Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF

N° 1202

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 octobre 2008.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES,

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2009 (n° 1127)

TOME VII

DÉFENSE

ÉQUIPEMENT DES FORCES

ESPACE, COMMUNICATIONS, DISSUASION

PAR M. Michel SAINTE-MARIE,

Député.

——

Voir le numéro : 1198 (annexe n° 10)

S O M M A I R E

_____

Pages

INTRODUCTION 5

I. —  LE RÔLE INDISPENSABLE DU SECTEUR SPATIAL 7

A. L’ACHÈVEMENT DES GRANDS PROGRAMMES EN COURS 7

1. Une exécution des crédits au cours de la LPM 2003-2008 en retrait sensible par rapport aux prévisions 7

2. Le renforcement des capacités d’imagerie satellitaire 9

3. Une cote taillée au plus juste en matière de télécommunications 10

B. LES ENJEUX DU RENOUVELLEMENT DE LA COMPOSANTE OPTIQUE ET DU DÉVELOPPEMENT DE NOUVELLES CAPACITÉS 13

1. Un dossier prioritaire : MUSIS 13

2. Développer de nouvelles capacités : le ROEM et l’alerte avancée 15

II. —  UNE ADAPTATION LIMITÉE DU FORMAT DE LA DISSUASION 17

A. LA CONFIRMATION D’UN RÔLE CENTRAL 17

B. FAIRE FACE À UN MONDE INCERTAIN 18

1. Les États dotés sont loin de renoncer à leurs armements nucléaires 19

2. Une prolifération des plus inquiétantes 22

C. L’ENTRÉE EN SERVICE PROCHAINE DES SYSTÈMES D’ARMES ISSUS D’UN LONG PROCESSUS DE MODERNISATION 24

1. Une progression importante des crédits en 2009 24

2. La réduction du format de la composante aéroportée 28

3. La poursuite d’un effort de modernisation à long terme des autres composantes 29

TRAVAUX DE LA COMMISSION 33

I. —  AUDITION DE M. HERVÉ MORIN, MINISTRE DE LA DÉFENSE 33

II. —  EXAMEN DES CRÉDITS 49

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 51

INTRODUCTION

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a conforté la dissuasion nucléaire dans son rôle de garantie ultime de la sécurité et de l’indépendance nationale. Selon ce document, elle reste en effet « l’une des conditions de notre autonomie stratégique, comme de la liberté d’appréciation, de décision et d’action du chef de l’État ». Le choix de conserver deux composantes complémentaires a limité les marges d’ajustements possibles, déjà singulièrement réduites en raison de l’état d’avancement des programmes de modernisation engagés il y a plus de dix ans. Aussi le projet de loi de finances pour 2009 traduit-il fidèlement cette grande continuité : la réduction programmée d’un tiers de la composante aéroportée n’entraîne que des économies encore limitées, qui ne sont en aucun cas suffisantes pour compenser une forte progression des crédits liée à la proximité d’échéances importantes pour la force océanique stratégique en 2010. La modernisation d’ensemble de la dissuasion n’est donc pas remise en cause, ce qui permettra à la France de conserver pour encore plus de vingt ans un outil opérationnel réduit au format strictement suffisant, mais du meilleur niveau technologique.

S’agissant de l’espace, les ambitions du Livre blanc méritent d’être saluées, tant les inquiétudes étaient grandes ces dernières années au vu, d’une part, de l’érosion progressive des budgets et, d’autre part, des incertitudes concernant le renouvellement à terme des outils actuellement en service, particulièrement en matière d’imagerie optique. À cet égard, il faut souligner que le remplacement d’Hélios II apparaît désormais en bonne voie. De plus, la volonté de renforcer les investissements en matière spatiale militaire dans le cadre de la nouvelle fonction stratégique « connaissance et anticipation » se traduit par l’annonce du développement de capacités nouvelles à moyen et à long terme. Pour autant, les crédits proposés pour 2009 traduisent également des réductions de cibles préoccupantes, tandis que leur faible niveau d’ensemble nécessitera par la suite des progressions très soutenues pour atteindre l’objectif fixé par le Livre blanc de doublement des dotations en moyenne annuelle.

Le rapporteur avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2008, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

À cette date, 31 réponses étaient parvenues, soit un taux de 100 %.

I. —  LE RÔLE INDISPENSABLE DU SECTEUR SPATIAL

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a affirmé de la manière la plus claire qui soit l’importance croissante de l’espace, qualifié à juste titre de « facteur déterminant de l’autonomie stratégique ». Il s’agit prioritairement d’assurer la relève des systèmes existants dans les domaines de l’observation et des communications, qui ont donné à la France une place singulière en Europe. Mais l’ambition spatiale s’exprime aussi au travers de l’appel au développement de nouvelles capacités, tant en matière de renseignement d’origine électromagnétique (ROEM) que d’alerte avancée. Ce volontarisme se traduit par la fixation d’un objectif budgétaire précis : « pour financer ces programmes, les crédits consacrés aux programmes spatiaux militaires, qui sont tombés à 380 millions d’euros en 2008, seront doublés en moyenne annuelle sur la période à venir », c’est-à-dire jusqu’en 2020. L’examen du projet de loi de programmation militaire 2009-2014 sera l’occasion de vérifier si les actes suivent les intentions. Au demeurant, l’analyse de l’exécution des crédits au cours de l’actuelle programmation et de ceux demandés par le projet de loi de finances pour 2009 permet de mesurer l’ampleur des besoins non satisfaits, ainsi que celle des efforts à consentir pour répondre aux lacunes.

A. L’ACHÈVEMENT DES GRANDS PROGRAMMES EN COURS

1. Une exécution des crédits au cours de la LPM 2003-2008 en retrait sensible par rapport aux prévisions

• Au cours de la période couverte par la LPM 2003-2008, la ressource disponible a en moyenne atteint 442 millions d’euros par an (hors crédits consacrés à la recherche duale, mais y compris les crédits d’études amont espace), alors qu’il était initialement prévu un montant moyen annuel de crédits de paiement sur la période de 450 millions d’euros environ. Surtout, les crédits effectivement consommés ont été bien inférieurs à ces objectifs et représentent une moyenne de 396 millions d’euros sur les cinq premières années de la période considérée. Comme l’indique le tableau ci-après, la somme de ces « encoches » représente tout de même un total de 279 millions d’euros, soit 70 % d’une annuité moyenne de crédits votés.

Évolution des crédits de paiement consommés en matière spatiale militaire

(en millions d’euros courants)

Année

2003

2004

2005

2006

2007

1er semestre 2008

Budget voté (a)

(hors BCRD) (1)

434,7

402,3

465,3

489,1

469,0

393,0

Annulations, reports et ajustements

- 37,4

- 23,6

- 41,5

26,4

48,5

- 39,5

Ressources disponibles

397,3

378,7

423,7

515,4

517,5

353,5

Budget réalisé (b)

398,9

330,4

381,2

391,4

479,3

156,4

Écarts (a - b)

35,9

71,9

84,0

97,6

- 10,3

236,6

(1) Budget civil de recherche et développement.

Source : ministère de la défense.

Les dotations initiales n’ont pas cessé de diminuer depuis 2006, et elles ont atteint un point bas dans la loi de finances pour 2008, avec un total de 393 millions d’euros. Une partie des mouvements en cours de programmation s’explique tout d’abord par les retards rencontrés dans l’exécution des programmes COSMO-SkyMed, SAR-Lupe et Pléiades, qui ont eu pour conséquence le décalage de la réalisation du segment sol d’observation (SSO). Ensuite, le report du tir du deuxième satellite Hélios II ainsi que la participation de l’Italie et de la Grèce à ce programme ont contribué à limiter les besoins en paiements. Mais une large partie des économies réalisées par rapport à la programmation initiale résulte aussi de décision de réduction des ambitions, particulièrement en ce qui concerne le système Syracuse III.

• Le projet de loi de finances pour 2009 prévoit un montant total de ressources en augmentation particulièrement significative s’agissant des autorisations d’engagement, puisqu’elles passeraient de près de 155 millions d’euros en 2008 à 592 millions d’euros en 2009 (+ 282 %). En revanche, les crédits de paiement restent encore à un niveau peu important au regard des années 2003 à 2007, avec un total de 390 millions d’euros, soit une diminution de 0,8 % par rapport à 2008. La prochaine loi de programmation débute donc avec prudence en matière spatiale, ce qui suppose ensuite une croissance particulièrement soutenue pour atteindre l’objectif précité fixé par le Livre blanc.

On notera de surcroît que l’exercice 2009 présente une particularité importante s’agissant de l’origine des ressources budgétaires. Alors que les montants cités précédemment au titre de 2008 sont constitués par les crédits figurant aux programmes 146 « Équipement des forces » et 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », une part importante des dotations prévues en 2009 repose sur le produit des redevances acquittées par les opérateurs privés pour l’utilisation des bandes de fréquences libérées par l’État. Celui-ci sera affecté au compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien », dont la création est proposée par l’article 21 du projet de loi de finances. Sur une recette totale estimée à 600 millions d’euros en 2009, 100 millions d’euros en autorisations d’engagement et 185 millions d’euros en crédits de paiement seront versés au ministère de la défense afin de contribuer au budget spatial, plus précisément au programme Syracuse III, à hauteur de 116 millions d’euros en crédits de paiement (sous-action 32 de l’action 7 du programme 146), et à d’autres opérations sur les communications, pour 68,6 millions d’euros (sous-action 35).

2. Le renforcement des capacités d’imagerie satellitaire

• Hélios II constitue un outil de reconnaissance optique unique en Europe en raison de ses performances, très supérieures à ce que peuvent apporter les satellites de la gamme commerciale, tant en termes de résolution que grâce à sa précieuse capacité infrarouge. L’indépendance qu’il offre en matière de renseignement et d’appréciation des situations en fait un instrument clé de l’autonomie stratégique.

Ce programme a été mené en coopération avec la Belgique et l’Espagne depuis 2001, avec l’Italie depuis juin 2005, et avec la Grèce depuis mars 2007. Les taux de participation des cinq pays sont désormais les suivants : 90 % pour la France et 2,5 % pour chacun des quatre partenaires précités. L’Allemagne fait également partie de la communauté Hélios par le biais d’un échange de capacités. Un accord opérationnel de fourniture d’images à l’Union européenne est en cours de discussion et devrait être signé à la fin de 2008.

Le coût d’ensemble du programme s’établit à 2,1 milliards d’euros, dont 1,9 milliard d’euros à la charge de la France.

Le premier satellite a été lancé en décembre 2004 et le tir du second, Hélios II-B, était prévu pour mars 2009. Il a été différé en raison de difficultés techniques rencontrées s’agissant du lanceur. Le ministère de la défense a en effet retenu un lanceur Ariane 5 GS, propulsé par le moteur Vulcain 1. Or, des fissures sont apparues dans la chambre de combustion de ce dernier, ce qui a conduit à le refuser en raison des risques que cette non-conformité aux spécifications fait peser sur le succès du tir. Un plan d’action dirigé par le CNES est mis en œuvre pour tenter de résoudre cette difficulté en produisant de nouvelles pièces de moteur mais, si celles-ci ne répondent pas aux attentes, un lanceur Ariane 5 ECA devra être utilisé. Il conviendra de le qualifier au préalable pour l’orbite polaire d’Hélios II. Le lancement ne doit toutefois pas prendre un retard exagéré car des problèmes d’obsolescence de certains composants du satellite, difficilement remplaçables, risqueront de se poser et de compromettre sa durée de vie en orbite. En outre, à la fin de 2008, les accords passés avec nos partenaires italiens et allemands vont atteindre leur plein régime et il conviendra de disposer rapidement des capacités suffisantes pour faire face à l’augmentation de la demande d’images.

• Pour compléter les capacités optiques par des moyens radar, deux accords ont été signés, l’un avec l’Italie (accord de Turin de 2001), l’autre avec l’Allemagne (accord de Schwerin de 2002). Ils définissent les principes d’échanges entre les systèmes radar COSMO-SkyMed et SAR-Lupe, d’une part, et le système Hélios II, d’autre part.

COSMO-SkyMed est un système formé par une constellation de quatre satellites pour l’observation du bassin méditerranéen (les deux premiers ont été lancés avec succès en 2007 et le troisième lancement est prévu pour octobre 2008). Un arrangement d’application de l’accord de Turin a été signé le 15 juin 2005 par les ministères de la défense français et italien afin de définir les engagements réciproques des deux nations. D’une part, il permettra à l’Italie de disposer de ressources complémentaires sur le système Hélios II (+ 6 %) par rapport à celles qui lui sont octroyées à hauteur de 2,5 % depuis son entrée dans le programme. D’autre part, la France bénéficiera du système italien à hauteur de 75 images par jour. L’échange de capacités n’interviendra toutefois qu’à partir du moment où l’accès au système COSMO-SkyMed sera effectif, ce qui devrait intervenir à la fin de 2008 (soit avec un an de retard sur la date prévue, l’Italie ayant rencontré des difficultés techniques).

À ce jour, le système allemand SAR-Lupe est le seul système d’imagerie radar opérationnel en Europe. Par rapport à COSMO-SkyMed, il est caractérisé par des images d’une plus haute résolution, mais avec un champ de prise de vue beaucoup moins large. Les deux approches sont donc complémentaires, comme en matière optique où les capacités duales de Pléiades compléteront la très haute résolution offerte par Hélios II. Le premier satellite de la constellation SAR-Lupe a été placé en orbite en décembre 2006. Le lancement avec succès du cinquième et dernier satellite est intervenu le 22 juillet 2008 ; le système est désormais opérationnel et a été accepté par le ministère de la défense le 8 octobre dernier. L’accord de Schwerin précité a été complété par un texte d’application signé le 16 août 2006. La coopération entre les deux pays repose sur deux principes : le financement par chacun d’entre eux des segments sols nécessaires à l’accès au système du partenaire, d’une part, et l’échange des ressources entre les moyens respectifs des deux nations dès qu’elles y ont accès, d’autre part. Cet accord permet à la France de disposer d’une capacité radar très haute résolution unique en Europe depuis le début de 2008 par échange d’images et à l’horizon 2009 par échange de capacités (4 images par jour). En contrepartie, l’Allemagne accédera à 5 % des capacités d’Hélios II.

