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N
° 1969

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 2009

AVIS

présenté

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2010 (n° 1946),

TOME VII
ÉCONOMIE

COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET POSTES

PAR M. Alfred TRASSY-PAILLOGUES,

Député.

——

Voir le numéro : 1967 (annexe 17)

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I.— L’ÉVOLUTION DU SECTEUR 7

A.— LES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES 7

1. Les évolutions économiques 7

a) Les chiffres clés fin 2008 7

b) L’équipement et la consommation des ménages 8

2. Les évolutions juridiques 11

a) L’actualité communautaire 11

b) L’actualité législative 11

c) L’actualité réglementaire 12

d) L’actualité jurisprudentielle 13

B.— LES POSTES 13

1. Les évolutions économiques 14

2. Les évolutions juridiques 14

II.— LES ENJEUX DE L’ACTION DE L’ÉTAT 16

A.— DES DÉPENSES LIMITÉES 16

1. L’action n° 04 « Développement des télécommunications, des postes et de la société de l’information » 16

2. L’action n° 13 « Régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) » 17

3. Un budget maîtrisé 17

B.— LA COUVERTURE DU TERRITOIRE FIXE ET MOBILE 18

1. Le déploiement des réseaux mobiles 18

2. Le déploiement des réseaux fixes 21

a) La couverture actuelle 21

b) L’amélioration de la couverture 21

B.— LA TARIFICATION DES ABONNEMENTS MOBILES 22

C.— LES AUTRES ENJEUX CONCERNANT LES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES 26

D.— L’ÉVOLUTION DU STATUT DE LA POSTE 26

EXAMEN EN COMMISSION 29

MESDAMES, MESSIEURS,

Le secteur des postes et des communications électroniques représente un enjeu majeur pour notre économie et le développement de nos territoires. Il est aujourd’hui à un tournant.

Le déploiement de réseaux en fibre optique constitue une révolution comme l’a constitué en son temps le raccordement de tous les Français au réseau téléphonique en fil de cuivre. Il faut éviter que des territoires soient laissés en dehors du très haut débit, qui sera sans doute demain le vecteur indispensable de nombreuses pratiques professionnelles, culturelles ou sociales.

Opérateur historique encore en situation de monopole sur une partie significative du marché, La Poste sera par ailleurs entièrement soumise à la concurrence à partir du 1er janvier 2011, ce qui l’obligera à revoir une partie de son organisation et des services qu’elle propose. Au regard notamment du rôle que jouent les postiers dans le monde rural et de l’importance du personnel de La Poste, il est indispensable que l’ouverture totale à la concurrence se produise dans de bonnes conditions.

Avec quelques centaines de millions d’euros de dépenses – quelques dizaines en décomptant la subvention versée par l’Etat pour la distribution postale de la presse écrite –, le budget des postes et des communications électroniques ne reflète pas l’importance du secteur. La proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique et le projet de loi relatif à l’évolution du statut de La Poste, tous deux actuellement en discussion au Parlement, ainsi que les vifs débats qu’ils suscitent, en fournissent une meilleure illustration.

Votre rapporteur n’a pas souhaité revenir sur ces débats. Le budget apparaît en outre parfaitement maîtrisé et votre rapporteur vous propose de l’adopter sans modification. Il a préféré, dans la continuité du travail menée les années précédentes, insister sur quelques problèmes récurrents, notamment la couverture mobile et ADSL et le prix des abonnements de téléphonie mobile.

I.— L’ÉVOLUTION DU SECTEUR

A.— LES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES

L’usage des réseaux de communications électroniques continue de s’étendre, et a permis au secteur, malgré le contexte économique récessif, de continuer à croître. Alors qu’au niveau européen, les négociations sur le « paquet télécoms » sont restées enlisées, la réglementation française a évolué en faveur d’une taxation croissante des opérateurs de télécommunications et de la stabilisation des conditions de déploiement de la fibre optique, mais n’a pas répondu aux problèmes relatifs à la neutralité des réseaux et à l’impact sur la santé des ondes électromagnétiques.

1. Les évolutions économiques

a) Les chiffres clés fin 2008

En 2008, les revenus de la téléphonie et de l’Internet représentent 34,5 milliards d’euros pour 2008 en hausse de 3,9 % par rapport à 2007.

REVENUS DES SERVICES DE TÉLÉPHONIE FIXE ET D’INTERNET

Source : ARCEP, rapport annuel 2008.

Les abonnements aux services de téléphonie mobile, de téléphonie fixe et d’accès à Internet ont cru respectivement de 4,8 %, 2,5 % et 8,3 % pour atteindre 58 millions, 40,7 millions et 18,7 millions.

