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N° 1198

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 octobre 2008.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2009 (n° 1127),

PAR M. Gilles CARREZ,

Rapporteur Général,

Député.

——

ANNEXE N° 26

GESTION DES FINANCES PUBLIQUES
ET DES RESSOURCES HUMAINES

POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L’ÉTAT

GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L’ÉTAT

PRÊTS ET AVANCES À DES PARTICULIERS
OU À DES ORGANISMES PRIVÉS

Rapporteur spécial : M. Yves DENIAUD

Député

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SYNTHÈSE 7

INTRODUCTION 9

PREMIÈRE PARTIE : LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L’ÉTAT 11

I.– LE COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L’ÉTAT 11

A.– LE PROJET DE BUDGET POUR 2009 11

1.– Les dépenses et les recettes sont marquées par les conséquences de la réforme du plan de stationnement des troupes 11

2.– La stratégie de performance reste encore limitée 14

3.– La prise en compte de la politique immobilière de l’État dans les projets annuels de performances des ministères 15

B.– TROIS CONTRÔLES SUR L’IMMOBILIER DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE 17

1.– L’immeuble du 87/97 quai André Citroën et 14 rue des Cévennes, Paris 15ème (plusieurs services hébergés dans l’ancien siège de Canal +) 17

2.– L’immeuble du 5/7 boulevard des Italiens, Paris 9ème (pôle financier du tribunal de grande instance de Paris) 20

3.– L’immeuble du 14 rue Halévy, Paris 9ème et la gestion des baux du ministère de la Justice 23

a) L’immeuble du 14 rue Halévy, Paris 9ème (direction des Affaires criminelles et des grâces – DACG) 23

b) La mauvaise gestion des baux du ministère de la Justice 24

C.– QUELQUES QUESTIONS SUR LA NOUVELLE POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L’ÉTAT 28

1.– L’actualisation des schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) n’a pas encore permis de tenir compte des décisions prises dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) 28

a) Les ministères sociaux 29

b) Le ministère de l’Agriculture 29

c) Les services du Premier ministre 30

d) Le ministère de l’Immigration 30

e) Le ministère de la Défense 30

f) Le ministère de l’Intérieur 31

g) Les ministères de l’Économie et du Budget 31

h) Le ministère des Affaires étrangères 32

i) Le ministère de la Culture 33

j) Le ministère de l’Écologie 34

k) Le ministère de la Justice 35

l) Les ministères de l’Éducation et de l’enseignement supérieur et de la recherche 36

2.– Les conséquences immobilières de la RGPP dans les services déconcentrés de l’État ne sont pas encore tirées 37

3.– Le blocage sur le statut et la professionnalisation du service France Domaine 38

4.– Les travaux de recensement et d’évaluation du parc immobilier des opérateurs de l’État marquent le pas 40

5.– Le régime juridique de l’affectation serait enfin abrogé pour être remplacé par des conventions d’occupation 42

6.– Le mécanisme des loyers budgétaires monte en puissance 42

II.– LE PROGRAMME ENTRETIEN DES BÂTIMENTS DE L’ÉTAT DE LA MISSION GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET DES RESSOURCES HUMAINES 46

A.– LA CRÉATION DU PROGRAMME ÉTAIT SOUHAITÉE 46

B.– LE FONCTIONNEMENT DU PROGRAMME EST IMPARFAIT 48

C.– LA STRATÉGIE DE PERFORMANCE S’ANNONCE PROMETTEUSE 50

DEUXIÈME PARTIE : LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS PRÊTS ET AVANCES À DES PARTICULIERS OU À DES ORGANISMES PRIVÉS 51

EXAMEN EN COMMISSION 53

ANNEXE N° 1 : LISTE DES CONTRÔLES RÉALISÉES PAR VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR L’IMMOBILIER DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE 55

ANNEXE N° 2 : COURRIERS ADRESSÉS À VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL 57

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 100 % des réponses étaient parvenues à votre Rapporteur spécial.

Le présent rapport spécial (document AN n° 276, annexe n° 26) couvre le compte d’affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l’État et le programme Entretien des bâtiments de l’État de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines. Les cinq autres programmes de cette mission sont traités dans les rapports spéciaux de MM. Thierry Carcenac (annexe n° 23), Pierre-Alain Muet (annexe n° 24) et Georges Tron (annexe n° 25).

SYNTHÈSE

Le compte d’affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l’État prévoit en 2009 un montant de 1,4 milliard d’euros de recettes de cessions immobilières, dont 1 milliard d’euros dans le cadre de la restructuration des sites militaires. La contribution au désendettement s’élève à 60 millions d’euros en 2009, ce qui représente 15 % des seuls 400 millions de cessions des autres ministères. La nouveauté de cette année est que si 15 % sont toujours consacrés - en règle générale - au désendettement, seuls 65 % sont rétrocédés au ministère cessionnaire et 20 % sont mutualisés entre les ministères. En outre les ministères qui bénéficiaient d’un régime dérogatoire le gardent. Ces « droits de retour » normaux ou dérogatoires devraient être totalement supprimés car ils maintiennent les ministères dans une situation de quasi propriétaire lors du remploi du produit de leurs cessions.

Issu de la constatation que les ministères ont exercé jusqu’à présent la responsabilité de l’entretien du propriétaire sur leur budget propre de façon très inégale et pas toujours de manière optimale, un programme Entretien des bâtiments de l’État sera créé en 2009 sous la responsabilité du service France Domaine. L’absence d’entretien préventif occasionne à terme des rénovations très coûteuses. Dans un jeu à somme nulle, le programme sera doté en 2009 de 77 millions d’euros qui seront prélevés sur les budgets des ministères (12 % des loyers). Ce montant est très insuffisant car il confond les dépenses d’entretien courant (évaluées à 20 % des loyers pour des immeubles en bon état), le coût initial de la remise en état et les dépenses de mise aux normes du Grenelle de l’environnement.

Votre Rapporteur spécial a effectué trois contrôles sur des immeubles du ministère de la Justice. Ce dernier montre de grandes faiblesses dans la gestion de ses baux. Son schéma d’implantation est caractérisé par une grande dispersion au détriment de la fonctionnalité. Il en résulte des surcoûts importants auxquels il devra être mettre fin rapidement.

Le ministère de la Justice a connu au cours des dernières décennies une forte croissance de ses effectifs centraux ; il a essaimé sur plusieurs implantations situées dans un périmètre proche de la place Vendôme, c’est-à-dire dans un des quartiers les plus chers de Paris. Le ministère a également loué l’ancien siège de Canal+ sur le front de Seine dans le 15ème arrondissement de Paris ; le faible rendement de cet immeuble est justifié par son caractère prestigieux, œuvre du grand architecte américain Richard Meier.

Le pôle financier du tribunal de grande instance (TGI) de Paris a renouvelé en ce début d’année le bail qu’il occupe rue des Italiens. L’immeuble avait été racheté en 2007 par un fonds de pension, qui six mois avant l’échéance du bail, avait laissé au ministère de la Justice le choix de quitter les lieux ou d’accepter une augmentation de loyer de 32 %. N’ayant pas anticipé cette échéance et sans solution de rechange, le ministère de la Justice a dû accepter cette augmentation très supérieure aux prix du marché. L’immeuble connaît d’ailleurs un ratio très élevé de 36,5 m2 par agent, justifié par l’important volume des dossiers de la criminalité économique et financière… Le renouvellement de ce bail s’inscrit dans le contexte du projet de construction d’un immeuble regroupant tous les services du TGI de Paris, pour un coût estimé à environ 800 millions d’euros.

Plus généralement, c’est l’ensemble de la gestion des baux du ministère qui est apparue déficiente. L’essaimage du ministère s’est effectué de façon désordonnée (on compte 19 déménagements depuis 10 ans) et plusieurs services sont dispersés sur deux, trois, quatre ou même cinq sites.

Au total, le ministère de la Justice a dépensé 25,8 millions d’euros en 2007 en loyers pour ses sites parisiens. Le bail annuel de l’immeuble du boulevard de la Madeleine s’élève à 1 916 euros le m² en surface utile nette ! Quatre autres sites ont des loyers supérieurs à 1 000 euros le m².

M. Rémi Heitz, alors directeur de l’Administration générale et de l’équipement du ministère de la Justice, avait déclaré le 9 avril dernier devant la commission des Finances du Sénat que la réforme de la carte judiciaire coûterait 545 millions d’euros sur au moins cinq ans en restructurations immobilières. Le ministère de la Justice indique dans les documents budgétaires transmis au Parlement que le coût immobilier de cette réforme sera de 385 millions d’euros sur cinq ans. Ces chiffres sont manifestement sous-estimés et cette dissimulation ne relève pas du comportement normal d’un Gouvernement vis-à-vis du Parlement. Elle ne respecte pas le principe de sincérité de la loi de finances.

Dans leurs SPSI actualisés, la plupart des ministères n’ont pas tiré pleinement les conséquences immobilières des décisions de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Sur seize ministères, les ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur et de la recherche sont les seuls à avoir chiffré précisément les réductions d’effectifs induites par la RGPP. Tous les autres ont fondé, leur schéma stratégique immobilier à cinq ans sur un raisonnement à structures administratives inchangées et à effectifs constants, hypothèse irréaliste.

INTRODUCTION

Le présent rapport spécial porte essentiellement sur les instruments budgétaires de la politique immobilière de l’État :

 le programme Entretien des bâtiments de l’État de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines ;

– le compte d’affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l’État.

Il examine également le compte d’affectation spéciale Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés.

Ce rapport budgétaire intervient quelques mois après le rapport (n° 923) de la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) de votre commission des Finances sur l’immobilier de l’État présenté par M. Jean-Louis Dumont et votre Rapporteur spécial le 4 juin 2008, et trois ans après le premier rapport (n° 2453) de la MEC sur le même sujet, présenté par M. Georges Tron le 6 juillet 2005.

Votre Rapporteur spécial note une volonté indéniable du Gouvernement, sous l’impulsion du ministre du Budget Éric Woerth, d’aller de l’avant dans la réforme. Le service France Domaine, qui en est le bras séculier, a fait d’incontestables progrès ; on peut citer par exemple l’avis domanial modifié (avis étendu à la conformité des décisions d’investissement aux orientations de la politique immobilière de l’État) et l’analyse des schémas prévisionnels de stratégie immobilière (SPSI) qui ont été actualisés au printemps dernier par tous les ministères. Ces avancées marquent l’amorce d’une véritable politique immobilière de l’État.

Les ministères, en revanche, continuent à opposer une forte résistance à la réforme. Les schémas prévisionnels de stratégie immobilière (SPSI) actualisés qu’ils ont présentés au printemps n’ont pas, à de rares exceptions près, tenu compte des conséquences immobilières des décisions prises dans le cadre de la révision général des politiques publiques (RGPP), que ce soit en termes de réorganisation des structures ou de réduction programmée des effectifs. Ils continuent à se comporter en quasi-propriétaires et plusieurs engagent des projets parfois très coûteux qui sont en contradiction avec les nouvelles orientations. Il en est ainsi des projets de construction d’une tour dans le quartier de La Défense par le ministère de l’Écologie, ou d’un centre de conférences internationales sous l’esplanade des Invalides par le ministère des Affaires étrangères et européennes. La recherche de la performance immobilière est encore loin d’être une réalité, que ce soit pour l’amélioration des ratios d’occupation, la réduction des surfaces occupées, la diminution des coûts d’exploitation ou une politique d’entretien préventif.

Votre Rapporteur spécial estime néanmoins que la réforme de la politique immobilière de l’État nécessite, comme l’avaient déjà recommandé les deux rapports de la MEC sur l’immobilier de l’État, une évolution du statut du service France Domaine vers une plus grande autonomie, afin qu’il professionnalise ses cadres et qu’il affirme son autorité vis-à-vis des ministères. Quelles que soient les avancées réalisées par ce service, il ne pourra prendre pleinement en charge ses fonctions tant qu’il n’aura pas résolu ce problème institutionnel.

Le recensement et l’évaluation du parc immobilier des opérateurs de l’Etat n’a pu être accéléré comme l’avait demandé le Ministre Eric Woerth devant votre commission des Finances il y a un an. Votre Rapporteur spécial serait d’accord avec l’idée de sanctionner, par exemple sous la forme de réduction de leur dotation budgétaire, les opérateurs qui n’auraient pas fait preuve des diligences souhaitables.

Le Conseil de l’immobilier de l’État (CIE), auquel appartient votre Rapporteur spécial, joue le rôle de « conseil de surveillance ». Cette instance, présidée par notre collègue Georges Tron, est très utile pour l’avancement de la réforme, en faisant régulièrement des recommandations au ministre et en attirant son attention sur les blocages qui ne manquent pas de s’ériger dans la mise en œuvre de la nouvelle politique immobilière.

PREMIÈRE PARTIE : LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L’ÉTAT

I.– LE COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE
GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L’ÉTAT

A.– LE PROJET DE BUDGET POUR 2009

Cette année pour la première fois, en juin et juillet derniers, le projet de loi de règlement pour 2007 a donné lieu à un examen approfondi en commission des Finances et en séance publique. Ainsi sont établies les conditions dans lesquelles peut se faire le « chaînage vertueux » par rapport aux remarques et aux recommandations figurant dans le tome II du rapport (n° 1004) déposé par M. Gilles Carrez le 26 juin 2008 sur la loi de règlement 2007 (pages 491 et suivantes).

1.– Les dépenses et les recettes sont marquées par les conséquences de la réforme du plan de stationnement des troupes

Le projet annuel de performances pour 2009 du compte d’affectation spécial (CAS) Gestion du patrimoine immobilier de l’État prévoit un montant de 1,4 milliard d’euros de recettes de cessions immobilières. Ces prévisions correspondent à des cessions à réaliser grâce à la poursuite de la rationalisation du parc immobilier de l’État, ciblée sur les immeubles devenus inutiles à l’accomplissement des missions confiées aux services de l’État ou inadaptés aux besoins des administrations. Compte tenu des difficultés constatées sur le marché, la prévision de cessions des actifs immobiliers est de 400 millions d’euros pour les différentes administrations occupantes, autres que le ministère de la Défense.

La même annexe budgétaire indique qu’une première étape des opérations immobilières propres aux emprises occupées par le ministère de la Défense fera en effet l’objet en 2009 d’un mode opératoire spécifique, rendu nécessaire par l’ampleur et la complexité des opérations d’infrastructure programmées dans le cadre de la restructuration des sites militaires. Le montant du produit des ventes d’actifs est évalué pour 2009 à 1 milliard d’euros. Compte tenu de la spécificité de ce chantier de restructuration du parc immobilier du ministère de la Défense, pendant la mise en œuvre de la loi de programmation militaire, les produits de ces cessions seront intégralement réemployés pour financer les opérations immobilières et d’infrastructure programmées par ce ministère.

