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N
° 1969

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 2009

AVIS

présente

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2010 (n° 1946),

TOME VIII
OUTRE-MER

PAR M. Alfred ALMONT,

Député.

——

Voir le numéro : 1967 (annexe 30)

INTRODUCTION 5

I.— LES GRANDS CHIFFRES ET LEUR SIGNIFICATION 9

II.— LES PRIORITÉS AFFICHÉES PAR LE BUDGET POUR 2010 15

1. Toujours l’emploi 15

2. Le soutien aux entreprises 20

a) Les exonérations de charges sociales 20

b) L’aide au fret créée par la LODEOM 23

3. L’aide à la qualification et à l’insertion professionnelle 24

a) La réforme du SMA 24

b) Les missions de l’ANT 25

c) L’amélioration de la continuité territoriale 28

4. L’aide publique aux investissements structurants 31

5. Le logement et la ville 34

EXAMEN EN COMMISSION 41

MESDAMES, MESSIEURS,

En novembre 1941, André Breton débarquait à Fort-de-France. Sur le chemin de l’Amérique, l’occasion lui fut ainsi donnée d’approcher Aimé Césaire. Les temps qui suivirent leur rencontre furent marqués par la parution d’une revue, intitulée Tropiques, où apparut pour la première fois, en 1944, le terme de négritude afin de traduire l’ensemble des valeurs culturelles propres aux indigènes, et qui plaidait pour une émancipation antillaise au plan culturel aussi bien que politique, au sein de à la République française et non contre elle.

Chaque peuple, écrira bien plus tard Milan Kundera, « se demande où se trouve la marche intermédiaire entre son chez-soi et le monde, quel est son contexte médian ». Cette question prend un relief tout particulier s’agissant de l’outre-mer français. Terres de dilemme, entre l’Europe et l’Amérique, l’Europe et l’Afrique, l’Europe et l’Océanie. Certes elles ne sont pas les seules. Sur le vieux continent, l’Autriche recroquevillée au centre de l’Europe après avoir été le centre de l’Europe et la Grèce, entre tradition byzantine et arrimage à l’Occident, connaissent une problématique comparable. Mais le monde d’aujourd’hui se préoccupe-t-il de ces terres à intersections multiples ? Selon Kundera, le monde moderne n’entend pas la voix des petits, ajoutant donc la solitude à la diversité culturelle. Un jugement sévère que dément pour partie l’intérêt que la France continentale n’a cessé de prêter à ses territoires ultramarins.

Déjà, la deuxième guerre mondiale avait rendu aux « colonies de la Caraïbe » et à la Réunion l’importance stratégique qu’elles avaient connues avant la Révolution. La déclaration Roosevelt du 3 juillet 1940, dite de La Havane, qui rappelait la doctrine Monroe sur le rejet de toute ingérence non américaine, recevait en riposte celle de Victor Sévère, député de la Martinique et maire de Fort-de-France, parlant du « sort de la plus vieille des colonies françaises et de la plus française des vieilles colonies ». Ce qui avait engagé le processus, d’abord qualifié d’assimilation dès les premiers jours de la Libération puis de départementalisation à partir de la loi du 19 mars 1946 érigeant la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et la Réunion en départements français. Aussitôt, le conseil général de la Guadeloupe lançait une proclamation solennelle :

« considérant qu’outre les avantages moraux considérables qu’en tirera la population, son assimilation déterminera sa rupture définitive avec le pacte colonial rétrograde et source de troubles sociaux constants. »

« Une et indivisible », cette formule qui avait servi de titre à un ouvrage fameux de Louis Blanc publié en 1851, elle-même reprise de propos tenus au Club des Girondins, prenait ainsi sa place dans les faits, c’est-à-dire en 1948, deux ans après le vote de la loi de départementalisation, et dix ans avant que la Constitution de la Vème République en fît son article premier. Dans cet esprit, depuis 1958, nos gouvernements successifs se sont attachés à resserrer les liens entre les territoires français.

Mais cet article premier de la Constitution de 1958 comporte aussi deux adjectifs spécialement significatifs au regard des pays ultramarins : la république est « sociale », elle est encore « décentralisée », ce dernier terme résultant de la récente révision constitutionnelle du 28 mars 2003.

Indivisible, sociale et décentralisée, voilà donc bien le triptyque entre les pans duquel se tisse aujourd’hui le lien entre la France continentale et ses territoires éloignés. On aurait pu leur adjoindre le mot « solidaire ». Mais c’eut été redondant : ne concentre-t-il pas les trois précédents ?

Car nous n’avons cessé de le répéter depuis trois ans, depuis que l’honneur nous a été fait de présenter cet avis budgétaire au nom de la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale : l’outre mer, par sa seule situation géographique et ses spécificités, mérite un regard, une écoute, des moyens et des dispositifs particuliers ; on ne peut que s’étonner d’être régulièrement confronté à des tâtonnements, des dérogations ou des initiatives à caractère exceptionnel. C’est ainsi que la loi de programme du 21 juillet 2003, tout comme la loi du 27 mai 2009 pour les développement économique des outre mer (dite LODEOM) montrent bien que l’on est dans la perpétuelle recherche de dispositifs législatifs possibles et réalistes. On ne saurait pour autant ignorer ce principe fort, que nous avions déjà rappelé l’année dernière et qui résulte de l’Arrêt Wagner : on ne traite pas de façon uniforme des situations différentes, sinon c’est l’égalité qui provoque l’injustice et non celle-ci qui résulte de la différence. Notre commission s’est dès lors prononcée en faveur de la reconnaissance d’une politique de cohésion territoriale qui prend en compte la diversité des territoires.

L’indivisibilité, ciment de la République, et la décentralisation, moteur de son progrès, conjuguent tout particulièrement outre-mer leur complémentarité afin que chaque territoire soit désormais doté des institutions politiques et administratives les mieux adaptées à sa personnalité propre. C’est ainsi qu’après l’œuvre de décentralisation de 1946 confortée en 1958 et en 1982, les territoires ultramarins se sont, avec le temps, inscrits dans le cadre désormais souple de la République : collectivités autonomes pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy depuis 2007, collectivité d’outre-mer pour Saint-Pierre et Miquelon la même année, collectivité d’outre-mer à statut particulier pour Wallis-et-Futuna depuis 2003, collectivité territoriale sui generis pour la Nouvelle-Calédonie depuis 1998, territoire d’outre-mer pour la Polynésie française depuis 2004.

Sous ces appellations diverses transparaît une heureuse combinaison de pragmatisme et de principe appliquée à l’administration de cette République soucieuse de respecter et de valoriser les particularismes en son sein.

Enfin, Mayotte, « la française » comme l’appelait Pierre Pujo au lendemain du référendum de 1976 donnant son indépendance aux Comores, est devenue, le 29 mars de cette année 2009, le cent unième département français, avec 95 % de votes favorables, l’entrée en vigueur de son nouveau statut étant prévue en 2011 lors du renouvellement de son conseil général.

Toutefois, comme les deux années précédentes, il nous faut encore déplorer une anomalie déjà dénoncée et demeurée sans réponse : Mayotte, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie ne font pas partie des régions ultrapériphériques (RUP) de l’Union européenne, ce qui les prive notamment de l’apport des fonds structurels européens, même si elles accèdent au fonds européen de développement (FED), en dépit de ce que leur situation géo-politique et, plus encore, géo-économique, pourraient apporter à l’Union européenne dont il est opportun de souligner qu’elle est, plus que jamais, l’Europe des régions.

Quant à la valeur « sociale » de la République pour l’outre-mer, sa sensibilité et sa fragilité ont éclaté au début de cette année, semblant donner raison à la formule désabusée de Kundera. Il aura suffi d’une crise financière, née pourtant bien loin de leurs bases économiques, d’une tendance au renchérissement de certaines matières premières, dont l’énergie, d’un sentiment local, sans doute exacerbé mais cependant justifié, d’un relatif oubli de la lointaine métropole faisant face d’abord à ses difficultés économiques de première ligne pour que des révoltes grondent, des mèches s’allument, une incompréhension se diffuse, tout cela faisant ressortir la fragilité des modèles ultramarins sur le plan économique autant que social. Le Gouvernement a su réagir et mettre en œuvre, dans l’urgence, des démarches correctrices. Les facteurs de l’irruption étant maintenant atténués, il convient d’en dresser le bilan et d’en évaluer l’impact comme les solutions.

Le projet de budget de la mission outre-mer pour 2010 ne fait pas défaut à l’exercice. D’une façon claire et déterminée, il aborde de manière rationnelle les moyens de politiques publiques les plus aptes dans l’immédiat à solidifier le socle du développement ultramarin. Il n’a cependant de sens que s’il s’inscrit dans une perspective à moyen terme propre à s’attaquer aux problèmes de fond qui demeurent mais pour lesquels, déjà, au moins des esquisses de politique nouvelle montent dans le train de l’avenir.

Avant de présenter, et de commenter, les axes prioritaires d’un budget clair et ambitieux, il faut en mentionner les grands chiffres et leur signification.

I.— LES GRANDS CHIFFRES ET LEUR SIGNIFICATION

Voici maintenant trois ans, et trois ministres, que le budget de la mission outre-mer progresse de façon sensible.

Nous notions, pour l’examen du projet de budget pour 2008, que l’effort public en faveur de l’outre-mer, à structure ministérielle constante, avait connu, depuis 2002, une remarquable continuité, avec une augmentation cumulée sur cinq ans de près de 50 %.

En 2009, le budget de la mission bénéficiait d’une progression de 12,8 % en autorisations d’engagement (atteignant 1,97 milliards d’euros) et de 9,3 % en crédits de paiement (1,88 milliards d’euros), sans modification de périmètre.

Pour 2010, la progression est de nouveau soutenue : + 6 % en autorisations d’engagement (2,088 milliards d’euros) comme en crédits de paiement (1,99 milliard d’euros). Ce qui situe ces crédits à un niveau légèrement supérieur à celui initialement prévu par la loi de programmation des finances publiques : de 4,4 % en autorisations d’engagement et de 3,1 % en crédits de paiement. Abondés de 85,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 61,4 millions d’euros en crédits de paiement, ils traduisent les incidences, d’une part, des mesures adoptées pour sortir de la crise, d’autre part des dispositions nouvelles adoptées dans la LODEOM, particulièrement en faveur des zones franches d’activité.

Cette année comme les précédentes, on précise que les crédits budgétaires directs ne représentent qu’une part de l’effort national consenti en faveur de l’outre-mer, dans une proportion relativement stable : 11,4 % en 2009, 11,8 % pour 2010. Au total, celui-ci est estimé à 16,9 milliards en 2009, ce qui relativise l’augmentation des concours, qui ne s’élève plus que de 2,4 %.

Chaque année aussi, est mise en avant la part relativement importante que représentent les dépenses fiscales dans ce total, estimées à 3,62 milliards d’euros pour 2010, soit une hausse de 6,3 % par rapport à 2009. Leur évolution résulte directement des aménagements apportés par la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (dite LODEOM).

Elle est ainsi retracée par le projet annuel de performances pour les deux derniers exercices et pour 2010 :

DÉPENSES FISCALES CRÉÉES OU MODIFIÉES PAR LA LODEOM

(en millions d'euros)

Objet de la mesure

2008

2009

2010

LODEOM

Régime particulier de TVA des départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion. Déductibilité de la taxe afférente à certains produits exonérés

225

160

100

Réforme de la TVA NPR

Abattement applicable aux bénéfices des entreprises provenant d'exploitations situées dans les départements d'outre-mer

-

90

90

Création des zones franches d’activité (ZFA)

Réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs réalisés dans les départements, territoires et collectivités territoriales d'outre-mer, avant le 31 décembre 2017

640

800

800

Modifications du régime

Déduction de l'impôt sur les sociétés des investissements productifs réalisés dans les départements, territoires et collectivités territoriales d'outre-mer et des souscriptions au capital de sociétés qui réalisent de tels investissements. Dispositions applicables jusqu'au 31 décembre 2017

150

150

300

Modifications

Réduction d'impôt au titre des investissements locatifs et de réhabilitation de logements situés dans les départements d'outremer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises

300

330

300

Modifications

Réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements dans le logement social et intermédiaire dans les départements, territoires et collectivités territoriales d'outre-mer

-

-

110

Création d'un dispositif de défiscalisation du logement social

Abattement de taxe professionnelle sur la base nette imposable des établissements situés dans les départements d'outre-mer

-

80

80

ZFA

Abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties sur la base d'imposition des établissements situés dans les départements d'outre-mer

-

70

70

ZFA

Exonération partielle de taxe foncière sur les propriétés non bâties des terres agricoles situées dans les départements d'outre-mer

-

10

10

ZFA

Source : Projet annuel de performances.

Au stade actuel, les spécificités fiscales de l’outre-mer résultent d’une suite de modifications législatives dont la dernière date du printemps dernier. Pour autant, nous ne sommes pas assurés, d’une part, de nous être donné tous les moyens d’établir une correspondance aussi adaptée que possible de la fiscalité d’outre-mer à ses particularités économiques comme à ses objectifs de développement, d’autre part de tirer pleinement parti de ce que nous autorise, et nous incite à faire, l’article 299-2 du traité d’Amsterdam dont il nous plait toujours de rappeler qu’il a acté, au nom de toute l’Union européenne, qu’on ne traite pas de façon similaire des situations disparates.

Or, notre système fiscal, conçu en fonction de l’économie hexagonale, ce qu’on ne saurait lui reprocher, dispose-t-il de la souplesse nécessaire pour répondre aux suggestions du traité susmentionné ?

Trop souvent, nous continuons, malgré la ferme volonté de réforme depuis 2002, de procéder au coup par coup. Ainsi, nous ne devons jamais perdre de vue qu’une nouvelle taxe n’a de sens que justifiée par un supplément de service public, une incitation à agir ou une incitations à se dispenser de faire. Encore faut-il que le surcroît de service se manifeste vraiment, ou que l’incitation gouverne une action ou une abstention réalisables. Ce qui est possible en Ile-de-France ou en Rhône-Alpes ne l’est pas forcément à la Guadeloupe ou à La Réunion.

C’est pourquoi, nous approuvons le report à 2013 pour l’outre-mer de la taxe générale sur les activités polluantes.

De même, la taxe carbone ne saurait s’appliquer à l’outre-mer sans qu’ait été, au préalable, menée à son terme la révision du mode de fixation du prix des carburants. C’est pourquoi nous approuvons la disposition qui vient d’être adoptée en première partie de la loi de finances et qui repousse au 1er juin 2010 pour les départements d’outre-mer l’entrée en vigueur de la nouvelle taxe. Pour que cette taxe ait l’effet éducatif qui fonde sa mise en place, encore faut-il que les assujettis soient en mesure de changer leur mode de consommation d’énergie. Ce qui n’est pas toujours le cas des territoires ultramarins, confrontés à l’insuffisance des transports en commun – davantage imputable d’ailleurs à leur géographie qu’à la carence de services publics – et à la pénurie de logements convenables et sociaux – plus que de logements aux nouvelles normes de qualité environnementale. L’outre-mer dispose néanmoins d’atouts considérables pour devenir une zone pionnière en matière d’économies d’énergie et d’énergies renouvelables. Mais, là encore, c’est un plan global et à long terme qu’il convient de préparer.

La ventilation des concours des autres ministères est, de son côté, retracée dans le document de politique transversale (DPT). Celui-ci fait principalement apparaître l’utilité des quinze documents tels qu’ils ont été notamment définis par les successives lois de finances annuelles depuis 2006.

S’agissant des outre-mer, la politique transversale se traduit par une liste de quatre-vingt-huit programmes relevant de vingt-sept missions qui sont, comme on le sait, les ministères au sens budgétaire du terme selon la « LOLF ».