ABONNEMENTS À LA TÉLÉPHONIE ET À INTERNET

Source : ARCEP, rapport annuel 2008.

La facture moyenne mensuelle s’établit à 36,70 euros par ligne fixe, en hausse de 1,3 % par rapport à 2007, et à 27,3 % par client final, ce qui signifie que la dépense moyenne par ménage augmente de manière significative puisque le nombre d’abonnements à la téléphonie fixe comme à la téléphonie mobile a augmenté.

FACTURE MENSUELLE MOYENNE VOIX ET DONNÉES

Source : ARCEP, rapport annuel 2008.

b) L’équipement et la consommation des ménages

La part des ménages disposant d’un accès à Internet a progressé plus rapidement que jamais, passant en un an de 49 % à 57,8 %. Elle est liée à la forte hausse de la part des ménages équipés d’un micro-ordinateur, de 60 % à 64,7 %. Les inégalités d’accès restent fortes, multidimensionnelles, et tiennent à l’âge, à la position socioprofessionnelle et à la localisation.

TAUX D’ÉQUIPEMENT DES FOYERS

Source : « La référence des équipements multimédias », Médiamétrie/GfK.

Concernant les accès fixes, le dégroupage total progresse mais la majorité des abonnements fixes reste des abonnements classiques. La part des abonnements sen dégroupage total s’établit à 25 % contre 16 % en 2007, les doubles abonnements en dégroupage partiel progressent d’un point à 16 % et les abonnements simples classiques régressent mécaniquement de 9 points à 59 %. Les offres dites « triple play » progressent de 37 % mais représentent encore une part minoritaire des abonnements fixes avec seulement 6,2 millions d’abonnés sur 134 millions d’abonnements fixes au total.

ABONNEMENTS AUX SERVICES DE TÉLÉPHONIE FIXE

Source : ARCEP, rapport annuel 2008.

Les abonnements d’accès à Internet bas débit sont peu à peu résorbés, avec une baisse de 34 % et un total inférieur à 1 million. Le très haut débit progresse mais reste marginal, atteignant seulement 170 000 abonnés dont 130 000 raccordés à une terminaison de câble coaxial, qui permet des débits moins importants que la terminaison en fibre optique. L’essentiel des abonnements consiste donc en des offres haut débit, avec 16,6 millions d’abonnements.

NOMBRE D’ABONNEMENTS À INTERNET

Source : ARCEP, rapport annuel 2008.

Concernant le mobile, le nombre total de clients progresse de près de 5 % atteignant 58 millions. La part des clients en carte prépayée régresse comme les années précédentes et pour la première année le nombre de clients en carte prépayée diminue en valeur absolue.

ÉVOLUTION DE LA PART DES FORFAITS ET CARTES PRÉPAYÉS

Source : ARCEP, rapport annuel 2008.

2. Les évolutions juridiques

a) L’actualité communautaire

Le « paquet télécoms » a été adopté à l’automne 2008 par la Commission européenne et constitue une évolution notable de la réglementation européenne, sans être toutefois de la même ampleur que le paquet précédent. Il contient deux mesures principales : la possibilité donnée aux régulateurs d’instituer la séparation fonctionnelle entre les activités de réseaux et de service, et le renforcement de l’indépendance des régulateurs. Un amendement adopté en première lecture au Parlement, et dirigé contre le projet de loi français Hadopi, selon lequel « aucune restriction aux droits et libertés fondamentales des utilisateurs finaux ne doit être prise sans décision préalable de l'autorité judiciaire » a été à l’origine d’un conflit avec le Conseil des ministres. Le Conseil a proposé de remplacer l’obligation de recours préalable à un juge par un « droit à une protection judiciaire effective » mais l’examen du paquet est toujours bloqué.

Un règlement du 18 juin 2009 a imposé une baisse des prix de l’itinérance communautaire, c’est-à-dire des appels reçus ou passés par l’intermédiaire d’un autre réseau dans un autre pays que celui d’origine. A terme, les prix maximums devront atteindre pour les appels 18 centimes en moyenne à la minute en gros, et au détail 35 centimes en émission et 11 centimes en réception ; pour les SMS 4 centimes en gros et pour le détail 11 centimes à l’émission, la réception étant gratuite.

b) L’actualité législative

La loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision a institué une nouvelle taxe sur les opérateurs de communications électroniques d’un taux de 0,9 %, assise sur les revenus issus des services au-delà de 5 millions d’euros.

