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N
° 1970

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2009.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2010 (n° 1946),

TOME IX

PRÉLÈVEMENT EUROPÉEN

(Article 33 : Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes
de l’État au titre de la participation de la France
au budget des Communautés européennes)

par M. Roland BLUM,

Député

Voir le numéro : 1967

INTRODUCTION 5

I – LE PROJET DE BUDGET EUROPÉEN POUR 2010 : UNE CONTRIBUTION FRANÇAISE EN HAUSSE TENDANCIELLE DANS L’ATTENTE DES RÉFORMES DU CADRE FINANCIER 7

A − LE QUATRIÈME BUDGET DES PERSPECTIVES FINANCIÈRES 2007-2013, MODULÉ À LA MARGE POUR ACCOMPAGNER LES PLANS DE RELANCE NATIONAUX 7

1) Un avant-projet de budget de la Commission pour 2010 de 138,6 milliards d’euros 8

2) Le Conseil, traditionnellement plus restrictif, a réduit le montant global de quelque 600 millions d’euros 10

3) Le Parlement européen se prononce en séance plénière le 22 octobre 15

4) La contribution du budget de l’Union au plan de relance est marginale 16

B − UNE CONTRIBUTION FRANÇAISE EN HAUSSE TENDANCIELLE, MAIS FLUCTUANTE 18

1) Une hausse sur longue période et un pic en 2009 18

2) Les aléas de la prévision du montant du prélèvement européen 19

3) L’impact rétroactif de l’application au 1er janvier 2007 de la nouvelle décision « ressources propres » 20

4) L’incontournable mesure des soldes nets : une lente dégradation de la position française 21

C − LES INCERTITUDES DE LA RÉFORME BUDGÉTAIRE, ENTRE UN RÉEXAMEN À MI-PARCOURS QUI TARDE À VENIR ET LES PROMESSES DU TRAITÉ DE LISBONNE 24

1) Une clause de rendez-vous manqué ? 24

2) Le Traité de Lisbonne donnera davantage de poids au Parlement européen dans la procédure budgétaire 25

II – LA CANDIDATURE DE L’ISLANDE EN VUE DE SON ADHÉSION À L’UE : DÉBUT D’UNE SAGA ? 29

A − UNE CANDIDATURE FORMELLE LONGTEMPS RETARDÉE EN DÉPIT D’UN IMPORTANT RAPPROCHEMENT AVEC L’UNION EUROPÉENNE 29

1) L’Islande a toujours cultivé son indépendance 29

2) Un indéniable ancrage européen 30

B − UNE ADHÉSION AUJOURD’HUI ASSIDÛMENT PRÉPARÉE PAR L’ADMINISTRATION, DANS UN CONTEXTE DE CRISE QUI LAISSE L’OPINION PUBLIQUE ET LA CLASSE POLITIQUE DIVISÉES ET DÉSABUSÉES 31

1) S’appuyant sur une administration efficace, l’Islande ne demande pas de coupe-file mais un traitement équitable 31

a) Du dépôt de candidature jusqu’à l’adhésion : un long chemin 31

b) L’Islande, en ce début de processus, impressionne par sa rapidité 34

2) À l’incertitude quant au calendrier de négociation s’ajoute celle liée à la grande instabilité politique du pays, que cristallise l’affaire Icesave 39

CONCLUSION 45

EXAMEN EN COMMISSION 47

ANNEXE : AUDITIONS DU RAPPORTEUR 53

Mesdames, Messieurs,

De nouveau cette année, la commission des Affaires étrangères a souhaité intervenir dans les débats de première partie du projet de loi de finances, à l’occasion de l’examen de l’article autorisant le prélèvement sur les recettes de l’État au profit des Communautés européennes. Deux raisons principales motivent cette intervention.

En premier lieu, le débat budgétaire est le lieu privilégié de la réflexion collective sur le financement de l’Union européenne et sur les implications, pour les contribuables que sont nos concitoyens européens, de notre participation à l’aventure communautaire. Au demeurant, comme votre Rapporteur l’avait indiqué dans un rapport d’information paru en mars dernier (1), la grande consultation organisée par la Commission afin de préparer ce qui devait être la « revue à mi-parcours » des perspectives financières de l’Union – censée se tenir en 2008-2009 – est désormais achevée. Certains États membres continuent de demander une proposition de la Commission dès que possible afin d’organiser un tel réexamen suffisamment en amont des négociations sur les prochaines perspectives financières. Par ailleurs, ce mécanisme de cadrage financier pluriannuel est institutionnalisé par le Traité de Lisbonne et la commission des Affaires étrangères tenait à saluer, quelques jours après le « oui » franc et massif du peuple irlandais à ce Traité, suivi par son avant-dernière ratification avec la signature du Président polonais, la prochaine entrée en vigueur d’un texte indispensable au meilleur fonctionnement de l’Union, à 27 États membres ou davantage.