Par rapport à 2008, année où, pour 2009, le DPT nous avait été transmis fort tardivement, empêchant de procéder à son analyse, – il convient ici de nous réjouir de sa bonne communication cette année et, d’une façon générale, de l’excellente collaboration avec le nouveau ministre et avec son cabinet –, le nouveau document comporte 37 programmes de plus. Non qu’il s’agisse de programmes nouveaux mais d’un effort sensible et louable du Gouvernement pour répondre aux vœux que nous formulons maintenant depuis trois ans et qui visent à disposer d’un panorama lisible et exhaustif de la contribution des finances publiques à l’outre-mer.

Ont ainsi été intégrées des actions déterminantes pour le développement de nos territoires :

– les concours spécifiques aux collectivités territoriales et les prélèvements sur recettes opérés à leur profit ;

– les dépenses de recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de la gestion des milieux naturels et de leurs ressources ;

– le soutien à l’enseignement privé des premier et deuxième degrés.

– les programmes de santé et de solidarité sociale, tels que l’aide au logement et le revenu supplémentaire temporaire d’activité (RSTA).

A cet égard, l’article 11 du projet de loi de finances pour 2010 traduit l’engagement pris par le Gouvernement au printemps dernier parmi les mesures propres à sortir de la crise sociale que nous avons connue au début de cette année. Le TSTA aura donc le même régime social et fiscal que son grand frère le revenu de solidarité active (RSA).

S’est dès lors posée la question de l’incidence du RSTA sur la prime pour l’emploi (PPE). Quelques estimations rapides, effectuées au début de l’été, ont suscité des inquiétudes. En outre, résultant de l’accord dit « accord Binot », le RSTA a été présenté comme un supplément de salaire. Mais il s’analyse, juridiquement, comme une anticipation du RSA.

La population d’outre-mer remplissant les critères d’élection bénéficient, pour 2009, à la fois du RSTA et de la PPE (1 000 euros en moyenne par an pour le premier, 570 euros pour la seconde).

Le Gouvernement s’est engagé à réaliser, au premier semestre 2010, des simulations précises fondées sur la réalité des versements de RSTA au cours de l’exercice 2009.

***

Le nouveau périmètre ainsi affiné ne fait pas ressortir un quelconque surcoût de l’outre-mer par rapport aux estimations antérieures. Comme le souligne à juste titre le document gouvernemental : « ce récapitulatif qui présente de manière détaillée l’effort financier consacré par l’État aux territoires ultramarins n’a pas comme objectif de mettre en exergue le coût de l’outre-mer mais de montrer à quelle hauteur » se situe la participation de l’État. « Son intérêt est d’identifier tous les programmes qui contribuent au développement de ces territoires ».

Comme on s’en souvient, le débat du printemps sur le PLODEOM avait été entouré de considérations plus ou moins bienveillantes, notamment dans la presse économique, sur le coût de l’outre-mer. Nous avions, pour notre part, tenté une approche parcellaire permettant seulement d’identifier un chiffre pivot, point de départ d’une réflexion à mener, de 275 euros par habitant ultramarin.

Il faut maintenant poursuivre cet affinement et travailler à disposer, dans un délai raisonnable, d’un tableau synoptique intégrant :

– la contribution financière de chaque ministère, en d’autres termes son « poste outre-mer » ;

– l’apport dont bénéficie chaque territoire, globalement mais aussi rapporté à sa population et à son produit intérieur ;

– les instruments de comparaison nécessaires avec les départements métropolitains.

En face de ces données brutes, et parce que l’effort financier public n’a de sens que ramené à la contrepartie dont bénéficie la collectivité nationale, il conviendrait de travailler à la définition d’outils de mesure des avantages économiques tirés par la France de son outre-mer, non seulement de ceux déjà quantifiables mais aussi de ceux, encore potentiels mais susceptibles de devenir des moteurs du développement durable.

II.— LES PRIORITÉS AFFICHÉES PAR LE BUDGET POUR 2010

1. Toujours l’emploi

L’emploi demeure une préoccupation majeure, qui se double d’une incidence dont la gravité ne cesse de s’accroître : la montée inexorable du nombre de travailleurs pauvres, c’est-à-dire de salariés qui disposent d’un emploi, même à temps plein et, qui cependant, ne peuvent en tirer un niveau de vie décent. Cette réalité, déjà palpable dans l’hexagone, se manifeste avec plus de sensibilité encore outre-mer. Elle constitue l’une des causes principales du mouvement de révolte de l’hiver et du printemps derniers.

S’agissant du seul rapport emploi/chômage, la situation au cours des dernières années montre plutôt une amélioration jusqu’en 2008, mais celle-ci reste inférieure à celle de l’hexagone, où le taux de chômage est passé de 8,9 % en 2004 à 7,2 % en 2008. Dans le même temps, il diminuait légèrement à la Guadeloupe (de 24,3 % à 22,7 %) et en Guyane (de 24,7 % à 21,8 %), beaucoup plus sensiblement à la Réunion (de 32,2 % à 24,5 %) mais progressait en Martinique (de 21 % à 22,4 %).

D’une façon générale, si le taux de chômage s’est effectivement infléchi, il a moins diminué outre-mer que dans l’hexagone et a conservé ses particularités, lesquelles exigent la poursuite de l’effort engagé au cours des dernières années. En outre, la remontée récente du chômage dans l’hexagone semble être un peu plus forte outre-mer.

Une analyse plus fine de la situation économique dans les quatre départements d’outre-mer fait apparaître une inflexion très nette de la conjoncture à partir de la fin 2008, imputable à l’accumulation de plusieurs facteurs de dégradation :

– la diminution globale de la commande publique, notamment à La Réunion;

– le fort attentisme des entreprises, causé par les anticipations de la réforme de la défiscalisation outre-mer et par l’attente des mesures du plan de relance;

– le ralentissement relatif de la demande des ménages, notamment pour l’investissement immobilier dont la baisse est sensible;

– les perturbations sociales dans les départements français des Antilles.

Ainsi, après des années 2006 et 2007 caractérisées par un rythme de croissance soutenu en Guyane (6,4 % en 2006 et 4,1 % en 2007) et à la Réunion (4 % en 2006 et 4,4 % en 2007), mais plus modéré à la Guadeloupe (2,1 % et 2,6 %) et à la Martinique (2,8 % et 0,9 %), le premiers constat pour 2008 et pour 2009 est que la conjoncture économique s’est sensiblement dégradée.

À la Réunion et aux Antilles, cette dégradation provient d’un tassement de la demande intérieure, tant au niveau des entreprises que des ménages.

À la Réunion, en Martinique et en Guadeloupe, les anticipations de repli significatif de la commande publique en 2009 et les inquiétudes suscitées par la crise économique et financière ont engendré un comportement attentiste de la part des entreprises qui ont limité leurs investissements.

S’agissant de la Guyane, le constat est plus nuancé : les secteurs porteurs (BTP et activités spatiales) se sont montrés dynamiques mais, dans un contexte de raffermissement des prix, la tendance suivie par la consommation des ménages est incertaine.

Ce ralentissement de la conjoncture observé dans les départements d’outre-mer en 2008 devrait avoir des conséquences importantes sur le niveau de l’activité en 2009 et en 2010.

Il est observé par ailleurs, du point de vue de l’activité bancaire, que les encours de crédits d’investissement connaissent un recul plus marqué que celui qui caractérise les encours de crédits de fonctionnement, ce qui traduit une évolution défavorable de l’effort d’investissement. Ce constat est corroboré par la situation des crédits octroyés aux ménages qui, de façon symétrique, connaissent une évolution plus défavorable pour les crédits d’équipement (construction, immobilier) que pour les crédits de consommation.

L’inflation a atteint en 2008 3,3% en Guyane, 2,8% à la Réunion, 1,6% en Guadeloupe et 0,8% en Martinique.

En Nouvelle-Calédonie, le ralentissement de l’activité mondiale a entraîné en 2008 la diminution du prix du nickel, divisé par trois en un an. En dehors du secteur du nickel, l’activité économique reste plutôt bien orientée, poursuivant la tendance haussière constatée depuis quelques années, avec un niveau de l’indice de climat des affaires élevé. Les institutions financières ont continué à soutenir l’économie par la distribution de crédits en constante augmentation depuis quelques exercices.

En Polynésie française la conjoncture économique a été particulièrement atone en 2008, caractérisée par un fléchissement des principaux secteurs d’activité comme le territoire n’en avait pas connu depuis les années 1990. Le ralentissement, traduit en en termes de baisse de fréquentation touristique, d’essoufflement de la consommation des ménages et de recul de l’investissement des entreprises constatés depuis les années précédentes, a été largement favorisé par le contexte d’instabilité politique locale. Cependant, la reconduction au début de l’année 2009 de la loi de défiscalisation locale et l’annonce par le gouvernement polynésien d’un plan de relance de l’économie pourraient être considérées commet de signaux positifs susceptibles de restaurer la confiance.

A Wallis et Futuna le tissu de l’activité économique demeure structurellement limité à trois secteurs principaux que sont le commerce, les services et le BTP. Leur impact en terme d’emplois reste limité. La demande publique est essentiellement soutenue par les crédits de l’État. Les crédits importants du fonds européen de développement (FED) permettant la réalisation des infrastructures peinent depuis des années à se mettre en place. Les retards observés proviennent la plupart du temps de difficultés nées de l’absence d’un dispositif juridique clair permettant la mise à disposition des assiettes foncières pour la réalisation des projets. Dans ce contexte, les ménages, par leur consommation, ont permis de soutenir la demande interne. Certains d’entre eux ont cependant déjà montré des signes de vulnérabilité financière ou de surendettement, ce qui pourrait constituer une préoccupation pour les pouvoirs publics.

 

Taux de croissance du PIB

PIB/hab €

Chômage

2000

2007

2008

2004

2005

2006

2007

2008

2004

2005

2006

2007

2008

Martinique

5,0%

2,8%

nd

nd

18 138

19 111

19 588

nd

21,0%

17,9%

23,0%

21,2%

22,4%

Guadeloupe

nd

2,1% (2006)

nd

15 652

16 584

17 221

17 439

nd

nd

24,3%

25,1%

22,7%

nd

Guyane

nd

4,1%

nd

12 965

12 884

nd

14 100

nd

24,7%

23,7%

26,9%

20,6%

21,8%

Réunion

3,3%

nd

4,4%

14 611

15 475

16 244

15 639

17 326

32,2%

29,5%

27,5%

24,2%

24,5%

Mayotte

nd

nd

nd

nd

nd

nd

nd

nd

nd

nd

25,6%

nd

nd

SPM

nd

nd

nd

26 073

nd

nd

nd

nd

8,8%

7,9%

7,8%

9,3%

10,5%

Nouvelle Calédonie

2,5%

nd

5,4%

nd

21 365

22 735

nd

nd

nd

16,3%

nd

nd

nd

Polynésie Française

5,1%

nd

1,7%

nd

17 364

nd

nd

nd

nd

nd

nd

11,7%

nd

Wallis et Futuna

nd

nd

nd

nd

10 148

nd

nd

nd

nd

nd

nd

nd

nd

Métropole

3,9%

1,9%

2,2%

26 587

27 348

28 356

29 943

30 600

8,9%

8,9%

8,8%

7,8%

7,2%

Source : Secrétariat d’État à l’outre-mer.

 

Inflation

Part de la métropole dans les importations totales en pourcentage

 

2004

2005

2006

2007

2008

2004

2005

2006

2007

2008

Martinique

2,0%

2,4%

2,4%

2,4%

0,8%

62

59

57

58,4

nd

Guadeloupe

nd

1,8%

2,5%

1,4%

1,6%

64

60

56,4

55

nd

Guyane

1,5%

1,6%

3,3%

3,0%)

3,3%

50

45

41,8

46,7

51,4

Réunion

nd

2,2%

nd

2,4%

2,8%

59

56

58

57,9

55

Mayotte

3,5%

-0,5%

3,7%

3,3%

5,1%

50

50

51,6

49,4

nd

Saint Pierre et Miquelon

2,2%

6,6%

5,7%

0,8%)

6,1%

37

30

34,4

36

32

Nouvelle Calédonie

0,9%

2,6%

1,5%

1,8%

3,6%

40

32

31,9

26,6

nd

Polynésie Française

0,8%

2,3%

2,4%

2,0%

3,4%

34

35

31

30,4

30

Wallis et Futuna

nd

nd

nd

0.4%

nd

10

32

33

28

nd

Métropole

2,10%

1,80%

1,60%

1,50%

2,80%

         

Sources: IEDOM et IEOM.

Dans ces conditions, les actions menées ces dernières années pour faire face aux risques de dégradation de l’emploi et pour favoriser la création d’emplois durable doivent être consolidées. Elles comportent à la fois des mesures structurelles, de portée générale, et des mesures plus ciblées, visant des catégories de population particulières.

Les premières reposent sur le système général d’exonération des cotisations patronales de sécurité sociale, que nous aborderons plus loin.

Les secondes visent principalement les ultramarins de moins de trente ans. Il faut notamment mentionner à cet égard :

 Le projet initiative jeune dans son volet formation en mobilité, et la formation individualisée en mobilité, qui constituent des mesures spécifiques destinées à aider les jeunes ultramarins de moins de trente ans à réaliser un projet professionnel en suivant un cursus de formation qualifiante hors de leur département ou de leur collectivité d’origine. Ces deux dispositifs ont été regroupés par la LODEOM en un seul, « le passeport mobilité formation professionnelle », afin d’accroître son efficacité. En 2008, 3 832 jeunes ont bénéficié de l’un ou l’autre de ces dispositifs. Le maintien global de cet effectif est prévu pour 2009 et pour 2010.

– Le programme « Cadres avenir », mis en place lors des Accords de Matignon de 1988 puis pérennisé par les accords de Nouméa de 1998, tend à assurer la formation en métropole de cadres d’origine mélanésienne et à leur permettre d’intégrer par la suite des postes de responsabilité en participant activement au développement de la Nouvelle-Calédonie.

– Le programme les 40 cadres des îles Wallis et Futuna, est également destiné à assurer une formation professionnelle au-delà du baccalauréat. Les stagiaires peuvent suivre des formations en métropole ou en Nouvelle-Calédonie. L’objectif est un retour avec les diplômes nécessaires pour encadrer une équipe ou créer une entreprise.

– Les chantiers de développement local concernent la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie et les îles Wallis-et-Futuna. Ce dispositif permet d’assurer des revenus aux plus démunis en échange d’un travail d’intérêt général effectué soit dans les services publics, soit dans les villages, soit au titre de projets spécifiques portés par des associations. Il permet également de fournir une aide à la réinsertion sociale et professionnelle des travailleurs privés d’emploi. Les chantiers de développement local s’adressent à la fois aux adultes et aux jeunes, ces derniers pouvant bénéficier de dispositions leur permettant de compléter leur formation initiale

– Les jeunes stagiaires du développement constituent un dispositif spécifique à la Nouvelle Calédonie pour l’aide à l’insertion des jeunes en difficulté. L’objectif est de permettre la résorption du chômage des jeunes de 18 à 26 ans. Ce dispositif limite leur temps de travail à 22h30 par semaine afin de leur permettre de participer à des actions de formation complémentaire.

– Les primes à la création d’emploi des jeunes à Wallis-et-Futuna visent à encourager la création d’emploi dans le secteur privé, à favoriser l’embauche en compensant pendant trois ans le coût des salaires versés aux nouveaux employés, dans la limite de 20% du SMIC les deux premières années et 10% l’année suivante, sous la condition du maintien du nombre de salariés dans l’entreprise.

2. Le soutien aux entreprises

Il repose sur deux mécanismes très différents : l’un, presque traditionnel, et récemment réformé : les exonérations de charges sociales, l’autre direct et institué par la LODEOM : l’aide au fret.

a) Les exonérations de charges sociales

Sur les 61,4 millions d’euros évoqués plus haut, se situant au-dessus du plafond prévu par la loi triennale, 44,1 millions sont affectés à la compensation des exonérations de charges sociales, dispositif central du soutien aux entreprises, renouvelé, conforté et rationalisé par la récente LODEOM.