Le projet de loi Hadopi II, en attente de promulgation fin octobre, a aménagé le dispositif invalidé pour partie par le Conseil constitutionnel dans la loi Hadopi I visant à suspendre l’accès à Internet des personnes dont la connexion aurait été utilisée à des fins de téléchargement illégal.

Le projet de loi de finances pour 2010 contient des mesures de compensation de la suppression de la taxe professionnelle pour les opérateurs de communications électroniques : une imposition forfaitaire sur les stations radioélectriques d’un montant forfaitaire de 1 530 euros par station et une autre de 12 euros par ligne connectée à un répartiteur de la boucle locale cuivre.

La proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique comporte des dispositions visant à sécuriser juridiquement les décisions de couverture du territoire en télévision numérique prise par le CSA et le projet de décision sur les conditions de déploiement de la fibre prise par l’ARCEP, ainsi que diverses mesures visant à améliorer le cadre d’intervention des collectivités territoriales en matière de très haut débit.

Les projets de loi relatifs à l’ouverture à la concurrence des jeux en ligne et d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure contiennent enfin des mesures visant à obliger les fournisseurs d’accès à Internet à bloquer l’accès à certains contenus.

c) L’actualité réglementaire

Une décision de l’ARCEP du 2 décembre 2008 a poursuivi le mouvement de baisse des prix de la terminaison d’appel mobile, c’est-à-dire du prix payé par un opérateur lorsqu’un de ses clients appelle un client d’un autre opérateur, en imposant une baisse au 1er juillet 2009 du tarif de 6,5 à 4,5 centimes d’euros la minute pour Orange France et SFR et de 8,5 à 6 centimes la minute pour Bouygues Télécom, puis une nouvelle baisse au 1er juillet 2010, le tarif passant de 4,5 à 3 centimes la minute pour Orange France et SFR et de 6 à 4 centimes la minute pour Bouygues Télécom.

Un arrêté du premier ministre du 22 décembre 2009 a approuvé le schéma national de réutilisation des fréquences issues du passage à la télévision numérique terrestre et confié la gestion de la sous-bande 790-862 MHz à l’ARCEP pour les services mobiles de communications électroniques. Cette sous-bande permettra le déploiement des réseaux 4G à partir de 2012.

En application des décisions antérieures de l’ARCEP, France Télécom a revu les prix du dégroupage à la baisse à partir du 1er janvier 2009, de 9,29 euros à 9 euros.

Trois décrets du 15 janvier 2009 ont défini les modalités d’application de dispositions de la loi de modernisation de l’économie concernant la fibre optique, et plus précisément l’équipement des bâtiments neufs, le droit au raccordement, et les conventions signées entre opérateurs et propriétaires d’immeubles.

Deux décrets du 12 février 2009 pris en application de la même loi ont défini les conditions de publications et de transmission aux collectivités territoriales d’informations concernant la couverture et les réseaux.

Un arrêté du 10 juin 2009 a posé des obligations d’information renforcées sur les numéros surtaxés.

Un arrêté du ministre en charge des communications électroniques et un décret du 29 juillet 2009 ont enfin fixé les conditions d’attribution de la 4ème licence 3G.

d) L’actualité jurisprudentielle

Un arrêt de la cour d’appel de Versailles du 4 février 2009 a confirmé un jugement du TGI de Nanterre du 18 septembre 2008 condamnant Bouygues Télécom à démonter une antenne-relais, au motif qu’« aucun élément ne permet d'écarter péremptoirement l'impact sur la santé publique de l'exposition de personnes à des ondes ou des champs électromagnétiques ».

Un arrêt de la Cour d’appel de Paris du même jour a confirmé la décision du Conseil de la concurrence du 17 décembre 2008 de suspendre l’exclusivité d’Orange sur la vente de l’iPhone.

Le conseil d’Etat a rejeté, dans un arrêt du 27 avril 2009, le recours de Bouygues contre la décision de l’ARCEP fixant les conditions et le calendrier de rétrocession d’une partie des fréquences dont disposent les opérateurs mobiles actuels.

Dans une décision du 6 mai 2009, le Conseil de la concurrence a rejeté le recours contre le contrat d’exclusivité passé entre Orange et France Télévision pour la diffusion par Internet de la télévision de rattrapage.

Enfin, la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 14 mai 2009, a cassé un arrêt du tribunal de commerce de Paris du 23 février 2009 interdisant à Orange de diffuser sa chaîne Orange Sport à ses seuls abonnés Internet.

B.— LES POSTES

Le retournement du marché des correspondances, attendu depuis longtemps en raison de la concurrence des communications électroniques, est aujourd’hui avéré, alors que les autres segments de marché, notamment l’express et le colis, continuent de croître. Les évolutions juridiques sont mineures mais le projet de loi relatif à l’évolution du statut de La Poste devrait être adopté d’ici la fin de l’année.