3. Une cote taillée au plus juste en matière de télécommunications

• Depuis le lancement avec succès du second satellite Syracuse III en août 2006, nos forces disposent d’un système de télécommunications par satellites d’un bien meilleur niveau que celui offert par la génération précédente, avec des performances sensiblement accrues en termes de débit de transmission, de souplesse d’utilisation, de protection et de sécurisation. Syracuse III est d’ailleurs une des composantes d’une offre européenne retenue par l’OTAN en mai 2004 pour assurer ses communications spatiales, en association avec les systèmes du Royaume-Uni (Skynet 5) et de l’Italie (SICRAL). Le coût total du programme Syracuse III représente 2,35 milliards d’euros.

Cette réussite technique ne doit cependant pas masquer le fait que les télécommunications militaires par satellite ont fait l’objet d’une réduction sensible des cibles à atteindre s’agissant des stations sol. Ce point est particulièrement préoccupant car l’efficacité d’ensemble d’un système de communications d’un point de vue opérationnel repose avant tout sur le degré de diffusion des relais utilisables au sein des forces. Lors de l’adoption de l’étape 2 du programme Syracuse III en 2004, il avait été prévu d’augmenter de 390 à 587 le nombre de stations sol déployées entre 2006 et 2014. Comme le rapporteur l’avait relevé dans son précédent avis, en 2007 cette cible avait été réduite à 489 stations, cette mesure étant accompagnée par un étalement plus grand des commandes et des livraisons. En 2008, une nouvelle diminution des objectifs a été décidée : le nombre total de stations sol sera en définitive de 367 (dont 44 stations navales et 323 stations terrestres) et les livraisons sont encore décalées. Seules 74 stations auront été livrées de 2006 à 2008 et 140 livraisons devront intervenir après 2009. De plus, les dernières stations sol devraient être livrées en 2016, soit seulement un an seulement avant la fin de vie prévisible des satellites.

Cette mesure permet de dégager 115 millions d’euros d’économies sur l’ensemble du programme Syracuse III. Techniquement, elle se traduit par une prolongation de l’utilisation des anciennes stations Syracuse II, qui ne permettent cependant pas une exploitation optimale des capacités offertes par les nouveaux satellites. Surtout, on en arrive désormais au nombre minimum de stations sol compatible avec le contrat opérationnel et avec la capacité de la France de jouer le rôle de nation cadre dans des opérations extérieures, celui-ci se traduisant généralement par la mise à disposition des autres partenaires de la coalition de moyens de communications.

• Au cours d’un conseil de défense tenu en juillet 2005, il a été renoncé à la construction d’un troisième satellite Syracuse III. Or, celui-ci avait pour objectif de compléter les capacités des deux premiers exemplaires de manière à respecter les objectifs fixés en matière de capacités disponibles. Ce besoin a été estimé entre quinze et vingt répéteurs (1) opérationnels en orbite. Chaque satellite Syracuse III en embarque neuf. Trois d’entre eux sont loués à l’OTAN, dans le cadre de l’appel d’offre précité remporté par un consortium européen, ce qui se traduit d’ailleurs par une recette annuelle de 9 millions d’euros pour la France. La capacité est donc théoriquement ramenée à quinze répéteurs, ce qui doit être cependant nuancé par le fait qu’une partie des moyens loués profite à nos forces engagées dans des opérations de l’Alliance. Demeure malgré tout une insuffisance pour répondre à la croissance des besoins, liée à la multiplication des opérations lointaines, et pour compenser l’attrition progressive du nombre de répéteurs disponibles, prévisible à partir de 2012-2013.

C’est pour y faire face qu’a été noué un partenariat très étroit avec l’Italie autour de deux programmes.

Il s’agit tout d’abord de la réalisation d’un satellite SICRAL 2, pour lequel un accord de coopération a été signé le 11 juillet 2007. La France participe à hauteur de 117,8 millions d’euros à ce projet (38 % du coût total), ce qui lui permettra d’embarquer cinq répéteurs identiques à ceux installés sur les satellites Syracuse III. Le contrat pour la phase de réduction de risques et d’approvisionnement pour les composants à long délai de fabrication a été notifié par l’Italie en décembre 2007. Il doit être suivi en décembre 2008 par un contrat portant sur la phase de développement, de réalisation et de lancement du satellite, pour une mise en service en 2012. Au total, 26 millions d’euros ont déjà été engagés par la France au titre de la première phase, tandis que 91,8 millions d’euros doivent l’être en 2009. Le financement du projet SICRAL 2 est intégralement compris dans le devis de l’ensemble du programme Syracuse III.

En outre, une coopération complémentaire a été mise en place autour du projet Athéna-FIDUS (French Italian Dual Use Satellite). Il s’agit d’un satellite géostationnaire en bande Ka, réalisé par le CNES et l’Agence spatiale italienne, offrant une capacité de transmission multimédia très importante mais non protégée (utilisation des standards de télécommunications civils) ; il pourrait également offrir une capacité de transmissions de données avec des drones. Deux lettres d’intention ont été signées entre la France et l’Italie en 2007, complétées par une autre lettre du même type signée en décembre 2007 entre les ministères de la défense français et belge, la Belgique ayant manifesté la volonté de rejoindre le programme. La signature d’un arrangement de coopération est prévue pour octobre 2008. Le coût reste limité, en raison notamment de l’utilisation de stations sol de la gamme commerciale. Il représente 85 millions d’euros pour la France, dont 45 à la charge du ministère de la défense et 40 pour le CNES. Ce système, dont le lancement est prévu pour 2012, remplacera à terme la pratique actuelle de location de capacités commerciales.

• En matière de télécommunications, l’établissement d’un partenariat public-privé est à l’étude. Il comprendrait notamment la cession des deux satellites Syracuse III à un opérateur privé. Une solution d’externalisation avait déjà été analysée par le ministère de la défense pour pallier l’effet de l’abandon de Syracuse III-C, mais l’étude remise au ministre en mars 2007 avait conclu à l’avantage de la coopération avec l’Italie, tant du point de vue opérationnel que financier. De nouvelles propositions d’externalisation ont été présentées depuis lors, mais elles ne semblent pas avoir rempli toutes les conditions nécessaires pour être retenues. Selon les informations fournies au rapporteur, il serait désormais envisagé par le ministère de la défense de s’orienter vers ce type de solution, mais sans remettre en question la coopération franco-italienne et en définissant un cadre juridique, opérationnel et financier intéressant pour l’État. Au demeurant, compte tenu de la complexité d’un tel dossier, il n’aurait pas été possible de disposer de la recette correspondant à la vente des deux satellites dès 2009. Des travaux seront engagés l’année prochaine pour préparer les décisions sur ce sujet ainsi que la mise en concurrence des différents industriels intéressés par cette opération. Il conviendrait sans doute d’associer nos partenaires italiens à cette réflexion préliminaire, une solution commune portant sur l’ensemble des moyens de télécommunications militaires des deux pays pouvant s’avérer intéressante, même s’il ne faut pas en masquer la complexité potentielle.

B. LES ENJEUX DU RENOUVELLEMENT DE LA COMPOSANTE OPTIQUE ET DU DÉVELOPPEMENT DE NOUVELLES CAPACITÉS

1. Un dossier prioritaire : MUSIS

• Le projet MUSIS (Multinational Spacebased Imaging System for surveillance, reconnaissance and observation) a pour objet le remplacement des systèmes spatiaux d’observation optique Hélios II, à l’horizon 2015, et radar italiens et allemands, à partir de 2017. Initialement, des projets de coopération très étroite avaient été envisagés pour la réalisation des différentes composantes du futur système. Toutefois, les échéances de remplacement des matériels étaient très différentes selon les pays, les systèmes radar entrant à peine en service en 2008-2009 ; de plus, s’agissant de domaines éminemment sensibles, la volonté de conserver un degré important de confidentialité s’est manifestée de différentes manières. Les ambitions de réalisation en commun ont été de fait progressivement réduites et concernent désormais principalement le segment sol utilisateur.

Les six pays de la communauté Hélios ont signé en décembre 2006 un arrangement technique afin de mener en coopération les études préparatoires. Il couvre principalement les activités suivantes : la rédaction de documents de besoin opérationnel commun, la réalisation d’études d’architecture système (confiées à la DGA comme agence contractante et achevées en octobre 2007) et, enfin, celle d’études d’architecture du segment sol utilisateur. Ces dernières ont démarré en mars 2008 et doivent se terminer en novembre de la même année.

Les principaux axes d’efforts définis dans le besoin opérationnel commun concernent :

- la garantie d’un accès fédéré des nations participantes à l’ensemble des capteurs d’imagerie spatiale ;

- l’amélioration des performances des capteurs (qualité et nombre d’images sur une zone de crise améliorés par rapport à la génération actuelle) ;

- la diffusion des données obtenues au plus près de l’utilisateur et dans des délais optimisés ;

- la fourniture de données compatibles avec les besoins des futurs systèmes utilisateur (modèles de cibles, acquisitions stéréo permettant de produire les modèles en trois dimensions pour le combat urbain).

Un consensus a été obtenu au début de 2008 entre les différents États intéressés pour que l’Allemagne et l’Italie développent leurs futures capacités radar, tandis que la France prendra le leadership de la réalisation de la composante spatiale optique (CSO). Les composantes italiennes et françaises sont ouvertes à la coopération.

Les études réalisées par le CNES et la DGA au stade de préparation ont montré que le lancement dès la mi-2008 de travaux de conception de la CSO était indispensable pour minimiser le risque de rupture capacitaire à la fin de vie du système Hélios, c’est-à-dire pour maintenir la faisabilité du premier tir d’un satellite optique à l’horizon 2015. Aussi la France a-t-elle proposé à ses partenaires de lancer une étude d’anticipation de la conception de cette composante mi-2008, pour une durée de six mois, avant la signature en 2009 d’un Memorandum of Understanding (MoU) couvrant l’ensemble des travaux de conception. Le principe d’une telle étude a été accepté par les partenaires et le MoU est en cours de négociation avec la Belgique, la Grèce et l’Espagne, pour la réalisation en commun de cette composante. Avant le passage au stade de conception, le financement de l’opération MUSIS par le ministère de la défense représentera 29 millions d’euros. Il n’y a donc plus à ce stade d’inquiétude majeure sur la capacité à respecter le calendrier de remplacement d’Hélios II, même si les délais de réalisation restent contraints pour un programme de ce niveau d’ambition technologique.

L’architecture générale du système MUSIS n’est pas encore définitivement arrêtée, mais dès à présent deux options se présentent. La première comprend trois satellites pour la CSO et six satellites radar, pour un coût de 1,8 milliard d’euros. Cela représente environ la moitié du prix des systèmes actuels et une multiplication par dix des performances. Une version moins ambitieuse pourrait être retenue, avec deux satellites optique et moins de satellites radar, pour un coût ramené à 1,5 milliard d’euros.

• L’une des inconnues du programme réside désormais dans le degré d’implication qui sera finalement dévolu à l’Agence européenne de défense (AED). Les travaux précités du premier semestre 2008 ont permis également de progresser sur cette question. Les pays partenaires ont ainsi accepté de confier à l’AED les tâches suivantes :

- liaison avec les projets de la Commission européenne en matière de recherche et technologie (R&T) et de politique européenne de sécurité et de défense ;

- information des pays MUSIS concernant les projets ISTAR (Intelligence, Surveillance, Target Acquisition and Reconnaissance) conduits par l’AED ;

- promotion de standards qui pourraient être issus des travaux sur la partie commune ;

- identification des pays membres susceptibles d’être intéressés pour rejoindre le projet (on notera à cet égard qu’à l’occasion des discussions au sein de l’AED sur le projet MUSIS, la Pologne a manifesté de l’intérêt pour ce dernier).

Le transfert à l’AED en tant que projet de catégorie B, c’est-à-dire sur la base du volontariat des États intéressés, a été accepté par tous les pays. Un échange de lettres doit être effectué dans les mois qui viennent pour convenir officiellement du rôle confié à l’AED dans le projet. Des incertitudes persistent cependant à cet égard en raison de la revue de programme engagée récemment par l’Italie, qui l’a conduit à repousser au printemps prochain un certain nombre de décisions, tandis que l’Allemagne est apparue récemment réticente envers l’intervention de l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement. L’objectif reste toutefois de traduire la décision de principe au travers de la signature d’une lettre d’intention durant la présidence française de l’Union européenne.

2. Développer de nouvelles capacités : le ROEM et l’alerte avancée

• S’agissant du ROEM, la LPM 2003-2008 avait préparé l’avenir au travers des deux démonstrateurs technologiques ESSAIM et ELISA. Le premier a été lancé en 2004. Il permet d’étudier l’interception d’émissions dans les bandes basses (essentiellement par des émetteurs de communication et certains radars). La phase d’exploitation se poursuit avec l’ensemble des services intéressés. Cette première opération est complétée en matière de détection des radars par le démonstrateur ELISA (Electronic Intelligence Satellite), dont le lancement est envisagé pour 2010. Prévu pour une durée de vie de trois ans, il permettra de valider les solutions techniques retenues pour le recueil de données sur les émissions en hautes fréquences (radars). Le coût de 110 millions d’euros est supporté à hauteur de 60 millions par le ministère de la défense et de 50 millions d’euros par le CNES.

Conformément aux orientations du Livre blanc, il a été décidé de se doter d’une véritable capacité ROEM spatiale (CERES). Un objectif d’état-major (OEM) a été approuvé par le comité d’architecture des systèmes de forces en avril 2007. Il s’agit de disposer à l’horizon 2016 d’une capacité opérationnelle d’écoute spatiale, unique en Europe. Le stade de conception devrait être lancé à la fin de 2009 et durer jusqu’au début de 2012. La phase de préparation est l’occasion de la recherche de partenariats européens. Outre le partage de la charge budgétaire, l’intérêt d’une coopération sur un tel système spatial de collecte du renseignement repose sur le partage aisé de la totalité des données brutes, chaque pays pouvant rester autonome sur leur traitement et sur les zones géographiques exploitées. Il s’agit toutefois d’un domaine du renseignement extrêmement sensible, ce qui explique largement le faible écho rencontré à ce jour par les propositions françaises, à l’exception de manifestations d’intérêt par la Grèce et la Suède.

À ce stade, les caractéristiques techniques du projet CERES ne sont pas définitivement arrêtées et deux hypothèses restent envisagées. La première repose sur la satisfaction de l’ensemble des exigences de l’OEM, avec un système d’une durée de vie de dix ans. Le coût d’acquisition serait de 450 millions d’euros, à compléter par un coût annuel de maintien en condition opérationnelle et de maintien à poste de 17 millions d’euros. La seconde hypothèse est moins ambitieuse et vise à répondre aux exigences fondamentales formulées dans l’OEM, la durée d’utilisation étant pour sa part ramenée à sept ans. Dans ce cas, le coût d’acquisition est évalué à 350 millions d’euros, tandis que les coûts annuels précités seraient de 11 millions d’euros.