Rappelons que le dispositif d’exonération des cotisations patronales de sécurité sociale a été introduit par la loi de programme pour l’outre-mer du 21 juillet 2003 qui a modifié et amplifié le dispositif issu de la loi d’orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 2000.

Il a pour objectif de contribuer à réduire les handicaps structurels des régions d’outre-mer en améliorant la situation économique et sociale de celles-ci au sein de l’Union européenne. Ce régime a été approuvé par la Commission européenne et reconduit par décision du 18 juillet 2007.

Le dispositif s’applique exclusivement aux quatre départements d’outre-mer, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Il s’adresse aux entreprises de moins de onze salariés, quel que soit leur secteur d’activité, dont le commerce, ainsi qu’aux entreprises qui appartiennent à l’un des secteurs d’activité éligibles, quel que soit leur effectif. L’exonération porte sur les cotisations patronales de sécurité sociale des régimes maladie, maternité, invalidité-décès, vieillesse et allocations familiales, et exclut depuis le 1er janvier 2008 les cotisations versées au titre du risque accidents du travail et maladies professionnelles.

Ce sont au total un peu plus de 41 000 entreprises sur un total de 45 930 qui peuvent bénéficier du dispositif ultramarin, ce qui représente plus de 170 000 salariés sur 297 000.

Conformément aux dispositions de la loi du 21 juillet 2003, les entreprises pouvaient s’exonérer des cotisations sociales de sécurité sociale, jusqu’à un plafond par salarié de 1,3, 1,4 ou 1,5 SMIC, suivant les secteurs définis. La plus grande part des salariés et des entreprises bénéficiaient du seuil de 1,3 SMIC.

Avant la réforme introduite en 2009, ce dispositif représentait un coût annuel pour l’État de plus d’un milliard d’euros ainsi réparti :

 

Exercice 2008

Guadeloupe

280 989 933

Guyane

80 130 209

Martinique

273 511 114

Réunion

433 771 532

Saint-Pierre-et-Miquelon

5 567 764

TOTAL

1 073 970 552

Les articles 159 de la loi de finances pour 2009 et 25 de la LODEOM ont apporté diverses améliorations à ce dispositif.

A l’exception de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon qui reste soumise au dispositif antérieur, les nouvelles modalités consistent à rendre plus efficiente l’intervention publique :

– en la concentrant sur les bas salaires sur lesquels l’impact des exonérations est le plus fort,

– en subordonnant sa mise en oeuvre au respect, par les entreprises, des règles qui régissent leur activité (paiement effectif des cotisations dues et absence d’infraction au regard du travail illégal notamment),

– en ciblant les efforts de 1’État sur les secteurs à fort potentiel avec la définition de secteurs et de zones prioritaires dont le développement est particulièrement déterminant pour la croissance de l’ensemble des économies ultramarines,

– en maintenant un dispositif différencié de celui applicable en métropole.

La loi définit des secteurs prioritaires identiques dans les quatre départements d’outre-mer. Ces filières structurantes sont le tourisme et les activités de loisirs s’y rapportant, les énergies renouvelables, l’environnement, l’agro-nutrition, la recherche/développement, les technologies de l’information et de la communication.

Le niveau des allègements sera plus élevé pour certaines zones géographiques dont les handicaps structurels sont plus lourds, notamment la Guyane et les îles du sud de la Guadeloupe, ainsi que pour certaines communes de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion qui ont été identifiés par les acteurs économiques de ces régions comme présentant des enjeux particuliers en termes de développement endogène.

La réforme consiste :

1. pour les entreprises éligibles, hors secteurs ou zones prioritaires dûment définies par la loi du 27 mai 2009, mais dont l’effectif dépasse le seuil de onze salariés:

– au remplacement de trois plafonds d’exonération (1,3, 1,4 et 1,5 SMIC) par un plafond unique à 1,4 SMIC,

– à l’introduction d’une dégressivité linéaire jusqu’à 3,8 SMIC pour concentrer le dispositif sur les bas et moyens salaires,

– à la suppression du seuil supporté par les entreprises du BTP de 50 salariés et plus,

2. pour les entreprises éligibles, hors secteurs ou zones prioritaires, mais dont l’effectif ne dépasse pas le seuil de onze salariés, à l’instauration d’un plateau d’exonération situé entre 1,4 et 2,2 SMIC, les exonérations sont dégressives ensuite jusqu’à la limite fixée de 3,8 SMIC.

3. pour les entreprises relevant de secteurs ou zones prioritaires, une mesure d’exonérations plus incitative est prévue:

– les exonérations sont totales pour les rémunérations inférieures à 1,6 SMIC au lieu du plafond actuel de 1,5 SMIC,

– de 1,6 à 2,5 SMIC, le montant des exonérations est égal à celui calculé pour un 1,6 SMIC; à partir du seuil de 2,5 SMIC, le montant des exonérations décroît de manière linéaire et devient nul lorsque la rémunération horaire est égale à 4,5 fois le SMIC.

La réforme a également pour objectif de rationaliser les dépenses de l’État liées à ces exonérations qui ont fortement augmenté ces dernières années du fait de la progression des rémunérations et de la forte croissance du nombre d’emplois salariés. Une économie de l’ordre de 64 millions d’euros en année pleine est ainsi attendue.

De nombreuses entreprises peuvent bénéficier d’une exonération plus élevée pour les salariés les moins qualifiés: les secteurs du BTP et du petit commerce bénéficier d’exonérations totales jusqu’à 1,4 SMIC (contre 1,3 actuellement), celui du tourisme voit son seuil passer de 1,5 à 1,6.

Demeure cependant lancinant le problème de la dette de l’État contractée, au titre de ces mesures, depuis des années auprès des organismes sociaux.

Les impayés résultent de l’écart entre les sommes identifiées par les organismes de sécurité sociale, donnant lieu à compensation par l’État des exonérations de cotisations, et les montants versés par l’État à ces organismes.

Pour l’exercice 2009, les crédits ouverts en loi de finances ne permettront pas, cette année encore, d’enrayer fondamentalement l’accroissement de la dette, d’autant que l’intégration dans l’assiette de la régulation budgétaire des crédits inscrits au titre de la compensation ne permet pas de verser aux organismes l’intégralité des crédits initialement inscrits.

En effet, le total prévisionnel des besoins au titre de l’exercice 2009, réévalué au regard des dernières prévisions transmises par les organismes sociaux s’élève à 1 109,1 millions d’euros alors que le montant des crédits ouverts en gestion 2009 pour assurer le financement de l’exercice (hors prise en compte des dettes antérieures) est limité à 945,9 millions d’euros. Il en résulte une insuffisance de crédits d’un montant de 163,2 millions d’euros et une aggravation de la dette au cours de cet exercice budgétaire, qui devrait atteindre au 31 décembre 609,5 millions d’euros, si aucune mesure d’abondement n’est décidée.

Néanmoins, le projet de budget pour 2010 fait l’objet d’une meilleure prise en compte des besoins liés aux exonérations de charges sociales. Les crédits prévus s’élèvent à 1 103,7 millions d’euros, représentant ainsi une augmentation significative par rapport aux crédits inscrits en 2009. Au regard des prévisions de dépenses des organismes de sécurité sociale, estimés pour 2010 à 1 159 millions d’euros, et des économies qui pourraient être générées par la réforme des exonérations en cours, l’écart entre les moyens budgétés et les besoins de financement devrait ainsi être réduit pour 2010 et pour les années suivantes.

b) L’aide au fret créée par la LODEOM

La LODEOM a créé un dispositif depuis longtemps attendu afin de favoriser le développement économique dit endogène des terres ultramarines.

L’aide budgétaire au fret, abaissant le coût de celui-ci, aussi bien pour les intrans (importations régionales) que pour les extrans (exportations régionales) est, en effet, de nature à favoriser le commerce et donc la production locale. Initialement prévue pour les départements d’outre-mer et pour Saint-Pierre et Miquelon, l’aide a été étendue, en cours de discussion du PLODEOM, à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, Mayotte, Wallis et Futuna.

Mais, comme l’a judicieusement fait observer le rapporteur de notre commission des finances, la dotation correspondante n’a pas été revue à la hausse pour tenir compte de son extension. Il est à craindre qu’une enveloppe trop basse – celle prévue pour 2010 a été fixée à 27 millions d’euros –, si elle se traduit par un saupoudrage, n’apporte qu’un soutien marginal aux entreprises ultramarines. Ceci étant, elle a, bien sûr, le mérite d’exister et pourra être révisée au vu de l’évaluation de son impact.

3. L’aide à la qualification et à l’insertion professionnelle

Troisième priorité tangible du projet de budget pour 2010, elle emprunte, en premier lieu, la voie de la réforme du service militaire adapté (SMA), ensuite celle des missions de l’Agence nationale pour l’insertion et la promotion des travailleurs d’outre-mer (ANT), enfin de la continuité territoriale.

a) La réforme du SMA

Créé en 1961 aux Antilles et en Guyane dans le cadre du plan Debré pour l'outre-mer, le SMA avait pour vocation principale de permettre aux jeunes ultramarins français de satisfaire à leurs obligations militaires tout en acquérant une formation professionnelle et en participant au développement de l'infrastructure de leur département.

De la région Antilles et Guyane où quatre unités sont déployées depuis 1961, le SMA s'est implanté par la suite à la Réunion (1965), en Nouvelle-Calédonie (1986), à Mayotte (1988) et en Polynésie Française (1989). Une dernière unité a été créée en 1995 à … Périgueux. Ce détachement métropolitain a pour vocation d'accueillir des stagiaires venus des régiments d'outre-mer pour suivre une formation diplômante en complément des savoir faire acquis dans leurs unités d'origine. Enfin, l'état-major du SMA, implanté depuis 1961 à la Martinique, a rejoint Paris en 1991.

Durant plus de quatre décennies, plus de 120 000 appelés du contingent sont passés dans les rangs du SMA. Tout en participant au développement de l'infrastructure de leur territoire, ils ont acquis « sur l'ouvrage» une formation professionnelle et diffusé dans le tissu social l'idée très positive d'un « service militaire utile ».

En 1996, la décision de suspendre le Service national aurait normalement dû mettre un terme au SMA, mais les élus de l'outre-mer ont demandé qu'il soit maintenu sous une forme ou une autre. C’est pourquoi le SMA accueille désormais des volontaires qu'il recrute parmi les jeunes en difficulté avec pour mission de les rendre à la vie civile avec un emploi et un comportement citoyen.

La professionnalisation du SMA s'est effectuée progressivement de 1997 à 2000, date de retour à la vie civile du dernier appelé.

En 2005, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) a inscrit l'action du SMA dans la mission outre-mer (programme 138 emploi outre-mer) avec pour objectif «d'assurer la réussite du parcours de formation socio-éducative et professionnelle des volontaires du Service militaire adapté » et comme indicateur stratégique le taux d'insertion des volontaires en fin de contrat. La cible fixée pour 2011 est un taux d'insertion de 80 %, qui est déjà une réalité en 2009.

En février 2009, le Président de la République a annoncé le doublement en trois ans de la capacité de formation du SMA, « chaînon manquant » des politiques d'insertion en faveur des jeunes les plus éloignés du marché du travail.

Cette mesure concerne la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, Mayotte, la Réunion - et singulièrement les zones urbaines sensibles (ZUS) de ces collectivités - mais aussi la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et bientôt Wallis-et-Futuna et Saint-Martin où le SMA va également s'implanter.

Pourront ainsi être formés chaque année 6 000 jeunes volontaires de 18 à 25 ans, contre 2 900 pour l'année 2008.

Le coût du Service militaire adapté s’établit comme suit :

 

2008

2009

 

AE

CP

AE

CP

Titre2 : dépenses de personnel

83,53 M€

83,53 M€

87,40 M€

87,40 M€

Titre 3 : dépenses de fonctionnement

19,43 M€

19,43 M€

19,50 M€

19,50 M€

Titre 5 dépenses d'investissement

5,00 M€

8,00 M€

6,1 M€

6,1 M€

Total PLF*

107,96 M€

110,96 M€

113 ME

113 M€

ETPT volontaires du SMA

2900

2900

Dotation / volontaire*

37 228,00 €

38 262,00 €

38 966,00 €

38 966,00 €

*hors fonds de concours

Source : Secrétariat d’État à l’outre-mer.

La formation est concrétisée par une insertion dans le monde de travail ou une poursuite de formation qualifiante. Le tableau ci-dessous présente l'évolution du taux d'insertion des volontaires du SMA depuis 2004.

 

2004

2005

2006

2007

2008

2009 (prévisions)

2011

(cible

LOLF)

Taux

d'insertion des

volontaires

67,2%

71,2%

76,5%

79%

79,6%

77%

80%

b) Les missions de l’ANT

L'Agence Nationale pour l'insertion et la promotion des Travailleurs d'outre-mer (ANT) a pour mission de favoriser l'insertion professionnelle des ressortissants d'outre-mer. A ce titre, elle facilite, organise et accompagne des projets de formation qualifiante en mobilité, dans une perspective d'insertion professionnelle, au profit des jeunes ultramarins. Elle prend également en charge des déplacements liés à l'accomplissement de stages pratiques en entreprise ou pour passer en métropole des oraux d'examens et de concours.

Opérateur de l'État pour le compte du ministère en charge de l’outre-mer, TANT reçoit des subventions pour couvrir ses charges d'exploitation et mettre en œuvre pour le compte de l'État le « passeport-mobilité formation professionnelle » créé par l'article 50 de la loi pour le développement économique des outre-mer.

Ce dispositif se substituera au cours de l'exercice 2010 aux dispositions « projet initiative-jeunes » (PIJ) et « formation individualisée mobilité » (FIM) existantes, et contribuera à la mise en œuvre des politiques publiques conduites par le ministère en charge de l'outre mer au travers des deux programmes de la mission « outre-mer » :

– le programme 138 « Emploi outre-mer », dans son action n°02 « Aides à l'insertion et à la qualification professionnelle », en ce qui concerne la prise en charge des primes d'installation versées aux stagiaires en formation en mobilité ainsi que les rémunérations versées aux stagiaires effectuant leur mobilité hors de métropole. A ce titre l’ANT bénéficiera d'une dotation de 4 679 280 € en 2010 ;

– le programme 123 « Conditions de vie outre-mer », dans son action n°03 « Continuité territoriale », pour la prise en charge des frais de transport liés à la formation en mobilité. 4 500 000 € sont prévus à ce titre sur le programme 123 en 2010.

En application des dispositions de la loi pour le développement économique des outre-mer en matière de continuité territoriale, l’ANT verra ses missions élargies en 2010 : la gestion du fonds de continuité territoriale pourrait lui être confiée, en liaison avec les groupements d'intérêt public qui seront constitués pour gérer les aides à la continuité territoriale. Cette évolution des missions, en cours de définition, impactera nécessairement le budget de l’Agence.

Dans son rôle d'opérateur, l'ANT assure la prise en charge des parcours de formation conformément aux orientations définies par l'État, les conseils régionaux et les différents exécutifs des collectivités d'outre-mer. Sa connaissance des programmes et des filières lui permet de procéder à des achats de formation les plus adaptés aux besoins et aux contraintes du marché de la formation et de l'emploi à l'échelon local. Cette connaissance lui permet par ailleurs une meilleure maîtrise des coûts ainsi qu'un contrôle optimisé de la qualité des actions menées.

Avec son organisation territoriale, l'Agence dispose d'une compétence transversale d'assembleur de parcours de formation :

– elle met en œuvre une analyse de la demande et conseille les porteurs de projet de mobilité, au moyen d'une évaluation et d'un positionnement vers la formation la plus adaptée ;

– elle assure l'ingénierie des parcours : gestion des appels à projets, élaboration et diffusion de la programmation, gestion des relations contractuelles avec les organismes prestataires ;

– elle verse à chaque bénéficiaire les indemnités et aides prévues légalement ou conventionnellement par l'État et les collectivités d'outre-mer ;

– elle met en œuvre une prestation d'accueil et d'accompagnement personnel : logistique du voyage, réservation du logement ;

– elle assure une évaluation régulière du parcours de qualification au moyen de bilans d'étapes, en lien avec les organismes de formation ;

– elle apporte aux organismes et aux partenaires de la politique de mobilité un appui et une expertise pour rendre leur intervention plus efficiente ;

– elle met en œuvre une action de tutorat pour permettre aux bénéficiaires un accès à l'emploi.