1. Les évolutions économiques

Les indicateurs économiques disponibles pour 2008 et le compte d’exploitation de la Poste mettent en évidence une forte baisse du marché postal. La plupart des informations disponibles sur le marché postal proviennent toutefois de l’enquête statistique de l’ARCEP pour l’année 2007.

En 2008, les revenus de correspondances pour le secteur réservé à La Poste diminuent de 1,6 % et ceux du secteur en concurrence de 2,8 %, pour atteindre respectivement 6,1 milliards d’euros et 2,2 milliards. A titre de comparaison, ils avaient augmenté en moyenne de 1,7 % en 2007.

La Poste ne bénéficie plus, depuis le 1er janvier 2006, d’un monopole que sur les envois de correspondance inférieure à 50 g, ce qui représente 6 milliards d’euros de ses revenus en 2008, soit 28 %. Le reste des activités postales génère un revenu de 10 milliards (48 %) et les activités bancaires 4,8 milliards (23 %). Le chiffre d’affaires du courrier a diminué de 1,8 %, celui de l’express a progressé de 3,8 % et le produit net bancaire de 1,2 %, aboutissant à une hausse globale du chiffre d’affaires du groupe de 0,25 %.

La concurrence reste très peu développée sur l’acheminement des correspondances adressées. En revanche, les marchés relatifs au traitement du courrier (collecte, gestion des bases de données, mise sous pli, pré-tri) et au courrier non adressé sont totalement concurrentiels.

2. Les évolutions juridiques

Pour mémoire, il est utile de rappeler que les directives postales de 1997 et 2002 ont engendré une réduction progressive du champ du monopole postal, limité aux lettres d’un poids inférieur à 350 g en 2000, 100 g en 2003, 50 g en 2006. La directive de 2002 envisageait que le marché soit totalement ouvert à la concurrence le 1er janvier 2009, sous réserve de la confirmation de cette date après réalisation d’une étude prospective par la Commission. En octobre 2006, la Commission européenne a proposé une troisième directive postale fixant au 1er janvier 2009 l’ouverture complète des marchés postaux. Mais cette date a fait débat. Le compromis auquel sont parvenus les députés européens repousse l’échéance au 1er janvier 2011, avec la possibilité pour certains États membres de bénéficier d’un délai supplémentaire de deux années. Par ailleurs, à partir du 31 décembre 2010, les États membres qui auront totalement ouvert leurs marchés postaux à la concurrence pourront refuser d’accorder des autorisations aux opérateurs détenant encore un monopole dans leur pays d’origine.

L’ouverture à la concurrence aura lieu en France au 1er janvier 2011, la France n’ayant pas demandé à bénéficier d’un délai supplémentaire de deux ans. Afin d’anticiper cette échéance, trois arrêtés ont été adoptés en 2008 et 2009 pour préciser les caractéristiques du service universel dont La Poste est aujourd’hui le prestataire : le premier du 22 juillet 2008 relatif aux objectifs de qualité de service fixés à La Poste au titre de l’offre de service universel, un second du 31 octobre 2008 relatif aux services d’envois en nombre et un troisième du 2 janvier 2009 relatif aux cécogrammes, c’est-à-dire les courriers ou colis envoyés aux malvoyants par les organisations qui les assistent.

II.— LES ENJEUX DE L’ACTION DE L’ÉTAT

A.— DES DÉPENSES LIMITÉES

Les crédits relatifs au secteur des postes et des communications électroniques sont regroupés dans les actions n° 4 et n° 13 du programme 134 de la mission économie. Pour 2010, ils s’élèvent au total à 234 586 335 euros en autorisation d’engagement, contre 229 947 530 euros en 2009, soit une augmentation de 2 %.

AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT POUR 2010 (EN €)

Action

Dépenses de personnel

Dépenses de fonctionnement

Dépenses d’intervention

Total

Développement des télécommunications, des postes et de la société de l’information PLF 2010

 

37 136 464

174 304 175

211 440 639

Idem PLF 2009

 

36 797 538 

170 271 525 

207 069 063 

Régulation des communications électroniques et des postes PLF 2010

15 045 696

8 100 000

 

23 145 696

Idem PLF 2009

14 678 475

8 200 000 

 

22 878 475 

Source : projets annuels de performance 2009 et 2010.

