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N
° 1201

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 octobre 2008.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2009 (n° 1127),

TOME III

AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

par Mme Henriette MARTINEZ,

Députée

Voir le numéro 1198 (annexe n° 5).

INTRODUCTION 5

I – UN CONTEXTE INTERNATIONAL DES PLUS DIFFICILES QUI BOULEVERSE LA DONNE 7

A - LA CRISE ALIMENTAIRE MONDIALE BOUSCULE LES AGENDAS ET LES PRIORITÉS 7

B - AVEC LE BILAN MITIGÉ DES OMD À MI-PARCOURS, LA CRISE ALIMENTAIRE CONFIRME L’IMPORTANCE DE L’APD MONDIALE. 9

C - LES DÉBATS ACTUELS ET LA CONJONCTURE CRISTALLISENT L’EXIGENCE D’EFFICACITÉ DE L’APD. 12

D - L’APD FRANÇAISE EST AU CœUR DE LA PROBLÉMATIQUE DE L’EFFICACITÉ. 18

II – L’AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT DE LA FRANCE : UN REGARD CRITIQUE SUR L’ÉTAT DES LIEUX. 21

A - LES CRITIQUES RÉCURRENTES PORTÉES A L’APD DE LA FRANCE. 21

B - LES STRUCTURES DE L’APD DE LA FRANCE : MULTIPLES ET ÉPARSES. 23

C - LES PRIORITÉS GÉOGRAPHIQUES ET SECTORIELLES DE L’APD DE LA FRANCE. 27

1. La problématique de la coordination géographique et sectorielle entre bailleurs. 27

2. Le resserrement géographique et sectoriel de l’aide française. 29

III - FINANCEMENTS ET MODALITÉS DE L’AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT DE LA FRANCE. 37

A - LES VOLUMES DE L’AIDE AU DÉVELOPPEMENT DE LA FRANCE 37

1. Evolution récente 37

2. Les dispositions du projet de loi de finances pour 2009 41

B - MODES DE FINANCEMENT DE L’APD ET PÉRIMÈTRE DES DÉPENSES 51

1. L’état de la réflexion en matière de financements innovants 51

2. Des financements innovants à la recherche de nouveaux partenariats 53

3. Problématique des financements innovants et périmètre des dépenses de l’APD 54

4. Les fonds des migrants : analyse de la législation 55

CONCLUSION 61

EXAMEN EN COMMISSION 63

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 85

ANNEXES 89

Annexe 1 : Organigramme simplifié du dispositif 91

Annexe 2 : Ventilation de l’APD bilatérale par objet principal 92

Annexe 3 : Liste des personnes entendues par le rapporteur 93

Mesdames, Messieurs,

Les effets de la crise alimentaire qui a frappé les pays en voie de développement à la fin de l’année dernière sont tels qu’ils risquent de remettre en cause les résultats qui avaient été réalisés en vue d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et de provoquer des retours en arrière importants. Dans un panorama global où le bilan des OMD à mi-parcours était déjà mitigé, la crise alimentaire a obligé les gouvernements, les organisations internationales et les ONG à se mobiliser dans l’urgence pour éviter que des millions de personnes ne meurent de faim ou basculent de nouveau dans la grande pauvreté. Elle a illustré aussi le fait que l’aide publique au développement (APD) reste indispensable pour accompagner sur la voie de leur développement les pays du sud, dont les taux de croissance économiques élevés pâtissent de forts taux de croissance démographiques.

Mais les défis restent immenses et la crise financière qui plonge en ce moment même les économies dans la récession risque de rendre la solidarité moins généreuse, les promesses plus difficiles à tenir. Si la mobilisation de la communauté internationale reste plus que jamais nécessaire, elle doit prendre une autre dimension pour répondre à l’ensemble des besoins.

En ce sens, l’année 2008 aura été décisive, historique peut-être. Entre les réunions de Rome en juin sur la crise alimentaire, de New York en juillet sur les OMD, d’Accra en septembre sur l’efficacité de l’aide et de Doha en novembre prochain sur les financements de l’aide, l’ensemble des questions aura été traité en quelques mois pour donner à la communauté internationale le nouvel élan nécessaire à la réalisation des OMD d’ici à 2015.

Car ce n’est pas seulement le niveau financier de l’aide qui est en débat désormais. S’il en était besoin, la conjoncture économique nouvelle suffirait à donner tout son sens à la thématique des réunions internationales qui se sont tenues cette année, mais l’enjeu est aussi autre et complémentaire : les relations de partenariat qui doivent s’instaurer entre les acteurs, qu’ils soient donneurs ou bénéficiaires, étatiques, institutionnels, privés, publics, ONG ou fondations, ont pris ces dernières années une importance croissante et conditionnent la qualité et l’efficacité de l’aide fournie.

A cette réflexion sur la qualité de l’aide, sur son efficacité, la France prend toute sa part.

Au niveau international, tout d’abord, en participant au débat à la place qui est la sienne dans la communauté internationale, comme acteur de premier plan de l’aide au développement. Au cours de cette année, elle aura eu l’occasion de manifester sa solidarité immédiate mais aussi de proposer des solutions innovantes et durables à long terme, comme l’initiative lancée par le Président de la République à Rome pour la sécurité alimentaire mondiale.

Au niveau national enfin, en poursuivant sa propre réflexion et en continuant son processus de réforme engagé il y a plusieurs années pour rendre son aide plus performante. Les récentes décisions prises par le Conseil de modernisation des politiques publiques dans le cadre de la Revue générale des politiques publiques, finaliseront au cours de ce prochain exercice les réformes engagées en 1998 et relancées en 2004, en s’efforçant aussi de maintenir son effort financier en faveur du développement, qui reste le troisième au monde.

Comme vous le savez, ce projet de loi de finances pour 2009 s’inscrit pour la première fois dans une perspective triennale. Votre rapporteure vous invite à le lire ainsi, considérant qu’il doit être appréhendé comme un budget de transition permettant, dans une période de contingences budgétaires difficiles, de faire face à de nombreux et importants engagements, au niveau international ou européen.

I – UN CONTEXTE INTERNATIONAL DES PLUS DIFFICILES QUI BOULEVERSE LA DONNE

A - La crise alimentaire mondiale bouscule les agendas et les priorités

Ces derniers mois, des images fortes, en provenance de tous les continents, de pays aussi divers que les Philippines et l’Indonésie, Haïti, l’Egypte, le Cameroun ou Madagascar, en proie à des émeutes de la faim, sont venues rappeler aux pays industrialisés la réalité quotidienne de millions de personnes qui ont subi de plein fouet les effets des hausses de prix des produits alimentaires de première nécessité. Ainsi, en à peine un an, une denrée aussi essentielle que le riz a-t-elle augmenté de 130 % tandis que les prix du blé et du maïs doublaient.

 (1)

Cette flambée des prix a eu de multiples causes au premier rang desquelles se place l’orientation des agricultures américaines et européennes vers des productions subventionnées de biocarburants à base de céréales (2). D’autres facteurs, nombreux, sont également intervenus de manière concomitante : la faiblesse des niveaux de stocks mondiaux, en particulier pour les céréales, compte tenu de récoltes inférieures à la moyenne en Europe, en 2006 et 2007, ou en Australie pour cause de sécheresse. L’augmentation des coûts énergétiques a également eu un impact de même que les changements intervenus dans les politiques agricoles des pays de l’OCDE, qui ont entraîné une nette diminution des excédents. Enfin, la forte croissance économique et la démographie dans les pays en développement ainsi que les changements climatiques et les contraintes de ressources, notamment en eau, ont également eu une incidence majeure sur la situation globale de l’offre et de la demande alimentaire. A cela s’ajoute enfin, si ce n’est surtout, sur le long terme, le fait que les agricultures au sud n’ont été aux centres des préoccupations ni des gouvernements ni des bailleurs chargés des politiques d’aide au développement. Cet abandon des problématiques agricoles dans toutes leurs dimensions aura fortement contribué à faire le lit de la crise actuelle.

Cette crise, les populations, urbaines essentiellement, des pays en voie de développement l’ont vécue de la manière la plus brutale. Dans certains pays, des fractions importantes d’habitants appauvris en sont désormais réduites à consacrer jusqu’à 80% de leurs revenus à l’alimentation. Ils ne peuvent pour autant éviter de basculer dans une situation d’insécurité alimentaire et de malnutrition faute de pouvoir continuer de se nourrir d’aliments suffisamment riches sur le plan nutritionnel et, en outre, réduisent ou suppriment leurs autres dépenses essentielles de santé et d’éducation.

L’urgence humanitaire a conduit les organisations internationales ainsi que les chefs d’Etat et de gouvernement à réagir immédiatement et à se mobiliser pour faire face aux besoins vitaux et trouver les moyens de résoudre la question de manière durable. Des réunions, tel le Sommet mondial de l’alimentation, organisé par la FAO à Rome en juin dernier, ou celui du G8 à Toyako en juillet, y ont consacré l’essentiel de leurs travaux. Des sommes conséquentes ont été libérées pour répondre à l’urgence (ainsi une intervention de 10 milliards de dollars avait-elle été décidée dès janvier par le G8), et les engagements antérieurs ont été renouvelés et amplifiés, comme lors de la conférence de haut niveau sur la sécurité alimentaire mondiale de Rome.

Cela étant, on le sait déjà, le fait que l’année 2008 soit porteuse de promesses de récoltes abondantes - voire même de niveaux de production records, comme ce devrait être le cas pour les céréales -, n’entraînera pas de baisse des prix. Ces derniers, les mêmes causes produisant les mêmes effets, resteront tendanciellement élevés sur le moyen terme pour la plupart des principales denrées alimentaires et fourragères. Consécutivement, selon les estimations publiées par la FAO et la Banque mondiale ces dernières semaines (3), la flambée des prix alimentaires et énergétiques provoquera cette année une augmentation de 44 à 75 millions du nombre de mal nourris, qui devrait atteindre 967 millions de personnes. Très récemment, le rapporteur pour le droit à l'alimentation auprès de l'Organisation des Nations unies craignait même que plus d’un milliard d’êtres ne soient touchés l’an prochain. En outre, cette crise fera de nouveau basculer dans la pauvreté entre 100 millions et 180 millions de personnes que les relatifs succès sur le premier des OMD au cours de ces dernières années avaient sorties de leur misère (4).

Cette crise alimentaire touche donc au cœur le bilan déjà mitigé des Objectifs du Millénaire pour le Développement, et risque de compromettre d’autant plus l’obtention des résultats qu’elle aura aussi de graves conséquences économiques et sociales à moyen et long termes.

B - Avec le bilan mitigé des OMD à mi-parcours, la crise alimentaire confirme l’importance de l’APD mondiale.

Selon la FAO, non seulement les prix élevés des denrées alimentaires ont déjà, et continueront d’avoir, des effets dévastateurs sur le nombre de personnes souffrant de la faim mais ils aggravent également des tendances préoccupantes sur le long terme, de telle manière que les avancées précédemment réalisées sur l’ensemble des OMD risquent pour certaines de se voir annulées. Les institutions et agences de développement reconnaissent le coût social élevé de la crise alimentaire et l’impact négatif important de la malnutrition sur la productivité du travail, la santé et l'éducation. En d’autres termes, les niveaux de croissance économique des pays affectés s’en ressentiront, qui y perdront, en revenus et valeur de productivité, des centaines de milliards de dollars par an.

Jusqu’alors, les progrès effectués, s’ils restaient modestes à mi-parcours en regard des ambitions des Objectifs du Millénaire pour le Développement, étaient néanmoins encourageants. Il faut ainsi rappeler que, selon les données de la Banque mondiale et de l’ONU, le nombre de personnes vivant dans une situation d’extrême pauvreté avait diminué de 400 millions entre 1990 et 2005 ; que certains pays, comme le Vietnam, ont ainsi réduit la pauvreté, de 58 % en 1993 à 16 % en 2006 ; que chaque année, 3 millions d’enfants de plus survivent, et 2 millions de vies sont sauvées grâce aux campagnes de vaccination ; que dans l’Est asiatique et dans le Pacifique, en Europe et en Asie Centrale, en Amérique latine et dans les Caraïbes, le taux d’achèvement de l'école primaire est désormais de 100 % ou presque.

Pour autant, ce bilan est insuffisant et préoccupant, car dans le même temps, chaque semaine, 10.000 femmes continuent de mourir des complications de grossesse et d’accouchement et près de 200.000 enfants de moins de 5 ans meurent de maladie ; car un milliard de personnes manquent toujours d’un accès à l’eau potable et 2,6 milliards n’ont pas accès aux services d’assainissement de base ; car dans le monde, les facteurs de risque liés à l’environnement jouent un rôle crucial dans 80 % des maladies, notamment les infections respiratoires, la diarrhée ou le paludisme ; car surtout et avant tout, l’Afrique s’épuise à ne pouvoir compenser la hausse de sa natalité qui annihile les efforts accomplis dans les domaines de la santé ou de l’éducation, en grande mesure absorbés par la démographie.

En résumé, à mi-parcours, ainsi que votre rapporteure avait eu l’occasion de le formuler dans son précédent avis budgétaire, de l’avis commun la situation apparaît mitigée : d’un côté des progrès significatifs, parfois spectaculaires, et de l’autre, encore d’immenses inégalités. Si l’objectif de réduction de la pauvreté faisait quelques progrès à l’échelon mondial, encore qu’avec de grandes disparités selon les régions et les pays, la lutte contre la faim n’a en revanche cessé de connaître de graves difficultés, avant même le surgissement de la crise alimentaire de cette année. De même les perspectives sont-elles mauvaises concernant la réduction de la mortalité infantile et maternelle. D’une manière générale, selon les tendances actuelles, les OMD en matière de développement humain ne seront probablement pas atteints dans une majorité de pays. En cela, les pays d’Afrique subsaharienne sont dans une situation unique et cumulent une série de handicaps qui devraient faire l’objet de toutes les attentions, comme votre rapporteure aura l’occasion d’y revenir

De fait, une série de facteurs aggravants a des effets négatifs sur les résultats et risque même à court terme, selon le dernier bilan de l’ONU (5), de remettre en question les progrès obtenus en matière de réduction de la pauvreté, et d’avoir des conséquences profondes sur la capacité des pays les moins avancés, sur le continent africain en particulier, à réaliser les OMD. Les pays en développement, notamment en Afrique, seront ainsi les premiers affectés par les changements climatiques. Aux effets délétères de la crise alimentaire mondiale et de la hausse des prix, surtout ceux du pétrole ou des denrées alimentaires, s’ajouteront les risques considérables induits par la récession dans laquelle nous entrons aujourd’hui.

Ces données confirment, si besoin était, qu’à elle seule la croissance économique est insuffisante pour aider les pays en voie de développement à sortir de leur situation : pour avoir connu ces dernières années de manière durable des taux de croissance élevés, nettement supérieurs à ceux des pays industrialisés, l’Afrique sub-saharienne n’en a pas pour autant réussi à s’extraire du sous-développement. Elle est même, des régions du monde concernées par les OMD, celle dans laquelle les progrès ont été les moins nets. Souffrant au départ d’une situation plus défavorable que la moyenne des pays en voie de développement, elle n’a pu combler ses handicaps et accuse aujourd’hui un retard concernant l’ensemble des objectifs, y compris dans le domaine de la réduction de la pauvreté puisque le nombre de personnes pauvres y a considérablement augmenté (6), en grande partie aussi, à cause des effets de l’augmentation démographique, qui gomment les progrès à mesure qu’ils se réalisent.

Cette situation, conjuguée à la conjoncture économique et financière, rend d’autant plus nécessaire l’APD mondiale qui, bien qu’elle représente des flux inférieurs aux transferts des migrants, par exemple, n’en est pas moins essentielle. A cet égard, il faut saluer le fait que les pays industrialisés aient répondu, en partie, en septembre dernier à l’appel du Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, d’augmenter leur contribution à l’aide au développement de 18 milliards de dollars par an d’ici 2010 (7)pour honorer leurs engagements. Pour autant, il convient de souligner que la tendance, chacun le sait, est à la stagnation de l’aide, au niveau mondial, à quelque 104 milliards de dollars en 2007. Elle ne représente toujours en moyenne et sauf rares exceptions, que 0,28 % net du revenu national brut des pays industrialisés, loin du taux de 0,7 % fixé par l’ONU, et le contexte actuel ne semble pas propice à une évolution majeure, en témoigne le budget de l’APD française que votre rapporteure analysera plus loin en détail.

Les besoins en matière de développement sont énormes qui imposeraient d’augmenter l’effort. Ainsi, à titre d’exemple, la simple réalisation des objectifs en matière d’eau et d’assainissement exige de doubler l’investissement annuel actuel, à près de 30 milliards de dollars. De même, d’ici à 2030, les pays en développement auront-ils besoin de 100 milliards de dollars par an pour financer les activités d’atténuation du changement climatique et de 28 à 67 milliards de dollars pour s’adapter à ce changement. En matière de santé, les besoins globaux sont évalués à quelque 28 Md$ annuels. La lutte contre le paludisme, dont un enfant meurt toutes les 30 secondes, comme le rappelait Ban Ki-moon en ouvrant la réunion de haut niveau sur les OMD le 25 septembre dernier à New York, nécessite à elle seule près de 3 Md$ et n’en reçoit que 650 millions. Enfin, c’est un milliard de $ seulement, au lieu de trois, qui est consacré à l’éducation.

L’incapacité des pays en voie de développement à faire seuls les pas déterminants, et la limitation des ressources de l’aide internationale disponible amènent à revenir sur la problématique de l’efficacité de l’aide en débat depuis plusieurs années maintenant, et sur les orientations qu’elle a prises. En ce sens, les récentes discussions et les décisions adoptées à Accra en septembre dernier paraissent à votre rapporteure constituer une phase déterminante du dialogue nord – sud autour du développement. Le « Groupe de pilotage pour la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement en Afrique » (8), a exprimé sa préoccupation en septembre 2007, constatant que, globalement, l’Afrique n’était pas bien partie pour atteindre en 2015 les OMD. En dépit de succès notables, ils doivent, pour se réaliser, bénéficier d’une aide prévisible et de mécanismes efficaces qui permettent de donner suite aux engagements pris dans les domaines de la santé, de l’enseignement, de l’agriculture et de la sécurité alimentaire, des infrastructures et des systèmes de statistiques.

C - Les débats actuels et la conjoncture cristallisent l’exigence d’efficacité de l’APD.

Les nécessités budgétaires ne devraient pas pouvoir être satisfaites avant plusieurs années, compte tenu du retard mis par les principaux donateurs à remplir leurs engagements. Celui de porter le montant d’APD à 0,7% du PNB des pays industrialisés a déjà été reporté et ne devrait finalement être atteint qu’en 2015, après avoir été annoncé pour 2012. Comme le soulignait récemment l’OCDE (9), la France, qui en 2002 lors de la conférence de Monterrey en 2002 sur le financement du développement s’était engagée unilatéralement à porter son effort d’APD à 0,5% du RNB en 2007 et à 0,7% en 2012, était alors le premier des pays du G7 à annoncer publiquement un calendrier de progression vers cet objectif fixé par les Nations Unies en 1970. Elle n’a pas réussi à l’atteindre et s’est finalement alignée sur les autres membres de l’Union européenne qui se sont engagés à le respecter en 2015.

Malgré tout, l’OCDE faisait remarquer que même ce report de trois ans est en l’état actuel insuffisant pour que la France tienne sa promesse, dans la mesure où il suppose une augmentation moyenne de l’APD de plus de 1 Md€ par an d’ici à 2015. Compte tenu de la contrainte budgétaire forte à laquelle notre pays fait par ailleurs face pour respecter son engagement d’équilibrer ses comptes publics, les échéances paraissent au comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE difficiles à satisfaire, ne serait-ce même que pour tenir celle, intermédiaire, de 0,51% du RNB en 2010, et exigent une planification rigoureuse des ressources consacrées à l’APD (10). En ce sens, le projet de budget pour 2009 dont votre rapporteure vous détaillera les grandes lignes, ne permet pas d’être optimiste.

D’une certaine manière, ces difficultés, qui ne sont pas propres à la France mais à la plupart des donneurs, sont au cœur de la réflexion sur l’efficacité de l’APD dans la mesure où une aide plus efficace, mieux coordonnée entre les bailleurs, pourrait en partie contrebalancer les insuffisances budgétaires. C’est donc logiquement que la question de l’efficacité est devenue la préoccupation première des acteurs chargés de l’APD et qu’elle tend à prendre chaque année une place de plus en plus importante.

Depuis l’approbation des Déclarations de Rome en 2003 (11)et de Paris en 2005 (12), la communauté internationale s’est mobilisée pour la réalisation d’engagements destinés à optimiser la rentabilité de l’aide grâce à la rationalisation des activités des donneurs et au renforcement des partenariats entre donneurs et bénéficiaires. Comme votre rapporteure avait eu l’occasion de le mentionner, l’accent a en premier lieu été mis sur l’appropriation de l’aide par les pays bénéficiaires de l’APD, qui doivent en assurer la coordination. L’aide internationale doit correspondre et répondre à leurs propres politiques de développement dont ils doivent garder la maîtrise. Dans ce cadre, les donneurs se sont engagés à aligner leur soutien sur les stratégies nationales ainsi définies par les récipiendaires et à utiliser les systèmes et procédures nationaux, notamment en matière de gestion des programmes ou de gestion financière. Ces orientations, destinées par effet de levier à contribuer au renforcement des capacités des pays bénéficiaires, améliorent le dialogue entre les pays du nord et les pays du sud et participent de leur responsabilisation commune dans la réussite des objectifs de développement. Elles supposent aussi que les politiques et stratégies des pays donateurs soient mieux coordonnées, tant au niveau de la définition des actions que de l’exécution des projets.

Avant même qu’une évaluation de l’application de la Déclaration de Paris soit réalisée, d’autres engagements complémentaires, internationaux ou régionaux, ont été pris pour confirmer l’orientation décidée : ainsi, l’Union européenne a-t-elle adopté le Consensus européen pour le développement en décembre 2005, document dont les axes reprennent et approfondissent l’engagement des Etats-membres pour une meilleure coordination de leur aide internationale. A cet égard, le recours à l’aide budgétaire qui contribue à l’amélioration directe de la capacité de gestion financière des pays receveurs est clairement encouragé. Votre rapporteure aura à revenir ultérieurement sur les réserves qu’elle formule à cet égard. Parmi l’ensemble des thèmes concourrant à la meilleure gouvernance de l’APD et à une plus grande efficacité, la question de la coordination entre les pays donneurs est de celles qui ont le plus reçu d’attention : l’Union européenne a ainsi poursuivi sa réflexion en approuvant un Code de conduite sur la complémentarité et la division du travail entre ses membres, qui entre autres aspects, les invite à des resserrements tant géographiques que sectoriels afin d’éviter la dispersion de l’aide et les incohérences.

Ces orientations sont devenues des paradigmes au niveau international parmi la communauté des acteurs de l’APD : le « cadre de développement intégré » qui sert de matrice aux projets de la Banque mondiale, reprend les mêmes principes quant à la collaboration et coordination des différentes parties prenantes ainsi qu’à l’appropriation des projets par les bénéficiaires. L’OCDE, dans la continuité de la Conférence de Monterrey, travaille depuis 2003 sur l’efficacité de l’aide en insistant entre autres sur la gestion axée sur les résultats ou les règles de passation des marchés. Avec la Banque africaine de développement, elle vient d’organiser à Accra le Troisième forum à haut niveau sur l’efficacité de l’aide au développement.

Un système d’évaluation, sur la base d’indicateurs mesurables, avait été annexé à la Déclaration de Paris afin de pouvoir déterminer l’évolution de l’efficacité de l’APD année après année. La dernière enquête de suivi (13) réalisée en vue de la réunion d’Accra des 2-4 septembre dernier a montré que tous les indicateurs enregistraient des progrès mais qu’il convenait de maintenir les efforts dans la mesure où certains des engagements risquaient de n’être pas atteints en temps voulu.

Aux termes de cette enquête, parmi les aspects qui ont fait l’objet des meilleures avancées, votre rapporteure note que figure notamment l’alignement de la coopération sur les programmes de renforcement des pays bénéficiaires. En revanche, la prévisibilité de l’aide et l’aide budgétaire n’ont pas autant progressé qu’il aurait été souhaitable aux termes de la Déclaration de Paris et requièrent des efforts supplémentaires tant de la part des pays donneurs que de la part des bénéficiaires. Enfin, il apparaît que les mécanismes de coordination entre donneurs font encore cruellement défaut, tout comme le suivi des résultats.

C’est la raison pour laquelle la rencontre d’Accra a adopté une déclaration (14)qui réaffirme les engagements pris à Paris en 2005 pour en accélérer et amplifier la mise en œuvre. Il s’agit de permettre au plus vite l’appropriation des projets par les pays bénéficiaires, ainsi que le montage de partenariats plus efficaces pour notamment réduire la fragmentation de l’aide et améliorer le rapport coûts - résultats des apports d’aide.

En parallèle, il faut souligner qu’au niveau régional, l’Union européenne a poursuivi de son côté ses propres travaux et réflexions sur la voie d’une meilleure coordination et articulation de son APD entre les Etats membres. Ainsi, le Consensus a-t-il été suivi de l’adoption d’un Code de conduite en mai 2007, élaboré sous l’égide de la Commission européenne, autour notamment des questions similaires de division du travail et d’appropriation par les pays bénéficiaires.

Cela étant, votre rapporteure est convaincue que la réflexion en cours sur la recherche d’une meilleure efficacité de l’APD ne peut se limiter aux seuls aspects abordés dans le Déclaration de Paris et ne concerner que les partenaires classiques, donneurs et bénéficiaires de l’aide, compte tenu des changements importants auxquels on assiste dans le panorama global de l’aide au développement.

En effet, l’entrée de nouveaux acteurs dans le champ de l’aide au développement, étatiques - pays émergents, (Chine, Inde, Brésil, pays du Moyen-Orient), - ou privés - fondations philanthropiques, grandes entreprises -, complique singulièrement la recherche de cohérence des stratégies de développement. Elle peut rendre plus difficile aussi la gestion de l’aide par les bénéficiaires dont le nombre d’interlocuteurs ne cesse de croître et induire en conséquence une déperdition de ressources financières. A titre d’exemples, on comptait en moyenne 32 donateurs par pays bénéficiaire au début des années 2000, soit quasiment le triple des années 60 et, selon le Code de conduite européen approuvé en mai 2007, « en moyenne, il y a près de 350 missions de bailleurs par an dans chaque pays en voie de développement. » (15)Dans un pays comme le Vietnam, les donneurs ont effectué un total de 752 missions en 2007, dont plus de 600 conduites sans coordination avec un autre intervenant (16). De même, en 2005 en Ethiopie, selon la Banque mondiale (17), une vingtaine de bailleurs soutenaient plus d’une centaine de projets agricoles différents, dans un manque de coordination dispendieux et inefficace. En d’autres termes, si la division du travail entre donneurs a marqué des progrès, elle est parfois encore loin d’être une réalité. L’engagement des donneurs à « œuvrer ensemble à réduire le nombre des missions sur le terrain et d’études de diagnostic, susceptibles de faire double emploi » (18)semble rester lettre morte et la multiplication des acteurs entraîne plus de compétition que de coordination et d’harmonisation de leurs actions sur la base de leurs « avantages comparatifs » respectifs. Les Déclarations de Rome et de Paris et le Code de conduite européen, pour utiles qu’ils soient, ne seront réellement suivis d’effet que pour autant qu’ils associeront à leur mise en œuvre la communauté élargie des bailleurs dans une approche commune et partagée, non seulement entre eux mais avec les bénéficiaires.