Pour réaliser ces actions, l'Agence développe des partenariats opérationnels avec les principaux acteurs du champ de l'emploi formation : Pôle Emploi, AFPA, missions locales notamment.

Pour mener à bien sa mission, l'Agence dispose d'un réseau de 16 délégations régionales, en outre-mer et en métropole, proposant un service de proximité, grâce à ses équipes de conseillers en insertion professionnelle.

En 2010, le montant de la subvention versée par l'État s'élèvera à 17 146 902 €, répartis de la manière suivante :

– 7 967 622 € versés au chapitre des « subventions pour charges de service public » sont destinés à financer les dépenses de fonctionnement courant de l’ANT en complément des dotations en provenance des autres partenaires (collectivités locales et Fons social européen) ;

– 9 179 280 € seront versés au titre des transferts des programmes 138 et 123.11s sont destinés à la mise en œuvre de la politique de formation qualifiante en mobilité au profit des jeunes ultramarins.

Des subventions complémentaires pourront être apportées à l'agence, à partir du programme 123, dans le cadre de l'élargissement envisagé des missions de l'agence à d'autres dispositifs de continuité territoriale.

BUDGET DE L' ANT
Compte de résultat (CR)

(En milliers d'euros)

Dépenses

Exécution 2008

Budget

prévisionnel

2009

Recettes

Exécution 2008

Budget

prévisionnel

2009

Personnel

7 911

7 960

Ressources de l'État

16 285

16 800

Fonctionnement

2 982

3 022

- subventions de l'État

16 285

16 800

Intervention

25 870

25169

- ressources fiscales

   

Charges financières et taxes

89

111

Autres subventions

19 345

18 195

     

Ressources propres et autres

1 289

1 326

Total des dépenses

36 852

36 262

Total des recettes

36 919

36 321

Résultat : bénéfice

67

59

Résultat : perte

   

Total équilibre du CR

36 919

36 321

Total équilibre du CR

36 919

36 321

En plus des subventions de l'État, l'ANT reçoit également des subventions de la part des régions et collectivités d'outre-mer pour le financement des actions de formation. A ce titre, 12,2 M€ seront attendus en 2009. Elle bénéficie également d'un financement au titre du Fonds social européen (6 M€ par an environ). En tant qu'organisme public disposant d'un réseau de seize délégations régionales, l'ANT travaille en partenariat avec les services de l'État, les collectivités territoriales, l'Union européenne, les chambres consulaires, les branches professionnelles, les entreprises ainsi que les associations.

c) L’amélioration de la continuité territoriale

La LODEOM a prévu, dans son article 50 une réforme de la continuité territoriale telle qu'elle avait été instituée par la loi de programme de 2003, afin de permettre la mise en place d'un mode de gestion du dispositif qui soit plus efficace, tout en continuant de permettre d'associer les collectivités qui le souhaiteront.

Auparavant, la continuité territoriale se fondait sur deux mécanismes :

• la dotation de continuité territoriale, créée par la loi de programme pour l'outre-mer (LOPOM) du 21 juillet 2003 ; cette aide est versée par l'Etat à l'ensemble des régions et collectivité d'outre-mer : son objet principal était de faciliter les déplacements des résidents ultramarins entre leur collectivité de résidence en métropole.

• le passeport-mobilité, lequel recouvre en réalité deux formules :

– le passeport-mobilité « étudiants » qui concerne les étudiants de moins de 26 ans résidant outre-mer ou dont la famille y réside, et qui suivent un cursus d'enseignement supérieur en métropole ou dans une autre collectivité ultramarine que celle de leur résidence ; ce volet du « passeport-mobilité était géré par les CROUS et les rectorats.

– le passeport-mobilité « formation » qui concerne, dans les mêmes conditions, les jeunes de 18 à 30 ans qui suivent en métropole ou dans une autre collectivité ultramarine que celle de leur résidence une formation ou un projet d'insertion professionnelle ; ce volet était géré principalement par l'ANT.

La continuité territoriale a répondu à une attente forte et a de ce fait rencontré un succès certain. Cependant, après mise en route difficile liée à la nécessaire prise en main du dispositif par les collectivités, des disparités importantes en terme de mise en œuvre de l'aide sont apparues : la Guyane ne l'a jamais mise en place ; la Réunion et la Martinique n'en font plus profiter leurs résidents depuis plusieurs mois. Ainsi que la mise en exergue un rapport de la Cour des Comptes début 2008, l'absence de co-financements européens et des collectivités n'a au final pas permis d'atteindre les objectifs de la loi de 2003.

Le passeport-mobilité, sur ses deux volets, a, lui, plutôt été victime de son succès.

Cependant, des critères d'attribution trop larges, notamment l'absence de conditions de ressources, couplés à la démographie étudiante des territoires ultramarins, ont considérablement renchéri le coût du dispositif. Il a été aussi été reproché au dispositif d'avoir un impact négatif sur les universités ultramarines et générer des abus.

La réforme prévoit donc la création d'un fonds de continuité territoriale qui financera l'ensemble de ces dispositifs, l'ANT devant l'opérateur gestionnaire de l'ensemble des dispositifs de mobilité.

La création de ce fonds vise à réunir, pour une meilleure lisibilité et une plus grande souplesse de financement, les trois aides préexistantes qui s'adressaient chacune à un public distinct :

– l'aide à la continuité territoriale, qui prend la suite de la dotation de continuité territoriale et s'adresse à tout public ;

– le passeport-mobilité études pour les étudiants ;

– le passeport-mobilité formation professionnelle pour les personnes en formation en mobilité.

Ces aides ont désormais la caractéristique commune d'être soumises à conditions de ressources et de permettre la prise en charge d'une partie du billet d'avion, ceci afin de cibler les publics qui ont le plus besoin d'aide tout en permettant une indispensable maîtrise budgétaire.

1. Le premier dispositif concerne l'aide à la continuité territoriale attribuée pour financer soit le déplacement entre la collectivité territoriale de résidence et le territoire métropolitain, soit le déplacement à l'intérieur d'une zone géographique ou d'une collectivité en raison des contraintes spécifiques de celles-ci. Un arrêté doit définir les trajets éligibles. Ces dispositions ne font pas obstacle à l'exercice par les collectivités locales des compétences qui leur sont propres en la matière.

2. Le second dispositif, le passeport mobilité études, s'adresse d'une part aux étudiants inscrits dans un établissement d'enseignement supérieur lorsque leur inscription dans cet établissement se justifie par l'impossibilité de suivre pour une filière d'études choisie, un cursus universitaire dans la collectivité de résidence et d'autre part, aux élèves du second cycle de l'enseignement secondaire lorsque la filière qu'ils ont choisie est saturée ou inexistante dans leur collectivité d'origine et que la discontinuité territoriale ou l'éloignement constituent un handicap significatif à la scolarisation. Cette dernière disposition concerne les collectivités de Saint-Pierre et Miquelon et Wallis et Futuna, où l'offre éducative est limitée compte tenu de la population de ces territoires.

3. Le troisième dispositif, le passeport-mobilité formation professionnelle, constitue l'aide apportée aux personnes bénéficiant d’une mesure de formation professionnelle. Un comité de pilotage regroupant des représentants des administrations concernées assiste la ministre chargée de l'outre-mer pour l'administration du fonds. La mise en œuvre effective de cette gestion repose sur la création d'un réseau de groupements d'intérêt public locaux auxquels peuvent participer, outre l'État et l' ANT, les collectivités territoriales qui le souhaitent et tout organisme de droit privé ou de droit public. Ce dispositif a été imaginé pour favoriser le retour des collectivités régionales dans le dispositif. La signature de conventions entre l'opérateur unique et les GIP devront permettre de définir les relations administratives et financières entre ces derniers en précisant notamment que les GIP seront chargés d'appliquer les règles d'éligibilité et de servir les titres de transport pour les dispositifs dont ils se seront vus confier la gestion.

Par la création du fonds de continuité territoriale, l'article 50 de la LODEOM fusionne les crédits des aides à la continuité territoriale, autrefois réparties en trois branches selon le public bénéficiaire. Les crédits qui y sont consacrés s'élèvent à 48,4 M€ (hors gel) pour 2009 soit 46 M€ après gel (5%). En 2010, les crédits seront de 50,0 M€ pour 2010, soit 47 M€ avec un gel de 6%.

• Les aides aux liaisons entre les départements d’outre mer et l’hexagone :

Le financement de l'aide à la continuité territoriale est d'autant plus problématique si les annonces faites à ce jour sur le nombre de sièges aidés et sur le prix à payer par le voyageur se réalisent. En additionnant les crédits « aide à la continuité territoriale » et passeport mobilité études, on dispose de 25 millions d’euros. Or, c'est le double que coûteraient à l'Etat les annonces que le nombre de billets aidés de l'ancien secrétaire d'Etat. Il y aurait donc moyen de financer le nouveau dispositif si le nombre de bénéficiaires reste au niveau de la moyenne de 2007 et de 2008. Les critères de ressources qui seront fixés par arrêtés interministériels pourront être définis de façon à contenir la consommation à ce niveau.

• Les aides à la continuité territoriale entre les collectivités d’outre mer et l’hexagone :

Les collectivités d’outre mer ont l'habitude de consommer intégralement la dotation de continuité territoriale, les consommations partielles s'expliquant par des causes extérieures et ponctuelles.

• L’ aide à la continuité territoriale de proximité :

Une part de crédits a été placée sur les deux branches, prévues par la loi, que sont l'aide à la continuité territoriale de voisinage (entre collectivité proches) et intérieur à certaines collectivités. Les besoins en la matière restent à définir avec les collectivités.

4. L’aide publique aux investissements structurants

Le fonds exceptionnel d’investissement (FEI) créé dans le cadre de la LODEOM et que la loi de finances pour 2009 avait crédité par anticipation de 40 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 16 millions d’euros en crédits de paiement, a pour but de contribuer à pallier les carences des territoires ultramarins en équipements dits structurants, c’est-à-dire en équipements collectifs qui participent au développement économique et social. C’est bien pourquoi, suite notamment à la crise sociale du printemps, le fonds a été considérablement abondé par les « crédits de la relance », passant à 165 millions d’euros en autorisations d’engagement (une multiplication par quatre) et à 51 millions d’euros en crédits de paiement.

Cumulable avec d’autres aides de l’État, des collectivités publiques et des fonds européens, le FEI autorise, dans sa première tranche, le financement des équipements suivants :

Localisation

Détail des opérations

Montant

Guadeloupe

Restructuration de l'ancien hôpital du camp Jacob en campus universitaire (Saint-Claude)

7 500 000,00

Reconstruction du centre de secours de Basse-Terre

3 500 000,00

Opération aménagement Plaine de jeux de Grand Camp (protocole carburant CG)

1 500 000,00

Opération travaux RN 10 entre Moudong et Houelbourg à Baie Mahault (protocole carburant CR)

1 500 000,00

Halle des sports (Gosier)

700 000,00

Cité de la connaissance

1 750 000,00

Aménagement du front de mer et valorisation espace maritime à Saint François

375 000,00

Réfection des voies communales (Baillif)

243 000,00

Réfection de la route du Coquelet (Terre de Haut)

85 600,00

Travaux de rénovation cantine scolaire (Capesterre Belle Eau)

500 000,00

Requalification économique et culturelle du marché (St François)

875 000,00

Cuisine centrale (communauté de communes Nord Grande Terre)

300 000,00

Extension et réhabilitation d'un réfectoire à Sainte Marie (Capesterre Belle Eau)

245 000,00

Opération d'adduction d'eau Potable (commune de Sainte Rose)

1 200 000,00

St Martin

Construction d'un restaurant scolaire et d'une cuisine centrale

8 000 000,00

Construction d'une médiathèque et des archives territoriales

2 400 000,00

St Barth.

Construction d'un établissement pour personnes âgées dépendantes

2 100 000,00

Guyane

Renforcement de la route de Cacao

5 500 000,00

Construction d'un centre de traitement des déchets à Kourou

1 500 000,00

Construction et extension de groupes scolaires

2 512 500,00

Réalisation de l'appontement du bac international de St Laurent du Maroni

450 000,00

Complément de financement des dépenses de 1er équipement des lycées de Guyane / convention Etat Région Guyane

3 000 000,00

Aménagement de l'espace urbain VRD 2 (Macouria)

650 000,00

Dragage du Maroni à Saint Laurent du Maroni

2 000 000,00

Construction du bâtiment de la vie étudiante (PUG)

2 000 000,00

Martinique

Construction du centre de secours de Fort de France

500 000,00

Construction des voies d'accès à l'hôpital du François

4 000 000,00

Dragage de la baie du Marin

3 000 000,00

Pose de chauffe eau solaire dans les crèches Fort de France

135 000,00

Réparation route communale Case Pilote (1re tranche)

3 600 000,00

Opérations ciblées sur les conséquences des innondations

2 687 500,00

Installation centrale photovoltaique fourrière Mangot Vulcin (Lamentin)

262 500,00

Réunion

Voiries, AEP, assainissement et traitement des déchets

6 135 791,00

Création et réhabilitation de crèches

510 000,00

Reconstruction du Pont de Bois rouge

150 000,00

Reconstruction du restaurant scolaire (La Plaine des Palmistes)

1 000 000,00

Projet DCNS relatif à l'énergie thermique des mers et des océans

5 000 000,00

Projet CETO (pression houlomotrice)

3 000 000,00

Mayotte

Mise aux normes des écoles

3 717 000,00

Opérations d'assainissement

2 200 800,00

Réhabilitation des routes de Mamoudzou

840 000,00

Réalisation du ponton de Mamoudzou

1 500 000,00

Mise aux normes écoles

1 300 000,00

Aménagements routiers à Dzaoudzi (réfection de l'enrobé RN4, blvd des crabes)

980 000,00

Sécurisation des abords des collèges (Kani-Kéli, Bandrélé, Tsingoni)

1 500 000,00

Saint-Pierre et Miquelon

Mise aux normes des réseaux d'eau et d'assainissement de Saint-Pierre

1 800 000,00

Rénovation du groupe scolaire de Miquelon-Langlade

435 000,00

Opération couvrant la dotation d'investissement initiale Seafoods

1 760 000,00

Nouvelle Calédonie

Construction du médipôle de Koutio (reconstruction du centre hospitalier Gaston Bourret et institut Pasteur)

5 000 000,00

Réalisation de la route de Foué (province Nord)

3 142 500,00

Opérations d'adduction en eau potable et d'assainissement (zone Voh-Koné-Pouembout)

2 000 000,00

Construction d'une maison de l'enfance polyhandicapée à Nouméa

2 510 000,00

Polynésie française

Installation de centrales hybrides photovoltaïques dans les îles des Tuamotu (1ère tranche)

3 150 000,00

Réhabilitation de la cathédrale Saint-Michel de Rikitéa

1 500 000,00

Aménagement d'un centre aquacole à Vairao

2 400 000,00

Construction de maisons de l'enfance

1 650 000,00

Mise en œuvre de la route de liaison inter-quartiers à Papara

1 900 000,00

WF

Wharf de Leava (Futuna)

1 500 000,00

Approvisionnement en eau potable des îles Wallis et Futuna

2 400 000,00

TAAF

Rénovation des bâtiments logement à Kerguelen

750 000,00

Rénovation de la base Dumont d'Urville

200 000,00

Poursuite isolation bâtiments logement Kerguelen

500 000,00

Source : Secrétariat d’État à l’outre-mer.

D’une manière générale, pour un million d’euros en provenance du FEI, on observe qu’un montant similaire est dégagé par une collectivité publique.

Pour 2010, le fonds a été de nouveau doté de 40 millions d’autorisations d’engagement et de 17 millions en crédits de paiement. Le décret prévu par la loi pour préciser ses modalités de fonctionnement devrait être publié d’ici peu.