Votre Rapporteur spécial rappelle que dès la première MEC sur l’immobilier de l’État, la commission des Finances n’a jamais fait des cessions l’alpha et l’oméga de la politique en la matière. Le rapport de la MEC de juillet 2006 avait indiqué au contraire que la politique menée jusqu’alors avait trop privilégié les cessions, pour répondre à des objectifs de rendement purement budgétaires, et n’avait pas suffisamment mis l’accent sur l’amélioration de la gestion immobilière. En outre, la crise financière mondiale que nous connaissons laisse à penser que la très bonne valorisation des biens immobiliers publics que nous avons connue ces deux dernières années est sans doute derrière nous. En conséquence, le montant de 1,4 milliard d’euros de produit des cessions indiqué par le Gouvernement en 2009 doit être considéré comme une prévision et non comme un objectif.

La contribution au désendettement s’élève à 60 millions d’euros en 2009, ce qui représente 15 % des 400 millions de cessions prévues pour les ministères autres que la Défense.

Quelque 1 340 millions d’euros (1 400 – 60) sont destinés à financer les dépenses immobilières des ministères en 2009. Il s’agit d’un montant considérable. Le service France Domaine indique qu’il veille, lors de ce remploi, à améliorer la performance immobilière des ministères. Pour les opérations structurantes les plus importantes (supérieures à 2 millions d’euros), il vérifie sur dossier préalable la conformité aux orientations de la politique immobilière. Il indique dans le projet annuel de performances que la « très nette amélioration du ratio d’occupation des locaux constituera la première des exigences pour les ministères qui se relogeront ».

La réponse au questionnaire budgétaire de votre Rapporteur spécial précise que « les surfaces ont ainsi été réduites de 26 % en moyenne et les coûts de fonctionnement de 34 %. Les implantations en périphérie des grandes villes ont été préférées aux implantations en centre-ville (notamment à Paris). Le rendement d’occupation moyen s’élève à 18,5 m² de surface utile nette par agent sur les dossiers de remploi. Il reste donc supérieur à la cible de 12 m² que les ministères doivent s’approprier. C’est pourquoi, notamment, l’indicateur Rendement moyen d’occupation des locaux a été inséré dans le projet annuel de performance du programme avec cet objectif ambitieux. Il permettra de s’assurer que le remploi des produits de cessions est consacré à des projets (pour les bureaux) conformes au ratio de 12 m²/agent. »

Votre Rapporteur spécial note que les opérations permises par le remploi n’ont pas toutes permis une amélioration de la performance immobilière et une réduction des ratios d’occupation. On peut citer la principale opération, le relogement du ministère des Affaires étrangères rue de la Convention à Paris dans l’ancien immeuble de l’Imprimerie nationale. D’autre part, la valeur des ratios est fortement dépendante des calculs de surface effectués par les différents ministères, qui ne sont pas vérifiés par le service France Domaine. Il faudra sans doute attendre la mise à disposition du système d’information permettant d’élaborer ces statistiques, notamment dans le cadre de la préparation du nouveau système d’information financière de l’État (chorus), avec son module immobilier (chorus – Real Estate).

Le taux de retour sur cessions avait en règle générale été fixé à 85 % jusqu’à la loi de finances pour 2008, le reliquat (15 %) venant en contribution au désendettement de l’État. La nouveauté du projet annuel de performances pour 2009 réside dans le fait qu’un remploi prioritaire est désormais instauré au profit de l’occupant du bâtiment cédé, à hauteur de 65 % du produit de la cession. Ceci permet la constitution d’une réserve de crédits mutualisés de 20 %, destinée à fournir à l’État propriétaire, incarné par France Domaine, la capacité de soutenir des projets que les ministères n’ont pas les moyens de financer, alors qu’ils sont cohérents avec la stratégie de modernisation de la gestion patrimoniale de l’État et avec les critères de performance immobilière.

Votre Rapporteur spécial rappelle ses positions précédentes estimant que le régime d’exception qui est accordé au ministère de la Défense, à savoir un droit de retour sur 100 % du produit des cessions, n’est plus justifié. Le ministère de la Défense le justifie par le financement de la loi de programmation militaire. Mais avec le projet de loi de programmation des finances publiques, tous les ministères bénéficient maintenant d’une programmation des crédits sur trois ans, et la contrainte budgétaire pèse aussi fort sur tous.

Les régimes dérogatoires qui ont été octroyés à d’autres ministères ne sont pas davantage justifiés. En 2009, les autres ministères bénéficiant d’un taux particulier s’agissant du « retour » sur les cessions immobilières seront les suivants :

– le ministère des Affaires étrangères et européennes, ainsi que la direction générale du Trésor et de la politique économique (rattachée au ministère de l’Economie, de l’industrie et de l’emploi) qui bénéficieront comme aujourd’hui d’un retour de 100 % sur le produit des ventes d’immeubles à l’étranger qui leur étaient précédemment affectés ;

– le ministère de l’Écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, qui a obtenu la rétrocession, à compter du 1er janvier 2007 et sur la durée du contrat (trois ans) de 95 % des ventes immobilières de l’Equipement dans la limite de 100 millions d'euros de cessions annuels.

Votre Rapporteur spécial estime que ces régimes ont tous de bonnes raisons (généralement de nature budgétaire), mais qu’ils aboutissent à fragiliser la politique immobilière de l’État.

Votre Rapporteur spécial estime que cette disposition va dans le bon sens mais qu’elle est insuffisante. Si les dispositifs d’intéressement des ministères aux cessions étaient justifiés la première année de la mise en œuvre de la réforme immobilière de l’État, pour amorcer le mouvement, ils produisent maintenant des effets pervers qui sont contradictoires avec cette politique. Le fait d’octroyer un « droit de retour » aux ministères les maintient dans une disposition d’esprit où ils continuent de se comporter en quasi-propriétaires.

Il en a été ainsi du ministère des Affaires étrangères, qui a utilisé le produit des cessions, et notamment les 400 millions de la vente du centre de conférences internationales de l’avenue Kléber à Paris, pour acquérir l’ancien immeuble de l’Imprimerie nationale, mettant quasiment le service France Domaine en situation de fait accompli. Comme il l’avait indiqué dans ses rapports précédents, votre Rapporteur spécial estime qu’il est temps de mettre fin au dispositif de retour et mutualiser intégralement le produit des cessions dans un fonds qui serait géré pour le compte de l’État propriétaire par le service France Domaine.

2.– La stratégie de performance reste encore limitée

La présentation de la stratégie des deux programmes Contribution au désendettement de l’État et Dépenses immobilières, telle qu’elle a été effectuée par leur responsable commun, le chef du service France Domaine, est très courte, trop générale, essentiellement descriptive et n’apparaît pas porteuse d’une ambition mobilisatrice pour servir la définition et de la mise en œuvre de la nouvelle politique immobilière de l’État.

L’objectif Optimiser le parc immobilier de l’État est mesuré par deux indicateurs dont l’un est relatif au Rendement moyen d’occupation des locaux (sur des opérations ayant fait l’objet d’une demande de remplois). L’indicateur n’est pas renseigné. Seule la valeur prévue en 2008 est fixée à 14 m2 (SUN) (1) par agent, avec une cible de 12 à partir de 2009. Votre Rapporteur spécial est très favorable au choix de cet indicateur et de cette cible, qui figure comme un objectif de la politique immobilière de l’État depuis septembre 2006 (2). Il s’interroge néanmoins sur le contrôle qui sera fait par le service France Domaine l’harmonisation des surfaces déclarées par les différents ministères.

Les auditions réalisées par la MEC et par le Conseil de l’immobilier de l’État (CIE) ont montré que tous les ministères utilisent des calculs de surface approximatifs, incertains, contradictoires ou non normalisés. À titre d’exemple le ministère de la Justice parle de « surface utile balayable » pour plusieurs de ses immeubles. Les ministères économique et financier ont présenté un projet de vente en état futur d’achèvement (VEFA) à Ivry-sur-Seine avec des mesures en « surface utile brute éclairée ». Ce subterfuge permet de montrer des ratios proches de la cible de 12 m² par agent. Les ministères économique et financier, dont dépend le service France Domaine, devraient au contraire se montrer exemplaires dans leur gestion immobilière.

3.– La prise en compte de la politique immobilière de l’État dans les projets annuels de performances des ministères

La direction du Budget a pris l’initiative heureuse de recommander à tous les ministères de fournir au Parlement, dans la partie justification au premier euro (JPE) des projets annuels de performances, un tableau de bord présentant les principaux indicateurs de performance immobilière(3). Cette présentation trouverait logiquement sa place dans les programmes soutien des missions, quand ils existent.

Guide de la justification au premier euro (JPE)
pour le projet de loi de finances pour 2009 (juillet 2008)

–  Extraits –

Dans sa partie « transversale », la JPE 2009 des programmes porteurs des principaux projets et enjeux immobiliers (en général les programmes « soutien ») devra capitaliser les informations disponibles au sein des directions immobilières de chaque ministère, en exploitant notamment les informations techniques et financières qui leur a servi à établir leur schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI).

Les ministères travailleront dans une logique de tableau de bord ministériel destiné à englober progressivement tous les paramètres significatifs de leur immobilier. La structuration de ces données chiffrées doit prendre appui sur les axes clés de la politique immobilière, lesquels sont aussi les principaux gisements d’économies de gestion, à savoir les surfaces (réduction), l’occupation (densification), l’entretien des bâtiments (programmation méthodique), les dépenses d’exploitation (rationalisation) et les coûts énergétiques (maîtrise).

Cet effort de transparence au sein des PAP n’est que le corollaire des travaux menés par les ministères dans le cadre de la mise en place du module de gestion immobilière adossé au chantier CHORUS, lequel a vocation à doter les administrations d’un système d’information fiable sur la dépense immobilière. Dans l’immédiat, l’élaboration de ce tableau de bord fournira à chaque ministère la boîte à outils dont il a besoin pour construire sa stratégie de performance immobilière et pour assurer la gestion efficiente de ses actifs.

À cet effet, il est recommandé de renseigner le tableau ci-dessous donnant les principales caractéristiques du parc occupé en matière de surface, d’occupation et de coût.

Le tableau doit respecter la forme suivante :

INDICATEURS ET RATIOS IMMOBILIERS

Indicateurs et ratios immobiliers (1)

Administration centrale

Services déconcentrés

Total

Nature

Repère

Libellé

Unité

Surface

1

SHON du parc

m2

2

SUB du parc

m2

3

Ratio SUB/SHON

nb

Occupation

4

Effectif ETPT (ref. PAE)

nb

5

Ratio SUB/ETPT

m2/ETPT

6

Coût de l’entretien courant

euro

7

Ratio entretien courant/SUB

euro/m2

Entretien lourd

8

Coût de l’entretien lourd (2)
(parc domanial et quasi-propriété)

euro

AE

CP

AE

CP

AE

CP

9

SUB du parc domanial (ou en quasi-propriété)

10

Ratio entretien lourd (2)/ SUB (parc domanial et en quasi-propriété)

euro/m²

AE

CP

AE

CP

AE

CP

(1) Les données et coûts référencés sont issus des données comptables agrégées les plus récentes (exercice 2007)

(2) Y compris les opérations financées sur le BOP ministériel du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». Une note de bas de tableau précisera les montants respectifs provenant du budget général et du CAS Immobilier. La définition des dépenses d’entretien courant et d’entretien lourd a déjà été fournie dans le guide de la JPE 2008.

Ce tableau constitue une grille de lecture minimale, commune à tous les ministères. Les éléments collectés dans ce cadre pourront bien entendu être complétés par tout autre indicateur ou ratio disponible au sein du ministère considéré et qu’il jugera de nature à compléter l’éclairage sur la situation du parc géré. Ces indicateurs et ratios devront être calculés sur un champ homogène avec la grille de base ci-dessus pour permettre les analyses, comparaisons et retraitements (en l’occurrence les données comptables issues de l’exercice clos 2007). Pour le choix de ces compléments, les ministères pourront avoir recours au référentiel spécifique construit par le service France Domaine pour l’examen des dossiers de remploi (cf. la charte de gestion du CAS Immobilier – Page 13 et suivantes), comme par exemple :

– le coût d’exploitation (loyers et charges, entretien/menues réparations, maintenance, énergie et fluides, nettoyage les locaux, gardiennage …) permettant notamment de calculer un coût d’exploitation/agent,

– le rendement des bâtiments (SUN/SHON) utile pour apprécier l’habitabilité globale du parc,

– le ratio d’occupation (SUN/ETPT) qui renseigne sur le niveau de densification de surfaces occupées.

De même pourront être mis à profit pour le choix de ratios et d’indicateurs relatifs à la qualité environnementale les travaux menés en matière de performance énergétique par le ministère chargé du logement dans le cadre du « Grenelle de l’environnement ».

L’introduction dans les PAP 2009 des programmes « soutien » (mais aussi des programmes de politique lorsque cela se justifie) d’objectifs et d’indicateurs immobiliers prenant appui sur le socle transversal défini ci-dessus est fortement recommandée. Le travail interministériel d’ores et déjà lancé (notamment au sein du comité d’orientation de la politique immobilière – COMO) sur la mise en place d’une méthodologie commune de recensement des données et la standardisation de normes cibles devrait permettre d’enrichir encore davantage le volet « immobilier » des PAP 2010 et 2011.

Source : Guide de la justification au premier euro (ministère du Budget)

Votre Rapporteur spécial estime néanmoins fort regrettable que ces tableaux soient établis en surface SUB. Les seules surfaces normalisées qui permettent de porter un jugement sur la performance immobilière sont les surfaces SUN. En effet, le ratio cible d’occupation, tel qu’il a été défini par le service France Domaine, est le ratio de 12 m2 de surface (SUN) par agent. Et le meilleur indicateur du rendement d’un immeuble est le ratio SUN/SHON (il mesure les surfaces réellement utilisées par rapport aux surfaces « perdues »). Il est donc impératif que la direction du Budget, qui propose ces tableaux aux différentes administrations, travaille avec le service France Domaines – d’ailleurs au sein du même ministère - à l’établissement de tableaux de bord pertinents.

B.– TROIS CONTRÔLES SUR L’IMMOBILIER DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

Votre Rapporteur spécial a choisi cette année d’effectuer un contrôle sur la gestion immobilière du ministère de la Justice. Les opérations de contrôle effectuées ont montré de grandes faiblesses dans la gestion des baux conclus par le ministère, ainsi qu’un schéma d’implantation caractérisé par une grande dispersion au détriment de la fonctionnalité. Il en résulte des surcoûts importants auxquels le ministère devra s’attacher à mettre fin rapidement.

Trois missions de contrôle et d’évaluation ont été effectuées par votre Rapporteur spécial dans des immeubles occupés par ce ministère :

– le 2 avril 2008 : 87/97 quai André Citroën et 14 rue des Cévennes, Paris 15ème – ancien siège de Canal + (direction générale de l’Administration et de l’équipement - DAGE) ;

– le 11 juin 2008 : 5/7 boulevard des Italiens, Paris 9ème (pôle financier du tribunal de grande instance – de Paris) ;

– le 11 juin 2008 : 14 rue Halévy, Paris 9ème (direction des Affaires criminelles et des grâces – DACG).