Les financements de l’APD seront au cœur de la Conférence de Doha, fin novembre, qui reviendra sur la mise en œuvre du consensus de Monterrey de 2002, et complètera opportunément les travaux qui ont eu lieu dans le courant de cette année pour donner à l’ensemble le caractère d’approche globale qu’il requiert.

Cette perspective est d’autant plus opportune que, à la question de la coordination et de l’efficacité de l’aide, se greffent celles relatives au respect de leurs promesses par les donneurs en matière financière. A cet égard, votre rapporteure ne peut manquer de revenir sur l’engagement collectif pris lors du sommet du G8 de Gleneagles en 2005, et de rappeler que pour le respecter, les donateurs devraient augmenter leur apport de quelque 12 % par an d’ici à 2010, afin d’augmenter le volume de 50Md$ par rapport à son niveau de 2004 et atteindre les 130 Md$. En l’état actuel, il manque donc à cette promesse quelque 26 Md$ et, encore une fois, les perspectives et projections indiquent qu’il sera difficile qu’elle soit honorée, que ce soit de la part de la France ou de ses principaux partenaires.

Cela étant, l’approche préconisée par la Déclaration de Paris suppose que les capacités des pays en voie de développement soient améliorées non seulement pour la définition et l’exécution des politiques de développement mais aussi pour la gestion de l’aide reçue des donneurs. En ce sens, le renforcement des institutions nationales, et notamment des administrations financières centrales, est de première importance, ainsi que l’ont bien noté les signataires du programme d’Accra.

En d’autres termes, l’évolution de l’architecture de l’aide, la diversité accrue des flux de financements due à l’émergence de nouveaux donneurs imposent une amélioration de la capacité d’absorption des pays bénéficiaires, sauf à courir le risque qu’une part importante de cette aide démultipliée, publique ou privée, versée de manière peu rationnelle, ne soit pas correctement utilisée ou souffre de coûts de transaction excessifs. C’est pour répondre à cette nécessité que le Groupe de pilotage pour la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement en Afrique a prévu une collaboration inter-donateurs afin d’établir des calendriers par pays de montée en puissance de l’APD jusqu’aux niveaux d’engagements afin que les gouvernements africains puissent parallèlement établir des plans bien conçus concernant les investissements nécessaires pour la réalisation des OMD (19).

Votre rapporteure souhaite donc ici mettre l’accent sur l’urgence d’orienter l’APD vers le renforcement des capacités des pays en voie de développement afin qu’ils soient à même le plus rapidement possible, d’utiliser pleinement l’aide qui leur est donnée pour la réalisation de leurs politiques de développement. Il s’agit ici tout à la fois d’efficacité et d’efficience, de l’argent public comme des fonds privés. S’il est essentiel que la communauté des donneurs respecte ses engagements de solidarité, sans lesquels les OMD ne pourront être réalisés, il est tout aussi impératif que l’architecture de l’aide soit revue pour que l’augmentation des donateurs et le foisonnement des initiatives restent gérables. Les risques existent, qui sont régulièrement identifiés, non seulement d’une certaine balkanisation de l’aide, mais aussi d’une incapacité des pays bénéficiaires à gérer toutes les offres et, consécutivement, d’une certaine déresponsabilisation. De nombreuses études (20)ont ainsi montré que l’augmentation des transferts, indispensable pour répondre aux engagements de la communauté internationale de doubler l’aide pour financer les OMD, pouvait précisément se heurter à la faible capacité des pays en voie de développement.

A cet égard, votre rapporteure ne partage pas l’idée selon laquelle il conviendrait de procéder à une réallocation (21)de l’APD vers les pays les plus performants en termes de gouvernance. Elle craint au contraire que la thèse, erronée (22), selon laquelle l’efficacité de l’aide est conditionnée par la qualité des institutions des pays bénéficiaires et leur niveau de gouvernance publique, ne conduise à détourner les pays donneurs de certains secteurs ou pays et d’aggraver la situation des populations. Elle y voit tout au contraire la confirmation de la nécessité du renforcement à la fois des capacités des pays receveurs et des partenariats entre donneurs et bénéficiaires.

Le succès du développement passe par le renforcement institutionnel, non seulement des administrations financières, qui doivent être rendues aptes à gérer la manne de l’APD, mais aussi par le renforcement des administrations décentralisées, locales, et de la société civile, afin que les flux financiers irriguent les pays bénéficiaires au-delà des seules capitales. Votre rapporteure aura l’occasion de revenir sur ces questions ultérieurement. Incidemment, elle fera remarquer que l’on peut penser que ce n’est sans doute pas un hasard si des secteurs entiers peuvent être laissés en déshérence par la coopération internationale durant des décennies, comme l’agriculture a pu l’être.

En ce sens, le débat actuel sur la relance des agricultures africaines et la résolution de la crise alimentaire mondiale illustre et synthétise tous les autres : celui de l’urgence et de l’ampleur de l’effort à fournir pour atteindre l’ensemble des OMD, comme celui de l’impératif de l’efficacité de l’APD. Comme l’a rappelé le Président de la République à Rome en juin dernier, pour résoudre le problème de la faim dans le monde, la production alimentaire mondiale doit doubler d’ici à 2050, tout en préservant la planète. Indépendamment des ressources financières qu’elle exige, la réponse, telle qu’a pu la formuler le Sommet du G8 de Toyako de juillet 2008, doit évidemment être globale, reposer sur une stratégie d’ensemble qui intègre les court, moyen et long termes. Elle suppose de réformer et d’améliorer en profondeur l’efficacité des institutions qui œuvrent dans le secteur, au premier rang desquelles la FAO, de renforcer la coordination entre donneurs et bénéficiaires dans le cadre d’un partenariat qui associera gouvernements des pays en voie de développement et société civile. L’interdépendance de tous les aspects de la question est évident sachant qu’en moyenne l’aide à l’agriculture africaine représente près du tiers des dépenses du secteur, voire jusqu’à 80% dans le cas de certains pays comme le Niger ou le Rwanda (23). Plus qu’ailleurs, elle illustre combien les problématiques conjuguées du montant et de l’efficacité de l’APD et des capacités locales sont cruciales et conditionnent la réussite des OMD.

En d’autres termes, en conclusion de ces développements, votre rapporteure veut saluer le fait qu’il y ait une cohérence et une continuité fortes de la réflexion et des préoccupations en matières d’APD au niveau international ou régional afin de rendre l’aide plus efficace et pertinente. On doit y voir la marque d’un effort important, conjoint, entre donneurs et bénéficiaires, pour que le développement soit une réalité, par-delà les difficultés financières conjoncturelles qui rendent retardent d’autant plus la réalisation des engagements des Etats que les programmes de remise de dettes des pays en voie de développement sont en voie d’achèvement.

D - L’APD française est au cœur de la problématique de l’efficacité.

La thématique de l’efficacité de l’APD constitue un enjeu particulier pour la France, compte tenu à la fois de son poids financier, de l’ampleur de son champ d’intervention, tant au niveau géographique que sectoriel, dans l’aide au développement au niveau mondial. Elle l’est également en regard du contexte budgétaire difficile dans lequel elle doit actuellement agir. En ce sens, on peut considérer qu’une des manières de donner une valeur ajoutée nouvelle à l’aide française passe par sa contribution aux débats en cours et à l’apport de la France à la réforme de l’APD mondiale vers plus d’efficacité et d’efficience.

Votre rapporteure voudrait tout d’abord saluer le fait que la France est en première ligne de la réflexion internationale et européenne sur ces questions. Cette position répond d’ailleurs à l’invitation du CAD de l’OCDE qui, lors de la dernière revue des pairs, a encouragé la France à jouer un rôle pilote dans les pays bénéficiaires dans le cadre du processus de division du travail entre les donneurs membres de l’Union européenne, sur la base de la détermination de ses avantages comparatifs en Afrique sub-saharienne.

Ce rôle pilote, la France, ces derniers mois, l’a tenu non seulement sur le terrain, mais aussi dans la préparation des grandes conférences internationales de cette année, et tout particulièrement d’Accra. Le fait d’occuper la présidence de l’Union européenne a évidemment renforcé le poids de la position française sur la scène internationale, dans la mesure où les engagements européens excèdent ceux de la déclaration de Paris et que la France y est apparue comme porte-parole de l’Union. A cet égard, votre rapporteure considère qu’il serait opportun que le gouvernement informe la représentation nationale des résultats de ces différentes conférences et de son degré de satisfaction quant aux négociations menées et quant au contenu des déclarations finales approuvées par rapport aux ambitions initiales, que celles-ci soient françaises ou européennes. Elle espère vivement qu’à l’issue de la conférence de Doha, au plus tard, le secrétaire d’Etat à la coopération répondra à ce souhait.

D’une manière plus spécifique et ponctuelle, la France a également joué un rôle important sur la scène internationale lorsqu’il s’est agi d’apporter des solutions à la crise alimentaire mondiale de ces derniers mois. La stratégie française en matière d’aide alimentaire s’inscrit certes dans le cadre de ses engagements internationaux en application de la Convention de Londres, mais la France a su dépasser ses obligations et en particulier doubler le budget de l’aide alimentaire d’urgence prévu pour l’année 2008, pour répondre à la hausse des prix des denrées. Les pays les plus affectés, Haïti, l’Afghanistan, la RDC, la Somalie, le Tchad, le Soudan ou la République centrafricaine, pour n’en citer que quelques uns, en ont bénéficié.

En outre, et surtout, la France a pesé d’un poids considérable dans la prise de conscience internationale de la gravité de la crise alimentaire. Il faut à cet égard souligner au premier chef l’initiative du président de la république présentée à Rome en juin dernier qui a proposé à la communauté internationale un partenariat mondial pour l’alimentation et l’agriculture, marqué précisément au sceau de l’efficacité. Cette préoccupation d’efficacité articule en effet les trois piliers de l’architecture présentée par le président Sarkozy : le renforcement de la coordination internationale entre les parties prenantes à la problématique de l’agriculture et de la faim dans le monde ; la définition d’une stratégie mondiale unique pour la sécurité alimentaire ; la création d’une facilité mondiale pour la sécurité alimentaire, hébergée par le FIDA. Il est à remarquer que cette initiative, qui participe soit dit en passant très directement de l’implication de notre pays à la réalisation du 8ème OMD, a rencontré un écho immédiat de la part de la communauté internationale. Ainsi, dès la réunion de Toyako, début juillet, le G8 a-t-il entériné les axes de travail proposés par la France. Ainsi la réflexion sur la réforme des institutions internationales concernées, celle sur la gouvernance de la FAO en particulier, est-elle engagée depuis le mois de juillet.

Votre rapporteure salue aussi l’impulsion donnée lors de la présidence française de l’Union européenne à certaines des questions les plus brûlantes du moment. Elle veut tout particulièrement mentionner les initiatives du Président de la République conjointement avec le président de la commission européenne, la réunion de Bordeaux des ministres en charge du développement fin septembre, ou encore les avancées au cours de ces derniers mois du pacte européen sur l’immigration et l’asile élaboré et négocié sous l’égide du MIIIDS.

Cela étant, l’écho international des positions de la France sera d’autant plus fort qu’elle aura su elle-même procéder aux réformes qu’elle doit entreprendre. Il est donc essentiel qu’elle les mène à bien, compte tenu à la fois des contraintes budgétaires qui sont les siennes et des engagements qu’elle a pris, notamment vis-à-vis de ses pairs dans le cadre du CAD de l’OCDE.

II – L’AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT DE LA FRANCE : UN REGARD CRITIQUE SUR L’ÉTAT DES LIEUX.

A - Les critiques récurrentes portées a l’APD de la France.

La Déclaration de Paris de mars 2005 n’impliquait pas à proprement parler de changements organisationnels ou structurels du secteur de l’aide au développement des pays donateurs. Il en est de même du Programme d’Accra signé en septembre dernier. L’un et l’autre se concentrent plutôt sur l’articulation des acteurs, sur la coordination nécessaire de l’ensemble des bailleurs et bénéficiaires et, désormais, les organisations de la société civile et nouveaux donneurs, tant étatiques que privés, récemment entrés dans le champ.

En d’autres termes, ces documents s’intéressent plus à un ensemble de pratiques communes, d’ordre politique et technique ainsi qu’en matière de gestion, destinées à améliorer collectivement la mise en œuvre de l’aide mondiale pour la rendre plus effective et moins coûteuse.

Pour autant, l’efficacité collective est pour partie conditionnée par l’efficacité de chacun des participants au système et son application de bonnes pratiques. En ce sens, au-delà du rôle joué par la France dans le débat mondial sur l’efficacité de l’aide au développement, à travers ses interventions et contributions, votre rapporteure considère utile de présenter les structures de l’APD de la France et leurs modalités d’action, à la lumière des analyses dont elles viennent de faire simultanément l’objet : la Revue des Pairs, réalisée dans le cadre du CAD de l’OCDE d’une part, dont les résultats ont été communiqués au mois de mai dernier, et la Revue générale des politiques publiques (RGPP) d’autre part.

Cette présentation semble également essentielle à votre rapporteure dans la mesure où, à tort ou à raison, l’APD de la France fait l’objet de critiques réitérées de la part des ses pairs. Ces dernières années, en effet, elle a été plutôt mal notée par la communauté internationale pour diverses raisons que les auteurs de l’étude sur « la France et l’aide publique au développement » (24)déjà citée ont analysées. Ces critiques concernaient déjà, il y a plusieurs années, l’efficacité de l’aide française compte tenu des budgets qui y étaient consacrés et des stratégies défendues et mises en œuvre.

Au premier rang des remarques formulées par le FMI, la Banque mondiale et le CAD de l’OCDE au début des années 2000, figuraient le manque de sélectivité de l’aide de notre pays et sa dispersion sur un trop grand nombre de pays. Le CAD relevait en 2004 le fait que les trois quarts de l’aide française étaient alors répartis entre 25 bénéficiaires et que le quart restant était distribué entre plus de 120 pays. A cette époque coexistent donc à la fois une grande concentration et une grande dispersion de l’APD. Sans surprise, l’aide la plus concentrée est dirigée vers les pays d’Afrique, essentiellement francophones, ou anciennement colonisés ou appartenant à la zone franc.

En second lieu, les auteurs du rapport au Premier ministre notent que la plus vive critique, émise par les analystes de la Banque mondiale, porte sur la faible prise en compte de la gouvernance des pays par la France dans le cadre de sa politique d’APD. Ils précisent que le CAD considère également que « la sélectivité de la France est insuffisante et lui conseille comme critère d’allocation de son aide notamment “la mise en place de politiques sociales et économiques saines, la bonne gouvernance et le respect des droits humains” » (25). Votre rapporteure a déjà eu l’occasion d’indiquer son sentiment sur ce type de critique : elle est convaincue que le renforcement des capacités internes des pays en voie de développement doit être une priorité. En ce sens, elle rejoint les auteurs du rapport du Conseil d’Analyse Economique, qui estiment la critique exprimée par la Banque mondiale comme peu pertinente dans la mesure où le fait pour un donneur de concentrer majoritairement son aide sur des pays partageant sa langue ou anciennes colonies peut-être non seulement légitime mais aussi source d’efficacité. Nombre de pays agissent d’ailleurs ainsi : l’Espagne, le Royaume Uni, le Portugal ou la Belgique. En outre, tout en permettant de diminuer le risque de secteurs « orphelins », cette politique de la France est en total accord avec les OMD.

Cela étant, les auteurs abordent également une série de critiques formulées à l’encontre de l’APD française qui rejoignent des inquiétudes dont votre rapporteure a eu l’occasion de vous faire part à plusieurs reprises et qui concernent également l’efficacité de cette aide.

En premier lieu, il s’agit du fait que, à la différence du Royaume Uni, par exemple, la France ne tire pas de son effort d’APD toute l’influence internationale qu’elle pourrait en attendre, alors même qu’elle est, en volume, le troisième contributeur mondial. La politique d’APD française se caractérise aussi par une grande dispersion des centres de décision, due à l’héritage historique, et par une multiplicité des modes d’intervention, qui rend ardue « la simple comptabilisation de l’aide française » (26) : de fait, alors que le DFID, créé en 1997, gère dès 2004 plus des trois quarts des crédits de l’APD britannique, l’AFD ne met toujours en œuvre que moins de 10% des engagements de l’APD française.

Les auteurs du rapport estiment que la réforme engagée en 2004 va dans le bon sens, « mais sans résoudre fondamentalement le problème de la dispersion des lieux de décision et de l’enchevêtrement des responsabilités. » (27). Ils considèrent enfin que « la clarification de la stratégie de la France est un objectif louable mais qu’il sera difficile de mettre en œuvre tant les marges de manœuvre pour la réallocation géographique et sectorielle de l’aide française sont étroites. » (28)

L’ensemble des critiques et commentaires que l’équipe du Conseil d’Analyse Economique passe en revue dans cet ouvrage est antérieur à la dernière revue des pairs dont les résultats ont été communiqués à la France en mai dernier. Entre temps, des réformes sont intervenues et des réflexions ont été menées qui ont conduit l’architecture de l’APD française sur la voie de changements importants, que votre rapporteure se propose de vous présenter, à la lumière des conclusions de la RGPP et de la Revue des pairs.

B - Les structures de l’APD de la France : multiples et éparses.

Près de 10 ans après ces critiques formulées par les pairs, les structures de l'APD de la France restent relativement éparses et le dispositif institutionnel complexe malgré les réformes conduites depuis 1998. C’est le premier constat que votre rapporteure souhaite faire.

Le diagramme en annexe 1 (29), communiqué par la France dans son mémorandum au CAD de l’OCDE dans le cadre de la revue des pairs, présente le système institutionnel français tel qu’il est actuellement (30).

Depuis les débuts de la réforme engagée en 1998 et approfondie en 2004-2005, notamment suite aux précédentes recommandations des pairs, le dispositif, selon le ministère des affaires étrangères, est en chemin vers une meilleure coordination des acteurs, un pilotage plus efficace de l’APD et une clarification de la répartition des compétences (31). Notamment, une coordination interministérielle formelle a été instituée en 1998 avec la création du Comité interministériel de la coopération internationale et de développement (CICID), qui se réunit en principe une fois l’an et dont le co-secrétariat est assuré par les ministères de l’économie, des finances et de l’emploi (MINEFE) et des affaires étrangères et européennes (MAEE). En pratique, ce sont respectivement la Direction générale du Trésor et des politiques économiques (DGTPE) et la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) qui assument cette fonction.

A partir de 2004, la coordination interministérielle a été renforcée avec l’attribution d’un rôle de chef de file au secrétaire d’Etat à la coopération et au développement au sein de la Conférence d’orientation stratégique et de programmation (COSP), créée à cette date. En parallèle, le MAEE s’est vu confier le pilotage stratégique de l’Agence française de développement (AFD), opérateur pivot du dispositif. La tutelle de l’AFD est du ressort conjoint du MINEFE, du MAEE et du ministère en charge de l’outre-mer (32).

Cela étant, pour le CAD, en dépit des réformes intervenues depuis son dernier examen, le système, bien que plus cohérent que celui analysé en 2004, reste néanmoins complexe. Il faut d’ailleurs souligner à cet égard que, aux acteurs « historiques » de la coopération - MAEE et MINEFE - s’est ajouté en 2007 le ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire (MIIIDS), dans l’exercice du co-secrétariat du CICID et de la tutelle de l’AFD. Si ce changement traduit l’importance de la question des migrations et du codéveloppement dans la politique française il ne contribue sans doute pas à la simplification architecturale du système. Comme le souligne le CAD en analysant le schéma du dispositif, l’une de ses particularités est de comporter de nombreux acteurs dont aucun, si ce n’est le secrétariat d’Etat, n’est exclusivement dédié à l’aide au développement : les différentes directions, la douzaine de ministères qui interviennent ont tous peu ou prou, des attributions qui excèdent le champ strict de l’aide au développement. Si des efforts sont faits, souligne le CAD, dans la mise en place de mécanismes de coordination, néanmoins, « la France n’a pas de mécanisme institutionnel dédié explicitement à la cohérence des politiques de développement » (33). Le CICID, par exemple, n’est pas un instrument de cohérence des politiques de développement mais un outil de coordination de l’aide française au développement. En d’autres termes, le risque est souligné que « l’éclatement entre différentes instances du traitement d’une même problématique selon des angles de vue différents peut affaiblir la recherche d’une approche d’ensemble cohérente. » (34), d’autant que « à l’intérieur du cadre général (…) chaque institution poursuit des objectifs spécifiques avec les instruments dont elle dispose. » (35)

Consécutivement, au plan structurel, le CAD invite la France à « achever la réforme de son dispositif de coopération avec la mise en place d’une configuration institutionnelle simplifiée, s’inspirant des exemples des autres pays membres du CAD », en mettant un accent spécifique sur la problématique du pilotage de l’aide et de sa dimension opérationnelle, et suggère d’ajuster le statut des différents acteurs institutionnels en conséquence (36).

Sur cet ensemble de questions, votre rapporteure souhaite formuler deux commentaires.

En premier lieu, au vu des informations qu’elle a pu recueillir sur l’organisation et l’articulation des institutions chargées de l’APD chez nos principaux voisins, il apparaît que le système français est en effet singulièrement éparpillé entre de nombreux intervenants. Force est de constater, dans tous les cas, une architecture nettement plus simple et sans doute plus immédiatement lisible. Dans aucun autre pays, on ne retrouve autant de ministères différents impliqués dans l’aide publique au développement comme c’est le cas en France. Peut-être l’Autriche est-elle le pays qui se rapproche le plus du nôtre en ce sens, avec sept ministères concernés. Ailleurs, on constate plutôt un resserrement assez fort du dispositif politique et opérationnel et si de nombreux acteurs interviennent et jouent un rôle parfois important, il s’agit, dans la plupart des cas, d’organismes parapublics ou privés : fondations, ONG, églises, etc. C’est le cas en Allemagne, par exemple, où trois pôles publics se partagent les responsabilités : le BMZ, ministère fédéral de la coopération économique et du développement ; la GTZ, agence pour la coopération technique et la KfW, banque allemande de développement, dont le rôle est similaire à celui de l’AFD. Il est à noter d’ailleurs qu’un certain nombre d’initiatives pilote ont été récemment lancées pour moderniser le système d’aide allemand qui, outre un accent porté à la coordination sur le terrain, pourraient se traduire par la fusion de la GTZ et de la KfW. La Suède présente une architecture assez proche, articulée autour du ministère des affaires étrangères et de la SIDA, agence de coopération qui travaille en étroite relation avec les ONG. L’Espagne présente également un système relativement resserré, géré par le ministère des finances et le ministère des affaires étrangères, appuyé par deux opérateurs : l’AECI, agence de coopération, comparable à l'AFD et la FIIAPP, qui intervient dans le champ de la coopération en matière de gouvernance démocratique. Le Royaume Uni et le Danemark présentent des schémas encore plus simples avec, dans le premier cas, le rôle central, si ce n’est quai exclusif, du DFID, et dans le second, la présence d’une seule institution, le ministère de la coopération et du développement, qui agit sous l’autorité du ministère des affaires étrangères.

En revanche, dans le cas de la France, l’éparpillement des organismes impliqués induit la nécessité d’instituer des mécanismes de coordination spécifiques (COSP, CICID), dans un souci de cohérence et d’harmonisation des stratégies et politiques publiques d’aide au développement, en d’autres termes pour donner au système des garanties d’efficacité et de lisibilité. Incidemment, et votre rapporteure y voit un second inconvénient, il induit également de confier des rôles de « co-secrétariat » et de « co-tutelle » à plusieurs entités distinctes qui ont à accorder leurs stratégies. Même si la coordination entre tous les acteurs français est considérée comme très bonne, « tout en restant informelle » (37), le système reste complexe et l’on peut regretter que la RGPP ait quelque peu manqué d’ambition sur ce point. Certes, au niveau opérationnel, notamment sur le terrain où le rôle des ambassadeurs sera renforcé, des avancées sont à noter qui vont se concrétiser dans les prochains mois, mais votre rapporteure considère que l’on aurait peut-être pu profiter du processus de la RGPP pour aller plus en avant dans la simplification structurelle attendue, gage de rationalisation du dispositif.

En second lieu, votre rapporteure souhaite s’attarder sur la question spécifique de l'AFD qui semble faire l’objet d’une préoccupation particulière de la part du MAEE et du secrétariat d’Etat à la coopération et au développement. En témoignent la place qui est faite, notamment dans la RGPP, au renforcement de la tutelle politique et stratégique de l’agence et au changement de ses statuts.

Or, elle s’interroge sur la nécessité d’une modification des statuts de l’agence dans la mesure où les dispositions du code monétaire et financier (38)qui les régissent actuellement semblent d’ores et déjà confier à l’Etat des moyens qui paraissent à votre rapporteure importants pour que celui-ci ait toute autorité sur elle.

En effet, en l’état actuel des textes et en premier lieu, le plan d’affaires annuel de l’AFD est un document qui décline les dispositions établies dans le Plan d’orientation stratégique, lequel repose sur les grands choix de l’Etat pour des périodes de cinq ans. En outre, selon les indications qui ont été données à votre rapporteure, ce plan d’affaires est préparé en étroite concertation avec les autorités de tutelle de l’agence et respecte logiquement les grandes orientations stratégiques que celles-ci lui sont fixées. Tant le choix des pays d’intervention que le montant moyen des projets, ou que les résultats attendus et les objectifs fixés par l’Etat figurent dans le Projet annuel de performance du PLF ainsi que dans les contrats d’objectifs et de moyens conclu avec l’agence. Le plan d’affaires de l’agence ainsi que son budget sont tous deux validés par le conseil d’administration de l’AFD en début d’année, lequel est, encore une fois, et il ne saurait en être autrement, majoritairement composé de représentants de l’Etat et se réunit au moins une fois par trimestre. En complément de ces dispositions strictes, l’agence a naturellement, aux termes de la convention cadre conclue avec l’Etat, des obligations rigoureuses de rendre compte chaque trimestre. Enfin, au plan local, le renforcement du rôle des ambassadeurs devrait permettre de surmonter toute difficulté de coordination.

En d’autres termes, l’Etat, paraît d’ores et déjà disposer d’instruments relativement étendus vis-à-vis de l’AFD.

C - Les priorités géographiques et sectorielles de l’APD de la France.

Votre rapporteure a déjà eu l’occasion d’indiquer que l’une des critiques anciennes et récurrentes adressées à l’aide au développement de la France concernait son allocation géographique, concrètement le fait qu’elle se concentrait à la fois majoritairement sur l’Afrique et se dispersait sur un nombre excessif de pays.

Cela étant, il convient de rappeler en premier lieu qu’un certain nombre d’engagements internationaux récents portent en partie sur ces questions. Leur mise en œuvre a été concomitante du resserrement géographique des interventions de la France au cours de ces dernières années. Votre rapporteure est par conséquent d’avis que la politique de notre pays doit se lire en fonction de ces éléments.