• En matière d’alerte avancée, l’effort s’inscrit dans une perspective de plus long terme. Le Livre blanc a jugé nécessaire la mise en place « d’une capacité de détection et d’alerte avancée intéropérable avec les moyens de nos alliés. Cette capacité permettra de suivre l’évolution des menaces balistiques, de déterminer l’origine des tirs afin d’identifier l’auteur de l’attaque et de favoriser l’alerte des populations. ». Les objectifs en la matière sont constitués tout d’abord par le développement d’un démonstrateur radar à très longue portée débouchant sur une première capacité opérationnelle en 2015. Dans le même temps devront être poursuivies les études permettant de lancer, éventuellement en coopération, un programme de détection et d’alerte spatiale opérationnel en 2020.

S’agissant du projet de budget pour 2009, on peut noter la poursuite des efforts de recherche destinés à disposer de « briques » technologiques d’un niveau déjà suffisant pour engager éventuellement par la suite de véritables programmes spatiaux d’alerte avancée. Tel est l’objectif poursuivi par le démonstrateur Spirale, constitué par deux microsatellites qui devraient être mis en orbite à la fin de 2008 ou au début de 2009. Il représente un coût total de 124 millions d’euros et permettra de réaliser des images des fonds de terre, préalable indispensable à l’identification des lancements de missiles balistiques. La durée de la campagne d’acquisition des données en orbite est de douze mois et la phase d’exploitation de celles-ci durera six mois de plus. Les résultats obtenus permettront notamment de déterminer l’ampleur des travaux complémentaires à réaliser pour passer à l’étape d’un programme opérationnel. Les technologies requises en ce domaine sont en effet très pointues, tout particulièrement en ce qui concerne l’élimination des fausses alertes.

L’ensemble des programmes concernant l’alerte avancée doit contribuer à l’autonomie française, voire à terme européenne, d’appréciation des situations ainsi qu’à la crédibilité de la dissuasion.

II. —  UNE ADAPTATION LIMITÉE DU FORMAT DE LA DISSUASION

Lors de son audition par la commission de la défense le 16 avril 2008, M. Jean-Claude Mallet a souligné que la commission chargée d’élaborer le Livre blanc avait « débattu […] de toutes les options, y compris celle d’une défense française sans dissuasion, ou à une seule composante » avant d’arriver à un consensus. L’analyse des menaces de plus en plus diverses et de l’apport considérable de la dissuasion, tant en termes de sécurité que de poids politique, ont conduit à privilégier une grande continuité dans ce domaine. On ajoutera que l’état d’avancement des principaux programmes de modernisation des deux composantes, mais aussi leur grande cohérence, rendait assez illusoires les recherches d’économies substantielles, sauf à accepter de tomber sous un seuil en deçà duquel la crédibilité d’ensemble risquait d’être profondément affectée.

A. LA CONFIRMATION D’UN RÔLE CENTRAL

Le 21 mars 2008, alors que les travaux d’élaboration du Livre blanc étaient en cours, le Président de la République a prononcé à Cherbourg un discours fixant l’ensemble de la politique de dissuasion, confirmant les grands traits de la doctrine et annonçant une adaptation du format des forces nucléaires.

Le constat d’un monde sans doute moins dangereux que durant la guerre froide, mais caractérisé par une multiplication des menaces et par une plus grande incertitude est de nouveau effectué. Il s’appuie sur la persistance d’arsenaux nucléaires considérables et sur la prolifération d’armes de destruction massive, ainsi que de leurs vecteurs. Le rôle de notre dissuasion reste strictement défensif. La stratégie de non emploi est confirmée, seules « des circonstances extrêmes de légitime défense » pouvant autoriser l’usage de cette arme qui reste la garantie ultime «  de notre indépendance nationale et de notre autonomie de décision ». Elle nous protège de « toute agression d’origine étatique contre nos intérêts vitaux – d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit la forme ». Les termes retenus pour décrire la riposte potentielle sont extrêmement proches de ceux utilisés dans le discours prononcé par le Président Jacques Chirac devant l’Institut des hautes études de la défense nationale, le 8 juin 2001. Ainsi, « tous ceux qui menaceraient de s’en prendre à nos intérêts vitaux s’exposeraient à une riposte sévère de la France, entraînant des dommages inacceptables pour eux, hors de proportion avec leurs objectifs. Ce seraient alors en priorité les centres de pouvoir politique, économique et militaire qui seraient visés. » Par ailleurs, il est bien précisé que pour « rétablir la dissuasion » si d’aventure un adversaire se méprenait « sur la délimitation de nos intérêts vitaux, ou sur notre détermination à les sauvegarder […] il serait alors possible de procéder à un avertissement nucléaire ».

Si le discours ne comprend donc que des infléchissements fort limités en matière de doctrine, avec notamment le retour à un plus grand flou dans la définition des intérêts vitaux, il comprend en revanche l’annonce de décisions importantes sur la dimension et la composition de notre arsenal nucléaire.

S’agissant de ce dernier point, le Président de la République a déclaré avoir « la conviction qu’il est indispensable de maintenir deux composantes nucléaires, une océanique et une aéroportée. En effet, leurs caractéristiques respectives, notamment en termes de portée et de précision, les rendent complémentaires. Pour faire face à toute surprise, le chef de l’État doit pouvoir compter sur elles en permanence. ». Cet arbitrage a tranché le débat sur la suppression éventuelle de la composante aéroportée. En conséquence, la modernisation des outils des deux composantes de la dissuasion se poursuivra.

Pour autant, face à l’évolution du contexte stratégique et dans le respect du principe de stricte suffisance, fortement réaffirmé, il a aussi été annoncé que la France procéderait à une nouvelle mesure de désarmement nucléaire unilatéral : « pour la composante aéroportée, le nombre d’armes nucléaires, de missiles, et d’avions sera réduit d’un tiers » ; de ce fait, « notre arsenal comprendra moins de 300 têtes nucléaires. C’est la moitié du nombre maximum de têtes que nous ayons eu durant la guerre froide. ».

Enfin, l’invitation de nos partenaires européens « à un dialogue ouvert sur le rôle de la dissuasion et sa contribution à notre sécurité commune » est réitérée, de même qu’est affirmé une nouvelle fois le fait que « s’agissant de l’Europe […], les forces nucléaires françaises, par leur seule existence, sont un élément clef de sa sécurité ». On sait que les précédentes tentatives de discussions politiques sur ce point avec nos principaux partenaires s’étaient malheureusement heurtées à une fin de non-recevoir.

Une fois ces décisions annoncées par le chef de l’État, il ne restait de fait plus au Livre blanc qu’à en décliner les conséquences techniques et à procéder au rappel des caractéristiques des programmes de modernisation de nos forces, déjà très largement avancés.

B. FAIRE FACE À UN MONDE INCERTAIN

À la suite de l’effondrement du bloc soviétique et des attentats du 11 septembre 2001, il a souvent été à la mode d’estimer que la menace avait radicalement changé. Le poids des rivalités entre États était supposé s’être affaibli de manière durable, sinon irrémédiable, tandis le seul défi réel était désormais constitué par la lutte contre le terrorisme. Les événements ont malheureusement démenti cette vision un peu trop optimiste. Comme l’a relevé le Livre blanc, les nouvelles menaces s’ajoutent à des risques plus anciens et rendent la situation plus imprévisible. Certes, les tensions entre États ne sont plus du même niveau que celui prévalant du temps de la guerre froide, mais il serait illusoire d’en déduire qu’une de leurs conséquences, le fait nucléaire, est déclinante. Bien au contraire, on assiste à un double phénomène de modernisation en profondeur des arsenaux des grandes puissances et de prolifération préoccupante.

1. Les États dotés sont loin de renoncer à leurs armements nucléaires

L’article premier du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) de 1968 donne un statut particulier aux cinq États disposant de l’arme nucléaire à la date de signature du traité, dits « dotés » ; outre la France, il s’agit des États-Unis, du Royaume-Uni, de la Russie et de la Chine. Tous ont entamé un renouvellement en profondeur de leurs forces, destiné à maintenir leur capacité nucléaire bien en avant au cours du XXIe siècle, et l’un d’entre eux procède même à un accroissement sensible de la taille de son arsenal.

• Nos alliés poursuivent des programmes de modernisation, tout en diminuant la taille de leurs arsenaux.

C’est le cas tout d’abord du Royaume-Uni, avec l’adoption d’un Livre blanc en décembre 2006 et le vote par le Parlement en mars 2007 du lancement d’un nouveau programme de sous-marins lanceurs d’engins (SNLE). Le renouvellement de l’unique composante de la force de dissuasion nucléaire britannique lui permettra de rester opérationnelle au moins jusqu’à l’horizon 2042, date à laquelle de nouveaux vecteurs devront probablement remplacer les missiles Trident II D5, qui font l’objet d’un programme de prolongation de leur durée de vie. Par ailleurs, il a été annoncé que le nombre de têtes « opérationnelles disponibles » serait ramené de 200 à 160 d’ici à 2020.

Les États-Unis ont réaffirmé à de nombreuses reprises la nécessité de maintenir une force de dissuasion crédible. Le dernier document officiel en date sur le sujet (2) souligne qu’une telle force demeure fondamentale : d’une part, l’environnement international reste dangereux et imprévisible ; d’autre part, les armes nucléaires continuent à jouer un rôle unique dans la préservation de la sécurité nationale et, même si elles ne sont pas adaptées à l’ensemble des défis du XXIe siècle, elles restent un élément essentiel de la stratégie moderne.

Les États-Unis continuent de fait à disposer d’un arsenal nucléaire opérationnel considérable. Selon les sources ouvertes disponibles (3), ils détiennent encore 5 400 têtes, dont environ 4 075 opérationnelles (3 575 stratégiques et 500 tactiques) et 1 260 têtes maintenues en réserve. De l’ordre de 5 150 têtes ont été retirées des inventaires en vue de leur démantèlement, à la suite de la décision annoncée en décembre 2007 de réduire de près de 50 % le total du stock disponible. À l’horizon 2012, l’arsenal américain devrait comprendre 4 500 têtes nucléaires, dont un maximum de 2 200 déployées, conformément au traité de Moscou du 24 mai 2002.

Ce processus de baisse du volume d’armes déployées repose avant tout sur une réduction de la composante balistique terrestre. Le nombre de têtes sur les missiles intercontinentaux est passé de 1 600 en 2003 à 764 actuellement, avec un objectif de 450 missiles Minuteman III emportant 500 têtes à l’horizon 2012. Un programme de modernisation de ces vecteurs est par ailleurs en cours. L’essentiel de la force de dissuasion américaine continue de reposer sur la composante océanique, avec plus de 1 800 têtes destinées aux 288 missiles Trident II D5. Le nombre de SNLE de la classe Ohio chargés de missions de dissuasion devrait rester stable, avec 14 bâtiments. On notera que la marine a lancé des études pour le développement d’une nouvelle classe de sous-marins lanceurs d’engins (SSBN-X). Il convient également de relever que, depuis 2002, la marine américaine a transféré cinq de ses SNLE de l’Atlantique vers le Pacifique ; les patrouilles de dissuasion dans ce dernier océan représentent désormais plus de 60 % de l’activité opérationnelle, contre 15 % dans les années 1980, ce qui témoigne amplement des inquiétudes liées à la montée en puissance de la Chine.

L’un des problèmes les plus aigus auxquels doivent faire face les États-Unis est le vieillissement des armes nucléaires elles-mêmes. Un vaste programme d’extension de leur durée de vie a été engagé afin de garantir le bon fonctionnement des têtes en service, conçues à une époque où le recours fréquent aux essais permettait des tolérances techniques très réduites. En 2007, les États-Unis ont repris la fabrication de cœurs en plutonium pour remplacer ceux de certaines de leurs armes vieillissantes, ce qui n’était pas arrivé depuis 1992. Mais c’est avant tout le vaste programme de remplacement des têtes nucléaires, dit RRW (Reliable Replacement Weapons), qui doit assurer à long terme la pérennité de l’arsenal de dissuasion américain, à condition que le Congrès donne son accord. Dans ce cas, les nouvelles têtes, conçues avec des tolérances de fonctionnement beaucoup plus grandes que celles des modèles actuels (4), pourraient commencer à équiper les missiles Trident dès 2014.

• La Russie continue elle aussi à diminuer la taille de son arsenal nucléaire, mais la dissuasion reste un élément central de sa politique de défense et les programmes d’armement en cours visent à en renouveler l’ensemble des composantes.

Malgré une réduction de 1 000 armes en 2007, elle reste la principale puissance nucléaire dans le monde, avec un arsenal estimé à près de 14 000 têtes, dont environ 5 200 opérationnelles et 8 800 stockées ou en attente de démantèlement. Parmi les armes non déployées figure un nombre considérable d’engins tactiques, les armes stratégiques opérationnelles s’élevant pour leur part à plus de 3 100. À l’horizon 2015, l’arsenal nucléaire stratégique russe pourrait comporter 2 500 têtes.

À la différence des États-Unis, la force de dissuasion russe continue à s’appuyer principalement sur la composante balistique terrestre, les forces sous-marines étant nettement moins développées et, surtout, d’un niveau opérationnel relativement limité. Toutes deux sont en cours de modernisation. S’agissant des missiles sol-sol, ce processus repose sur la poursuite du déploiement du Topol-M dans sa version lancée de silos, qui devrait s’achever en 2010 avec un total de 50 exemplaires. La mise en service d’une version mobile a débuté, avec six missiles déployés sur un total de 34 prévus à l’horizon 2015. À partir de 2009 les deux versions de ce missile devraient être progressivement « mirvées » (5). Les nouvelles charges utiles en cours de développement à cet effet seraient capables de pénétrer les défenses antimissiles les plus modernes. Des études seraient également en cours pour le déploiement d’un nouveau vecteur plus performant à partir de 2017. La composante sous-marine est numériquement moins importante, avec 39 % environ du potentiel de la composante terrestre. De surcroît, il semblerait que la marine russe n’assure pas une présence à la mer permanente de ses SNLE : le nombre de patrouilles aurait été ramené de cinq en 2006 à seulement trois en 2007. Une modernisation complète est cependant en cours avec la mise en service en 2008, après dix ans de construction, du Youri Dolgorouki, premier exemplaire de la nouvelle classe Borey qui devrait comprendre à terme six unités. Chacun de ces navires sera doté à l’horizon 2012 de 16 nouveaux missiles Boulava, en cours de développement et d’une portée de 9 000 kilomètres, avec une capacité d’emport de six têtes. Il reste que cette nouvelle génération de vecteurs connaît des difficultés de mise au point, cinq des huit tirs d’essai ayant échoué.

