de soutien à l’emploi et à la formation dans les DOM, à Mayotte et à Saint-Pierre et Miquelon. »

Et nous ajoutions que, s’il fallait se réjouir du souci de l’État de mieux calibrer par secteur ses différents types d’interventions, il était en revanche peu souhaitable que des modifications trop fréquentes du domaine propre au ministère chargé de l’Outre-mer ne rendent plus difficile pour le Parlement la lecture de son budget.

C’est aussi pourquoi, sur notre proposition, la commission des affaires économiques avait adopté, à l’unanimité, deux recommandations ainsi rédigées :

« Recommandation n° 1
présentée par M. Alfred Almont rapporteur pour avis.

La Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, après avoir observé que le budget de l’Outre-mer, tel que soumis à son avis, ne représente que 13,5 % de l’effort budgétaire total en faveur de l’Outre-mer, recommande au Gouvernement d’établir dorénavant chaque année, une présentation budgétaire retraçant :

– les crédits affectés par chacun des autres ministères à l’Outre-mer ;

– les crédits relevant de fonds d’intervention européens.

« Recommandation n° 2
présentée par M. Alfred Almont rapporteur pour avis.

La Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, considérant les difficultés économiques de l’Outre-mer et les différences de situation entre les différentes collectivités territoriales, recommande dans un souci de transparence, au Gouvernement de présenter, dans le document budgétaire annuel de la mission, la répartition des crédits pour chaque collectivité destinataire. »

L’année dernière, le secrétaire d’État chargé de l’outre mer de avait chaudement approuvé l’initiative, assurant qu’elle serait suivie d’effets pour 2009. A l’heure où nous rédigeons ce rapport, nous les attendons toujours.

Il n’empêche que le budget 2009 de la mission Outre-mer se présente sous des auspices plutôt favorables. Comme l’a excellemment fait observer le rapporteur de la commission des finances, d’une part, la maquette budgétaire ne subit que peu de modifications, elles-mêmes — et il faut s’en féliciter — par cohérence avec certaines de dispositions du projet de loi pour le développement économique de l’Outre-mer (PLODEOM), à supposer, bien sûr, que le Parlement n’en modifie par le contour proposé ; d’autre part — innovation de taille que nous approuvons — le projet de budget s’insère dorénavant dans une construction triennale élaborée de telle sorte qu’à la fois elle préserve l’autorisation annuelle du Parlement et dresse une perspective enfin compatible avec les exigences de vision à moyen terme indispensables au développement de nos régions.

Pour les modalités de modification de la maquette budgétaire, nous renvoyons donc à la présentation claire et rigoureuse qu’en a fait le rapporteur de la commission des Finances.

S’agissant de la construction triennale du budget, elle répond pleinement aux dispositions du nouvel article 34 de la Constitution, dont la rédaction résulte de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.

Le résultat net, et combiné, des modifications juridiques ainsi rappelées, et de la volonté gouvernementale de poursuivre une action vigoureuse et porteuse d’espoir pour nos populations disséminées au-delà des océans, s’exprime par un accroissement sensible des crédits d’État affectés directement à l’outre-mer. Qu’on en juge :

Les crédits de la mission outre-mer s’élèveront, en 2009, à 1,97 milliard d’euros en autorisation d’engagement, soit une progression de 12,8 % par rapport à 2008, et à 1,88 milliard en crédits de paiement (+9,3 %). Sur la période triennale, l’accroissement atteindra 17 %, ainsi répartis dans le temps :

(en millions d’euros)

 

LFI 2008

2009

2010

2011

Autorisations d’engagement

1 753

1 970

2 001

1 998

Crédits de paiement

1 720

1 879

1 927

1 933

Comparé à ceux des autres départements ministériels, les crédits de la mission outre-mer se placent en tête du palmarès des augmentations budgétaires, devant la Recherche et l’Enseignement supérieur. En outre, comme on le sait, ces crédits ne représentent qu’une part relativement faible (11,4 %) de l’effort consenti par les finances publiques de l’État pour l’outre-mer, estimé à 16,5 millions d’euros, soit environ 275 euros par habitant.

Ramenés à deux, les programmes budgétaires de l’État pour l’outre-mer se présentent ainsi :

RÉPARTITION DES CRÉDITS DE PAIEMENT PAR PROGRAMME EN 2009

(en millions d’euros)

1 192 688

     
     
     

Emploi outre-mer Conditions de vie outre-mer

B.— L’EMPLOI OUTRE-MER : UNE QUESTION LANCINANTE

La problématique est, hélas, bien connue. Ses dimensions statistiques ont encore été rappelées plus haut. Chaque année, le budget apporte sa contribution à l’endigage et, si possible, à la résorption d’un phénomène structurel auquel contribuent de nombreux facteurs mais contre lequel il nous revient, pied à pied, de continuer de lutter.

Le programme « Emploi outre-mer » poursuit les mêmes objectifs que précédemment et qu’il faut, en effet, inscrire dans le long terme. Il privilégie toujours deux types d’actions :

– l’abaissement du coût du travail par des exonérations de charges sociales plus substantielles qu’en métropole ;

– l’institution et la pérennisation de dispositifs en faveur de la formation professionnelle, clé d’une insertion durable des candidats à un emploi dans le marché du travail.

Le mécanisme d’exonérations de charges sociales porte désormais le nom, mieux adapté à son objectif comme aux réalités économiques, de soutien aux entreprises. C’est, en effet, en abaissant les charges de celles-ci à la base de leur production de biens et de services, qu’il permet de leur accorder un bonus de compétitivité, lui-même porteur d’accroissement de chiffre d’affaires, donc de profits, donc d’emplois. Il ne faut jamais, en effet, oublier ce qui se disait dans l’Allemagne de Willy Brandt et qui vaut pour l’économie mondiale, déjà développée ou en voie de développement : les profits d’aujourd’hui sont les emplois de demain.

L’action Soutien aux entreprises voit donc sa dotation passer de 856,7 millions d’euros votés pour 2008 à 1 038,3 millions proposés pour 2009, soit un accroissement très substantiel de 21,1 %, identique en crédits de paiement.

Cette augmentation est notamment due à l’apparition d’une aide publique nouvelle, aux entreprises pour le fret, problème évidemment récurrent dans nos régions d’outre-mer. Prévue par le PLODEOM, une aide aux entreprises localisées dans les départements d’outre-mer et à Saint-Pierre et Miquelon sera instituée afin d’abaisser, d’une part, le coût du fret des matières premières que nécessite leur cycle de production, d’autre part, le transport hors de leur territoire de fabrication des produits finis.

Déjà, l’Union européenne, dans le cadre du FEDER, gère une allocation spécifique de compensation des surcoûts liés aux handicaps des RUP, qui prévoit une prise en charge de 50 % du fret correspondant. A partir de 2009, la part restante pourra être cofinancée par l’État et par les régions, sur la base d’un forfait calculé sur les coûts nets de transports les plus économiques afin d’inciter aussi les entreprises à la performance. 27 millions d’euros, totalement nouveaux, sont inscrits à ce titre au budget de 2009 et nous paraissent répondre pleinement à l’un des besoins de l’économie d’outre-mer au sens du rétablissement des conditions équitables de sa compétitivité.

Mais, bien sûr, c’est la compensation des exonérations de charges sociales qui reste le premier poste budgétaire non seulement du programme Emploi outre-mer mais aussi de toute la mission outre-mer : plus d’un milliard d’euros sur les 1,97 milliard de la dotation totale, soit plus de 50 %. Ces exonérations, à caractère automatique et donc simplement constatées en langage budgétaire, méritent d’être ici rappelées dans leur économie : quatre catégories d’exonérations doivent être distinguées :

1. Les exonérations sectorielles

L’assiette de l’exonération de charges patronales porte sur 100 % du montant des cotisations patronales, dans la limite d’un montant de rémunération égal à :

– 1,3 SMIC pour :

– les entreprises de 10 salariés et moins (tous secteurs d’activité)

– les entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics de 50 salariés et moins. Pour les entreprises dont l’effectif est inférieur ou égal à cinquante salariés, l’assiette de l’exonération de charges patronales porte sur 100 % du montant des cotisations patronales, toujours dans la limite d’un montant de rémunération égal au SMIC majoré de 30 %. Au-delà de 50 salariés, le taux d’exonération est réduit à 50%.

– les entreprises privées de transport aérien, maritime ou fluvial desservant l’outre-mer

– 1,4 SMIC pour :

– les entreprises des secteurs exposés à la concurrence (industrie, restauration, presse, production audiovisuelle, énergies renouvelables, nouvelles technologies de l’information et de la communication, pêche, cultures marines, aquaculture et de l’agriculture, y compris les coopératives agricoles et leurs unions, les sociétés d’intérêt collectif agricole, les coopératives maritimes et leurs unions ; ainsi que les centres d’appel).

– 1,5 SMIC pour les entreprises des secteurs surexposés à la concurrence (tourisme, restauration de tourisme classé et hôtellerie).

Depuis le 1er janvier 2008, les exonérations des cotisations d’accidents du travail et de maladies professionnelles sont exclues de l’assiette des cotisations exonérables.

2. Les exonérations pour les exploitants agricoles

Les exploitants agricoles (non-salariés) des départements d’outre-mer et de Saint-Pierre et Miquelon exerçant leur activité sur des exploitations de moins de 40 hectares pondérés bénéficient d’une exonération totale des cotisations relatives aux prestations familiales, à l’assurance maladie, invalidité, maternité et à l’assurance vieillesse.

Lorsque la surface d’exploitation se développe au-delà de 40 hectares les exploitants agricoles conservent pendant 5 ans si l’extension de la surface exploitée a pour effet de permettre la diversification de la production de l’exploitation ou la mise en valeur de terres incultes, laissées à l’abandon ou sous exploitées.

3. Les exonérations pour les travailleurs indépendants

Les employeurs et travailleurs indépendants peuvent bénéficier de trois mesures :

– leurs cotisations et contributions sociales ainsi que des marins propriétaires embarqués et des marins pêcheurs, sont réduites de 50 % pour la partie des revenus  inférieurs au plafond de la sécurité sociale (32 184 euros au 1er janvier 2007) ; au-delà, il n’y a pas de réduction de cotisations ;

– ceux dont les revenus sont les plus bas sont totalement exonérés des cotisations sociales ;

– les créateurs d’entreprise, dont les marins devenant propriétaires embarqués d’un navire, bénéficient d’une exonération des cotisations patronales de sécurité sociale pendant 24 mois.

4. Les exonérations des contrats d’accès à l’emploi

S’applique une exonération de cotisations patronales de sécurité sociale pour la partie de la rémunération n’excédant pas 1,3 fois le SMIC pendant toute la durée du contrat pour les contrats à durée déterminée. Pour les contrats à durée indéterminée, l’exonération court sur 24 mois, voire 30 mois pour un contrat signé avec un bénéficiaire du RMI.

L’exonération est pérenne pour l’embauche de personnes de plus de 50 ans et moins de 65 ans inscrites à l’ANPE depuis au moins 12 mois dans les 18 derniers mois, ou bénéficiaire du RMI et sans emploi depuis au moins un an, ou travailleurs handicapés ou bénéficiaire de l’obligation d’emploi.

Au total, selon les données fournies par l’ACOSS pour 2006, ce dispositif concernait 41 000 entreprises (soit près de 90 % de l’ensemble des entreprises des départements d’outre mer) et un peu plus de 170 000 salariés sur 296 000 salariés du secteur concurrentiel.

Le coût global du dispositif se calcule à partir des montants dus aux différents organismes en 2005, 2006 et 2007 et ceux estimés par ceux-ci pour les aimées 2008 et 2009, se répartissent comme suit :

(en millions d’euros)

 

2006

2007

2008 (provision)

2009 (estimations)

ACOSS

923

1 024

1 004,4

1 051

CCMSA

35

35,1

36,1

37

ENIM

10

9,6

7,3

9

CPS (Saint-Pierre et Miquelon)

4

4,8

5

5

RSI

98

69,1

118,1

88

Total

1 070

1 142,6

1 170,9

1 190

L’incidence de ces mesures sur l’emploi peut être appréhendée à travers :

– l’évolution de l’emploi salarié selon la taille des entreprises :

Les établissements de moins de 11 salariés représentent 84 % des entreprises ultramarines contre 76,2 % en métropole et regroupent 34,3 % de leurs salariés. On constate une croissance des emplois beaucoup plus forte pour ce groupe d’entreprises (+ 36 % d’augmentation contre + 4 % en métropole).

Ce sont les entreprises de moins de 11 salariés hors des secteurs exonérés qui ont le plus profité des mesures spécifiques de la loi de programme de 2003.

En revanche, la croissance des effectifs des entreprises de 11 salariés et plus a été moins importante que celle des établissements de petite taille.

– et l’évolution globale en matière d’emplois :

De 1999 à 2006, on constate une plus forte croissance des emplois salariés dans les DOM qu’en métropole, tout particulièrement pour les principaux secteurs exonérés. L’augmentation globale des emplois pendant cette période a été de 19,5 % dans les DOM pour les établissements des secteurs exonérés alors qu’elle a été de 4,0 % pour les établissements des mêmes secteurs en métropole. Le tableau ci-dessous présente ces évolutions pour chacun des secteurs exonérés.