5. Le logement et la ville

C’est, avec l’emploi et le pouvoir d’achat, le deuxième grand volet de la problématique ultramarine.

La situation du logement social dans les départements d’outre-mer se caractérise par des besoins en logements sociaux très importants du fait d’une part d’une croissance démographique quatre fois supérieure à celle des départements métropolitains et d’autre part d’une très forte proportion des ménages à bas salaire.

Cette situation est de plus accentuée par une forte décohabitation des ménages.

La situation des départements d’outre-mer en matière d’insalubrité et d’habitat indigne est tout à la fois édifiante et alarmante, et présente une gravité et une acuité particulières. La proportion de logements classés comme insalubres par l’État est d’environ 8 % en métropole contre 26 % outre-mer, et si 3,25 % de la population hexagonale habitent dans un logement considéré comme insalubre, cette proportion est de 8,36 % outre-mer.

Les quatre départements d’outre-mer connaissent des situations différentes selon leur géographie ou leur environnement, mais ont en commun une urbanisation rapide et mal maîtrisée.

Le département où l’insalubrité demeure la plus inquiétante est la Guyane. En raison d’une grave pénurie de logements disponibles, les logements illicites et insalubres, évalués à 10 000 aujourd’hui, connaissent une progression annuelle de près de 10 % ces dernières années. Plus de 30 000 personnes vivent dans ce type d’habitat. Des études récentes ont estimé à 30 % le taux de constructions illicites existantes, mais en flux, ce taux représenterait aujourd’hui près de 50 % du nombre des constructions nouvelles. De même, 5 550 logements sont actuellement en travaux pour en résorber l’insalubrité, ce qui, à titre d’exemple, est près de deux fois le nombre d’opérations intervenues en 2003. Le climat de la Guyane est également particulièrement source de dégradation accélérée pour les constructions en raison de la très forte humidité et des pluies très fortes et fréquentes, qui provoquent régulièrement des glissements de terrain. L’habitat insalubre, longtemps contenu en périphérie des villes de Cayenne, Kourou et Saint-Laurent du Maroni, a gagné la quasi-totalité des communes de Guyane. En 1998, le nombre de logements insalubres était estimé à plus de 6 000 (y compris les logements dans lesquels se trouvent des clandestins), soit environ 13 % des résidences principales dans lesquelles vivaient plus de 23 000 personnes, soit près de 15 % de la population totale du département. Aujourd’hui, cette situation est loin de s’améliorer et reste préoccupante.

Les situations de la Guadeloupe et de la Martinique sont certainement moins dramatiques que celle de la Guyane, mais elles connaissent également des zones insalubres et des zones d’habitat extrêmement dégradé, notamment en périphérie des agglomérations. Plus globalement dans les Antilles et en Guyane, de nombreux logements ont été construits dans des zones inondables où les risques sont élevés.

En Guadeloupe, le logement insalubre concerne près de 60 000 habitants, soit plus de 13 % de la population, et 18 000 logements, soit 10 % du parc de logements guadeloupéen. Sur les 25 opérations de résorption de l’habitat insalubre en phase de travaux recensées en Guadeloupe en octobre 2008, 14 ne bénéficient d’aucune dynamique d’avancement, notamment en raison de questions liées au foncier

En Martinique, entre 2004 et 2007, 932 logements insalubres ont fait l’objet d’opérations de résorption de l’habitat insalubre. Cependant, la réalisation de ces opérations reste longue, notamment en raison des difficultés de relogement des familles.

À La Réunion, Le dernier inventaire des Zones d’Habitat Précaire et Insalubre (ZHPI) effectué par l’Agence pour l’Observation de la Réunion l’Aménagement et l’Habitat (AGORAH) fait état de 16325 logements potentiellement insalubres. L’île connaît également des difficultés particulières dans le secteur géographique du volcan du Piton de la fournaise (constructions illicites dans des zones à risque, voire sur des coulées de lave assez récentes) et dans les très nombreuses ravines qui traversent les communes (présence de constructions malgré la dangerosité élevée en cas - fréquent - de fortes pluies).

Mayotte connaît une situation est atypique avec un parc dont la moitié du parc est insalubre.

Néanmoins, les crédits consacrés à la politique de résorption de l’habitat insalubre ont subi une sévère baisse en 2008 en passant de 52,44 millions d’euros à 23,56 millions d’euros.

En M€

2005

2006

2007

2008

Guadeloupe

7,26

6,88

8,75

7,40

Guyane

11,312

9,162

10,547

4,23

Martinique

3,505

5,29

4,974

5,24

Réunion

26,05

20,35

17,62

5,19

Mayotte

9,699

7,55

10,548

1,49

TOTAL

57,826

49,232

52,44

23,56

Devant la nécessité d’améliorer la production de logements neufs, et compte tenu de la lenteur des opérations de résorption de l’habitat insalubre (RHI), il avait été décidé en 2008 de mettre davantage l’accent sur la construction, l’aménagement et l’amélioration des logements.

Dans le même temps, il est apparu indispensable de mener une étude complète sur l’habitat insalubre et indigne Outre-mer, afin notamment de dresser une typologie de situations, permettant de mieux cibler les crédits et les actions à mener.

C’est pourquoi, en avril 2009, le Gouvernement a confié à notre collègue Serge Letchimy la mission de « conduire une réflexion destinée à relancer la lutte contre toute forme d’habitat insalubre ou indigne sur des bases adaptées au contexte institutionnel et social des outre-mer ».

Remis tout récemment, le 5 octobre 2009, son rapport rappelle qu’en la matière, le diagnostic est impitoyable : dans les quatre départements d’outre-mer, on compte environ 50 000 logements insalubres abritant plus de 150 000 personnes. Il regrette « la perte de dynamique de la politique de la ville » et constate que, dans un contexte si dégradé, « nombre d’acteurs et d’opérateurs sont tenter de baisser les bras ».

Pour obtenir un redressement significatif, le rapport propose un plan d’action très volontariste, qui se décline au niveau national, départemental et local et qui se traduit concrètement par quatorze propositions sur lesquelles un certain consensus devrait voir le jour.

La politique du logement outre-mer s’inscrit dans le cadre de la loi du 5 mars 2007 instituant un droit au logement opposable.

Elle s’appuie aussi sur un système de défiscalisation récemment rénové.

La diversification des sources de financement du logement social est devenue indispensable pour répondre aux besoins et atteindre les objectifs fixés par la loi DALO en 2007. La défiscalisation est un mécanisme largement utilisé outre-mer et déjà expérimenté pour le logement social en Nouvelle- Calédonie.

Le nouvel article 199 undecies C introduit par la LODEOM a été conçu sur le modèle de la défiscalisation des investissements des entreprises :

– Des particuliers investissent en prenant des parts dans une société civile dont l’objet est de construire un programme immobilier.

– Ce programme immobilier doit comprendre au moins 30 % de logements locatifs sociaux (LLS). Il peut également y avoir 100% de logements sociaux. Un programme immobilier n’est pas nécessairement un immeuble seul : il s’agit de l’ensemble des immeubles concernés par une même demande d’agrément. De même, il n’est pas nécessaire que l’ensemble d’immeuble soit situé sur une même parcelle.

– Pendant cinq ans, le programme immobilier demeure la propriété des investisseurs mais il est obligatoirement loué à un bailleur social.

– Au terme de la période de location, le programme immobilier est cédé au bailleur social ou, lorsqu’une convention initiale prévoit que le programme comporte de l’accession à la propriété, aux locataires des logements.

– L’investisseur privé bénéficie d’une réduction d’impôt de 50 % du prix de revient mais doit rétrocéder au minimum 65°% de l’avantage fiscal ainsi obtenu. L’opérateur social récupère ainsi un équivalent subvention se situant autour de 32,5°%.

Ces montages peuvent se combiner avec les prêts de la Caisse des Dépôts, des avantages fiscaux propres au logement social, tels que l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties et le taux réduit de TVA, et, bien sûr, avec la ligne budgétaire unique (LBU) dont nous ne redirons jamais assez tout l’importance comme pilier central du financement du logement social.

La LBU doit continuer à intervenir en amont de la défiscalisation.

Sa dotation est quasiment stable en autorisations d’engagement, passant de 255,1 millions d’euros en 2009 à 254,5 millions pour 2010 (-0,2 %) mais progressant de 2 % en crédits de paiement pour atteindre 210,5 millions d’euros.

L’ensemble de ce système devrait donc favoriser le rapprochement du nombre des réalisations, en nombre de logements construits, de celui des objectifs. En 2008, 3700 logements avaient été achevés, pour un objectif de 5400.

Trop souvent, les maîtres d’ouvrages et les opérateurs déposent tardivement leurs dossiers. Ainsi, dans le seul cas de la Martinique, à la fin d’octobre 2009, 54 % seulement des autorisations d’engagement notifiées se trouvaient consommés.

Et demeure toujours présente la question de la dette auprès des bailleurs sociaux. Ayant atteint un pic en 2006, avec 115 millions d’euros, la dette a fait l’objet de mesures exceptionnelles en 2007. A la fin de cet exercice, les services extérieurs de l’État ont fait état d’une dette de 37,8 millions d’euros dont 17 millions relatifs à des factures correspondant à un service fait certifié qui n’ont pu être payées faute de disponibilité de crédits, tandis que 20 millions de dette correspondaient à des factures en cours de certification.

Cette dette a pu être en partie absorbée en 2008 grâce à l’augmentation significative des crédits de paiement obtenus en loi de finances (+13,79 %) : au 31 décembre 2008, le montant total des impayés recensés par les directions départementales de l’équipement ne s’élevait plus qu’à 17 millions d’euros : il est à noter que ces factures impayées étaient concentrées sur la Réunion et Mayotte et qu’elles étaient majoritairement composées de demandes de paiement parvenues tardivement en fin d’exercice, qui n’auraient pu être mandatées dans les délais impartis de fin de gestion.

Les prévisions actuelles tablent sur un maintien de ce volume d’impayés au 31 décembre 2009, qui correspond à une dette frictionnelle (les factures, correspondant pour l’essentiel à des factures reçues en décembre, étant appelées à être réglées en début d’exercice 2010), soutenable pour les opérateurs de logement.

La progression de 2 % des crédits de paiement inscrits en loi de finances pour 2010 au titre du logement (210,5 millions d’euros) devrait permettre de ramener les retards de paiement de l’État à un niveau compatible avec les capacités financières des opérateurs de logement social.

Une politique dynamique du logement ne trouve pleinement son sens qu’intégrée dans une politique de la ville, laquelle a jusqu’ici fait défaut dans la plupart des cas.

Outre-mer, cette politique doit viser :

– d’une part, à réduire la vulnérabilité sociale et économique des habitants des quartiers sensibles par l’adaptation de l’offre de services aux besoins des populations (accès aux droits, accès aux soins, lutte contre l’échec scolaire, lutte contre l’illettrisme et l’analphabétisme, prévention de la délinquance) ;

– d’autre part, renforcer la mixité fonctionnelle et sociale des quartiers par une offre diversifiée de logements, d’équipements publics et l’amélioration du cadre urbain ainsi que l’enrichissement du tissu commercial et artisanal de proximité.

Les actions prises en matière de politique de la ville relèvent essentiellement d’une part du programme national de rénovation urbaine (PNRU), cofinancé par l’Agence Nationale de Rénovation Urbaine (ANRU) et la délégation générale à l’outre mer, et d’autre part des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) qui succèdent aux contrats de ville depuis le 1er janvier 2007 pour une durée de 3 ans renouvelables.

La loi du 31 mars 2006 a créé l’Agence sociale et d’égalité des chances (ACSE) en précisant que cette dernière devra prendre en compte les spécificités ultramarines.

Il existe désormais dans les départements d’outre-mer sept zones franches urbaines (ZFU) qui permettent de bénéficier sur des territoires strictement délimités d’exonérations fiscales et de charges sociales. La loi pour l’égalité des chances du 31 mars 2006 a permis la création la création en 2007 d’une nouvelle ZFU à la Réunion sur le territoire de l’intercommunalité de la CIREST et d’étendre 5 autres ZFU déjà existantes aux Antilles et en Guyane.

Dans le domaine de la rénovation urbaine, tous les départements sont concernés ainsi que Mayotte, depuis la loi portant engagement national pour le logement du 13 juillet 2006.

Sept projets ont fait l’objet d’une convention pluriannuelle sur 5 ans. Les travaux ont pu démarrer même si le rythme d’exécution des conventions accuse un certain retard. Par conséquent, la durée d’exécution de ces conventions devrait être supérieure à 5 ans.

Quatre dossiers ont fait l’objet d’un protocole de convention permettant de s’engager sur une première tranche de travaux.

D’autres dossiers sont en cours de finalisation ou de montage, pour un coût total des opérations de 800 millions d’euros, ce qui illustre l’importance de l’effet de levier des concours publics.

Par ailleurs dans le cadre du plan de relance, une dotation financière supplémentaire de 350 millions a été accordée à l’Agence. Pour l’outre-mer, l’examen des demandes de financement au titre de ce plan fait apparaître l’acceptation d’une affectation de crédits supplémentaires de 20 millions d’euros. Ces crédits visent à financer les types d’opérations suivantes

– des opérations déjà conventionnées dont l’équilibre financier n’est plus assuré notamment pour des raisons de sous évaluation initiale ou d’aléas techniques,

– un effort accru d’ingénierie permettant d’accélérer la réalisation d’opérations conventionnées,

– des opérations fondamentales en risque de déprogrammation pour des raisons financières,

– des opérations relatives à des avenants appelés sur des parties de programme stratégiques.

A cet effet, les dotations sont les suivantes par département :

Département de la Réunion : 4,5M€

Département de la Guyane : 2,5M€

Département de la Martinique : 7,5 M€

Département de la Guadeloupe : 5, 5 M€

Enfin dans le cadre du programme de requalification des quartiers anciens dégradés (PNQRAD) défini par la loi «Mobilisation pour le logement et de lutte contre l’exclusion » du 25 mars 2009, la ville de Fort-de-France a déposé un projet intitulé Porte Caraïbe sur une durée de 5 ans entre 2010-2015.

Ce programme concerne les quartiers dont la liste est fixée par décret, présentant soit une concentration élevée d’habitat indigne et une situation économique et sociale particulièrement difficile, soit une part élevée d’habitat dégradé vacant et un déséquilibre important entre l’offre et la demande de logements.

La maquette financière de ce projet est estimée à 22 millions d’euros dont 5,7 doivent être pris en charge dans le cadre de la ligne budgétaire unique LBU.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 28 octobre 2009, la commission des affaires économiques a entendu, lors d’une audition commune avec la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État chargée de l'Outre-Mer, auprès du ministre de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, sur le projet de loi de finances pour 2010, mission « Outre-mer ».

M. le président Patrick Ollier. Nos deux commissions sont réunies en audition commune en vue de l’examen du budget de l’outre-mer. Ces auditions communes permettent de gagner du temps et d’améliorer l’information réciproque des différentes commissions. La commission des Affaires économiques s’intéresse de très près au budget de l’outre-mer, qui doit également être examiné au travers des missions que la commission a menées sur l’outre-mer : la mission sur le prix des carburants, celle sur l’habitat insalubre et indigne, celle sur le chlordécone…

Je poserai trois questions à la ministre. Tout d’abord, quelles mesures de soutien au pouvoir d’achat sont prévues dans le budget ? Ensuite, quelles sont les mesures prises pour soutenir le logement social ? Enfin, quelle évolution connaissent les crédits du Fonds exceptionnel d’investissement ?

M. le président Jean-Luc Warsmann. Comme le président Patrick Ollier, je souhaite que les auditions communes puissent se développer à l’avenir. La commission des Lois s’intéresse au budget de l’outre-mer, ainsi qu’aux sujets qui relèvent de sa compétence, notamment les questions de la sécurité outre-mer, de l’immigration clandestine et de l’évolution institutionnelle.