Enfin et de manière plus générale, il convient de remarquer que la Russie maintient une infrastructure scientifique et industrielle complète lui permettant de concevoir, développer, tester et fabriquer une quantité significative d’armes chaque année.

• La Chine est un cas à part parmi les puissances nucléaires reconnues par le TNP. Dotée d’un arsenal relativement modeste, elle est le seul pays à en poursuivre l’augmentation.

L’évaluation du nombre de têtes nucléaires dont dispose la Chine reste un exercice très difficile. Ses missiles balistiques sont semble-t-il dotés à ce stade de têtes uniques, mais elle dispose des capacités technologiques nécessaires au mirvage de ses vecteurs. Dans le cas où elle installerait de tels systèmes sur ses nouveaux missiles sol-sol et mer-sol, son arsenal pourrait significativement augmenter, de même que sa capacité à saturer les défenses antimissile. En tout état de cause, les estimations actuelles tournent aux alentours de 170 têtes opérationnelles, avec un stock total allant de 240 à 450 engins selon les analyses (6).

La modernisation des capacités chinoises semble avant tout répondre à la volonté de disposer à terme d’une capacité de frappe en second. Ainsi, les nouveaux missiles intercontinentaux sol-sol DF-31 et DF-31A, dont une douzaine d’exemplaires sont déjà déployés, sont des armes bien adaptées à cette stratégie en raison de leur mobilité et de leur propulsion solide. De plus, la Chine a un programme ambitieux de croissance de sa flotte de SNLE. Celle-ci a jusqu’ici été limitée à un sous-marin de la classe Xia, qui n’a semble-t-il jamais été véritablement opérationnel et n’emporte de surcroît que des missiles de portée limitée. La nouvelle classe Jin, en cours de développement, serait beaucoup plus performante, notamment en raison de ses 12 missiles JL-2 par bâtiment, dont la portée atteindrait plus de 7 000 kilomètres. Son entrée en service pourrait intervenir à partir de 2009. Le nombre de SNLE que la Chine entend construire reste incertain, mais il serait de quatre ou cinq à terme, ce qui lui permettrait de tendre vers une permanence à la mer.

2. Une prolifération des plus inquiétantes

• L’Inde et le Pakistan sont des puissances nucléaires significatives, qui accroissent et modernisent leur dissuasion, et ce alors que l’hostilité entre les deux pays ne faiblit pas.

L’Inde est une puissance nucléaire avérée depuis l’explosion « pacifique » de mai 1974. Elle aurait depuis lors produit suffisamment de matière fissile pour fabriquer une centaine d’armes, mais son stock opérationnel serait de l’ordre de 50 à 60 têtes (7). L’Inde souhaite à terme appuyer sa force de dissuasion sur une triade de vecteurs. En plus des avions de chasse à capacité nucléaire, elle déploie d’ores et déjà une gamme de missiles balistiques sol-sol mobiles à capacité nucléaire, d’une portée allant de 150 kilomètres (Prithvi I) à plus de 2 000 kilomètres (Agni II). Elle maîtrise la technologie de la séparation entre étages et a procédé à des essais réussis de l’Agni III, dont la portée est supérieure à 3 000 kilomètres. La Defence research and development organisation a annoncé pour 2009 l’essai d’un nouveau missile balistique, l’Agni IV, de 6 000 kilomètres de portée. Enfin, elle développe une composante océanique au travers d’un prototype de SNLE, l’Advanced technology vessel, doté de douze tubes verticaux pour missiles, et qui devrait être mis à l’eau au printemps 2009. Deux autres bâtiments pourraient être construits d’ici à 2012. Afin d’armer ces navires, l’Inde a procédé en 2008 à un essai de lancement en immersion de missile K15 ; les analyses divergent toutefois sur la nature de ce vecteur, missile de croisière ou version navale d’un engin balistique.

Après avoir mené un programme nucléaire clandestin pendant de longues années, le Pakistan a démontré ses capacités en mai 1998 en conduisant plusieurs essais réussis, en réponse à ceux opérés par l’Inde quelques jours auparavant. Il disposerait actuellement d’environ 60 armes nucléaires utilisant de l’uranium enrichi. Le Pakistan dispose en outre d’un réacteur à eau lourde plutonigène en fonctionnement à Khursab et en construit un second sur le même site. Ces installations lui permettront de diversifier et d’améliorer son arsenal nucléaire. S’agissant des vecteurs, la dissuasion pakistanaise repose sur des avions de chasse F16 et sur plusieurs types de missiles balistiques sol-sol mobiles à propulsion solide, dont la portée s’étage de 400 kilomètres (Ghazvani) à plus de 2 000 kilomètres (Shaheen II). Enfin, un missile de croisière d’une portée de 500 kilomètres à capacité nucléaire a fait l’objet de plusieurs essais. Existant à la fois en version sol-sol et air-sol, il indique que les ingénieurs pakistanais auraient accompli des progrès sensibles en matière de miniaturisation des têtes.

• La République populaire et démocratique de Corée (RPDC) reste à bien des égards un acteur majeur de la prolifération. Elle disposerait encore d’un stock de plutonium de qualité militaire. L’application de l’accord de Pékin du 13 février 2007 sur le démantèlement du programme nucléaire militaire nord-coréen ne s’est pas déroulée sans heurts et est loin d’être terminée. Si la fermeture du réacteur de Yongbyon a été constatée par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) en juillet 2007, les négociations restent difficiles, comme en témoignent notamment l’expulsion des inspecteurs de l’agence fin septembre 2008 ainsi que la rupture par la RPDC des scellés posés sur les installations nucléaires.

On notera en outre que les États-Unis ont indiqué en avril 2008 que l’installation détruite en Syrie par l’aviation israélienne le 6 septembre 2007 aurait été un réacteur plutonigène, dont la construction était réalisée en coopération avec la RPDC.

Le rôle de la Corée du nord dans le phénomène de prolifération balistique est davantage connu. Elle dispose de nombreux missiles à courte et moyenne portée issus de la technologie des Scud, dont l’ultime avatar est le missile Nodong. Sa version la plus performante dispose d’une portée de 1 300 kilomètres et d’une capacité d’emport suffisante pour y adapter éventuellement une tête nucléaire. Elle a également développé les missiles de plus longue portée Taepodong, dont la première version a survolé le Japon en 1998. Le premier essai du Taepodong 2, d’une portée théorique de plus de 4 000 kilomètres, s’est traduit par un échec en 2006. La RPDC a mené une politique active de vente de missiles et de technologies balistiques au Proche et au Moyen-Orient.

• L’Iran continue pour sa part à chercher à se doter d’une large autonomie pour la production de matière fissile, principalement au travers d’un programme d’enrichissement d’uranium, resté longtemps clandestin. En juillet 2008, le Président Mahmoud Ahmadinejad a déclaré que l’Iran disposait de 5 000 à 6 000 centrifugeuses. Une partie d’entre elles sont d’un nouveau type, dit IR-2, censé être sensiblement plus performant que les 3 000 premières centrifugeuses P1. Par ailleurs, un réacteur à eau lourde, présenté comme un équipement de recherche, est en cours de construction à Arak. Il pourrait à terme permettre la production de plutonium. De fait, les sanctions prises par les Nations Unies (8) contre le régime iranien n’ont pas interrompu le programme nucléaire iranien, même si elles semblent bien avoir eu un effet sensible sur l’économie du pays.

Dans le domaine balistique, l’Iran a poursuivi le déploiement de missiles Shahab 3 au sein du corps des gardiens de la révolution. Cet engin d’une portée de 1 300 kilomètres est capable de frapper Israël et dispose d’une capacité d’emport suffisante pour se voir adapter éventuellement une tête nucléaire. L’Iran travaille également à des versions à plus longue portée de ce missile. Le 8 juillet 2008, il a largement médiatisé une campagne de plusieurs tirs simultanés. Surtout, il a procédé en août de la même année au test d’un engin nommé Safir, ou Satellite launch vehicle, qui représente une première tentative locale de maîtrise de la technologie des missiles à plusieurs étages, indispensable pour accroître significativement les portées.

Enfin, les informations diverses concernant des travaux iraniens sur la mise au point d’un corps de rentrée pouvant s’adapter à un missile afin d’emporter une tête nucléaire, ainsi que sur des explosifs classiques susceptibles d’intervenir dans le fonctionnement d’une telle arme, ont conduit l’AIEA à demander très récemment de nouvelles précisions et à visiter un certain nombre d’installations, ce qui a jusqu’à présent été refusé par l’Iran.

C. L’ENTRÉE EN SERVICE PROCHAINE DES SYSTÈMES D’ARMES ISSUS D’UN LONG PROCESSUS DE MODERNISATION

1. Une progression importante des crédits en 2009

• L’exécution de la LPM 2003-2008, s’est traduite par une augmentation sensible du coût des programmes liés à la dissuasion par rapport aux prévisions initiales. Le dépassement représente en tout 6 %, soit un surcoût net de 1,2 milliard d’euros. Ce phénomène est lié :

- aux conséquences fiscales du changement de statut de DCN en matière de taxe professionnelle et de facturation de la TVA (500 millions d’euros) ;

- aux surcoûts du programme M51 pour 500 millions d’euros (difficultés ponctuelles de développement et évolutions défavorables des indices des prix contractuels) ;

- au coût plus important que prévu des travaux d’infrastructures réalisés sur la base de l’Île Longue, pour 200 millions d’euros (adaptation au M51 et rénovation des installations pyrotechniques, nécessaire après une dizaine d’années de sous investissement) ;

- à la progression du poids du MCO de la composante aérienne, pour un montant de l’ordre de 100 millions d’euros.

En contrepartie, l’étalement du programme de simulation a permis de dégager 100 millions d’euros sur la même période.

• Les crédits d’équipement relatifs à la dissuasion s’élèvent à 21,2 % des dépenses d’investissement (titre 5) votées en 2008 et à 22,5 % en 2009. On remarquera que si l’on raisonne en crédits exécutés, le poids relatif de la dissuasion est plus important. Si l’on prend pour base l’ensemble de la mission « Défense », le total des dépenses de l’agrégat dissuasion représente 10,2 % des crédits de paiement demandés pour 2009, contre 9,1 % en 2008.

Le tableau ci-après détaille l’évolution des moyens consacrés à la dissuasion, par programme, action et sous-action.

Pour 2008, l’agrégat dissuasion représente près de 2 321 millions d’euros en autorisations d’engagement et 3 539 millions d’euros en crédits de paiement. En 2009, ces montants seront respectivement de 3 371 millions d’euros et de 3 811 millions d’euros, soit une croissance, en euros courants, de 52,5 % pour les autorisations d’engagement et de 13 % pour les crédits de paiement. S’agissant des autorisations d’engagement, il convient de remarquer que l’exercice 2008 avait constitué une année particulièrement basse. L’année 2009 correspond davantage à une situation habituelle, marquée par plusieurs contrats pluriannuels : le lancement des travaux de développement du M51.2, l’acquisition du troisième lot de M51.1, le lancement de la refonte M51 du SNLE Le Vigilant, de Ramses IV et l’achat d’un nouveau supercalculateur Tera 100. Les crédits de paiement progressent aussi, principalement sous l’effet d’une montée en puissance des fabrications de missiles M51. De manière plus générale, l’exercice 2009 est marqué par la nécessité de faire face à la « bosse » de financements résultant des décisions prises les années antérieures, notamment en 2004 lors de l’entrée en phase de production du programme M51, pour limiter les appels de crédits au cours de la LPM 2003-2008.

On notera que l’évolution des crédits en 2009 est amoindrie par le transfert à un fonds spécifique d’une partie des charges étatiques liées au démantèlement des installations de production de matière fissile, pour un montant de 66 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 57 millions d’euros en crédits de paiement.

L’organisation et le poids budgétaire de la dissuasion en 2008 et 2009

(en millions d’euros)

Programme

Action

Sous-action

Libellé

AE

CP

Évolution

LFI

PLF

LFI

PLF

en %

2008

2009

2008

2009

AE

CP

144

2

20

Prospective des systèmes de forces

2,71

2,83

2,75

2,83

4,43

2,91

Total action 2 - Prospective des systèmes de forces

2,71

2,83

2,75

2,83

4,43

2,91

4

42

Études amont nucléaire

93,21

104,25

60,36

77,00

11,85

27,57

Total action 4 - Maintien des capacités technologiques et industrielles

93,21

104,25

60,36

77,00

11,85

27,57

Total programme 144 - Environnement et prospective de la politique de défense

95,92

107,08

63,11

79,83

11,64

26,49

146

6

13

SNLE-NG

109,21

99,35

346,81

285,69

- 9,03

- 17,62

14

M51

199,45

909,54

654,00

777,64

356,02

18,91

15

Adaptation des SNLE-NG au M51

120,17

182,17

121,79

123,65

51,59

1,53

16

Mirage 2000N K3

31,86

33,29

41,01

31,38

4,49

- 23,48

17

ASMP-A

90,86

100,18

231,90

273,00

10,26

17,72

18

Simulation

460,11

544,20

448,60

527,40

18,28

17,57

19

Autres opérations

483,59

549,89

549,85

615,38

13,71

11,92

22

Soutien et mise en œuvre des forces toutes opérations

229,53

273,56

382,59

530,39

19,18

38,63

23

Crédibilité technique de la posture toutes opérations

89,45

225,43

116,80

132,47

152,03

13,42

7

28

Commander et conduire - autres opérations

0,69

0,00

3,72

0,70

- 100,00

- 81,18

8

53

Maintenir le potentiel ami et autre - autres opérations

4,43

1,00

20,96

17,12

- 77,43

- 18,32

9

59

Frapper à distance - Rafale

0,00

0,00

23,10

14,46

n.s.