1. La problématique de la coordination géographique et sectorielle entre bailleurs.

Le Code de conduite européen met en œuvre les principes de complémentarité et de coordination entre les Etats membres, que le Consensus européen pour le développement (39)avait rappelés pour mieux répondre aux attentes des pays partenaires. Le Programme d’Accra très récemment, a évoqué le principe de la division du travail en rappelant que « l’efficacité de l’aide diminue lorsque les initiatives en faveur du développement se multiplient à l’excès, singulièrement au niveau des pays et au niveau sectoriel » avant de plaider pour « la complémentarité entre les efforts des donneurs ainsi que la répartition des tâches entre les donneurs, notamment par une meilleure affectation des ressources à l’intérieur de chaque secteur, de chaque pays et entre les pays » (40)sans toutefois entrer dans des détails opérationnels concrets ni tracer de feuille de route.

Dans la continuité du Consensus européen, le code de conduite, en revanche, adopté en mai 2007, a précisé de manière détaillée les enjeux de la complémentarité entre donneurs et la responsabilité particulière de l’Union européenne qui représente plus de 50% de l'APD mondiale. Il a également défini un certain nombre de critères et de principes à respecter car « la fragmentation de l'aide entraîne des dépenses administratives et des coûts de transaction accrus dans les pays partenaires, disperse le dialogue politique et crée un risque de mauvaise affectation des ressources » et que « le manque d'efficacité de la contribution collective des bailleurs est devenu ingérable. » (41)

Votre rapporteure retiendra qu’au plan géographique, le principe de la complémentarité internationale et de la définition de « pays de priorité » a en conséquence été posé, pour répondre au fait qu’un nombre excessif de bailleurs se concentrent sur certains pays « à succès » et en abandonnent d’autres, souvent plus fragiles. Dans la pratique, les bailleurs de l'Union européenne sont appelés à cibler leurs interventions géographiquement, en tenant compte de l'engagement des autres intervenants. Afin d’éviter les doublons, le principe de la coopération déléguée est posé, comme arrangement pratique en vertu duquel un bailleur, « donateur principal » ou « chef de file », est habilité à agir pour le compte d'un ou de plusieurs autres, « donateurs mandants » ou « partenaires silencieux ». Les modalités pratiques, notamment en termes de visibilité, sont définies entre le chef de file et les autres donateurs, et le niveau et la forme des délégations varient, allant de la responsabilité pour un élément du cycle d'un projet spécifique à la gestion d’un programme sectoriel ou à l'ensemble d'un programme national.

Il faut souligner que la France a attaché une particulière attention à la mise en œuvre de ces principes en définissant de manière unilatérale son propre plan d’action en 2006.

En complément de cet aspect géographique, le Code de conduite a également posé comme premier principe la concentration sectorielle des activités des pays donateurs. La complémentarité intersectorielle entre les bailleurs doit reposer sur le fait que certains ont développé des savoir-faire spécifiques qui doivent être pleinement utilisés et que tous ne doivent pas nécessairement développer des compétences dans tous les secteurs. Chacun doit donc prendre la pleine mesure de ses avantages comparatifs, établir des domaines prioritaires et se concentrer sur trois secteurs par pays. Concrètement, selon les informations qui ont été recueillies par votre rapporteure, la concentration de l’APD bilatérale s’effectue au cas par cas, avec les pays partenaires. Les avantages comparatifs sont évalués par le bailleur lui-même, sur place et, selon les termes du code de conduite, approuvés par le gouvernement partenaire et reconnus par les autres donateurs. Le code précise également que « les donateurs de l'UE travailleront en collaboration avec le pays partenaire afin d'établir dans quels secteurs il y a lieu de rester et de proposer des modalités de sortie des secteurs dont ils sont appelés à se retirer ».

2. Le resserrement géographique et sectoriel de l’aide française.

En application de ces engagements européens et internationaux, ou en tout cas de manière concomitante, depuis plusieurs années, l’aide française au développement a clairement évolué dans le sens d’un certain resserrement, en premier lieu géographique.

Le nombre total de pays bénéficiaires, à un titre ou un autre de l'APD bilatérale de la France, est ainsi passé de 176 au cours de la période 1995-1999, à 153 entre 2000 et 2004 pour tomber enfin à 143 en 2005-2006 (42). Parmi ceux-ci, 77 pays, dont les 55 de la ZSP sont bénéficiaires de l’aide bilatérale fournie par la France.

En d’autres termes, par-delà les critiques formulées qu’elle a rappelées, votre rapporteure voudrait souligner la continuité, sur la longue durée, de la politique d’aide au développement menée par la France. Avant même l’approbation des recommandations et orientations internationales ou régionales en la matière, la France avait entamé le resserrement géographique de son aide, à l’instar des principaux pays voisins qui se concentrent essentiellement sur leur propre champ, pour les mêmes raisons que notre pays : proximité linguistique et culturelle, soutien à d’anciennes colonies, etc.

Une comparaison plus précise avec certains de nos voisins, telle qu’elle résulte des renseignements que votre rapporteure a pu obtenir, montre qu’un pays comme le Danemark consacre prioritairement son aide bilatérale à l’Afrique, notamment subsaharienne, à hauteur d’un peu plus de 50 %, avec une prévision des deux tiers en 2013. Le nombre de pays bénéficiaires est en revanche plus restreint, puisque seuls 16 ont été sélectionnés, dont 9 en Afrique. L’Allemagne a d’autres priorités géographiques, dans la mesure où près de la moitié de son APD bilatérale bénéficie à l’Asie, l’Afrique venant en second lieu. Elle travaille sur un schéma proche de la ZSP, avec une quarantaine de « pays partenaires prioritaires » sur les 57 pays dans lesquels elle intervient désormais, contre 94 antérieurement. L’Espagne consacre la majeure partie de son APD à l’Amérique latine, à hauteur de 40 % du total, ainsi qu’à l’Afrique subsaharienne (plus de 20 %). Sur chacun de ces continents, ainsi que dans la zone méditerranéenne et le monde arabe qui reçoit 16 % de son APD, des pays prioritaires sont également définis. Aux termes de l’accord triennal qui lie le DFID au ministère des finances jusqu’en 2011, l’Afrique subsaharienne est la priorité de l’APD bilatérale du Royaume Uni. Le DFID s’est retiré d’un certain nombre de pays intermédiaires, notamment en Amérique latine, et l’engagement est de doubler l’aide, tant multilatérale que bilatérale en direction de l’Afrique, sur la période 2004-2010, avec une concentration sur les Pays les Moins Avancés (PMA). Enfin, l’Afrique subsaharienne est également au centre des priorités de la Suède, de la Belgique ou des Pays-Bas, encore que sans doute dans des proportions moindres.

En ce qui concerne notre pays, le principe d’une « sélectivité géographique », pour reprendre les termes du CAD, de la politique française a été posé avec l’instauration de la Zone de Solidarité Prioritaire (ZSP) en 1998, qui répondait précisément à la nécessité de concentrer davantage l’aide sur un nombre limité de pays. La ZSP a depuis évolué et elle est désormais composée de 55 pays : aux anciens pays du champ se sont ajoutés un certain nombre d’autres, d’Afrique subsaharienne, du Moyen-Orient, des Caraïbes, du Pacifique ou de la péninsule indochinoise. A titre provisoire, l’Afghanistan y a également été adjoint il y a quelques années. Parmi ces 55 pays, 43 sont africains qui reçoivent, conformément à ses engagements, les deux tiers de l’aide de la France, plus de la moitié allant à Afrique subsaharienne. En parallèle, comme l’a constaté le CAD, principalement du fait des volumes d’annulation de dettes, la concentration géographique de l’aide augmente puisque la part consacrée aux 15 premiers bénéficiaires est passée de 62% à 70% entre 2000 et 2006. En ce sens, la France se rapproche également de ses partenaires du CAD qui allouent en moyenne près des trois quarts de leur aide aux plus importants des bénéficiaires de leurs aides respectives.

L’un des points importants sur lesquels les travaux de la RGPP ont porté concerne précisément la question du champ d’action géographique de l’APD française. En conformité avec la lettre de mission du Président de la République au ministre des affaires étrangères et européennes, l’une des décisions du Conseil de modernisation des politiques publiques a conduit à mieux hiérarchiser les priorités de l’APD. Il a ainsi été décidé que les moyens feraient « l’objet d’une plus grande concentration géographique, notamment par la substitution d’un système de partenariats différenciés à l’actuelle Zone de solidarité prioritaire. » Selon les renseignements pris par votre rapporteur, il s’agit de renforcer la concentration géographique afin de disposer dans chaque pays, de la masse critique de moyens qui permette d’atteindre l’impact recherché pour chacun des objectifs de notre coopération et de permettre une meilleure concentration de l’aide bilatérale programmable. En d’autres termes, l’action portera sur un nombre plus limité de pays « cœurs de cible », PMA très dépendants de l’aide et entretenant des liens forts avec la France, sur lesquels se concentreront les moyens de l’aide française tant sur les OMD que sur la formation des élites et l’action culturelle. Les partenariats différenciés permettront également de mieux tenir compte des critères de besoins propres à chaque pays bénéficiaire et, consécutivement, permettront une meilleure adaptabilité de l’aide.

Votre rapporteure salue cet effort, en ce qu’il traduit une volonté de cohérence et de concentration qu’elle considère comme garantes de l’efficacité de l’action menée. Pour louable qu’il soit, elle estime cependant que ce resserrement doit être soigneusement soupesé. A titre d’exemple, selon les informations recueillies, dans un pays comme le Mali, l'APD est en train d’être réduite de manière drastique et ne devrait pas dépasser les 35 M€ au lieu de 70 M€ il y a peu. En conséquence de quoi, la France apparaît désormais au 7ème rang des bailleurs de fonds, de l’un des Pays les Moins Avancés (PMA) qui est à la fois et de surcroît l’un de ceux avec lesquels nous entretenons les relations les plus étroites et confiantes et qui figure parmi nos plus proches priorités. Votre rapporteure ajoute que, compte tenu de l’importance de l’émigration malienne en France, la réduction de la coopération bilatérale semble en contradiction avec la logique des objectifs du développement solidaire et ne lui paraît donc pas opportune. Elle estime prudent d’appliquer l’effort de resserrement géographique avec discernement et appelle le ministère à tenir compte de cette réflexion pour reconsidérer sa politique d’allocation tant au Mali que dans d’autres pays d’Afrique subsaharienne où l’évolution projetée serait comparable.

Depuis l’adoption du code de conduite, certains pays comme l’Allemagne ou la Suède, ont fait des efforts notables de concentration. Il permettra à l’APD française non seulement de se recentrer sur des pays partenaires avec lesquels la France a des liens traditionnellement forts, mais aussi de compléter la concentration thématique souhaitée autour de la réalisation des OMD, qui représente l’approche de la France dans les pays de la ZSP.

En second lieu, au plan sectoriel, le code de conduite européen préconise « la concentration sur un nombre limité de secteurs » des interventions des pays. Le code de conduite prévoit ainsi de trois à cinq bailleurs maximum par secteur dans un pays donné. Il s’agit d’ailleurs de la première des priorités avant même le resserrement géographique. Dans ce cadre de division du travail, c’est l’ambassadeur en poste qui, dans le Document Cadre de Partenariat (DCP), indique les secteurs de concentration de l’aide française. Ce travail de coordination est en cours et certaines priorités se dessinent d’ores et déjà, à mesure que les bailleurs déterminent leurs avantages comparatifs respectifs. Sur cette base, des délégations de gestion par secteur pourront être décidées, conformément aux dispositions du code de conduite, aux termes desquelles un bailleur se retirera d’un secteur en tant « qu’opérateur » tout en continuant d’y apporter son soutien financier.

Selon les informations qu’a pu recueillir votre rapporteure, les priorités sectorielles des pays voisins ne sont fondamentalement pas éloignées de celles de la France, notamment dans le cas du Royaume Uni dont les priorités de l’APD sont celles des OMD, en soutenant un effort particulier en matière de santé et d’éducation. Cela étant, d’une certaine manière, tous, à l’instar de l’Union européenne et des principaux bailleurs et organisations internationaux ou régionaux, mettent en avant la lutte contre la pauvreté, déclinant à leur niveau le premier des OMD. Parmi les domaines d’action choisis en priorité, le Danemark intervient en matière de santé et de lutte contre le SIDA, d’eau et d’assainissement, d’emploi et de compétitivité de bonne gouvernance ou encore de préservation des ressources naturelles. L’éducation et la place des femmes dans l’économie pourraient faire l’objet de stratégies renforcées à partir de l’année prochaine. Le programme d’action 2015, adopté en 2001 a concentré l’aide de l’Allemagne sur quatre secteurs clefs : la lutte contre la pauvreté, le maintien de la paix et la promotion de la démocratie, l’organisation d’une mondialisation plus juste et la protection de l’environnement. L’Espagne est sans doute plus orientée vers les questions de gouvernance au sens large, qui met l’accent sur le renforcement de l’Administration publique et la formation des fonctionnaires, des projets de renforcement institutionnel et de formation de cadres, l’appui aux organisations syndicales, aux municipalités. La Suède opère dans les domaines du respect des droits de l’homme, de la démocratie et de la gouvernance, de l’égalité de genres, de l’utilisation des ressources naturelles et de la gestion des Biens Publics Mondiaux, de la protection de l’environnement ; la croissance économique et le développement social, ainsi que la gestion des conflits et la sécurité humaine sont également parmi ses secteurs d’intervention, lesquels sont réduits au nombre de cinq dans le cas de la Belgique : santé de base, enseignement et formation, agriculture et sécurité alimentaire, infrastructure de base, prévention des conflits et consolidation de la société. Trois thèmes transversaux s’y ajoutent : le genre, l’environnement et l’économie sociale.

En ce qui concerne la France, actuellement ses domaines traditionnels d’intervention sont plus particulièrement sociaux, avec une nette domination de l’éducation qui représente aujourd’hui encore quelque 17% de son aide bilatérale. Il est à noter que cette proportion consacrée à l’éducation est en baisse constante, puisqu’elle dépassait en moyenne le quart des interventions dans la période 1995-1999 et encore le cinquième entre 2000 et 2004 (43). Dans ce pourcentage, les dépenses les plus importantes comptabilisées en APD sont les écolages et les bourses universitaires ; l’éducation de base ne représente que 9% des dépenses d’APD bilatérale du secteur mais devrait progresser dans l’avenir compte tenu des engagements souscrits. Il est à remarquer également que cette proportion est considérablement supérieure à celle que les autres pays du CAD y consacrent en moyenne 7%. Les secteurs de l’eau et de l’assainissement occupent une part plus modeste, même s’ils progressent, ainsi que le développement des infrastructures en Afrique subsaharienne et les services économiques. La santé et la lutte contre le sida, l’agriculture et la sécurité alimentaire, la protection de l’environnement et de la biodiversité, le développement du secteur productif et enfin la gouvernance, complètent l’éventail des secteurs sur lesquels la France concentre la plupart de ses moyens d'intervention.

Chacun de ces secteurs fait l’objet d’une stratégie adoptée par le CICID, qui s’est traduite par plusieurs engagements internationaux pris récemment par la France pour donner une nouvelle impulsion à son action. Votre rapporteure retiendra essentiellement le lancement de l’initiative internationale pour la sécurité alimentaire ou la participation à l’initiative internationale sur la lutte contre le changement climatique. L’initiative de soutien à la croissance économique en Afrique participe de cette dynamique.

Cela étant, le CAD note que la France tente de resserrer ses interventions sur trois secteurs dans les pays partenaires et l’encourage à persévérer dans cette voie, mais il remarque que pour des facteurs historiques, politiques ou administratifs, l’aide bilatérale reste encore très dispersée. A cet égard, votre rapporteure remarque que les travaux de la RGPP, en complément du resserrement géographique auxquels ils ont conclu, ont également prévu un volet sectoriel. Le Conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP), rejoignant en cela les recommandations du CAD, a ainsi indiqué que les priorités de l’aide française devraient être mieux hiérarchisées et les moyens de son aide bilatérale davantage concentrés. En particulier, cinq secteurs prioritaires de l’APD seront identifiés et validés annuellement par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID). Le prochain CICID adoptera la liste des secteurs de concentration de l’APD bilatérale française, conformément aux mesures annoncées par le CMPP.

Si elle partage globalement ces orientations, votre rapporteure est néanmoins réservée sur l’annualité annoncée de la validation des cinq secteurs. Elle y voit en effet un risque non négligeable quant à la prévisibilité de l’aide, considérée à juste titre et de manière unanime, comme un élément cardinal de l’efficacité des politiques d’aide. Elle remarque que, a contrario, un pays comme l’Allemagne fait montre d’une bien plus grande stabilité puisque le « Programme d’Action 2015 » a été adopté en 2001 et a défini des objectifs qui n’ont pas varié depuis. Pour sa part, le Royaume Uni a aussi depuis plusieurs années déjà des stratégies qui conduisent à une grande stabilité de l’aide, puisque les accords qui lient le DFID au ministère des finances sont triennaux. De même, les priorités de la coopération du Danemark sont-elles quinquennales, tracées autour d’une ligne d’action forte qui décline le thème de la réduction de la pauvreté. Votre rapporteure attire donc votre attention sur ce point et souhaite que sa recommandation soit prise en compte au moment de la définition des secteurs prioritaires.

Votre rapporteure ne peut manquer de vous inviter à une réflexion qui lui semble indispensable sur les priorités sectorielles de l'APD bilatérale de la France, tant il lui semble que certaines urgences, qui engagent l’avenir de l’Afrique subsaharienne sur les moyen et long termes ne sont pas suffisamment prises en compte, voire délaissées.

Toutes les études démontrent en effet que tant que les révolutions démographique et agricole n’auront pas été réalisées en Afrique, il sera illusoire de parler de véritable développement. Malgré la multiplication par 20 des efforts dans le domaine de l’éducation, un pays comme le Niger « n’a fait en 50 ans que s’épuiser à rattraper sa démographie sans jamais tirer les bénéfices de ses investissements en la matière. » (44). En d’autres termes, chacun sait que l’Afrique est face au triple défi de réussir simultanément des « transitions accélérées dans les domaines démographique, agraire et éducatif, qui, elles-mêmes, correspondent à plusieurs révolutions : la double révolution verte, c’est-à-dire l’augmentation des rendements de manière soutenable, la révolution contraceptive et la révolution cognitive » (45), qu’ont menées des pays comme la Chine et l’Inde.

C’est la raison pour laquelle votre rapporteure se félicite que la France vienne de rejoindre une soixantaine de partenaires multilatéraux (OMS, UNFPA, Banque Mondiale, Commission européenne, Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, etc.) et bilatéraux (USAID, DFID, Ministère des Affaires étrangères d’Espagne, BMZ), et de fondations privées (Gates, Packard, Hewlett) et d’ONG (dont Equilibres et Populations) au sein de la « Reproductive Health supplies Coalition ». Elle montre ainsi l’importance qu’elle attache dans le cadre de sa politique de coopération au droit et à l’accès des femmes des pays en voie de développement aux produits de santé, tout particulièrement dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive.

Néanmoins, votre rapporteure doit souligner qu’il ne lui semble pas que le secteur de la santé soit aussi bien servi qu’il le devrait par l’effort de coopération bilatérale. Certes, elle n’ignore pas que ce secteur représente l’un des postes sur lesquels les financements multilatéraux sont très présents, auxquels la France participe de manière importante et novatrice. Elle est également tout à fait consciente que certains effets de leviers ne sont possibles que par l’action dans un cadre multilatéral, compte tenu des coûts que représente par exemple la lutte contre les grandes pandémies sur lesquelles l’ONU a mis l’accent, le VIH-sida, la tuberculose ou le paludisme, notamment. En conséquence, il ne saurait être question pour la France, à la pointe du combat sur ces questions et leurs modes de financement, de renoncer ou de minorer ses participations aux opérations multilatérales en cours.

Pour autant, votre rapporteure s’interroge sur les pourcentages résiduels que l’APD française consacre à la santé via ses financements bilatéraux qui semblent par trop modestes pour être réellement significatifs. Selon les données du CAD, notre pays ne consacre ainsi actuellement que 3% de son aide bilatérale aux dépenses de santé, un taux inférieur à la moyenne qu’y assignent les autres pays de l’OCDE. Notre apport en matière de santé de base est certes en augmentation ces dernières années mais pour des sommes qui restent faibles et de plus, tiennent compte de l’intégration de contrats de désendettement et développement (C2D) mis en œuvre par l'AFD. En d’autres termes, et comme l’a souligné le groupe de travail chargé de l’actualisation de la stratégie française de coopération et d’aide au développement dans le secteur santé pour la période 2008-2012, l’extinction prochaine de ces contrats fait courir le risque d’une baisse drastique de l’effort financier bilatéral de la France en la matière.

De plus, sur la thématique connexe des politiques de population, votre rapporteure regrette que l’effort ne soit que symbolique, en baisse, et limité à quelque 5 M$ sur la période 2005-2006 (46). Votre rapporteure considère donc que dans le cadre du resserrement sectoriel que le CICID aura prochainement à déterminer, il serait vivement souhaitable que ces priorités soient mieux prises en compte, non seulement via des canaux multilatéraux, mais aussi, comme le recommande le groupe de travail présidé par Mme Michèle Barzach, moyennant un renforcement des actions de la France et acteurs français dans ce domaine. Elle est d’avis qu’il conviendrait que des objectifs précis soient fixés et l’effort considérablement réévalué en conséquence. En outre, la coopération bilatérale en matière de santé et d’éducation de base, ciblée sur les questions reproductives notamment, outre ses effets sur le moyen et long terme, redonnerait une forte visibilité à l’aide française sur ces thématiques, qui sont actuellement diluées dans des approches globales qui les prennent par ailleurs peu en compte.

En conclusion de ces développements, votre rapporteure salue les efforts en matière de concentration géographique et sectorielle entrepris qui sont gages d’une meilleure efficacité et visibilité de l’APD française. Il s’agit d’un processus de concentration nécessairement progressif que la France ne fait pas seule, mais qui répond à une démarche commune, entre tous les bailleurs. Dans cette approche commune, au-delà des répartitions effectuées sur la base des avantages comparatifs de chacun, la France aura à veiller à ne pas délaisser certains domaines essentiels, comme ceux que votre rapporteure a évoqués et tout particulièrement, ceux qui concernent la démographie de l’Afrique subsaharienne, que ce soit dans ses volets sanitaires ou éducatifs.

C’est le sens dans lequel concluaient plusieurs rapports publiés ces dernières années, tel celui de notre collègue Pierre Morange en juin 2005 ou du professeur Marc Gentilini, pour le CES en mars 2006, qui mettaient en avant que les faiblesses de la coopération bilatérale de la France en matière de santé entraînaient à la fois une perte de visibilité et d’efficacité, que la diminution de l’assistance technique sur le terrain aggravait. Votre rapporteure y voit également l’un des enjeux les plus importants de l’APD de la France et plaide après eux pour que, dans le cadre de la division de travail en devenir, la santé ne soit pas un secteur dont la France disparaisse.

III - FINANCEMENTS ET MODALITÉS DE L’AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT DE LA FRANCE.

Sixième puissance économique par son PIB, la France se classe au troisième rang mondial pour le volume global de son aide publique au développement. Elle y a consacré en 2007 9,94 Mds$ (47) sur un montant mondial d’APD de quelque 104 Mds$. En termes de pourcentage de son revenu national brut (RNB), elle y consacre quelque 0,39%. La France apparaît à ce titre comme étant le premier pays du G8. En d’autres termes, comme l’a de nouveau souligné le CAD en mai dernier, « la France est l’un des leaders mondiaux dans le domaine de la coopération au développement ».

A l’heure où de vives critiques se font jour autour de la présentation du projet de loi de finances pour 2009, votre rapporteure se devait de rappeler ces premiers éléments, importants. Cela étant, il n’est pas dans ses intentions de nier que ce projet de budget s’inscrit un contexte budgétaire d’autant plus difficile que la contrainte est double : à celle que l’ensemble des administrations françaises connaissent compte tenu de l’impératif de réduction des déficits publics s’ajoute une conjoncture spécifique au calendrier européen, voire international, de l’aide au développement. Notre pays, encore premier contributeur du FED dans le cadre des accords en vigueur, aura en effet à procéder dans les prochains mois à plusieurs décaissements, notamment pour le 9ème et le 10ème FED. Ces obligations, comme votre rapporteur le détaillera plus loin, ont nécessairement une incidence forte sur les possibilités d’actions bilatérales.

A - Les volumes de l’aide au développement de la France

1. Evolution récente

Votre rapporteure croit utile tout d’abord d’analyser l’évolution constatée depuis quelques années du budget de l’APD.

Comme le souligne le rapport du CAD, la décennie 1990 a été marquée par un déclin global et continu de l’aide française, jusqu’au début des années 2000, période caractérisée par une reprise sensible et régulière des volumes d’APD, qu’illustrent le tableau et le graphique (48) ci-dessous :

Evolution des versements de l’APD

Après être tombée à un étiage correspondant à 0,30 % du revenu national brut (RNB) en 2000, la part de l’APD française est remontée progressivement à 0,41 % en 2004 et 0,47 % en 2005 et en 2006. Au total, comme le montre le tableau ci-dessus, l’aide aura connu une augmentation très significative sur la période 2001 - 2006. Ainsi que le soulignait le Mémorandum de la France au CAD, « la part du RNB consacrée en moyenne à l’APD par les membres du CAD a progressé d’environ un tiers entre 2000 et 2006 ; sur la même période, la part du revenu national brut (RNB) consacrée par la France à l’APD a augmenté de plus de moitié. » (49)

Cela étant, conformément aux engagements du sommet de Monterrey en 2002, l’effort de la France aurait dû représenter 0,5 %, de son RNB en 2007, dans la perspective d’atteindre l’objectif de 0,7 % en 2012. Il est au contraire retombé à 0,39 % cette année 2007, ce qui, selon ce critère, place désormais notre pays au 11ème rang seulement de l’ensemble des pays du CAD, dont la moyenne s’élève à 0,45 % du RNB.

Ce recul s’explique essentiellement par la diminution de la part de l’aide consacrée aux opérations d’allègement de dettes qui, inversement, avaient grandement contribué au redressement de l’aide de notre pays depuis le début des années 2000. En effet, sur cette période, « le montant annuel des annulations de dette nettes a été multiplié par 7, passant de 366 M€ à 2,7 Mds€ » (50)et a représenté jusqu’à 41% de l’aide bilatérale de la France, contre 25% en moyenne pour les autres pays membres du CAD, comme le montre le tableau ci-dessous (51:

Dans la mesure où, d’une part, les opérations d’annulation de dettes sont d’ores et déjà sur le déclin et où, d’autre part, certains pays bénéficiaires d’allègements de dettes programmés pour 2007, tels que la Côte d’ivoire ou la RDC, n'ont finalement toujours pas réuni les conditions nécessaires, l’incidence a inévitablement été forte sur le montant global de l’APD française. Les annulations de dettes que l’on escomptait atteindre, d’un montant de 2650 M€, n’ont finalement représenté en 2007 qu’un total de 1254 M€.

Cette situation n’est pas propre à la France et plusieurs de nos voisins dont la structure de dépenses est proche connaissent logiquement une évolution comparable. C’est le cas en premier lieu du Royaume Uni, dont l’APD a chuté de 29,1 % à 9920 M€, entre 2006 et 2007, entre autres raisons du fait de la diminution importante du poids des allègements de dettes. Toutefois, selon le DFID, les engagements pluriannuels du gouvernement devraient néanmoins lui permettre de remonter à un niveau de près de 12,4 Mds€ en 2010-2011, pour coïncider avec les engagements collectifs pris au sein de l’Union européenne, l’objectif final étant que l’APD britannique atteigne le taux de 0,7 % en 2013, soit deux ans avant l’échéance fixée. La Belgique est dans une situation intermédiaire et son ratio APD/RNB évolue « en dents de scie », au rythme de l’évolution des opérations de remise de dettes.