1. L’action n° 04 « Développement des télécommunications, des postes et de la société de l’information »

Les crédits de cette action se répartissent ainsi :

– 37,136 millions d’euros de subvention sont versés à l’agence nationale des fréquences (ANFr), chargée notamment de la planification du spectre, des négociations internationales le concernant, du contrôle et de la police sur les fréquences ; ce montant est en très légère hausse par rapport à 2009 (36,797 millions d’euros) et la répartition des effectifs de l’ANFr par catégorie de personnel est globalement stable ;

– 165,004 millions d’euros sont versés à La Poste pour la compensation des surcoûts liés à la mission de service public de transport postal de la presse écrite (159 millions d’euros), le remboursement des courriers des particuliers adressés en franchise postale (1,770 million) et la compensation des exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires prévues par la loi TEPA du 21 août 2007 (4,234 millions d’euros), les deux premières composantes du versement à La Poste étant stables et la troisième étant nouvelle ;

– des subventions sont versées aux organismes internationaux intervenant dans le secteur ainsi qu’à des associations qui accompagnent le développement de la société de l’information, pour un total de 9,3 millions d’euros, en baisse sensible par rapport à 2009 (9,5 millions d’euros).

2. L’action n° 13 « Régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) »

L’action retrace le budget de l’ARCEP, qui comprend :

– des dépenses de personnel : pour 2010, les autorisations d’engagement sont fixées à 15,045 millions d’euros contre 14,678 millions en 2009 et le nombre d’équivalents temps plein travaillés (ETPT) est stable à 174 ; la répartition des postes à l’ARCEP en fonction de leur catégorie a changé par rapport à 2009 : alors que les postes A+ (c’est-à-dire les plus qualifiés) s’élevaient à 56 ETPT en 2009, ils devraient s’élever à 28 en 2010, les catégories A et B voyant en contrepartie leurs effectifs augmenter ;

– des dépenses de fonctionnement, liées à l’activité, d’immobilier, et d’informatique, en légère baisse à 8,1 millions d’euros contre 8,2 millions en 2009.

3. Un budget maîtrisé

Le budget du secteur est en hausse de 2 %, contre 3,5 % en 2009, cette évolution apparaissant raisonnable.

Il appelle néanmoins trois remarques de votre rapporteur :

– les 159 millions d’euros de subvention versés à La Poste pour la distribution de la presse écrite qui figurent actuellement dans l’action n° 4 devraient être regroupés avec le reste de la subvention versée à ce titre dans la mission « Médias » ; comme le soulignait votre rapporteur l’année dernière, « l’éclatement actuel de l’aide nuit à la clarté de l’architecture du budget de l’État et laisse penser que la Poste est subventionnée alors qu’il s’agit d’un soutien à la presse » ;

– l’inclusion dans l’action n° 4 de la compensation des exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires prévues par la loi TEPA du 21 août 2007 paraît également critiquable ;

– la modification à la baisse de l’affection par catégorie de personnels de l’ARCEP est étonnante dans la mesure où le nombre d’ETPT est constant et où les dépenses de personnel augmentent de 2,5 %.

B.— LA COUVERTURE DU TERRITOIRE FIXE ET MOBILE

Le 10 septembre 2009, François Fillon a rappelé l’objectif de l’action du gouvernement en matière de couverture numérique : « que 100 % des Français aient accès à l’Internet à haut débit fixe ou mobile avant la fin du quinquennat ». La couverture numérique du territoire est très différente selon les réseaux considérés, mais quelques chiffres permettent de résumer la « fracture numérique » contre laquelle le gouvernement entend lutter.

LA FRACTURE NUMÉRIQUE, CHIFFRES-CLÉS

- 0,18 % de la population n’est couverte par aucun opérateur mobile (zone blanche)

- 2,2 % de la population n’est couverte que par un ou deux opérateurs mobiles (zone grise)

- 21 % de la population ne peut avoir accès à l’Internet mobile

- 1,7 % de la population ne peut avoir accès à l’Internet fixe haut débit, c’est-à-dire supérieur à 512 Kbps

- 11 % de la population ne peut avoir accès à Internet fixe avec un débit supérieur à 2 Mbps

- 25 % de la population ne peut avoir accès à une offre en dégroupage total

- 98 % de la population ne peut avoir accès au très haut débit en fibre optique

Source : ARCEP.

1. Le déploiement des réseaux mobiles

En application de la loi de 2008 de modernisation de l’économie, l’ARCEP a transmis au Parlement en août un bilan de la couverture 2G, qui sera suivi avant la fin de l’année par un bilan de la couverture 3G. Ce bilan montre que 99,82 % de la population métropolitaine est couverte par au moins un opérateur, ce qui signifie que près de 100 000 habitants restent non couverts. Ceux-ci se trouvent essentiellement dans les zones montagneuses.