L’évolution de l’emploi par secteur d’activité au sein des secteurs exonérés est mesurable de 1999 à 2006, l’analyse sectorielle n’étant hélas pas encore disponible pour 2007.

Comme l’indique le tableau qui suit, l’augmentation du nombre d’emplois de plusieurs secteurs a été particulièrement forte ; c’est notamment le cas des secteurs :

– du bâtiment et des travaux publics (pour les entreprises de moins de 50 salariés : + 57,5 % outre mer contre + 20 % en métropole ;

– des entreprises de transports aériens réguliers : +59,8 % contre + 8,5 % en métropole ;

– de l’hôtellerie et de la restauration : + 39,7% contre 22,8 % en métropole ;

– de la presse : +27,3 % contre +3,4 % en métropole.

Secteurs exonérés

Évolution des effectifs moyens annuels dans les DOM (en %)

Évolution des effectifs moyens annuels en métropole (en %)

Agriculture

- 13,2

- 4,4

Pêche, aquaculture

NS

NS

Industrie extractive

19,6

- 8,5

Industrie manufacturière

16,5

- 8,9

Presse

27,3

3,4

Energie renouvelable

1,8

- 3,5

BTP moins de 50 salariés

57,5

20

BTP plus de 50 salariés

27,5

22,4

Hôtellerie restauration

1,3

20,1

Hôtellerie restauration non classée

39,7

22,8

Tourisme

12,3

19

Technologies de l’information et de la communication

34,7

22,8

Production audiovisuelle

1,5

33,6

Transports et communication : aériens non réguliers

- 20,1

2,5

Transports et communication : aériens réguliers

59,8

8,5

Transports et communication : autres

- 2,1

32,1

Total des secteurs exonérés

19,5

4

Lorsque l’on compare les secteurs exonérés aux autres secteurs outre-mer d’une part et les secteurs exonérés outre-mer aux mêmes secteurs de l’hexagone d’autre part, la progression de l’emploi salarié établit clairement le rôle déterminant joué par les exonérations des cotisations.

Malgré tout, le projet de loi de finances pour 2009 prévoit, dans son article 65, de refonder le dispositif en vigueur.

Certains, en effet, dont notre commission des finances, ont considéré que la performance du dispositif était incertaine. Deux indicateurs ont été attachés à l’objectif dénommé « Encourager la création et la sauvegarde d’emplois durables dans le secteur marchand ». Le premier mesure « l’écart entre le taux de croissance de l’emploi salarié dans les entreprises d’outre-mer exonérées de cotisations sociales au titre d’une année et le taux de croissance de l’emploi salarié outre-mer au titre de la même année ». La deuxième mesure « l’écart entre le taux de croissance de l’emploi salarié dans les entreprises d’outre-mer exonérées de cotisations sociales au titre d’une année et le taux de croissance de l’emploi salarié dans les entreprises analogues de métropole ». Ces deux indicateurs sont incontestablement pertinents mais relativement difficiles à manier.

S’il est vrai qu’il est difficile de mesurer avec précision l’incidence du système sur l’emploi outre-mer, il faut cependant souligner les résultats positifs enregistrés dans ce domaine depuis 2003. L’augmentation des effectifs salariés a atteint 14 % dans l’ensemble des entreprises d’outre-mer et 22,5 % dans les entreprises de mois de 11 salariés, celles prioritairement visées par le dispositif, quand la progression n’a été que de 1,5 % en métropole.

Le Gouvernement a pris l’initiative de réformer le mécanisme en voulant le rendre à la fois plus simple et plus efficient. Il s’agit de concentrer les mesures d’exonération sur les salariés pour lesquels l’incidence sur l’emploi est la plus forte. A cet effet, est institué un plafond unique d’exonérations (contre trois actuellement), fixé à 1,4 fois le SMIC, puis une exonération linéairement dégressive, qui prend fin lorsque le salaire atteint 3,8 fois le SMIC. A titre complémentaire, une mesure d’exonération plus poussée, une sorte de « sur exonération », bénéficiera aux entreprises auxquelles s’appliquent les mesures fiscales en vigueur dans le cadre des zones franches globales d’activité (ZFGA). Dans leur cas, le plafond d’exonération est porté de 1,4 à 1,6 SMIC et ne s’éteint qu’à 4,5 SMIC au lieu de 3,8.

Le nouveau dispositif n’est cependant pas exempt de critiques :

– la suppression du seuil de 1,5 SMIC va désavantager les secteurs du tourisme et de l’hôtellerie, dits « surexposés » ;

– l’institution d’une dégressivité de la franchise d’exonération va incontestablement à l’encontre de la nécessité de favoriser l’emploi de personnes qualifiées, clé du développement ;

– enfin, son articulation avec le dispositif spécifique aux ZFGA est loin d’être claire. Malgré sa sagacité, notre rapporteur de la commission des Finances n’est pas parvenu à fournir une présentation du dispositif qui soit dénuée de zones d’ombres. Qu’en serait-il alors de nos chefs de PME chargés d’en solliciter le bénéfice !

L’insertion de cet article dans le projet de loi de finances pour 2009 a également été sévèrement critiqué par notre commission des Finances au motif qu’il reprend le texte de deux articles devant figurer dans le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer et donc que la procédure ainsi choisie, en quelque sorte d’adoption anticipée, n’était pas satisfaisante. Ce qui a entraîné son rejet par la commission.

Il est évident que, compte tenu du poids budgétaire du dispositif et des incertitudes qui peuvent peser sur son efficacité, le débat sur le PLODEOM fournirait un cadre mieux approprié à l’examen serein et approfondi de la réforme. Il serait, en outre, judicieux, avant d’arrêter un dispositif définitif, de procéder à quelques simulations.

La réforme envisagée laisse cependant entier le problème endémique de la gestion de son coût budgétaire. En effet, le montant des exonérations a cru continuellement au cours des dernières années, alors que les crédits inscrits pour sa compensation budgétaire prenaient du retard. Il en résulte un stock d’impayés estimé à ce jour à 899 millions d’euros.

Pour 2009, si la réforme n’était pas mise en place, les crédits inscrits, à hauteur de 1 011,3 millions d’euros, ne suffiraient pas à financer un besoin estimé à 1 190 millions. La réforme entraînerait une économie de 138 millions d’euros en année plaine et donc de 103 millions d’euros sur neuf mois. Ce qui laisse encore une insuffisance de 75,7 millions d’euros.

Le deuxième volet du programme « Emploi outre-mer » porte sur l’aide à l’insertion et à la qualification professionnelle. Dotée en autorisations d’engagement de 134,1 millions d’euros en 2008 et de 153,3 millions d’euros pour 2009, elle connaît une hausse sensible, de 14,4 %, les crédits de paiement progressant pour leur part de 8,7 %.

Il faut distinguer le service militaire adapté (SMA) de l’action de l’Agence nationale pour l’insertion et la promotion des travailleurs d’outre-mer (ANT).

Rappelons simplement que, créé en 1961, le premier permet de dispenser aux jeunes ultramarins une formation professionnelle dans le cadre militaire, comprenant 37 filières, pour 3 000 volontaires âgés de 1 à 26 ans. Le coût du SMA en 2008 devrait s’établir à environ 111 millions d’euros ; ses crédits de paiement atteindront 113,5 mie en 2009, le coût global par volontaire s’établissant à un peu plus de 39 000 euros.

L’ANT bénéficiera quant à elle en 2009 d’une subvention de l’État de 9 millions d’euros (contre 8,7 millions en 2008).

C.— LES CONDITIONS DE VIE : ENCORE ET TOUJOURS À AMÉLIORER

(en euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Numéro et intitulé de l’action

Ouvertes pour 2008

Demandées pour 2009

Évolution

(en %)

Ouvertes pour 2008

Demandées pour 2009

Évolution

(en %)

01-Logement

236 000 000

258 000 000

9,3

200 000 000

209 000 000

4,5

02-Aménagement du territoire

134 000 000

180 090 330

34,3

110 000 000

147 494 493

34

03-Continuité territoriale

54 232 603

53 501 605

-1,3

54 232 603

53 501 605

-1,3

04-Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports (libellé modifié)

38 231 515

35 550 000

-7

38 231 515

35 550 000

-7

06-Collectivités territoriales

196 817 400

208 123 862

6,7

216 267 400

223 323 941

3,2

07-Insertion économique et coopérations régionales

3 000 000

2 900 000

-3,3

3 000 000

2 900 000

-3,3

08-Fonds exceptionnel d’investissement (nouveau)

--

40 000 000

--

--

16 000 000

--

Total

662 281 518

778 165 797

17,5

621 731 518

687 770 039

10,6

Le logement demeure la priorité des priorités, avec quelques objectifs permanents à moyen terme :

– la résorption de l’habitat insalubre, dont la situation reste préoccupante, avec 70 000 logements concernés dans les DOM et à Mayotte. Des études récentes ont été lancées pour connaître de façon plus précise l’ampleur et la nature du phénomène. Les crédits affectés à cette action, qui inclut également la participation de l’État à l’aménagement des quartiers, s’élèveront à 31,5 millions d’euros en 2009, contre 27,7 millions en 2008 (+ 13,7 %). Corrélativement, les aides à l’amélioration de l’habitat privé progressent aussi sensiblement, de 37,5 % en autorisation de programme et de 29,8 % en crédits de paiement, pour s’établir respectivement à 45,6 millions et 37 millions d’euros ;

– la construction de logements sociaux en accession à la propriété, point fort de la loi du 5 mars 2007 instaurant le droit au logement opposable, a rencontré quelques retards de réalisation en 2008 par rapport aux objectifs affichés, entraînant une révision à la baisse de l’objectif 2009 ; 37,8 millions d’euros lui seront consacrés (contre 51,4 millions initialement prévus en 2008) afin de construire 1 350 logements.

En revanche, les crédits favorisant le logement locatif augmentent de façon importante, devant atteindre 127,7 millions d’euros en autorisation d’engagement (+23,9 %) et 112 millions en crédits de paiement (+19 %). Ils permettront de viser l’objectif de 4 500 logements à construire en 2009, avec ensuite une progression annuelle pour parvenir à 5 400 logements par an en 2012.

Demeure le problème de la dette de l’État à l’égard des bailleurs sociaux. Il existe deux façons d’appréhender ce phénomène récurrent depuis 2000 :

– La première consiste à constater l’écart entre les autorisations d’engagement ouvertes et les dotations en crédits de paiement depuis huit ans, écart qui cumulé d’année en année conduit à la constatation d’une dette virtuelle ou potentielle, que d’autres qualifient de «restes à mandater ».

– La deuxième consiste à comptabiliser les factures en instance dans les services de l’État qui ne peuvent être honorées fautes de disponibilités en crédits de paiement, et consiste en une dette réelle de l’État envers les bailleurs compte tenu d’un service fait.

En vertu de la première approche, le montant de la dette virtuelle ou des restes à mandater s’établit arithmétiquement à 660 millions d’euros en fin d’année 2007. En revanche, les « restes à mandater » s’établissent ainsi :

 

Autorisations engagées

Crédits mandatés

Écart

2000

247 419 256

208 394 348

39 024 908

2001

261 283 603

198 178 222

63 105 381

2002

280 159 609

178 442 244

101 717 365

2003

240 353 853

167 693 390

72 660 463

2004

222 857 415

162 099 766

60 757 648

2005

323 490 018

184 174 641

139 315 377

2006

263 677 160

172 682 177

90 994 983

2007

259 216 304

196 743 921

62 472 383

2008

236 000 000

200 000 000

36 000 000

Montant cumulé fin 2008

2 098 457 217

1 468 408 709

660 048 508

Cet écart a été dénoncé par le rapport d’information du Sénat en 2006 qui recommandait de le réduire rapidement, ce qui a été mis en œuvre à partir de 2008, en diminuant les autorisations diverses et en augmentant sensiblement les crédits : le projet de loi de finances pour 2009 prévoit de poursuivre cette tendance, fixant les autorisations à 258 millions d’euros et les crédits à 209 millions d’euros.

Soulignons toutefois que le montant des restes à mandater reste purement théorique, car certaines opérations engagées depuis plusieurs années ne généreront plus de besoins en crédits de paiement, et permet de prévoir un taux d’abattement de 30 %.

A cet égard, un important travail d’analyse comptable est en cours. Ses résultats ne seront connus qu’à la fin de l’année 2008.

Quant à la dette :

La question s’est posée avec une grande acuité ces deux dernières années et en particulier au cours de l’année 2006, où celle-ci a été évaluée par les services extérieurs de la comptabilité et du budget à 115 millions d’euros.

Il convient de souligner que cette question n’est plus à l’ordre du jour depuis les mesures exceptionnelles qui ont été prises par le gouvernement en 2006-2007.

En effet, 60 millions de crédits ont été injectés au cours des exercices 2006-2007 pour résorber la dette : d’une part 30 millions provenant de la Caisse des dépôts et consignations ont été distribués au cours de l’été 2006 aux bailleurs sociaux en situation délicate et d’autre part 30 millions de crédits budgétaires ont été apportés par ligne budgétaire unique (LBU).