- 37,40

Total programme 146 - Équipement des forces

1 819,35

2 918,61

2 941,13

3 329,28

60,42

13,20

178

1

12

Posture de dissuasion nucléaire

3,41

3,97

3,41

3,97

16,41

16,41

Total action 1 - Planification des moyens et conduite des opérations

3,41

3,97

3,41

3,97

16,41

16,41

3

49

Soutien de la force sous-marine

245,43

316,28

203,25

224,85

- 52,42

10,63

Total action 3 - Préparation des forces navales

245,43

316,28

203,25

224,85

28,87

10,63

4

62

Activité des forces aériennes stratégiques

98,22

116,78

97,69

100,04

18,90

2,41

Total action 4 - Préparation des forces aériennes

98,22

116,78

97,69

100,04

18,90

2,41

Total programme 178 - Préparation et emploi des forces

347,06

437,03

304,35

328,86

25,92

8,05

212

1

10

Direction et pilotage

3,25

3,30

3,61

3,72

1,54

3,05

Total action 1- Direction et pilotage

3,25

3,30

3,61

3,72

1,54

3,05

4

2

Infrastructure

55,33

72,99

59,23

68,97

31,92

16,44

Total action 4 - Politique immobilière

55,33

72,99

59,23

68,97

31,92

16,44

Total programme 212 - Soutien de la politique de défense

58,58

76,29

62,84

72,69

30,23

15,67

TOTAL DISSUASION NUCLÉAIRE

2 320,91

3 539,01

3 371,43

3 810,66

52,48

13,03

Source : documents budgétaires et ministère de la défense.

La quasi-totalité des activités liées à la dissuasion figure au sein de l’action 6 du programme 146 « Équipement des forces », avec cinq opérations d’armement décrites par des sous-actions (SNLE-NG, missile M51, adaptation des SNLE-NG au M51, version K3 du Mirage 2000 et missile ASMP-A) à laquelle il faut ajouter une sous-action retraçant les crédits du programme de simulation. Ces sous-actions conservent toutefois un caractère assez global qui ne permet pas d’identifier directement le coût précis de certaines opérations d’armement. Ainsi, la sous-action 14, qui regroupe les crédits affectés au missile M51 comprend également ceux destinés au développement, à la fabrication et au MCO de sa future charge utile, la tête nucléaire océanique (TNO). Une solution similaire a été retenue pour la sous-action 17 correspondant au programme ASMP-A, qui traite également de la tête nucléaire aéroportée (TNA) associée à ce vecteur. Le tableau ci-après permet de mieux individualiser le coût des principales opérations d’armement menées.

Les crédits de la dissuasion en 2008 et 2009 :
Ventilation des cr
édits d’Équipement par programme (1)

(en millions d’euros courants)

 

AE

CP

Évolution en %

 

LFI 2008

PLF 2009

LFI 2008

PLF 2009

AE

CP

M51

26,07

732,70

545,18

853,54

2 710,51

56,56

Simulation

239,55

323,43

234,75

313,30

35,02

33,46

SNLE-NG

107,60

99,41

346,81

281,98

- 7,61

- 18,69

Laser mégajoule

213,76

220,78

213,85

214,16

3,28

0,14

ASMP-A

42,45

64,31

160,38

205,87

51,50

28,36

Adaptation au M51 des SNLE-NG

118,40

182,13

121,79

123,74

53,83

1,60

TNO

166,94

115,57

169,91

115,60

- 30,77

- 31,96

RES

23,28

38,21

82,61

96,24

64,13

16,50

TNA

69,88

72,90

74,05

93,06

4,32

25,67

Infrastructure des bases aériennes

31,52

51,92

29,33

46,33

64,72

57,96

Évolution RAMSES III

10,69

12,50

49,82

34,95

16,93

- 29,85

Mirage 2000 K3 (part nucléaire)

18,21

8,96

40,18

25,92

- 50,80

- 35,49

Syderec (2)

12,55

26,26

21,94

21,54

109,24

- 1,82

Rafale (adaptation à l’ASMPA)

0,00

0,00

23,10

14,46

n.s.

- 37,40

(1) Principales acquisitions et entretien.

(2) Système de derniers recours.

Source : ministère de la défense.

2. La réduction du format de la composante aéroportée

Les programmes de renouvellement en cours des matériels de cette composante se déroulent dans de très bonnes conditions, tant du point de vue technique que budgétaire :

- la TNA vient d’être homologuée et son entrée en service reste prévue pour la fin de 2009 ;

- l’ASMP-A a subi avec succès son onzième tir d’essai en 2008, et il devrait être déployé à partir de la fin de 2009. Il reste désormais à contractualiser de nouvelles tranches de MCO ;

- le standard F3 du Rafale est qualifié et un tir de synthèse d’un ASMP-A à partir d’un Rafale a été réalisé à la fin de 2007. Les versions destinées à l’aéronavale et à l’armée de l’air seront livrées conformément au calendrier prévu.

La décision de réduire d’un tiers le nombre d’avions, de têtes et de missiles affectés à la composante aéroportée a des conséquences sur le calendrier de la transition entre les systèmes d’armes ASMP et ASMP-A, sur le volume d’équipements et d’infrastructures nécessaires, ainsi que sur les crédits à mobiliser. Cette mesure va permettre une économie évaluée à 92 millions d’euros s’agissant des programmes d’armement, principalement au titre de la réduction du nombre de missiles, mais aussi en raison de la modernisation de seulement 30 Mirage 2000N au standard K3, contre 50 initialement prévus. En outre, à partir de 2011, une économie de fonctionnement (équipages, carburant, MCO, etc.) de 56 millions d’euros par an pourra être réalisée. Jusqu’à cette date, la période de transition entre Mirage 2000N K2 et K3, ce dernier emportant l’ASMP-A, ainsi que l’arrivée progressive du Rafale, vont conduire à une augmentation ponctuelle des crédits de fonctionnement en raison de la nécessité d’augmenter le nombre d’équipages disponibles pour tenir la posture, tout en assurant leur qualification sur les nouveaux matériels. On notera que la réduction du format se traduit par une diminution du nombre de bases des forces aériennes stratégiques (FAS), qui sera ramené à trois, celles-ci étant complétées par une zone d’alerte.

Le calendrier de déploiement des nouveaux appareils est désormais le suivant : en octobre 2009 un escadron de Mirage 2000N K3 sera opérationnel ; en juillet 2010, le premier escadron de Rafale F3 sera déployé sur la base de Saint-Dizier, complété par l’arrivée en service de la version marine à la fin de la même année. Le déploiement complet des Rafale au profit de la composante aéroportée sera terminé en 2017.

En raison de sa polyvalence, cet appareil entraînera une rupture importante par rapport à la situation actuelle de grande spécialisation des missions des FAS. Tous les Rafale en service au standard F3 seront capables d’effectuer des missions nucléaires et la gestion de l’ensemble du parc aérien sera facilitée. Les équipages des FAS pourront se voir affecter des missions plus diversifiées, dont la permanence opérationnelle pour la police de l’espace aérien et l’appui aérien dans le cadre d’opérations extérieures. La mission de dissuasion demeure cependant bien particulière et suppose le maintien d’une structure de commandement et de soutien spécifique, permettant de conserver le niveau de compétence élevé nécessaire.

On relèvera que les avions ravitailleurs jouent un rôle primordial pour les forces aériennes stratégiques : ils conditionnent la capacité de projection des appareils et constituent des relais essentiels de transmissions à grande distance. Le grand âge des ravitailleurs KC135 devient à cet égard préoccupant et il est regrettable qu’aucune décision ne soit prise pour assurer leur renouvellement dans le projet de loi de finances pour 2009.

3. La poursuite d’un effort de modernisation à long terme des autres composantes

• En ce qui concerne la composante océanique, la modernisation se poursuit notamment au travers du programme phare que constitue le M51. Aucune difficulté particulière n’a été rencontrée et l’échéance la plus importante est constituée par le tir, avant la fin de l’année 2008, d’un missile à partir de la piscine réalisée au centre d’essais de lancement de missiles (CELM). Il s’agit d’un jalon technique très important, puisqu’il permettra de reproduire une bonne partie des conditions d’un tir en immersion. Deux tirs devront ensuite intervenir à partir du Terrible, l’un en 2009, l’autre en 2010.

Le programme d’essais a été optimisé pour répondre aux contraintes budgétaires et ne laisse que peu de marge de manœuvre. Les États-Unis ont pour leur part procédé à 112 tirs de missiles Trident II, dont une cinquantaine pour le développement. Toutefois, la comparaison la plus pertinente porte sur la génération précédente de missiles français M4-M45, pour laquelle 14 tirs avaient été réalisés, contre 5 au total pour le programme M51. Il convient de relever également que, depuis lors, les bureaux d’études en matière balistique ont toujours eu des plans de charge leur permettant d’entretenir leurs compétences et que les outils de simulation ont considérablement progressé.

L’exercice 2009 est caractérisé par une forte progression des crédits consacrés au programme M51, avec au total 733 millions d’euros demandés en autorisations d’engagement au titre de la sous-action 14 de l’action 6 du programme 146 (soit une multiplication par quatre et demi), et 777 millions d’euros demandés en crédits de paiement (+ 18,9 %). Ces montants importants s’expliquent par la concomitance de l’entrée dans une phase de fabrication et par le lancement du développement du M51.2, destiné à accueillir la TNO et à répondre aux exigences formulées en termes d’accroissement de la portée. Ce programme d’amélioration du M51 reste un des éléments majeurs des investissements prévus au cours de la prochaine LPM, afin de tenir la date d’entrée en service fixée en 2015.

S’agissant des SNLE, la construction du Terrible, quatrième exemplaire de la nouvelle génération, se poursuit sans problème. La divergence du réacteur a été réalisée conformément aux prévisions et les essais à la mer devraient débuter au début de 2009. À bien des égards, il s’agira d’un bâtiment nouveau : il sera le premier de la série à être directement prévu pour mettre en œuvre le M51 et ses systèmes de combat et de navigation seront d’un type plus performant. L’adaptation des trois bâtiments précédents de la série s’échelonne jusqu’en 2018, pour un montant total de 1 450 millions d’euros aux prix de 2007, et avec une dotation de 124 millions d’euros en 2009. Le devis comprend à la fois le coût des adaptations nécessaires des systèmes d’armes et, à hauteur d’un tiers environ, des opérations de maintenance normales qui auront lieu au cours des trois opérations combinées d’IPER et d’adaptation prévues.

• On peut estimer à 17 ans le temps nécessaire pour concevoir et fabriquer un nouveau système opérationnel. C’est notamment le délai retenu par le Royaume-Uni dans le cadre du programme de renouvellement des SNLE de la classe Vanguard. Si l’on prend pour point de départ la fin de vie prévisible du premier exemplaire de la classe Le Triomphant après 35 ans de service, soit 2029, il apparaît qu’une décision de lancement de programme doit intervenir en 2012. Cela suppose de réaliser dès à présent un certain nombre d’études amont sur le futur moyen océanique de dissuasion (FMOD), pour être techniquement à même de proposer dans les temps des arbitrages aux autorités politiques. De manière plus générale, les réflexions sur le renouvellement d’ensemble de la composante maritime doivent prendre en compte la nécessité d’établir un calendrier permettant d’étaler les appels de crédits, de manière à éviter des pics de dépenses qui ne seraient pas supportables pour les finances publiques et qui pourraient avoir un effet d’éviction sur les autres programmes d’équipement du ministère de la défense.

Des réflexions très ouvertes ont déjà été menées s’agissant du FMOD et ont abouti aux mêmes conclusions que les travaux britanniques similaires, c’est-à-dire qu’un sous-marin demeure la plate-forme la plus efficace pour assurer la dissuasion. Techniquement parlant, la taille des futurs bâtiments devra tenir compte de considérations de prix ainsi que du format des arsenaux de Cherbourg et des installations de l’Île Longue. S’agissant des performances du vecteur balistique devant à terme succéder au M51, elles devront naturellement prendre en considération les contraintes de taille des futurs bâtiments, tout en intégrant une progression des performances qui sera définie en adéquation avec l’évolution de la menace et des défenses antimissile. Afin de disposer des performances souhaitées, un travail important de recherche devra être réalisé en matière de propulsion solide. Avant de passer au développement d’un nouveau missile, il serait souhaitable de promouvoir une logique plus incrémentale qu’actuellement d’amélioration des performances du vecteur en service, ce qui permettrait d’entretenir les compétences. Ce dernier point est particulièrement important pour la dissuasion à long terme, à la fois parce qu’il conditionne la capacité à mener à bien des programmes technologiquement très complexes, mais aussi parce que les connaissances ainsi acquises sont indispensables pour analyser finement l’évolution des menaces potentielles. L’infrastructure scientifique et industrielle doit rester réactive afin de pouvoir répondre efficacement et rapidement à d’éventuelles évolutions stratégiques ; de ce point de vue, elle constitue un des éléments de la crédibilité de la dissuasion.

• Les transmissions constituent en quelque sorte la « troisième composante » de la dissuasion. Un effort particulier doit être réalisé dans ce domaine au cours de la période couverte par la prochaine LPM, afin de remettre à niveau les infrastructures de transmissions nucléaires de l’EMA et de moderniser les stations opérant dans le domaine des très basses fréquences. Il s’agit à la fois de répondre à un certain nombre d’impératifs opérationnels et d’entretenir la compétence très pointue et rare des industriels concernés.

• Enfin, sans revenir en détail sur les caractéristiques et les enjeux du programme de simulation, il convient de relever que, dans le cadre des réflexions précitées sur l’ajustement des programmes aux besoins réels, il est apparu qu’au regard d’un certain nombre de paramètres, parmi lesquels figurent la formation des concepteurs d’armes et le besoin de dégager des marges financières, la réalisation du laser mégajoule pouvait être décalée sans risque. En 2006, les premières expériences avaient déjà été reportées à 2012 ; au vu des dernières décisions, celles-ci auront en fait lieu en 2014.

En ce qui concerne la simulation numérique, l’exercice 2009 est caractérisé par le début du paiement de la troisième tranche d’investissement du projet Tera, dont le financement doit s’étaler jusqu’en 2011 pour un montant total identique à celui des tranches précédentes, soit 59 millions d’euros. Il est possible que l’estimation de la puissance de calcul nécessaire à l’horizon 2010 ait été sous évaluée, ce qui a conduit au lancement de travaux d’études sur une amélioration des performances de Tera 100.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. —  AUDITION DE M. HERVÉ MORIN, MINISTRE DE LA DÉFENSE

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. Hervé Morin, ministre de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2009 (n° 1127) au cours de sa réunion du mardi 7 octobre 2008.

M. le président Guy Teissier. Je remercie M. le ministre de la défense d’avoir bien voulu venir présenter à notre commission les grandes lignes du projet de loi de finances pour 2009 et de la loi de programmation de finances publiques. Il est certain que les décisions que nous allons prendre vont grandement engager nos débats sur le futur projet de loi de programmation militaire. Nous devrons veiller à une bonne articulation entre les différents textes, sachant également que le budget de la défense met en œuvre les conclusions du Livre blanc et de la révision générale des politiques publiques – RGPP.

Vous nous détaillerez notamment, monsieur le ministre, la nature des ressources exceptionnelles que vous escomptez en 2009.