TAUX DE ZONES MOBILES NOIRES, GRISES ET BLANCHES

Source : ARCEP, bilan de la couverture en téléphonie mobile en France, 2009.

Afin de faire progresser la couverture 2G, le Gouvernement avait lancé en 2003 un programme « zones blanches » visant à couvrir 3 000 centres bourgs non couverts. Au 31 juillet 2009, le taux de réalisation était de 97 % du programme initial. En avril 2008, un nouveau recensement a mis en évidence que 364 communes additionnelles répondaient au critère du programme et un volet complémentaire a été lancé. La couverture totale des centres bourgs identifiés devrait être achevée en 2011.

Des engagements de couverture des axes routiers prioritaires ont par ailleurs été pris par les opérateurs. Au 1er janvier 2009, 98,8 % des axes routiers prioritaires étaient couverts par les trois opérateurs, 0,95% par deux opérateurs, 0,21 % par un opérateur et 0,03 % par aucun opérateur.

En ce qui concerne la 3G, les opérateurs s’étaient engagés au moment de l’obtention de leur licence à couvrir : 99,3 % et 98 % de la population pour Orange et SFR en août 2009, et 75 % de la population pour Bouygues en décembre 2010. Le déploiement des réseaux 3G a été retardé pour des motifs technico-économiques, ce qui a conduit l’ARCEP à revoir le calendrier. En 2009, Orange, SFR et Bouygues déclarent couvrir respectivement 79 %, 72 % et 72 % de la population. La couverture 3G devrait être améliorée grâce à la possibilité de réutiliser les fréquences 900 MHz (2G) en UMTS, et la mutualisation des réseaux 3G en zones rurales qui devrait faire l’objet d’un accord-cadre entre opérateurs d’ici la fin de l’année 2009.

Il semble toutefois exister une divergence sensible entre ces chiffres et la réalité de la couverture mobile.

Le président de la commission des affaires économiques a en effet demandé à ses membres de lui signaler les zones pas ou mal couvertes en 2G qui ont été portées à leur connaissance par tout moyen. Des réponses ont été renvoyées pour vingt circonscriptions, les députés concernés remplissant directement le questionnaire qui leur avait été envoyé ou le transmettant aux maires et/ou aux conseils généraux. Les informations transmises permettent de constater que les problèmes rencontrés par les utilisateurs de téléphones portables dans leur vie quotidienne sont beaucoup plus importants que ne le laissent supposer les cartes publiées par les opérateurs et les mesures réalisées par l’ARCEP. Dans certaines circonscriptions (notamment dans la Somme, l’Orne, la Gironde, la Haute-Vienne, l’Eure-et-Loir, le Morbihan), plusieurs dizaines de communes sont mal ou très mal couvertes ; dans 60 % de ces cas, les cartes publiées par les opérateurs mentionnent une couverture totale de ces communes ; dans 20 % des cas des problèmes significatifs mais mineurs sont signalés par au moins un opérateur ; dans les 20 % de cas restants, un défaut de couverture important est rapporté par au moins un opérateur.

LISTE DES PRINCIPAUX CANTONS DANS LESQUELS DES PROBLÈMES D’ACCÈS AUX RÉSEAUX DE TÉLÉPHONIE MOBILE ONT ÉTÉ RAPPORTÉS

Eure-et-Loir : Authon-du-Perche, Thiron Gardais, Nogent-le Rotrou, Illiers-Combray, La Loupe, Courville-sur-Eure

Haute-Vienne : Oradour-sur-Vayres, Rochechouart, Saint-Junien Est, Saint-Junien Ouest, Saint-Laurent-sur-Gorre, Saint-Mathieu

Maine-et-Loire : Thouarcé, Vihiers, Gennes

Mayenne : Couptrain, Landivy

Morbihan : Le Faouët, Guémené-sur-scorff

Nord-Pas-de-Calais : Etaples

Orne : Alençon 1er canton, Athis-de-l’Orne, Bazoches-sur-Hoêne, Bellême, Briouze, Courtomer, Domfront, La Ferté-Frênel, Gacé, Juvigny-sous-Andaine, L’Aigle Est, Longny-au-Perche, La Mêle sur Sarthe, Montagne au Perche, Moulin La Marche, Pervenchères, Rémalard, Sées, Trun

Seine-maritime : Montivilliers

Somme : Ailly-sur-nove, Conty, Corbie, Montdidier, Moreuil, Poix de Picardie, Rosière en Santerre, Roye, Villers Bocage, Ault, Friville-Escarbotin, Gamaches, Hallencourt, Hornoy-le-Bourg, Molliens-Dreuil, Moyen Neville, Oisemont, Saint-Valéry-sur-Somme

Source : réponses au questionnaire de la commission des affaires économiques.