1.– L’immeuble du 87/97 quai André Citroën et 14 rue des Cévennes, Paris 15ème (plusieurs services hébergés dans l’ancien siège de Canal +)

L’occupation de l’ancien siège de Canal + (87/97 quai André Citroën et 14 rue des Cévennes Paris 15ème) par certains services du ministère de la Justice est intervenue à la suite de l’abandon du site de la rue Saint Honoré et pendant une période de croissance des effectifs de ce ministère, qui s’est accompagnée d’un essaimage dans plusieurs immeubles parisiens.

Le bail a été conclu en juillet 2005 pour neuf ans avec un fonds de pension espagnol, Realia Business, qui avait racheté le bien à Canal +. Y sont hébergés de façon quelque peu disparate quelque 680 agents, avec un peu plus de la moitié de la direction de l’Administration générale et de l’équipement (DAGE) (4), la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), une partie de la direction des Services judiciaires (DSJ), une petite partie de la direction des Affaires civiles et du sceau (DACS) et le service de l’Accès au droit et la politique de la ville (SADJPV). Selon le ministère, le bail chargé s’élève à plus de 11 millions d’euros par an. La partie du bâtiment aménagée en studios de production audiovisuelle a été louée à un autre locataire dans un bail spécifique.

La visite sur site effectuée par votre Rapporteur spécial lui a permis de prendre la mesure du caractère grandiose du geste architectural voulu par le fondateur de Canal+, André Rousselet, quand il a passé commande au grand architecte Richard Meier.

L’auditorium de 200 m² est par exemple équipé de vastes et luxueux sièges en cuir noir. Le hall d’entrée monumental frappe les esprits dès l’accueil. Le gigantesque bureau qu’André Rousselet s’était fait construire, avec baie vitrée et vue sur la Seine, a été scindé en deux, le bureau et l’antichambre du directeur de la DAGE. Un des documents remis à votre Rapporteur spécial lors de sa visite parle de « l’installation dans un site prestigieux des services du ministère de la Justice, après trente ans de présence rue Saint Honoré ».

La localisation du bâtiment dans un quartier central de Paris est justifiée par des raisons de proximité : « la plupart des services d’administration centrale, concernés par ce relogement, sont régulièrement sollicités par le cabinet du ministre, et sont en relations constantes avec les autres ministères (…). C’est pourquoi leur fonctionnement ne pourrait s’accommoder d’un trop grand éloignement avec leurs partenaires. » Le texte suivant, disponible sur le site Internet de l’architecte Richard Meier, donne une idée de l’immeuble même s’il ne remplace pas une visite sur place.

Richard Meier and Partners Architects LLP

Le siège de Canal+ (1992)

« Le siège et les installations de production de Canal +, sur la rive gauche de la Seine, juste à l'ouest du Pont Mirabeau et à l'est du Parc André Citroën, sont divisés en une aile ouest pour l'administration face à la Seine et une aile est pour la production audiovisuelle. L’organisation générale est déterminée par le contexte d’ensemble de ce quartier et par certaines restrictions importantes qui pesaient sur le site. Le plan fin et effilé de l’aile de l’administration est le résultat des limites du nord et du nord-ouest de la forme en L du site, qui définissent les deux côtés adjacents d'un parc carré occupant la meilleure partie du pâté de maison. Conceptuellement, l’immeuble de Canal+ est recouvert d’une série de membranes faites de mosaïques délicates.

De première importance est la combinaison du verre blanc opaque, clair et translucide, qui compose le mur-rideau sur la façade du fleuve, en liaison avec les brise-soleils en aluminium léger sur toute sa longueur. Un mur-rideau similaire est posé sur la façade sud de l'aile de l’audiovisuel, donnant sur le parc. Tous les bureaux dans l'ouest de l'aile font face au fleuve, et le bâtiment est soutenu par une colonne vertébrale en panneaux métalliques, face au parc public situé à l’arrière.

Trois grands studios de télévision de quatre étages de haut déterminent la forme et la masse de la base de l'aile orientale, qui a été partiellement enterrée pour se conformer aux contraintes d’urbanisme. Entre les ailes, un hall de verre à trois étages et éclairé par le ciel donne accès aux étages des studios. La poussée aérodynamique de l'aile des bureaux ouvrant vers le fleuve, qui contraste avec la grande masse des studios, apporte nouvelle vie et sens de la destinée civique à ce quartier. »

Source : site Internet de Richard Meier (http://www.richardmeier.com) (original en anglais, traduction de courtoisie)

Il n’a pas été possible à votre Rapporteur spécial d’avoir communication de la surface précise de cet immeuble. Un tableau qui lui a été remis évoque 17 374 m² (SHON) et 8 466 m²(SUN). Le ministère de la Justice conclut donc à un ratio de 12,5 m² (SUN) par agent. Le bail parle, lui, de « 15 896 m² environ de bureau », plus « 1 478 m² utiles environ d’équipements tertiaires » (…) « Les surfaces telles que mentionnées ci-dessus sont indicatives ». Avec une surface de 17 374 m2, on arrive donc à un ratio de 25,5 m² (« surface utile ») par agent… Un autre document remis par ailleurs à votre Rapporteur spécial parle de 17 400 m² de surface utile « balayable ».

Il n’est pas acceptable que ce ministère utilise des mesures fantaisistes, alors que le service France Domaine a établi que les mesures doivent être effectuées selon la méthodologie suivie par tous les professionnels du marché : SHOB, SHON, SUB et SUN (5). L’imprécision se traduit ici par une dissimulation.

2.– L’immeuble du 5/7 boulevard des Italiens, Paris 9ème (pôle financier du tribunal de grande instance de Paris)

Le pôle financier du tribunal de grande instance (TGI) de Paris a renouvelé le 1er janvier 2008 le bail du bâtiment qu’il occupe au 5-7 rue des Italiens à Paris 9ème arrondissement. Selon les informations transmises par le ministère de la Justice, le loyer acquitté au titre du bail échu s’établissait pour 2007 à 458 euros le m² HT/HC, tandis que le loyer du nouveau bail atteint 604 euros le m², en lissant sur six ans les avantages consentis en première année de bail, soit une augmentation de 32 %. La franchise de 10 mois consentie la première année (4,3 millions d’euros) constitue donc une simple présentation faciale qui a pour but de cacher cette forte augmentation. Le niveau moyen des loyers des immeubles professionnels à Paris n’a pas progressé dans de telles proportions au cours des dernières années et rien ne paraît justifier une pareille augmentation, si ce n’est la négociation – ou l’absence de négociation - entre le bailleur et le ministère de la Justice. Le nouveau bail est conclu pour une période de neuf années avec une durée ferme de six années.

Le TGI occupe depuis 1999 l’ancien immeuble du journal Le Monde, en raison de l’insuffisance des surfaces disponibles dans l’île de la Cité. L’immeuble a changé de propriétaire en février 2007. Le nouveau propriétaire, la SNC Opéra-Italiens (détenue par des fonds de pension), a notifié au ministère de la Justice, en mai 2007, son intention d’augmenter le loyer dans les proportions ci-dessus rappelées, sous peine de résilier le bail à son échéance fixée contractuellement au 31 décembre 2007. Le ministère ne s’était pas préoccupé du devenir de son implantation au-delà de cette date et les neuf mois restant à courir ne lui ont pas permis de trouver une nouvelle implantation pour ses services et d’y faire réaliser les aménagements spécifiques nécessaires à leur fonctionnement. Il s’est ainsi manifestement placé dans une situation défavorable pour la négociation et qu’il s’est alors trouvé contraint d’engager avec la société propriétaire des locaux.

Des travaux importants, de l’ordre de 5 millions d’euros, avaient été effectués lors de la première prise à bail de cet immeuble en 1999, afin d’adapter les locaux à cette activité pénale (gardes, escortes, sas de sécurité, etc…). Le ministère de la Justice faisait valoir que le pôle financier exerce une activité très spécifique justifiant ces aménagements : droit pénal fiscal des sociétés, droit boursier, corruption internationale, blanchiment, fraudes douanières… Les services du ministère de la Justice estiment qu’au jour d’aujourd’hui les travaux d’aménagement spécifiques pour héberger le pôle financier du TGI de Paris dans un immeuble standard de 6 000 m² s’élèveraient à 17 millions d’euros. Il n’a pas été possible pour votre Rapporteur spécial ni d’obtenir une explication de la multiplication par plus de cinq par rapport aux 5 millions d’euros datant de 1999, ni de vérifier ce nouveau chiffrage.

L’immeuble représente une surface totale de 7 384 m² (dont 6 278 m² de bureaux et 1 106 m² d’archives et de réserves) (6). L’immeuble est occupé par 202 magistrats et fonctionnaires et le coût immobilier par agent implanté atteint 25 248 euros HT/HC par an. Les ratios d’occupation de l’immeuble sont très au-dessus des normes cibles applicables. Les personnes rencontrées par votre Rapporteur spécial lors de sa visite ont précisé que chaque magistrat dispose d’un bureau de 15 m² et d’une salle adjacente de 30 m². Le ratio moyen de surface serait, selon le ministère, de 19,1 m² par personne du siège et de 15,8 m² au parquet, soit déjà nettement au-dessus de la cible de 12 m² par agent fixée par le service France Domaine. Un simple calcul de votre Rapporteur spécial, à partir des chiffres communiqués par le ministère (7 384 m² hébergeant 202 personnes), donne un ratio de 36,5 m² par agent ! La justification de ces surfaces réside dans le volume important des dossiers traités, qui nécessite une place importante de stockage. L’immeuble des 5/7 rue des Italiens est situé dans un des quartiers les plus chers de la capitale et le loyer acquitté, s’il ne dépasse pas le haut de la fourchette des prix actuellement constatés dans ce quartier, est néanmoins très élevé.

Enfin, votre Rapporteur spécial a constaté une sous-utilisation des locaux du TGI de Paris. La surface des cabinets d’instruction doubles des magistrats – greffiers est justifiée par la taille des dossiers traités. Il serait utile de réfléchir à une solution d’archivage électronique de documents, où le retour sur investissement pourrait être positif. Plusieurs locaux étaient vides lors de la visite effectuée le 11 juin 2008 : salles d’archives, salle de presse, salles de réunion, local des avocats en face des gendarmes, salle de confrontation, salles de consultation des dossiers par les avocats, bibliothèque… Dans l’attente d’une relocalisation, une densification de l’occupation de cet immeuble doit être prioritaire.

Le Conseil de l’immobilier de l’État (CIE) a été saisi du dossier par le ministre du Budget trois jours seulement avant le terme du bail, à un moment où les marges de manœuvre étaient quasiment nulles. Malgré l’avis négatif du CIE, le ministre du Budget n’a pu faire autrement que d’accepter le renouvellement du bail, faute de solution de rechange qui permette la continuité du service.

Les magistrats et représentants du ministère de la Justice, rencontrés par votre Rapporteur spécial lors de sa visite sur place, ont reconnu le caractère tardif de la renégociation du bail. Ils l’ont justifié par « la redéfinition en cours des instances (service France Domaine…) et des procédures de la politique immobilière de l’État » (sic), par le caractère récent de l’installation du pôle financier dans cet immeuble, et par la perspective de construction d’un bâtiment devant héberger l’ensemble des services du TGI de Paris.

Votre Rapporteur spécial estime que le ministère de la Justice a fait preuve d’une grande négligence en ne se souciant pas suffisamment tôt du renouvellement du bail. Il a dû accepter les prétentions démesurées du bailleur, faute de disposer d’une solution de rechange avant l’expiration du bail. En outre, il s’est avéré que la gestion des baux était pilotée par les services du ministère de la Justice, d’ailleurs dans une grande autonomie par rapport à la direction générale de l’Administration de ce ministère, alors qu’il s’agit d’une compétence du propriétaire, normalement représenté par le service France Domaine. Il semble que le service France ait seulement été associé à cette négociation, à un stade où les marges de manœuvre étaient devenues quasiment inexistantes.

L’état du marché des bureaux permet d’estimer qu’il aurait été facilement possible, en recherchant des immeubles de standard comparable dans des quartiers plus périphériques de la capitale, d’obtenir un coût locatif d’un niveau tel qu’il aurait permis de réaliser des économies, même en tenant compte du coût des travaux d’aménagement qu’il aurait été nécessaire d’effectuer (conditions de sécurité pour l’accueil de détenus, cabinets d’instruction doubles des magistrats / greffiers, etc).

Le renouvellement de ce bail s’inscrit dans le contexte global de la localisation de l’ensemble du TGI de Paris, actuellement à l’étude. Ce projet est porté par une structure dédiée du ministère de la Justice, l’établissement public du palais de justice de Paris (EPPJP). Cette juridiction est implantée sur les deux sites de l’île de la Cité et de la rue des Italiens et a le projet, par ailleurs légitime, de se regrouper sur un site unique. Un conflit perdure depuis plusieurs années entre l’État et la Ville de Paris sur la possibilité de construire un bâtiment (sur le site de Tolbiac ou en bordure de périphérique), sans mentionner les incertitudes sur le calendrier et le coût budgétaire de l’opération (environ 800 millions d’euros selon les déclarations de M. Rémi Heitz, directeur de l’Administration générale et de l’équipement du ministère de la Justice, le 9 avril devant la commission des Finances du Sénat).

Votre Rapporteur spécial estime en outre qu’il n’est pas de bonne politique de maintenir durablement dans un immeuble locatif un service de l’État à vocation pérenne qui de surcroît exerce une activité régalienne à haute responsabilité (lutte contre la criminalité financière).

3.– L’immeuble du 14 rue Halévy, Paris 9ème et la gestion des baux du ministère de la Justice

a) L’immeuble du 14 rue Halévy, Paris 9ème (direction des Affaires criminelles et des grâces – DACG)

L’occupation de l’immeuble domanial situé 14 rue Halévy, Paris 9ème par la direction des Affaires criminelles et des grâces (DACG) du ministère de la Justice est également intervenue à la suite de l’abandon du site de la rue Saint Honoré et pendant une période de croissance des effectifs de ce ministère, qui s’est accompagnée d’un essaimage dans plusieurs immeubles parisiens.

L’immeuble a été acheté à l’assureur AGF en 2004 pour un montant de 31,1 millions d’euros. Il a nécessité un an de travaux d’aménagement avant emménagement. Le loyer budgétaire payé sur l’immeuble s’élève à 1,6 million d’euros en 2008 et devrait augmenter progressivement jusqu’à arriver à 1,7 million d’euros en 2011.

Les services du ministère de la Justice ont indiqué que le site de la rue Halévy comporte 1 742 m² (SUN) (1 524 m² de bureaux et 217 m² de salles de réunion) et héberge 139 agents, ce qui représenterait un ratio de 12,5 m² par agent. Or l’avis du Comité pour l’implantation territoriale des emplois territoriaux (CITEP) établi en 2004 lors de l’acquisition par l’État mentionne une surface à usage de bureaux et de salles de réunion de 2 500 m² (SUN) et de surfaces de circulation de 626 m², ce qui représenterait une surface SHON de 3 128 m². On passerait ainsi à un ratio de 18 m² (SUN) par agent. Par ailleurs un autre document remis à votre Rapporteur spécial par le ministère parle de 3 427 m² de surface utile « balayable », le même chiffre étant mentionné comme surface SHON dans le SPSI (2008) du ministère. Là encore les indications de surface fournies par le ministère de la Justice sont tout à fait fantaisistes. Le service France Domaine a calculé, selon des modalités qui n’ont pas été portées à la connaissance de votre Rapporteur spécial, que l’immeuble de la rue Halévy présentait un rendement immobilier assez faible (ratio SUN/SHON de 51 %).