Je souhaiterais également que vous nous apportiez des précisions sur l’équipement de nos troupes en Afghanistan. Comment les mesures d’urgence seront-elles financées ?

Les effectifs du ministère connaîtront en 2009 une baisse d’environ 8 250 emplois. Quelles sont les mesures d’accompagnement prévues pour ces restructurations ? Qu’envisage-t-on pour améliorer la condition des personnels civils et militaires ?

La dotation des OPEX en 2008 a été fixée à 460 millions d’euros. Or, compte tenu de nos engagements sur le terrain, elle devrait plutôt approcher les 850 millions d’euros. Comment assurera-t-on la couverture de ces besoins, sachant que les crédits sont maintenus à 510 millions d’euros en 2009 ?

Cela me ramène à une de mes interrogations : ne faut-il pas hiérarchiser notre présence sur les nombreux terrains d’opération où nous sommes engagés ? C’est en effet une source de tension dans l’armée de terre, qui est très sollicitée. Les effectifs sont mobilisés pour des durées de six mois. À la fin de l’année, les chasseurs alpins partiront en Afghanistan relever le 8e régiment parachutiste d’infanterie de marine. Tout cela est long et exigeant. Nous avons des économies à faire et nous devons mieux répartir la charge entre les différents régiments ou bataillons de l’armée de terre.

M. Hervé Morin, ministre de la défense. Je suis heureux de retrouver votre commission pour présenter un budget qui est bon, et même très bon. Ce budget est absolument conforme aux engagements pris depuis un an : réorganisation du ministère, restructuration de nos implantations, réflexions sur la mutualisation, l’interarmisation et la répartition des ressources entre soutien et forces opérationnelles, les moyens humains étant aujourd’hui consacrés pour plus de 60 % au soutien et près de 40 % aux forces opérationnelles. Nos efforts sont payés de retour puisque le projet de budget nous permettra tout à la fois de réaliser des progrès importants dans l’équipement des forces et d’améliorer la condition du personnel.

Les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » vous ont été présentés la semaine dernière par M. Jean-Marie Bockel. Je vous rappelle également que je ne présenterai pas les crédits de la gendarmerie. C’est le ministère de l’intérieur qui les gérera désormais intégralement dans le cadre de la mission « Sécurité ».

Quelques mots sur le contexte dans lequel ce budget, qui correspond à la première année de l’exécution de la loi de programmation militaire, a été préparé.

Dès mon arrivée au ministère en mai 2007, mon attention a été appelée sur le caractère insoluble de l’équation financière de la période 2009-2011 et en particulier de celle de l’année 2009 pour laquelle nous aurions dû assurer, si nous en étions restés au référentiel de fin 2006-début 2007, une dépense de 34,7 milliards d’euros, soit un saut de plus de 4 milliards.

Les prévisions tablaient, pour les dépenses d’équipement, sur une augmentation de 6 milliards d’euros en moyenne annuelle pour la période d’exécution de la loi de programmation 2009-2014. Ce n’était ni réaliste ni compatible avec l’état de nos finances publiques et nos engagements européens. Nous avons beaucoup travaillé sur cette « bosse » financière dans le cadre de la RGPP, de la revue des programmes d’armement et du Livre blanc.

Ce dernier, en définissant les moyens, les formats et les contrats opérationnels des armées, a reconfiguré nos besoins et les a hiérarchisés sur une période de douze à quinze ans. Il prévoit ainsi 377 milliards d’euros pour la période 2009-2020 tout en fixant un rythme d’accroissement des ressources de 0 % en volume jusqu’à 2011, puis de 1 % en volume à partir de 2012. Il acte en outre le financement des besoins au-delà des crédits budgétaires par des ressources exceptionnelles. Entre 2009 et 2011, la résorption de la « bosse » résiduelle représentera environ 1,7 milliard d’euros.

La réforme du ministère porte principalement sur notre dispositif d’administration et de soutien. Elle permettra d’importantes réductions d’effectifs – 54 000 au total d’ici à 2015 –qui nous donneront des marges de manœuvre supplémentaires pour financer la condition des personnels et l’équipement des forces. Ces efforts ont porté leurs fruits puisque nous serons en mesure de vous présenter dans quelques semaines un référentiel de programmation robuste. Ce référentiel présente des choix clairs, décline les priorités définies dans le cadre du Livre blanc et prévoit les financements associés.

Pour la première fois, le projet de loi de finances s’inscrit dans le cadre de la programmation de l’ensemble des dépenses de l’État sur trois ans. Il fixe donc des enveloppes pour la première moitié (2009-2011) de la loi de programmation militaire, qui portera sur la période 2009-2014.

Le projet de loi de programmation et son rapport annexé devraient être déposés sur le bureau de votre assemblée au mois de novembre afin que vous puissiez les examiner en première lecture avant Noël. L’idée est de parvenir à une adoption définitive à la fin du mois de janvier 2009. Il est important de tenir ce calendrier car le projet comporte l’ensemble des mesures de restructuration du ministère ainsi que les dispositions d’accompagnement social.

Conformément à la démarche globale que je viens de retracer, ce budget triennal respecte les engagements pris. Malgré l’état de ses finances publiques et la crise financière que nous traversons, la France ne baisse pas la garde en matière de défense. La capacité d’adaptation et de réforme dont notre ministère fait preuve permet d’optimiser les ressources budgétaires qui lui sont accordées.

La défense constitue une réelle priorité du budget de l’État. Conformément à la trajectoire financière définie par le Livre blanc, les ressources de la mission « Défense » hors pensions – étant entendu que les pensions progressent de 350 millions d’euros cette année – connaîtront une progression égale à celle de l’inflation dans la période 2009-2011. Nous tiendrons donc l’objectif du « zéro volume ». Cette trajectoire est dérogatoire à la norme appliquée aux autres ministères : compte tenu de la progression de la charge de la dette et des pensions, c’est plutôt le maintien en valeur qui est pour eux la référence voire, pour certains d’entre eux, une baisse des crédits.

L’objectif d’une croissance zéro des ressources en volume implique trois hausses successives de 500 à 600 millions d’euros en 2009, 2010 et 2011 afin de tenir compte de l’inflation. En 2009, le financement de cet accroissement sera assuré par des ressources exceptionnelles, consolidées les deux années suivantes. En 2010 et 2011, le financement sera assuré par des crédits budgétaires.

Au-delà de cette trajectoire, il nous faudra financer le pic de besoins supplémentaires –la fameuse « bosse » – pour passer de 31 milliards à 32 milliards. Comme pour les 600 millions dont je viens de parler, ce milliard supplémentaire proviendra de ressources exceptionnelles.

Les ressources totales de la mission « Défense » hors pensions augmenteront donc de 5,4 % en 2009, pour atteindre un peu plus de 32 milliards contre 30,4 milliards en 2008, à structure de budget comparable.

Les recettes exceptionnelles proviendront des cessions d’actifs immobiliers issues des redéploiements territoriaux et du regroupement des implantations de l’administration centrale sur un site unique à Balard, ainsi que des cessions de fréquences résultant du réaménagement du spectre électromagnétique au titre du dividende numérique. En effet, le passage de la télédiffusion du mode analogique au mode numérique entraînera une opération importante de réattribution des fréquences au profit notamment de la téléphonie mobile. La défense sera partie prenante et retirera des recettes des fréquences qu’elle sera amenée à céder.

Deux comptes d’affectation spéciale seront sollicités, l’un, existant, relatif aux cessions immobilières, qui recevra des produits de cessions immobilières de la défense à hauteur d’un milliard d’euros, l’autre, dont la création est prévue au projet de loi de finances pour 2009, relatif à la valorisation de la ressource spectrale à hauteur de 600 millions d’euros. Ces recettes sont sûres, plus même que le reste du budget puisque les crédits figurant dans un compte d’affectation spéciale sont reportables d’une année sur l’autre sans qu’il y ait possibilité de régulation budgétaire.

La crise n’aura pas d’incidence sur les revenus tirés de l’immobilier puisque le ministère de la défense obtiendra le milliard d’euros dès l’année 2009 : c’est une société immobilière dépendant de l’État et appuyée sur un opérateur du secteur public qui réalisera ensuite le portage des immeubles et les revendra au fur et à mesure, aux meilleures conditions du marché.

Deuxième caractéristique de ce budget : la maîtrise de la masse salariale. Pour la première fois dans l’histoire récente du ministère, celle-ci ne progressera pas en 2009. Elle diminuera même légèrement pour s’établir à 11,7 milliards d’euros contre presque 11,8 milliards d’euros en 2008, tout en permettant un effort exceptionnel en faveur de la condition des personnels civils et militaires.

8 390 emplois seront supprimés dans le périmètre du ministère, dont 8 000 pour la mission « Défense ». Compte tenu de la création de 140 emplois dans les services de renseignement, le solde net sera de 8 250 suppressions d’emplois.

Ces économies nous permettent de financer la revalorisation de la condition du personnel à hauteur de 89 millions d’euros, dont 74 millions pour les militaires et 15 millions pour les civils, au-delà des mesures générales applicables à l'ensemble de la fonction publique. En 2008, l’effort a porté sur l’ensemble des militaires du rang et sur les sergents en début de carrière, conformément au plan d’amélioration de la condition militaire arrêté par mon prédécesseur en février 2007. En 2009, l’essentiel de l’effort sera dirigé vers les sous-officiers et une partie des officiers. Je précise que les textes relatifs à la réforme des statuts particuliers des militaires ont été publiés.

Nous financerons aussi le plan d'accompagnement social des réformes à hauteur de 140 millions en 2009. Ce plan repose sur des aides au départ – pécules pour les militaires –, à la reconversion ou à la mobilité. L’effort portera principalement sur le soutien, mais aussi, accessoirement, sur l’opérationnel lorsqu’il s’agira d’accompagner la dissolution de certaines unités de blindés, d’artillerie ou de transmission, conséquence directe de la chute du mur de Berlin. Les restructurations ne toucheront pas les forces engagées sur les théâtres d’opérations extérieures.

Le processus de baisse de la masse salariale s'amplifiera dans les années à venir compte tenu des prévisions de réduction d'effectifs. Au terme de la loi de programmation, en 2014, la masse salariale du ministère sera inférieure à celle de 2008, et ce malgré le plan d’amélioration de la condition militaire et le GVT – glissement vieillesse technicité. Nous disposerons ainsi de marges de manœuvre importantes pour l’équipement des forces.

L’effort d’équipement est en effet la troisième grande caractéristique de ce budget. Nous savons tous que notre armée a besoin de renouveler la quasi-totalité de ses matériels et doit lancer de nouveaux programmes identifiés par le Livre blanc comme des priorités, par exemple en matière d’observation et de renseignement.

En 2009, cet effort atteindra 17 milliards d’euros contre 15,4 milliards en 2008, soit un bond de plus de 10 %. En outre, nous disposerons d’autorisations d’engagement pour passer 10,2 milliards d’euros de nouvelles commandes globales – 60 Rafale, 3 frégates multimissions (FREMM) et 332 véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI) – liées à la renégociation des contrats avec les industriels.

Au-delà de ces programmes structurants, nous passerons commande en 2009 de 150 missiles de croisière navals, de 22 hélicoptères NH90 en version terrestre et de 232 petits véhicules protégés. La priorité accordée à la fonction connaissance et anticipation et à l’espace sera concrétisée dès 2009 avec le lancement de la phase de conception du programme européen MUSIS, qui succédera à Hélios. J’espère que nous pourrons signer les lettres d’intention lors du conseil des ministres de la défense européen en novembre prochain, en confiant notamment à l’agence européenne de défense – AED – l’ensemble du segment sol. Je précise que la Pologne s’apprête à rejoindre les six pays participant à ce programme.

J’en viens aux livraisons prévues pour 2009 : il s’agit notamment de 8 hélicoptères Tigre, 14 avions Rafale, 96 VBCI, 34 canons automoteurs Caesar, la deuxième frégate antiaérienne Horizon et 128 missiles antiaériens ASTER 15 et 30 liés au programme SAMP/T – système sol-air moyenne portée/terrestre.

Les dotations destinées au maintien en condition opérationnelle – MCO – hors dissuasion augmenteront de 8 %, pour atteindre 2,9 milliards. En dépit de l’effort consenti, nous connaissons toujours des difficultés liées à l’usure des matériels et à leur emploi intensif. Nous avons déjà réformé le service de soutien à la flotte et ceux chargés du MCO aéronautique. Nous allons maintenant le faire pour l’armée de terre en créant une structure intégrée de MCO du matériel terrestre – SIMMT –, qui assumera la maîtrise d’ouvrage déléguée et un service de maintenance industrielle terrestre – SMITER –, qui rassemblera l’ensemble des moyens industriels étatiques.

Il convient aussi de souligner la consolidation de notre effort de recherche. Les études amont progressent de 2,5 % par rapport à 2008, avec une dotation de 661 millions d’euros. Dans un périmètre plus large, les études de défense, qui comprennent les subventions aux écoles et organismes de recherche, verront leur budget s’accroître de 7 % pour atteindre 1,570 milliard d’euros.

J’en viens enfin aux OPEX, pour lesquelles nous faisons un effort supplémentaire : 510 millions d’euros de provision de financement sont prévus pour 2009 contre 460 millions en 2008. Les dépenses en 2008 devraient être plus proches de 800 millions d’euros que du milliard.

Conformément au vœu formulé par le président Teissier, j’ai engagé un premier travail de réflexion et de hiérarchisation des OPEX pour présenter au Président de la République, le moment venu, un certain nombre d’éléments. Ainsi, lors de la réunion informelle des ministres de la défense de l’Union européenne qui s’est tenue la semaine dernière, j’ai quasiment obtenu que nous arrêtions l’opération Althea en Bosnie. Il reste 2 500 à 3 000 hommes sur place mais les forces ont rempli la totalité de leur mission militaire. De même, faut-il maintenir au même niveau notre engagement en Côte-d’Ivoire ? Quelles seront les conséquences du transfert à l’ONU de l’opération EUFOR au Tchad ? Il nous faut veiller à réduire autant que possible les dépenses dans les années futures.

Un dernier élément figurera dans la loi de programmation militaire : j’ai obtenu la mise en place d’un mécanisme de financement assuré par la réserve interministérielle, ce qui mettra fin au financement des OPEX par le seul budget de la défense.

S’agissant des mesures d’urgence en Afghanistan, nous n’avons rien engagé avant le vote du Parlement, conformément à la lettre et à l’esprit de la Constitution. L’état-major des armées m’avait indiqué que l’acheminement de l’ensemble des éléments prendrait six semaines. Les hélicoptères sont déjà sur place, les drones en cours d’acheminement, et tout sera opérationnel à partir du 15 octobre.