Répartition de la dette par département :

En 2006, La dette «réelle» s’est établie à la fin de l’exercice 2006 à 57 millions d’euros, dont 37 millions d’euros correspondant à des factures dont le service fait a été certifié (les impayés) et 19 millions d’euros correspondant à des factures en cours de certification et d’établissement de service fait (qui peut parfois nécessiter des visites de chantier très lourdes).

2006

Factures certifiées

Factures non certifiées

total

Guadeloupe

9 650 000

2 470 000

12 120 000

Guyane

4 635 003

3 788 882

8 423 885

Martinique

13 721 586

2 715 880

16 437 466

Réunion

9 076 416

7 000 000

16 046 416

Mayotte

379 378

3 378 850

3 758 228

Total

37 385 967

19 353 612

56 739 579

A la fin de l’exercice 2007, les services extérieurs de l’État ont fait état d’une «dette» de 17 millions d’euros correspondant à des factures correspondant à un service fait certifié qui n’ont pu être payées faute de disponibilité de crédits, tandis que 20 millions d’euros de dette correspondaient à des factures en cours de certification.

2007

Factures certifiées

Factures non certifiées

total

Guadeloupe

4 054 741

4 855 979

8 910 720

Guyane

0

0

0

Martinique

4 480 272

858 692

5 338 964

Réunion

7 133 818

10 239 558

17 373 376

Mayotte

1 435 554

4 786 682

6 222 236

Total

17 104 385

20 740 911

37 845 296

Cette dette devrait globalement, assure le secrétariat d’État, être absorbée par l’augmentation de crédits de paiement pour l’exercice 2008 (+ 1,6 %) et ne se reconstituerait pas grâce à ceux octroyés en 2009 (+ 4,5 %).

Les autres actions du programme Conditions de vie Outre-mer concernent :

L’aménagement du territoire, à travers l’aide au financement des infrastructures des collectivités territoriales, profite d’un très substantiel accroissement (+ 34,3 % en autorisations d’engagement), le plus élevé de la mission Outre-mer. Il résulte pour l’essentiel, à hauteur de plus de 30 millions d’euros, des transferts opérés depuis les programmes des autres ministères concernés. Cette mesure, de simple présentation :

– permet de regrouper, enfin, l’ensemble des crédits des différents ministères pour le financement des contrats de projets État-régions 2007-2013 ainsi que des contrats et des conventions conclus avec les collectivités d’outre-mer et la Nouvelle-Calédonie ;

– n’empêche pas de considérer que, hormis cette mesure comptable qui va dans le sens des préconisations formulées par votre rapporteur l’année dernière, la progression réelle des crédits correspondante n’est toutefois pas négligeable : + 12 %.

La continuité territoriale :

Les crédits correspondants recouvrent le financement du Fonds de continuité territoriale prévu par le PLODEOM et celui de la partie formation du passeport mobilité.

Le fonds de continuité territoriale regroupera désormais, avec une dotation de 49,1 millions d’euros aussi bien en autorisation d’engagement qu’en crédits de paiement, les crédits du passeport mobilité et les crédits d’aide à la continuité territoriale stricto sensu.

La question du passeport mobilité conserve encore trop de zones floues. On sait que victime de son succès, il a vu se multiplier par dix en trois ans le nombre de ses bénéficiaires et le montant de ses crédits, toujours insuffisant, ne figure pas dans les documents budgétaires. On sait aussi qu’il donne lieu à des abus. C’est pourquoi, en 2007, une mission parlementaire, conduite par notre collègue Michel Bouvard, avait formulé « vingt propositions pour une réforme urgente » dont on ne sait toujours pas quelle suite entend leur donner le gouvernement.

Le PLODEOM prévoit en outre un réaménagement de l’aide à la continuité territoriale. Celle-ci sera désormais déléguée par l’État aux régions et aux collectivités qui en feront la demande et qui compléteront les crédits d’État pour au moins la moitié du montant de ceux-ci. Rappelons que, jusqu’ici, chaque département recevait une dotation annuelle de continuité territoriale qui évoluait de la même façon que la dotation globale de fonctionnement des communes.

L’action Sanitaire, social, culture, jeunesse et sport porte, pour la plus grande partie des crédits inscrits, sur le domaine de la santé, dont plus de la moitié (23 millions d’euros) est consommée par le financement de l’agence de santé de Wallis et Futuna.

L’action Collectivités territoriales recouvre un, relatif, grand nombre de dotations spécifiques, pour une assez grande diversité de projets et d’opérations conduits par les collectivités territoriales ultramarines. Leur liste complète est fournie par le document budgétaire du gouvernement, projet annuel de performances 2009 (PAP).

L’insertion économique et la coopération régionale recouvrent, pour un total relativement modique et à peu près stable d’un exercice sur l’autre, les contributions de l’État au financement de projets divers arrêtés dans le cadre des conférences de coopération régionale et des comités de gestion du fonds de coopération régionale (FCR).

Enfin, une nouvelle action fait son apparition dans le programme : le Fonds exceptionnel d’investissement. Doté, pour sa première année, de 40 millions d’euros d’autorisation et de 16 millions de crédits, le FEI, dont la création est prévue par le PLODEOM, doit servir à financer, selon le ministère, « des investissements structurants des collectivités locales soit pour construire les équipements publics nécessaires, soit pour produire du foncier à destination des acteurs économiques, soit encore pour contribuer à la mise aux normes de certains équipements au regard des risques majeurs. »

Le fonds poursuit donc l’objectif louable d’apporter une contribution significative à l’indispensable comblement du retard accumulé par les collectivités ultramarines en matière d’équipements publics et collectifs, dits « structurants » du progrès économique et social. On pourrait naturellement faire observer que les sommes inscrites ne sont pas, il s’en faut de beaucoup, à la hauteur de besoins aussi largement définis, mais la direction est la bonne et notre commission des affaires économiques aura à cœur de suivre l’emploi de ce fonds et d’encourager à son expansion, toujours dans le souci, rappelé en introduction de ce rapport, d’une meilleure cohésion nationale entre métropole et Outre-mer.

La procédure d’attribution des concours financiers telle que décrite par le ministère fait reposer le futur mécanisme sur des projets élaborés au niveau des collectivités et transmis aux préfets, qui instruisent la demande auprès du ministère. La procédure reste donc à préciser et devra, naturellement, éviter toute lourdeur technocratique nouvelle.

On peut, à l’occasion de la création de ce fonds, se demander s’il ne conviendrait pas, dans un délai raisonnable, et pourquoi pas à l’occasion de la discussion future du PLODEOM, de réexaminer la cohérence de l’ensemble des dispositifs d’aide publique directe aux investissements outre-mer, en vue d’améliorer leur transparence, de mieux mesurer la hiérarchie des priorités qu’ils expriment, enfin de réaliser quelques économies de gestion administrative.

C’est, hélas, sur un autre terrain, celui de la défiscalisation, que le gouvernement a choisi, dans le projet de loi de finances pour 2009, de lancer un débat sur le thème de la remise en ordre, toujours souhaitable dans le principe, souvent inquiétante dans ses modalités.

III.— LE DÉBAT SUR LA DÉFISCALISATION

Le premier poste de dépenses publiques n’est pas le budget de la mission Outre-mer mais la dépense fiscale résultant d’un ensemble de mécanismes visant à alléger directement les charges de l’économie ultramarine afin de compenser une partie de ses handicaps de compétitivité. Les dispositifs correspondants ont beau s’être peu à peu constitués dans le temps, il est cependant possible, comme le fait le secrétariat d’État à l’outre-mer, d’affecter chacun de ces dispositifs à chacun des deux programmes, emploi outre-mer et conditions de vie, ainsi que le montre le tableau ci-contre :

DÉPENSES FISCALES EN FAVEUR DE L’OUTRE-MER

(en millions d’euros)

Objet de la mesure

2007

2008

2009

Dépenses fiscales contribuant au programme Emploi outre-mer

Imputation sur le revenu global des déficits industriels et commerciaux non professionnels provenant de la location d’un hôtel situé dans les DOM avec travaux

3

3

2

Exonération, sur agrément, des bénéfices en cas de création d’activité nouvelle dans les DOM

≤ 0,5

0

0

Exonération des bénéfices réinvestis dans l’entreprise pour les sociétés de recherche et d’exploitation minière dans les DOM

≤ 0,5

≤ 0,5

≤ 0,5

Prise en compte réduite des résultats provenant d’exploitation dans les DOM (jusqu’en 2017)

85

90

95

Exonération des rémunérations versées dans le cadre des contrats aidés pour les Rmistes dans les DOM

nc

nc

nc

Exonération de TVA de matières premières et des produits pétroliers dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion

80

80

80

Déductibilité de la TVA afférente à certains produits exonérés

200

200

225

Total pour le programme

369

373

402

Dépenses fiscales contribuant au programme Conditions de vie outre-mer

Déduction des investissements productifs réalisés outre-mer

nd

nd

nd

Réduction d’impôt au titre des investissements locatifs et de la réhabilitation de logements situés outre-mer

220

220

250

Réduction d’impôt sur le revenu au titre des investissements productifs réalisés outre-mer (avant le 31 décembre 2007)

500

550

800

Réduction d’impôt sur le revenu (30 % en Guadeloupe, Martinique et Réunion, et 40 % en Guyane)

250

270

280

Déduction des investissements productifs réalisés outre-mer (jusqu’en 2017)

160

180

250

Réduction de 50 % des tarifs des droits d’enregistrement et de timbre en Guyane

2

2

2

Exonération de TVA des transports maritimes de personnes et de marchandises dans la limite de chacun des départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion

nc

nc

nc

Régime de TVA des départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion

1 040

1 070

1 180

Exclusion des DOM du champ d’application de la TIPP

130

130

133

Total pour le programme

2 306

2 436

2 896

Total pour la mission Outre-mer

2 702

2 809

3 298

Il est donc faux d’affirmer que les différentes mesures en vigueur forment un ensemble hétéroclite, fruit de l’histoire et de la conjoncture, plutôt que d’une vision cohérente. S’il est vrai qu’on ne peut désigner la date où celle-ci aurait été formée, il n’en demeure pas moins que chaque dispositif participe, en complémentarité avec les autres. Naturellement le poids et l’incidence de chacun sont fort variables mais tous répondent à une caractéristique et une faiblesse particulières de l’économie ultramarine.

A la demande de notre commission des Finances, à laquelle nous nous sommes associés, le secrétariat d’État à l’outre-mer a rappelé l’objectif poursuivi par chaque mesure dont le coût pour les finances publiques est égal ou supérieur à 100 millions d’euros en 2008, ainsi que le nombre correspondant de bénéficiaires.

Une seule mesure, sous ce critère, se rattache au programme Emploi : la déductibilité de la TVA non perçue afférente, en application de l’article 295 du code général des impôts, aux produits figurant sur une liste annexée audit code et comprenant, d’une part, les importations de riz à la Réunion, d’autre part, les importations (y compris en provenance du continent européen) de produits et matières premières destinés à l’industrie hôtelière et touristique ainsi que de produits, matériaux de construction, engrais et outillages industriels, tels qu’énumérés par l’article 50 duodecies I de l’annexe précitée.

Ce mécanisme a pour objet de compenser, au moins partiellement, les surcoûts de transport et de sur-stockage dus à l’étroitesse des marchés ultramarins. Justifié en ce sens devant la Commission européenne, qui l’a approuvé en 2006, le régime permet aux entreprises locales de déduire la TVA qui aurait dû frapper le bien lors de son importation comme si elle avait été effectivement acquittée, alors même que cette TVA fait l’objet d’une exonération.

Le régime s’applique également aux opérations de revente des produits de même nature lorsqu’ils sont de fabrication locale.

Le PLODEOM prévoit, dans son article 15, de modifier ce mécanisme afin d’en limiter le bénéfice aux seuls biens d’investissement, ce qui ne correspond pas nécessairement aux réalités de l’économie ultramarine mais dont nous réservons la discussion à l’examen du projet de loi porteur de la réforme.

Tous les autres mécanismes d’allègement fiscaux supérieurs à 100 millions d’euros s’appliquent au programme « Conditions de vie ».

La réduction d’impôt au titre de l’investissement locatif, de l’accession à la propriété et de la rénovation immobilière, prévue par l’article 199 undecies A du code général des impôts, devrait coûter 230 millions d’euros en 2008.

L’insuffisant renouvellement du parc immobilier outre-mer et la faiblesse structurelle de l’offre de logements exigent que l’on tente d’y remédier en combinant plusieurs mécanismes, ce qui avait été parfaitement vu par la loi de programme de 2003. Le régime de défiscalisation comprend quatre volets :

– la rénovation immobilière dont le coût est quasi nul, compte tenu d’un nombre extrêmement réduit de dossiers ; il s’agit d’une réduction d’impôt au taux de 25% sur 5 ans pour les travaux de rénovation d’un immeuble vieux de 40 ans au moins ;

– l’accession à la propriété qui permet une réduction de 25% étalée sur 10 ans en ce qui concerne l’acquisition ou la construction d’un logement destiné à devenir la résidence principale du contribuable concerné ;

– le locatif libre qui permet une réduction de 40% étalée sur 5 ans pour les constructions ou acquisition de logements destinés au marché locatif ;

– le locatif intermédiaire qui permet une réduction de 50% étalée sur 5 ans pour les constructions ou acquisition de logements destinés au marché locatif à condition que les logements soient loués à des personnes remplissant des conditions de ressource et que les loyers respectent des prix plafonds.