La localisation de ce très bel immeuble haussmannien, juste derrière l’Opéra Garnier, dans un des quartiers les plus chers de Paris, est justifiée par le ministère de la Justice par la « nécessité d’une relation permanente et quotidienne avec le garde des sceaux, son cabinet et ses services immédiats. Par ailleurs la DACG est conduite à entretenir des relations étroites et constantes avec d’autres directions et services du ministère de la Justice, mais également avec d’autres départements ministériels. (…) Le suivi de l’action publique et la définition de la politique pénale nécessitent en particulier une proximité géographique immédiate avec le cabinet du garde des sceaux»

Dans ces conditions, la conclusion du SPSI (2008) du ministère de la Justice semble judicieuse aux yeux de votre Rapporteur spécial, à savoir « un regroupement sur un site unique dans un arrondissement périphérique ou en proche banlieue les directions et services [du ministère]. (…) Le financement de cet immeuble serait gagé par le produit de la cession de l’immeuble de la rue Halévy. » Les interlocuteurs que votre Rapporteur spécial a rencontrés lors de sa visite de l’immeuble de la rue Halévy n’avaient visiblement pas eu connaissance du SPSI de leur ministère, car ils se déclaraient « heureux » de travailler sur ce site et n’aspiraient qu’à pouvoir continuer à le faire.

b) La mauvaise gestion des baux du ministère de la Justice

Au début de la décennie 1990, toutes les directions du ministère étaient encore place Vendôme. À la suite de l’abandon du site de la rue Saint Honoré et pour faire face à une période de croissance des effectifs (environ 2 200 agents aujourd’hui), le ministère de la Justice a essaimé dans plusieurs immeubles parisiens. Toutes les nouvelles installations sont locatives à part celle de la rue Halévy. Les mouvements de déménagements ont été particulièrement nombreux depuis 1998. Au total, le ministère de la Justice a dépensé 25,8 millions d’euros (TTC CC) en 2007 en loyers commerciaux pour ses sites parisiens. Le bail de l’immeuble du 5 boulevard de la Madeleine (Paris 8ème), occupé par la direction des Affaires criminelles et du sceau (DACS), s’élève à 1 916 euros le m² SUN (TTC CC) par an ! Celui du 8 place Vendôme (Paris 8ème), occupé par les inspecteurs généraux des services judiciaires, à 1 622 euros le m². Trois autres sites ont des loyers (TTC CC) supérieurs à 1 000 euros le m² : 2/14 rue des Cévennes (1 209 euros), 18 bis rue d’Anjou (1 187 euros) et 92 rue de Richelieu (1 151 euros), etc.

LOYERS 2007 ET SURFACES DES LOCAUX DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

Sites

Nature du bail

Fin du bail

Surface
SUN

Surface
SHON

Loyers TTC chargés versés
en 2007

Nombre moyen d'agents répartis

18 bis rue d'Anjou

3 ans / 6 ans / 9 ans

28/02/10

119

197

145 813,69

12

92 rue de Richelieu

3 ans / 6 ans / 9 ans

31/05/10

107

176

125 485,49

12

17 rue St Fiacre

9 ans fermes

31/07/11

2 211

3 325

1 978 718,97

200

5 Bd de la Madeleine

6 ans / 9 ans

11/11/11

2 049

3 184

3 926 502,17

150

8 Place Vendôme

6 ans / 9 ans

14/02/12

693

1 114

1 124 330,68

50

8 rue du Renard

6 ans fermes

31/12/12

3 933

6 969

2 327 679,91

330

2/14 rue des Cévennes

9 ans fermes

30/04/14

8 466

17 374

11 312 348,05

680

55 rue de Rivoli (*)

3 ans / 6 ans / 9 ans

30/06/16

120

181

54 558,03

20

17 Av. George V (**)

6 ans / 9 ans

31/05/14

280

465

286 078,04

20

14 rue Halévy

Loyer budgétaire

1 742

3 427

1 725 248,90

150

13 place Vendôme

Loyer budgétaire

6 562

10 355

3 119 016,00

500

Total (***)

 

 

26 002

46 302

25 839 702

2 104

(*) A compter du 1er juillet 2007.

(**) Repris en gestion en 2008 par le Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C) doté d'autonomie juridique et comptable.

(***) Hors Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C) indépendant.

Source : ministère de la Justice

MOUVEMENTS IMMOBILIERS DES SERVICES CENTRAUX DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE INTERVENUS DEPUIS 1998

Implantations

Entités concernées

Date, objet et motif

Surfaces
quittées

Surfaces
emménagées

247/251 rue St-Honoré

75001 Paris

DAP

1998-1999 : Départ de la DAP du 247 St-Honoré – Redistribution interne des Directions

   

8 rue du Renard

75004 Paris

DAP

Janvier 1998 : Installation de toute la Direction dans un immeuble qui lui est propre – bail renouvelé pour 6 ans fermes à effet du 01/01/2007

 

6 969 m²

(réajustés en 2007)

4 rue de Mondovi

75001 Paris

 

1999 : Immeuble n’ayant plus d’utilité, cédé au MINEFI

1 175 m²

 

37 avenue Pierre 1er de Serbie

75008 Paris

SCPC

1999 : Pas d’accord lors du renouvellement du bail

640 m²

 

129 rue de l’Université

75007 Paris

SCPC

SADJPV

1999 : Relogement du SCPC et accueil d’une entité du SADJPV

 

565 m²

59 rue des Petits Champs

75001 Paris

Mutuelle du ministère

Juin 2000 : Fin d’occupation par la Mutuelle, qui emménage au 53 rue de Rivoli

715 m²

 

18 bis rue d’Anjou

75008 Paris

CNICP

H3C

Janvier 2001 : Logement de la Commission Nationale d’Indemnisation des Commissaires Priseurs puis du H3C.

 

197 m²

92 rue de Richelieu

75002 Paris

MAMIF

Mai 2001 : Installation de la MAMIF (DACS)

 

176 m²

372 rue Saint-Honoré
+ 9 rue du Mont-Thabor 75001 Paris

DAGE (SDI)

2002 : À la Demande du propriétaire de libérer les lieux par anticipation pour regroupement rue St-Fiacre

1 940 m²

+ 186 m²

 

17 rue Saint-Fiacre

75002 Paris

DAGE (SDI)

DSJ

Août 2002 : Relogement de la Sous direction Informatique + Bureau de l’Informatisation des Juridictions

 

3 325 m²

8, place Vendôme

75001 Paris

SEPIJ, IGSJ

Février 2003 : Logement du Secrétariat d’État (SEPIJ puis SEDV) et de L’IGSJ

 

1 114 m²

92 rue de Richelieu

75002 Paris

MAMIF

Juillet 2003 - Regroupement MAMIF avec DACS au 5 bd Madeleine – redistribution

   

13 place Vendôme

75001 Paris

DACS

2003 : Évacuation du bâtiment Vendôme (2ème, 3ème étages et combles) pour travaux de conformité et solidité / stabilité

1 379 m²

 

5 bd de la Madeleine

75001 Paris

DACS, MAMIF

Juillet 2003 : Relogement de la DACS, dont MAMIF et service de l’entraide civile internationale

 

3 184 m²

13 rue Duphot

75001 Paris

SAEI

Octobre 2003 : Regroupement du SAEI au 16 Duphot – départ en fin de bail

133 m²

 

2/14 rue des Cévennes

75015 Paris

DAGE, DPJJ, SADJPV, DSJ, DACS, SCBCM

Juin 2005 : Installation après l’abandon du site 247/251 rue Saint-Honoré suite à expiration du bail.

16 500 m²

17 374 m²

14/16 rue Halévy

75009 Paris

DACG, SG

Novembre 2005 : 1ère phase relogement DACG, 2ème phase juin 2006, 3ème phase décembre 2006

 

3 427 m²

1, rue Duphot

75001 Paris

SAEI, DACG

Décembre 2005 : départ en fin de bail (prolongé d’1 an) et relogement au 13 Vendôme

1 525 m²

 

55 rue de Rivoli

75001 Paris

DAP

Décembre 2007 : extension du plateau informatique spécifique aux besoins pénitentiaires (redéploiements de St Fiacre)

 

181 m²

Tous les immeubles ont été choisis à proximité de la place Vendôme, donc dans un des quartiers les plus chers de Paris. La justification en est la proximité avec le ministre, avec le Conseil d’État, avec la Présidence de la République (la DACG examine chaque année 7 000 demandes de grâces auprès du Président de la République) et avec le Parlement. Votre Rapporteur spécial s’interroge sur l’absolue nécessité de localiser tous les services du ministère de la justice « à proximité immédiate » de la place Vendôme. En outre l’essaimage dans les multiples immeubles parisiens semble avoir été effectué sans plan d’ensemble, avec des déménagements incessants et des services éclatés dans plusieurs bâtiments. Ainsi les effectifs de la DACG sont répartis sur trois sites : la rue Halévy, la rue Duffot et la place Vendôme.

Pour s’en tenir aux implantations en Île-de-France, les effectifs de la DAGE sont répartis sur cinq sites (13 place Vendôme, 2/14 rue des Cévennes, 17 rue Saint-Fiacre, rue Charles Fourier et 6 bis avenue des Tuileries à Grigny), ceux de la direction des Services judiciaires (DSJ) sur quatre sites (13 place Vendôme, 2/14 rue des Cévennes, 21 rue Saint Fiacre et 18 bis rue d’Anjou), ceux de l’Inspection générale des services judiciaires sur trois sites (8 place Vendôme, 2/14 rue des Cévennes et 8 rue du Renard), ceux de la direction de l’Administration pénitentiaire (DAP) sur deux sites (8 rue du Renard et 55 rue de Rivoli), ceux de la direction des Affaires civiles et du sceau (DACS) sur deux sites (5 boulevard de la madeleine et 2/14 rue des Cévennes), et ceux de la direction des Affaires criminelles et des grâces (DACG) sur deux sites (14/16 rue Halévy et 16 rue Duphot).

Le « jeu de chaises musicales » n’est pas près de s’arrêter, avec la restructuration en cours des services dépendant du secrétariat général du ministère de la Justice telle que décidée par la RGPP. La DAGE, en particulier, sera scindée en plusieurs départements, et des déménagements sont encore à prévoir.

Sur la question horizontale de la gestion des baux, votre Rapporteur spécial souhaite que les dispositions soient prises par le service France Domaine pour que soit mis en place, en liaison avec la direction immobilière du ministère de la Justice un dispositif de pilotage et de surveillance des baux conclus par l’État. Il semble qu’à la date de la visite de votre Rapporteur spécial, cette gestion n’était effectuée ni pour les immeubles parisiens (les plus coûteux), ni pour les autres en France. Un simple recensement des baux relatifs aux tribunaux de France a été qualifié de « travail colossal » devant votre Rapporteur spécial. En particulier devra être établi un échéancier relatif aux termes des baux, afin que les négociateurs publics puissent anticiper suffisamment à l’avance ces échéances et conclure avec les bailleurs dans les meilleures conditions, en se rapprochant le plus possible des meilleures pratiques de la profession. Le service France Domaine estime qu’il faut se préoccuper de la résiliation d’un bail trois ans avant son terme : ce délai doit permettre de trouver des solutions alternatives, afin de ne pas se trouver en situation de faiblesse vis-à-vis du bailleur lors de la renégociation du bail.

La réponse au questionnaire budgétaire indique qu’à la suite du rapport de la MEC de juin 2008 sur l’immobilier de l’État, le ministre du Budget a décidé de mettre en place un dispositif de pilotage et de surveillance des baux conclus par l’État. Selon un dispositif prévu par une circulaire en préparation du Premier ministre, les baux feraient l’objet d’un recensement et d’un examen en liaison avec les administrations occupantes dans un délai suffisamment en amont de l’échéance du bail (entre 18 et 24 mois) qui sera mis à profit pour rechercher les solutions les plus appropriées : résiliation, recherche d’une nouvelle localisation (domaniale ou locative), renégociation du bail. Votre Rapporteur spécial se félicite de cette circulaire et espère qu’elle sera mise en œuvre rapidement et sans réticence par les différents ministères.

C.– QUELQUES QUESTIONS SUR LA NOUVELLE POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L’ÉTAT

Le rapport de la MEC de juin 2008 sur l’immobilier de l’État avait fait un point complet sur l’avancement de la réforme de l’immobilier de l’État et a émis des recommandations. Depuis cette date, votre Rapporteur spécial souhaite soulever quelques points importants dans la mise en œuvre de cette réforme.

1.– L’actualisation des schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) n’a pas encore permis de tenir compte des décisions prises dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP)

Les décisions prises dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) auront des incidences immobilières par les réorganisations administratives et les réductions de personnel dans les services centraux. Ces réorganisations ont vocation à être prises en compte dans l’actualisation (7) effectuée cette année des schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) des services centraux des ministères. Il en est ainsi également de la réorganisation des services déconcentrés au niveau régional et départemental : agences régionales de la santé (ARS), DGFiP, plan de stationnement des forces ou encore redéploiement de la carte judiciaire. Étendus aux immeubles de bureaux de l’administration centrale et de 25 départements (dont les 10 plus grandes agglomérations et tous les départements de la région parisienne), ces SPSI reposent sur un recueil de données relatives aux bâtiments et se traduiront par une programmation des travaux, cessions et acquisitions immobilières sur cinq ans. Ils portent sur plus de 3 300 immeubles. Cet exercice sera étendu en 2009 à l’ensemble du territoire. Ultérieurement, il sera conduit sur le parc des opérateurs publics de l’État.

Votre Rapporteur spécial a pu constater que lors de la présentation initiale devant le CIE des SPSI actualisés au cours du printemps 2008, la plupart des ministères n’ont pas tiré pleinement les conséquences immobilières des décisions de la RGPP en termes de regroupement des services et de réduction des effectifs. L’examen de ces SPSI n’est pas terminé et le CIE s’attache à obtenir des améliorations sur ce sujet.

a) Les ministères sociaux

Le SPSI du ministère de la Santé évoque les conséquences de la RGPP en termes de réorganisation et de réduction des effectifs, mais ne les chiffre pas. Or il est déjà acté dans la RGPP que ce ministère réduira ses effectifs de 370 postes sur cinq ans, mais le SPSI ne répartit pas entre services centraux et déconcentrés. Le ministère du Travail évoque seulement de façon allusive les conséquences de la RGPP. La projection 2012 du projet de SPSI du secrétariat d’État à la Jeunesse, au sport et à la vie associative, maintient à 591 les effectifs actuels, sans chiffrer la réduction des effectifs tenant au rapprochement des structures entre la Santé et la Jeunesse et sports et aux conséquences de la RGPP.