Voilà qui constitue la seconde motivation du présent rapport pour avis. Votre Rapporteur a souhaité analyser la dernière demande d’adhésion en date à avoir été soumise à l’Union européenne : celle de l’Islande. En effet, nonobstant la situation particulière de ce pays, à la fois à l’égard de l’UE depuis plusieurs années et sur le plan intérieur depuis octobre 2008, la position de la France à l’égard de toute nouvelle adhésion pouvait se résumer en deux points :

– pas d’élargissement supplémentaire avant l’entrée en vigueur du nouveau Traité ;

– pas d’adhésion « préférentielle » qui soit susceptible de décourager les efforts accomplis en vue de leur propre adhésion par les États des Balkans occidentaux.

À l’heure où l’administration islandaise met la dernière main aux réponses demandées par la Commission européenne en vue de l’avis qu’elle devra transmettre au Conseil quant à l’ouverture des négociations d’adhésion proprement dites, il était éminemment intéressant de faire le point sur la candidature de l’Islande, particulière à bien des égards. Le présent rapport confirme que, dans l’hypothèse d’une ouverture prochaine des négociations, le principal point dur serait le thème de la pêche ; mais votre Rapporteur ne se veut pas exagérément pessimiste à ce sujet. Et dans l’ensemble, la candidature de l’Islande ne manque pas d’atouts maîtres.

Un obstacle majeur devra pourtant être levé au préalable : le règlement de l’affaire Icesave, du nom d’une banque en ligne, filiale au Royaume-Uni et aux Pays-Bas d’une banque islandaise, dont la quasi-faillite a provoqué une onde de choc telle qu’elle menace de bloquer à la fois le sauvetage financier du pays… et l’avenir du gouvernement de coalition de centre gauche pro-européen arrivé au pouvoir en avril dernier. Bien que non directement lié à l’adhésion, ce dossier prime tous les autres à l’heure actuelle et révèle l’ampleur des prolongements de la crise qui frappe ce pays de 320 000 habitants naguère si prospère.

Tel est donc le double objet du présent rapport pour avis. Sa préparation aura été grandement facilitée par la compétence et l’acuité d’analyse des interlocuteurs de votre Rapporteur (2), qui tient à remercier ici chacun d’entre eux. Que soient tout particulièrement remerciés Madame l’Ambassadeur de France à Reykjavik et son équipe, pour leur disponibilité et leur engagement.

I – LE PROJET DE BUDGET EUROPÉEN POUR 2010 :
UNE CONTRIBUTION FRANÇAISE EN HAUSSE TENDANCIELLE
DANS L’ATTENTE DES RÉFORMES DU CADRE FINANCIER

A − Le quatrième budget des perspectives financières 2007-2013, modulé à la marge pour accompagner les plans de relance nationaux

La contribution de la France au budget des Communautés européennes, sous forme de prélèvement sur les recettes de l’État, évaluée à 18,2 milliards d’euros pour 2010, viendra financer un budget européen déclinant pour la quatrième année les perspectives financières de la période 2007-2013 :

PERSPECTIVES FINANCIÈRES 2007-2013

(crédits d’engagement, en millions d’euros de 2004)