29 000 personnes en bénéficieraient en 2008.

Le PLODEOM prévoit aussi de restreindre ce régime, en supprimant progressivement ses volets 3 et 4 (respectivement en 2012 et en 2013) et en limitant le soutien de l’accession à la propriété aux primo accédants et sous un plafond de surface.

La réduction d’impôt a raison des investissements productifs réalisés outre-mer, en application de l’article 199 undecies B du code général des impôts et la déduction de la base imposable de l’impôt sur les sociétés des investissements productifs et des souscriptions en capital, en application de l’article 217 undecies du code précité, coûteraient en 2008, respectivement 550 et 180 millions d’euros.

On sait qu’outre-mer, l’étroitesse des marchés et des débouchés, conjuguée aux risques naturels, dont les aléas climatiques, produisent ce qu’il convient d’appeler un effet de ciseaux particulièrement coupant :

– la rentabilité du capital investi reste structurellement plus faible qu’en métropole ;

– les organismes de crédit se montrent traditionnellement frileux, bien plus qu’en métropole, trait qui ne peut que s’accentuer dans l’actuelle conjoncture.

En résultent un crédit rare et cher, un frein générateur aux capacités de levées de capitaux et de financement des investissements productifs.

C’est pourquoi le législateur, notamment celui de 2003, a mis en place quelques mécanismes correcteurs à travers le soutien à l’investissement par le levier fiscal. Ainsi, les investisseurs personnes physiques bénéficient d’un taux d’avantage fiscal égal le plus souvent à 50% pour la réalisation d’opérations d’investissement dans des secteurs éligibles, sous réserve de l’obligation de rétrocéder à l’exploitant une part (en principe 60%) de l’avantage fiscal ainsi obtenu.

Lorsque les investissements éligibles se font à travers une entreprise soumise à l’impôt sur les sociétés, l’avantage fiscal prend la forme d’une déduction du montant de l’investissement sur la base imposable fiscalement. L’avantage fiscal est alors égal au produit de la base ainsi défiscalisée par le taux de l’impôt sur les sociétés soit environ 33%.

Le nombre de bénéficiaires des deux dispositifs est estimé à un peu moins de 10 000 pour 2008.

La réduction de 30 ou de 40 % de la cotisation d’impôt sur le revenu, en application de l’article 197-I-3 du code général des impôts, coûte pour sa part environ 270 millions d’euros à la collectivité nationale.

L’éloignement et la cherté du prix des produits de première consommation, dans l’ensemble des départements d’outre-mer, conduit à une structure de l’emploi des revenus moins favorable outre mer. Le poste «dépenses hors consommation finale » représente la première dépense des ménages ; les impôts et taxes y absorbent, par exemple à la Réunion, une part deux fois plus importante que dans l’hexagone.

L’abaissement du taux des impôts directs d’État constitue donc un objectif d’autant plus nécessaire que cette situation se combine avec une surreprésentation par rapport à la métropole des foyers relevant des minima sociaux.

C’est pourquoi les personnes physiques domiciliées dans les départements d’outre mer bénéficient d’un mode de calcul dérogatoire de l’impôt sur le revenu : le calcul de la cotisation intègre un abattement de 40 % en Guyane (dans la limite de 6 100 euros en 2006) et de 30 % (dans la limite de 5 100 euros en 2006) dans les autres départements.

Mesure à extension large, elle bénéficierait en 2008 à plus de 280 000 personnes, soit environ 11 % de la population ultramarine ou 37 % si l’on raisonne en terme de foyers fiscaux. Personne n’envisage apparemment, aujourd’hui, de la remettre en cause.

L’abaissement du taux de TVA, à 8,5 % pour le taux normal (contre 19,5 % en métropole) et à 2,10 % pour le taux réduit (contre 5,5 % en métropole), hormis la Guyane qui ignore cet impôt, est fixé par l’article 296 du code général des impôts.

Signalons d’abord que les taux de TVA pratiqués outre-mer mettent les territoires correspondants au niveau moyen de la fiscalité sur la consommation dans l’Union européenne.

Rappelons, en second lieu, que, historiquement, les départements d’outre-mer ont longtemps été marqués par une fiscalité de type douanier, caractérisée par la taxation des marchandises à leur arrivée et qu’aujourd’hui encore une part importante des finances publiques locales est tributaire de l’octroi de mer.

L’octroi de mer est une taxe indirecte dont la légitimité a été reconnue jusqu’au ler juillet 2014 par les institutions communautaires pour donner aux collectivités territoriales des départements d’outre-mer les moyens de leur propre développement et compenser les surcoûts liés à l’ultra périphérie tels qu’ils sont prévus par l’article 299-2 du Traité de l’Union européenne précité.

Les recettes d’octroi de mer des quatre régions d’outre-mer représentent en moyenne annuelle près d’un milliard d’euros. Elles constituent la première recette fiscale des communes (43% à La Réunion et en Guyane, 47% en Martinique et 41% en Guadeloupe) ainsi qu’une importante ressource propre des régions (48% en Guyane, 33% en Martinique, 34% en Guadeloupe et 11% à La Réunion).

Les travaux requis pour satisfaire aux obligations communautaires en 2007 et 2008 ont replacé le dispositif au centre des débats.

I — Le cadre historique et institutionnel

L’octroi de mer est une taxe très ancienne remontant au « droit de poids » instauré en 1670. Depuis la loi n°84-747 du 2 août 1984, qui a également institué un droit additionnel, la fixation des taux d’octroi de mer relève de la compétence des conseils régionaux.

Jusqu’au 31 décembre 1992, l’octroi de mer et, le cas échéant, le droit additionnel frappaient les marchandises de toute provenance qui étaient introduites dans les départements d’outre mer. Un tel régime revenait à introduire une taxe d’effet équivalent à un droit de douane et n’était donc pas conforme aux dispositions du Traité de Rome.

C’est pourquoi, par une décision du 22 décembre 1989, le Conseil européen a demandé au gouvernement français de modifier sa législation afin de taxer indistinctement les produits introduits et obtenus dans les départements d’outre-mer. Mais, il a autorisé la France à exonérer, totalement ou partiellement, les productions locales, en fonction des besoins économiques, pendant une durée de dix ans. Ces principes ont été mis en œuvre par la loi n° 92-676 du 17 juillet 1992, entrée en vigueur le 1er janvier 1993.

Le régime des exonérations arrivant à échéance le 31 décembre 2003, les autorités françaises ont demandé, le 14 avril 2003, la prorogation de ce régime dérogatoire. Toutefois, les autorités françaises n’ont pas sollicité une reconduction à l’identique du régime existant et ont proposé son perfectionnement et sa rénovation en vue d’en assurer la pérennité.

Par une décision du 10 février 2004, le Conseil a prorogé la décision de 1989 jusqu’au 31 juillet 2004 et a autorisé, jusqu’au 1er juillet 2014, la France à maintenir un régime d’octroi de mer :

- reposant sur une taxation identique pour les importations de biens et pour la production locale de produits similaires ;

- et prévoyant des exonérations ou des réductions de taxe en faveur des productions locales qui font par ailleurs l’objet d’un régime d’aide notifié à la direction générale de la concurrence de la Commission européenne.

Ces exonérations et réductions, qui doivent s’insérer dans la stratégie de développement économique et social des départements d’outre-mer, ne peuvent désormais concerner qu’une liste limitative de produits définis par référence à la nomenclature douanière et doivent respecter des différentiels maximums de taxation fixés pour chaque département d’outre-mer ( de 10 à 30 points) entre la production locale et l’importation.

II. Actualité européenne de l’octroi de mer

Elle porte sur les trois points :

1. la prorogation de l’octroi de mer au titre des aides d’État

La Commission européenne a vérifié pour les années postérieures au 31 décembre 2006 la conformité du dispositif comme régime d’aide d’État à finalité régionale aux dispositions de du Traité de l’Union et du droit européen de la concurrence. Elle en a étendu la validité jusqu’au 1er juillet 2014.

2. l’actualisation des listes de produits concernés

Conformément à l’article 3 de la décision du 10 février 2004, dans l’éventualité de l’apparition de nouvelles productions ou de mise en péril d’une production locale, les listes de produits pourront être actualisées par le Conseil statuant à la majorité qualifiée et sur proposition de la Commission.

Aussi, les conseils régionaux de Guyane et de la Guadeloupe ont souhaité dès décembre 2004 puis en 2005 que des compléments tarifaires soient apportés aux listes initialement fournies. Les possibilités d’adaptation du dispositif de listes au besoin de soutien des productions locales se sont heurtées à une application restrictive des critères comme en atteste le calendrier de traitement de la demande de la Guyane, plus de 40 mois s’étant écoulés entre le dépôt de la demande initiale et l’adoption de la décision du Conseil du 9 juin 2008 portant sur dix-neuf produits.

3. la validation du rapport d’étape sur 1 ‘octroi de mer et ses propositions

En application de l’article 4 de la décision du Conseil de 2004 le rapport national d’étape a été transmis à la Commission européenne après examen final pour validation par les quatre conseils régionaux et les contributions des organisations professionnelles.

Le rapport présente une première analyse de l’impact du dispositif sur les entreprises et les productions locales qui atteste que l’octroi de mer n’est pas une entrave aux échanges et qu’il accompagne les dynamiques locales de l’activité productive. Le rapport montre également l’ampleur toute particulière des effets macroéconomiques mesurables du dispositif en Guyane.

Au vu de tous les éléments de bilan, le choix retenu en partenariat a conduit à limiter les demandes de modification de la décision du Conseil à l’extension des listes proposées par la Guyane afin de mettre à niveau les conditions de compétitivité des entreprises guyanaises.

Il appartient désormais à la Commission européenne de prendre les dispositions utiles à la réalisation de l’analyse économique et sociale complète assortie des propositions de modifications validées pour la Guyane qu’elle doit soumettre au Conseil en application de la décision de 2004.

Environ 60 000 entreprises sont estimées bénéficiaires du système de TVA ultramarin en 2008.

Dernière spécificité de ce système fiscal, la dispense des départements d’outre-mer de la Taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) en application de l’article 267 du code des douanes, coûte environ 130 millions d’euros en 2008. Toutefois, la TIPP est ici remplacée paru ne Taxe spéciale de consommation (TSC) dont les taux sont fixés par les conseils régionaux ultramarins, telle que prévue par l’article 266 quater du code des douanes. Il en résulte une taxation moyenne de l’énergie pétrolière de 55 % inférieure à celle de la métropole.

Selon le secrétariat d’État à l’outre-mer, la défiscalisation « a contribué de manière indéniable » à une croissance économique particulièrement dynamique depuis 2004, mais aussi « à la baisse du chômage, au rattrapage des niveaux de vie, au dynamisme des investissements ». Elle continue d’autant mieux à se justifier que les retards accumulés sont encore loin d’être comblés :

– la compétitivité des départements d’outre-mer reste plus faible que celle observée dans les pays voisins, généralement en raison de coûts de production des biens et des services plus élevés. On ne saurait les réduire directement sans sacrifier le pouvoir d’achat et le niveau de vie de nos populations. La défiscalisation reste donc un outil indispensable, d’autant plus qu’il présente le double avantage de responsabiliser les investisseurs privés et de générer des frais de gestion bien moindres pour l’État que celui des subventions directes ;

– les exportations ultramarines conservent un niveau très modeste et la part non marchande de la valeur ajoutée est encore très importante.

Même si la part marchande augmente, la part non marchande demeure dans tous les départements ultramarins supérieure ou proche du tiers de la valeur ajoutée : 3 7,7 % en Guyane, 34 % à la Martinique, 32 % en Guadeloupe, 34,6 % à la Réunion, contre 20 % en moyenne nationale.

La part de l’industrie y reste faible : 6 % en Guadeloupe, 8 % en Martinique, 11 % en Guyane et 6 % à la Réunion contre 17 % en moyenne nationale.

Cette faiblesse est compensée de façon inégale selon les départements par les services marchands qui représentent 40 % en Guyane, 52,2 % en Martinique, 54,6 % en Guadeloupe et 49 % à la Réunion contre 54 % en moyenne nationale.

C’est pourquoi, une stratégie de croissance interne, adaptée à chaque territoire, demeure à nos yeux la seule possible car elle seule permet de développer la compétitivité des régions ultramarines en tenant compte de leur environnement propre.

Aujourd’hui, les différents mécanismes de défiscalisation permettent de financer environ un tiers de la formation brute de capital fixe marchande outre-mer.

Remis au Premier ministre en décembre 2006, le rapport d’étape de la Commission nationale d’évaluation de la loi de programme de 2003 a dressé un bilan positif des effets de la défiscalisation outre-mer et souligné son rôle particulièrement précieux pour le soutien aux investissements productifs.