Les SPSI des ministères sociaux indiquent qu’ils se limiteront au strict respect de la règle du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite (environ 200 postes de travail). Les efforts d’organisation seraient contrebalancés par une augmentation du nombre et de la variété des missions assumées. Votre Rapporteur spécial note cependant que la fusion programmée des directions support de l’ensemble du champ Santé, Jeunesse et Sports et Vie associative devrait logiquement dégager des marges de manœuvre.

b) Le ministère de l’Agriculture

Le SPSI réactualisé du ministère de l’Agriculture ne mentionne jamais la RGPP ni a fortiori ses conséquences immobilières. Or ce SPSI prévoit une augmentation de la SUB totale de 424 m², alors que dans le même temps il indique que les effectifs parisiens de son administration centrale seront ramenés de 2 159 à 2 120… De façon contradictoire, le SPSI indique par ailleurs, d’une part, que le périmètre de l’administration centrale est considéré comme stable sous réserve de la nécessité pour la direction des Pêches maritimes et de l’aquaculture (DPMA) d’accroître ses effectifs compte tenu des contentieux européens et de la mise en place des mesures de contrôle liées à ces contentieux et, d’autre part, que la réduction des effectifs estimée est de 2 % par an (8).

Par ailleurs le SPSI du ministère de l’Agriculture ne donne que très peu d’information sur les opérateurs, y compris ceux situés en région Ile-de-France (par exemple la fusion des offices agricoles, de l’Agence unique de paiement et du Centre national d’aménagement des structures et des exploitations agricoles - CNASEA).

c) Les services du Premier ministre

Dans le SPSI des services du Premier ministre, la RGPP n’est évoquée que pour faire état de transferts de services vers d’autres ministères à la suite de la reconfiguration gouvernementale (direction de l’Administration et de la fonction publique – DGAFP intégrée au ministère du Budget, direction du développement des médias – DDM intégrée au ministère de la Culture), sans pour autant que les conséquences de ces rattachements ne soient évoquées.

Les incidences en termes de suppression d’emplois résultant de la RGPP sont purement et simplement ignorées et les autres conséquences de la RGPP ne sont pas tirées ou tirées dans un sens défavorable.

d) Le ministère de l’Immigration

Les services centraux du ministère de l’Immigration, créé en 2007, comptabilisent 390 postes à Paris (plus les 170 postes de son opérateur l’ANAEM) et 250 postes en province (région nantaise). Le ministère ne dispose pas de services déconcentrés. La décision du 12 décembre 2007 prise dans le cadre de la RGPP a acté une diminution des effectifs de 40 postes (visas et naturalisation gérés par les services implantés en région nantaise) pour supprimer les doublons constatés avec les services des préfectures chargés des naturalisations. L’intégration dans l’ANAEM de certains services de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSÉ), décidée également dans le cadre de la RGPP, devrait avoir des répercussions sur les effectifs.

Votre Rapporteur spécial se félicite néanmoins qu’à la suite du rapport de la MEC du printemps dernier, le ministère de l’Immigration ait abandonné l’idée de louer l’immeuble du 103 rue de Grenelle, Paris 7ème, faisant ainsi économiser à l’État un loyer coûteux (9).

e) Le ministère de la Défense

À la suite du livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, la RGPP a décidé une réduction de 54 000 postes pour le ministère de la Défense, services centraux et déconcentrés confondus. Le SPSI transmis par ce ministère mentionne dans la note de présentation une diminution de 5 400 agents dans les services centraux, avec une délocalisation en province de certains organismes (directions du personnel et soutien). Cette réduction n’est cependant pas phasée dans le temps. Or le tableau annexé mentionne une diminution de 12 000 ETPT dans les services centraux, ce qui parait un chiffre manifestement erroné. Le regroupement à Balard (Paris 15ème), décidé par la RGPP, verrait le « Pentagone à la française » héberger environ 9 500 à 10 000 agents.

f) Le ministère de l’Intérieur

Le SPSI du ministère de l’Intérieur a indiqué que le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, tant dans les administrations centrales que déconcentrées, n’aurait qu’un faible impact sur les surfaces occupées. Ainsi les bâtiments situés dans le pourtour de l’îlot Beauvau connaîtraient actuellement un ratio d’occupation de 6 m² en moyenne, sans qu’il soit possible de vérifier ce chiffre. Le ministère avoue ne pas arriver à traduire la réduction des effectifs induite par la RGPP en termes immobiliers, en raison dit-il de ratios d’occupation déjà très bas.

Votre Rapporteur spécial note, pour ne prendre qu’un seul exemple, que la mutualisation du parc auto de la gendarmerie et de la police et l’externalisation de certaines tâches (opérations de maintenance et d’assurance) pourrait économiser plusieurs dizaines de postes et plusieurs milliers de m².

Le SPSI présenté par le ministère de l’Intérieur ne tire pas les conséquences de la décision prise par le 12 décembre 2007 dans le cadre de la RGPP d’intégrer la gendarmerie à ce ministère à compter du 1er janvier 2009. Or l’agencement de l’îlot Beauvau devrait en toute logique accueillir à parité la DGPN et la DGGN.

En outre la création proposée d’un service à compétence unifié dans le domaine de la police scientifique et technique pourrait emporter quelques conséquences sur le déménagement programmé par la DGGN de ses services spécialisés de Rosny-sous-Bois à Pontoise.

La RGPP a préconisé la transformation de l’administration centrale en charge de l’outre-mer en une administration de mission (une délégation) intervenant davantage dans le pilotage et la coordination des politiques publiques et gérant beaucoup moins de crédits. Cette configuration devrait entraîner un format réduit mais renforcé en compétences, notamment en matière d’évaluation. Les projections s’orientent vers une division par deux des effectifs au moins (de 200 à 100 postes).

g) Les ministères de l’Économie et du Budget

Le SPSI des ministères économique et financier comporte la particularité étrange de ne pas prendre en compte les réductions d’effectifs induites par la RGPP, notion par ailleurs totalement absente du document. La fusion de la direction générale des Impôts (DGI) et de la direction générale de la Comptabilité publique (DGCP) au sein de la nouvelle DGFiP (130 000 agents) entraînera la suppression de plusieurs milliers d’emplois par an au cours des prochaines années. Le taux de non-remplacement des fonctionnaires partant à la retraite s’est élevé à 55 % pour la nouvelle direction générale dans le présent projet de loi de finances.

En outre, ne sont pas mentionnés dans le SPSI les conséquences de l’installation de la nouvelle direction des Entreprises, le départ de la direction générale de l’Énergie et des matières premières (DGEMP) vers le ministère de l’Écologie, les conséquences de l’installation de la DGFiP, l’intégration de la DGAFP, sans parler de la réinstallation de l’ENSAE sur le site de Palaiseau et l’installation de l’Opérateur national de paye (ONP) en province.

Les travaux engagés dans le cadre de la RGPP ont mis en évidence le poids des services support dans les deux ministères, avec la possibilité de rationaliser ces fonctions et d’en réduire les effectifs (avec des chiffrages pour la partie économique). On n’en retrouve pas trace dans le SPSI.

h) Le ministère des Affaires étrangères

Rappelons que le ministère des Affaires étrangères et européennes est engagé dans un schéma de réimplantation de ses services centraux sur trois pôles, avec l’hôtel du quai d’Orsay, pour le ministre et ses services rapprochés, le bâtiment administratif du quai d’Orsay et l’ancien immeuble de l’Imprimerie nationale situé rue de la Convention à Paris 15ème acquis par le ministère en 2007 (10).

La réduction des effectifs du ministère prévue par la RGPP devrait permettre de réduire les effectifs centraux de plus de 500 agents (resserrement des fonctions d’état-major et externalisation de certaines fonctions support). Le SPSI de ce ministère n’en tire aucune conclusion et raisonne à effectifs constants. En effet, dans le schéma d’évolution présenté, les effectifs de la phase intermédiaire sont identiques à ceux de la phase initiale (2 850 agents). Ceux de la situation cible en 2011 ne sont pas indiqués, alors que l’une des motivations du regroupement rue de la Convention avait trait aux économies et suppressions d’emplois permises par un site unique.

Votre Rapporteur spécial note que cette réduction aurait permis de libérer des espaces sur l’immeuble de la rue de la Convention. Or cet immeuble disposera d’un centre de conférence mais le ministère estime qu’il ne pourra faire office de centre de conférences internationales, pour remplacer celui de l’immeuble de l’avenue Kléber. Le premier argument invoqué était celui de la sécurité ; le centre de conférence est situé sous la verrière qui servait d’atelier à l’Imprimerie nationale et l’immeuble, qui comporte seulement trois étages, est inséré dans un îlot d’immeubles haussmanniens qui le surplombe. Mais l’argument principal était qu’une partie non négligeable de la surface sous verrière devait être occupée par des bureaux pour héberger 60 agents du ministère, afin que l’immeuble de la rue de la Convention puisse héberger un total de 1 300 agents. Cet argument tombe évidemment avec les réductions annoncées par la RGPP. La libération des surfaces permise par la réduction de 500 agents permettrait d’utiliser tout l’espace situé sous verrière pour le centre de conférences, et même d’en libérer d’autres.

Votre Rapporteur note en outre que cette solution de localiser le centre de conférences internationales dans l’immeuble de la rue de la Convention permettrait d’économiser la recherche d’un autre site pour ce centre de conférences. Or le ministre des Affaires étrangères et européennes, M. Bernard Kouchner, a confirmé, lors de son audition par la MEC au printemps dernier, qu’il étudiait la possibilité de faire construire un tel centre de conférences internationales sous l’esplanade des Invalides, devant le quai d’Orsay. Ce projet coûterait environ 100 millions d’euros dans les estimations initiales… Il faut enfin noter que le ministère n’a jamais donné le nombre annuel des conférences internationales nécessitant une très forte logistique. S’il s’agit de quatre ou cinq conférences internationales par an (Liban, Afghanistan, Francophonie, assurance maladie, santé…), la location de salles comme le Palais des congrès de la Porte Maillot, qui a été utilisé par le sommet France-Afrique de 2005, pourrait constituer une solution alternative plus économique. Les calculs effectués par les professionnels de l’immobilier montrent qu’en deçà de 50 réunions par an, il vaut mieux louer qu’acheter. En outre le ministère entend se réserver l’usage du contre de conférence de la rue de la Convention et refuse de le mutualiser au niveau interministériel. Il estime que ce centre doit être disponible en permanence et qu’il ne peut être soumis à « un plan de charge de type commercial ».

Jusqu’à présent, et avant que le premier agent n’y soit installé, l’opération de l’immeuble de la rue de la Convention aura déjà coûté 325 millions d’euros (HT) pour l’acquisition, plus 31 millions d’euros de travaux d’aménagement supplémentaires, et 39 millions d’euros de loyers intercalaires jusqu’à la fin de l’année 2008. Le ministère des Affaires étrangères et européennes a en effet souhaité conserver à sa disposition le centre de conférences internationales de l’avenue Kléber jusqu’à la fin de la présidence française de l’UE (loyer annuel de 16 millions d’euros). Le ministère a financé ces dépenses par la vente de l’immeuble de l’avenue Kléber pour 404 millions d’euros et de celui de la rue Monsieur (ancien ministère de l’Outre mer) pour 140 millions d’euros.

i) Le ministère de la Culture

Rappelons que le ministère de la Culture et de la communication a regroupé une grande partie de ses services centraux dans l’immeuble de la rue des Bons Enfants (Paris 1er), dans des conditions qui ont été décrites dans le rapport de la MEC sur l’immobilier de l’État de juillet 2005. Cet immeuble a coûté plus de 70 millions d’euros en rénovation, et au moins autant en ajoutant les travaux réalisés par le ministère des Finances en pure perte et le manque à gagner d’un immeuble qui est resté inoccupé pendant 12 ans. Le rendement de cet immeuble est particulièrement bas, avec un ratio SUN/SHON de moins de 50 %, alors que le rendement moyen des immeubles de bureau de haute fonctionnalité technique s’établit à 65 % selon les standards de la profession. En outre, le ministère n’a pas pu réinstaller tous ses services centraux dans cet immeuble. La direction de la Musique, de la danse, du théâtre et des spectacles (DMDTS), après avoir porté ses vœux sur la location d’un immeuble situé dans le Louvre des Antiquaires, dans un des quartiers les plus chers de Paris, est maintenant hébergé rue Beaubourg (Paris 3ème). Rappelons enfin que c’est un des opérateurs du ministère de la Culture, l’établissement public du Louvre, qui a finalement pris à bail l’immeuble situé dans le Louvre des Antiquaires, après avis défavorable du service France Domaine.

Or le ministère de la Culture et de la communication verra ses effectifs (actuellement près de 1 800 agents dans les services centraux) réduire fortement du fait du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux et en application des décisions de la RGPP. La décision prise le 4 avril 2008 dans le cadre de la RGPP a en effet décidé de regrouper les services centraux du ministère de la Culture de dix à trois grandes directions, la direction générale des Patrimoines en France, la direction générale de la Création et de la diffusion et la direction générale du Développement des médias et de l’économie culturelle. Il s’agit de recentrer le ministère sur les fonctions prospectives de pilotage et de stratégie.

Le SPSI du ministère de la Culture et de la communication évoque seulement en des termes très généraux les impacts des décisions prises dans le cadre de la RGPP, mais n’effectue aucun chiffrage, ne serait-ce qu’au plan de la réduction induite des besoins d’espaces immobiliers. Le ministère ne présente pas non plus de propositions précises pour un véritable SPSI de ses 70 opérateurs, notamment les plus importants, qui constituent un enjeu très significatif en termes d’effectifs et d’immobilier. En effet le ministère de la Culture pratique le principe de la « déconcentration fonctionnelle », qui lui permet de transférer ses effectifs dans ses opérateurs. Ainsi le programme Patrimoines de la mission Culture emploie 3 200 ETPT dans les services de l’État et 11 300 ETPT dans ses opérateurs. Le programme Création emploie 1 019 ETPT dans les services de l’État et 3 744 ETPT dans ses opérateurs…

j) Le ministère de l’Écologie

Les services centraux du ministère de l’Écologie sont actuellement dispersés sur plusieurs sites, principalement dans le quartier de La Défense (Arche Défense et tour Voltaire), mais aussi avenue de Ségur (Paris). Les quelque 5 000 agents des services centraux de l’ancien ministère de l’Équipement ont été regroupés avec le millier d’agents de l’ancien ministère de l’Écologie, ceux de la direction générale de l’Énergie et des matières premières (DGEMP), de l’agence de sécurité nucléaire et la direction de l'action régionale, de la qualité et de la sécurité industrielle (DARQSI) dans le nouveau ministère de l’Écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (MEEDDAT). Environ 7 700 agents devraient constituer les services centraux de ce grand ministère.

Le MEEDDAT porte le projet, en soi justifié, de regrouper ses services centraux (11) sur un site unique dans le quartier de La Défense (besoins d’environ 61 000 m² SUB pour 4 000 agents). Le rapport de la MEC sur l’immobilier de l’État de juin 2008 indiquait que ce ministère caressait le projet de construire une tour sur un bras délaissé du boulevard extérieur, pour un coût estimé à 700 millions d’euros. Un tel coût ne serait pas totalement financé par les cessions des immeubles domaniaux occupés jusqu’à présent par le ministère. Des travaux ont montré que la construction d’une tour de grande hauteur dans le quartier de La Défense était beaucoup plus coûteuse que l’utilisation d’un immeuble existant. Ce n’est d’ailleurs pas le cœur de métier d’un ministère, fût-il celui en charge de l’Équipement, de se lancer dans la construction d’immeubles de bureau.