Par ailleurs, la commission des Lois a adopté un rapport d’information sur l’optimisation de la dépense publique, dans lequel elle demande une évolution du dispositif « Girardin » immobilier vers un système de subvention immobilière, ainsi qu’une exclusion du dispositif « Girardin » industriel des investissements réalisés dans la navigation de plaisance. Je souhaiterais connaître la position de Mme la secrétaire d’État sur cette proposition.

Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d’État à l’outre-mer. Je suis heureuse d’être avec vous aujourd’hui pour présenter pour la première fois ce projet de budget de la mission « outre-mer » au titre du projet de loi de finances pour 2010. J’ai eu l’occasion de rencontrer un grand nombre d’entre vous au cours des dernières semaines, en particulier les différents rapporteurs : M. Jérôme Cahuzac pour la commission des Finances, M. Alfred Almont pour la commission des Affaires économiques, M. Didier Quentin pour la commission des Lois. Avec les membres de mon cabinet ainsi que les fonctionnaires de la délégation générale à l’outre-mer, j’ai essayé de vous apporter le maximum d’informations concernant ce budget. Je crois d’ailleurs que cette année les rapporteurs ont pu avoir, dans les délais, et hormis quelques rares exceptions, la totalité des réponses à leurs questionnaires. Des efforts ont également été faits pour que le document de politique transversale soit plus exhaustif et plus lisible.

L’année 2009 fut pour l’outre-mer d’une exceptionnelle densité. Évidemment, chacun se souvient de la crise sociale qui a frappé les départements d’outre-mer en février et mars derniers, en particulier la Guadeloupe et la Martinique. Face à cette crise, le Président de la République avait, dans la foulée, lancé les États Généraux de l’outre-mer qui se sont récemment achevés par une journée de restitution nationale le 1er  octobre dernier. Le 6 novembre prochain, se tiendra le premier conseil interministériel pour l’outre-mer. Par ailleurs, la loi pour le développement économique des outre-mer, adoptée dans un climat politique consensuel, comporte de nombreuses dispositions conjoncturelles et structurelles, qui ont d’ailleurs un impact sur ce budget pour 2010.

Le budget de la mission « outre-mer » est en augmentation de 6,3 %, soit 118 millions d’euros, pour s’établir à 1,9 milliard d’euros en crédits de paiement. Je rappelle que, depuis 2008, le budget de la mission « outre-mer » a augmenté de 17 %. La mission « outre mer » comprend deux programmes, le programme 138 relatif à l’emploi et le programme 123 relatif aux conditions de vie.

L’augmentation de 118 millions d’euros en crédits de paiement bénéficie principalement au programme 138 consacré à l’emploi outre-mer. Ce dernier augmente ainsi de 111 millions d’euros. Cette augmentation significative vise, d’une part, à accompagner la réforme des dispositifs d’exonérations de cotisations sociales patronales, et, d’autre part, à commencer à mettre en œuvre le doublement en 3 ans de la capacité de formation du service militaire adapté annoncé par le Président de la République en février 2009.

Concernant le dispositif des exonérations de charges, il représente presque les deux tiers des crédits de la mission « outre-mer ». Ce dispositif contribue, via la réduction du coût du travail, à soutenir l’emploi dans nos départements d’outre-mer. Ce dispositif a connu d’importantes évolutions à la fin 2008 lors du vote de la loi de finances pour 2009 et surtout dans le cadre de l’examen de la loi pour le développement économique des outre-mer. À cette occasion, le Gouvernement avait souhaité, afin de soutenir l’emploi en outre-mer dans un contexte de crise sociale et économique grave, assouplir les dispositions adoptées fin 2008. Désormais, nous avons un dispositif toujours très incitatif, mais recentré, par le biais d’un mécanisme de dégressivité des exonérations, sur les salaires pour lesquels l’impact du dispositif est le plus fort. La loi pour le développement économique des outre-mer est venue renforcer l’effort budgétaire de l’État vers les secteurs prioritaires et les entreprises de moins de 11 salariés. Ce projet de budget traduit donc cet effort en faveur de la compétitivité des entreprises ultra-marines et par conséquent de l’emploi. C’est un effort indispensable pour ceux qui connaissent les niveaux de chômage de ces territoires.

La dette de l’État envers les organismes de sécurité sociale, en particulier l’ACOSS, atteindra à la fin de l’année 2009 environ 600 millions d’euros, soit environ 6 mois d’une année budgétaire. Mais cette année était une année exceptionnelle : dans le contexte de février-mars, qui aurait pu prendre le risque de ne pas tout faire pour soutenir ces économies ? En 2010, cette dette ne s’aggravera pas et l’État commencera à diminuer son endettement à compter de 2011.

Concernant le service militaire adapté, le Président de la République a annoncé le doublement de la capacité de formation en 3 ans. Nous allons élargir les critères d’éligibilité du SMA afin d’accueillir, outre les jeunes sans diplôme, les jeunes diplômés titulaires d’un CAP ou d’un BEP mais qui restent éloignés de l’emploi. Nous allons adapter la durée de formation à la situation économique locale et au niveau des volontaires. Le Gouvernement entend maintenir le niveau d’excellence des formations dispensées par le SMA, unanimement reconnu. D’ailleurs, le taux d’insertion des volontaires passés par les formations du SMA, tel que retranscrit dans les documents budgétaires, indique le chiffre de près de 80 % en 2009 et l’objectif est bien entendu de le maintenir aussi haut avec le doublement du nombre de volontaires. C’est une augmentation du budget de près de 31 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 20 millions d’euros en crédits de paiement.

Dans ce programme 138, figurent les crédits de l’Agence nationale pour l’insertion et la promotion des travailleurs d’outre-mer, l’ANT, seul opérateur d’État rattaché au Secrétariat d’État à l’outre-mer : le budget de fonctionnement de l’Agence est d’environ 8 millions d’euros. La loi pour le développement économique des outre-mer a créé le passeport-mobilité formation professionnelle, dispositif central qui permet aux personnes souhaitant se former professionnellement de bénéficier d’une mesure de formation qualifiante pouvant aller jusqu’à 24 mois hors de leur département ou de leur collectivité d’origine, dès lors que la même formation n’est pas dispensée sur place. Ce nouveau dispositif remplace les anciens « projets initiative jeune » et la « formation individualisée en mobilité ». Pour ce nouveau dispositif, 23,8 millions d’euros en AE et CP sont prévus en 2010 pour plus de 4 500 mesures nouvelles.

Mais le Gouvernement a aussi l’intention d’élargir les missions de l’Agence pour, au-delà de ce métier historique, en faire un opérateur de la mobilité outre-mer. C’est pourquoi l’Agence a vocation à être le porteur budgétaire du fonds de continuité territoriale, créé par la loi pour le développement économique des outre-mer et qui figure sur le programme 123.

Le programme 123, intitulé « conditions de vie outre-mer », réunit les dispositifs qui permettent d’améliorer les conditions de vie des habitants des départements et collectivités d’outre-mer ainsi que de la Nouvelle-Calédonie. J’insisterai plus particulièrement sur 5 volumes budgétaires qui totalisent 90 % des autorisations d’engagement de ce programme.

S’agissant tout d’abord de la ligne budgétaire unique en faveur du logement, l’effort de l’État est maintenu à 255 millions d’euros en autorisations d’engagement et plus de 210 millions d’euros en crédits de paiement. Le logement est une de mes priorités d’action. J’ai eu l’occasion de m’exprimer sur la manière dont je souhaitais, en lien avec les acteurs locaux et les opérateurs, mener cette politique lors du dernier congrès de l’Union Sociale de l’Habitat à Toulouse. La ligne budgétaire unique, mais aussi la défiscalisation du logement social introduite par la loi pour le développement économique des outre-mer, apportent des réponses budgétaire et fiscale, même s’il faut accorder un effort budgétaire plus important en faveur de la réhabilitation de l’habitat insalubre, sur la base des recommandations formulées par M. Serge Letchimy. Il importe maintenant de travailler ensemble à la programmation budgétaire et physique des opérations à financer. Je ne veux pas programmer des opérations qui ne se débuteront pas dans l’année même. Je ne peux pas me satisfaire d’opérations qui, pour les deux tiers, sont programmées dans le dernier trimestre. Ce n’est pas le signe d’une saine programmation budgétaire. Évidemment, je n’ignore pas qu’il reste encore quelques freins à lever, et en particulier la disponibilité foncière et la prise en charge, notamment par les communes, de la surcharge foncière. Ces freins sont identifiés et nous travaillons en ce moment même à les lever.

Ensuite, concernant la politique contractuelle, le ministère de l’outre-mer apporte sa quote-part aux contrats de projets entre l’État et les régions d’outre-mer aux côtés des autres départements ministériels au travers de cette ligne de 167 millions d’euros en autorisations d’engagement. Cette ligne est pour les collectivités d’outre-mer et la Nouvelle-Calédonie une sorte de ligne budgétaire unique pour tous les contrats de développement et conventions liant l’État à ces collectivités. En effet, depuis le 1er janvier 2009, les crédits ont été transférés depuis les autres ministères vers le ministère chargé de l’outre-mer. C’est donc un outil essentiel du partenariat local entre l’État et les collectivités territoriales et auquel, je le sais, vous êtes très attachés.

Troisièmement, le soutien à l’économie polynésienne passe évidemment par la dotation globale de développement économique et le paiement de l’ex-fonds de reconversion de l’économie polynésienne. Les négociations avec le Gouvernement polynésien ont commencé depuis plusieurs mois, à la fois au niveau central et au niveau local, sur la réforme de cette dotation. Certains points d’accord ont déjà été actés comme la mise en place d’une dotation globale d’autonomie ou le transfert d’une partie de la fiscalité de la Polynésie française vers les communes. Il reste encore deux points difficiles à négocier : la partie de la dotation qui restera consacrée à l’investissement et la forme que cette partie prendra, c’est-à-dire soit un contrat, soit une dotation d’investissement, d’une part, et l’éventuelle participation de l’État au régime de solidarité de la Polynésie française, d’autre part.

En quatrième lieu, le fonds de continuité territoriale représente près de 50 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Ce fonds a été créé par la loi pour le développement économique des outre-mer pour concentrer des ressources jusqu’alors dispersées entre des opérateurs d’État et les collectivités territoriales. Il servira à financer des aides destinées aux étudiants – ce que l’on appelle le « passeport mobilité étudiants » – mais aussi des aides destinées à financer la continuité territoriale au sens large afin de permettre à nos compatriotes ultra-marins de se déplacer depuis leur territoire d’origine vers la métropole ou alors, nouvelle possibilité offerte par la loi pour le développement économique des outre-mer, au sein même de leur territoire lorsque les distances le justifient. L’ANT a vocation à devenir une agence de la mobilité au service de nos outre-mer et, en lien avec le ministère de l’outre-mer, à suivre l’utilisation de ce fonds. Ensuite, la volonté du Gouvernement est de mettre en place, au plan local, des groupements d’intérêt public afin de gérer ces crédits en partenariat d’abord avec les collectivités territoriales mais aussi avec d’autres partenaires comme les organismes consulaires, les universités, les partenaires sociaux. De nombreux contacts ont été établis ces derniers mois pour étudier les conditions de mise en place de ces groupements, qui devront avoir été finalisés en 2010. En outre, dernier élément important, je suis attachée à la mise en œuvre d’une politique sociale au travers de ce fonds de continuité territoriale. Il est important que ce fonds bénéficie d’abord et avant tout à nos compatriotes d’outre-mer dont les ressources sont les plus faibles.

Enfin, le fonds exceptionnel d’investissement est aussi un instrument créé par la loi pour le développement économique des outre-mer. Son objectif est d’apporter une aide aux collectivités territoriales qui, dans les départements d’outre-mer et les collectivités d’outre-mer, réalisent des investissements portant sur des équipements publics collectifs. L’année 2009 fut, pour ce fonds, exceptionnelle puisque les crédits du Plan de Relance ont porté la totalité de nos engagements de 40 millions d’euros prévus dans la loi de finances initiale à 165 millions d’euros. L’année 2010 revient sur une tendance plus normale avec un total de 40 millions d’euros d’autorisations d’engagements. 88 opérations d’aménagement ont pu être réalisées grâce à ce fonds.

Aujourd’hui, je suis venue vous présenter le budget de la mission « outre-mer ». Cependant, je sais que vous vous intéressez, et c’est normal, à la totalité des crédits que l’État consacre aux outre-mer. Un effort particulier a été fait pour vous donner à lire un document de politique transversale plus synthétique, mieux présenté.

L’effort de l’État outre-mer en 2010 représentera 17,2 milliards d’euros en autorisations d’engagement, dont 3,6 milliards d’euros de dépenses fiscales. C’est une dépense en augmentation de plus de 4 %, avec un effort significatif fait sur la dépense fiscale qui augmente de plus de 200 millions d’euros.

Je sais par avance que certains souligneront que la mission « outre-mer » ne représente que 12 % de l’effort global. C’est l’évidence même. Cependant, le ministère de l’outre-mer n’a pas vocation à devenir le gestionnaire de tous les crédits budgétaires et fiscaux qui intéressent les territoires ultra-marins. Ensuite, avec près de 2 milliards d’euros, la mission « outre-mer » est la deuxième mission budgétaire de l’État en faveur de l’outre-mer avec 15,4 % des crédits budgétaires. Si l’on exclut les dépenses de personnel prévues au titre 2, elle représente même 29 % des dépenses budgétaires et est alors la première mission budgétaire hors titre 2 devant les dotations de l’État (28 %), la santé (14 %) ou l’éducation (10 %). Ce fait est d’autant plus significatif que la mission regroupe essentiellement des crédits d’intervention.

Nous sommes aujourd’hui à un tournant. Chacun doit prendre ses responsabilités. Je prends les miennes avec ma sensibilité, avec ma connaissance de l’outre-mer. Ces territoires recèlent de fortes potentialités. Ce budget est aussi le reflet du soutien du Gouvernement à ces territoires.

M. Alfred Almont, rapporteur pour avis. Il est généralement d'usage, chaque année, que le rapporteur pour avis d'un budget donne d'emblée le ton au sujet de celui-ci. Je ne manquerai d'autant moins à l'exercice que, pour de bon, le projet de budget de la mission outre-mer pour 2010, en progression pour la troisième année consécutive, prend à bras le corps les problèmes particuliers de nos territoires dans une conjoncture dont nous savons qu'elle est très difficile.

Très difficile en raison d'un contexte budgétaire tendu.

Très difficile surtout en raison de la crise économique qui a pris sur nos territoires une ampleur particulière puisqu'aux symptômes généraux de la dépression mondiale se sont greffés des facteurs endogènes à nos économies ultra-marines qui ont révélé la fragilité d'un modèle et qui justifient plus que jamais l'effort de solidarité nationale. Il faut donc se féliciter que les crédits de la mission outre mer augmentent, à périmètre constant, de 6,4% en 2010. Encadrés par la programmation budgétaires pluriannuelle, les crédits de l'outre-mer doivent cependant répondre à un double défi :

– Mettre en œuvre sans délai la de développement économique (la LODEOM) dont les décrets d'application sont annoncés pour les temps qui viennent ;

– Tirer les conséquences de la crise du printemps dernier dont les effets sont encore difficiles à mesurer.

Sur le premier point, je constate avec satisfaction que le réaménagement du système d’incitations fiscales n’a pas eu pour effet, contrairement à ce qui fut dit ici ou là, de revoir à la baisse le soutien apporté à l’économie de l’outre-mer. Ainsi les dépenses fiscales créées ou modifiées par la LODEOM s’établissent à plus de 3 milliards et six cent millions d’euros, soit une augmentation de 6,3 % conformément à l’engagement pris par le Gouvernement lors de la discussion du projet de loi à l’Assemblée.