Naturellement, tout dispositif mérite d’être régulièrement réexaminé pour vérifier que ses incidences sont bien conformes aux objectifs qui ont fondé sa mise en place. De la même façon, il n’y a rien de choquant à remettre en cause des mécanismes dont l’effet d’aubaine pour les bénéficiaires l’emporte largement sur les effets économiques positifs pour la collectivité. C’est pourquoi, nous approuvons l’idée d’évaluer de façon approfondie la pertinence des mécanismes existants, celle qui consiste à les adapter à une économie ultramarine qui a déjà beaucoup évolué depuis 2003. Mais nous ne pouvons nous rallier à une mesure de toise, telle que celle prévue par l’article 43 du projet de loi de finances pour 2009 qui propose de plafonner l’avantage fiscal qu’un contribuable peut retirer chaque année des investissements réalisés outre-mer, là où les besoins existent, où les potentialités n’attendent qu’à être explorées et mises en valeur.

Nos régions, nos  outre-mer, n’aspirent qu’à la responsabilité et à la dignité dans un monde qui s’ouvre jour après jour et dont elles entendent prendre pleinement leur part pour assurer leur expansion. Elles aspirent aussi à l’amitié au sein de la République.

Sous cette réserve, et sous celle qu’appelle l’actuelle rédaction de l’article 65 du projet de loi de finances pour 2009 relatif aux exonérations de charges sociales, dont nous avons parlé plus haut, nous regardons les crédits de la mission outre-mer pour 2009 comme orientés dans le bon sens et méritant d’être adoptés par notre Assemblée.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 4 novembre 2008, la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire a entendu M. Yves Jégo, secrétaire d’État chargé de l’Outre-mer puis elle a procédé à l’examen pour avis des crédits de la mission Outre-mer sur le rapport de M. Alfred Almont, rapporteur pour avis.

M. le président Patrick Ollier. Je suis heureux de recevoir, pour la première fois, M. Yves Jégo, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, et j’espère que notre commission aura l’occasion de l’entendre à nouveau car de nombreux sujets évoqués dans le cadre du Grenelle de l’environnement intéressent directement l’outre-mer.

Certes, les crédits de ce budget ne représentent qu’une faible part de l’effort public pour l’outre-mer, mais ses deux actions, relatives à l’emploi et aux conditions de vie, jouissent incontestablement d’une forte priorité. Dès le début de l’année prochaine, l’Assemblée examinera le PLODEOM, le projet de loi de développement économique de l’outre-mer, que nous souhaitons préparer en lien étroit avec vous ; pouvez-vous nous en préciser le calendrier ?

Je voudrais, pour ma part, évoquer trois sujets importants. Tout d’abord, n’est-il pas hâtif d’envisager le plafonnement des avantages liés à la défiscalisation sans avoir procédé auparavant à des études d’impact ? Je vous rappelle que c’est notre commission, il y a quelques années, qui avait préparé la « détunnellisation » dans les départements d’outre-mer. De même ne faudrait-il pas procéder à une simulation des effets de la réforme des exonérations de charges sociales ? Enfin, la retraite des fonctionnaires qui s’installent outre-mer bénéficie d’importantes bonifications, même s’ils n’y ont pas travaillé. Si le projet de loi de financement de la sécurité sociale semble apporter quelques solutions sur ce point, n’oublions pas qu’outre-mer, tout nouveau dispositif financier a de lourdes conséquences économiques. Je rappelle que la « détunnellisation » est le fruit du travail d’une mission d’information sur le tourisme en outre-mer, que j’avais moi-même initiée et qui a permis de développer des projets destinés à revigorer l’économie ultramarine et à promouvoir le tourisme. Avant de prendre une mesure spécifique à l’outre-mer, nous devons donc faire preuve de la plus grande prudence.

M. Yves Jégo, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Ces dernières années ont apporté un certain nombre de rapports, d’audits et d’évaluations. Il est temps de mettre en œuvre des politiques publiques innovantes et d’adapter nos outils de gestion publique à un monde qui change. L’outre-mer change, lui aussi, et la crise financière nous rappelle à quel point ces changements peuvent être brutaux.

Le projet de budget pour 2009 est la traduction de ces politiques. La mission « Outre-mer » voit ses crédits augmenter, tout comme l’ensemble du budget transversal de l’outre-mer qui passe de 15 à 16,5 milliards d’euros. Cette augmentation, la plus forte depuis bien des années, traduit bien la volonté du Gouvernement d’appuyer sur de réels moyens budgétaires les évolutions politiques et législatives qu’il entend engager. Cette augmentation, accompagnée de la remise à plat de certains de nos outils, traduit notre volonté d’utiliser au mieux ces outils pour atteindre notre objectif : favoriser l’emploi et lutter contre le chômage.

Depuis plusieurs années, l’outre-mer voit son taux de chômage diminuer. Il est aujourd’hui de 20 %, ce qui est deux fois plus élevé qu’en métropole, mais je rappelle qu’il atteignait jusqu’à 35 % il y a quelques années !

Certains secteurs d’activités ont besoin d’être soutenus. C’est notamment le cas du bâtiment et des travaux publics, où les effets de la défiscalisation, après le boom du logement libre, s’épuisent, sans compter, sur certains territoires, l’achèvement des grands chantiers. C’est pourquoi nous vous proposons, dans ce projet de budget, de soutenir ce secteur.

Le projet de budget et le projet de loi de développement économique de l’outre-mer sont deux outils juridiques différents, mais ils relèvent de la même logique politique. La volonté du Gouvernement est d’appuyer le développement économique de l’outre-mer sur les secteurs porteurs, ce qui suppose de sortir d’une logique de saupoudrage pour concentrer les moyens sur les secteurs stratégiques. Pour élaborer le projet de loi de développement économique de l’outre-mer, nous avons interrogé les collectivités concernées, les secteurs prioritaires des Antilles n’étant pas nécessairement les mêmes que ceux de l’Océan Indien.

L’une des mesures essentielles de cette loi programme sera la création des zones franches globales d’activité, au sein desquelles les entreprises des secteurs prioritaires seront largement défiscalisées : la baisse de la taxe professionnelle, de la taxe sur le foncier bâti et de l’impôt sur les sociétés pourra atteindre 50, voire 80 % dans certains cas. Ces mesures permettront aux entreprises « locomotives » d’aller de l’avant, entraînant l’ensemble de l’économie. Il ne s’agit pas seulement de mesures fiscales : la semaine dernière, j’ai initié le premier plan d’aide à l’exportation pour les entreprises d’outre-mer, car nous devons aider nos entreprises à exporter, vers l’Europe mais également dans leur environnement régional. Souvent, il s’agit de marchés en forte croissance comme ceux d’Amérique du Sud et du Nord, ou de l’Océan Indien. C’est le 20 novembre prochain que je présenterai la stratégie complète de croissance pour l’outre-mer, qui comprend un ensemble de mesures porteuses pour l’emploi et l’économie.

Vous me demandez, monsieur le président, de vous informer du calendrier de la loi programme, mais le calendrier législatif évolue sans cesse au gré de la conjoncture, par exemple quand il a fallu procéder à la consolidation de nos systèmes financiers. Il semble que ce projet de loi soit l’un des trois textes prioritaires du début de l’année 2009 : j’espère que nous l’examinerons au mois de janvier, pour que les mesures du projet de loi de finances comme du PLODEOM soient opérationnelles à partir du 1er avril 2009.

La loi-programme, les zones franches globales d’activité, la baisse de la taxe professionnelle, des impôts fonciers et de l’impôt sur les sociétés s’accompagnent dans ce projet de budget d’une progression des dépenses d’exonérations de charges sociales, puisque l’essentiel du milliard d’euros destiné aux entreprises porte sur la compensation de ces baisses de charges. On m’interrogera sans doute sur la dette vis-à-vis de la sécurité sociale. Mais c’est une bonne nouvelle ! C’est le signe que les entreprises ont consommé beaucoup de baisses de charges, donc qu’elles ont beaucoup embauché ! Et si elles ont embauché plus que nous ne l’avions prévu dans le précédent budget, je m’en réjouis, car cette dette traduit la vitalité économique de l’outre-mer. Naturellement, l’État doit payer à la sécurité sociale ce qu’il lui doit dans le cadre de la compensation, mais nous ne pouvons que nous réjouir du grand nombre d’embauches que cette mesure a permis dans les territoires d’outre-mer.

Après une centaine de réunions avec les organisations socioprofessionnelles, à Paris et dans les territoires, nous sommes parvenus, le 26 juin dernier, à un accord, signé par l’ensemble des organisations syndicales, les chambres de commerce et les chambres de métiers, aux termes duquel les baisses de charges seront désormais ciblées sur les bas salaires. C’est ce que nous vous proposons dans ce budget.

Dans les secteurs prioritaires, les entreprises ne paieront pas de charges sociales sur les salaires inférieurs à 1,6 SMIC – le salaire moyen outre-mer étant d’environ 1,4 SMIC ; au-delà, les charges sociales seront rétablies de façon progressive jusqu’à 4,5 SMIC. Certains voudraient que l’on exonère de charges sociales les salaires représentant cinq fois le SMIC, voire plus : ce n’est pas la politique du Gouvernement ! Nous pensons qu’il faut concentrer nos efforts sur les bas salaires, et c’est ce que prévoit l’accord.

Dans les secteurs non prioritaires, les entreprises ne paieront pas de charges sociales sur les salaires inférieurs à 1,4 SMIC ; les charges évolueront progressivement jusqu’à 3,8 SMIC. Au-delà de ce niveau, elles seront rétablies. Cet effort considérable représente 90 % des efforts entrepris dans la loi Girardin de 2003, qui fixait à 1,2 milliard d’euros par an les baisses de charges accordées aux entreprises. Je note que ceux parmi vous qui l’avaient combattue sont les mêmes qui la défendent aujourd’hui avec le plus d’acharnement. A l’époque, ils disaient que la loi précédente était meilleure. On invoque le même argument aujourd’hui, et je ne doute pas que dans quelques années la loi Jégo sera défendue de la même façon… En bref, nous consacrons près d’un milliard d’euros aux baisses de charges des entreprises et nous ciblons notre effort sur les bas salaires. C’est une mesure saine, qui devrait permettre à l’économie outre-mer de se développer. Je rappelle que ces baisses de charges ont fait l’objet de très longues discussions avec les socioprofessionnels et que la négociation a abouti, le 26 juin, à la signature conjointe de toutes les organisations professionnelles, dont la Fédération des entreprises des DOM, les chambres de commerce, la CGPME et le MEDEF. Je comprends que les entreprises souhaitent voir ces baisses de charges étendues aux gros salaires, mais nous ne sommes pas obligés de céder à tous les lobbies. Il me semble qu’il faut fixer une limite aux baisses de charges.

La loi-programme et le projet de budget reflètent un certain équilibre, fruit de longues discussions. Je souhaite qu’il soit maintenu et que les charges présentées dans ce projet de budget soient comprises au regard de la future loi programme, qui instaure notamment les zones franches globales d’activité, le tout formant une politique dynamique au service de l’économie locale.

J’en viens à la question des niches fiscales. On peut en effet se demander si leur plafonnement ne va pas mettre à mal la logique économique des zones franches globales d’activité. Comme vous le savez, outre-mer, les niches fiscales sur l’appareil productif servent à financer la création d’activités – usines ou hôtels – et sont un outil indispensable pour le développement économique. Je vous rappelle que 2 milliards d’investissements provenant des particuliers outre-mer représentent 780 millions de dépenses fiscales pour l’État. Si ce dispositif était amoindri, il faudrait trouver ailleurs les investissements perdus…

Vous souhaitez connaître l’impact du plafonnement des niches fiscales. Après un travail de plusieurs mois avec les services concernés, nous sommes en mesure de l’évaluer : nous devrions pouvoir maintenir le niveau d’investissement des particuliers sans mettre à mal le système, comme le souhaitent les socioprofessionnels. Aujourd’hui, grâce aux niches non plafonnées, une poignée de gros contribuables échappe totalement à l’impôt : le Gouvernement souhaite mettre fin à cette situation. D’ailleurs, c’est en vain que vous chercherez sur le marché des produits de défiscalisation d’outils de production : dès qu’une usine est sur le marché, un cabinet de défiscalisation s’en empare, au profit de quelques grosses fortunes. L’offre n’est donc pas diffusée par les banques et ne peut atteindre le grand public. En plafonnant le dispositif, nous éviterons ce phénomène, tout en conservant la masse des investisseurs nécessaires.