En revanche, un pays comme les Pays-Bas ne consacre à l’allègement de la dette que quelque 6,4 % de son APD, soit moitié moins que la moyenne des pays membres du CAD (13,6 %). Il se voit donc moins affecté par la diminution des programmes d’allègement ou les reports d’annulations. Il en est de même de la Suède, qui a peu de créances vis-à-vis des pays en voie de développement et dont la part de l’APD consacrée à la dette n’est que de 7 % ou encore du Danemark, pour lequel les remises de dettes ne concernent qu’un montant de 90 M€.

Enfin, il faut aussi reconnaître que, alors que la France connaît cette situation, d’autres pays réussissent à augmenter leur effort global, telle l’Espagne qui a programmé une hausse de son APD pour atteindre en 2008 0,5 % puis 0,7 % en 2012, après avoir franchi 0,35 % en 2006, ou encore le Danemark, dont l’effort de solidarité envers les pays en voie de développement est bien supérieur.

En d’autres termes, la question se pose désormais de savoir si la France, après avoir déjà dû différer son engagement unilatéral de Monterrey d’atteindre le 0,7 % et s’aligner sur les autres pays européens, pourra respecter cette échéance qui suppose d’y consacrer d’importants efforts. Or, selon les analyses du CAD, « même l’atteinte de l’objectif intermédiaire fixé par l’Union européenne de 0,51 % en 2010 paraît difficile. Atteindre l’objectif à court et moyen terme suppose en effet une augmentation moyenne de l’APD de plus d’un milliard d’euros par an d’ici 2015. Or, en 2007 le niveau de dépenses d’APD n’a pas atteint les prévisions d’exécution du projet de loi de finances 2008, selon lesquelles elles devaient atteindre 0,42  % du RNB - pourtant en retrait par rapport aux 0,47 % de 2006. » (52)Dans la mesure où la réalisation des annulations escomptées de dettes inscrites au budget de l’APD est par nature incertaine et où la contrainte budgétaire est forte en raison du montant du déficit des finances publiques et de l’engagement de la France de retrouver l’équilibre de ses comptes publics au plus tard d’ici à 2012, l’OCDE considère comme essentiel que notre pays planifie les ressources nécessaires pour être en mesure de tenir ses engagements internationaux. (53) 

Alors que les Etats membres de l’UE réitéraient en mai dernier leur engagement collectif pour 2010 et 2015 (54), le président de la République réaffirmait, lors du sommet du G8 de Toyako, que la France confirmait sa volonté de respecter ses engagements internationaux. Pour autant, la préoccupation demeure d’autant plus vive que la perspective ouverte par le projet de loi de finances pour 2009 confirme que l’objectif sera difficile à atteindre.

2. Les dispositions du projet de loi de finances pour 2009

Votre rapporteure estime que le projet de loi de finances (PLF) appelle une lecture sur la durée, dans la logique de la LOLF. Comme le souligne en substance le CAD, la LOLF est un outil qui peut contribuer fortement à la planification précise de l’évolution de l’APD, et il convient d’en utiliser toutes les potentialités. Le PLF pour 2009 est le premier qui établisse des projections triennales et il serait par conséquent incohérent d’occulter cette dimension et que les perspectives ouvertes ne soient pas analysées dans cet esprit.

Il est important de souligner en premier lieu que les crédits de la mission aide au développement progresseront d’environ 5 % sur la période 2009-2011, sur l’ensemble des trois programmes qui la composent. Comme le précise le projet de loi, « cette progression permettra d’honorer les engagements financiers pris auprès de plusieurs grands fonds multilatéraux et de financer les engagements pris par la France dans plusieurs domaines d’action prioritaires, tel que la santé, la lutte contre le changement climatique, les questions alimentaires, moyennant notamment l’augmentation des concours transitant par les organisations non gouvernementales et le renforcement du volontariat de solidarité. » (55)

Sur l’ensemble des trois programmes de la mission, cette évolution se reflète dans le tableau ci-dessous, présenté dans le PLF (p. 11). Les crédits de paiements, qui se montaient à 3090 M€ dans le PLF 2008 bénéficient donc d’une augmentation de 2,6 % d’une année sur l’autre pour atteindre 3166,5M€.

En d’autres termes, votre rapporteure veut souligner que, malgré un contexte budgétaire particulièrement difficile, ces chiffres traduisent le fait que l’Etat continue de maintenir l’aide au développement parmi ses priorités. Une analyse comparée de l’ensemble de ses missions montre en effet que l’effort demandé à l’ensemble des administrations est en revanche important en regard de l’objectif de réduction des déficits publics. Ainsi, d’autres grand axes prioritaires ont-ils à supporter des diminutions de CP conséquentes : - 9,5 % pour la mission « politiques des territoires », -5,0 % pour la mission « travail et emploi », ou encore – 6,9 % pour la mission « ville et logement ». L’attachement des pouvoirs publics à la politique d’aide au développement se traduit au contraire par une augmentation, certes modeste, mais néanmoins significative, identique à celle du budget de la justice ou de l’agriculture.

Mission / Programme

 

PLF 2009

2010

2011

Aide publique au développement

Plafond AE

3 384 484 940

2 846 651 915

4 434 581 766

Plafond CP

3 166 464 940

3 241 151 915

3 238 961 766

Aide économique et financière au développement

Ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi

AE

1 342 320 000

697 500 000

2 204 640 000

CP

1 060 600 000

1 106 900 000

1 084 400 000

Solidarité à l’égard des pays en développement

Ministre des affaires étrangères et européennes

AE

2 015 664 940

2 135 651 915

2 172 341 766

CP

2 081 364 940

2 108 751 915

2 130 061 766

Développement solidaire et migrations (libellé modifié)

Ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire

AE

26 500 000

13 500 000

57 600 000

CP

24 500 000

25 500 000

24 500 000

• Les crédits de l’aide économique et financière au développement.

Les crédits inscrits dans le programme 110 (« Aide économique et financière au développement »), géré par la Direction générale du trésor et de la politique économique (DGTPE) du MINEFE, répondent aux priorités de l’APD que sont la lutte contre la pauvreté, contre le réchauffement climatique, la sécurité alimentaire et l’aide au commerce des pays en voie de développement.

Les prévisions budgétaires correspondantes s’établissent ainsi : les autorisations d’engagement (AE) seront de 1342 M€ en 2009, 697 M€ en 2010 pour repasser à 2205 M€ en 2011. Les crédits de paiement (CP) prévus s’établissent à 1061 M€ la première année, 1107 M€ en 2010 puis 1084 M€ en 2011. En d’autres termes, ils traduisent un étalement maîtrisé de la charge, compte tenu du fait que les AE relatives à l’AID avaient été budgétées en 2008.

Une lecture triennale du projet de loi de finances permet de remarquer qu’en 2009, au plan multilatéral, le Fonds asiatique développement devra être reconstitué puis, en 2011, l’AID ainsi que le Fonds africain de développement (FAD). Il convient de rappeler que la France s’est engagée à maintenir son rang de cinquième contributeur à l’AID en participant à cette 15ème reconstitution à hauteur de 1250 M€ sur les années 2009-2011. Elle a obtenu en contrepartie, conformément à ses propres priorités géographiques, que les ressources correspondantes soient affectées à hauteur d’au moins 52 % à l’Afrique, contre 49 % antérieurement. Il en a été de même lors de la reconstitution du 11ème FAD auprès de la Banque africaine de développement (BAfD), au sein duquel la France est désormais au troisième rang des bailleurs derrière les USA et le Japon. Votre rapporteure se félicite de cette meilleure prise en compte des préoccupations de la France dans les stratégies multilatérales.

Il est à signaler que certains fonds sectoriels, sur la sécurité alimentaire et l’environnement seront aussi abondés via le FIDA et le FEM, à charge de ce même programme.

Ces données traduisent le fait que d’une manière générale, l’aide multilatérale est en progrès constant depuis une dizaine d’années et que cette année 2009 confirme la tendance. Notre pays occupe une place de leader parmi les grands contributeurs dans plusieurs grands fonds multilatéraux ou banques de développement. Outre les organismes et fonds déjà mentionnés, elle est ainsi le deuxième contributeur du Fonds mondial de lutte contre le Sida, le Paludisme et la Tuberculose, dont elle vient de reconduire son niveau important de contribution (900 M€ sur la période 2008-2010).

Si l’on discrimine les engagements de dépenses par action, en ce qui concerne l’année 2009, par comparaison à l’année 2008, l’évolution est la suivante. Si les AE prévues pour l’Action n° 1 (« aide économique et financière multilatérale ») se réduisent de 1711,7 M€ en 2008 à 126,7 M€, en revanche, les CP restent globalement stables, en légère augmentation à 675,5 M€ contre 651,8 M€ en 2008. L’« action économique et financière bilatérale » (Action n° 2) se voit octroyer des AE pour un montant de 576,3 M€ pour 2009 contre 373,4 M€ en 2008. Les CP augmentent légèrement à 213,3 M€ contre 167,8 M€.

Si votre rapporteure n’a pas de commentaires spécifique à formuler en ce qui concerne la contribution de la France à divers fonds sectoriels du FMI ainsi qu’à l’iFFIm, facilité que notre pays a lancée conjointement avec le Royaume Uni, ou encore à l’Initiative pour l’alimentation en eau et l’assainissement en milieu rural, créée par la BAfD, elle s’interroge en revanche sur la présence dans ce programme 110 des participations à trois fonds de sécurité nucléaire pour des montants globaux de quelque 10,7 M€ en AE et 18,5 M€ de CP. Sans remettre en question la finalité de ces contributions, il lui apparaît anormal qu’elles soient comptabilisées en APD. Votre rapporteure reste partisane de la réalité des chiffres de l’aide au développement, y compris dans une conjoncture difficile. Cette clarté lui semble d’autant plus nécessaire que la France est critiquée de manière récurrente par ses pairs sur le périmètre de son APD, en ce qui concerne les dépenses d’écolage, par exemple. Il lui paraît donc nécessaire, d’une manière générale, d’ôter toute ambiguïté de la présentation des dépenses. En conséquence, elle vous propose d’adopter un amendement en ce sens, portant suppression de ces crédits.

Enfin, l’Action n° 3 (« traitement de la dette des pays pauvres ») est celle sur laquelle les AE connaissent la plus forte progression : de 152,6 M€, elles atteignent dans le PLF pour 2009 639,3 M€. En revanche, les CP de cette action restent globalement stables, et atteignent en conséquence 171,7 M€ ; elles étaient de 152,6 M€ l’an passé.

En d’autres termes, ces données permettent de constater que le programme 110 se répartit à parts à peu près égales entre les actions bilatérales et les allègements de dettes en ce qui concerne les AE mais que les décaissements de l’an prochain porteront essentiellement, comme en 2008, sur l’aide multilatérale (Action n° 1) qui absorbe au total près de 64 % des CP.

Les dépenses inscrites à cette action sont de deux ordres. Elles concernent d’une part les dettes bilatérales de pays en voie de développement envers la France, gérées depuis une vingtaine d’années dans le cadre du Club de Paris de manière cordonnée entre les créanciers et leurs débiteurs, pour soit rééchelonner soit annuler des dettes. Elles concernent aussi, depuis 1996, les dettes multilatérales contractées auprès des institutions financières internationales par les pays éligibles à l’initiative PPTE (« pays pauvres très endettés »), à laquelle la France est le premier contributeur.

Numéro et intitulé de l’action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

01

Aide économique et financière multilatérale

126 710 000

675 550 000

02

Aide économique et financière bilatérale

576 310 000

213 310 000

03

Traitement de la dette des pays pauvres

639 300 000

171 740 000

Totaux

1 342 320 000

1 060 600 000

Les sommes inscrites à ce titre en CP au PLF pour 2009 se répartissent en deux pôles : en premier lieu, l’indemnisation de l’AFD pour un montant de plus de 136 M€ et les compensations à l’AID, sur lesquelles la France s’est engagée pour un montant total de 347 M€ sur 10 ans ; la part correspondante à 2009 se monte à près de 36 M€. Selon les indications que votre rapporteure a pu obtenir, il n’est pas certain que les pays concernés par les allègements de dette réussissent à remplir les conditions pour y prétendre. La situation de la RDC en regard des règles posées par le FMI, de même que celle de la Côte d’Ivoire, laissent supposer que les annulations, si elles interviennent, le seront vers la fin du prochain exercice et sur l’exercice 2010.

Sans entrer sur le terrain des critiques émises par nombre d’ONG sur la légitimité de la prise en compte de la dette, ces éléments confirment que les annulations contribuent peu à la prévisibilité de l’aide. En effet, de leur fait, l’évolution du montant de l’APD est pour partie soumise à des aléas extérieurs et ne relève pas intégralement de la programmation budgétaire de l’Etat. Les annulations de dettes recèlent même une part d’incertitude forte qui échappe au donneur, dans la mesure où, non seulement, l’évolution du montant des annulations de dettes, décidées et mises en œuvre dans un cadre international, est incertaine, mais en outre est déterminée par les capacités et performances des bénéficiaires. L’établissement de projections précises s’avère donc malaisé.

Cette incertitude est d’autant plus regrettable qu’elle influe finalement sur les montants globaux de l’APD sur lesquels le pays donneur sera évalué. A titre d’exemple, concernant un passé très récent, les prévisions d’annulations de dettes pour l’exercice 2007 avaient porté sur 2650 M€. Compte tenu du fait que certains pays, la RDC et la Côte d’Ivoire déjà, n’avaient pas réussi à réunir les conditions nécessaires pour ces opérations, les annulations ne se sont finalement montées qu’à 1254 M€, soit un montant considérablement inférieur.

En d’autres termes, si les procédures d’allègement de dettes représentent certes des efforts financiers importants pour la France et ne sauraient être remises en question comme modalité de l’APD, elles n’en restent pas moins source de certains inconvénients qui ne contribuent pas à la meilleure transparence de l’APD. Du point de vue de votre rapporteure, le moindre n’est pas la perception du respect de leurs engagements par les donneurs.

Les crédits de solidarité à l’égard des pays en voie de développement.

L’examen des crédits du programme 209 (« Solidarité à l’égard des pays en voie de développement »), géré par la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) du MAEE, montre que les deux principaux programmes de la mission sont également affectés par des impératifs multilatéraux forts, étalés sur ces trois années. En ce sens, la situation du programme 209 apparaît cette année exceptionnelle dans la mesure où les décaissements auxquels devra procéder la France en 2009 sont importants.

En effet, la France devra assumer l’an prochain dans le cadre à la fois du 9ème et du 10ème FED des paiements qui pèseront d’un poids historique : ce sont au total quelque 872 M€ qui seront versés par la France au Fonds européen de développement, soit plus de 64 % des dépenses qu’elle consacrera à la coopération multilatérale en 2009 et plus de 40 % du montant des crédits du programme 209. 2011 marquera en revanche une amorce de décrue, dans la mesure où la quote-part de la France dans le 10ème FED est inférieure à ce qu’elle était jusqu’à aujourd’hui : notre pays, de premier contributeur du FED, avec une quote-part de 24,3 %, passera en effet au deuxième rang derrière l’Allemagne, avec un taux de contribution de 19,55 %. Toutefois, d’ici là, les décaissements parallèles du 9ème et du 10ème FED se poursuivront et l’effort contributif sera donc élevé en ce qui concerne ces dépenses obligatoires.

Concrètement, les obligations de la France se traduisent par des montants d’AE conséquents : de 2009 à 2011, il s’agit respectivement d’engager 1784,8 M€, puis 1905,7 M€ et enfin 1941,6 M€. Les CP sur ces trois années s’élèveront respectivement à 1850,5 M€, 1878,8 M€ et 1899,4 M€.

Cela étant, en termes stratégiques, ce programme est au cœur de l’APD au sens strict du terme. Il se décline selon plusieurs axes de travail qui contribuent, chacun pour ce qui le concerne, à la réalisation des 8 OMD. Outre les grandes lignes tracées ces dernières années, votre rapporteure souligne que 2008 aura été particulièrement riche en engagements et initiatives de la part de la France qui ont montré que notre pays, par-delà les seuls aspects financiers de l’APD, garde son rôle mobilisateur au sein de la communauté internationale. Elle en veut pour preuve les discours de Rome et du Cap tenus pas le président de la République ou l’initiative présentée conjointement par le président Sarkozy et le Premier ministre britannique Gordon Brown en faveur de l’éducation. D’une certaine manière, l’initiative « Cap 8, huit chantiers pour l’Afrique » - cadre opérationnel des stratégies de la France -, lancée au début de l’été par le secrétaire d’Etat à la coopération et à la francophonie traduit tout l’éventail des priorités de la France en matière d’APD, auquel le PLF pour 2009 donne les moyens nécessaires.

Cela étant, ce projet de budget traduit également une situation particulièrement contrainte et la volonté de la France de respecter ses engagements en est d’autant plus louable.

Le premier point que votre rapporteure souhaite soulever ici a trait à la faiblesse de la dépense bilatérale, clairement en diminution par rapport à l’an passé. Tant les AE que les CP du programme s’inscrivent à la baisse, dans des proportions parfois importantes.

L’action n° 1 (« animation du réseau et coordination de l’aide au développement »), voit ses AE et CP amputées chacune de plus de 8 % : elles atteignent 86,6 M€ contre 102,8 M€ dans le budget de 2008. La deuxième action du programme (« politiques et stratégies sectorielles bilatérales dans les pays émergents et à revenus intermédiaires ») reste stable, en très légère augmentation même, tant en AE qu’en CP, qui sont équivalentes : 106,4 M€ contre 105,4 M€ en 2008. En revanche, l’action n° 3 (« politiques et stratégies sectorielles bilatérales dans les pays de la zone de solidarité prioritaire (ZSP) et les PMA ») pâtit clairement et sévèrement des sommes consacrées au multilatéral. Les AE correspondantes, de 765,4 M€ l’an dernier atteignent cette fois à peine les 525,9 M€, soit une baisse de près du tiers (31,3 %). Les CP subissent une érosion moindre mais néanmoins conséquente de près de 12 %, passant de 670,4 M€ à 591,6 M€. Comme votre rapporteure l’a indiqué plus haut, la part consacrée par ce programme à la coopération multilatérale (action n° 5) augmente en revanche pour les raisons qui ont déjà été commentées, tant en AE qu’en CP, identiques à 1249,9 M€ contre 1168,8 M€ en 2008. Enfin, l’« aide alimentaire et humanitaire », (action n° 6), est en légère augmentation en 2009, passant de 41 M€ en 2008 à 46,8 M€ en 2009. Au total, le programme est amputé de 7,7 % en AE soit de 167,9 M€ tandis que les CP, toutes actions confondues, restent stables, grâce à la part en hausse d’une année sur l’autre de 6,9% de la coopération multilatérale, à 1249,9 M€.

En d’autres termes, la répartition des crédits entre les différentes actions du programme donne un poids nettement dominant au multilatéral qui absorbe 62 % des volumes, devant l’action bilatérale en faveur de la ZSP et des PMA (26,1 %) qui arrive en deuxième position. Par comparaison, les trois autres actions apparaissent résiduelles.

Cela étant, indépendamment du fait que l’action n° 5 doive être particulièrement dotée cette année pour répondre aux engagements de la France vis-à-vis du FED comme il a été dit plus haut, votre rapporteure ne peut manquer de s’interroger sur la cohérence de cette répartition entre les actions 2 et 3, en regard des priorités affichées de l’APD de la France et des OMD. Il semble en effet pour le moins paradoxal que l’action 2 au bénéfice des pays émergents et à revenus intermédiaires voie ses crédits augmenter, même modestement, alors que, dans le même temps, l’action 3, au bénéfice des pays de la ZSP et des PMA, « cœur de cible » de l’aide au développement, soit réduite dans de telles proportions.

S’il est entendu que le PLF pour 2009 doit être perçu comme marquant la première étape d’une transition jusqu’à 2010, voire 2011, contraint tout à la fois par la situation budgétaire globale et les impératifs internationaux, votre rapporteure considère qu’il ne saurait pour autant être question de réduire l’aide bilatérale aux pays les plus nécessiteux. Elle entend donc marquer son désaccord sur les arbitrages internes au programme tels qu’ils ont été rendus qui se traduisent par une diminution de l’aide aux pays les plus démunis de près de 12 % en CP et de plus de 31% en AE, alors que celle en faveur des pays émergents reste stable dans cette conjoncture, voire même est en légère augmentation.

Sans nier l’importance pour le rayonnement et l’influence de la France d’être particulièrement présente dans les grands pays émergents, notamment sur les secteurs de la francophonie, de la culture et de l’enseignement supérieur, elle est néanmoins d’avis qu’un rééquilibrage au profit de l’action n° 3 s’impose, convaincue que l’aide aux pays de la ZSP et aux PMA doit être prioritaire compte tenu de l’ampleur des besoins des populations et de la nécessité d’œuvrer en faveur des OMD et tout spécialement, de la lutte contre la pauvreté. Autrement dit, si compression des crédits de l’APD bilatérale il doit y avoir dans le contexte budgétaire actuel pour que la France puisse respecter ses engagements européens et internationaux, votre rapporteure plaide vivement pour que l’Afrique subsaharienne n’en soit pas la victime. Elle appelle par conséquent le gouvernement à les rééquilibrer. A cet égard, elle sait pouvoir compter sur la détermination du Secrétaire d’Etat qui partage sa préoccupation.

Votre rapporteure croit voir dans cette répartition budgétaire la traduction d’une évolution qui, si elle se maintenait, ne laisserait pas de l’inquiéter. D’une certaine manière, en effet, cette réduction des moyens en faveur des PMA et de la ZSP n’est pas sans lui rappeler l’un des commentaires formulés par les pairs dans leur analyse rendue en mai dernier.

Concernant le rôle de l’AFD et l’utilisation de ses instruments de financements, le CAD note, à juste titre et sans le critiquer, que « l’activité de prêt de l’AFD génère (…) des marges qui permettent de financer de l’APD. Ce faisant, la France cherche à optimiser l’utilisation des ressources disponibles en amplifiant l’activité de prêt tout en ajustant le niveau de concessionnalité. » (56)Le CAD ajoute toutefois que « la nécessité de ne pas contribuer au ré-endettement excessif des États limite pour les pays les plus pauvres le recours à ce type d’aide (…), et conduit à privilégier les pays à revenu intermédiaire » (57). En d’autres termes, le CAD, craignant une évolution des modes de financement utilisés par la France vers ceux qui correspondent le plus à ses intérêts, lui recommande de veiller à ce que les dotations sous forme de dons (ou d’instruments de prêts innovants) progressent là où ils sont nécessaires pour permettre un appui substantiel dans les pays prioritaires pour l’aide au développement. Il rappelle en ce sens qu’« il est essentiel que l’allocation géographique et sectorielle de l’aide soit déterminée sur la base d’une vision stratégique et prenant en compte, au niveau de chaque pays, les besoins et les stratégies nationales et non pas sur la base d’opportunités d’instrument. » (58)

Il n’est pas dans les intentions de votre rapporteure de critiquer l’activité bancaire de l’AFD, compte tenu notamment de l’effet démultiplicateur des prêts qui rendent possible le financement d’opérations d’aide d’une tout autre ampleur que les seuls dons et subventions pourraient jamais permettre. Indiscutablement, l’aide au développement est bénéficiaire de l’élargissement des modalités de financement intervenu ces dernières années. La variété des mécanismes est positive, qui peut adapter l’offre aux possibilités des partenaires. Pour autant, il serait sans doute dommageable, en termes de conception de la solidarité avec les pays en voie de développement, notamment les PMA, et d’image de la France, qu’un glissement progressif s’effectue insensiblement qui conduise notre pays à surtout proposer les instruments qui, certes, optimisent l’argent des contribuables français, mais ne présentent pas le même caractère de générosité vis-à-vis des pays les plus déshérités. En ce sens, votre rapporteure rappelle que certains, parmi les plus importants donateurs du CAD, telle la Suède ou le Danemark, continuent de n’utiliser que les modes de financement classiques de l’APD, contributions aux institutions multilatérales du système de l’ONU ou régionales et sectorielles, en parallèle à leurs interventions bilatérales, sous forme de dons et subventions.

Les crédits consacrés au développement solidaire et aux migrations.

Enfin, les crédits du programme 301 (« Développement solidaire et migrations »), géré par le MIIIDS, prévoient un étalement annuel sur l’ensemble de la période des CP permettant de faire face à ses engagements. Concrètement, les AE diminuent de 60,5 M€ en 2008 à 26,5 M€ en 2009. Les CP apparaissent plus stables, passant de 29,5 M€ à 24,5 M€ cette année.

Des trois actions qui composent ce programme, votre rapporteure retiendra surtout la plus importante des deux budgétées, la première (« aides multilatérales de développement solidaire ») ne l’étant pas (59). L’action n° 3 (« Autres actions bilatérales de développement solidaire »), repose essentiellement sur des accords de gestion concertée de flux migratoires et de développement solidaire que le MIIIDS négocie et signe avec les pays en développement. La deuxième action, (« Aide à la réinstallation des migrants dans leurs pays d’origine »), conduite par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), promeut la réalisation de projets économiques portés par les migrants. Elle bénéficie d’AE et de CP pour des montants de 3,5 M€ qui permettront de financer 500 projets de retour pour des montants de 7000 € chacun.

A cet égard, sans nier le bien-fondé de cette action dont elle partage l’orientation, votre rapporteure souhaite néanmoins attirer votre attention, et celle du gouvernement, sur les analyses effectuées sur ces aides par l’OCDE qui mettent en évidence les possibles effets pervers qu’elles peuvent avoir vis-à-vis de la problématique de l’immigration. En effet, le CAD remarque que « au Mali, les bénéficiaires individuels ont reçu jusqu’à 4000 € d’appui, cent fois plus que l’aide totale moyenne par habitant. Outre que l’effet de démonstration pourrait inciter des jeunes maliens à migrer, cela peut aussi générer des problèmes au sein des communautés qui ont du mal à accéder à des financements. Il convient donc de donner aux migrants leur place, sans pour autant déséquilibrer les dynamiques locales. » (60)

En d’autres termes, la générosité de ces aides peut avoir des effets contreproductifs et entraîner des « appels d’air », suscitant des vocations à l’émigration que cette politique d’aide au retour prétend au contraire contribuer à réduire. Votre rapporteure considère que, sans remettre en cause la logique et le propos du dispositif mis en place, il y a dans ces commentaires du CAD matière à réflexion sur son architecture afin de lui conserver toute sa pertinence et son efficacité

B - Modes de financement de l’APD et périmètre des dépenses

1. L’état de la réflexion en matière de financements innovants

Si certains pays du CAD, comme le Danemark, restent, pour des raisons qui leur sont propres, à l’écart des nouveaux modes financements de l’APD, la France, au contraire, se veut à la pointe de la réflexion et de l’innovation. Votre rapporteure s’en félicite. Depuis quelques années, des mécanismes importants ont été créés qui ont permis de donner un nouveau souffle à l’APD, non seulement en termes de ressources, mais aussi en termes d’implication de la communauté internationale et de la société civile.

La contribution internationale de solidarité sur les billets d’avion, lancée en 2002 par la France, lui permet d’apporter quelque 160 M$ par an au fonds Unitaid qui finance l’achat de médicaments contre le VIH-sida, le paludisme et la tuberculose, contribuant ainsi très directement aux OMD. Elle est donc de loin le premier contributeur de ce fonds, actuellement d’un montant de quelque 320 M$, en progression constante à mesure que le nombre d’adhérents croît, qu’ils soient des pays, aujourd’hui 27, en grande majorité du sud, ou des entités privées comme la Fondation Gates. 500 M$ de recettes sont ainsi espérés pour l’an prochain.