En application des décisions de la RGPP, le MEEDDAT est amené à aller au-delà de la règle de remplacement d’un départ à la retraite sur deux. Aucun chiffrage n’est présenté dans le SPSI du ministère. L’ensemble du SPSI ne tient pas compte des réductions d’effectifs qui devront intervenir dans le cadre de la RGPP, dont les termes ne sont d’ailleurs même pas mentionnés. Or on sait par ailleurs que la RGPP a acté le principe de 7 000 départs en retraite par an dans ce ministère ; une réduction d’au moins 10 % des effectifs en administration centrale paraît plausible.

Votre Rapporteur spécial se félicite néanmoins que la décision ait été prise de vendre l’immeuble du 20 avenue de Ségur (Paris 7ème), qui avait fait l’objet d’une mission de contrôle dans son rapport de l’an dernier (12). A ainsi été évitée la dépense de plus de 80 millions d’euros pour remettre en état un immeuble qui n’avait pas été entretenu depuis de nombreuses années.

k) Le ministère de la Justice

Les implantations parisiennes du ministère de la Justice sont extrêmement morcelées et localisées sur des sites parmi les plus coûteux de Paris (autour de la place Vendôme). Cette situation nuit à la fonctionnalité des services et induit des surcoûts d’occupation.

Le SPSI du ministère n’évoque pas les conséquences de la RGPP, sauf celles portant sur des « permutations de personnes entre les différents sites ». Il n’est pris aucun compte des diminutions d’effectifs sur un horizon de cinq ans.

Votre Rapporteur spécial s’interroge sur le sens de la transformation en février 2008 de l’Agence de maîtrise d’ouvrage des travaux du ministère de la Justice (AMOTMJ) en Agence publique pour l’immobilier de la Justice (APIJ). Dans le communiqué de presse publié lors de sa création, celle-ci apparaît comme chargée de la « valorisation des propriétés de l’État », sans aucune référence ni à France Domaine ni à la nouvelle politique immobilière de l’État. Il semble s’agir d’une tentative délibérée de ce ministère de créer une structure propre de gestion immobilière, afin de se soustraire aux disciplines communes édictées par le service France Domaine, sous l’autorité du ministre du Budget. Le service France Domaine a signé avec l’APIJ une convention de partenariat pour le seul aspect de la préparation des cessions immobilière. Votre Rapporteur spécial note en outre que plusieurs autres ministères utilisent ou ont créé des structures ad hoc pour les mêmes raisons (Mission de réalisation des actifs immobiliers du ministère de la Défense – MRAI, établissements publics de maîtrise d’ouvrage, notamment au ministère de la Culture…). Le service France Domaine indique qu’il siège, mais de façon minoritaire, dans un certain nombre d’instances interministérielles, ainsi la Commission interministérielle chargée d’émettre un avis sur les opérations immobilières de l’État à l’étranger – CIM.

Communiqué de presse du 19 février 2008 :
changement de nom de l'AMOTMJ

« L’Agence de Maîtrise d’Ouvrage des Travaux du Ministère de la Justice (AMOTMJ) change de nom et devient désormais l’Agence Publique pour l’Immobilier de la Justice (APIJ).

Cette modification symbolise d’importantes évolutions dans la politique immobilière du Ministère de la Justice.

Avec son Directeur Général, Jean-Pierre WEISS, l’APIJ se prépare à devenir rapidement l’opérateur immobilier unique du Ministère au service des directions de programmes judiciaires et pénitentiaires, en tendant vers ses nouveaux objectifs :

● prise en compte du développement durable pour les nouveaux projets,

● engagement dans une nouvelle étape de progrès pour la maîtrise des coûts et de la qualité des opérations,

● développement de toutes les fonctions immobilières nécessaires au Ministère, y compris la valorisation des propriétés de l’État qui lui sont affectées et la revente du patrimoine rendu disponible,

● engagement, en appui des directions du Ministère, dans la réalisation des opérations immobilières nécessaires à la mise en place de la nouvelle carte judiciaire. »

Source : APIJ

l) Les ministères de l’Éducation et de l’enseignement supérieur et de la recherche

Le SPSI des ministères de l’Éducation et de l’enseignement supérieur et de la recherche est le seul à présenter une évaluation des suppressions de postes liés aux orientations de la RGPP, à savoir 120 postes en 2008 et 400 postes entre 2009 et 2013, soit 12 % des effectifs (3 225 emplois dans l’administration centrale). Ces données sont intégrées dans les projets immobiliers du ministère. Le SPSI ne tient cependant pas compte de la réorganisation de la direction générale de l’Enseignement scolaire et du secrétariat général, ainsi que d’une Agence nationale de l’évaluation des établissements scolaires, par redéploiement des effectifs des services existants. Ces mesures ne devraient sans doute pas modifier substantiellement l’économie générale du schéma.

Le SPSI propose de regrouper les 21 implantations du ministère en 11 implantations situées sur trois pôles : le pôle enseignement supérieur rue Descartes ; le pôle gestion des ressources humaines (GRH) rue Régnault et le pôle scolaire rues de Grenelle et de Bellechasse. Des travaux d’entretien lourd (supérieurs à 100 millions d’euros) sont à prévoir sur plusieurs immeubles anciens à Paris.

2.– Les conséquences immobilières de la RGPP dans les services déconcentrés de l’État ne sont pas encore tirées

Votre Rapporteur spécial indique qu’il n’a pas eu de réponse substantielle aux questions qu’il avait posées dans son questionnaire budgétaire sur les conséquences immobilières des décisions prises dans le cadre de la RGPP sur les services déconcentrés de l’État. Il s’agit d’une tentative de dissimulation de la part des différents ministères qui n’est pas dans l’esprit de la réforme constitutionnelle qui vient d’être adoptée et qui ne relève pas du comportement normal d’un Gouvernement vis-à-vis de son Parlement. Pour se concentrer sur les enjeux les plus importants, les questions posées dans le questionnaire budgétaire s’étaient limitées à la réforme du plan de stationnement des troupes (ministère de la Défense), à la réforme de la carte judiciaire (ministère de la Justice) et à la fusion de la DGI et de la DGCP (ministère du Budget). Il faut cependant noter que la réforme de l’administration territoriale impacte tous les ministères, avec les regroupements en pôles régionaux (équipement, agriculture, industrie, santé…).

M. Rémi Heitz, alors directeur de l’Administration générale et de l’équipement (DAGE) du ministère de la Justice, avait déclaré le 9 avril dernier devant la commission des Finances du Sénat que la réforme de la carte judiciaire, décidée par la ministre de la Justice et mise en œuvre dans le cadre de la RGPP, coûterait 545 millions d’euros sur au moins cinq ans. En effet, le regroupement des tribunaux amènera à quitter des locaux mis à disposition gratuitement par des collectivités locales (dans 65 % des cas) pour des locaux à louer ou à construire par l’État. Près de 1 200 juridictions sont réparties sur 900 sites et la réforme de la carte judiciaire comporterait la suppression de 300 de ces juridictions. M. Rémi Heitz précisait que sous réserve du travail d’analyse et de diagnostic en cours, cette réforme entraînerait plus de 200 opérations immobilières à conduire.

La réponse au questionnaire budgétaire se borne à indiquer que la réforme de la carte judiciaire conduira à libérer une vingtaine de bâtiments appartenant à l’État en raison de la suppression des juridictions qui les occupent. Elle précise que « le caractère exceptionnel de ce chantier au regard de l’évolution du parc immobilier de l’État a d’ailleurs justifié qu’il puisse bénéficier, en 2009, d’un financement complémentaire, en provenance de la nouvelle marge de mutualisation du CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État ». Le produit des cessions des autres ministères contribuera donc à financer cette réorganisation…

Les documents budgétaires fournis par le ministère de la Justice indiquent que la réforme de la carte impliquera qu’un tiers des juridictions seront regroupées et 14 seront créées entre 2009 et 2011. Au 1er janvier 2009, 78 tribunaux de commerce seront regroupés et 6 seront créés ; 62 conseils de prud’hommes seront regroupés et 1 créé. Au 1er janvier 2010, 178 tribunaux d’instance seront regroupés et 7 créés. Au 1er janvier 2011, 23 tribunaux de grande instance seront regroupés. Le ministère de la Justice indique que le coût de cette réforme sera de 427 millions d’euros, dont 385 millions d’euros sur cinq ans (10 millions en 2008 et 375 millions après) pour financer les investissements immobiliers qui devront accompagner les regroupements de tribunaux. Si on les compare avec le chiffrage de la DAGE cité ci-dessous, ces chiffres sont manifestement sous estimés. En regard ne sont indiquées aucune économie de personnel, aucune économie de fonctionnement, aucune recette provenant de cessions immobilières.

Au ministère du Budget, la création de la DGFiP aura des conséquences majeures pour les immeubles occupés par les trésoreries et les hôtels des impôts dans les départements et les régions. La réponse au questionnaire budgétaire se borne à indiquer que « les conséquences immobilières résultant de la création de la DGFiP sur les services centraux entraîneront un resserrement des services de l’ex DGI et de l’ex DGCP dans les emprises immobilières existantes en respectant la norme fixée par France Domaine, de 12 m² de surface utile de bureaux (SUB) par agent. »

Pour le ministère de la Défense, la réponse au questionnaire budgétaire indique seulement que « la réforme du stationnement annoncée par le Premier ministre le 25 juillet 2008 a des conséquences importantes à Paris et en province en matière immobilière. Des études sont en cours, conduites par le ministère de la Défense et France Domaine, pour évaluer les coûts et les produits de cessions résultant de la réorganisation de ce parc immobilier. À ce stade, les programmes de cession n’ont pas été notifiés aux services déconcentrés, ceux-ci n’étant pas totalement arrêtés. »

3.– Le blocage sur le statut et la professionnalisation du service France Domaine

Le service France Domaine est l’opérateur immobilier de l’État, sous l’autorité du ministre du Budget. Dans chaque département, un service local du domaine est placé auprès du trésorier-payeur général (TPG). La réponse au questionnaire budgétaire indique que ce service dispose de 2 000 agents, représentant 1 815 ETPT.

Au 1er janvier 2008, la répartition des emplois (ETPT), entre les services centraux et les services déconcentrés, selon les missions exercées est la suivante :

EFFECTIFS DU SERVICE FRANCE DOMAINE AU 1ER JANVIER 2008

(en ETPT)

Métier ou Mission

Trésoreries générales

DNID

CSDOM

France Domaine

Total

Politique immobilière de l'État

Encadrement des services et pilotage de la politique immobilière, évaluations immobilières, gestion du patrimoine de l’État.

1 180

89

9

40

1 317

Gestion des patrimoines privés

Toutes opérations liées à la gestion des patrimoines privés.

152

67

5

3

226

Ventes mobilières

Toutes opérations liées aux ventes mobilières.

7

94

9

3

113

Autres activités

Recouvrement, rédaction d’actes, contentieux, statistiques…

87

46

14

12

159

Total

1 425

295

37

58

1 815

DNID : direction nationale d’intervention domaniale

CSDOM : comptable spécialisé du domaine

Source : service France Domaine

Le transfert des agents des domaines de la DGI à la DGCP n’a pas facilité la réforme du service France Domaine. Au cours de l’année 2007, seulement 266 agents de la DGI, initialement dans le périmètre de transfert ou arrivés par mutation sur un poste du Domaine, ont fait le choix d’intégrer les cadres de la DGCP ; 165 agents de la DGI sont même sortis du périmètre de transfert pour rejoindre un emploi de la DGI. Votre Rapporteur spécial a eu connaissance de cas où le départ d’agents sur des fonctions domaniales a entraîné une perte importante de capacité d’expertise et d’expérience acquise. Au 1er janvier 2008, 1 442 agents régis par les statuts de la DGI étaient encore présents dans le périmètre de transfert et disposent d’un droit d’option pour rejoindre la DGCP. Les modalités de ce droit d’option devront être réexaminées dans le cadre de la fusion des deux directions générales au sein de la DGFiP. La DGCP a dû, tout au long de l’année 2007, combler au mieux les emplois du périmètre qui ont été libérés du fait des départs en retraite et des mouvements de retour vers la DGI.

Ce service indique qu’il s’est attaché à accroître son professionnalisme, par la voie d’actions de formations, de réunions régulières du réseau et de recrutements de contractuels issus du secteur privé. Le recours de France Domaine à des professionnels s’est concrétisé par des marchés d’assistance et de conseil à la cession d’immeubles domaniaux, la signature d’une convention de partenariat entre l’Ordre des géomètres-experts et le service, le recours à des notaires privés pour la rédaction d’actes authentiques de vente, le recours à des géomètres experts, la réalisation d’évaluations d’immeubles domaniaux par des professionnels privés et la réalisation par un prestataire privé d’outils d’aide à la décision stratégique permettant d’élaborer le volet diagnostic des SPSI.

Votre Rapporteur spécial rappelle les avis réitérés du Conseil de l’immobilier de l’État (CIE), et des MEC de 2006 et 2008 sur l’immobilier de l’État, faisant de l’autonomie structurelle du service France Domaine une condition nécessaire au succès de la réforme en cours. Le ministère du Budget maintient ce service au sein de la DGFiP. Force est malheureusement de constater que cette situation ne donne pas au service France Domaine l’autorité et le positionnement administratif suffisants pour gérer de façon unique pour l’État le patrimoine immobilier occupé par les différents ministères.

4.– Les travaux de recensement et d’évaluation du parc immobilier des opérateurs de l’État marquent le pas

Les travaux des MEC sur l’immobilier de l’État de juillet 2005 et juin 2008 ont montré que les opérateurs de l’État occupent un parc immobilier plus important que celui des services ministériels proprement dits. Le ministre du Budget Éric Woerth avait annoncé, le 8 novembre 2007 devant la commission élargie examinant le projet de loi de finances pour 2008, qu’il avait décidé d’accélérer les travaux de recensement et d’évaluation du patrimoine immobilier des opérateurs de l’État. Il a cependant été obligé de constater que les opérations de recensement et d’évaluation n’avançaient pas avec la rapidité qu’il avait souhaité. Cette situation s’explique notamment par la diversité des chantiers auxquels le service France Domaine doit faire face, par l’absence d’outil dédié et adapté aux opérateurs et par la complexité des opérations. La revendication d’autonomie des opérateurs les conduisant à essayer de se soustraire au contrôle de l’État et la volonté de garder dans l’ombre ces marges de manœuvre compliquent la bonne marche du chantier. L’objectif de terminer les travaux avant la fin de l’année 2008 ne sera pas tenu et ces travaux courront encore tout au long de l’année prochaine.