Preuve de cette volonté du Gouvernement, ce budget prévoit 800 millions de dépenses fiscales pour l’investissement productif, contre 500 millions d’euros dans le précédent ! C’est donc bien un dispositif auquel nous croyons et qui continuera à produire des effets, puisque nous budgétons plus de dépenses fiscales. Cette question a fait l’objet d’un long débat notamment en commission des finances. La solution que nous avons choisie permet de moraliser le dispositif tout en conservant son efficacité. Pour cela, nous avons mobilisé le réseau bancaire : il pourra désormais diffuser ces produits de défiscalisation, ce qui n’était pas le cas. Nous coopérons par ailleurs avec les services du ministère des finances pour faciliter les règles de l’appel public à l’épargne. En effet, du fait du plafonnement, il faudra plus souvent réunir plus de cent investisseurs. Or, dans ce cas, l’opération est soumise aux règles de l’appel public à l’épargne, qui sont complexes. Nous voulons qu’elles soient simplifiées, et que s’il faut 120 personnes pour financer une opération, elles puissent le faire dans les meilleures conditions. Nous vous proposerons prochainement des dispositions en ce sens.

J’appelle votre attention sur l’aspect très sain de la défiscalisation non patrimoniale. En effet, celui qui investit dans ces produits retire naturellement un avantage fiscal de son investissement, mais il ne se constitue pas un patrimoine sur le dos du contribuable ! C’est très différent pour celui qui défiscalise son château au titre de la loi Malraux, car il en reste tout de même propriétaire. Ce que nous vous proposons, c’est qu’on puisse investir dans l’économie et dans l’emploi pour en retirer un avantage fiscal raisonnable. C’est un dispositif tout à fait sain. Je souhaite qu’il soit diffusé et je suis convaincu que nous augmenterons considérablement le nombre des personnes concernées. Aujourd’hui, la défiscalisation en outre-mer concerne 40 000 contribuables. Le plafonnement, tel que nous voulons le mettre en place – si les derniers arbitrages le permettent – affectera 1 800 d’entre eux, qui ne pourront plus dépenser autant qu’ils le faisaient jusqu’à présent. Il leur sera toujours possible d’investir, mais avec une limite. Vous le voyez, ce n’est pas l’horreur économique et la mise à mal du système que d’aucuns redoutent ! Si c’était le cas, nous n’aurions pas inscrit au budget 800 millions de dépenses fiscales au lieu de 500.

Il s’agit donc d’un dispositif de moralisation. A ceux qui reprochent au Gouvernement de faire des cadeaux aux riches, je signale que c’est exactement le contraire, et je les invite donc à soutenir une mesure qui restreint les « cadeaux » à ces 1 800 grosses fortunes qui profitaient, quelquefois abusivement, du dispositif.

Ce texte contient un certain nombre de mesures qui anticipent la loi programme : elles portent sur les crédits destinés à l’aide aux intrants et aux extrants, qui viendront compléter le mécanisme européen mis en place au profit des régions ultrapériphériques, et sur les crédits affectés au tourisme. Avec Hervé Novelli, nous tiendrons prochainement les premières assises du tourisme, car nous sommes convaincus que ce secteur très sinistré doit être un moteur de l’économie outre-mer, tout comme le secteur traditionnel de l’agriculture et de la pêche, qu’il convient d’aider, le secteur des nouvelles technologies et celui du développement durable, qui fera l’objet de nombreux investissements. Notre stratégie de croissance repose donc sur ces quatre piliers : faisons de ces secteurs les moteurs de l’activité, de la richesse et de l’emploi des territoires d’outre-mer.

Cette stratégie passe aussi par la rénovation de nos politiques de formation. Je vous proposerai avant la fin de cette année la réforme complète de l’Agence nationale chargée de la formation en mobilité. Cela pose la question de la continuité territoriale. Nous voulons remettre à plat l’utilisation de ses crédits, pour mener une politique dynamique qui soutienne la continuité territoriale en vue de permettre non seulement le lien entre les populations, mais la formation et la mobilité professionnelles, indispensables pour les étudiants ultramarins et les jeunes qui veulent se former. Nous allons ainsi faire passer le service militaire adapté, dès 2009, de 3 000 à 4 000 jeunes. L’effort de l’État doit porter sur les mesures destinées à la formation et au retour à l’emploi, à travers des actions ciblées. Nous préférons une logique de développement économique et d’investissement dans l’économie et l’emploi à une logique de transferts.

Je n’oublie pas le logement social. L’un des effets négatifs de la loi Girardin fut de mettre en panne la construction de logements sociaux dans certains territoires, au profit du logement libre, qui s’est trouvé dynamisé. Cela a certes permis aux entreprises du BTP de connaître un niveau de croissance satisfaisant. Mais celui-ci étant épuisé, nous vous proposons maintenant d’orienter la défiscalisation du logement libre, qui était au cœur de la loi de 2003, vers une défiscalisation du logement intermédiaire et du logement social. Il faut construire 50 000 logements sociaux outre-mer – c’est le nombre des dossiers en attente. Nous espérons pouvoir en construire 6 000 dès l’année prochaine. Dans ce but nous réviserons les paramètres de financement du logement social. J’attends le décret qui permettra de les augmenter de 30 %. Nous vous proposons une ligne budgétaire unique en augmentation sur les trois prochaines années, en accordant au financement du logement social non plus 190 millions d’euros, mais 250 millions d’euros, ce qui fera du logement social l’un des moteurs de l’activité économique.

Beaucoup d’entre vous sont maires : l’État va encourager les conventions d’action foncière avec les communes. Vous connaissez les difficultés qu’on a à mobiliser du foncier. Loger les plus démunis ne signifie pas construire du logement défiscalisé pour aider quelques patrimoines métropolitains, c’est aussi construire les logements attendus. Nous avons évoqué la question avec le député-maire de Fort-de-France : en Martinique, seulement 400 logements sociaux ont été construits l’année dernière. Pour remédier à cette carence, nous devons dynamiser le système.

Agir pour les logements sociaux implique aussi de réduire l’habitat insalubre, encore très présent dans les communes importantes. Nous souhaitons faire un effort en ce sens.

Tels sont les grands axes de ce projet de budget et de la future loi de développement économique de l’outre-mer. Cette nouvelle stratégie de croissance adoptée par le Gouvernement traduit la prise en considération d’une formidable opportunité : dans un monde qui change, les territoires d’outre-mer se trouvent au carrefour de toutes les croissances du monde. La chance de la France et de l’Europe, c’est de posséder des territoires qui sont des plateformes avancées de la mondialisation, aux portes des grands marchés, au carrefour du transport des marchandises. Je rappelle que 90 % des marchandises qui circulent sur la planète le font par la mer : les ports d’outre-mer peuvent devenir des lieux précieux de développement. Saisissons cette opportunité et faisons les réformes qui s’imposent !

Je ne terminerai pas mon propos sans évoquer l’indemnité temporaire de retraite. Ce dispositif, créé en 1952, existe dans l’Océan Indien et dans le Pacifique, mais curieusement, pas aux Antilles et en Guyane, pour des raisons que personne n’a jamais pu m’expliquer. Mis en place, à l’époque, pour compenser les effets de change, il est devenu une sorte de prime de vie chère. Il comportait plusieurs injustices : tout d’abord, il n’existait pas dans tous les territoires ; de plus, seuls les fonctionnaires de l’État en bénéficiaient, pas ceux de la fonction publique hospitalière et des collectivités locales ; enfin, il offrait une prime augmentant la retraite de 75  % dans les territoires du Pacifique, mais seulement de 35 % dans l’Océan Indien et 40 % à Saint-Pierre-et-Miquelon. Sur quoi reposent ces pourcentages, décidés il y a près de soixante ans ? Ce dispositif a fait l’objet d’une douzaine de rapports émanant de l’Assemblée nationale ou de la Cour des comptes, et d’autant de demandes de réformes. Nous proposons une réforme équilibrée : les retraités actuels maintiennent leurs avantages, avec un plafond qui ne touche que les hauts revenus ; dans les dix prochaines années, les retraités conserveront l’avantage, avec un plafond qui, s’il est un peu plus bas que celui en vigueur actuellement, reste un avantage considérable, notamment lorsqu’on le compare au sort des salariés du secteur privé dans les mêmes territoires. Nous avons travaillé à mettre en place un dispositif plus juste : il s’agit d’une retraite complémentaire pour tous les fonctionnaires de l’outre-mer – y compris des territoires des Antilles et de la Guyane – assise sur la réalité des rémunérations.

Voilà le sens de la réforme qui a fait l’objet d’un assez long débat à l’Assemblée dans la nuit de vendredi dernier. Elle s’inscrit dans une logique globale : la remise à plat d’un certain nombre de dispositifs, non pour retirer des avantages à l’outre-mer mais pour cibler les moyens que nous lui accordons – et qui sont en augmentation dans ce projet de budget – vers la production de richesse, l’emploi et la croissance, conformément aux souhaits du Président de la République. La valeur travail valant pour l’outre-mer comme pour la métropole, nous souhaitons que l’outre-mer se développe sur la base du travail de ses enfants, et pas seulement grâce à des transferts sociaux aléatoires.

M. Alfred Almont, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour l’outre-mer. C’est chaque année un honneur pour moi de participer à ce débat. Monsieur le secrétaire d’État, il est d’usage de se féliciter de l’augmentation d’un budget, quand bien même on milite dans le même temps pour la maîtrise des dépenses publiques… Cette apparente contradiction est toutefois acceptable quand il s’agit de l’outre-mer, dont le développement économique et social justifie pleinement l’effort de solidarité nationale à son endroit. C’est même l’honneur de la République de poursuivre à telle fin, contre vents et marées, le grand dessein de cohésion qui la caractérise

Le projet de budget pour l’outre-mer croît globalement de 12,8%. Certes, une partie de cette augmentation ne résulte que d’un effet de présentation ; je pense notamment au regroupement des crédits des différents ministères pour le financement des contrats de projets et de développement avec les collectivités locales. Reste que l’effort public en faveur de l’outre-mer est substantiel et rassurant. En hausse réelle de près de 10 %, il détiendrait la palme de la plus forte augmentation budgétaire pour 2009.

Dans une conjoncture difficile et hasardeuse, l’État entend donc ménager l’outre-mer ; souhaitons cependant que ce budget prometteur ne subira pas de coupes en cours d’année. Il y a des raisons de l’espérer, car nous débattrons bientôt du projet de loi de développement économique de l’outre-mer, sur plusieurs aspects  duquel le présent projet de budget se propose d’anticiper ; saluons cette cohérence, mais veillons à ce qu’elle ne se délite pas au gré de contraintes financières ultérieures.

Les crédits de la mission, avec près de 2 milliards d’euros en autorisations d’engagement et un peu moins d’1,9 milliard d’euros en crédits de paiement, représentent seulement 11,4 % de l’effort de la collectivité nationale, estimé à 16 milliards d’euros, dont 3,3 milliards d’euros au titre des dépenses fiscales, à quoi s’ajoutent les financements communautaires.

L’année dernière, notre commission a souhaité que la présentation du budget de l’outre-mer comporte deux documents synoptiques permettant de mesurer réellement cet effort, et d’en évaluer l’efficacité. Le premier retracerait les crédits affectés à l’outre-mer par chacun des autres ministères, ainsi que ceux des fonds d’intervention européens ; le second indiquerait la répartition des crédits budgétaires par collectivité destinataire, quel que soit son statut juridique. On nous répondit que nos demandes seraient satisfaites par le document de politique transversale. Mais nous ne l’avons toujours pas reçu à ce jour. Or, monsieur le secrétaire d’État, nous avons besoin, pour suivre et accompagner votre politique, de données synthétiques et claires.

Le budget outre-mer se répartit désormais entre les deux programmes « Emploi » et « Conditions de vie ». La délégation générale à l’outre-mer se substitue désormais aux deux anciennes directions dont l’articulation et, surtout, la répartition des compétences n’étaient pas optimales.

Le programme « emploi outre-mer » approche maintenant 1,2 milliard d’euros. Il est en hausse sensible de plus de 20 % et traduit déjà les orientations de la future loi de développement, notamment dans le domaine de l’insertion et de la formation professionnelles.

Le programme « conditions de vie » approche 800 millions d’euros, en hausse de 17,5%. Il traduit, pour la deuxième année consécutive, un effort sensible pour le logement. Cet effort restera soutenu dans le cadre désormais trisannuel du budget. Certes, les retards en ce domaine sont tels que les efforts semblent toujours insuffisants, mais la dimension du problème a été perçue et le Gouvernement fait preuve en la matière d’une continuité de l’action publique dont il faut se féliciter.

Restent quelques questions ; certaines sont vitales pour nos économies, d’autres sont plus techniques, mais non sans implications politiques, car elles conditionnent la réussite des deux programmes de la mission.

La question des « niches fiscales » a déjà causé bien des émois dans la mesure où les populations comme les entrepreneurs sont irrités de paraître dépendre d’un système inavouable, voire de combines. Vous le savez, les élus d’outre-mer se sont solidarisés sur cette importante question. Notre intergroupe en a saisi le Président de la République le 10 octobre dernier. Nous pouvons en effet admettre que les « niches fiscales » créées en France se sont accumulées au fil du temps sans vision d’ensemble, et qu’elles méritent une actualisation, voire une moralisation. Reste que la brutalité et la rapidité de la mesure proposée par l’article 43 du projet de loi de finances la rendent inacceptable en l’état pour l’outre-mer. La démarche risque d’affaiblir des dispositifs destinés à assurer des investissements productifs dans nos régions fragilisées par des handicaps structurels, dispositifs dont on ne peut nier les effets positifs.