Dans le même esprit, l’iFFIm, facilité internationale de financement pour la vaccination, créée en 2006 à l’initiative de la Grande Bretagne et de notre pays est soutenue par un petit nombre de pays. La France y est deuxième contributeur, derrière le Royaume Uni et a engagé près de 375 M€ sur 20 ans. L’effet de levier de cet instrument est tel qu’il devrait permettre d’assurer seul plus de la moitié du 4ème OMD, à savoir, grâce aux campagnes de vaccinations, de réduire de plus des deux-tiers la mortalité infantile d’ici à 2015.

Enfin, toujours au niveau international, de nouvelles initiatives, d’esprit comparable, sont à l’étude, parfois encore au stade de simples hypothèses de travail, comme une loterie mondiale ou une taxe sur les retransmissions télévisées d’événements sportifs ou sur les ventes d’armes internationales (61). D’autres pistes sont explorées.

En premier lieu et toujours dans le domaine pharmaceutique, à l’initiative de l’Italie et de la Grande Bretagne, l’AMC (« Advanced Market Commitment ») devrait financer la recherche en matière de vaccins. Il ne fonctionne encore qu’à l’état de pilote et pourrait prendre son réel essor prochainement. La France n’y participe pas financièrement mais soutient le principe du mécanisme.

De même a été proposée par le Président de la République en juin dernier à Rome la Facilité mondiale pour la sécurité alimentaire qui visera au renforcement des filières agricoles et mettra en œuvre des partenariats entre acteurs publics et privés sur des projets innovants. Il est prématuré d’en dire plus sur ce nouvel instrument de financement de l’APD encore à l’étude, si ce n’est qu’il devrait être coordonné par le FIDA et a d’ores et déjà reçu un écho favorable de la part des principales organisations internationales concernées ainsi que par les plus gros bailleurs, comme la réunion du G8 de Toyako a pu le mettre en évidence.

En d’autres termes, la réflexion n’est pas aboutie et se poursuit dans la recherche de nouvelles opportunités, pour de meilleurs effets de levier et l’obtention de ressources amplifiées, nécessaires dans des contextes de contraintes budgétaires alors que les besoins ne cessent de croître pour espérer atteindre les OMD. D’une manière générale d’ailleurs, cette réflexion se poursuit au niveau international, puisqu’un groupe de travail à l’œuvre depuis bientôt trois ans associant quelque 55 pays du nord et du sud devrait proposer dans les prochaines semaines de nouvelles étapes et notamment de renforcer la mobilisation internationale sur les financements innovants, et de changer d’échelle, à savoir de passer à la généralisation des expériences pilote.

Parmi les pistes de réflexion sur lesquelles le groupe de travail s’est penché, certaines sont inédites et par nature ne peuvent que concerner les Etats au niveau international. C’est le cas par exemple de la lutte contre le changement climatique, avec la proposition allemande à l’étude d’affecter une part du produit résultant de la mise aux enchères des quotas d’émission de CO2 au développement des pays du sud. L’expérience pilote tentée par l’Allemagne devrait lui permettre de mettre à disposition du développement quelque 800M€ sur la période 2008-2012. La lutte contre l’évasion fiscale internationale, la solidarité numérique sont également des pistes en voie d’exploration, de même qu’une taxe sur les transactions financières, sur laquelle la France avait déjà commencé de réfléchir dans les années 60.

De manière interne, la France a poursuivi sa propre réflexion et son travail d’innovation en introduisant récemment dans son dispositif juridique diverses modalités, telle que la loi « Oudin – Santini ». Votre rapporteure vous proposera également plus loin son analyse des compte et livret d’épargne pour le développement.

2. Des financements innovants à la recherche de nouveaux partenariats

L’un des thèmes les plus mobilisateurs au niveau de la communauté internationale est celui de l’accès à l’eau potable et à l’assainissement et, dans la perspective des OMD, la France a prévu le doublement de son APD au secteur de l’eau.

La loi « Oudin – Santini » participe de cet effort en permettant aux collectivités locales de contribuer au financement d’actions de coopération, d'aide d'urgence et de solidarité internationale avec des collectivités étrangères dans ces mêmes domaines. De grandes villes Paris, Lyon, Nantes, des syndicats de communes, ou régionaux, comme le Syndicat des Eaux d’Ile de France (SEDIF), ont lancé des projets, seuls ou en partenariat, pour l’essentiel dans des pays africains, pour des montants en progression, qui ont atteint, dès les deux premières années d’application de la loi votée en 2005, un total estimé de 17 M€. L’année 2007 a vu la concrétisation de 22 projets et à la fin de l’année 2008, 32 projets devraient avoir été signés, portant essentiellement sur des thématiques institutionnelles : amélioration de l’accès à l’eau, de la gestion de la ressource et des services publics.

L’intérêt de cette législation pour votre rapporteure est aussi qu’elle permet de développer des synergies et d’impliquer de nouveaux acteurs. En cela, outre le fait que 2008 ait été décrétée « Année internationale de l’assainissement » par les Nations unies, la loi « Oudin – Santini » est en consonance avec l’actualité internationale dans la mesure où la recherche de nouveaux partenariats est encouragée.

Qu’ils soient particulièrement actifs dans ce secteur confirme que la France devrait les renforcer. Ce ne sont pas en effet uniquement les acteurs traditionnels qui investissent ce secteur a priori plus favorable aux institutions et le Partenariat Français pour l’Eau (P.F.E.), créé en mars 2007 rassemble ainsi ministères, ONG, entreprises, collectivités territoriales, organismes de bassin et organisations scientifiques et techniques pour travailler collectivement à relever les défis mondiaux de l'eau et de l'assainissement. Le P.F.E. compte actuellement 70 membres et est présent sur la scène internationale avec ses partenaires des autres pays pour proposer des solutions concrètes et inciter à leur prise en compte effective dans les politiques de l'eau.

Cette synergie réussie dans le secteur de l’eau amène votre rapporteure à aborder la question de la place de la société civile dans les actions de coopération internationale. On connaît la « réserve » des pouvoirs publics français vis-à-vis de la société civile. Il est frappant de noter que la part de l’APD qui, dans notre pays, transite par les ONG est incomparablement plus faible que chez nos principaux nos voisins. Ainsi, au Danemark, ce sont 7,5% du budget de l’APD qui leur sont confiés. De nombreuses fondations, ONG ou églises interviennent en Allemagne, ainsi qu’en Suède où la SIDA agit en partenariat avec quelque 750 ONG, ainsi qu’avec 1500 autres des pays partenaires. Les Pays-Bas ou la Belgique, qui compte 135 ONG agréées auprès de la Direction générale de la coopération et du développement, sont également dans ce cas.

Dans ce panorama global qui fait la part belle à la société civile, la France fait en revanche figure d’exception, les ONG ne représentant toujours aujourd’hui que 1 % de l’aide française – soit 80 M€ – contre 5 % en moyenne dans le reste de l’Europe.

Votre rapporteure salue le fait que le secrétariat d’Etat à la coopération et à la francophonie ait réaffirmé l’engagement du Président de la République de doubler les versements aux ONG dans le cadre de ces 8 chantiers et suive ainsi la recommandation du CAD qui a encouragé la France à tirer davantage parti de la ressource qu’elles constituent.

3. Problématique des financements innovants et périmètre des dépenses de l’APD

De manière incidente, la question des financements innovants incite à rouvrir dans le cadre de ce rapport celle du périmètre des dépenses de l’APD française, dans la mesure où elle amène à s’interroger sur la réalité des volumes et, partant, sur la place réelle de notre pays dans le concert des nations en matière de solidarité internationale. Il semble naturel que, dans la mesure où des mécanismes tel que la revue des pairs du CAD de l’OCDE évaluent les politiques de chacun, les bases soient raisonnablement identiques. Dans cet ordre d’idées, se pose la question, selon votre rapporteure, de savoir si et dans quelle mesure, les financements innovants ont à être pris en compte dans le calcul de l’APD française.

A cet égard, deux types de dépenses surtout, engagées par la France, font débat. En premier lieu, le CAD a eu l’occasion à plusieurs reprises d’alerter la France sur le fait qu’elle comptabilisait dans son APD des dépenses qui sont difficilement évaluables comme telles, à savoir comme participant réellement de son effort de contribution au développement des pays bénéficiaires. C’est le cas notamment des dépenses d’écolage, thème sur lequel le CAD est rejoint par les ONG, au motif que notre pays les prend en compte, que les étudiants retournent ou non dans leurs pays d’origine à la fin de leurs études. Dans la mesure, en outre, où il ne s’agit pas d’injection d’argent frais dans les pays contribuant directement à leur développement, votre rapporteure perçoit ces critiques comme fondées et considère que, ces dépenses étant en forte et régulière augmentation, un certain risque existe en termes d’image dès lors que d’aucuns considèrent l’APD de notre pays artificiellement et indûment gonflée. Elle partage donc l’analyse du CAD selon lequel l’identification des bénéficiaires devrait être plus fine et attire à son tour l’attention du gouvernement sur cette question.

Le second type de dépenses sur lequel votre rapporteure partage l’opinion du CAD concerne plus à proprement parler les financements innovants. Le fait que la France n’intègre pas dans son calcul d’APD sa contribution de solidarité prélevée sur les billets d’avion pour le financement d’Unitaid ne repose, à son avis, sur aucun fondement valable, d’autant que le CAD considère que ces dépenses sont éligibles à l’APD. Dans le même ordre d’idées, le CAD considère également comme éligibles les dépenses de la coopération décentralisée, qui ne sont pas non plus intégrées.

Votre rapporteure estime que cette prise en compte de ces dépenses rehausserait l’image de l’APD française. De plus, dans la mesure où ces financements alternatifs sont, comme votre rapporteure l’a indiqué, appelés à se développer fortement dans l’avenir, entre autres, grâce au travail inlassable de notre pays dans la recherche de solutions viables et durables de fonds à consacrer au développement, la proportion des financements traditionnels aura tendance à diminuer mécaniquement. Si notre pays veut voir son niveau de contribution augmenter, il est clairement de son intérêt d’inclure ces nouvelles contributions.

D’une manière générale, ces réflexions tendent à insister sur l’intérêt que voit votre rapporteure dans la transparence et la sincérité des chiffres. Cette question est essentielle, en ce qu’elle rejoint celle du niveau d’aide programmable de notre pays. La structure des dépenses de l’APD française fait que l’aide programmable est considérablement plus basse, en proportion que dans les autres membres du CAD. Elle ne représentait que 29 % de l’aide publique bilatérale en 2005, alors que la moyenne du CAD s’établissait à 46 %. Cela résulte très directement de la part très importante des dépenses budgétaires non programmables (écolages, coût des réfugiés), des dépenses non budgétaires (une part des annulations de dette), mais également, au sein de l’aide budgétaire programmable, du soutien élevé de la France à plusieurs fonds globaux et de la part incompressible de ses engagements multilatéraux. Votre rapporteure considère l’établissement d’un « chiffre vérité » de l’aide comme une nécessité afin de dégager une réelle marge de manœuvre et elle appelle donc les pouvoirs publics à s’engager dans cette voie.

4. Les fonds des migrants : analyse de la législation

Votre rapporteure avait déjà eu l’an passé l’occasion de mettre l’accent sur l’importance croissante de la politique de codéveloppement. Plutôt que revenir sur l’ensemble du débat qui n’a pas fondamentalement évolué entre temps, si ce n’est la substitution de la notion de développement solidaire à celle de codéveloppement, elle souhaite aujourd’hui centrer sa réflexion sur la question des transferts d’argent de la part des migrants, dont le rôle dans le développement socio-économique des pays d’origine est potentiellement des plus prometteurs.

Le temps n’est plus où la problématique du codéveloppement ressortissait exclusivement de la politique migratoire. Comme l’ont bien souligné MM. Jacques Godfrain et Richard Cazenave dans leur rapport au ministre des affaires étrangères en janvier 2007, le concept initial de codéveloppement, étroitement lié à la maîtrise des flux migratoires, se traduisait dans la pratique essentiellement par des aides au retour, avec la « volonté implicite de conditionner l’octroi de crédits pour des actions de codéveloppement à l’obtention de résultats tangibles en matière de maîtrise de l’immigration clandestine. » (62)

Depuis, le codéveloppement a bénéficié à la fois d’une réorientation profonde et d’un intérêt soutenu de la part des pouvoirs publics, dont témoignent les nombreuses études récemment publiées : outre celui de MM. Godfrain et Cazenave, il faut citer, et votre rapporteure aura l’occasion de revenir sur leurs analyses et propositions, le rapport de M. Charles Milhaud, alors président du directoire de la Caisse nationale des caisses d’épargne, en septembre 2006 (63), ceux de Mme Monique Bourven, rapporteure du conseil économique et social en avril 2008 (64), de M. Eric Besson, secrétaire d’Etat (65), plus récemment, ou encore celui de Mme Catherine Tasca et MM. Jacques Pelletier et Bernard Barraux, sénateurs, au nom de la commission des affaires étrangères et des forces armées du sénat en juillet 2007 (66). D’autres études encore existent qui ont été réalisées dans un cadre régional ou international, comme celles de la Banque interaméricaine de développement, ou de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement.

Cette réorientation du codéveloppement participe de la volonté de redonner aux populations des pays du sud la maîtrise de leur développement et tend à rompre avec la logique d’assistanat qui prévalait jusqu’alors.

Il est en premier lieu essentiel de rappeler brièvement les enjeux que représentent les transferts des migrants vers leurs pays d’origine. Selon les estimations les plus couramment admises, on évalue aujourd’hui que leur montant global est compris entre 220 et 300 Md$ annuels, soit entre le double et le triple de l’APD versée par les pays développés, laquelle représente 104 Md$ selon les dernières données réunies par le CAD de l’OCDE (67). Bien que l’ensemble de ces chiffres soit nécessairement sujet à caution, une partie importante des transferts étant effectuée de manière informelle hors des réseaux bancaires officiels, les projections indiquent que les immigrés installés sur notre territoire envoient, principalement vers l’Afrique du Nord ou sub-saharienne, environ 8000 M€ par an, soit l’équivalent de l’APD française. En moyenne, plus de 40 % des migrants envoient des fonds dans leurs pays, et cette proportion approche même les deux tiers dans le cas des personnes originaires d’Afrique sub-saharienne. Sur la longue durée, les transferts représentent de 15 à 25 % des revenus des migrants et, selon les pays, de 10 à 20 % du budget de l’Etat (68).

Dans la mesure où le propos des politiques récemment tentées est d’essayer d’orienter ces flux financiers importants vers des activités de développement, il semble utile à votre rapporteure de s’attarder sur leurs caractéristiques et de s’interroger notamment, avec un peu plus de recul que l’an dernier, sur l’adéquation de l’architecture des produits financiers récemment créés aux besoins des migrants.

En effet, tout montre que les transferts des migrants ne sont en fait pas une épargne destinée à financer la réalisation de leurs propres projets mais, pour l’essentiel, un soutien à leurs familles, entendues au sens strict ou non. Plus précisément, à hauteur de 75 ou 80 %, les sommes reçues des migrants sont utilisées par les familles pour couvrir leurs dépenses de consommation courante, les frais médicaux ou les dépenses de scolarité ; pour 15 %, elles contribuent aux dépenses diverses dues au logement : achat immobilier, réparations. Seul un faible pourcentage, de l’ordre de 5 % à 10 %, est réellement consacré à l’épargne ou à l’investissement dans des activités génératrices d’emplois ou de revenus. En d’autres termes, les transferts de la part des migrants, comme il a été maintes fois souligné, contribuent essentiellement à la réduction de la pauvreté, surtout au niveau micro-économique, mais très marginalement au développement. Pour reprendre la formule de M. Charles Milhaud, il s’agit en fait plus de « consommation délocalisée » (69) que d’épargne.

Les dispositions prévues.

L’ambition du dispositif instauré par la loi du 24 juillet 2006 qui a institué le compte épargne codéveloppement, complété par le livret d’épargne pour le codéveloppement, créé par la loi du 20 novembre 2007 sur l’immigration, est d’essayer de canaliser une partie de l’effort des migrants vers des investissements dans leurs pays.

Le compte épargne codéveloppement est prévu pour recevoir l’épargne des ressortissants de quelque 53 pays en voie de développement, dont la liste a été établie par arrêté ministériel et correspond aux pays appartenant à la ZSP (70), pour financer des opérations de développement économique. Une incitation fiscale est prévue, à savoir une déduction du revenu global à hauteur de 25% des versements dans la limite de 20 000€ par personne. Le plafond des dépôts est de 50 000€ et le compte doit avoir une durée de vie limitée à 6 ans. Le livret d’épargne pour le codéveloppement vient compléter le dispositif en prévoyant qu’à l’issue d’une phase d’épargne d’au moins trois ans, les titulaires du livret qui contractent un prêt pour financer une opération d’investissement dans leur pays d’origine bénéficient d’une prime d’épargne.

Aucun de ces deux instruments n’a pour l’heure encore été commercialisé. Concernant le compte épargne, une convention entre l’Etat et la Caisse nationale des caisses d’épargne a été signée en septembre 2007, puis une autre entre l’Etat et l’Union tunisienne de banques, courant 2008, sans que ni l’une ni l’autre n’ait depuis été traduite dans les faits. A ce jour, la CNCE est la seule entité bancaire française à avoir signé une convention. Le décret d’application relatif au livret d’épargne a été publié fin juin 2008 et seul est intervenu un accord de partenariat signé avec la Tunisie, encore sans suite concrète.

Perspectives.

Votre rapporteure voudrait ici ouvrir le débat sur quelques unes des caractéristiques de ces produits financiers. En effet, compte tenu des réalités socio-économiques et culturelles africaines qu’elle a rappelées, des pratiques des migrants vis-à-vis de leurs familles et de l’utilisation des sommes transférées, elle craint que les dispositifs institués manquent d’attractivité pour réussir à détourner une partie des transferts de la consommation vers l’investissement. Dans cette perspective, elle souhaite vous soumettre quelques pistes de réflexion.

Tout d’abord, peut-être l’atténuation des effets des sanctions prévues en cas de non réalisation des projets d’investissements serait-elle à envisager. Peut-être aussi, pourrait-on penser à élargir le nombre de clients potentiels, restreint, en proposant un taux de rémunération garanti, à l’instar des produits d’épargne populaire classiques, tel que le Livret A. Peut-être enfin pourrait-on ouvrir le dispositif aux bi-nationaux, aux ressources plus élevées que les seuls étrangers.

Cela étant, au-delà de la question de l’utilisation des fonds reçus par les familles, l’incitation à épargner pour des projets d’investissements est évidemment cruciale et mérite qu’on s’y attarde plus longuement. Sans avoir eu le loisir de les explorer plus avant, votre rapporteure souhaite néanmoins inviter le gouvernement ou les institutions en charge du développement à s’y pencher. A cet égard, elle pense que la sociologie africaine et la place de la famille, au sens large, ainsi que la générosité des migrants et les liens de solidarité forts, que la réalité de transferts aussi conséquents prouve amplement, pourraient constituer le socle sur lequel bâtir des synergies et entraîner des effets de leviers intéressants en matière de financement du développement.

Votre rapporteure se demande également s’il ne serait pas opportun de privilégier des formules d’épargne collective des immigrés. En d’autres termes, de préférer aux schémas des compte et livret d’épargne pour le codéveloppement des solutions plus associatives, permettant le financement de projets de développement au niveau des villages ou des régions, plus que des projets individuels. En effet, si les migrants transfèrent à leurs familles des compléments de revenus qui sont immédiatement dépensés et non épargnés, on sait en revanche l’implication importante des associations d’immigrés dans le financement de projets locaux. Il faut d’ailleurs ici rappeler que de tels dispositifs collectifs existent déjà, mis en œuvre par le MIIIDS, ainsi que le quatrième rapport au parlement le montre (71), qui associent les collectivités territoriales et l’Etat aux associations de migrants, dans le montage et le financement de projets, au Mali, au Sénégal ou au Maroc, pour ne prendre que ces exemples. Le rapport Milhaud mentionnait ainsi les « investissements collectifs » auxquels participent les migrants au travers de plus d’un millier d’associations en France, mais sans réellement s’arrêter à la question de l’appui que les pouvoirs publics français, dans le cadre de leur politique de promotion du développement solidaire, pourraient leur apporter via des dispositifs d’épargne orientés vers le codéveloppement. Sans approfondir la question, il esquissait simplement l’idée d’un rapprochement entre le secteur bancaire, le monde associatif immigré et les pouvoirs publics (72).

Dans cet ordre d’idées, certaines expériences étrangères intéressantes se traduisent par des effets de leviers importants, grâce aux apports complémentaires des pouvoirs publics. Ainsi, au Mexique, dans certains Etats de la fédération, chaque dollar reçu au niveau local de la part des migrants est complété par un dollar de l’Etat et un autre de la communauté bénéficiaire. L’AFD étudie actuellement la faisabilité d’un système inspiré de ces pratiques, qui associerait d’une part les collectivités territoriales françaises impliquées dans des actions de coopération décentralisée et d’autre part l’AFD (73). Dans ce schéma, chaque euro épargné serait complété d’une part par la collectivité locale, qui apporterait deux euros et par l’AFD qui en apporterait trois. En d’autres termes, la transposition du système mexicain du « tres por uno » se traduirait par un « six pour un », pour tenir compte de la plus faible capacité des pays receveurs africains à mobiliser des ressources financières propres.

Votre rapporteure voit dans ces initiatives et réflexions des mécanismes intéressants, en ce qu’ils participent très étroitement de la notion même de codéveloppement ou de développement solidaire. En plus de receler une dimension solidaire associative forte, ils sont susceptibles d’entraîner d’importants effets de levier. A cet égard, il faut signaler que, dans la mesure où les dispositifs des compte et livret d’épargne pour le codéveloppement ne sont pas encore opérationnels, leur coût annuel pour le budget de l’Etat reste incertain. Le rapport Milhaud, citant le ministère des finances, évoquait à quelque 125 M€ (74) annuels la charge des déductions fiscales du seul compte épargne codéveloppement. En d’autres termes, il s’agit là d’une enveloppe de financement potentiellement très importante susceptible de venir compléter l’APD.

Au sein de l’Union européenne, la France est le seul pays à avoir institué des dispositifs d’épargne incitatifs pour l’investissement dans les pays d’origine qui aillent au-delà de la simple réduction des coûts de transferts (Allemagne, Royaume Uni, Espagne). Il serait dommage que les retards pris dans la commercialisation des produits d’épargne conduisent à priver les actions de développement de ces ressources.

CONCLUSION

Au terme de son analyse, votre rapporteure considère que l’accent mis sur le resserrement géographique et sectoriel de l’aide française traduit une nouvelle orientation, décisive quant à l’efficacité de l’aide au développement fournie par notre pays. Les décisions importantes prises en ce sens par le gouvernement qui seront mises en application dans les prochains mois rejoignent des remarques qu’elle avait eu l’occasion d’exprimer l’an dernier, et elle s’en félicite.

Elle reste toutefois préoccupée par le décalage croissant entre l’aide bilatérale et l’aide multilatérale dans notre politique de coopération. Sans nier l’importance de la participation de la France aux institutions et mécanismes de financement multilatéraux, les actions bilatérales lui semblent être le cadre privilégié garantissant à notre pays à la fois visibilité et influence. Il serait dommageable que l’effet de levier que permettent les financements internationaux dilue la présence de la France auprès des pays dans lesquels elle intervient. Votre rapporteure invite par conséquent à maintenir active une présence importante dans les pays qui constituent la cible de l’aide de la France, tout particulièrement en Afrique subsaharienne.

Cette préoccupation est d’autant plus vive que les financements innovants, à l’émergence desquels la France contribue fortement et à raison, sont appelés à prendre une importance croissante. A l’heure où l’efficacité de l’APD appelle des actions coordonnées entre de multiples partenaires, il importe de maintenir une visibilité forte. Seules les actions de proximité que permet la relation bilatérale pourront l’assurer.

EXAMEN EN COMMISSION

M. le président Didier Migaud. Avec Axel Poniatowski, président de la Commission des affaires étrangères, je suis heureux d’accueillir M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, M. Alain Joyandet, secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie, et Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État chargée du commerce extérieur.

Nous sommes réunis en commission élargie afin d’entendre les ministres sur les crédits consacrés à la mission « Aide publique au développement » et au compte spécial « Prêts à des États étrangers » dans le projet de loi de finances pour 2009. Comme vous le savez, la procédure de la commission élargie est l’occasion d’un échange direct entre les ministres et les députés. Nos rapporteurs sont M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour la mission « Aide publique au développement » et le compte spécial « Prêts à des États étrangers », et Mme Henriette Martinez, rapporteure pour avis de la Commission des affaires étrangères, pour la mission « Aide publique au développement ».

M. le président Axel Poniatowski. La crise, tout à la fois alimentaire, économique et financière, que traverse le monde affectera inévitablement l’aide au développement. Monsieur le secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie, quelles sont les réorientations que l’on peut prévoir ?

Monsieur le ministre de l’immigration, vous avez déclaré que vous envisagiez de poursuivre la politique de développement solidaire par la création d’un fonds fiduciaire auprès d’une banque de développement qui pourrait être la Banque mondiale, la Banque africaine de développement ou une autre institution. Quelle serait la valeur ajoutée de ce fonds pour l’efficacité de la politique que vous menez ? Ne risque-t-on pas de créer un nouveau mécanisme multilatéral compliqué, au sein duquel la visibilité de la France serait amoindrie, voire diluée ?

La participation de la France au financement multilatéral de l’aide au développement est très importante, tant dans les institutions bancaires que dans les fonds sectoriels. De quelle manière, madame la secrétaire d’État chargée du commerce extérieur, notre pays s’assure-t-il de la prise en compte de ses propres priorités stratégiques au sein de ces organismes ? Quelles sont les mesures envisagées pour renforcer la visibilité de la participation de la France ? Nous sommes en effet nombreux à considérer qu’il existe un problème à ce niveau.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial, pour la mission « Aide publique au développement » et le compte spécial « Prêts à des États étrangers ». Ma première question concerne le montant de l’aide. Je ne vois pas comment l’on pourra tenir l’objectif de dépenses de 0,7 % du revenu national brut – RNB – en 2015. L’augmentation de 2,5 % de l’aide publique au développement – APD – que l’on annonce pour 2009 ne concerne que les crédits de paiement de la mission. Je constate d’ailleurs que c’est le programme 110 de Bercy qui augmente, alors que le programme 209, qui relève de votre compétence, monsieur le secrétaire d’État, est en diminution. De surcroît, c’est l’aide bilatérale aux pays les plus pauvres qui subit cette baisse, avec un diminution de 11 % pour les pays les moins avancés – PMA – et la zone de solidarité prioritaire – ZSP.