Rubriques

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Total

1. Croissance durable

51 627

52 415

53 616

54 294

55 368

56 876

58 303

382 139

1a. Compétitivité pour la croissance et l’emploi

8 404

9 097

9 754

10 434

11 295

12 153

12 961

74 098

1b. Cohésion pour la croissance et l’emploi

42 863

43 318

43 862

43 860

44 073

44 723

45 342

308 041

2. Conservation et gestion des ressources naturelles

54 895

54 322

53 666

53 035

52 400

51 775

51 161

371 344

dont dépenses de marché et paiements directs

43 120

42 697

42 279

41 864

41 453

41 047

40 645

293 105

3. Citoyenneté, liberté, sécurité et justice

1 199

1 258

1 380

1 503

1 645

1 797

1 988

10 770

3a. Liberté, sécurité et justice

600

690

790

910

1 050

1 200

1 390

6 630

3b. Citoyenneté

599

568

590

593

595

597

598

4 140

4. L’Union européenne, acteur mondial

6 199

6 469

6 739

7 009

7 339

7 679

8 029

49 463

5. Administration (*)

6 633

6 818

6 973

7 111

7 255

7 400

7 610

49 800

6. Compensations

419

191

190

800

Total des crédits pour engagement

120 702

121 473

122 564

122 952

124 007

125 527

127 091

864 316

en  % du RNB communautaire

1,1 %

1,08 %

1,07 %

1,04 %

1,03 %

1,02 %

1,01 %

1,048 %

Total des crédits pour paiement

116 650

119 620

111 990

118 280

115 860

119 410

118 970

820 780

en  % du RNB communautaire

1,06 %

1,06 %

0,97 %

1 %

0,96 %

0,97 %

0,94 %

1 %

Marge pour imprévus

0,18 %

0,18 %

0,27 %

0,24 %

0,28 %

0,27 %

0,3 %

0,24 %

Plafond des ressources propres

1,24 %

1,24 %

1,24 %

1,24 %

1,24 %

1,24 %

1,24 %

1,24 %

(*) S’agissant des dépenses de pensions, les montants pris en compte sous le plafond de cette rubrique sont calculés nets des contributions du personnel au régime correspondant, dans la limite de 500 millions d’euros aux prix de 2004 pour la période 2007-2013.

Source : accord interinstitutionnel du 17 mai 2006, paru au Journal officiel de l’Union européenne le 14 juin 2006.

Dans le respect du plafond des ressources propres, les perspectives financières, convenues par la voie d’un accord interinstitutionnel entre la Commission, le Conseil et le Parlement européen, établissent les grandes priorités budgétaires, ainsi que l’ampleur maximale et la composition des dépenses de la Communauté.

Ainsi, pour chaque année de la période de programmation, le cadre financier définit les plafonds, c’est-à-dire les montants maxima en crédits d’engagement, de chacune des cinq rubriques du budget communautaire. Un plafond annuel est également fixé pour les crédits de paiement. Ce plafond est global et non pas divisé par rubrique.

Le cadrage global en dépenses représente, en crédits d’engagement sur la période, 864 milliards d’euros (en euros constants de 2004), soit 1,05 % du revenu national brut (RNB) de l’Union européenne, taux en vigueur depuis la décision du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2008.

1) Un avant-projet de budget de la Commission pour 2010 de 138,6 milliards d’euros

La Commission a présenté le 29 avril 2009 l’avant-projet de budget pour 2010. Cet avant-projet table sur un montant de 138,56 milliards d’euros en crédits d’engagement (soit 1,18 % du RNB de l’Union européenne) et de 122,32 milliards d’euros en crédits de paiement, en hausse respectivement de 1,5 % et de 5,3 % par rapport au budget 2009.

Comme le retrace l’annexe « jaune » au projet de loi de finances pour 2010 consacré aux relations financières avec l’UE, la répartition des crédits d’engagement se traduit par :

− une baisse « optique » des montants de la rubrique 1a « Compétitivité » (− 7,3 %). La baisse de crédits par rapport à 2009 n’est en effet qu’apparente puisqu’elle est la conséquence du financement exceptionnel de 2 milliards d’euros, mobilisé dans le cadre du plan européen de relance économique (cf. infra page 16). Hors plan de relance, les crédits d’engagement sont ainsi en hausse de 8,4 % ;

− une augmentation de 2 % des crédits de la politique de cohésion. Il s’agit de la première année des perspectives financières actuelles où les crédits de la politique de cohésion seront destinés en majorité aux pays de « l’UE-12 », c’est-à-dire les douze pays ayant intégré l’Union depuis 2004 à la faveur du « grand élargissement ». Ils recevront 52 % des fonds. Ce meilleur ciblage progressif de la politique de cohésion sur les États en ayant le plus besoin était l’un des engagements des perspectives financières 2007-2013 ;

− une augmentation importante des crédits de la rubrique 2 « Conservation et gestion des ressources naturelles », support de la Politique agricole commune (+ 4 %), masquant une évolution contrastée entre les deux « piliers » de la PAC. Les aides directes et dépenses de marché bénéficient en effet d’une hausse de crédits de 6,4 %, tandis que les dépenses de développement rural subissent une baisse de 4,9 % ;

− une augmentation significative des crédits de la rubrique 3a « Liberté, sécurité et justice » (+ 13,5 %), qui recouvre notamment les politiques de lutte contre la criminalité et le terrorisme ainsi que la gestion des flux migratoires ;

− une baisse de 2 % des crédits de la rubrique 3b « Citoyenneté », due notamment à l’inscription dans le budget 2009 de 12 millions d’euros pour le Fonds de solidarité de l’Union européenne ;

− une baisse des crédits d’engagement de la rubrique 4 « Actions extérieures » de 2,3 %. Hors dépenses au titre de la « facilité alimentaire », incluses dans le budget 2009, l’évolution est de + 1,8 % ;

− une hausse moyenne des dépenses administratives de 2,1 %, la Commission affichant une hausse plus modérée de ses dépenses de 0,9 %.