Une note d’instruction a été adressée le 29 août dernier aux administrateurs représentant l’État aux conseils d’administration de ces opérateurs demandant la production, par ces derniers, d’un schéma prévisionnel (13) de stratégie immobilière sur le même modèle que les SPSI demandés aux ministères. Le contrôle général économique et financier (CEGEFI), sous l’autorité de M. Bernard Gaudillère, a été chargé de suivre la mise en œuvre de cette instruction. Le directeur général des Finances publiques a rappelé le 15 juillet dernier aux secrétaires généraux des ministères les obligations qui leur incombent au titre de la tutelle de leurs opérateurs pour qu’ils se plient aux obligations de recensement. Le ministre du Budget examine actuellement la possibilité d’établir un dispositif de sanction budgétaire à l’encontre des opérateurs qui ne feraient pas preuve des diligences souhaitables.

Votre Rapporteur spécial regrette que, malgré les efforts importants du ministère du Budget, les opérateurs opposent toujours autant de résistance pour se plier aux disciplines qui leur sont demandées en matière immobilière. Il s’agit donc d’une intention manifeste des opérateurs de continuer à gérer leur patrimoine immobilier de façon non transparente et sans contrainte. Votre Rapporteur spécial approuve l’idée d’un dispositif de sanction, qui pourrait prendre la forme de réduction de la dotation budgétaire des opérateurs qui ne présenteraient pas des résultats tangibles dans un délai rapproché.

Par ailleurs, votre Rapporteur spécial se félicite que le ministre du Budget ait accepté le principe que les biens occupés par les opérateurs soient, sauf exception si cela n’est manifestement pas possible, intégrés dans le dispositif des loyers budgétaires. Dans ces conditions, il n’est pas justifiable que l’un de ces opérateurs, UBIFrance, se soit vu attribuer, par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie (dite loi « LME »), la mise à disposition à titre gratuite d’immeubles domaniaux pour l’exercice de ses missions. Cette disposition devra être rapportée dès que possible.

UBIFrance

La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (dite loi « LME ») contient dans son article 27 une disposition prévoyant la mise à disposition gratuite, au profit d'UBIFrance, des biens immobiliers nécessaires à ses activités (« les biens immobiliers du domaine privé de l'État qui sont nécessaires à l'accomplissement des missions d'UBIFrance sont mis gratuitement à la disposition de l'agence à titre de dotation. L'agence supporte les coûts d'aménagement et les grosses réparations afférents à ces immeubles. »).

L’Agence française pour le développement international des entreprises (UBIFrance) est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) qui assure des prestations de service pour des entreprises à l'étranger. Cette agence fait partie de la liste des opérateurs de l’État.

Cette disposition est contraire aux recommandations émises tant par la MEC de juin 2008 que par la Mission d’information sur la mise en œuvre de la LOLF (MILOLF) de la commission des Finances (rapport d’information n° 1058 présenté par MM. Michel Bouvard, Jean-Pierre Brard, Thierry Carcenac et Charles de Courson le 16 juillet 2008).

Par ailleurs la décision du Conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008 prévoit la « création d’une foncière de l’État à l’étranger qui gèrera l’ensemble du patrimoine immobilier de l’État à l’étranger ».

Conformément à ces recommandations, à cette décision et aux orientations de la réforme de la politique immobilière engagée par l’État, la mise à disposition des biens immobiliers de l’État au profit des opérateurs de l’État doit désormais être valorisée dans les conditions de droit commun et donner lieu à la fixation d’un loyer budgétaire qui reflète la valeur du marché immobilier.

La nouvelle rédaction de l’article visé pourrait être : « les biens immobiliers du domaine privé de l'État qui sont nécessaires à l'accomplissement des missions d'UBIFrance sont mis à la disposition de l'agence, directement ou par le canal d'une entité publique appropriée de portage immobilier, dans des conditions financières fixées par le ministre chargé du domaine ou, s’il y a lieu, par le conseil d'administration de l'entité en cause. »

5.– Le régime juridique de l’affectation serait enfin abrogé pour être remplacé par des conventions d’occupation

Conformément à la décision du 12 décembre 2007 prise dans le cadre de la RGPP, le remplacement de l’affectation des immeubles domaniaux par des conventions d’occupation, équivalentes à des baux, a été lancé. Il vise à créer une relation entre France Domaine, représentant l’État propriétaire, et les services de l’État ou établissements publics occupant les immeubles domaniaux, au travers de ces conventions d’occupation, qui permettent de contractualiser pour une durée déterminée les droits et obligations des parties.

À la date de rédaction du présent rapport, le décret abolissant le régime de l’affectation avait été examiné par le Conseil d’État et son adoption serait imminente. Il aura donc fallu près de deux années pour surmonter la résistance des ministères, depuis la décision du Président Jacques Chirac, en janvier 2006, de suppression de ce régime… Le projet de décret, tel qu’il a été examiné par le Conseil de l’immobilier de l’État le 22 octobre dernier, dispose que tous les ministères devront avoir conclu une convention d’occupation dans les cinq années suivant son entrée en vigueur.

Les conventions d’occupation devraient préciser le loyer budgétaire et son indexation, les critères d’amélioration de la performance immobilière, le ratio d’occupation cible et l’entretien immobilier relevant du propriétaire. Le renouvellement périodique des conventions devrait permettre d’examiner l’opportunité de l’occupation du bien du point de vue du propriétaire.

Votre Rapporteur spécial estime que la suppression du régime de l’affectation doit également s’appliquer aux immeubles domaniaux « remis en dotation » aux opérateurs de l’État. Le nouveau dispositif conventionnel devra donc leur être appliqué.

Le Gouvernement envisage d’accompagner la conclusion de conventions d’occupation pour les immeubles occupés par les services déconcentrés des ministères par un renforcement du pouvoir des préfets de région en matière immobilière. Ces derniers seraient les représentants locaux du service France Domaine, en liaison avec les services déconcentrés ce service. Les préfets de région se verraient donc confier le pilotage dans leur territoire de la nouvelle politique immobilière de l’État : mise en place de ces conventions, conduite de la politique d’entretien, respect des conditions de transparence dans les cessions, occupation plus performante des locaux, définition des SPSI départementaux et conduite des opérations immobilières locales.

6.– Le mécanisme des loyers budgétaires monte en puissance

Depuis l’exercice budgétaire 2006, un dispositif de loyers portant sur les immeubles domaniaux a été mis en place. Ce dispositif a débuté par la prise en compte expérimentale, en loi de finances initiale pour 2006, du montant des loyers de 163 bâtiments domaniaux abritant des bureaux affectés à trois ministères. En loi de finances initiale pour 2007, ce dispositif a été étendu à tous les ministères pour les bureaux des administrations centrales installées en région parisienne.

Les travaux menés avec les ministères en 2007 ont conduit à l’extension de ces loyers à 29 départements, incluant notamment les 10 plus grandes agglomérations françaises. Ce périmètre géographique s’ajoute à celui retenu lors des expérimentations 2006 et 2007. Plus de 1 500 bâtiments de bureaux sont ainsi concernés pour environ 675 millions d’euros en 2009. Les loyers ont été calculés par comparaison avec le marché immobilier local.

Ce dispositif devrait être étendu aux immeubles de bureaux sur l’ensemble du territoire à compter du projet de loi de finances pour 2010.

Le principe a été acté d’indexer les loyers sur les valeurs de marché, immeuble par immeuble. Il s’agit de faire jouer le mécanisme vertueux dans lequel la dotation budgétaire que le ministère reçoit tend à rester au même niveau (programmation pluriannuelle à « zéro volume »), alors que les loyers budgétaires, établis sur les prix du marché, tendent à augmenter. Sensibilisés au coût de l’immobilier, les ministères devront donc rechercher des sources d’économies dans leur gestion immobilière.

Le ministre du Budget a récemment décidé d’aller plus loin que ce mécanisme automatique en se réservant la possibilité de réduire la dotation attribuée à tout ministère qui n’optimiserait pas l’occupation de ses immeubles, ne respecterait pas leur SPSI ou ne suivrait pas les solutions de rationalisation proposées par le service France Domaine. À l’inverse, un ministère qui libérerait des surfaces ou choisirait une localisation moins coûteuse serait intéressé par le maintien de la dotation antérieure pendant deux années.

LOYERS BUDGÉTAIRES : SERVICES CENTRAUX

(en millions d’euros)

Ministères (1)

Dotation
PLF 2007

Exécution
2007

Dotation
PLF 2008

Loyer 2008 (source France Domaine)

Ajustement
PLF 2008

Loyer - prévisions
PLF 2009

Agriculture

11,1

11,1

12,6

12,5

0

12,6

Culture

15,1

15,1

16,2

16,2

0

16,2

Défense

69,6

69,6

79

79

0

76,5

Éducation et Enseignement supérieur

23,2

23,2

25,5

25,5

0

25,6

Écologie et Logement

17,1

17,1

25,6

24,2

1,4

25,5

Intérieur

19,4

19,4

20,5

20,5

0


21,6

Justice

4,8

4,8

6,1

6,1

0

6

Affaires étrangères

33,5

26,2

20,8

20,8

0

20,8

Ministères Financiers

55,4

55,3

91,4

91,4

0

87

Immigration

0

0

0

0

0

3,4

Santé, Travail, Relations sociales

20,9

18,9

20,6

20,6

0

20,6

Services du Premier ministre

16

14,9

15,5

15,5

0

15,5

Total

286,1

275,6

333,8

332,3

1,4

331,3

LOYERS BUDGÉTAIRES : EXTENSION DE L'EXPÉRIMENTATION À 29 DÉPARTEMENTS

(en millions d’euros)

Ministères (1)

Dotation
PLF 2007

Exécution
2007

Dotation
PLF 2008

Loyer 2008 (source France Domaine)

Ajustement
PLF 2008

Loyer – prévisions
PLF 2009

Agriculture

0

0

4,2

4,2

0

4,2

Culture

0

0

4,1

4

0

4,7

Défense

0

0

78,4

78,4

0

69,7

Éducation et Enseignement supérieur

0

0

15,3

15,3

0

15

Écologie et Logement

0

0

33,4

33,3

0,2

32,2

Intérieur

0

0

67,1

67,1

0


59,8

Justice

0

0

3

2,7

0,3

2,9

Affaires étrangères (hors services centraux)

0

0

0,5

0,5

0

0,5

Affaires étrangères (services extérieurs)

5,2

5,1

4,7

4,8

0

4,7

Ministères financiers

10,9

11

138,5

138,6

0

136,2

Travail, relations sociales

0

0

9,4

9

0,3

9

Santé, Jeunesse et sports

0

0

1,8

1,8

0

2,1

Services du Premier ministre

0

0

4,2

3

1,2

2,9

Total

16,1

16,1

364,5

362,7

2

343,9

Total général

(services centraux et 29 départements)

302,3

291,5

698,3

694,9

3,4

675,1

(1) Périmètre constant (hors M3IND)

Exécution ligne de recettes non fiscales « Paiement par les administrations de leurs loyers budgétaires » 2009 : 294,4 millions d’euros

Différence due à doublons qui seront rectifiés sur la gestion 2008 : 2,9 millions d’euros

Source : service France Domaine

II.– LE PROGRAMME ENTRETIEN DES BÂTIMENTS DE L’ÉTAT DE LA MISSION GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET DES RESSOURCES HUMAINES

A.– LA CRÉATION DU PROGRAMME ÉTAIT SOUHAITÉE

Le Gouvernement a décidé de créer en 2009, au budget général, un programme intitulé Entretien des bâtiments de l’État au sein de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines, placé sous la responsabilité du chef du service France Domaine.

Comme votre Rapporteur spécial l’avait demandé dans ses précédents rapports, il s’agit que l’État se comporte comme les autres propriétaires et entretienne ses biens, pour préserver durablement leur valeur et veiller à leur qualité environnementale. Les administrations, qui ont exercé jusqu’à présent cette responsabilité du propriétaire sur leur budget propre dans le cadre du régime de l’affectation, l’ont fait de façon très inégale et pas toujours de manière optimale. Elles ont en outre souvent centré leurs interventions quasi-exclusivement sur l’entretien correctif, alors qu’un entretien préventif régulier permet de réduire le coût de la maintenance des bâtiments sur le long terme (dans une fourchette de 10 % à 40 %). L’économie n’est ainsi générée qu’après une période de transition, pendant laquelle les opérations correctrices doivent mettre l’immeuble à niveau tout en initialisant l’entretien préventif. Votre Rapporteur spécial se félicite du choix effectué par le Gouvernement d’engager la politique immobilière dans un entretien préventif des bâtiments de l’État.

Un exemple qu’a déjà eu à connaître votre Rapporteur spécial est l’immeuble Ségur-Fontenoy (Paris) occupé par le ministère de la Santé. Après des décennies de défaut d’entretien, ce ministère a entrepris une rénovation profonde pour un coût dépassant les 175 millions d’euros. Un autre exemple de mauvais entretien est l’immeuble du 20, avenue de Ségur (Paris) occupé par les services de l’ancien ministère de l’Écologie, maintenant rattachés au ministère de l’Écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (MEEDDAT). Les estimations chiffraient à plus de 80 millions d’euros les travaux de rénovation et de mise aux normes environnementales, avant que la décision ne soit prise de le céder, quand le MEEDDAT aura regroupé l’ensemble de ses services sur un site unique.

Ce nouveau programme Entretien a pour finalité de regrouper les crédits d’entretien du propriétaire, aujourd’hui dispersés sur les budgets des administrations occupantes. Il a vocation à retracer les dépenses d’entretien lourd et les travaux de remise en état, en s’assurant de la réalisation des contrôles réglementaires. Le projet annuel de performances indique qu’il s’agira en outre de réaliser les objectifs du Grenelle de l’environnement, pour son volet « État exemplaire » (14). Dans le projet de loi (n° 955) de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’Environnement, qui a été adopté par l’Assemblée nationale en première lecture le 21 octobre dernier, l’État se fixe comme objectif de réduire les consommations d’énergie de son parc immobilier d’au moins 40 % et les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 50 % dans un délai de 10 ans. Les objectifs fixés sont ambitieux mais cohérents avec ceux qui ont été fixés par la loi de programme sur les orientations de la politique énergétique de 2005, avec une division par quatre en moyenne des émissions de gaz à effet de serre en 2050. Sont concernés les bâtiments de l’État et de ses principaux établissements publics. Pour faire face à ce défi, le Gouvernement a décidé d’engager dès 2008 un grand plan de rénovation de l’immobilier de l’État qui comportera deux phases principales :

– une première phase d’audits techniques permettra de déterminer les priorités d’actions et de choisir les outils adéquats pour chaque bâtiment. Elle devra être achevée fin 2010 ;

– à l’issue de cette phase d’audits, une phase de travaux sera engagée avant 2012 et permettra d’atteindre les objectifs fixés en 10 ans.

Le programme Entretien fournirait le moyen de mieux identifier la répartition des responsabilités entre les différents intervenants concernés par l’entretien des bâtiments de l’État. À ce titre, il matérialise une étape supplémentaire dans la mise en place de l’État propriétaire, dont France Domaine décline la stratégie patrimoniale, sous l’autorité du ministre du Budget.

Cette démarche est parfaitement justifiée aux yeux de votre Rapporteur spécial et on se demande pourquoi elle n’a pas été entreprise plus tôt. Le rapport de la MEC sur l’immobilier de l’État de juin 2008 recommandait déjà un diagnostic de tous les bâtiments de l’État, une programmation pluriannuelle des travaux en fonction des priorités, une sécurisation des financements et la réalisation des travaux selon un rythme soutenable au regard des ressources disponibles et de l’autofinancement permis par les économies réalisées.