Votre rapporteur invite le Gouvernement et l’ARCEP à apporter des précisions sur ces divergences. Il souhaiterait par ailleurs que soient mises à l’étude les mesures permettant un meilleur contrôle des dysfonctionnements des réseaux et de leur maintenance, ainsi qu’une meilleure information des abonnés en cas d’interruption temporaire de la couverture.

2. Le déploiement des réseaux fixes

a) La couverture actuelle

En ce qui concerne l’ADSL, si le succès de ce mode de connexion est indéniable, un nombre significatif de lignes restent inéligibles : 465 000 environ, soit trop longues, soit multiplexées pour être partagées entre plusieurs utilisateurs. Les estimations disponibles laissent apparaître qu’environ 11 % des lignes ne permettent pas de disposer de débits supérieurs à 2 Mbps. Pour un débit de 4 Mbps, ce pourcentage est porté à 22 %. Au 31 mars 2009, 75 % de la population avait accès au dégroupage grâce au raccordement par les opérateurs alternatifs de 4 076 répartiteurs.

En ce qui concerne le câble, 9,4 millions de prises sont raccordées au seul réseau ayant subsisté à la consolidation du secteur, celui de Numéricable. Ce réseau couvre 97 % des communes de plus de 100 000 habitants, 62 % des communes de 30 000 à 100 000 habitants et 40 % des communes de 10 000 à 30 000 habitants, soit essentiellement des zones denses.

En ce qui concerne la fibre optique, le nombre d’immeubles équipés s’élevait à 33 000 soit environ 650 000 foyers raccordables, tous en zones très denses.

b) L’amélioration de la couverture

Afin de couvrir les zones blanches du haut débit, plusieurs solutions existent :

– des solutions hertziennes : 50 000 foyers – sur 465 000 – qui ne sont pas éligibles à l’ADSL sont couverts en haut débit Internet par voie hertzienne (WiFi, WiMax) ; après la libération des fréquences du dividende numériques, dont les caractéristiques de propagation permettent une couverture étendue, les réseaux 4G, qui pourront être déployés sur les infrastructures 2G, fourniront par ailleurs une solution intéressante ;

– des solutions filaires : il est possible de rendre éligibles à l’ADSL certaines lignes trop longues en transformant des sous-répartiteurs en répartiteurs ; France Télécom dispose pour ce faire d’une offre NRA-ZO, et estime que la construction d’environ 3 000 NRA-ZO permettrait de rendre éligibles plus de 275 000 lignes sur 465 000, pour un coût moyen de 1 000 euros la ligne ;

– des solutions satellitaires : elles existent déjà sur tout le territoire métropolitain, mais présentent l’inconvénient d’un volume de données échangeables limité ou encore de l’absence de service téléphonique inclus ; les satellites déployés prochainement devraient toutefois mettre en partie fin à ces problèmes.

Le plan « France numérique 2012 » prévoyait par ailleurs que le gouvernement organiserait cette année un appel d’offre pour garantir à tous les individus qui résident en France un accès haut débit, c’est-à-dire supérieur à 512Kbps, pour moins de 35 euros par mois location éventuelle de matériel comprise. Cet appel d’offre n’a pas encore été lancé.

Afin d’assurer la montée en débit dans l’attente du déploiement des réseaux très haut débit, l’ARCEP a lancé une consultation qui permettra de mieux déterminer les stratégies à mettre en œuvre et l’intérêt des différentes options techniques disponibles.

Enfin, l’enjeu de demain est le développement du très haut débit. L’objectif fixé par le plan numérique était d’atteindre la cible de 5 millions d’abonnés à l’horizon 2012. Un consensus semble aujourd’hui émerger sur le cadre de déploiement des réseaux de fibre optique :

– dans les zones les plus denses, l’ARCEP devrait décider de mettre en place les conditions d’une concurrence par les infrastructures, chaque opérateur disposant de son propre réseau ;

– dans les zones les moins denses, non rentables, des subventions publiques seront nécessaires et un fond national de péréquation devrait être mis en place pour aider les collectivités territoriales ;

– dans les zones moyennement denses, la situation est plus compliquée, dans la mesure où un réseau et un seul sera rentable : il est donc nécessaire de trouver un système de mutualisation efficace, et d’obtenir un accord entre opérateurs privés.