Conformément aux perspectives financières, aucun montant, ni en crédits d’engagement ni en crédits de paiement, n’est prévu pour la rubrique 6 « Compensation », mise en place lors des élargissements.

Le schéma suivant synthétise ces données :

AVANT-PROJET DE BUDGET DE LA COMMISSION POUR 2010
(Crédits d’engagement)



Source : Commission européenne.

Quant aux crédits de paiement prévus dans cet avant-projet de budget de la Commission, ils s’élèvent pour 2010 à 122,3 milliards d’euros, soit 1,23 % du RNB de l’Union européenne. Ce montant, on l’a dit, représente une augmentation de 5,3 % par rapport à 2009.

Toujours selon l’annexe « jaune » au PLF 2010, l’évolution des crédits de paiement s’explique par les éléments suivants :

− une baisse des crédits de paiement de 1,1 % pour la rubrique « Compétitivité », due à la clôture du 6e Programme-cadre de recherche et développement et au rythme des préfinancements du 7e Programme-cadre ;

− une augmentation de 4,1 % des dépenses de la politique de cohésion ;

− une augmentation importante de la dotation de la rubrique 2 « Conservation et gestion des ressources naturelles » (+ 10,5 %). Les crédits de paiement du développement rural augmentent très fortement (+ 31 %) ainsi que les dépenses de marché et aides directes qui progressent de 10 % par rapport à 2009 ;

− une hausse importante des crédits de paiement de la rubrique 3a « Liberté, sécurité, justice » (+ 16,6 %) ;

− des crédits de la rubrique 3b « Citoyenneté », quant à eux, en baisse de 7,4 % (− 5,8 % hors Fonds de solidarité) ;

− une baisse des dépenses de la rubrique 4 de 7,9 %, en raison du financement en 2009 de la facilité alimentaire et de la diminution importante des « restes à liquider ».

2) Le Conseil, traditionnellement plus restrictif, a réduit le montant global de quelque 600 millions d’euros

Lors du Conseil ECOFIN du 10 juillet 2009, a été adopté à l’unanimité le projet de budget 2010, établi à la lumière des principes suivants :

− une prise en compte des taux d’exécution constatés sur les exercices antérieurs et des capacités d’absorption réelle des différents programmes ;

− le rejet de toute création d’emplois dans les agences, à l’exception des nouvelles agences créées en 2010 et de Frontex, chargée de la surveillance des frontières extérieures de l’Union ;

− l’absence, à ce stade, d’inscription de crédits résultant de la mise en œuvre du traité de Lisbonne ;

− le maintien d’un niveau suffisant de marges sous les plafonds (3) de chaque rubrique.

Le projet de budget pour 2010 établi sur ces fondements présente un niveau de crédits d’engagement inférieur de 613 millions d’euros à l’avant-projet de budget de la Commission. Les coupes proposées dans le projet de budget conduisent ainsi à un niveau de crédits d’engagement de près de 138 milliards d’euros, ce qui porte la marge sous plafond à 2,4 milliards d’euros. L’essentiel des réductions se répartit comme suit :

− 100 millions d’euros sur la rubrique 1a « Compétitivité pour la croissance et l’emploi », ce qui porte la marge sous plafond à 218 millions d’euros ;

− aucune coupe n’est proposée dans la rubrique 1b « Cohésion pour la croissance et l’emploi », conformément à l’accord interinstitutionnel ;

− 363 millions d’euros sur la rubrique 2 « Conservation et gestion des ressources naturelles », dont 230 millions d’euros résultant d’une réévaluation à la hausse des apurements ;

− 18 millions d’euros de diminution sur la rubrique 3 « Liberté, sécurité, justice » ;

− 89 millions d’euros sur la rubrique 4 « L’Union européenne en tant qu’acteur mondial », les réductions portant majoritairement sur l’instrument de pré-adhésion. La marge est ainsi augmentée par rapport à l’avant-projet de budget, passant de 221 à 310 millions d’euros ;

− 40 millions d’euros sur la rubrique 5 « Administration ».

PROJET DE BUDGET DU CONSEIL POUR 2010
(Crédits d’engagement)

Source : « jaune » annexé au PLF 2010.