Déjà la seule annonce du plafonnement des droits à la défiscalisation outre-mer a provoqué localement un attentisme des investisseurs, qui s’ajoute à l’attentisme général imputable à la crise financière. On voit les premiers signes d’un ralentissement général de l’activité et d’une remontée du chômage que la loi de programme de 2003 avait entrepris d’endiguer. Ne nous y trompons pas : la défiscalisation outre-mer n’est pas un ensemble hétéroclite de « niches fiscales », mais un outil indispensable au développement de territoires structurellement sous-capitalisés. Je sais bien, monsieur le secrétaire d’État, que vous ne pourrez nous apporter dans l’immédiat les assurances dont nous avons besoin, mais j’en appelle à votre sagesse et à votre bon sens : aidez-nous à faire que le Gouvernement renonce à une mesure néfaste aux deux programmes de la mission, parce qu’inadaptée, voire dangereuse. Vous avez d’ailleurs rappelé le taux de chômage des régions d’outre-mer qui, sans conteste, sort de l’ordinaire.

En revanche, nous sommes prêts à examiner sereinement tout qui peut rendre la défiscalisation plus efficace et plus conforme à ses objectifs de soutien au développement, conformément d’ailleurs à la loi de 2003 qui prévoyait une procédure d’évaluation tous les trois ans. Des gisements de productivité existent assurément. Le grand débat du Grenelle de l’environnement vient d’en faire la démonstration. Explorons-les dans le cadre de l’examen du projet de loi de développement de l’outre-mer.

Quant à la réforme projetée du système d’exonération des charges patronales, elle est de nature à inquiéter, en dépit de la concertation préalable que vous avez conduite. Notre commission des finances avait examiné une proposition de suppression de l’article correspondant, l’article 65 de la loi de finances, fondée sur le fait qu’il n’avait pas sa place dans ce texte et qu’il vaudrait mieux le réserver à l’examen du PLODEOM. À cette analyse s’ajoutent quelques griefs sur le fond. On peut craindre, notamment, que la réforme n’accroisse le poids global des charges sociales pour nos entreprises déjà confrontées, depuis le 1er janvier 2008, à l’exclusion des cotisations d’accident du travail de l’assiette des exonérations.

Le système d’exonération de charges a en grande partie atteint son but d’améliorer la compétitivité des entreprises ultramarines. Comme pour la défiscalisation, je suis favorable à sa réforme, mais en veillant à ce qu’elle n’aille pas à l’encontre des raisons d’être du système, lequel, faut-il le rappeler, entend promouvoir l’emploi. Et de cela, nous n’avons guère l’assurance.

Certes, Monsieur le secrétaire d’État, vous avez témoigné sur ce sujet de votre volonté de concertation. Mais ne serait-il pas opportun de faire préalablement quelques simulations des incidences de cette réforme sur l’évolution du coût du travail salarié dans les entreprises d’outre-mer, et de vérifier notamment qu’elle ne constituera pas un obstacle à l’emploi qualifié ?

Je conclus sur les problèmes endémiques de résorption de l’habitat insalubre et de l’insuffisance de logements sociaux outre-mer. Le projet de budget pour 2009 traduit un véritable effort en faveur du logement locatif, hélas en contrepartie d’objectifs revus à la baisse en matière d’accession à la propriété. L’insuffisante maîtrise du foncier et la pénurie de terrains constructibles avaient entraîné la création, à partir de 1994, des fonds régionaux d’aménagement foncier et urbain, ou FRAFU, dont l’organisation et le fonctionnement sont en cours de réforme. Pouvez-vous nous indiquer où nous en sommes et quelles sont les perspectives ?

Le projet de budget pour 2009 fait apparaître un nouveau fonds, le fonds exceptionnel d’investissement, ou FEI, doté de 40 millions d’euros en autorisation d’engagement et de seulement 16 millions en crédits de paiement –peut-être parce qu’il s’agit de son premier exercice. C’est une initiative heureuse qui devrait contribuer à résorber les manques de nos régions en grands équipements. Ses ambitions sont vastes, mais il est à craindre que son montant ne soit rapidement débordé par les besoins. Ne conviendrait-il pas d’envisager, à moyen terme, une remise à plat de tous les mécanismes d’aide à l’investissement public outre-mer afin de mieux en cerner les priorités, d’en garantir le financement continu et de réaliser peut-être, par quelques simplifications, des économies de fonctionnement ? Nous aimerions déjà savoir quel sera le cheminement d’un projet d’équipement en quête de financement.

Voilà donc les questions, parmi bien d’autres possibles, que suscite l’examen de ce budget. Il comporte bien des éléments encourageants, mais aussi quelques sources d’inquiétude, dont deux vraiment substantielles : la défiscalisation et les exonérations de charges sociales. Je ne doute pas que vous aurez à cœur, monsieur le secrétaire d’État, de les dissiper au plus vite. Sous le bénéfice de ces observations, je proposerai à la commission d’émettre un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission outre-mer pour 2009.

M. Jean-Claude Fruteau. Nous ne pouvons que nous féliciter de voir le budget de la mission outre-mer augmenter d’environ 9 %. L’ennui, c’est qu’il ne nous permet pas de mesurer l’action de l’État en direction de l’outre-mer, dont il ne représente que 11 % des interventions. L’an dernier, à l’occasion de l’examen de ces crédits, le secrétaire d’État mettait en avant une augmentation, alors que certains élus, s’appuyant sur le document de politique transversale, faisaient état d’une diminution. À la suite de cette petite polémique, l’engagement avait été pris de mettre au point un document récapitulatif permettant aux élus de l’outre-mer d’avoir une vision plus large, et plus réelle, de l’intervention de l’État.

On peut en effet s’interroger sur certains points. Ainsi 9 millions d’euros de crédits de paiement supplémentaires sont affectés au logement dans ce budget. Mais les impayés sont estimés à 17 millions d’euros au moins. Est-ce à dire que cette augmentation servira à éponger les arriérés et ne permettra pas d’engager de nouvelles actions en faveur du logement ? J’attends vos explications sur ce point, monsieur le secrétaire d’État.

Toujours sur le logement, je m’étonne qu’on retombe dans des errements pourtant stigmatisés précédemment : je pense à la polémique sur le stock de la dette, dénoncé dans de nombreux rapports, dont celui du sénateur Henri Torre. Ce dernier – qui n’est pas socialiste – évaluait cette dette à quelques centaines de millions d’euros. On avait alors souligné la trop grande différence entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement. Or cette différence était déjà, pour 2008 et 2009, de 85 millions d’euros, et pour 2007, 2008 et 2009, de 120 millions d’euros. Je suppose, monsieur le secrétaire d’État, que vous me donnerez des explications, car cela a suscité une certaine émotion.

J’aimerais vous interroger sur l’allocation logement. Je n’ai pas retrouvé dans les crédits du logement l’augmentation dont vous avez parlé par ailleurs. Qu’en est-il exactement ?

Le fonds exceptionnel d’investissement est présenté comme une mesure phare de la future loi de développement pour l’outre-mer. Il est doté de 40 millions en autorisations d’engagement et de 16 millions en crédits de paiement – soit 40 % des AE. Or 16 millions d’euros pour le financement d’équipements structurants, c’est vraiment très peu – à peu près le coût d’une station d’épuration dans une seule commune ! Ces sommes ne sont pas à la hauteur des besoins. Je souhaiterais connaître vos intentions quant à l’évolution de ces crédits dans les années futures.

J’ai noté avec satisfaction que vous alliez revoir les paramètres du logement social. Nombre d’opérateurs le demandaient depuis plusieurs années parce qu’ils n’arrivaient plus, avec de tels paramètres, à construire de logements sociaux.

Vous avez dit que vous étiez en discussion pour modifier les règles d’appel public à l’épargne. Je vous souhaite de réussir, d’autant que ce ne sera pas facile. Là encore, j’attends avec intérêt vos précisions.

Mais voyons les choses plus globalement. J’ai lu, sous la plume de Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités locales, ce qui suit : « A partir de 2009, le contenu de la mission outre-mer traduit un changement de modèle de la politique gouvernementale en faveur de l’outre-mer. Au système reposant uniquement ou principalement sur la demande, est substituée une logique de développement endogène… » C’est un choix que l’on peut respecter. Mais cette logique de l’endogénéité me semble remettre largement en question le principe même de la solidarité nationale à l’égard des territoires ultramarins. On leur demande en somme ce qu’on ne demande pas aux territoires hexagonaux. Pourquoi faudrait-il que la Réunion, la Martinique, la Guadeloupe, la Polynésie aient un développement uniquement endogène et que la solidarité nationale ne s’exerce qu’à l’égard des autres départements ?

Je considère qu’une logique du développement ne doit pas se substituer à une logique de la solidarité : les deux doivent rester complémentaires. C’est d’ailleurs ce qui avait inspiré dès 1986 la mise en place de deux dispositifs qui ont fait leurs preuves et survécu au moins à cinq changements de gouvernement : la défiscalisation et l’exonération de charges sociales. Je voudrais y insister.

Je suis de ceux qui déplorent que l’article 65 du PLF anticipe la réforme qui devait normalement figurer dans le projet de loi PLODEOM. La concertation avec les élus n’a pas été suffisante et la réforme est noyée dans le flot des débats du PLF. Monsieur le secrétaire d’État, êtes-vous prêt à satisfaire à la demande d’un certain nombre de parlementaires et de socioprofessionnels en reportant la discussion de cette réforme dans son cadre naturel qui est celle du PLODEOM ?

Des questions de fond se posent. Par exemple, la dégressivité n’est-elle pas catastrophique pour la sauvegarde de l’emploi ? Selon la commission des finances, cette mesure permettrait une économie de 138 millions d’euros pour l’État en année pleine. Si c’est le cas, où seront affectées ces économies ?

La défiscalisation outre-mer n’est pas une « niche ». Il ne faudrait pas continuer à stigmatiser comme on le fait les entrepreneurs, les socioprofessionnels de l’outre-mer, ou même les particuliers qui investissent dans le logement. Cette défiscalisation coûte à l’État 780 millions d’euros alors que le montant des « niches fiscales » est estimé à 73 milliards d’euros ! Pourquoi s’attaquer à ce dispositif particulier ? Et pourquoi maintenant ? Commençons par évaluer précisément l’impact que peut avoir la défiscalisation sur les économies d’outre-mer et sur l’emploi.

Je ne défends pas le système de la défiscalisation. Ce que je défends, c’est la ressource qu’elle procure aujourd’hui, car nous n’avons rien d’autre pour la remplacer. Montrez-moi des dépenses budgétaires nouvelles à la hauteur de cette ressource : alors, tant pis pour la défiscalisation, et pour les exonérations ! Mais avant de la supprimer, assurez-vous du remplacement de la seule ressource contribuant au développement de l’outre-mer.

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Monsieur le secrétaire d’État, le groupe UMP ne peut que se féliciter de l’augmentation de 13 % de vos crédits. De tous les budgets, c’est celui qui augmente le plus, malgré la crise financière. C’est un budget sain, qui souligne la forte volonté du Gouvernement d’investir massivement vers l’outre-mer, tout en remettant à plat certains outils comme l’emploi, l’insertion et la formation professionnelle, la baisse des charges sociales et patronales étant concentrée sur les bas salaires. Ces outils sont là pour conforter et dynamiser l’économie locale sur les secteurs porteurs de l’économie. La création  de zones franches d’activité défiscalisée permettra aux acteurs locaux d’aller de l’avant et de jouer un rôle de locomotives, signes de la vitalité économique de l’outre-mer. Le groupe UMP ne peut donc qu’être favorable à ce projet de budget.

Mme Françoise Branget. Je tiens à souligner l’intérêt du service militaire adapté, le SMA, sur lequel j’ai fait un rapport en 2005. Je me réjouis que les investissements destinés à ce service volontaire, qui a résisté outre-mer à la fin de la conscription, soient confortés car c’est un excellent outil d’insertion professionnelle pour les jeunes en difficulté : 3 000 personnes en sortent chaque année. Mon seul regret est qu’il ne soit pas transposé en métropole. Mme Alliot-Marie a tenté de l’introduire avec le dispositif « Défense, deuxième chance » mais cette ambition semble malheureusement aujourd’hui s’essouffler. Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d’État, que vous soyez un ambassadeur de ce dispositif formidable qui fonctionne depuis quarante-cinq ans.

M. Serge Letchimy. Je rappellerai, tout d’abord, quelques principes. Premièrement, nous ne sommes pas, dans l’outremer, des défenseurs des niches fiscales. Deuxièmement, nous sommes pour l’équité sociale, y compris par la fiscalité. Troisièmement, parfaitement cohérents avec nous-mêmes, nous sommes très favorables à un développement local permettant d’obtenir un maximum d’autonomie, de créer un maximum d’emplois sur place et de résister autant que faire se peut à la mondialisation. Bref, nous sommes dans une logique qui me semble cohérente et propice à la modernisation.