M. le président Guy Teissier. Je vous remercie pour cet exposé très détaillé.

Je remarque que l’on commande des canons Caesar alors que l’on dissout certains régiments d’artillerie. Certes, cet équipement est le nec plus ultra en matière d’artillerie…

M. le ministre. Il se vend très bien.

M. le président Guy Teissier. Il est assurément préférable d’être acheteur de ses propres productions pour mieux les exporter, mais on n’a plus tiré un coup de canon de 155 depuis les combats du mont Igman en Bosnie. C’est la même chose pour la torpille MU 90. S’agit-il vraiment d’une priorité ?

M. le ministre. C’est une question que vous pourrez poser au chef d’état-major des armées. Ce qui est certain, c’est que nous avons vendu ces canons à l’Arabie saoudite, à la Thaïlande, et que nous menons des discussions approfondies avec plusieurs pays – Malaisie, Australie, pays du Golfe.

Pour le reste, le contrat a été signé en 2004 et nous l’honorons.

M. le président Guy Teissier. C’était hors loi de programmation...

M. le ministre. Certes, mais il faut savoir que, lors de la revue générale des programmes, les niveaux de dédit que nous avons constatés sur certains contrats étaient tels que la résiliation revenait à payer 70 à 80 % de la commande sans rien obtenir ! Je ne dis pas que ce soit le cas pour cet équipement mais cela explique que nous ayons parfois été obligés d’aller jusqu’au bout de la démarche.

M. Bernard Deflesselles. Vous avez parlé d’un bon, d’un très bon budget, monsieur le ministre. Je ne puis qu’abonder dans ce sens, en ajoutant que vous devez être un bon, très bon ministre de la défense pour arriver à ce résultat dans un tel contexte de crise internationale, d’orthodoxie budgétaire au plan national et de restructuration de nos forces.

En vous fondant sur les 377 milliards d’euros prévus par Livre blanc d’ici à 2020 et en respectant le cadre du budget triennal 2009-2011, vous présentez un budget de 32 milliards en 2009, ce qui représente une augmentation considérable. Seuls le département de la justice et celui de l’enseignement supérieur et de la recherche connaissent une aussi forte augmentation. Le pari est donc tenu, n’en déplaise aux Cassandre qui annonçaient l’abandon de nos armées corps et biens du fait des difficultés budgétaires.

Pourriez-vous préciser le périmètre des ressources immobilières et hertziennes que vous avez évoquées ? En quoi ces ressources sont-elles pérennes ?

En matière d’équipement, nous passons de 15,4 à 17 milliards d’euros. Vous avez détaillé les livraisons prévues en 2009 : pourriez-vous nous indiquer quelles seront les commandes ?

Enfin, nous voulons bien croire à une discussion du projet de loi de programmation avant Noël mais, étant donné le calendrier parlementaire, il vous faudra mettre toute votre influence dans la balance pour y parvenir.

M. le ministre. Parmi les commandes prévues en 2009 figurent 150 missiles de croisière navals, 3 FREMM, dont deux de défense aérienne – FREDA –, un deuxième sous-marin nucléaire d’attaque – SNA – Barracuda, 60 Rafale, 1000 missiles ASM. Quant au projet de commande de 16 000 équipements Félin, il fera l’objet d’un examen approfondi car il est inutile de disposer d’équipements de haute technologie si l’on est incapable d’en assurer le MCO. Je veux observer comment cela fonctionne sur un théâtre d’opération exigeant, comme c’est le cas en l’Afghanistan, avant de prendre la décision.

Il faut ajouter à ces commandes 53 véhicules à haute mobilité et 332 VBCI, la rénovation à mi-vie des avions AWACS, 60 stations de communication par satellite Syracuse 3 et 501 postes radio de quatrième génération – PR4G . À cela s’ajoutent, au titre des équipements de projection mobilité et soutien, 22 hélicoptères NH90 en version terrestre, 5 hélicoptères Cougar, 50 véhicules de transport logistique PPT, 232 petits véhicules et enfin, pour la protection des troupes déployées, un système de détection d’agents biologiques.

Concernant l’immobilier, la ressource s’élève à un milliard sur l’année. A priori, c’est un opérateur du secteur public qui assurera l’opération et assumera le risque. Nous vendrons l’ensemble des implantations à Paris à l’exception des Invalides bien sûr, de l’École militaire, de l’hôtel de Brienne – le ministre le quittera mais l’État conservera ce lieu chargé d’histoire -, de celui de la Marine, dont nous conserverons l’abusus et dont nous vendrons l’usufruit, ce qui permettra à l’État de conserver son patrimoine tout en le valorisant dans les meilleures conditions, et du site de Saint-Augustin. Seront vendus : la caserne de Reuilly, la caserne Lourcine, les sites de Saint-Thomas d’Aquin, de Bellechasse, de Gley, de la Tour-Maubourg, de la Pépinière, une partie d’un immeuble à Montparnasse et, bien entendu, l’îlot Saint-Germain – qui sera probablement cédé en deux parties en 2010 et 2011.

La construction du nouveau site à Balard prendra sans doute la forme d’un partenariat public-privé. Nous avons déjà réalisé l’étude de faisabilité et l’équipe est constituée.

En province, le Président de la République souhaite donner la priorité aux collectivités les plus touchées par les restructurations et privilégier dans ce cas, après une analyse effectuée par l’administration de l’aménagement du territoire, des cessions à très bon marché, voire à un euro symbolique.

M. le président Guy Teissier. En quelque sorte, les opérations de portage s’apparentent au recours à un marchand de biens.

M. le ministre. Mais il n’y a pas de risque : les sommes sont acquises.

M. Bernard Cazeneuve. Je souhaiterais poser différentes questions. Tout d’abord, qu’est-ce que cette « réserve budgétaire interministérielle » qui servirait désormais à financer une partie des OPEX ? Où se niche-t-elle dans la nomenclature budgétaire et par qui est-elle alimentée ?

Ce budget est le premier à être élaboré après le Livre blanc, la RGPP et la revue des programmes. Après quelques mois, quelle évaluation faites-vous des économies annuelles que le ministère pourrait tirer de la réduction des effectifs ? C’est la seule source de financement possible, en raison de la « bosse », pour se doter des équipements nécessaires au nouveau modèle d’armée que vous préconisez.

Avez-vous envisagé de retarder certains programmes ? Un premier Barracuda a été commandé en décembre 2006. Le deuxième devrait l’être en décembre 2008. Le rythme initialement prévu d’une commande tous les deux ans sera-t-il conservé ? Il faut savoir que tout programme que l’on étale est un programme qui coûte plus cher.

Enfin, il faudra retrancher du montant des économies que vous avez mentionnées au moins deux éléments : le coût des mesures sociales d’accompagnement, que vous évaluez à 140 millions d’euros – est-ce à dire, d’ailleurs, que celles-ci ont fait l’objet d’un arbitrage de Matignon et qu’un bleu fixe leur répartition ? –, et le coût des mesures d’aménagement du territoire, même s’il n’est pas imputé sur votre budget. En est-on toujours, après inventaire, aux 360 millions évoqués par le ministère au moment de l’annonce de la réforme, ou a-t-on réévalué ce chiffre ?

M. le ministre. La réserve interministérielle est la réserve de précaution prévue dans le cadre de la LOLF.

L’économie nette, intégrant les coûts d’infrastructure et les coûts sociaux, est évaluée à 3 milliards d’euros pour la période 2009-2014. L’économie nette cumulée sur la masse salariale est de 3,1 milliards d’euros sur six ans, sans prendre en compte le tendanciel, à savoir le GVT et les revalorisations générales. Les suppressions d’effectifs généreront 700 millions d’économies de fonctionnement cumulées sur six ans.

Pour ce qui est des infrastructures, le mouvement des unités coûtera 1,2 milliard d’euros sur six ans et pourrait rapporter 600 millions en produit de cession, net de dépollution, soit un coût consolidé de 600 millions d’euros. Le fonds de restructuration de la défense – FRED – bénéficiera quant à lui de 215 millions d’euros, auxquels il faudra ajouter les crédits accordés à mon collègue Hubert Falco, secrétaire d’État chargé de l’aménagement du territoire.

Il y a une commande de Barracuda en 2008. Le délai prévu pour la livraison du premier SNA est toujours le même. Il n’y a guère de marges de manoeuvre sur ce programme car les SNA de type Rubis arrivent en fin de vie et nous avons absolument besoin de ces sous-marins : c’est une des priorités définies par le Livre blanc.

Enfin, les mesures sociales ont été « bleuies » par Matignon. Les décrets sont prêts. J’attends que la loi de programmation soit votée pour les adapter à d’éventuels amendements.

M. Damien Meslot. Vous nous avez parlé d’un budget exceptionnel, monsieur le ministre, et nous en acceptons l’augure. Je m’inquiète toutefois du nombre croissant d’opérations extérieures où nos troupes sont engagées. Votre estimation des coûts est inférieure à celle du président Teissier, que je pense pour ma part plus plausible. Le format de nos armées tel qu’il résultera de l’indispensable réforme en cours nous permettra-t-il d’être présents sur autant de théâtres d’opérations ? Ne serait-il pas plus judicieux de choisir un nombre restreint d’opérations pour éviter la surchauffe ?

Les ministres de la défense ont toujours présenté de beaux budgets au Parlement. Mais, de reports en retards, on s’est trouvé souvent désappointé lorsqu’il s’est agi d’en contrôler l’application. S’agissant plus particulièrement des 22 hélicoptères NH90, le délégué général pour l’armement nous a indiqué de façon un peu vague que le report de la commande, pour ce programme, n’entraînerait pas de report des livraisons. Je voterai ce budget. Je voudrais néanmoins être sûr de sa bonne application.

M. le ministre. Je crois avoir déjà répondu sur les OPEX. Mais nous ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle crise qui nous obligerait à intervenir.

Les 22 NH90 doivent être commandés avant la fin de l’année ou au début de l’année prochaine. Vous comprendrez cependant que nous menions des discussions serrées avec les industriels : nous ne sommes pas là pour leur faire des cadeaux !

M. Damien Meslot. Nos troupes ont besoin de ces équipements.

M. le ministre. M. Collet-Billon vous a dit la vérité. Les premiers NH90 arriveront en 2011 quoi qu’il arrive. L’industriel est très exigeant car c’est un programme qui rencontre un grand succès à travers le monde. Ses carnets de commande sont remplis. Il est de notre devoir de discuter pour défendre les intérêts du contribuable.

Enfin, grâce aux nouveaux pouvoirs constitutionnels du Parlement à partir du 1er mars 2009, vous serez en mesure de m’aider pour assurer la bonne exécution du budget.

M. Philippe Folliot. Peut-être n’avez-vous pas assez insisté sur les efforts en matière de revalorisation de la condition militaire, monsieur le ministre. L’attente est très forte sur le terrain, dans un contexte général qui met en exergue la question du pouvoir d’achat. Le plan est pluriannuel. Nous sommes rassurés pour 2009 mais quelles sont les perspectives pour les années suivantes ?

Par ailleurs, quels sont les moyens consentis pour la promotion de l’égalité des chances ?

Qu’en est-il de la réserve opérationnelle ?

M. Jean Michel. Nous sommes habitués à ces réjouissances annuelles autour d’un « très bon budget ». Mais l’exécution des budgets précédents, et singulièrement celle du budget 2008, conditionne l’ensemble : tout dépend d’où nous partons. Nous risquons, à cet égard, de connaître une mauvaise fin d’année.

Votre graphique fait apparaître la fameuse « bosse budgétaire » héritée de la ministre précédente. Cette bosse correspond pourtant à ce qui était prévu pour répondre aux besoins justifiés de la nation en matière de défense. Je rappelle que le budget de la défense a pu atteindre par le passé 4 % du PIB.

Il me semble difficile de parler de la « pérennité » d’une ressource tirée de la vente d’immeubles. Que je sache, on ne peut vendre qu’une fois ! Les difficultés sont donc devant nous. Les 1,7 milliard d’euros supplémentaires nous laissent loin de l’objectif de 2 % du PIB fixé urbi et orbi par le Livre blanc, qui cite en exemple la politique britannique. Sauf erreur de ma part, vous en êtes à 1,7 %.

Il est enfin étonnant d’appliquer une loi de programmation militaire avant qu’elle ne soit connue et votée.

Pour toutes ces raisons, je reste sceptique. Il faut partir des besoins de la nation et du rôle que veut jouer la France dans le monde, et non réduire les objectifs pour se réjouir ensuite de les atteindre.

M. le ministre. Le plan d’amélioration de la condition militaire s’achèvera en 2011. L’essentiel de l’effort budgétaire porte sur 2009 et 2010 et se traduira, comme je l’ai dit, par des améliorations substantielles de revenus.

Pour ce qui est de l’égalité des chances, nous avons scolarisé cette année dans les lycées militaires 180 jeunes issus de milieux défavorisés. Nous avons mis en place des tutorats et nous payons l’intégralité de leurs frais de scolarité. En outre, les jeunes bacheliers peuvent bénéficier d’une année de « classe tampon » avant d’entrer en classe préparatoire. Notre objectif est de scolariser environ 800 élèves d’ici à trois ans.

S’agissant de la réserve opérationnelle, la durée moyenne d’activité s’élève actuellement à 23 jours. Il est vrai que nous pourrions faire plus si nous disposions de plus de moyens, mais la dotation pour 2009 est maintenue à 92 millions d’euros.

Je veux bien que l’on s’invente des contrats opérationnels, monsieur Michel, mais l’objectif figurant dans l’ancien Livre blanc d’une force projetable de 50 000 n’a jamais été mis en œuvre depuis 1945. Le nouveau Livre blanc prévoit tout de même une capacité de projection de 30 000 hommes sur un théâtre majeur, plus 5 000 sur un théâtre secondaire et 10 000 au titre de la défense du territoire, auxquels il faut ajouter une force aérienne de combat de 70 avions projetables. Cela est déjà très conséquent.

Il est vrai que la « bosse » existe encore et qu’il nous faut la financer. C’est l’objet du milliard d’euros de recettes exceptionnelles.

Le budget britannique de la défense dépasse 2 % du PIB mais il comprend les pensions. En France, les pensions représentent 7 milliards d’euros – 350 millions de plus cette année. Si l’on fait le total, la différence budgétaire en matière d’équipement entre la France et le Royaume-Uni est très faible. Ce sont les chiffres de l’OTAN !