Toutefois, devons-nous considérer le nouveau « tableau fiscal » comme un aboutissement ? Avons-nous su tirer toutes les conséquences de la spécificité de nos régions en la matière ? Je me félicite naturellement du report à 2013 de l’application de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) en outre-mer. Mais ne faudrait-il pas mener une réflexion plus globale sur l’adaptation de notre fiscalité, en nous appuyant tout naturellement sur l’article 299-2 du traité d’Amsterdam qui incite à ces adaptations ? L’un des points d’application possible étant, par exemple, la nouvelle taxe carbone.

Sur le deuxième point, à savoir, le budget lui-même, j’observe qu’en dépassant le cadrage pluriannuel, de 4,4 % en autorisations d’engagement et de 3,1 % en crédits de paiement (pour des montants respectifs de 87 millions et de 63 millions d’euros), le projet annuel de performances intègre une partie de l’effort supplémentaire consenti pour sortir de la crise.

Mais, comme l’a remarqué notre commission des Finances, la traduction budgétaire des mesures de sortie de crise n’est pas aisée à percevoir dans sa globalité. Les estimations dont nous disposons tablent sur un total d’environ 500 millions d’euros, dont 280 pour le seul Revenu supplémentaire temporaire d’activité (RSTA). L’article 11 du projet de loi de finances, qui traduit l’engagement pris par le Gouvernement en la matière, fait cependant craindre la réduction de la Prime pour l'Emploi accordée au Foyer Fiscal. L'impact du RSTA sur la Prime pour l'Emploi suscite dès lors quelques inquiétudes et nombreux sont ceux pour qui l'occasion est bonne de solliciter la mise en application du RSA plus juste que le RSTA sur le plan social. Madame la Ministre nous souhaitons que vous puissiez nous rassurer en nous apportant sur ces points les précisions nécessaires.

Ceci étant, le projet de budget met clairement en avant trois priorités :

– le soutien aux entreprises ;

– l’aide à l’insertion et à la qualification professionnelle ;

– l'amélioration de l'accès au logement.

Le soutien aux entreprises emprunte essentiellement la voie des exonérations de charges sociales afin d’abaisser le coût du travail, notamment dans des zones où celles-ci sont confrontées à la rude concurrence des pays voisins ainsi qu’aux handicaps structurels que nous connaissons. Un sujet qui, je le rappelle au passage, doit aussi se traiter dans le cadre des négociations commerciales multilatérales au niveau de l’Union européenne avec ses partenaires, les pays dit ACP en particulier.

Certes, cette politique de soutien aux entreprises a eu pour corollaire négatif le creusement de la dette de l’État envers les organismes sociaux. Il faut cependant saluer l’effort consenti, à hauteur de 93 millions d’euros, pour éviter que la dette n’enfle. Elle progresse cependant encore de 55 millions. Il est vrai qu’on a connu bien pire dans le passé. Mais nous ne ferons sans doute pas l’économie, Madame le ministre, à plus ou moins brève échéance, d’une mise à plat rationnelle de cette question afin d’éviter que, chaque année lancinante, elle vienne donner prise à des critiques contre la sincérité du budget de l’outre-mer.

S’agissant de l’aide à la formation professionnelle, votre budget traduit l’engagement du Président de la République de doubler les effectifs du Service militaire adapté, sur 3 ans (3000 en 2009, 6000 en 2012). Nous nous en réjouissons. Mais comme cet objectif s’accompagne de la diminution de la durée du service (de 12 à 8 mois), certaines critiques parlent déjà de « SMA au rabais ». Il faut nous rassurer sur ce point et prendre les dispositions nécessaires pour que la qualité des formations n’en soit pas réduite et que son « intensité » en compense la moindre durée.

Quant à la politique de soutien au logement, nous sommes, comme vous le savez, très attentifs à son évolution en raison des besoins qui s'expriment et que les retards accumulés au cours des dernières années ne manquent pas d’aggraver. Les crédits affectés au budget 2010 de l'outre-mer ne progressent dans ce domaine que de 2 % mais, comme l’a indiqué notre collègue Serge Letchimy dans son excellent rapport sur « l’habitat insalubre et indigne », nous souffrons moins d’insuffisance de financements publics que d’insuffisance de gouvernance. Nous serions donc heureux, Madame le Ministre, de savoir quels axes majeurs, au moins comme esquisses, si ce n’est pas prématuré, vous comptez donner aux propositions de notre collègue qui, je le souligne, sont largement consensuelles.

Certes, les crédits mis en place semblent suffire, une politique résolue se met en place sans discontinuer ; il reste cependant à craindre que les maîtres d'ouvrage et les opérateurs concernés ne déposent les dossiers signalés sans avoir remplis toutes les conditions requises : un défaut d'instruction par la DDE (permis de construire, maîtrise foncière...). Pouvez-vous nous rassurer quant aux dispositions qui sont mises en œuvre pour assurer l'engagement intégral de la LBU appelée à financer la politique publique du logement en amont du dispositif de défiscalisation qui cible désormais le logement social ?

Le projet de budget pour 2010 ne traite pas des dispositions prévues afin de diminuer le prix des carburants outre-mer, question qui a fait l’objet d’une mission d’information de notre commission et qui a débouché sur 21 propositions, que je ne rappellerai pas ici mais sur la prise en compte desquelles nous serons bien sûr vigilants. Nous savons que vous avez déjà engagé la réforme de la SARA, qu’un décret est en cours de préparation et que vous entendez obtenir une modification progressive de la formule de fixation des prix dans un souci de transparence. Pouvez-vous nous apporter ici quelques précisions ?

De même, l’affaire de la chlordécone a beaucoup touché les populations antillaises. Le plan chlordécone, doté de 33 millions d’euros, est piloté par le ministère de la Santé, assailli aujourd’hui par d’autres préoccupations. Nous souhaiterions donc, Madame le ministre, en liaison avec le comité de suivi que nous avons mis en place dans cette commission et qu’anime notre collègue Jacques Le Guen, que votre ministère participe de façon très active au pilotage du programme et, le cas échéant, à son amélioration. Car si les mesures de précaution, telles que les récents arrêtés de suspension de la pêche de certaines espèces dans certaines zones sont évidemment indispensables, c’est surtout les moyens d’une relance économique de l’agriculture, de la pêche et de toute la filière alimentaire que nous attendons. Le récent rapport de notre collègue le Député Le Déaut est de la sénatrice Catherine Procaccia justifie un regain d'inquiétude au sein des populations.

Vous nous avez déjà répondu par avance, madame la ministre, à deux questions essentielles à nos yeux :

– d’une part sur le fonctionnement du nouveau fonds de continuité territoriale, qui remplace l’ancienne dotation de continuité territoriale et le passeport mobilité, du rôle que doit jouer pour son pilotage l’Agence nationale pour l’insertion et la promotion des travailleurs d’outre-mer ;

– d’autre part sur l’utilisation des crédits du nouveau fonds exceptionnel d’investissement.

Comme vous le savez, j’ai toujours plaidé pour que notre politique ultramarine tourne le dos à la vieille démarche de rattrapage et d’assistanat et choisisse résolument une stratégie de responsabilité afin de tendre vers l’égalité économique.

Il me semble que votre projet de budget va dans ce sens.

M. Didier Quentin, rapporteur pour avis au nom de la commission des Lois. Je ne reviendrai pas sur la présentation des crédits de la mission « outre-mer », qui vient d’être si bien faite tant par Madame la ministre que par notre collègue Alfred Almont, pour consacrer l’essentiel de mon temps de parole à des questions qui ont trait aux domaines de compétence de la commission des Lois.

S’agissant de l’analyse des crédits qui relèvent plus spécialement de la compétence de notre commission, je voudrais faire trois remarques :

– Je note tout d’abord la baisse de la délinquance enregistrée cette année outre-mer : le nombre d’infractions constatées en 2008 a baissé de 2% par rapport à 2009, résultat de l’engagement important des forces de l’ordre, policiers et gendarmes, sur le terrain.

– Nous pouvons également nous féliciter de la montée en puissance des groupements d’intervention régionaux (GIR), qui regroupent policiers, gendarmes, douaniers et agents des services fiscaux et des fraudes. Ce sont désormais cinq GIR qui sont opérationnels en Guyane, en Guadeloupe, à la Réunion, à Mayotte et en Martinique. Il est en outre envisagé d’en créer prochainement deux autres, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Le bilan des GIR est très satisfaisant en matière de lutte contre l’économie souterraine : au 30 juin 2009, les cinq GIR en fonction ont saisi près de 3 millions d’avoirs criminels sur les 22 millions saisis par l’ensemble des GIR au plan national !

– Je salue en outre le fait que la récente livraison – très attendue – du nouveau centre de détention de Domenjod à Saint-Denis de la Réunion, et l’extension des capacités opérationnelles d’autres établissements aient permis une réduction du taux d’occupation moyen des établissements pénitentiaires outre-mer. Celui-ci est passé de près de 150 % l’an dernier à 126 %. Ce chiffre est certes trop élevé, mais l’inversion de la tendance est néanmoins la bienvenue !

Je souhaiterais maintenant vous interroger, Madame la Ministre, sur trois sujets, dont deux ont trait aux évolutions institutionnelles en cours ou à venir :

– S’agissant de l’organisation de la sécurité civile en Polynésie française, des questions de moyens se posent : celle des moyens aériens nécessaires pour assurer la sécurité civile sur une aire aussi étendue et celle de la création d’un établissement territorial d’incendie et de secours et d’un centre d’appel centralisé 18, qui n’est toujours pas intervenue, alors qu’elle est prévue depuis une ordonnance de 2006… Pouvez-vous nous en dire plus sur ces deux points?

– Pour faire suite aux remarques faites par le Président de la commission des Lois, je voudrais vous interroger, Madame la Ministre, sur les dispositions qui sont prises pour accompagner le processus de départementalisation de Mayotte. Les Mahorais se sont prononcés très largement en faveur de la départementalisation qui doit intervenir en 2011. Or, les défis à relever sont très nombreux, notamment en matière d’enseignement de la langue française, mais aussi de la place des cadis dans la société et surtout en matière d’état civil  – c’est la question, désormais lancinante, de l’efficacité de la Commission de révision de l’état civil. Alors que plus de 16 000 dossiers sont en instance devant la Commission, celle-ci ne peut en traiter qu’un millier par an !

– Enfin, Madame la Ministre, pourriez-vous revenir sur l’organisation de référendums en janvier prochain en Guyane et à la Martinique ? À la suite des travaux des États généraux qui ont rouvert le débat du statut des départements d’outre-mer aux Antilles et en Guyane, les élus guadeloupéens ont demandé l’application d’un moratoire de dix-huit mois. Les élus martiniquais et guyanais, quant à eux, se sont prononcés en faveur du passage d’un statut régi par l’article 73 de la Constitution à un statut relevant de l’article 74, c’est-à-dire celui des collectivité d’outre-mer. Cela a conduit le Président de la République à décider la tenue de référendums dans ces deux départements d’outre-mer le 17 et, éventuellement, le 24 janvier prochain.

M. le président Patrick Ollier. Je vais donner la parole aux représentants des groupes, puis aux autres orateurs inscrits.

M. René-Paul Victoria. Chargé de donner l’avis du groupe UMP sur les crédits de la mission « outre-mer », je constate la forte ambition de la ministre en faveur de l’outre-mer.

La promulgation de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) a suscité beaucoup d’espoirs. Nous attendons sa pleine mise en œuvre par ses décrets d’application.

Les grands secteurs d’activité doivent bénéficier d’une lisibilité dans le temps du cadre juridique dans lequel ils évoluent. Je me félicite du plan conduisant à établir l’autonomie énergétique de La Réunion. Il convient aussi de ne pas oublier les PME.

Les crédits du programme « Emploi outre-mer » progressent de 123 millions d’euros, ce qui nous donne beaucoup d’espoir pour notre jeunesse. Il faut en effet lutter contre le chômage. Étant un ancien du service militaire adapté (SMA), je sais qu’il est une bonne école. L’appel à de jeunes volontaires doit effectivement permettre de passer de 3 000 à 6 000 volontaires en 3 ans. Le taux d’intégration de 80 % de ces jeunes est particulièrement encourageant.

En matière de formation mobilité, je souhaite avoir des précisions sur le fonctionnement et l’efficacité de l’opérateur unique.

Je souligne que les crédits du programme « Conditions de vie outre-mer » sont très importants et que la question du logement est incontournable. L’adage selon lequel « quand le bâtiment va, tout va » est particulièrement vrai à La Réunion.

M. Jean-Claude Fruteau. J’accorde beaucoup d’intérêt à l’examen de ce budget qui devait traduire deux priorités : fournir des réponses durables aux préoccupations sociales exprimées en 2009 et mettre en œuvre budgétairement la LODEOM.

S’agissant de la réponse aux problèmes sociaux, notre collègue Almont a reconnu qu’il avait du mal à en discerner la traduction budgétaire. Je crois qu’on ne saurait mieux dire.

S’agissant de la LODEOM, j’observe que cette loi, pourtant votée en urgence, ne fait l’objet aujourd’hui d’aucun décret d’application, alors même que ce texte a fait l’objet d’une longue préparation.

En matière de logement, la LODEOM propose de réorienter la défiscalisation vers le logement social. Cette réorientation n’est effective qu’en théorie, faute de mesures réglementaires d’application. Effectivement, le bâtiment ne va pas : le secteur a perdu, à La Réunion, un quart de ses emplois ces derniers mois. Le secteur du logement social est en panne. Cela s’explique par des blocages liés au fait que l’on ne sait toujours pas comment va s’organiser le cumul entre la ligne budgétaire unique (LBU) et la défiscalisation. En effet, les bases sont différentes. Alors que nous avions proposé un amendement à la LODEOM clarifiant la situation, le Gouvernement avait répondu que rien n’interdisant le cumul, cette disposition était inutile. Les délais d’instruction en matière de LBU et de défiscalisation ne sont pas les mêmes, puisqu’il faut de 9 à 15 mois pour obtenir un agrément du ministère de l’Économie.

Nous aurions préféré que l’on mette l’accent sur la LBU plutôt que sur la défiscalisation. Le Gouvernement doit mettre en œuvre le dispositif qu’il a souhaité.

Je partage l’attachement de notre collègue Victoria au SMA. Alors que l’objectif est de doubler le nombre de volontaires en 3 ans, j’observe que seuls 54 nouveaux contrats sont prévus au projet de loi de finances. La durée du SMA baissant, je crains que la réforme ne se fasse à budget constant.

J’ai donc du mal à discerner la « forte ambition » évoquée.

M. Michel Vaxès. Je souhaite revenir sur le Revenu supplémentaire temporaire d’activité (RSTA). En effet, l’article 11 du projet de loi de finances prévoit qu’il vient en déduction du montant de la prime pour l’emploi (PPE). L’État va donc récupérer 108 millions d’euros jusqu’ici versés aux salariés ultramarins, dont les revenus risquent de baisser.

Par ailleurs, j’observe que le site internet du Sénat indiquait, le 28 septembre dernier, qu’aucune mesure réglementaire d’application de la LODEOM n’était prise et je voudrais avoir des précisions à ce sujet.

Le budget de la mission « outre-mer » ne représente que 12 % des dépenses de l’État outre-mer. C’est donc sur son effort global qu’il convient de juger l’action de l’État. Dès lors que les crédits des autres ministères n’augmentent que du montant de l’inflation, soit 1,2 %, je ne comprends pas comment la ministre peut dire que l’effort en faveur de l’outre-mer progresse de 6,2 % !

En septembre 2009, l’Autorité de la concurrence a montré la réalité de la cherté de la vie outre-mer. Ces travaux montrent les mécanismes d’importation et de distribution, sur la base de relevés de prix, qui permettent de constater que les prix de la moitié des produits étaient supérieurs de plus de 55 % par rapport à la métropole. Ces travaux expliquent également que ni les coûts du fret, ni l’octroi de mer ne permettent de justifier l’ampleur de ces écarts. Quelles suites le Gouvernement entend-il donner aux travaux de l’Autorité de la concurrence ?

Enfin, le Parlement sera-t-il informé pleinement sur l’organisation des référendums du 17 janvier 2010 en Martinique et en Guyane ?