Les dépenses réalisées en 2008 sont beaucoup plus faibles que prévu : 0,37 % du RNB au lieu des 0,45 % annoncés. Pour la deuxième année consécutive, on a prévu des reports d’annulations de dettes. Votre rapporteur vous avait déjà dit qu’il n’y croyait pas beaucoup mais le processus se poursuit imperturbablement ! On sait très bien que certaines annulations – pour la Côte-d’Ivoire et pour la République démocratique du Congo, par exemple – ne se feront pas, mais c’est un moyen de gonfler les chiffres au moment de la présentation du budget. La hausse affichée pour 2009 ne tient qu’à l’augmentation de ces annulations, qui triplent, passant de 729 millions à 2,443 milliards d’euros, et à l’augmentation des prêts de l’Agence française de développement – AFD –, qui ne sont pas forcément de l’APD. De plus, la présentation pluriannuelle fait apparaître que les dépenses d’APD en 2009 constitueront un pic. Je suis pessimiste quant à la capacité de la France à maintenir ce niveau d’aide dans les années qui viennent. On a fixé des objectifs, mais on s’en écarte sensiblement – et à la baisse.

Le Président de la République a annoncé une augmentation de 1 milliard d’euros par an des crédits consacrés à l’Afrique subsaharienne. Cela concerne-t-il l’aide publique au développement ? Il semble que ce milliard d’euros comporte surtout des garanties au système bancaire, qui ne sont pas compatibles avec l’APD, des investissements de la filiale de l’AFD, PROPARCO, qui ne le sont pas non plus, ainsi qu’une augmentation importante des prêts de l’AFD, qui doublent entre 2008 et 2009. Or, tout cela concerne des secteurs rentables et non l’aide publique au développement.

En revanche, les crédits de l’action « aide bilatérale dans les PMA et la zone de solidarité prioritaire » diminuent de 11 % en 2009.

Quelles sont les perspectives pour les projets dans les secteurs non rentables que sont la santé et l’éducation, qui nécessitent non pas des prêts mais des dons ?

Je constate en passant que cette diminution n’empêche pas de donner 30 millions d’euros pour l’équipement d’un hôpital en Libye, pays qui ne figure pas dans le champ d’intervention de l’AFD ; il semble que cette opération correspondrait à des engagements antérieurs…

Vous avez répondu aux interpellations d’une grande ONG – OXFAM en l’occurrence – sur l’abandon de projets en Afrique sur ces secteurs, en assurant que les projets en question ne seraient pas abandonnés. Quels crédits allez-vous donc débloquer pour ces projets ?

La question de la tutelle de l’AFD se pose. Vous avez souhaité être président de son conseil d’administration, mais le Conseil d’État ne l’a pas accepté. Il n’en demeure pas moins que votre souhait montre bien que vous avez le sentiment que l’AFD agit de manière autonome, et que la triple tutelle gouvernementale aboutit à ce qu’il n’y ait pas de tutelle. Quand il y a trop de patrons, il n’y a plus de patron !

Une autre de mes questions concerne le périmètre des dépenses d’APD, et l’intégration des dépenses d’écolage et des annulations de prêts garantis par la COFACE. Depuis que je suis rapporteur spécial de l’APD, je pose cette question tous les ans, et tous les ans je reçois des réponses encourageantes, non suivies d’effet.

L’AFD est devenue, selon le souhait du Gouvernement, le pivot de l’APD. Comment s’articulent développement solidaire et stratégie de l’AFD ? Je m’associe aussi aux remarques de M. le président de la Commission des affaires étrangères : mes « incursions » à l’étranger et le regard que je porte sur le budget m’incitent à penser que notre aide est très peu visible parce que nous intervenons dans tous les domaines et qu’un nombre incroyable de structures participent à l’APD. Dans ces conditions, faut-il créer une filière supplémentaire comme vous vous apprêtez à le faire ? Je ne le pense pas.

Au Vietnam, où j’étais en mai, j’ai pu constater que nous poursuivions trop d’objectifs, ce qui aboutit à une dissolution de notre aide et la rend de moins en moins visible. Nous aurions intérêt, comme le font d’autres pays, à concentrer celle-ci sur quelques domaines. Dans le cas du Vietnam, ce devrait être sur la formation, donc l’Université, et l’énergie – ce qui ne manquerait pas d’intéresser certaines grandes entreprises françaises. Si on se polarisait sur ces deux objectifs, notre action là-bas serait plus visible.

La multiplicité des sujets que nous abordons peut aussi se repérer à la multiplicité des intervenants : quand on les réunit, cela aboutit à de très grandes conférences. Et j’en viens à me demander si le nombre des collaborateurs n’est pas inversement proportionnel au montant des budgets.

Mme Henriette Martinez, rapporteure pour avis au nom de la Commission des affaires étrangères. Dans un contexte budgétaire contraint, l’effort de l’État en faveur de l’APD est malgré tout maintenu sur les grands axes prioritaires. En particulier, vous avez, monsieur Joyandet, déployé beaucoup d’énergie pour maintenir les crédits du programme 209 et donner satisfaction à nos demandes.

J’ai plusieurs questions à poser.

La revue des pairs conduite par le comité d’aide au développement de l’OCDE en mai dernier a formulé un certain nombre de remarques sur l’aide au développement de la France. Presque simultanément, la révision générale des politiques publiques a donné des indications dans ses conclusions. Je voudrais savoir de quelle manière les recommandations du CAD et celles de la RGPP vont être intégrées s’agissant de l’évolution de notre APD, notamment en termes d’organisation et d’orientation, sectorielle et géographique.

Quels bénéfices attendez-vous de la pluriannualité de la programmation budgétaire ? Quelles seront ses répercussions et comment concrètement se traduira-t-elle sur l’efficacité de notre action au bénéfice du développement ? Dans un contexte budgétaire restreint, la question de l’efficacité de l’aide est aujourd’hui essentielle.

Mardi dernier, l’adhésion de la France à la Reproductive Health Supplies Coalition a été annoncée. Cette adhésion était attendue depuis longtemps, et j’en remercie le Gouvernement. Je voudrais connaître les raisons qui ont poussé la France à rejoindre cette coalition pour la santé des femmes, pour la santé de la reproduction et pour le planning familial ? De quelle manière y participera-t-elle et quelle sera sa contribution ? Plus généralement, quelle est la signification de cet engagement pour la politique d’aide au développement de la France ? Annonce-t-il des changements ou des réorientations – et si oui, lesquels ? – de notre politique dans le secteur de notre politique de santé, sachant que les crédits affectés à la santé sont surtout multilatéraux et que la part du bilatéral est relativement réduite, ce que je regrette.

Les décaissements au profit des organismes internationaux et du FED sont cette année relativement importants. Cela explique peut-être la diminution de notre aide bilatérale en faveur des pays de la zone de solidarité prioritaire et les pays les moins avancés.

En matière bilatérale, quelles sont nos priorités, au plan sectoriel et géographique, dans cette zone qui constitue le cœur de l’APD française ? Comment les projets bilatéraux en cours ou prévus pour l’an prochain seront-ils réalisés, et le seront-ils tous ?

Par ailleurs, quelles sont les priorités au niveau multilatéral via les contributions volontaires de la France ?

En ce qui concerne la santé, nous participons beaucoup sur le plan multilatéral, mais surtout pour le traitement des grandes pandémies : VIH-sida, paludisme, turberculose. Notre contribution au Fonds mondial sida est importante : 300 millions d’euros par an. Mais qu’en est-il de notre aide bilatérale dans le domaine de la santé ? Je pense qu’elle pourrait être plus importante et complémentaire d’une politique multilatérale très active, compte tenu de l’expertise de la France en la matière, en particulier s’agissant de la mise en place de systèmes de santé, notamment dans les pays d’Afrique subsaharienne.

En tant que vice–présidente déléguée de l’Assemblée parlementaire de la francophonie, je voudrais en savoir plus sur la nouvelle convention portant « Maison de la Francophonie », qui a été signée il y a quelques semaines, répondant ainsi à la volonté du Président de la République et concrétisant, monsieur le secrétaire d’État, votre action depuis le 20 mars. Quel est le but de la création de cette maison ? Quel est son format ? Quel en est le montage financier ? Quel est le calendrier de sa mise en œuvre ?

Monsieur le ministre Hortefeux, dans le cadre de votre politique de développement solidaire, vous accordez une grande importance à la négociation, avec les pays du Sud, d’accords de gestion concertée des flux migratoires. Pouvez-vous nous faire connaître le bilan de cette politique en termes de nombre d’accords signés, et d’effets, attendus et d’ores et déjà effectifs ? Par ailleurs, je souhaiterais connaître l’état d’avancement du dossier à l’échelon européen, en particulier de son volet développement solidaire.

M. François Loncle. Hier, nous examinions le budget de l’action extérieure de la France. Le groupe SRC s’est abstenu, pour montrer qu’il y avait des éléments positifs à côté d’autres qui le sont beaucoup moins, et que nous n’avions pas l’obsession du vote sanction.

En revanche, nous voterons contre ce budget, qui n’est pas bon. Le rapport de M. Emmanuelli et plusieurs remarques de Mme Martinez exposent clairement la situation. En effet, la hausse de l’aide au développement est une illusion, et la réalité est celle d’un budget de régression et d’opacité, l’opacité expliquant l’illusion. On parle pudiquement du contexte budgétaire « contraint », mais les crises alimentaire, écologique et financière touchent encore bien davantage les pays du Sud de la planète, qui ont pourtant droit au développement.

Comme en 2007, la France ne respecte pas ses engagements. L’objectif de 0,7 % fixé en 2012 glisse sur 2015. Et il ne sera pas atteint à moins d’un effort énorme de 1,5 milliard d’euros par an. Entre 2006 et 2007, l’APD est passée de 0,49 % du PIB à 0,37 % : les chiffres parlent d’eux-mêmes. Les destinataires de l’aide et ceux qui, en France, se mobilisent, notamment les ONG, partagent la même inquiétude de voir la France abandonner son rôle moteur dans l’aide au développement tant en Europe que dans le monde.

Quant au dilemme entre aide multilatérale et aide bilatérale, je n’ai pas l’obsession du bilatéral parce qu’une bonne communication peut faire connaître ce que la France fait. En outre, l’aide bilatérale fait plus souvent les frais des arbitrages en cours d’année que l’aide multilatérale qui est plus « automatique ».

En matière d’aide multilatérale, notre contribution au PNUD va baisser de l’ordre de 10 % à 15 %. Nous étions déjà au douzième rang et nous allons encore reculer en 2009. Pendant ce temps, malgré la crise financière, l’Espagne augmente sa participation, la Grande-Bretagne aussi. Et les pays scandinaves, qui sont en tête du peloton, maintiennent leurs aides. L’affichage est cruel pour nous. On peut hélas en dire autant à propos du HCR et de l’UNICEF.

Voilà pourquoi nous ne voterons pas ce budget : il est mauvais.

M. Charles de Courson. Des tas d’idées ont été lancées en matière de financements innovants. La contribution de solidarité sur les billets d’avion, dont j’ai contrôlé l’application, rapporte environ 160 millions d’euros, malgré des mécanismes de détournement. En effet, il suffit de fractionner les billets au lieu de prendre des trajets directs. Quelle est la position du Gouvernement sur les initiatives telles que le prélèvement d’une partie des taxes sur le CO2 ou d’autres taxes environnementales, ou la loi Oudin-Santini qui produit 17 millions ?

M. Jean-Paul Lecoq. Je partage totalement les arguments d’Henri Emmanuelli et François Loncle.

Les ministres citent souvent Nicolas Sarkozy pour prouver qu’il inspire la politique gouvernementale. Toutefois, ils semblent avoir oublié ce qu’a dit le Président de la République en Afrique du Sud : « En matière de développement, je souhaite que la France contribue plus activement à la lutte contre la pauvreté en Afrique. Elle le fera en continuant à soutenir la réalisation des objectifs du développement du Millénaire. Elle maintiendra son engagement financier dans ce domaine. »

Alors que notre participation se réduit, qu’en est-il de notre contribution active ? De la continuité de notre soutien ? Du maintien de notre engagement financier ?

S’agissant des 49 millions d’euros prévus cette année et qui disparaissent purement et simplement au détriment de cinquante projets, OXFAM a dénoncé les choses.

Quels sont les objectifs de la réorganisation structurelle destinée à améliorer l’efficience du dispositif de diplomatie d’influence ? Comment se traduira-t-elle concrètement ?

Par ailleurs, quelle est l’influence du Gouvernement sur le Club de Paris, ce groupe informel de créanciers qui impose des conditions de remboursement souvent drastiques aux pays les plus pauvres en ignorant complètement les aspects humains ? Il exige la réduction des services publics et le respect de la concurrence libre et non faussée, alors que les pays en question en sont à essayer d’organiser un service public minimum de santé ou d’éducation ! On nous dit que ces pays sont d’accord. Forcément, ils n’ont pas le choix ! Ne pourriez-vous pas proposer d’autres critères au Club de Paris ?

Sur le fondement de ce qui a été dit aussi bien par le rapporteur spécial que par le porte-parole du groupe socialiste et sur celui de nos interrogations, le groupe GDR votera contre le projet de budget.

Mme Françoise Hostalier. Il n’est pas très facile de retrouver ses marques dans les documents qui nous ont été fournis. Je m’en tiendrai à quelques questions.

La crise financière et économique qui frappe les pays émergents encore plus que les démocraties occidentales risque-t-elle de peser sur le maintien de notre coopération, notamment au niveau décentralisé ?

Beaucoup d’entre nous ont été sollicités par des ONG qui s’alarment du risque de réduction des subventions à l’Afrique subsaharienne, en particulier à l’initiative fast track au Tchad. Apparemment, les enveloppes budgétaires globales sont maintenues, mais les programmes mis en œuvre pour atteindre les objectifs du Millénaire seront-ils menés à bien sans risque de rupture dans les actions déjà engagées ?

Qu’en est-il du maintien des lignes concourant aux programmes de santé : lutte contre le SIDA, la tuberculose, le paludisme et autres pandémies telles que la bilharziose et la leishmaniose – l’Institut Pasteur était en pointe de la lutte contre ces pandémies. Je n’ai pas trouvé de réponse dans les documents diffusés.

J’appelle également l’attention sur les risques de rupture dans le financement à long terme des ONG, ce qui menacerait la mise en place d’actions sur une longue période. Par ailleurs, notre réseau de petites ONG est important. Si le financement de l’AFD est maintenu, voire augmenté, sur le terrain, les petites ONG françaises sont plus fragilisées que d’autres. Qu’avez-vous l’intention de faire pour consolider le maillage de nos ONG ?

S’agissant du soutien aux entreprises, solidaires ou non, la présence française est également fragilisée. Que comptez-vous faire ?

Malgré les difficultés budgétaires actuelles, nous avons l’impression que vous nous présentez un budget global consolidé, et même en augmentation, même s’il y a des lignes en déséquilibre. Le groupe de l’UMP votera donc ces crédits.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Monsieur le président de la Commission des finances, monsieur le président de la Commission des affaires étrangères, madame et monsieur les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, c’est avec bonheur que je viens ici pour la deuxième fois en huit jours. La première, c’était pour vous présenter 95 % du budget du ministère dont j’ai la charge. Aujourd’hui, il s’agit donc des 5 % restants.

Henri Emmanuelli a posé une bonne question sur la multiplicité des interlocuteurs et des décisionnaires. L’exemple de l’AFD est un bon exemple. Mais on ne peut pas exclure d’emblée de cibler certains programmes et certaines initiatives, ne serait-ce que pour leur donner davantage de lisibilité. Par exemple, auparavant, le codéveloppement était entièrement intégré au ministère des affaires étrangères ; avec le découpage qui existe aujourd’hui, on s’aperçoit que les autorisations d’engagement ont été multipliés par trois, et les crédits de paiement plus que doublés. Il y a l’inconvénient de la lisibilité, mais, quand un ministère a une action précise à mener – à la demande du Président de la République, monsieur Lecoq – cela permet aussi d’intervenir plus vite et plus fort.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Par effet d’éviction !

M. le ministre. C’est aussi un gage d’efficacité du développement solidaire, domaine qui m’a été confié.

Lors de sa création en 2008, le programme 301 concernait le codéveloppement, entendu comme le soutien aux initiatives des migrants au bénéfice de leur pays d’origine. La nouvelle notion de « développement solidaire » nous a été suggérée par le Président sénégalais Abdoulaye Wade, qui estimait peu compréhensible le concept de codéveloppement entre deux pays inégaux sur le plan démographique et économique.

L’idée d’une solidarité par le développement traduit mieux notre volonté de couvrir tous les aspects des phénomènes migratoires et de nous inscrire dans l’approche globale adoptée par les institutions européennes : maîtrise des flux, mais aussi réduction de la pauvreté.

Le bilan de l’année 2008 reflète le changement d’échelle opéré dans nos relations avec les pays source d’immigration. Mon ministère est un ministère d’état major, et sur les 613 ETP qu’il compte, seules dix personnes traitent du développement solidaire. Cette équipe resserrée est parvenue à soutenir plus de 120 projets, pour 26,1 millions d’euros, dans 23 pays prioritaires, dont 17 en Afrique subsaharienne.

Les projets concernent plus particulièrement les six pays avec lesquels ont été conclus des accords de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire : le Gabon, le Congo, le Bénin, le Sénégal, la Tunisie et Maurice.

Un tiers des projets portent sur l’éducation et la formation professionnelle, 22 % d’entre eux permettent de soutenir la création d’activités productives, la même part va au développement rural et au développement d’activités agricoles vivrières et 10 % des projets concernent la santé et le secteur social.

Si l’on poursuit à ce rythme, 90 % des autorisations d’engagement auront été exécutées fin 2008, ce qui est une forte inflexion : la DGCID n’en consommait en moyenne qu’un tiers. Pour la période 2009-2011, les autorisations d’engagement s’élèvent à 97,6 millions et les crédits de paiement à 74,5 millions. Les initiatives engagées en 2008 seront pérennisées en 2009 et les crédits destinés au financement des accords de gestion concertée des flux migratoires progressent de près de 20 %.

Ces efforts s’inscrivent dans le cadre des recommandations de la RGPP. La question migratoire est désormais mieux prise en compte dans l’aide publique au développement. L’AFD devient l’opérateur pivot et mettra en œuvre près du tiers des financements du programme 301.

Monsieur Poniatowski, oui, la France a souhaité promouvoir un fonds fiduciaire qui a pour objectif la mobilisation des compétences et des ressources des migrants au profit du développement de leur pays d’origine. Le Parlement a déjà ouvert en 2008 une enveloppe de 9 millions d’euros pour doter ce fonds. Un accord devrait être finalisé avant la fin de l’année avec la Banque africaine de développement, qui a répondu le plus favorablement à l’appel d’offre. L’annonce pourrait en être faite lors de la Conférence euro-africaine sur le développement, à Paris.

Ce fonds aura pour périmètre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne et pourra agir comme effet de levier dans des pays caractérisés par des coûts de transferts élevés, une intermédiation locale faible et une offre limitée de produits financiers.

M. Emmanuelli a posé la question de l’articulation entre les DCP et les accords de gestion concertée des flux migratoires. Ces derniers sont soumis à la ratification du Parlement et font l’objet d’une concertation interministérielle, ce qui assure la cohérence avec l’action du secrétariat d’État chargé de la coopération. L’AFD est étroitement associée à leur préparation et participe à leur mise en œuvre. J’ai d’ailleurs signé une convention cadre avec l’AFD afin qu’elle intervienne pour notre compte en Tunisie et au Maroc.

Nous attendons de ces accords qu’ils rendent possible une meilleure circulation des compétences, non pas qu’ils organisent un pillage des cerveaux. Je suis très sensible à cette question. La France est le premier pays européen à avoir inscrit cet objectif au cœur de sa politique et, à l’occasion de la présidence française, je m’efforce d’en faire la promotion auprès de nos partenaires.

En outre, ces accords évoquent très clairement l’existence d’une meilleure coopération en matière de lutte contre l’immigration illégale. Même si cela ne va pas sans mal – sur les 130 000 Maliens présents en France, 65 000 ont immigré illégalement –, cette question fait partie des discussions préparatoires avec les pays d’origine.

Je regrette que ces accords viennent tardivement en discussion devant le Parlement français alors que leur ratification dans les pays partenaires – par voie parlementaire ou par voie d’ordonnances – est rapide. Monsieur le secrétaire d’État chargé de la coopération, peut-être pourrions-nous pousser un peu dans cette direction ?

Seul l’accord avec le Gabon est entré en vigueur ; les accords avec le Bénin et le Congo sont actuellement sur le bureau du Sénat. Je note qu’aujourd’hui, certains pays d’origine sont demandeurs. C’est ainsi qu’un accord avec le Cap Vert et un autre avec l’Égypte devraient bientôt être finalisés – ces deux pays sont demandeurs. Nous sommes actuellement en discussion avec le Burkina et le Mali.

En outre, notre politique en la matière s’inscrit bien entendu dans l’ensemble des dispositifs européens dits des « partenariats pour la mobilité » – l’Union européenne a ainsi signé des accords avec le Cap Vert et la Moldavie.

Enfin, je remercie Mme Hostalier d’avoir finalement déclaré, en dépit de ses interrogations, qu’elle voterait ce budget.

M. Alain Joyandet, secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie. Je rappelle tout d’abord qu’avec plus de 7,3 milliards en 2007, la France est le troisième financeur de l’aide publique au développement après les États-unis et l’Allemagne.

En passant de 3,09 à 3,166 milliards, les crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement » – qui rassemble les trois programmes – inscrits en LFI pour 2009 augmentent de 2,46 %. À cela, monsieur le rapporteur spécial, s’ajoutent un certain nombre de contributions financières supplémentaires car nous ne faisons pas de prêts en remplacement de subventions mais en sus. À la demande du Président de la République, nous avons ainsi mis en place deux fonds supplémentaires de 250 millions chacun sur cinq ans, ce qui représente un engagement financier supplémentaire de 2,5 milliards. Un milliard supplémentaire sera en outre débloqué par l’Agence française au développement – nous y travaillons avec Mme Idrac – sous la forme de prêts concessionnels à hauteur de 40 % environ. L’APD comptera donc 300 à 400 millions supplémentaires. La France participera de surcroît avec l’Union européenne à une aide exceptionnelle de 1 milliard dédiée à la relance de l’agriculture vivrière et familiale en Afrique subsaharienne en particulier. Notre aide n’avait pas augmenté aussi substantiellement depuis bien longtemps.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Oh !

M. le secrétaire d'État. Les chiffres que je vous ai donnés sont incontestables, monsieur le rapporteur spécial !

M. Jean-Paul Lecoq. Pas du tout !

M. le secrétaire d'État. Même si le passage de ce budget de 0,37 % en 2008 à 0,47 % en 2009 tient compte, en effet, d’éventuelles annulations de dettes, je répète qu’il augmentera globalement – d’ailleurs, outre que ces annulations concourent à la politique du développement, je préfère que ce soit notre pays qui participe à la reconstitution de la dette dès lors que cela se fait intelligemment.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Je n’en ai pas disconvenu.

M. le secrétaire d'État. Comme je l’ai dit à l’Oxford Committee for Famine Relief – OXFAM –, aucun projet important ne sera abandonné en Afrique subsaharienne en 2009, notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation : projet « Éducation pour tous » au Bénin, doté de 14 millions ; projet d’infrastructures agricoles dans la vallée du fleuve Sénégal, doté de 15 millions ; projet d’hydraulique pastoral du Tchad, doté de 11 millions ; projet d’appui à la politique sectorielle de la santé à Madagascar, doté de 10 millions ; développement des districts sanitaires au Togo, doté de 10 millions ; projet d’hydraulique villageoise au Burkina-Faso, doté de 7 millions ; appui au secteur de la santé en République démocratique du Congo, doté de 6 millions ; programme sectoriel « Éducation » au Mali, doté de 3,5 millions ; aménagement « gestion intégrée » des bassins versants du fleuve Niger, doté de 11 millions ; projet éducatif d’enseignement primaire en RDC, doté de 5 millions.

J’ajoute que j’ai pris l’engagement de rencontrer les ONG chaque trimestre, d’augmenter, d’ici à quatre ans, de 50 % les moyens qui transitent par elles et de participer à la mise en place d’une plateforme internationale des ONG à Paris.

Enfin, même si un problème juridique se pose –- auquel nous trouverons une solution –, le ministre de la coopération doit être en charge directe de l’AFD, bras armé de l’État pour une grande partie de notre aide publique au développement. Je ne vois pas quelle serait l’utilité d’un organisme venant s’intercaler entre le Parlement, le Gouvernement et l’AFD. Il faut donc trouver une solution juridique, qui reste à creuser.

S’agissant, madame Martinez, des recommandations du comité d’aide au développement de l’OCDE – le CAD –, nous avons tenu compte de l’avis de nos pairs en concentrant notre aide au développement. La pluriannualité budgétaire, en améliorant la lisibilité de l’aide, en renforcera l’efficacité.

La France tient ses engagements multilatéraux en matière de santé, et il n’y a aucun désengagement de l’État. Trois cents millions iront au fonds mondial « sida tuberculose paludisme » et 160 millions seront issus de la taxe de solidarité sur les billets d’avion. Malgré un budget général contraint, cette ligne ne sera pas remise en cause, non plus que les 100 millions alloués au GAVI. J’ai par ailleurs donné la liste des projets bilatéraux en cours, dont certains concernent la santé. C’est en effet l’un de nos objectifs prioritaires, mais ce n’est pas le seul.

À mon arrivée au secrétariat d’État, j’ai ouvert huit chantiers dont l’un porte sur la place des femmes dans la société, notamment dans la société sub-saharienne. Dix milliards seront consacrés à ce programme spécifique, que je détaillerai en décembre et que nous souhaitons transversal.

Je rappelle d’autre part qu’une Conférence internationale consacrée à la couverture du risque maladie dans les pays en voie de développement a été organisée à Paris. La seule stratégie possible est la gratuité de l’accès aux soins, par une intervention massive.

Vous m’avez interrogé sur la Maison de la francophonie. Au terme d’une année de négociation, j’ai signé le mois dernier à Québec avec M. Abdou Diouf, secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie, un contrat prévoyant la mise à disposition de l’organisation un immeuble de 8 000 mètres carrés situé avenue Bosquet à Paris. Ce bail de 50 ans permettra de rassembler dans la Maison de la francophonie les services de l’OIT actuellement dispersés dans la capitale, et à l’État de récupérer deux immeubles.

Je ne conteste pas, monsieur Loncle, la réduction de notre contribution au PNUD. Pour autant, notre participation aux organisations internationales est protéiforme, et l’on ne peut nous demander en même temps de définir des priorités et de financer tout, tout le temps, partout et de plus en plus. Les priorités françaises absolues de l’aide au développement sont la santé et l’aide alimentaire ; veuillez considérer, sur ce second plan, ce que nous faisons par le biais du programme alimentaire mondial, et tous les crédits supplémentaires que nous avons débloqués pour faire face à la crise alimentaire. Si notre dotation au PNUD régresse légèrement, nul ne peut nier la réalité, incontestable, de l’aide française au développement. L’action de la France, deuxième pourvoyeur du Fonds mondial « sida tuberculose paludisme », est d’ailleurs souvent citée en exemple s’agissant de la santé. Sait-on assez que deux enfants contaminés par le VIH-sida sur trois soignés dans le monde le sont grâce à des fonds français ?

Il n’est pas question, monsieur de Courson, de remettre en cause la taxe de solidarité sur les billets d'avion, qui a rapporté 160 millions, pour financer UNITAID. Ce financement fléché et pérenne a permis d’obtenir des laboratoires pharmaceutiques une réduction de plus de 60 % du prix des médicaments anti-sidéens et d’augmenter ainsi le nombre des malades soignés.