B.— LA TARIFICATION DES ABONNEMENTS MOBILES

Plusieurs éléments montrent que le coût des abonnements payés par les consommateurs français à leurs opérateurs mobiles est trop élevé.

Dans son dernier rapport sur les télécommunications, la Commission européenne souligne qu’un consommateur français faisant un usage moyen de son téléphone portable paie la seconde facture mensuelle la plus élevée dans l'Union, juste en dessous de 30 euros, contre un peu moins de 20 euros en moyenne dans l'Union européenne.

Dans son dernier rapport annuel, l’ARCEP note que les abonnés ont consommé en 2008 5,6 % de minutes de voix en moins (12 minutes) et 65 % de SMS en plus (24 SMS) mais dépensent seulement 2,6 % en moins (une économie de 1,10 €).

PRIX D’UN ABONNEMENT POUR UN PETIT, MOYEN ET GROS CONSOMMATEUR EN FRANCE RELATIVEMENT AUX AUTRES PAYS DE L’UNION EUROPÉENNE
(FRANCE EN GRAS)

Source : 14ème rapport de la commission européenne.




Si, comme le souligne la commission européenne, « l'arrivée d'un quatrième opérateur mobile pourrait contribuer à améliorer la concurrence et le choix pour les consommateurs », votre rapporteur pense qu’il serait utile, afin de réduire la facture de téléphonie mobile des français, que le gouvernement engage une réflexion sur l’obligation faite aux opérateurs de mettre en place un système d’alerte en cas d’inadéquation entre l’abonnement et la réalité de la consommation. Ainsi, en cas de sous-consommation notamment, les abonnés seraient automatiquement informés de l’intérêt de changer de forfait.

C.— LES AUTRES ENJEUX CONCERNANT LES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES

Ces enjeux sont les suivants :

– la quatrième licence de téléphonie mobile : les candidatures ont été déposées le 30 octobre et les résultats de la procédure devraient être connus au début de l’année prochaine ;

– l’impact des radio-fréquences sur la santé : après la table-ronde organisée à partir du 23 avril 2009, un comité opérationnel a été mis en place et des mesures devraient être prises en 2010 ;

– l’extinction de la télévision analogique : si l’extinction de la télévision analogique n’est pas achevée au 3 novembre 2011, cela retardera d’autant le déploiement des réseaux mobile haut débit dans la sous-bande 790-862 MHz.

D.— L’ÉVOLUTION DU STATUT DE LA POSTE

Après la demande du président de La Poste qu’évolue le statut du groupe afin de trouver des sources de financement complémentaires, le Gouvernement a chargé une commission présidée par M. François Ailleret de réfléchir au développement de La Poste.

Dans son rapport, la commission relevait les points suivants. La Poste s’est diversifiée et sa rentabilité s’est accrue mais le groupe reste en retard par rapport à certains de ses concurrents européens. La mission d’aménagement du territoire doit être étendue à la présence postale actuelle et obtenir des financements suffisants et pérennes. Le groupe doit moderniser son réseau et son outil industriel et développer le colis et l’express en Europe. Au moins 2,7 milliards d’euros doivent pour cela être mobilisés et l’endettement n’est pas une solution.

Afin d’assurer la couverture de ces besoins de financement et de préparer l’entreprise publique à l’échéance de 2011, le gouvernement a déposé au Sénat un projet de loi visant à faire évoluer le statut de La Poste. Les principales dispositions du projet de loi sont les suivantes :

– transformation de La Poste en société anonyme ;

– détention du capital par des personnes appartenant au secteur public uniquement, sauf actionnariat des personnels ;

– sécurisation des missions d’intérêt général confiées à La Poste (service universel postal, aménagement du territoire, distribution de la presse, accessibilité bancaire) ;

– conservation de leur statut pour les fonctionnaires ;

– habilitation de La Poste comme prestataire du service postal universel pendant 15 ans ;

– mission confiée à l’ARCEP de veiller à l’exercice d’une concurrence effective et loyale.

EXAMEN EN COMMISSION

À l’issue de la commission élargie (voir compte rendu analytique officiel de la réunion du mardi 27 octobre 2009), la commission des affaires économiques a examiné pour avis les crédits de la mission « Économie », sur les rapports de M. Jean-Paul Charié, M. Daniel Fasquelle, M. François Loos, M. Jean Gaubert et M. Alfred Trassy-Paillogues.

Conformément à l’avis de MM. Jean-Paul Charié, Daniel Fasquelle, François Loos et Alfred Trassy-Paillogues, rapporteurs pour avis et contrairement à l’avis de M. Jean Gaubert, rapporteur pour avis, la Commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Économie » pour 2010.

——fpfp——

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