J’estime cependant que nous aurions dû, monsieur le secrétaire d’État, suivre deux axes, préconisés par M. Carrez dans son rapport général : d’une part, procéder à des évaluations afin d’orienter les politiques publiques, d’autre part, définir la notion de niches fiscales. Celles dont on parle ici sont en fait des investissements, des moyens financiers privés destinés à accompagner le financement des politiques publiques.

Vous avez insisté, monsieur le secrétaire d’État, sur le côté sain de la défiscalisation non patrimoniale. Si le dispositif est sain, pourquoi le remettre en cause ? Les chiffres que vous-même avez donnés montrent que très peu de personnes ont bénéficié de tolérances ou de situations exceptionnelles.

On peut comprendre que vous vous attaquiez à ceux qui profitent de ces défiscalisations pour ne pas payer l’impôt mais pourquoi voulez-vous supprimer, au II de l’article 43 du projet de loi de finances pour 2009, des dispositions concernant la défiscalisation, non pas des investisseurs extérieurs, mais des petits entrepreneurs à qui le fait de bénéficier de 50 % de déductions permet de négocier avec leur banque ? C’est un dévoiement de la notion de niche fiscale et une mesure incompréhensible.

Par ailleurs, la bonification pour services civils effectués hors d’Europe sera-t-elle remise en cause ? Les collectivités qui font des plans de départ à la retraite ont besoin de la quotité de quarante et un ans et de la bonification correspondant au tiers de la durée des services effectués à l’extérieur de l’Europe pour « dégraisser » un peu leurs effectifs.

Enfin, les dispositions de l’article 65 ne répondent pas seulement aux demandes des organisations socioprofessionnelles. L’enjeu est surtout de faciliter le recrutement de cadres. Peut-être faudra-t-il déposer un amendement afin de proroger le bénéfice de ce dispositif pour l’encadrement des petites entreprises.

M. Louis-Joseph Manscour. Je suis parfois un peu mal à l’aise parce que j’ai l’impression que nous quémandons. M. le président a fait remarquer que, comme il s’agissait de l’outre-mer, on pouvait accorder un temps de parole un peu plus long aux orateurs.

M. le président Patrick Ollier. J’ai fait cette remarque parce que vous n’avez pas souvent l’occasion de parler. On n’examine le budget de l’outre-mer qu’une fois dans l’année !

M. Louis-Joseph Manscour. Reste que c’est une remarque que nous entendons souvent. Mais nous ne demandons que notre dû. Nous ne voulons pas de traitement de faveur.

Je souscris tout à fait aux propos tenus par les collègues qui m’ont précédé.

La Martinique compte 400 000 habitants pour 1 000 kilomètres carrés, soit une densité de population de 400 habitants au kilomètre carré, l’une des plus fortes du globe. En dépit de ses difficultés, la Martinique – tout comme la Guadeloupe – crée en moyenne plus d’emplois que la métropole, et cela grâce à un certain nombre de dispositifs. Or vos mesures, monsieur le secrétaire d’État, viennent aujourd’hui affaiblir ces dispositifs mis en place, de manière consensuelle, par tous les gouvernements, de droite ou de gauche, pour accompagner le développement des départements et territoires d’outre-mer compte tenu de leurs spécificités, et risquent d’entraîner une régression totale de ces derniers.

Quant à la loi Girardin, je l’ai personnellement votée – contre l’avis de certains de mes amis – parce que je considérais que c’était un plus par rapport à la LOOM – loi d’orientation pour l’outre-mer.

Je précise que je suis favorable à un développement endogène, sous notre responsabilité. Nous avons cependant besoin d’aides et, si vous revenez sur les mesures de défiscalisation, cela nous créera des problèmes.

M. Yves Jégo, secrétaire d’État. Ce n’est pas parce que les socioprofessionnels veulent défendre des avantages ou que les grosses fortunes qui se défiscalisent font du lobbying que nous devons céder à leurs arguments. J’insiste beaucoup pour que nous nous fassions notre propre opinion. Le lobby de l’argent ne doit pas guider l’action publique. Il faut savoir trier le vrai du faux.

Aux mots près, j’entends aujourd’hui les mêmes discours qu’en 2003. Les détracteurs de la loi Girardin disaient qu’elle allait faire s’effondrer l’outre-mer et que la remise en cause de la LOOM ferait exploser les dispositifs existants. Cela doit tenir à une crainte naturelle du changement et à l’angoisse suscitée par les dispositifs nouveaux.

Le Gouvernement ne fait les choses ni au hasard ni sans en évaluer les conséquences. Les rapports d’évaluation existent. Celui de Mme Christine Lagarde sur les niches fiscales est paru au mois d’avril. Reportez-vous également à tous les documents que nous avons publiés. Nous avons beaucoup travaillé sur le sujet et procédé aux évaluations requises. C’est le premier élément que je veux vous donner pour vous rassurer sur la bonne volonté du Gouvernement.

Je répondrai sur les niches fiscales en posant deux questions.

Le Gouvernement veut-il que le système de défiscalisation d’outre-mer perdure ? La réponse est oui. Sinon, il aurait le courage de le dire et en assumerait les conséquences.

Le plafonnement prévu par le Gouvernement pour moraliser ce système va-t-il le mettre en difficulté ? La réponse est non. Quelle preuve puis-je donner de ce que j’avance – puisque les études qui ont été réalisées ne semblent pas vous convaincre ? Elle est dans le fait que le Gouvernement inscrit dans le budget 800 millions d’euros de défiscalisation, au lieu de 500 millions l’année dernière. C’est bien la preuve que nous savons que ce dispositif va rester puissant et continuer à produire ses effets.

Il est exact que, sur 40 000 contribuables qui en bénéficient, 1 800 parmi les plus gros vont voir leurs avantages plafonnés et que les cabinets de défiscalisation qui vivaient grassement en prélevant 7 ou 8 % de 2 ou 3 millions d’euros à chacun de leurs quatre ou cinq clients vont être obligés d’en trouver plus. Ce sont d’ailleurs eux qui crient le plus fort car ils ont souvent investi les organisations socioprofessionnelles. Mais on ne va pas pour cela céder sur l’intérêt public.

Je comprends parfaitement que l’on s’interroge, parce que la défiscalisation est un outil utile et puissant. Cela étant, tout dans le budget pour 2009 démontre qu’elle le restera. Vous verrez, quand on fera le bilan du dispositif dans un an, qu’il n’y aura pas eu de panne en ce domaine.

D’autre prôner le développement économique endogène des départements et territoires d’outre-mer ne signifie pas leur supprimer tout apport de ressources. Nous maintenons une politique de transferts. Je suis désolé que le document transversal ait été diffusé tardivement, au point que j’ai dû le faire photocopier dans mes services parce que ceux du ministère des finances ne le distribuaient pas. Dans ce document, vous verrez que le budget total pour l’outre-mer passe de 15 milliards à 16,5 milliards. Quoique ciblés différemment, les moyens de l’État au profit de l’outre-mer sont en augmentation.

Quant aux charges sociales, je ne referai pas mes démonstrations de tout à l’heure. Il me suffira de vous montrer un tableau comparant les charges des entreprises de métropole – payées « plein pot » à partir d’1,6 SMIC – et celles des entreprises d’outre-mer, qui bénéficient d’une défiscalisation dégressive jusqu’à 3,8 SMIC ou 4,6 SMIC. Qui peut sincèrement soutenir que quelqu’un qui gagne 5 SMIC doit bénéficier de mesures de l’État et que c’est un cadre d’une PME ? Ce n’est pas le cas, même en outre-mer.

Après de longues négociations, nous avons fini par convaincre les socioprofessionnels. Nous ne reviendrons pas sur cette mesure.

Pourquoi la présenter dans le budget ? Pour assurer la clarté et la lisibilité de celui-ci auprès des entreprises. Adoptée dans le budget de fin d’année, elle sera appliquée à partir du 1er avril de l’année prochaine. On ne piège personne. On n’est pas brutal. On est dans une logique qui permet d’avancer.

M. Fruteau a relevé judicieusement une économie de 138 millions d’euros pour l’État sur les charges fiscales : sur le 1,138 milliard d’euros de baisses de charges fiscales de la loi Girardin, nous en gardons un milliard. Où Se retrouvent les 138 millions d’euros libérés ? Dans le milliard et demi de dépenses supplémentaires en faveur de l’outre-mer puisque, en échange de ces 138 millions, 217 millions – figurant dans ce budget – sont affectés aux zones franches globales d’activité créées dans la loi-programme. En quelque sorte, on écrête de 138 millions quelque 1,2 milliard et on rajoute 217 millions pour les zones franches globales d’activité.

M. Jean-Claude Fruteau. C’est lâcher la proie pour l’ombre !

M. Yves Jégo, secrétaire d’État. C’est une stratégie économique qui s’appuie sur les secteurs clés de l’économie, ce qui ne revient pas à demander à l’outre-mer de tout produire tout seul.

Le Gouvernement augmente les crédits du logement. Lorsque je suis arrivé au secrétariat d’État, les chiffres qu’on m’a indiqués concernant la dette du logement m’ont fait frémir : 100 millions, voire 200 millions d’euros. J’ai demandé que la situation soit examinée avec précision et je puis vous annoncer – une claire distinction étant faite entre les dettes d’une part, c’est-à-dire les opérations démarrées pour lesquelles des factures sont présentées à l’État, et les projets d’autre part, c’est-à-dire les opérations putatives ayant fait l’objet d’autorisation mais n’ayant pas, pour diverses raisons, commencé – qu’à la fin de cette année, il y aura zéro euro de dette et que nous aurons payé la totalité des factures qui nous ont été présentées.

De nouvelles factures arriveront sans doute en début d’année prochaine, créant un déficit de quelque cinq, six, voire dix millions d’euros, que nous lisserons dans le courant de l’année. C’est le volant naturel de la réalisation des opérations.

Je souhaiterais sincèrement, pour ma part, que la dette soit plus importante : cela voudrait dire qu’un plus grand nombre d’opérations seraient sorties de terre ! Si je me suis battu pour la réévaluation des crédits du logement social – et avant la fin de cette année nous augmenterons de 30 % ses paramètres de construction – c’est bien pour voir se multiplier les chantiers et pour que les crédits de paiement soient à la hauteur des autorisations de programme. Si, par extraordinaire, tous les projets de tout l’outre-mer se réalisaient en trois mois et sortaient de terre comme par magie et que toutes les factures soient certifiées et affectées aux préfets, nous serions obligés de revenir devant vous car les crédits de paiement seraient insuffisants. Mais nous savons tous que le rythme de réalisation des opérations n’est pas aussi rapide.

Quant à l’allocation logement, elle augmente bien de 14 millions, monsieur Fruteau, dans le cadre de l’effort que nous faisons en faveur du logement. Vous trouverez ces crédits dans la mission logement du budget présenté par Mme Boutin.

Je suis comme vous, madame Branget, un grand partisan du SMA. Reconnu par tous comme un outil extrêmement efficace, il s’adresse à des jeunes qui n’ont plus de formation. Nous allons porter ses capacités d’accueil à 4 000 dès l’année prochaine et j’aimerais aller jusqu’à 5 000 pour en faire un vrai outil de formation. J’espère que les bonnes relations que nous entretenons avec le ministère de la défense et la reconversion des forces armées nous fourniront les moyens d’encadrement nécessaires.

Concernant l’article 43, monsieur Letchimy, vous m’avez convaincu. J’espère que le Sénat corrigera cet article car vous avez effectivement raison.

M. Serge Letchimy. Un amendement sera sans doute déposé à cet effet.

M. Yves Jégo, secrétaire d’État. Je l’accueillerai avec bienveillance car je pense qu’il y a eu erreur.

Aucune réforme n’est en cours sur la bonification des retraites. Soyez assuré que tout projet de réforme sur cette question serait précédé par une négociation avec les organisations syndicales.

M. Serge Letchimy. Y compris les syndicats locaux,

M. Yves Jégo, secrétaire d’État. Y compris les syndicats locaux. Cela nous renvoie donc au-delà de 2009.

Sur l’ITR, j’ai rencontré les syndicats nationaux et les syndicats locaux. Une négociation a eu lieu sur ce sujet.

En conclusion, le Gouvernement assume, vis-à-vis de l’outre-mer, une politique dynamique qui, compte tenu des changements de la donne économique, introduit une nouvelle approche. Les crédits sont en augmentation. Quand j’ai pris mes responsabilités en mars, je ne pensais pas pouvoir vous présenter, en fin d’année, un budget en augmentation de 1,5 milliard. Si cela a été possible, c’est à la fois parce que l’outre-mer a bien voulu s’engager dans les réformes demandées par le Président de la République et parce que nous sommes, nous-mêmes, conscients que la spécificité de l’outre-mer nécessite des moyens particuliers. Nous les lui procurons dans un objectif de croissance, d’activité économique et d’emploi, trois maîtres mots de la politique gouvernementale, et qui guident la réorientation de nos politiques. J’espère que nous pourrons la conduire dans un climat aussi fort et aussi partenarial que ce soir devant votre commission, Monsieur le président.

M. le président Patrick Ollier. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État. Le débat a été constructif et précis.

Suivant l’avis favorable de son rapporteur, M. Alfred Almont, la Commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Outre-mer pour 2009.

——fpfp——

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