Je pense, monsieur Lecoq, avoir répondu à votre question relative aux objectifs du millénaire qui faisait référence à la note de l’OXFAM ; les projets indiqués seront menés à bien.

La réorganisation en cours du ministère des affaires étrangères sera aussi l’occasion de replacer la diplomatie d’influence au cœur de notre action, avec la création d’une structure unique compétente en matière de coopération internationale et de développement. Elle traitera des questions économiques et du suivi des objectifs du millénaire ainsi que de l’action culturelle et linguistique – notamment par le biais de l’audiovisuel extérieur.

Les critères du Club de Paris ne serons pas modifiés dans l’immédiat…

M. Jean-Paul Lecoq. C’est dommage.

M. le secrétaire d’État. Peut-être, mais vous conviendrez qu’il n’y a plus beaucoup de dettes à effacer ; le bilan du Club de Paris est donc très positif.

Madame Hostalier, la crise économique n’aura pas de conséquences directes sur l’intervention de la France au titre de l’aide au développement, mais l’on peut s’inquiéter de ses effets sur les investissements et les échanges et, par là même, sur le développement des pays les moins avancés.

J’ai évoqué devant vous la lutte contre le sida.

S’agissant des maladies tropicales, la bilharziose est responsable des 500 000 décès annuels et, chaque année, deux millions de personnes sont infectées par les leishmanioses. Lors du sommet de Toyako, en juillet dernier, les chefs d’État et de gouvernement du G8, conscients de l’urgence, ont pris l’engagement d’œuvrer, par un plan de cinq ans, à l’élimination de ces maladies tropicales dites « négligées » et d’aider au moins 75 % des personnes touchées. Le ministère français des affaires étrangères finance, pour 6 millions, un plan visant à lutter contre ces maladies en Afrique, tandis que l’AFD finance un projet d’appui de 3 millions à Dakar. Dans le même temps, l’Institut Pasteur poursuit activement ses recherches pour trouver un vaccin.

La France a joué un rôle essentiel dans la mise au point de l’initiative fast track. Ce programme, doté de 20 millions pour la période 2005-2008, recevra une dotation de 50 millions pour la période 2008-2011, et nous étudions des pistes de financement innovantes.

S’agissant enfin des ONG, je crois avoir déjà répondu.

Je me suis efforcé de répondre le plus précisément possible à l’ensemble des questions qui m’ont été adressées.

M. le Président Didier Migaud. Je vous remercie. D’autres questions vous seront sans doute posées qui vous amèneront à préciser encore certains points.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État chargée du commerce extérieurAvant de répondre aux questions qui m’ont été posées, je souhaiterais rappeler les priorités que nous nous sommes fixées pour le programme 110, dont j’ai la responsabilité. Il s’agit dans le domaine géographique de l’Afrique, dans le domaine sectoriel, d’une part de l’environnement et du climat, d’autre part de l’alimentation. Cela correspond aux priorités politiques du Président de la République mais aussi, le rapporteur spécial y a fait allusion en évoquant tout à l’heure le Vietnam, à des secteurs économiques dans lesquels nos entreprises sont particulièrement bien placées sur les marchés mondiaux.

Les crédits du programme 110 augmentent de manière significative avec une participation accrue au Fonds africain de développement et à l’Agence internationale pour le développement, et une hausse des moyens du Fonds français pour l’environnement mondial.

Le président Poniatowski, Mme Martinez et M. Loncle ont abordé la question, récurrente, de l’articulation entre aide bilatérale et aide multilatérale. L’aide multilatérale européenne représente environ un tiers de l’aide publique au développement française. Cette proportion, demeurée stable au fil des ans, est en ligne avec celle constatée chez nos principaux partenaires européens.

Le président Poniatowski et le rapporteur spécial ont insisté sur la nécessité d’une meilleure lisibilité des interventions conduites dans un cadre multilatéral. La France souhaite un renforcement et une rénovation du multilatéralisme, ce qu’elle commence à obtenir, sous la présidence française de l’Union européenne et sous l’impulsion du Président de la République. Nous ne pouvons que nous en réjouir. Notre participation aux institutions multilatérales de développement est d’autant plus essentielle qu’elle contribue à renforcer la crédibilité de notre message politique sur leur rôle-clé, notamment en matière de régulation. Nous cherchons, par nos participations à ces institutions, à créer un effet de levier et à les attirer sur nos propres priorités. Ainsi en a-t-il été dans le cadre des reconstitutions de fonds multilatéraux – qui se sont achevées il y a moins d’un an – à la Banque mondiale et à la Banque africaine. Ainsi avons-nous obtenu en 2007 que l’AID, guichet de la Banque mondiale destiné aux pays les plus pauvres, renforce considérablement son intervention en Afrique – 60 % de ses dons bénéficieront, comme nous le souhaitions, au continent africain. Cela représente de quinze à vingt fois la contribution française à ce fonds : on peut donc bien parler d’effet démultiplicateur, comme l’a souligné votre rapporteure pour avis dans son rapport. De même, avons-nous œuvré au Fonds africain de développement pour que soient davantage aidés les pays les plus fragiles, comme la Côte d’Ivoire, le Togo ou la Centrafrique et pour que l’intégration régionale soit mieux soutenue – ce qui bénéficiera largement à la zone franc. Pour avoir récemment animé, avec Alain Joyandet, le Conseil des ministres de la zone franc, j’ai pu constater combien cet effet de levier voulu par la France était reconnu.

Le même effet doit jouer dans le domaine sectoriel. Ainsi la Banque mondiale a-t-elle, sur la période 2005-2007, financé, par le biais de l’AID, 5 250 kilomètres de réseau d’adduction d’eau. La Banque africaine a de même permis, par ses interventions, d’accroître de 15 % les rendements agricoles et d’ouvrir 8 400 nouvelles salles de classe. La Banque asiatique a, elle, permis que 380 000 hectares supplémentaires soient irrigués.

Tous ces résultats sont très appréciés de nos partenaires, en particulier africains. Mais nous devons veiller à une communication de qualité sur le sujet. Dans cet esprit, et en ligne avec les recommandations de la RGPP, nous nous réjouissons de lancer une stratégie française pour la Banque mondiale, qui nous permettra d’avoir une vision globale de notre stratégie d’influence. Ce sera là le premier document stratégique portant sur une institution multilatérale. Pour que notre action soit à la fois plus visible et plus lisible, il importe aussi qu’elle soit encore mieux coordonnée avec celle des autres pays européens, pour peser encore davantage sur les décisions d’intérêt commun.

Un autre élément-clé de notre stratégie consiste à placer dans les institutions multilatérales des hommes et des femmes capables d’y porter nos idées, ainsi qu’à mobiliser les entreprises et la société civile autour de nos objectifs.

J’en viens aux financements innovants, qu’a notamment évoqués M. de Courson. Je ne reviens pas sur ce qu’a dit Alain Joyandet sur l’efficacité remarquable des dispositifs existants, qu’il serait important de mieux faire connaître. La taxe sur les billets d’avion, dont le produit finance UNITAID, a permis de ramener le coût des traitements anti-rétroviraux pour les enfants de 200 à 60 dollars et permettra de vacciner dix millions d’enfants dans les six à sept prochaines années.

Les prêts très concessionnels contracycliques – PTCC –, accordés aujourd’hui dans la perspective d’assurer la soutenabilité de l’endettement, constituent, pour leur part, une innovation dans le cadre de dispositifs existants.

D’autres propositions sont étudiées, notamment celles figurant dans le rapport de Jean-Pierre Landau, second sous-gouverneur de la Banque de France. De nouvelles initiatives verront sans doute encore le jour, notamment pour les questions d’environnement.

Je souhaite à ce point souligner l’intérêt des mesures prises l’année dernière en matière de philanthropie privée qui ont permis de faciliter le travail des fondations. Je pense notamment à l’article de la loi de modernisation de l’économie relatif aux unbound funds – que la francophonie me pardonne cette expression anglo-saxonne ! –, dont le statut est plus large et plus souple que celui des actuelles fondations.

M. Jean-Paul Lecoq. Pourriez-vous nous expliquer ce que sont ces unbound funds ?

Mme la secrétaire d'État. Ce sont des fonds de dotation qui permettent, comme cela se fait dans les pays anglo-saxons, aux contributions de donateurs privés de créer un effet de levier supplémentaire.

Parmi les mécanismes innovants de financement, il faut citer également les comptes d’épargne codéveloppement, qui permettent de mobiliser l’épargne des migrants. Le Gouvernement est favorable à l’amendement déposé par l’un de vos collègues relatif à la création de SOFIDEV – à l’instar des SOFICA qui existent dans le domaine culturel.

S’agissant du Club de Paris, dont a parlé notamment M. Lecoq, chacun sait que ce Club est, de par son caractère multilatéral, beaucoup plus protecteur que d’autres dispositifs. La question qui se pose aujourd’hui est moins celle d’une modification des critères retenus que celle du champ dans lequel le Club réussit à faire valoir des approches de long terme et coordonnées. Une difficulté tient à ce que certains États créanciers n’appartiennent pas au Club de Paris, ce qui rend difficile l’annulation de certaines dettes. Une autre tient à ce que les plans d’annulation de dette ne peuvent pas inclure certaines créances d’origine privée. Cela plaide plutôt pour un élargissement des conditions d’intervention du Club de Paris.

En matière de réendettement, le respect par les pays les plus pauvres des règles internationales de prudence est un enjeu d’avenir important aux yeux des pays du Club de Paris. Il nous faudra convaincre les pays émergents, notamment la Chine, de faire de même dans la gestion de leurs créances pour éviter de nouvelles boucles de réendettement.

L’Agence française de développement doit bénéficier d’une tutelle modernisée et forte. La RGPP a consacré son statut d’opérateur pivot, et une part croissante de nos aides prend la forme de prêts. Il est essentiel de maîtriser les risques associés à ces évolutions.

Ce panorama serait incomplet si l’on n’évoquait pas la contribution importante de la France et du Président de la République en faveur d’une évolution de la gouvernance internationale pour garantir la stabilité du système financier mondial. Le sommet du 15 novembre permettra de jeter les bases d’une nouvelle architecture internationale en matière de financement. D’ores et déjà, la légitimité des instances internationales se trouve renforcée du fait de l’amélioration de la représentation des pays en développement. La France a joué un rôle exemplaire pour soutenir ces nouvelles pondérations. Le FMI et la Banque mondiale vont ainsi renforcer la présence des « chaises » africaines dans leur conseil d’administration – une chaise supplémentaire à la Banque mondiale et deux nouveaux administrateurs suppléants au FMI – et augmenter les droits de vote des pays les plus faibles. C’est aussi une manière de renforcer la responsabilité de ces pays en matière de gouvernance.

Mme Danielle Bousquet. Le Gouvernement s’est engagé à affecter 10 millions à la santé en Afrique subsaharienne mais la grave crise que connaissent les pays pauvres nous amènera certainement à recentrer notre aide sur les objectifs du millénaire les plus efficaces en matière de lutte contre la pauvreté.

À cet égard, l’OMD 5, consacré à la santé maternelle, est un levier déterminant. Or c’est dans ce domaine que la différence entre les objectifs annoncés et la situation actuelle est la plus importante. Quels crédits comptez-vous allouer à la mise en œuvre effective du document d’orientation stratégique de la France sur les droits et la santé des femmes, validé le 6 décembre 2007 ? Quelles mesures prévoyez-vous pour répondre à l’enjeu majeur que constitue le droit des femmes à la maîtrise de leur vie procréative ?

Mme Christiane Taubira. S’agissant des engagements de la France en matière de lutte contre la pauvreté, l’abondance des réponses gouvernementales ne génère pas nécessairement la clarté ! Les initiatives en matière de « régulation des flux migratoires » prenant un poids relatif de plus en plus important, on peut se demander si l’aide publique au développement a encore pour finalité de lutter contre la pauvreté. La puissance est inégale entre le ministère de l’immigration et le département ministériel chargé de la coopération.

Ni M. Emmanuelli ni M. Loncle n’ont obtenu de réponse précise sur la façon dont le Gouvernement atteindra l’objectif de 0,7 % du RNB en 2015. En tout état de cause, une évolution linéaire de la programmation triennale actuelle ne le permettra pas.

M. le secrétaire d’État chargé de la coopération a convenu lui-même que les hausses de crédits liées aux intentions d’annulation de dette comportaient une part d’affichage. On sait que de telles annulations se font en contrepartie d’engagements et d’efforts de la part des pays bénéficiaires. Mais on assiste à un autre phénomène : des « fonds vautours » rachètent les créances de certains pays du Sud et obtiennent des tribunaux leur remboursement à la valeur d’origine. Le Président de la République, dont les déclarations sont l’alpha et l’oméga de la politique gouvernementale, a très clairement souhaité que les annulations de dette ne soient pas l’occasion de telles procédures – qui ne sont pas aussi transparentes que celles des institutions de Bretton woods – et a demandé, si j’ai bien compris, une modification du droit international pour éviter que les fonds vautours ne récupèrent les efforts consentis par les États créanciers.

Le rapport du comité d’aide au développement de l’OCDE de juin 2008 demande à la France de renforcer son approche stratégique. De ce point de vue, les réponses que le Gouvernement nous fait aujourd’hui sont insatisfaisantes. Il faut que les moyens soient mis au service d’une politique donnant clairement la priorité à la lutte contre la pauvreté.

Par ailleurs, l’Union européenne s’est prononcée en octobre 2007 en faveur d’une stratégie d’aide au commerce. Il était prévu que la France définisse sa propre stratégie en septembre 2008. Où en est-on ?

Le secrétaire d'État chargé de la coopération a donné des assurances au sujet d’une quinzaine de projets. En réalité, d’après la liste fournie par les ONG, ce sont cinquante-cinq projets qui sont menacés de suspension. Nous aimerions donc en savoir plus.

Mme la secrétaire d’État pourrait-elle également nous apporter des informations sur le retard pris par les programmes indicatifs régionaux, les PIR ?

En ce qui concerne enfin la sécurité alimentaire, le Président de la République a déclaré qu’un statut particulier devait être réservé au secteur agricole. La France s’est engagée sur les dix-neuf directives internationales que l’ONU a adoptées en 2004 en matière de droit à l’alimentation. On sait que l’isolement de certaines portions de territoire à forte production agricole est une cause de la pénurie alimentaire. Comment financera-t-on leur désenclavement ?

Le Président de la République s’est en outre engagé à ce que l’aide publique au développement et, d’une façon générale, les relations de l’Union européenne avec les pays d’Afrique-Caraïbe-Pacifique, notamment à travers les accords de partenariat économique, soient recentrées sur le développement. Quelle traduction votre budget en donne-t-il, étant entendu que les sommes en jeu vont bien au-delà du milliard annoncé pour la relance de l’agriculture vivrière ? Tout cela s’inscrit dans le contexte suivant : pénurie alimentaire, crise économique, Grenelle de l’environnement, négociations de l’après Kyoto, conférence de suivi de Doha, rencontres avec les 80 plateformes d’ONG, les organisations paysannes et les socio-professionnels – car dans ce pays le tissu économique est constitué essentiellement de TPE et de PME.

Enfin, la RGPP n’a pas été sans conséquences sur la carte diplomatique. Un rapport sur Cultures France est en cours d’élaboration et l’on peut supposer qu’il contribuera à de nouvelles modifications en matière de diplomatie d’influence.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. La communication gouvernementale a ses impératifs, mais tout de même ! Mme Martinez a eu l’amabilité d’évoquer les contraintes budgétaires pour vous donner un peu d’espace dans l’explication de ce budget, monsieur le secrétaire d’État. Mais les adjectifs « exceptionnel », « extraordinaire », « exemplaire » que vous avez employés appelle de ma part une réaction.

L’an dernier, j’avais expliqué à votre prédécesseur que l’APD n’atteindrait pas les 0,45 % annoncés. Je constate aujourd’hui qu’elle a été effectivement de 0,37 %. Pour 2009, je le répète, l’augmentation s’explique par la hausse significative des annulations de dette et des prêts de l’AFD. Les subventions de l’Agence accusent en revanche une baisse très nette : on passe de 422 millions à 214 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 327 millions à 290 millions en crédits de paiement. Les objectifs ne seront pas atteints. Comme le démontre la programmation triennale, l’APD n’est plus une priorité pour la France. Votre présentation enthousiaste ne correspond en rien à la réalité.

Mme Henriette Martinez, rapporteure pour avis. Ma vision est différente de celle du rapporteur spécial. Si j’ai formulé dans mon rapport des objections et des suggestions, il n’en reste pas moins que je trouve dans les propos des membres du Gouvernement des éléments rassurants.

S’agissant du volume de l’aide, nous avons tous la volonté d’aller vers le taux de 0,7 % du PIB. Au demeurant, dans un contexte difficile, la question du volume ne concerne pas que la France mais tous les États bailleurs. Mais au-delà du volume, il y a l’efficacité de l’aide et ses priorités. À cet égard, les membres du Gouvernement nous ont rassurés sur plusieurs points.

En ce qui concerne l’aide bilatérale, les interventions des rapporteurs et des ONG ont été prises en compte. En fait, des opérations présentées comme annulées ne l’étaient pas, ce qui nous a rassurés. Comme nous ont également rassurés les propos confirmant la priorité accordée à l’Afrique subsaharienne pour l’affectation de nos aides, ceux relatifs aux priorités sectorielles traditionnelles que sont la santé et l’éducation, ou encore ceux concernant des priorités nouvelles : aide alimentaire, avec un engagement fort du Président de la République ; santé des femmes, avec la signature de la convention sur la « santé reproductive ». Nous ont également rassurés les indications ayant trait aux relations avec les ONG, au respect de la parole du Président de la République de multiplier par deux pendant la durée du quinquennat les subventions qui leur sont affectées, et au doublement du nombre de volontaires internationaux.

Que l’AFD serve de levier économique en complément des subventions que nous pouvons apporter est, à mon sens, un élément fort. La France doit être présente sur les chantiers plutôt que de laisser la place à d’autres.

Le bilan des accords de gestion concertée est très positif. Je relève comme tel le fait qu’un certain nombre de pays soient désormais demandeurs d’accord de gestion concertée et que ces accords soient harmonisés avec nos documents cadres de partenariat, ce qui leur donne une grande cohérence.

Les dispositifs des compte et livret épargne ont été votés mais ne sont pas encore mis en œuvre. Je formule dans mon rapport des propositions pour les faire évoluer, de façon que les banques puissent les mettre en œuvre avec plus de souplesse et de réalisme quant aux populations concernées.

Globalement, si nous avons pu ressentir certaines craintes en abordant ce budget, je sors de cette réunion de commission rassurée quant aux priorités accordées et à l’efficacité de notre aide.

M. Lionel Tardy. Quels sont les mécanismes institués pour le contrôle du bon usage des crédits du fonds d’aide au développement ? On sait qu’il existe dans certains pays de la corruption. Comment vérifie-t-on que l’aide n’est pas détournée et qu’elle est utilisée à bon escient ?

Quelle est l’action de la France en matière d’environnement et d’aide à l’accès à l’eau dans le cadre de l’APD ?

M. le secrétaire d’État. Monsieur le rapporteur spécial, je m’inscris en faux s’agissant de votre déclaration sur l’APD. L’APD reste la priorité de la France. En revanche, vous avez raison de prendre date sur le pourcentage du PIB affecté à l’aide au développement. En 2009, en effet, le taux de 0,47 % ne sera pas atteint. Y arriver dépend d’un certain nombre d’annulations de dettes, qui ne seront pas toutes réalisées ; de ce fait, le taux, en augmentation, sera plutôt de 0,40 %, 0,41 % ou 0,42 %. J’essaie de parler vrai.

Je ne conteste pas les chiffres que vous avez cités. En revanche, il ne faut pas opposer les types de financements. Les différents financements, subventions, prêts concessionnels, prêts normaux, sont des moyens au service d’un objectif, celui que madame Taubira a cité, l’objectif du millénaire, qui est de faire reculer la pauvreté.

À cette fin, je vais aussi tripler le nombre de volontaires internationaux : il passera de 4 400 à 15 000. Deux fois 250 millions d’euros vont servir pour financer des entreprises, notamment des entreprises dont les porteurs sont de jeunes Africains formés, mais qui ne trouvent pas de financement. Ces fonds sont mis en place ; 25 millions d’euros ont déjà été affectés. Tout cela représente autant de moyens mis au service d’un même objectif : faire reculer la pauvreté.

On ne peut pas non plus opposer multilatéral et bilatéral : ce sont des formes d’intervention complémentaires. En revanche, la France aurait sans doute intérêt à s’interroger sur l’efficience du multilatéral, l’influence qu’elle y a, la possibilité de mieux orienter ses participations au service de ses objectifs et de sa stratégie. Je proposerai au Parlement de créer une mission spéciale sur les orientations du multilatéral ; il faudrait sans doute visiter un certain nombre d’organismes : Fonds mondial de lutte contre le sida, FED, PNUD, PAM.

Je veux saluer la qualité du rapport de Mme Taubira, notamment en ce qui concerne les accords de partenariat économiques. Ils doivent en effet être revus dans leur esprit. Je suis tout à fait favorable à ce que, lors de leur renégociation – aujourd’hui, ce sont des accords provisoires –, ils comportent moins de commerce et plus de développement, et qu’ils tiennent compte d’une « exception alimentaire », que je revendique, en matière de politique agricole. Les APE doivent devenir de véritables outils au service du développement, notamment du développement de l’agriculture vivrière. On ne peut pas le faire s’ils se limitent à être des accords commerciaux.

La France, madame Bousquet, accorde une très grande importance à la santé pour ce qu’on appelle la « santé reproductive », 77 millions d’euros sont consacrés au suivi de 900 000 grossesses en Afrique.

Je confirme notre volonté de rendre plus étroits nos partenariats avec les ONG ; nous allons accroître de 50 % les montants des aides qui passent par leur canal.

Monsieur Tardy, une attention particulière est portée au renforcement des capacités financières et statistiques des États partenaires, à travers des projets d’appui à la gestion des finances publiques, la mobilisation d’experts et un réseau d’assistants techniques. En quelques mois, j’ai accompli près de 30 voyages en Afrique et j’ai pu constater que de véritables progrès avaient été accomplis en matière de gestion publique. Ainsi, de plus en plus d’États adhèrent à l’Initiative sur la transparence des industries extractives – ITIE –, qui concerne les recettes des produits du sol – pétrole, ressources minières –, et se soumettent à cette expertise internationale. De la sorte, ils progressent dans la voie de la bonne gouvernance, les richesses tirées de l’exploitation du sol contribuant au recul de la pauvreté. On peut parler de ce qui nous choque, mais des comportements sont vraiment en train de disparaître.

C’est vrai, il y a parfois des reculs, y compris démocratiques. La situation en République Démocratique du Congo est dramatique. J’y étais le week-end dernier, je repars ce soir mais pour le processus de paix en cours à Nairobi. Mais nous devons aussi parler des progrès qui touchent tous les domaines. Monsieur Emmanuelli, dans le métier qui est le mien – un CDD dont je ne connais que la date de début –, comment ferais-je si je n’étais pas enthousiaste ? Il faut agir, rassembler les bonnes volontés. Tant mieux, c’est ma nature. Et vous ne changerez pas ma lecture des événements.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Je n’y prétends pas.

M. le secrétaire d’État. Mais vous êtes dans votre rôle, et vous l’exercez souvent avec justesse. Sans contester vos chiffres, je vous invite à regarder les chiffres globalement, et pas seulement par secteur.

En ce qui concerne notre action dans le domaine environnemental au sens large, notre contribution est de 450 millions d’euros par an, dont 40 % vont au secteur climat-énergie, et 35 % à la biodiversité. L’eau et l’assainissement reçoivent 200 millions d’euros par an au titre de la seule aide bilatérale.

Les axes d’intervention sont la gestion durable des terres – qui doit être intégrée aux politiques agricoles et de sécurité alimentaire – ainsi que l’eau et l’assainissement pour réduire les dépenses de santé privées et publiques. Comme tout est une question d’éducation, nous voulons aussi améliorer la fréquentation des écoles et prévenir, par ce biais, des dommages parfois irréversibles sur l’environnement. Mes voyages m’ont fait prendre la mesure des besoins énormes en travaux d’assainissement. Il faut aller plus loin dans ce domaine, et, madame Martinez, mieux coordonner nos actions multilatérales et notre aide bilatérale dans le cadre d’une stratégie d’ensemble. C’est un sujet majeur. J’ai visité il y a peu de temps le bidonville de Kibera, en périphérie de Nairobi, où vivent 800 000 personnes dans des conditions particulièrement difficiles. Le rôle des femmes là-bas est extraordinaire, mais, si nous ne faisons pas d’investissements plus importants pour réaliser des systèmes d’assainissement, ce sera difficile de parler de santé, d’école ou de qualité de l’eau. L’Agence française de développement a là un enjeu majeur.

Mme la secrétaire d’État. Merci à Mme Taubira d’avoir rappelé, comme elle l’a fait dans son excellent rapport, l’importance de l’équilibre entre les ouvertures de marché et l’aide au commerce stricto sensu.

Au sein du programme 110, les crédits d’aide au commerce stricto sensu représentent 7 millions, dont 5 millions sont destinés à renforcer les capacités commerciales et gérés par l’AFD. Ils recouvrent en particulier des actions en faveur du commerce équitable. Les 2 autres millions relèvent de l’aide multilatérale et servent à aider les pays les moins avancés dans leurs négociations.

Au-delà, d’autres actions, en faveur de la formation ou des infrastructures par exemple, contribuent à préparer les pays en développement à l’ouverture des marchés. À cet égard, ce qui s’est passé ces dernières années en Tunisie est particulièrement intéressant et reconnu comme tel par les différents pays d’Afrique qui négocient en ce moment des accords de partenariat économique.

En ce qui concerne les programmes incitatifs régionaux, qui retracent les aides au commerce régional, nous sommes subordonnés à l’avancée des discussions sur les APE. Elles sont en cours tant à Bruxelles que localement, dans les pays africains concernés.

Assurément, les fonds vautours sont un vrai problème. Ils rachètent à prix cassé des créances sur les pays pauvres et cherchent à en obtenir le remboursement à 100 % devant des tribunaux. Le Club de Paris est mobilisé mais ces fonds s’appuient malheureusement sur une base légale : tout créancier peut demander à un juge le remboursement de sa créance auprès d’un débiteur défaillant. Nous travaillons dans deux directions. Premièrement, en amont, pour éviter les cessions de créances à de tels fonds. La France les interdit, et elle souhaiterait que les autres en fassent autant. En fait, les problèmes viennent surtout des créanciers non membres du Club ou des créanciers privés. Deuxièmement, en aval, en aidant les pays pauvres très endettés à se défendre devant la justice. Nous avons ainsi décidé de financer la création d’une facilité d’aide juridique à la Banque africaine de développement.

Madame Martinez, vous vous êtes inquiétée de l’efficacité des mécanismes financiers de co-développement. La convention de commercialisation du livret d’épargne codéveloppement par les réseaux bancaires a été signée avec les Caisses d’épargne en septembre 2007 et avec l’Union tunisienne des banques le 17 juillet 2008. Il s’agit d’un produit entièrement nouveau et il n’y a pas lieu d’être inquiet même si les débuts sont un peu timides. Si des améliorations se révélaient nécessaires, nous travaillerions aussi bien avec les réseaux distributeurs qu’avec tous ceux susceptibles d’apporter des idées.