M. Philippe Gosselin. Ce budget traduit pour la troisième année consécutive un effort notable des finances publiques en faveur de l’outre-mer dans un contexte contraint. Il convient toutefois que la publication des décrets d’application de la LODEOM intervienne rapidement. L’année écoulée était particulière, marquée notamment par les mouvements sociaux du printemps et la tenue des états généraux. Les engagements de l’État ont été respectés, notamment en matière de soutien aux entreprises, d’aide à la formation professionnelle et de soutien au logement. J’ai toutefois quelques questions. La première porte sur le passage de 12 à 8 mois du service militaire adapté, qui n’est pas sans soulever quelques inquiétudes qu’il serait souhaitable de lever. D’autres interrogations portent sur le respect de l’objectif visant à réaliser la départementalisation de Mayotte en 2011, d’une part en ce qui concerne l’accélération de la procédure et le fonctionnement de la commission de révision de l’état civil – pour lequel il conviendrait de stabiliser et de pérenniser les effectifs de magistrats – et d’autre part s’agissant des difficultés de l’enseignement. Enfin, je souhaiterais que vous nous éclairiez sur l’objet et l’organisation des consultations référendaires relatives à un éventuel changement de statut de la Martinique et la Guyane.

M. Louis-Joseph Manscour. Madame la ministre, je pense que vous êtes habitée par une sorte de dualité liée à votre origine « domiène » qui vous donne une parfaite connaissance de la réalité de ces territoires et, parce que votre approche se situe dans la continuité de l’action entreprise par vos prédécesseurs, ce que je regrette. Le budget constitue la traduction d’une réalité politique. Or, me semble-t-il, elle n’est pas clairement affichée. Je prendrai deux exemples. Tout d’abord le revenu supplémentaire temporaire d’activité (RSTA). Votre prédécesseur, M. Jégo, avait pris un engagement vis-à-vis des populations : celui de l’application du RSTA en attendant l’effectivité du RSA. Or, il semblerait aujourd’hui que non seulement le RSA ne soit pas appliqué, mais que l’articulation de la prime pour l’emploi (PPE) et du RSTA soit pénalisante pour les populations ultramarines. Samedi dernier, M. Éric Woerth a précisé qu’il convenait de respecter les engagements pris par le Gouvernement ; comment entendez vous les respecter ?

Mme Chantal Berthelot. J’ai du mal à aborder ce budget car, comme le soulignait devant la commission des Finances le rapporteur spécial M. Jérôme Cahuzac, vous êtes la troisième ministre en charge de l’outre-mer depuis le début de la législature ; le président Didier Migaud a d’ailleurs souligné que le rapporteur spécial assurait la continuité en matière budgétaire. Comment comprendre le rôle de votre secrétariat d’État du fait de la transversalité de ses compétences et de la présence d’actions en faveur de l’outre-mer dans plusieurs missions ? Soit il s’agit d’un ministère regroupant l’ensemble des moyens mis en œuvre, soit il s’agit d’un service du Premier ministre. Je partage les considérations évoquées par mes collègues sur la nécessité de publier rapidement les textes d’application de la LODEOM. S’agissant du logement social, notamment en Guyane, je rappellerai mon attachement à la ligne budgétaire unique, d’autant que le système de défiscalisation envisagé apparaît pour le moins complexe et qu’il est difficile d’imaginer comment ce système va concrètement fonctionner. Enfin, je constate qu’en ce qui concerne la Guyane, le programme 123 « condition de vie outre-mer » enregistre une baisse des crédits par rapport à l’année précédente. Comment, dans ces conditions, envisagez-vous de résorber l’habitat insalubre et de mettre fin aux conditions indignes de logement dans les territoires français d’Amérique ?

Mme Annick Girardin. Sur l’utilité de votre secrétariat d’État, je parviens aujourd’hui aux mêmes conclusions : soit on lui donne les dimensions réelles d’un ministère avec des compétences et des moyens propres, soit on s’interroge sur un autre mode de fonctionnement, correspondant à la volonté du Gouvernement de passer de l’assistanat au développement économique durable. Au regard du projet de budget de l’outre-mer pour 2010, il y a tout lieu de douter de cette volonté, tout en sachant que votre budget ne représente qu’une petite partie des crédits affectés à l’outre-mer. S’agissant de la LODEOM, il parait difficile de prétendre que les engagements sont tenus, dès lors que les décrets d’applications ne sont pas encore pris. L’insatisfaction demeure et il est urgent de prendre, au-delà des promesses, des mesures concrètes. Pour ce qui concerne la continuité territoriale, il importe d’aller au-delà de la mise en place d’un simple dispositif d’aide à l’achat des billets d’avion et de réfléchir, dans la continuité des états généraux, à la redéfinition de cette notion, d’autant que les transports sont au centre du développement économique des outre-mer. Enfin, je fonde beaucoup d’espoirs sur les décisions qui seront prises pour rendre effectives les réflexions des états généraux.

M. Jean-Yves Le Déaut. J’aborderai le sujet particulier du chlordécone, sur lequel, à la demande de la commission des affaires économiques, l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques a rendu un rapport qui comporte plusieurs recommandations. Un plan d’action a été élaboré par le Gouvernement. Or, je ne trouve pas dans le projet de budget de traductions précises de celui-ci. Ce plan prévoit de renforcer la connaissance du milieu, de réduire l’exposition des populations et d’améliorer les effets sur la santé, d’assurer une alimentation saine et de gérer les milieux contaminés, enfin d’informer les populations. Ce qui donne la sensation que l’on « baisse la garde ». Pourriez-vous nous préciser où en est l’exécution de ce plan, quelles en sont les traductions budgétaires et s’il est envisagé de poursuivre ce plan au-delà de 2010.

Mme Jeanny Marc. Je partage les remarques et les interrogations de mes collègues sur la mise en place du RSTA et la mise en œuvre de la LODEOM. J’aimerais que vous nous apportiez quelques précisions sur les moyens que vous envisagez afin de remédier aux dérives constatées par le LKP et l’Autorité de la concurrence. Je rappellerai que la Guadeloupe compte 700 jeunes qui attendent désespérément une orientation et à qui l’on recommande de migrer vers la métropole ou le Canada pour résoudre leur problème d’emploi. Face à cette situation, comment doit évoluer le service militaire adapté (SMA) et quelles sont les initiatives que vous entendez prendre en faveur de l’emploi des jeunes ? S’agissant de la lutte contre les effets des produits organo-chlorés, quelles sont les mesures envisagées, notamment en direction des agriculteurs engagés dans la dépollution de leurs terrains agricoles. Enfin, quels moyens sont mis en œuvre face aux risques climatiques et sismiques ?

M. Serge Poignant. Certains de mes collègues de l’opposition et des départements ultramarins ont émis des doutes sur l’utilité de votre secrétariat d’État. Je tiens pour ma part à vous renouveler mon total soutien, au-delà de l’effort budgétaire réalisé, conscient que je suis des efforts que vous accomplissez et qui se traduisent par la présence de nombreuses actions en faveur des DOM dans différentes missions du projet de loi de finances pour 2010. Ces efforts sont d’autant plus indispensables et le secrétariat d’État d’autant plus utile que s’amorcent les discussions sur le Grenelle de la mer qui concerne au premier chef les départements ultramarins.

M. Abdoulatifou Aly. Afin de permettre la départementalisation de Mayotte il a été prévu la création du fonds de développement économique et social. Or votre budget ne comporte pas les crédits y afférents.

Mme la Secrétaire d’État à l’outre-mer. Je souhaiterais répondre à l’ensemble des intervenants en commençant par les questions soulevées au sujet de la LODEOM. Certains d’entre vous se sont étonnés du fait que les décrets d’application de la loi ne soient toujours pas publiés. Cette loi, très attendue outre-mer, ne date, – je le rappelle – que du mois de mai dernier. Une longue procédure de coordination interministérielle, puis de consultations locales –d’ailleurs en procédure d’urgence –, s’est engagée, dans le respect des règles applicables en la matière. Dès mon arrivée au Secrétariat d’État à l’outre-mer, j’ai expliqué que la publication de ces décrets constituait une des premières priorités. Le décret sur la bagasse est signé et doit être très prochainement publié. Suivront ensuite une quinzaine de décrets publiés en novembre et, pour les derniers, en décembre prochains. Je rappelle en outre qu’un nombre important de décrets nécessitait la saisine de la Commission européenne. J’ai rencontré personnellement en octobre dernier la Commissaire en charge de la concurrence : elle m’a assurée que le feu vert de la Commission serait donné au plus tard au mois de novembre.

– S’agissant du dispositif dit du « Girardin Logement », je rappelle qu’il est effectif et que des opérations sont réalisées sur son fondement. Les blocages qui ont pu être constatés ne sont pas dus au vote de la LODEOM mais au fait qu’après l’achèvement de certains grands travaux – je pense notamment à la grande route des Tamarins à la Réunion – d’autres projets tardent à être mis en œuvre. J’ai déjà indiqué être prête à engager davantage les finances de l’État pour la relance des programmes de construction des logements sociaux si des projets se concrétisent sur place.

Toujours en matière de logement, il a été dit que les bases éligibles respectivement à la LBU et aux outils de défiscalisation étaient différentes : je vous confirme en effet que la base des seconds est plus intéressante, traduisant la priorité donnée par le Gouvernement à un outil qu’il estime plus efficace. J’indique en outre que le Gouvernement a prévu qu’un agrément local puisse désormais suffire pour les opérations dont le montant est inférieur à 10 millions d’euros, ce qui devrait sensiblement réduire les délais de réalisation.

– S’agissant du RSTA, je rappelle qu’il a été mis en œuvre dans des conditions particulièrement difficiles de crise sociale outre-mer. Il s’agit d’un RSA adapté à l’outre-mer et applicable par anticipation. Son régime social et fiscal est donc aligné sur celui du RSA. Le ministre du Budget et moi-même avons souligné à de multiples reprises que l’imputation des sommes perçues par le contribuable au titre du RSTA sur le montant de la prime pour l’emploi ne traduit aucunement une quelconque volonté du Gouvernement de remettre en cause la parole donnée. Une évaluation sera menée six mois après l’entrée en vigueur du dispositif. Si l’imputation sur la PPE se traduisait par une altération du RSTA, le Gouvernement corrigerait le dispositif afin que le RSTA s’applique conformément à l’engagement pris dans les protocoles de sortie de crise. Il n’en demeure pas moins que le RSTA s’éteindra avec la mise en place du RSA au 1er janvier 2011, ainsi que le précise le décret qui a instauré le RSTA. Nous serons très attentifs aux travaux menés par René-Paul Victoria sur la transition entre les deux dispositifs.

– S’agissant de la question du différentiel des prix outre-mer, je rappelle que le rapport de l’Autorité de la concurrence, qui a souligné toute l’acuité de ce problème, a été établi à la demande du Gouvernement, signe de sa réelle volonté d’accroître le pouvoir d’achat de nos concitoyens ultramarins. La promotion de la concurrence est de nature à faire baisse les prix. Il faut donc corriger les dysfonctionnements qui existent pour favoriser cette concurrence. Je rappelle que la LODEOM a instauré dans ce but une aide aux intrants destinée à favoriser les productions locales et le développement endogène des territoires. Le Gouvernement reste particulièrement attentif à la question de la formation des prix outre-mer et à l’information du public sur les différentiels de prix. On a déjà pu constater la baisse de certains prix à la Réunion. C’est un signe encourageant, même si cela n’est à l’évidence pas encore suffisant.

– S’agissant de la question, elle aussi cruciale, de l’emploi outre-mer, je rappelle que les collectivités ultramarines ont été confrontées non seulement aux effets de la crise financière mondiale mais aussi, pour certaines d’entre elles, à une crise sociale de grande ampleur. Les États généraux de l’outre-mer ont mis en évidence la nécessité d’une plus grande cohérence entre les actions des différents acteurs afin que les moyens mis en œuvre soient cohérents avec les besoins des différents territoires. C’est dans cette perspective qu’a été signé un contrat d’objectifs avec l’ANT. L’État accompagne les acteurs locaux compétents, notamment les conseils généraux.

– Je voudrais également retenir sur la question du service militaire adapté : il n’est pas question d’instaurer un SMA au rabais comme j’ai pu l’entendre. Avec un taux d’insertion à la sortie de 80 %, le SMA est une véritable réussite. Ce constat justifie le projet d’élargissement de ses capacités. Nous tenons aussi compte des évolutions sur le terrain : certains industriels, en Nouvelle-Calédonie notamment, se sont déclarés prêts à assurer une partie de la formation. Dès lors, une réduction de la durée de prise en charge par le SMA est envisageable. Il ne faut y voir aucune volonté du Gouvernement de réduire l’efficacité du SMA. Seul un souci d’efficacité le guide en la matière pour mieux adapter le dispositif aux besoins en termes d’emplois.

– En matière de logement, et notamment de disponibilité foncière, il est important d’adapter la réponse donnée aux caractéristiques propres de chaque territoire. Le montage des opérations exige de la souplesse. C’est ce que permettent les conventions d’action foncière, dont un nombre important a été signé à la Réunion et aux Antilles. S’agissant de la lutte contre l’habitat indigne, la législation doit être adaptée aux réalités de l’outre-mer - je songe notamment aux procédures de l’ANRU. En réponse au Président Ollier, j’indique que la défiscalisation en matière de logement est budgétisée à hauteur de 110 millions d’euros pour 2010, mais que ce montant est appelé à s’accroître dans les années à venir, après la publication des décrets d’application de la LODEOM.

– S’agissant de la question de la formation des prix des carburants, il a été tenu compte dans le décret d’application – qui sera l’un des tout premiers publiés – à la fois des conclusions de l’Autorité de la concurrence et de neuf des préconisations formulées par la mission parlementaire. La complexité du dossier exige un traitement progressif des problèmes, s’attaquant d’abord au gel des prix, puis aux questions de distribution et d’approvisionnement. Là encore, la réponse ne sera pas unique sur l’ensemble des territoires. Si aux Antilles les normes européennes seront appliquées, la Guyane a demandé qu’il lui soit fait application de l’article 299-2 du Traité sur l’Union européenne lui permettant de déroger aux règles communautaires en matière d’acquisition des carburants. L’objectif commun à tous les territoires de baisse des prix se traduira ainsi différemment sur le terrain.

– Le plan chlordécone, doté de 33 millions d’euros, est piloté dans un cadre interministériel ; c’est pourquoi il n’apparaît pas, en tant que tel, dans le projet annuel de performances de la mission outre-mer ; le ministère a cependant contribué, à hauteur de 300 000 euros sur ses crédits propres, au soutien aux jardins familiaux ; les arrêtés de suspension de la pêche récemment intervenus ne le sont qu’en attente du résultat des prélèvements opérés et de l’avis consécutif de l’AFSSA.

– L’amélioration de la continuité territoriale ne dépend pas seulement des fonds qui lui sont affectés mais aussi de l’extension des dessertes aérienne et maritime, notamment à Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que de la baisse du prix des billets.

– La départementalisation de Mayotte se poursuit selon le calendrier prévu et, en particulier, la présentation aux populations du Pacte pour la départementalisation ; la justice cadiale sera supprimée dans l’île avant la fin 2011 ; l’amélioration du fonctionnement de la commission de révision de l’état civil bénéficiera en 2010 d’une dotation spéciale de 300 000 euros afin d’accélérer l’informatisation des services communaux.

– Les consultations populaires devant être organisées à la Martinique et en Guyane pour l’application des articles 74 et 73 de la Constitution se tiendront les 17 et 24 janvier prochain, après qu’un débat aura eu lieu, début décembre, avec la représentation nationale.

– En Polynésie, l’amélioration de la sécurité civile passe par la mise en place, en concertation avec les élus locaux, d’un établissement public d’incendie et de secours.

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Puis, la Commission a examiné pour avis les crédits de la mission « Outre-mer », sur le rapport de M. Alfred Almont.

Conformément à l’avis du rapporteur sur les crédits de la mission « Outre-mer », la Commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission pour 2010.

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