Votre Rapporteur spécial regrette que l’expérimentation de mutualisation de l’entretien menée en région Rhône-Alpes depuis 2007 n’ait pas donné lieu à un bilan détaillé. La réponse au questionnaire budgétaire indique seulement comme résultat de cette expérimentation le recensement des compétences en matière immobilière au niveau du département. En l’absence d’information plus précise, il semble que cette expérimentation n’ait pas pu déboucher, faute d’accord entre les ministères, ni sur un mode opératoire ni a fortiori sur une programmation budgétaire.

B.– LE FONCTIONNEMENT DU PROGRAMME EST IMPARFAIT

Le nouveau programme Entretien est doté en 2009 de 77 millions d’euros en 2009 en AE et en CP. Il est prévu dans la programmation budgétaire triennale une dotation de 102,6 millions d’euros en 2010 et 128,3 millions d’euros en 2011. Les crédits seront mis à disposition de BOP ministériels sur lesquels les crédits seront engagés et exécutés, en application d’une convention de délégation de gestion signée entre le responsable du programme et les responsables de BOP pour chaque ministère.

Le programme sera alimenté par des contributions des ministères, proportionnelles au montant des loyers budgétaires dont ils sont redevables (12 % en 2009, 16 % en 2010 et 20 % en 2011). Il s’agit donc d’un jeu à somme nulle : les ministères sécurisent sur leur BOP ministériel un certain montant de crédits qu’ils prélèvent de leurs crédits de fonctionnement ; ces crédits seront affectés à l’entretien de leurs immeubles dans le cadre du programme Entretien, et seront dépensés en application d’une charte de gestion. En 2009 la réparation prévue des crédits affectés à l’entretien est la suivante :

CRÉDITS D’ENTRETIEN DES BÂTIMENTS DE L’ÉTAT

(en millions d’euros)

Ministère

Crédits 2009

Agriculture

2,0

Budget comptes publics et fonction publique

25,9

Culture

2,5

Défense

17,5

Économie industrie emploi

0,9

Éducation nationale

4,9

Immigration, intégration, identité nationale et codéveloppement

0,4

Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales (1)

9,8

Justice

1,1

MAEE

1,3

(1) Y compris immeubles de la direction générale de la Gendarmerie nationale

Source : projet annuel de performances pour 2009

Chaque ministère devra élaborer un « plan pluriannuel d’entretien immobilier » qui commandera les mises à disposition de crédits sur son BOP. Dans le cadre de la mise en place de ce programme et de la priorité accordée aux contrôles réglementaires pour 2009, il sera demandé à chaque ministère de fournir la liste des contrôles réglementaires réalisés ou à réaliser sur chacun des immeubles concernés. Les crédits disponibles devront prioritairement être affectés à la réalisation exhaustive de ces contrôles.

Le ministère du Budget et le ministère de l’Écologie piloteront la programmation et la conduite globales des opérations d’entretien au sein d’une cellule de suivi commune, en liaison avec les ministères occupants. Le ministère de l’Intérieur participe à cette cellule au titre de sa responsabilité dans l’administration territoriale de l’État.

Afin de disposer, en exécution, d’une décomposition plus fine des opérations, cinq sous-actions ont été créées pour identifier les composantes élémentaires en matière d’entretien :

– maintenance préventive (selon échéancier préétabli) ;

– contrôles réglementaires ;

– maintenance corrective (après apparition d’une défaillance) ;

– audits, expertises, diagnostics (y compris les audits énergétiques tels que le prévoit le volet État exemplaire du Grenelle de l’environnement) ;

– travaux lourds et mise en conformité et remise en état.

Votre Rapporteur spécial note que le montant de 77 millions d’euros consacrés à l’entretien des immeubles de l’État en 2009 est très insuffisant au regard de l’état souvent dégradé des immeubles domaniaux, même si l’on prend en compte une montée en puissance progressive. Les travaux du Conseil de l’immobilier de l’État (CIE) et les meilleures pratiques de la profession montrent qu’il faut consacrer à l’entretien du propriétaire environ 20 % du montant du loyer acquitté, soit 128 millions d’euros, et c’est cette somme qu’il aurait fallu consacrer à l’entretien dès l’année 2009.

En outre le projet annuel de performances semble confondre trois éléments : l’entretien du propriétaire sur un immeuble en bon état, le rattrapage d’entretien dû au défaut d’entretien et la mise en conformité avec les normes du Grenelle de l’environnement.

S’il est couramment admis que 20 % des loyers doivent être consacrés à l’entretien du propriétaire sur un immeuble en bon état, les ministères ont été particulièrement négligeant en matière d’entretien depuis des dizaines d’années. Le mauvais état général de l’entretien du parc immobilier de l’État ne permettra donc de générer des économies qu’à un horizon de moyen - long terme. Les diagnostics techniques qu’a décidés le Gouvernement devront permettre d’évaluer les coûts de travaux de remise en état. Il y aura malheureusement lieu de prévoir une période initiale de rattrapage, coûteuse, qui résulte de l’incurie de plusieurs décennies. Une étude effectuée en 2007 pour le CIE par Ineum et CB Richard Ellis sur 173 immeubles domaniaux en région Ile-de-France avait estimé à 400 millions d’euros les travaux de remise en état.

À cela s’ajoutent les coûts de mise en conformité aux normes hautes qualité environnementale du Grenelle de l’environnement. Si l’on prend le parc immobilier de l’État (estimé à 50 millions de m²) et de ses principaux établissements publics (estimé à 70 millions de m²) les travaux menés dans le cadre du Grenelle de l’environnement ont permis d’estimer à 24 milliards d’euros le coût total de ce programme de rénovation thermique, dont 10 milliards pour l’État seul. Il aurait été utile que le projet annuel de performance fournisse une évaluation du coût global de la remise à niveau du parc, du coût de la mise en conformité avec les objectifs du « Grenelle », et du coût de l’entretien préventif en « vitesse de croisière ». La tâche est immense et le plus tôt on s’y attelle le mieux ce sera.

C.– LA STRATÉGIE DE PERFORMANCE S’ANNONCE PROMETTEUSE

La stratégie de performance du programme Entretien est déclinée par trois objectifs.

L’objectif Optimiser le coût de l’entretien est mesuré par l’indicateur Pourcentage de dépenses affectées à des opérations préventives. Il s’agit de s’assurer, pour le service France Domaine, que les dépenses financées sur ce programme couvriront un pourcentage déterminé de dépense d’entretien préventif. La prévision 2009 est fixée à 20 % et la cible (malheureusement non datée) est fixée à 50 %.

L’objectif Sécuriser le parc immobilier est mesuré par le Pourcentage de réalisation de contrôles réglementaires. Il s’agit de s’assurer que les contrôles réglementaires sont effectués dans tous les bâtiments de l’État, notamment les 1 500 sites soumis à loyer budgétaire. S’il faut bien sûr se féliciter de cet objectif, on ne peut que frémir à l’idée qu’il n’ait pas été mis en place avant et que sa non-observance fait encore courir à l’État des risques majeurs.

L’objectif Conduire la rénovation thermique des bâtiments de l’État est mesuré par le Pourcentage des bâtiments de bureaux de l’État ayant fait l’objet d’un audit énergétique. La prévision est de 40 % en 2009 et la cible est, bien sûr, de 100 % (avant la fin de l’année 2010).

DEUXIÈME PARTIE :
LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS
PRÊTS ET AVANCES À DES PARTICULIERS
OU À DES ORGANISMES PRIVÉS

Ce compte de concours financiers a pour finalité de permettre à des particuliers ou à des organismes privés de financer, dans des conditions satisfaisantes, des besoins concourant à un objectif d’intérêt général :

– en favorisant les conditions de prise de fonction et d’exercice des missions des agents de l’État, donc la permanence de l’action de l’État ;

– en accordant des prêts à des entreprises afin de favoriser le développement économique et social.

Le compte comporte cinq actions :

1° les Avances aux fonctionnaires de l’État pour l’acquisition de moyens de transport : ce régime d’avances a été institué par l’article 79 de la loi n° 47-1465 du 8 août 1947, dont les conditions d’application ont été redéfinies par le décret n° 82-747 du 24 août 1982 ;

2° les Avances aux agents de l’État pour l’amélioration de l’habitat ;

3° les Avances aux associations participant à des tâches d’intérêt général ;

4° les Avances aux agents de l’État à l’étranger pour la prise en location d’un logement ;

5° les Prêts pour le développement économique et social, qui retracent le versement et le remboursement de prêts consentis pour la réalisation du plan de modernisation et d’équipement ainsi que des programmes de productivité, de conversion et de décentralisation. Ce compte recueille ainsi l’héritage de l’ancien compte de prêts du FDES.

Ses dépenses sont comptabilisées en titre 7 (dépenses d’opérations financières).

PRÉVISIONS DES CRÉDITS DE PAIEMENT

(en milliers d’euros)

Actions

Loi de finances initiale
pour 2008

Loi de finances initiale
pour 2009

Avances aux fonctionnaires de l’État pour l’acquisition de moyens de transport

50

25

Avances aux agents de l’État pour l’amélioration de l’habitat

150

75

Avances aux associations participant à des tâches d’intérêt général

0

0

Avances aux agents de l’État à l’étranger pour la prise en location d’un logement

600

700

Total section Prêts et avances à des particuliers ou à des associations

800

800

Prêts pour le développement économique et social

10 000

10 000

Total section Prêts pour le développement économique et social

10 000

10 000

Total général

10 800

10 800

Source : projet annuel de performances pour 2008

Les recettes sont prévues à hauteur de 3,4 millions d’euros, et le solde négatif est escompté à – 7,7 millions d’euros en 2009.

Votre Rapporteur renvoie aux observations qu’il avait émises dans le tome II du rapport (n° 1004) déposé par M. Gilles Carrez le 26 juin 2008 sur la loi de règlement 2007 (pages 491 et suivantes). Il reprenait à son compte la proposition de la Cour des comptes selon laquelle les différentes activités de programme Prêts et avances à des particuliers ou à des associations gagneraient à être rattachées à des organismes ou blocs budgétaires intervenant à titre principal dans le même domaine : caisses d’allocations familiales, ministère chargé de la solidarité, ministère des Affaires étrangères… De même l’activité du programme Prêts pour le développement économique et social gagnerait à être rapprochée du programme Développement des entreprises de la mission Développement et régulation économiques(15).

*

* *

EXAMEN EN COMMISSION

Après l’audition de M. Éric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique, et de M. André Santini, secrétaire d’État chargé de la Fonction publique, sur les crédits de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines lors de la commission élargie (voir compte rendu de la réunion du 7 novembre 2008 (16)), la commission des Finances adopte les crédits de cette mission, conformément à l’avis favorable de MM. Georges Tron, Yves Deniaud, en dépit de l’avis défavorable de MM. Thierry Carcenac, Pierre-Alain Muet, Rapporteurs spéciaux.

Elle adopte ensuite les crédits du compte Gestion du patrimoine immobilier de l’État ainsi que ceux du compte Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés, conformément à l’avis favorable de M. Yves Deniaud, Rapporteur spécial.

ANNEXE N° 1 :
LISTE DES CONTRÔLES RÉALISÉES PAR VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR L’IMMOBILIER DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

1.– Contrôle du 2 avril 2008 : 87/97 quai André Citroën et 14 rue des Cévennes, Paris 15ème – divers services centraux du ministère de la Justice (ancien siège de Canal+)

– M. Rémi Heitz, directeur de l’Administration générale et de l’équipement (DAGE)

– M. Vincent Niquet, sous directeur à l'Action immobilière, DAGE

– M. Serge Paradowski, chef de bureau de la logistique, sous-direction à l’action immobilière, DAGE

– Mme Barbara Vaudo-Rouqueirol, DAGE

– M. Paul Benichou, DAGE

– Mme Marie-Hélène Hurtaud, DAGE

2.– Contrôle du 11 juin 2008 : 5/-7 boulevard des Italiens, Paris 9ème –pôle financier du Tribunal de grande instance – TGI de Paris (ancien immeuble du journal Le Monde)

– M. Jean-Claude Marin, procureur de la République au TGI de Paris

– M. Laurent Le Mesle, procureur général de la Cour d’appel de Paris

– M. Jean-Claude Magendi, premier président de la Cour d’appel de Paris

– M. Laurent Marcadier, secrétaire général du TGI de Paris

– M. François Piron, chef du service administratif régional (SAR)

– M. Le Breton de Vannoise, sous-directeur de l’organisation et de la programmation, Direction des services judiciaires

– M. Éric Lallement, chef de service adjoint au DAGE

– M. Battista, adjoint au chef du service immobilier du palais de justice de Paris, DAGE

– Mme Marie-France Verdun, magistrate

3.– Contrôle du 11 juin 2008 : 14 rue Halévy, Paris 9ème – direction des Affaires criminelles et des grâces – DACG (immeuble acquis aux AGF en 2004)

– M. Thierry Pacquet du Haut Jusse, adjoint au directeur des Affaires criminelles et des grâces (DACG)

– M. Jean-Baptiste Bladier, cherf de cabinet de la DACG

– M. Éric Lallement, chef de service, adjoint au DAGE

– M. Serge Paradowski, chef de bureau de la logistique, DAGE

ANNEXE N° 2 :
COURRIERS ADRESSÉS À VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Courrier adressé à votre Rapporteur spécial le 16 janvier 2008 par M. François Fillon, Premier ministre

2. Courrier adressé à votre Rapporteur spécial le 17 octobre 2008 par M. Michel Bart, directeur de cabinet de M. Brice Hortefeux, ministre de l'Immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement

© Assemblée nationale

1 () SUN : surface utile nette ; SUB : surface utile brute ; SHON : surface hors œuvre nette : SHOB : surface hors œuvre brute.

2 () Étude Ineum - IPD remise au service France Domaine en septembre 2006.

3 () Voir ci-dessous.

4 () Sauf le service informatique.

5 () Circulaire de la DGCP du 19 septembre 2007.

6 () Votre Rapporteur spécial indique que ce sont les surfaces mentionnées « à titre indicatif » dans le bail, qu’il n’est pas précisé de quelle type de surface il s’agit, et que d’autres documents présentent des métrages très différents.

7 () Les ministères avaient présenté en 2006 leurs premiers SPSI.

8 () Aucune précision n’est indiquée sur la période à laquelle s’applique cette réduction.

9 () Voir en annexe n° 2 le courrier en ce sens du ministre de l’Immigration.

10 () Voir le rapport spécial de l’an dernier.

11 () Hors aviation civile.

12 () Voir annexe n° 2 le courrier du Premier ministre en ce sens.

13 () sic.

14 () Voir la communication du ministre de l’Écologie en Conseil des ministres du 1er octobre 2008.

15 () Devenus programme Développement des entreprises et de l’emploi de la mission Economie dans le présent projet de loi de finances.

16 () http://www.assemblee-nationale.fr/13/budget/plf2009/commissions_elargies/cr/