Nous ignorons la date exacte de l’annulation de la dette de la Côte-d’Ivoire et celle de la RDC, mais nos prévisions se calent sur celles du FMI. Il aurait été inconvenant d’afficher un pessimisme excessif. Selon le FMI, l’accord est probable pour la Côte-d’Ivoire, et possible pour la République Démocratique du Congo. L’issue demeure certes aléatoire, mais on ne peut pas faire autrement que de s’aligner sur le FMI.

*

A l’issue de l’audition de M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, de M. Alain Joyandet, secrétaire d’Etat chargé de la coopération et de la francophonie et de Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’Etat chargée du commerce extérieur, (voir compte rendu de la commission élargie du 6 novembre 2008 à neuf heures), la commission des affaires étrangères examine pour avis, sur le rapport de Mme Henriette Martinez, les crédits des programmes « Aide publique au développement ».

Article 35 : Etat B – Mission « Aide publique au développement »

Mme Henriette Martinez propose à la Commission l’adoption d’un amendement.

Mme Henriette Martinez. Le présent amendement a pour objet de demander au gouvernement de transférer de la mission « Aide au développement » à la mission « Ecologie, développement et aménagement durable » des crédits qu’il a inscrits au programme 110 (« action : aide économique et financière multilatérale »), alors qu’ils correspondent à la participation de la France à différents Fonds de sécurité nucléaire. Il s’agit de trois fonds auxquels la France est contributrice depuis plusieurs années, mais dont l’objet ne correspond en rien à l’aide au développement.

Le premier - Northern Dimension Environmental Partnership (NDEP) - pour lequel le PLF prévoit 9.5 M€ de CP - a pour objet de conduire des opérations de dépollution en Russie, portant notamment sur le démantèlement de sous-marins nucléaires en Mer de Barentz.

Les deux autres fonds, sont gérés par la BERD, et ils portent, l’un, sur la construction d’un second sarcophage sur le site de Tchernobyl, l’autre, sur des traitements de combustibles et de déchets, notamment à Tchernobyl. Le PLF prévoit d’affecter au Fonds du sarcophage de Tchernobyl (Tchernobyl Shelter Fund - CSF), 10.7 M€ d'AE et 5 M€ de CP. Il est prévu pour le Compte pour la sûreté nucléaire, 4 M€ de CP.

Sans nier l’intérêt pour la France de participer à ces activités et de contribuer à ces fonds, leur inscription au programme 110 dans le projet de loi de finances à charge de la mission « aide publique au développement » ne se justifie pas.

Suivant les conclusions de la rapporteure pour avis, l’amendement est adopté à l’unanimité (amendement n° II-298).

Après l’article 59 : « Rapports d’activité de la Banque mondiale et du FMI »

Mme Henriette Martinez. Je propose l’insertion d’un article additionnel, tendant à modifier la date à laquelle le Gouvernement doit déposer au Parlement le rapport annuel présentant l’activité du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale au cours de leur dernier exercice budgétaire. Ce rapport, instauré par l’article 44 de la loi de finances rectificative pour 1998, prévoit que l’information du Parlement porte également sur les décisions adoptées par les instances dirigeantes du FMI, sur les positions défendues par la France au sein de ces instances dirigeantes et sur l’ensemble des opérations financières réalisées entre la France et le FMI, d’une part, et entre la France et la Banque mondiale, d’autre part.

Il s’agit d’une précieuse source d’information pour les commissions parlementaires chargées des finances et des affaires étrangères, à la fois pour suivre l’action de la diplomatie française dans ces deux enceintes multilatérales et pour contrôler l’emploi des quotes-parts qui leur sont versées par la France, dans un contexte où le manque d’information du Parlement est régulièrement dénoncé.

L’article 44 de la loi de finances rectificative pour 1998 a fixé cette date au 30 juin de chaque année, ce qui n’est pas réaliste dans la mesure où elle correspond à la date de clôture de l’exercice de la Banque mondiale.

Je propose que la commission des affaires étrangères adopte la date du 15 septembre et que le rapport soit transmis directement aux parlementaires intéressés.

Suivant les conclusions de la rapporteure pour avis, l’amendement est adopté à l’unanimité (amendement n° II-310).

Après l’article 59 : « Missions du FONJEP »

Mme Henriette Martinez Je propose l’insertion d’un article additionnel, tendant à modifier l’article 19 de la loi n° 2006-586 du 23 mai 2006 relative au volontariat associatif et à l'engagement éducatif.

En effet, le Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire assure depuis sa création une mission de service public de cogestion administrative et financière, notamment au soutien à l’emploi dans le secteur associatif, de près de 80 M€ de fonds publics et privés annuels consacrés.

Par son expérience et ses compétences en matière d’animation, de coordination et de suivi des associations, le FONJEP représente une interface reconnue entre les ONG, les ministères et les différents acteurs des programmes Jeunesse « Jeunesse et solidarité internationale » (JSI) et « Ville, vie, vacances et solidarité internationale » (VVVSI) ainsi qu’un cadre de concertation efficace entre les ministères concernés.

Sa gestion du volontariat de solidarité internationale (loi du 23 février 2005) permettait notamment à la Mission d’Appui à l’Action Internationale des ONG (MAAIONG) de se concentrer sur les échanges de fond avec les acteurs, l’orientation et les contrôles utiles, ainsi qu’à l’animation des dispositifs de chantiers de jeunes. Une nouvelle demande des associations de volontariat de solidarité internationale relayée par la MAAIONG, a permis de faire de nouvelles propositions en accord avec les services du Contrôle financier du MAEE, aux termes desquelles le recours au FONJEP serait possible pour la gestion des trois programmes : les chantiers de jeunesse JSI et VVVSI avec l’animation du secrétariat technique et le versement des subventions aux associations soutenues ; la gestion du volontariat de solidarité internationale avec le versement des aides de l’Etat et le suivi statistique et ce depuis le décret de 1984 renouvelé par le décret de 1995 ; la gestion financière de 20 Postes d’animateurs dévolus à la solidarité internationale au sein des ONG au titre de l’Education au développement (EAD).

Cette gestion interviendrait dans le cadre d’une contractualisation plus sécurisée avec la rédaction d’une « convention cadre » de financement qui a déjà fait l’objet d’une concertation et d’un accord du CBCM du MAEE. Cette disposition pour aboutir est conditionnée à la modification de l’article 19 de la loi n° 2006-586 du 23 mai 2006 relative au volontariat associatif et à l'engagement éducatif, objet de cet amendement que je vous propose d’adopter.

Suivant les conclusions de la rapporteure pour avis, l’amendement est adopté (amendement n° II-303).

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « aide publique au développement » pour 2009.

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Amendements présentés par Mme Henriette Martinez, rapporteure pour avis :

Article 35

État B

Mission « Aide publique au développement»

I. – Modifier ainsi les autorisations d'engagement :

(en euros)

Programmes

+

-

Aide économique et financière au développement

0

10 700 000

Solidarité à l'égard des pays en développement

Dont titre 2

0

0

0

0

Développement solidaire et migrations

0

0

TOTAUX

0

10 700 000

SOLDE

-10 700 000

II. – Modifier ainsi les crédits de paiement :

(en euros)

Programmes

+

-

Aide économique et financière au développement

0

18 500 000

Solidarité à l'égard des pays en développement

Dont titre 2

0

0

0

0

Développement solidaire et migrations

0

0

TOTAUX

0

18 500 000

SOLDE

-18 500 000

Exposé sommaire

Le présent amendement vise à demander au gouvernement de transférer de la mission « Aide au développement » à la mission « Ecologie, développement et aménagement durable » des crédits inscrits au programme 110 (« action : aide économique et financière multilatérale ») correspondant à la participation de la France aux Fonds de sécurité nucléaire suivants:

Northern Dimension Environmental Partnership (NDEP), pour 9.5 M€ de CP.

Fonds du sarcophage de Tchernobyl (Tchernobyl Shelter Fund - CSF), pour 10.7 M€ d'AE et 5 M€ de CP.

Compte pour la sûreté nucléaire, pour 4 M€ de CP.

Il s’agit de Fonds auxquels la France est contributrice depuis plusieurs années.

Le premier a pour objet de conduire des opérations de dépollution en Russie, portant notamment sur le démantèlement de sous-marins nucléaires en Mer de Barentz, auquel la France, premier contributeur avec la Commission européenne, s’est engagée à hauteur de 40M€.

Les deux autres Fonds, gérés par la BERD, portent, l’un sur la construction d’un second sarcophage sur le site de Tchernobyl, et l’autre, sur des traitements de combustibles et de déchets, notamment à Tchernobyl.

L’objet de ces fonds n’est pas en relation avec l’aide publique au développement. Leur inscription au programme 110 dans le projet de loi de finances ne se justifie donc pas.

*

Après l’article 59

Insérer la division et l'article suivant:

Aide Publique au Développement

Le premier alinéa du III de l’article 44 de la loi n° 98-1267 du 30 décembre 1998 de finances rectificative pour 1998 est ainsi rédigé :

« III.– Chaque année avant le 15 septembre, le Gouvernement remet aux commissions du Parlement chargées des finances et des affaires étrangères un rapport présentant : »

Exposé sommaire

L’article 44 de la loi de finances rectificative pour 1998 a institué un rapport annuel du Gouvernement au Parlement, présentant, en principe au 30 juin de chaque année :

– l’activité du Fonds monétaire international au cours de son dernier exercice budgétaire ;

– l’activité de la Banque mondiale au cours de son dernier exercice budgétaire ;

– les décisions adoptées par les instances dirigeantes du FMI ;

– les positions défendues par la France au sein de ces instances dirigeantes ;

– l’ensemble des opérations financières réalisées entre la France et le FMI, d’une part, et entre la France et la Banque mondiale, d’autre part.

Ce rapport est une précieuse source d’information pour les commissions du Parlement chargées des finances et des affaires étrangères, à la fois pour suivre l’action de la diplomatie française dans ces deux enceintes multilatérales et pour contrôler l’emploi des quotes-parts versées par la France au budget de ces deux institutions, dans un contexte où le manque d’information du Parlement est régulièrement dénoncé.

Le présent amendement vise à la fois à permettre une transmission directe du rapport annuel aux parlementaires intéressés et à prévoir une date de transmission plus réaliste, tenant compte en particulier de la date de clôture de l’exercice budgétaire de la Banque mondiale, le 30 juin.

*

Après l’article 59

Insérer la division et l'article suivant:

Aide Publique au Développement

« L’article 19 de la loi n° 2006-586 du 23 mai 2006 relative au volontariat associatif et à l'engagement éducatif est ainsi rédigé:

« L'État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics peuvent confier au Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire le soin de procéder au versement, pour leur compte et selon des modalités qu'ils définissent, des subventions destinées au financement de projets de solidarité internationale, à la rémunération de personnels des associations intervenant dans le domaine de la jeunesse, de l'éducation populaire, du sport, de la culture ou de la protection de l'environnement, ou concourant à l'action sociale des collectivités publiques, ainsi qu'au versement des indemnités ou cotisations relatives au volontariat de solidarité internationale aux associations ou organismes agréés dans ce cadre. Des conventions précisent les conditions dans lesquelles le Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire verse les subventions aux associations bénéficiaires désignées par la personne publique. » »

Exposé sommaire

Le FONJEP (Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire) assure depuis sa création une mission de service public de cogestion administrative et financière de près de 80 M€ de fonds publics et privés annuels consacrés notamment au soutien à l’emploi dans le secteur associatif.

Par son expérience et ses compétences en matière d’animation, de coordination et de suivi des associations, le FONJEP représente une interface reconnue entre les ONG, les ministères et les différents acteurs des programmes Jeunesse « Jeunesse et solidarité internationale » (JSI) et « Ville, vie, vacances et solidarité internationale » (VVVSI) ainsi qu’un cadre de concertation efficace entre les ministères concernés. Sa gestion du volontariat de solidarité internationale (loi du 23 février 2005) permettait notamment à la Mission d’Appui à l’Action Internationale des ONG (MAAIONG) de se concentrer sur les échanges de fond avec les acteurs, l’orientation et les contrôles utiles. Il en était de même concernant l’animation des dispositifs de chantiers de jeunes.

A la suite d’une nouvelle demande des associations de volontariat de solidarité internationale relayée par la MAAIONG, il a été possible avec les services du Contrôle financier du Ministère des Affaires Etrangères et Européennes de faire de nouvelles propositions : le recours au FONJEP serait possible pour la gestion des trois programmes :

1) les chantiers de jeunesse JSI et VVVSI avec l’animation du secrétariat technique et le versement des subventions aux associations soutenues ;

2) la gestion du volontariat de solidarité internationale avec le versement des aides de l’Etat et le suivi statistique et ce depuis le décret de 1984 renouvelé par le décret de 1995 ; 3) la gestion financière de 20 Postes d’animateurs dévolus à la solidarité internationale au sein des ONG au titre de l’Education au développement (EAD). Et cela dans le cadre d’une contractualisation plus sécurisée avec la rédaction d’une « convention cadre » de financement qui a déjà fait l’objet d’une concertation et d’un accord du CBCM du MAEE.

Cette disposition pour aboutir est conditionnée à la modification de l’article 19 de la loi n° 2006-586 du 23 mai 2006 relative au volontariat associatif et à l'engagement éducatif.

Rapport de la Cour des Comptes relatif à la Mission de coopération non gouvernementale (MCNG) devenue MAAIONG.

Dans ce rapport de 2005 concernant le recours au FONJEP, la Cour des Comptes avait soulevé trois points relatifs à la gestion des aides pour les associations de volontariat international et l’appui aux chantiers de jeunes auxquels la MCNG a apporté des correctifs validés dans le rapport définitif.

1) l’absence de plus-value dans le recours à cet organisme pour la gestion estimant que le FONJEP gérait en lieu et place du ministère, les volontaires.

Correctif MCNG : le FONJEP gérait pour le compte du ministère les aides de l’Etat aux associations agréées pour le volontariat et notamment, le suivi statistique des volontaires et les relations avec la Caisse française de l’étranger (CFE) pour la couverture sociale des volontaires, les associations assurant elles-mêmes la gestion de leurs volontaires.

2) l’absence de mise en concurrence :

Correctif MCNG : le FONJEP a été crée pour remplir une mission de service public de cogestion administrative et financière avec des coûts de gestion très faibles. Le coût pour l’appui à la gestion du volontariat représentait à l’époque une moyenne de 1,02 % par an ce qui correspondait effectivement au pourcentage communiqué à la cour des comptes de « environ 1% » ce qui justifiait l’absence de mise en concurrence.

3) l’absence de statut de comptable public

Sur recommandation du Contrôle financier du MAE, la MAAIONG a alors expérimenté plusieurs dispositifs transitoires à partir de 2006 pour gérer ces programmes, de la commande à la gestion en direct. Aucun ne s’est montré satisfaisant, ni en termes de délais de paiement aux bénéficiaires ni en termes d’efficacité dans la mise en œuvre des programmes.

ANNEXES

Annexe 1 :
Organigramme simplifié du dispositif

Annexe 2 :
Ventilation de l’APD bilatérale par objet principal

Annexe 3 :
Liste des personnes entendues par le rapporteur

Ministère des affaires étrangères et européennes

- M. Alain Joyandet, Secrétaire d’Etat à la coopération et à la francophonie

- M. Jean-Marc Châtaignier, directeur du cabinet du Secrétaire d'Etat chargé de la Coopération et de la Francophonie, directeur adjoint de cabinet du Ministre des Affaires étrangères et européennes

- Mme Valérie Jarry, conseillère technique au cabinet du Secrétaire d'Etat chargé de la Coopération et de la Francophonie.

- Mme Anne Gazeau-Secret, directrice générale de la coopération internationale et du développement (DGCID)

- M. Michel Prom, sous-directeur des politiques de développement, DGCID.

- M. Olivier Richard, chef du service des moyens et du réseau,

- M. Bertrand Fort, chargé de mission, DGCID.

Agence française du développement

- M. Jean-Michel Severino, directeur général

- Mme Odile Vaty, chef de la division « santé et protection sociale 

- M. Jean-Marc Pradelle, chargé des relations institutionnelles

Ambassade du Royaume Uni

- Mme Kate Hart, conseillère chargée, changement climatique et aide au développement

Western Union

- M. Mathias Luft, directeur régional, France, Grèce et Chypre

Caisse Nationale des caisses d’épargne

- M. Benjamin Quatre, chef du cabinet du président du groupe CNCE

ONG

- M. Henri Rouillé d’Orfeuil, président de Coordination Sud

- M. Jean Merckaert, chargé de mission Financement du développement, Comité catholique contre la faim et pour le développement

- M. Robert Toubon, Équilibres & Populations

- M. Sébastien Fourmy, Oxfam France - Agir Ici

© Assemblée nationale

1 () “Perspectives de l’alimentation, analyse des marchés mondiaux”, FAO, juin 2008, p. 62.

2 () Donald Mitchell, « A Note on Rising Food Prices », Banque mondiale, « Policy Research Working Paper », n° 4682, juillet 2008, p. 16. (Article en anglais uniquement).

3 () « Flambée des prix alimentaires et des carburants : Écarter les menaces qui pèsent sur les générations futures. » Banque mondiale, 12 octobre 2008. « La faim gagne du terrain », communiqué de presse de la FAO, Rome, 18 septembre 2008.

4 () « Objectifs du Millénaire pour le Développement », rapport 2008, ONU.

5 () Rapport sur les Objectifs du Millénaire pour le développement, ONU, 2008.

6 () Cf. « Quel bilan, à mi-parcours, de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement ? », in « Les notes du jeudi », DGCID, MAEE, Tome 3, septembre 2006 – avril 2008 ; Note de janvier 2007, p. 23.

7 () La promesse des pays industrialisés a porté sur 16 milliards de dollars.

8 () Groupe constitué du Secrétaire général de l’ONU (Président), des présidents de la Banque islamique de développement, de la Commission européenne, de la Banque africaine de développement, de la Commission de l’Union africaine et de la Banque mondiale, ainsi que des Directeurs généraux du PNUD et du FMI.

9 () Examen des politiques et programmes de la France en matière de coopération au développement. Rapport du secrétariat, 6 mai 2008, p. 24.

10 () Examen des politiques et programmes de la France en matière de coopération au développement. Rapport du secrétariat, 6 mai 2008, p. 24.

11 () Déclaration de Rome sur l’harmonisation, 25 février 2003.

12 () Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement, appropriation, harmonisation, résultats et responsabilité mutuelle, Forum à haut niveau, Paris 28 février – 2 mars 2005.

13 () Enquête 2008 de suivi de la lise en œuvre de la Déclaration de Paris. « Une aide efficace d’ici à 2010 ? Les actions à prendre. Principaux résultats et recommandations. » OCDE.

14 () Programme d’action d’Accra, 4 septembre 208.

15 () Code de conduite de l'UE sur la division du travail dans la politique de développement, introduction.

16 () Enquête 2008 de suivi de la lise en œuvre de la Déclaration de Paris. « Une aide efficace d’ici à 2010 ? Les actions à prendre. Principaux résultats et recommandations. » OCDE, p. 15.

17 () « L’agriculture au service du développement », Rapport sur le développement dans la monde 2008, Banque mondiale, P 312.

18 () Déclaration de Paris, volet « harmonisation » : « les actions des donneurs sont mieux harmonisées et plus transparentes, et permettent une plus grande efficacité collective ». (Indicateur 10).

19 () Groupe de pilotage pour la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement en Afrique, Déclaration du 14 septembre 2007.

20 () « Débats sur l’efficacité de l’aide : fondements et nouveaux enjeux. », Jacky Amprou et Lisa Chauvet, AFD, département de la recherche, 2007, 148 pages.

21 () Rapport sur le codéveloppement, Jacques Godfrain et Richard Cazenave, députés. Rapport au ministre des affaires étrangères, janvier 2007.

22 () « La France et l’aide publique au développement », Rapport du Conseil d’Analyse Economique au Premier ministre ; Daniel Cohen, Sylviane Guillaumont Jeanneney et Pierre Jacquet. La Documentation française, 2006, 355 pages.

23 () « L’agriculture au service du développement », Rapport sur le développement dans le monde 2008, Banque mondiale, P 311.

24 () « La France et l’aide publique au développement », Rapport du Conseil d’Analyse Economique au Premier ministre ; Daniel Cohen, Sylviane Guillaumont Jeanneney et Pierre Jacquet. La Documentation française, 2006, 355 pages.

25 () « La France et l’aide publique au développement », Rapport du Conseil d’Analyse Economique au Premier ministre », p. 28.

26 () Op. cit., pages 28 et 29.

27 () Ibid., p. 30.

28 () Ibid., p. 30.

29 () Organigramme simplifié du dispositif, annexe 1, p. 91.

30 () Depuis l’élaboration de ce schéma, le Conseil de modernisation des politiques publiques a décidé, en décembre 2007, la suppression du Haut Conseil à la Coopération Internationale (HCCI). Selon les informations recueillies par votre rapporteure, il devrait être remplacé par un « Conseil stratégique de la coopération internationale », plus souple et opérationnel, sans secrétariat permanent, chargé de consulter la société civile dans toutes ses composantes sur les grands axes de la politique française de coopération au développement. Aucune autre précision n’a été fournie, ni date communiquée quant à l’installation de ce conseil stratégique.

31 () Examen de l’aide, mémorandum de la France, CAD, OCDE, p. 7 et 35s.

32 () Le ministère de l’outre mer n’apparaît cependant pas dans l’organigramme communiqué au CAD.

33 () Examen des politiques et programmes de la France en matière de coopération pour le développement, rapport au secrétariat ; CAD, OCDE, 22 mai 2008, paragraphe 35, p. 22.

34 () Examen des politiques et programmes de la France en matière de coopération pour le développement, rapport au secrétariat ; CAD, OCDE, 22 mai 2008, paragraphe 32, p. 20.

35 () Examen des politiques et programmes de la France en matière de coopération pour le développement, rapport au secrétariat ; CAD, OCDE, 22 mai 2008, paragraphe 11, p. 11.

36 () Examen des politiques et programmes de la France en matière de coopération pour le développement, rapport au secrétariat ; CAD, OCDE, 22 mai 2008, p. 43.

37 () Examen de l’aide, mémorandum de la France, CAD, OCDE, p. 33.

38 () Articles R516-3 à R516-20.

39 () Consensus européen pour le développement ; point 5.3 : coordination et complémentarité, février 2006.

40 () Programme d’Accra, 4 septembre 2008, point 17.

41 () Code de conduite de l'UE sur la division du travail dans la politique de développement, conclusion.

42 () Source : Examen des politiques et programmes de la France en matière de coopération pour le développement, rapport au secrétariat ; CAD, OCDE, 22 mai 2008 ; tableau B.4, « Principaux bénéficiaires de l'APD bilatérale » p. 69.

43 () Source : Examen des politiques et programmes de la France en matière de coopération pour le développement, rapport au secrétariat ; CAD, OCDE, 22 mai 2008 ; tableau B.5, « Ventilation de l'APD bilatérale par objet principal. » p. 70. (Reproduit en annexe 2 au présent rapport, p. 62)

44 () M. Jean-Pierre Guengant, démographe, directeur de recherche à l’Institut de recherche sur le développement (IRD) ; audition devant la Mission d’Information sur la politique de la France en Afrique, Commission des affaires étrangères, Assemblée nationale, 21 mai 2008.

45 () Ibid.

46 () Source : Examen des politiques et programmes de la France en matière de coopération pour le développement, rapport au secrétariat ; CAD, OCDE, 22 mai 2008 ; tableau B.5, « Ventilation de l'APD bilatérale par objet principal. » p. 70.

47 () Examen des politiques et programmes de la France en matière de coopération pour le développement, rapport au secrétariat ; CAD, OCDE, 22 mai 2008 ; p. 24.

48 () Examen des politiques et programmes de la France en matière de coopération pour le développement, rapport au secrétariat ; CAD, OCDE, 22 mai 2008 ; tableau B.1, Apports financiers totaux, p. 66.

49 () Examen de l’aide, mémorandum de la France, CAD, OCDE, p. 17.

50 () Examen des politiques et programmes de la France en matière de coopération pour le développement, rapport au secrétariat ; CAD, OCDE, 22 mai 2008 ; p. 25.

51 () Examen des politiques et programmes de la France en matière de coopération pour le développement, rapport au secrétariat ; CAD, OCDE, 22 mai 2008 ; tableau B.5, Ventilation de l’APD bilatérale par objet principal, p. 70.

52 () Examen des politiques et programmes de la France en matière de coopération pour le développement, rapport au secrétariat ; CAD, OCDE, 22 mai 2008 ; p. 24.

53 () Examen des politiques et programmes de la France en matière de coopération pour le développement, rapport au secrétariat ; CAD, OCDE, 22 mai 2008 ; p. 24.

54 () En parallèle, le sommet réaffirmait aussi l’engagement collectif pris au sommet de Gleneagles de doubler l’APD à destination de l’Afrique, de 2004 à 2010.

55 () Projet de loi de finances 2009, aide publique au développement, p. 9.

56 () Examen des politiques et programmes de la France en matière de coopération pour le développement, rapport au secrétariat ; CAD, OCDE, 22 mai 2008 ; p. 26.

57 () Ibid.

58 () Ibid

59 () Cette action sera conduite soit avec la Banque mondiale soit avec la BafD, au terme d’un appel d’offres, dans le cadre d’un fonds fiduciaire, en collaboration avec la DGTPE.

60 () Examen des politiques et programmes de la France en matière de coopération pour le développement, rapport au secrétariat ; CAD, OCDE, 22 mai 2008 ; encadré p. 21.

61 () « Les objectifs de développement du millénaire : quels financements innovants ? » Avis du CES, présenté par MM. Jacques Lemercier et Georges de la Royère, novembre 2006.

62 () « Rapport sur le codéveloppement » réalisé par MM. les députés Jacques Godfrain et Richard Cazenave, janvier 2007, p. 34.

63 () « L’intégration économique des migrants et la valorisation de leur épargne », rapport au ministre de l’intérieur, septembre 2006.

64 () « Comment mobiliser l’épargne des migrants en faveur du codéveloppement », projet d’avis présenté au nom de la section des finances du Conseil économique et social.

65 () « Les migrants, acteurs du développement solidaire ; soutenir les initiatives des migrants en faveur du développement de leur pays d’origine. », rapport au Premier ministre, septembre 2008.

66 () « Le codéveloppement à l’essai », rapport d’information sur le codéveloppement et les relations entre politique de développement et politique de gestion des flux migratoires.

67 () C’est en 2004 que les transferts de fonds ont dépassé le volume de l’aide publique au développement : ils ont alors atteint 126 Md$ selon les estimations du FMI. (Source OCDE.)

68 () Dans certains cas particuliers comme celui des Comores, ils lui sont même supérieurs.

69 () Charles Milhaud, « L’intégration économique des migrants et la valorisation de leur épargne », rapport cité, p. 52.

70 () A l’exclusion du Liberia et du Vanuatu.

71 () Secrétariat général du Comité interministériel de contrôle de l’immigration, quatrième rapport au parlement, novembre 2007, « Les orientations de la politique de l’immigration », p.197.

72 () Rapport précité, p. 10.

73 () « Comment mobiliser l’épargne des migrants en faveur du codéveloppement ? », projet d’avis du Conseil économique et social, Mme Monique Bourven, rapporteure, 2008, p. 26. .

74 () Rapport précité, p. 89. (A noter toutefois que le PLF 2009 ne donne en revanche aucune indication chiffrée. Cf. PAP-APD, Programme 101, « Développement solidaire et migrations », dépenses fiscales principales sur impôts d’Etat, p. 139.)