M. Michel Voisin. Il y a douze ans, la loi de professionnalisation avait mis en place des mesures d’accompagnement de la baisse des effectifs. Qu’en est-il dans le budget pour 2009 ? Ces mesures seront-elles, le cas échéant, soumises au Parlement ?

Les centres EPIDe – établissement public d'insertion de la défense – présentaient des perspectives intéressantes. Ils semblent confrontés aujourd'hui à des difficultés. Comment voyez-vous leur avenir ?

Mme Patricia Adam. La diminution des effectifs recommandée par le Livre blanc devait permettre un renforcement des crédits d’investissement. Or je constate que les économies iront vers une redistribution en fonctionnement : amélioration de la condition militaire et réalisation des prochaines opérations immobilières. Quand les affectera-t-on à l’équipement des forces ?

Ce budget me semble beaucoup plus réaliste que les précédents et je vous en félicite. Cela dit, quels moyens aurons-nous pour assurer le suivi de l’exécution budgétaire programme par programme ? Et qu’en est-il des commandes et des livraisons qui n’ont pas été réalisées au titre du budget 2008 ?

M. le ministre. Ce sont les ministères de l’économie et de la ville qui financent les centres EPIDe. Ces établissements rendent en effet un immense service mais je refuse que le ministère de la défense, qui a déjà donné des biens immobiliers, soit encore mis à contribution. Le plan de développement repose sur des redéploiements. L’idée est de fermer les établissements qui fonctionnement le moins bien pour en ouvrir d’autres.

Les effectifs seront réduits de 8 250 l’année prochaine. Les mesures d’accompagnement social sont prêtes. Le Parlement en sera saisi puisqu’elles figurent dans le projet de loi de programmation militaire.

Les économies de masse salariale permettent de financer l’investissement, madame Adam. Si nous ne les avions pas réalisées, les crédits d’équipement s’en seraient trouvés réduits d’autant. La masse salariale s’élève à 11,7 milliards d’euros. Si elle continuait d’augmenter de 3 % par an, ce serait 300 millions de moins pour l’investissement.

Pour ce qui est du suivi de l’exécution, je considère que le Parlement est un soutien dans les combats que je mène et je n’ai pas de problème pour qu’il suive cette exécution programme par programme.

La principale commande qui n’a pas été passée est celle du second porte-avions. Pour ce qui est du NH90, c’est une simple question de discussion avec l’industriel.

M. Jean-Claude Viollet. Le projet de loi de programmation militaire, dites-vous, sera transmis à l’Assemblée avant la discussion budgétaire. C’est une bonne chose car il nous faut travailler ces deux textes de façon cohérente. Nous avons cependant besoin de connaître l’existant de façon plus précise afin de faire les bons choix dans la durée.

Plusieurs sujets sont ainsi en suspens : tout d’abord, comment maintenir une compétence technologique en matière d’avions de combat ?

En matière d’aéromobilité, le retard pris par l’A400M ne doit pas faire oublier que c’est un avion extraordinaire qui répondra aux très nombreuses exigences que l’on a posées. Ne conviendrait-il pas de trouver des solutions d’attente permettant à nos forces de remplir le contrat opérationnel fret ? Quant au choix des ravitailleurs, qui devait intervenir à la mi-2008, il n’a pas été fait. Si l’on ne résout pas ce problème, c’est la projection de nos forces et la dissuasion qui risquent de se trouver remises en cause.

Il faudrait également remettre en perspective les projets en matière de drones. Si les projets de drones de combat comme Neuron visent plutôt à maintenir notre capacité en avions de combat, j’ai cru comprendre que vous aviez signé avec vos collègues européens une déclaration d’intérêt pour le programme de drones de renseignement Advanced UAV. Avoir de l’intérêt pour ce programme est une chose, mais quelles seront les solutions d’attente ?

Qu’en est-il enfin de la flotte de l’escadron de transport, d'entraînement et de calibration – ETEC – et de l’escadron Estérel ? Il semblerait que l’on ait programmé des acquisitions. J’aimerais que cela soit replacé dans le cadre du débat budgétaire et des priorités qui s’imposent.

M. Jean-Claude Beaulieu. L’importance du service de santé des armées, tant sur le plan international – auprès de populations souvent dans le besoin – que sur le plan national, dans le cadre du service public de santé et de l’enseignement, n’est plus à démontrer. Comment envisagez-vous l’avenir des hôpitaux d’instruction des armées ? Prévoit-on, dans l’enseignement notamment, des redistributions et des partenariats avec les centres hospitaliers universitaires ?

En ce qui concerne les OPEX, j’ai constaté sur le terrain le déficit en matière d’aéromobilité. Le remplacement des Puma et des Transall demandera du temps. Ne pourrait-on envisager une solution intermédiaire – location, achat sur étagère – pour assurer un service essentiel ?

M. Christophe Guilloteau. Est-il prévu de revoir à la baisse les OPEX du Tchad et du Liban ? Dans ce dernier pays, la présence des chars Leclerc est-elle bien nécessaire ? Qu’en est-il enfin de l’envoi de drones en Afghanistan ?

M. Jean-Jacques Candelier. Nos troupes sont présentes en Afghanistan depuis 2001. Combien cela nous coûte-t-il et combien cela nous coûtera-t-il ?

Le projet de loi de finances prévoit une contribution à l’OTAN à hauteur de 115 millions d’euros. Comment voyez-vous l’évolution de cette dépense ?

M. Philippe Vitel. Existe-t-il des projets en matière de logement des militaires et de structures d’accueil de la petite enfance ?

M. le ministre. Le maintien des compétences industrielles m’a beaucoup occupé dans la préparation du projet de loi de programmation militaire. Nous maintiendrons les bureaux d’études permettant à la France de réaliser la prochaine génération d’avions de combat. Si nous abandonnons cette compétence, l’Europe n’aura plus d’autre possibilité que d’acheter américain. J’ai demandé à la DGA et aux industriels d’engager des discussions, avec les Britanniques pour Dassault, avec les Italiens pour Thalès, afin d’explorer les possibilités de mutualisation. En tout état de cause, nous tiendrons cette priorité indispensable pour l’indépendance du pays et le maintien de ce joyau industriel qu’est l’industrie d’armement française, même si cela se fait au détriment d’autres équipements.

Le projet de loi de programmation prévoit la commande de ravitailleurs A330 MRTT. Si nous avons pris du retard, c’est que nous hésitons sur la forme de l’achat. Nous analysons notamment la possibilité de réaliser l’opération en partenariat public-privé.

Au sujet des drones, il ne faut pas surestimer la portée de la lettre d’intention signée avec mes collègues européens. Tout cela réclame un examen minutieux, d’autant que se pose également la question du drone armé. La loi de programmation posera le principe du maintien des bureaux d’études. Dans quelle direction s’engager ensuite ? Faut-il réfléchir à un avion de cinquième génération, ou au contraire à un avion sans pilote ?

Pour l’ETEC, nous avons commandé 2 Falcon et un A330 en 2008. Le projet de loi de finances prévoit 95 millions d’euros en 2009. Sur les trois premières années de la loi de programmation, les crédits devraient s’élever à 280 millions d’euros. Il faut savoir que les Falcon actuels – qui ont trente-cinq et quarante ans d’existence – sont à bout de souffle. Notre flotte gouvernementale est largement inférieure à celle des autres pays occidentaux. L’A319 dont nous disposons n’a pas d’allonge. Il sera revendu, si bien que son remplacement ne coûtera pas très cher.

S’agissant du service de santé des armées, nous gardons tous les hôpitaux d’instruction et nous adaptons les formations aux nouveaux cursus universitaires.

Au Tchad, la responsabilité des opérations sera transférée à l’ONU à partir de mars 2009. Pour l’instant, celle-ci estime qu’il faut 6 000 hommes alors que nous en avons 3 000. Nous avons demandé des explications sur ce doublement. Toujours est-il que la plupart des pays parties prenantes ont indiqué qu’ils étaient prêts à poursuivre l’opération.

L’état-major de l’armée de terre affirme que la puissance de feu des chars Leclerc au Liban nous permet d’être respectés.

Mme Patricia Adam. À condition qu’ils ne tirent pas !

M. le ministre. Nos armes ne servent pratiquement jamais – Dieu merci !

Les drones sont en cours d’acheminement vers l’Afghanistan. Il y aura des DRAC – drones de reconnaissance au contact –, des SDTI – systèmes de drones tactiques intérimaires –, et des SIDM – systèmes intérimaires de drones MALE – dès qu’ils seront en service. Nous pourrons ainsi tester l’ensemble de ces appareils.

Cela étant, lors de l’accrochage de la semaine dernière avec les talibans, nous disposions de toutes les technologies – drones Predator, notamment, c'est-à-dire ce qui se fait de mieux – et nous n’avons pourtant rien vu.

Les opérations en Afghanistan ont coûté 99 millions d’euros en 2004, 122 millions d’euros en 2006, 170 millions d’euros en 2007 et la prévision est de 236 millions d’euros pour 2008.

Pour ce qui est de l’OTAN, rien n’est prévu puisque rien n’est décidé.

Nous faisons un gros effort en matière de logement. Nous allons lancer des programmes immobiliers à partir de crédits budgétaires et aussi par l’intervention de l’établissement public gérant les fonds de prévoyance militaire assez bien doté et que le ministère du budget nous reprochait de ne pas utiliser.

La construction de logements du ministère augmentera ainsi de 15 à 17 % dans les prochaines années. Nous veillons à l’adaptation de ces logements aux nouvelles conditions familiales et nous ouvrons leur accès aux nouvelles formes d’union – PACS, etc.

M. le président Guy Teissier. Merci pour ces réponses très précises, monsieur le ministre.

——fpfp——

II. —  EXAMEN DES CRÉDITS

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Michel Sainte-Marie, les crédits de la Mission « Défense » : « Équipement des forces (espace, communications, dissuasion) » pour 2008, au cours de sa réunion du 22 octobre 2008.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur pour avis.

M. Jean Michel. Il faut souligner combien les évolutions sont différentes selon qu’il s’agit de la dissuasion ou de l’espace.

S’agissant de la première, des efforts financiers très importants sont consentis et permettent de respecter les prévisions, ce qui mérite d’être salué. C’est notamment le cas pour le missile M 51 ; une visite des installations de l’Île Longue permet d’ailleurs de mieux mesurer ce que représente ce programme, notamment au travers de la véritable « cathédrale » destinée à accueillir les nouveaux vecteurs.

En revanche, comme cela avait déjà pu être noté dans le passé, les actes ne suivent toujours pas les intentions en matière spatiale. Lors des universités d’été de la défense qui se sont déroulées à Toulouse il y a deux ans, il avait été clairement mis en évidence que l’acquisition d’un système spatial suffisamment complet pour garantir l’autonomie française de décision représentait un doublement de l’effort budgétaire, soit un montant relativement modeste. On peut de manière un peu provocante voir dans le peu de traduction véritable des ambitions la conséquence du fait que l’espace ne défile pas sur les Champs-Élysées le 14 juillet. En tout état de cause, l’insuffisance des crédits consacrés au secteur spatial est plus que regrettable, notamment au regard du rapport coût efficacité des équipements concernés.

Le rapporteur s’en étant remis à la sagesse de la commission, celle-ci a alors donné un avis favorable au programme « Équipement des forces (espace, communications et dissuasion) ».

*

La commission de la défense a ensuite donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la Mission « Défense ».

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

• Déplacement à Taverny (commandement des forces aériennes stratégiques), le jeudi 12 juin 2008 :

– général de division aérienne Paul Fouilland, commandant les FAS ;

– lieutenant-colonel Gilbert Michel, commandant le centre opérationnel des FAS.

• Déplacement à Brest (FOST), le mercredi 24 septembre 2008 :

– vice-amiral d’escadre Jean-François Baud, commandant les forces sous-marines et la force océanique stratégique.

• État-major des armées, le mardi 14 octobre 2008 :

– général de brigade Gérard Lapprend, chef de la division espace et programmes interarmées, et colonel Inaky Garcia-Brotons, adjoint espace ;

– contre-amiral Henri-Georges Mouton, chef de la division forces nucléaires, capitaine de vaisseau Vincent Larnaudie-Eiffel, officier de cohérence opérationnelle du système de force dissuasion pour la composante océanique, et M. l’ingénieur en chef de l’armement Jérôme Avrin, adjoint programmes-finances.

• CNES, le mercredi 15 octobre 2008 :

– M. Yannick d’Escatha, président directeur général du CNES.

• Thales Alenia Space, le mercredi 15 octobre 2008 :

– M. Joël Chenet, senior vice-président chargé du développement et des clients institutionnels ;

– amiral (2S) Benoît Montanié, conseiller défense.

• EADS, le mardi 21 octobre 2008 :

– M. Bruno Le Stradic, directeur de l’observation de la terre & sciences (EADS Astrium) ;

– M. Pierre Faucoup, chef de la division des programmes de satellites militaires ;

– M. Philippe Coq, adjoint au directeur des affaires publiques France d’EADS.

© Assemblée nationale

1 () Un répéteur installé sur un satellite de télécommunications a pour fonction d’amplifier, de régénérer, de modifier et de transmettre les signaux radio qu’il reçoit.

2 () National Security and Nuclear Weapons in the 21st century, septembre 2008.

3 () L’ensemble des données chiffrées concernant les arsenaux des États dotés proviennent des articles de Robert Norris et Hans Christensen parus dans le Bulletin of atomic scientists en 2008 et disponibles en ligne.

4 () Le premier modèle de RRW pourrait être dérivé d’une arme thermonucléaire Skua-9 développée et testée avant 1974. Le document précité publié en septembre 2008, signé par les secrétaires d’État à l’énergie et à la défense, indique que la certification et le déploiement d’un nouveau type d’arme « robuste » pourrait intervenir sans reprise des essais, grâce notamment aux outils de simulation.

5 () C’est-à-dire dotées de têtes multiples indépendantes, ou MIRV (Multiple independently targetable reentry vehicule).

6 () Certains auteurs estiment que le nombre de têtes chinoises est généralement sous-évalué : il serait actuellement de 450 à 500 et devrait croître aux alentours de 700 à 800 au cours de la prochaine décennie (Unravelling a Chinese puzzle, Duncan Lennox, Jane’s defence weekly, 7 novembre 2007).

7 () India’s nuclear forces, 2007, R. Norris et H. Christensen, Bulletin of atomic scientists, juillet-août 2007.

8 () Résolutions du Conseil de sécurité 1737 du 23 décembre 2006, 1747 du 24 mars 2007 et 1803 du 3 mars 2008.