En crédits de paiement, le montant du projet de budget est inférieur de 1,8 milliard d’euros à l’avant-projet, ce qui établit ce projet de budget à 121 milliards d’euros. L’augmentation du budget 2010 par rapport au budget 2009 se trouve ainsi ramenée à 3,7 % contre 5,3 % dans l’avant-projet de la Commission.

Les diminutions, équilibrées en volume entre les rubriques 1a, 2 et 4, se répartissent de la manière suivante :

− 408 millions d’euros sur la rubrique 1a « Compétitivité pour la croissance et l’emploi », diminutions justifiées par les taux d’exécution des différents programmes ;

− 293 millions d’euros sur la rubrique 1b « Cohésion pour la croissance et l’emploi ». Les coupes portent sur les objectifs « compétitivité régionale et emploi » pour 263 millions d’euros et « coopération territoriale européenne » pour 30 millions d’euros ; elles laissent intacts les crédits destinés aux nouveaux États membres ;

− 492 millions d’euros sur la rubrique 2 « Conservation et gestion des ressources humaines », résultant d’une réévaluation des refus d’apurement d’une part et portant sur les dépenses d’intervention d’autre part ;

− 508 millions d’euros sur la rubrique 4, dont 166 millions d’euros concernant l’instrument de pré-adhésion. La présidence suédoise s’est éloignée de la pratique des présidences portugaise et française en ne provisionnant pas de montants pour certaines priorités, susceptibles de nécessiter un abondement de crédits par le biais d’une lettre rectificative à l’avant-projet de budget ;

− 40 millions d’euros sur la rubrique 5 « Administration » (15 millions d’euros sur les dépenses de la Commission et 25 millions d’euros sur celles des autres institutions).

Si le niveau des réductions est équilibré en volume entre les rubriques 1a, 2 et 4, il apparaît déséquilibré rapporté au montant des crédits de paiement de chacune de ces rubriques, en faisant porter l’effort le plus important sur les crédits de paiement de la rubrique 4 « L’Union européenne, acteur mondial ».

En définitive, le compromis de la présidence durcit, sans surprise, l’avant-projet de la Commission, avant d’engager la concertation avec le Parlement européen, traditionnellement mieux-disant en termes de dépenses. Il vise, par ailleurs et là encore de façon attendue, à réduire la budgétisation jugée excessivement large des crédits de paiement qui pèse, in fine, sur le montant des contributions nationales.

Le Conseil ECOFIN Budget du 10 juillet 2009 a également été l’occasion de l’adoption de quatre déclarations. La première, commune avec le Parlement européen, est traditionnelle et insiste sur la nécessité de pourvoir tous les postes liés aux élargissements de 2004 et de 2007. Trois déclarations unilatérales ont en outre été adoptées :

− le Conseil a demandé à la Commission de présenter un budget rectificatif, dans l’éventualité où les crédits de paiement ne seraient pas suffisants pour couvrir les dépenses des rubriques 1a, 1b et 4 ;

− la deuxième déclaration souligne la marge laissée sous le plafond de la rubrique 4 afin de permettre à la Commission de présenter une lettre rectificative, conformément à ce qu’elle avait annoncé ;

− enfin, une déclaration sur la politique immobilière des institutions et agences a été adoptée à l’initiative de la présidence suédoise.

Par ailleurs, l’Allemagne a formulé une déclaration unilatérale concernant l’aide alimentaire pour les personnes les plus démunies (500 millions d’euros). Elle estime que la mise en œuvre de ce programme devrait être suspendue dans l’attente du jugement du Tribunal de première instance appelé à statuer sur son recours.

TABLEAU COMPARATIF ENTRE BUDGET 2009, AVANT-PROJET DE BUDGET 21010
DE LA COMMISSION ET PROJET DE BUDGET 2010 DU CONSEIL

(en millions d’euros)

Rubriques

Budget 2009
(budgets rectificatifs
1 à 5 inclus)

Avant-projet de budget 2010 (Commission) [APB]

Projet de budget 2010 (Conseil) [PB]

Différence PB / APB

 

CE

CP

CE

CP

CE

CP

CE

CP

1a. Compétitivité
(y compris FEM)

13 775

11 106

12 769

10 982

12 670

10 574

− 100

− 408

Total hors FEM

13 275

11 106

12 269

10 982

12 170

10 574

− 100

 

Plafond

   

12 388

 

12 388

 

0

 

Marge

   

119

 

218

 

100

 

Pour information : montant du FEM

500

 

500

 

500

     

1b. Cohésion

48 427

34 963

49 382

36 382

49 382

36 089

0

− 293

Plafond

   

49 394

 

49 394

 

0

 

Marge

   

12

 

12

 

0

 

2. Conservation et gestion des ressources naturelles

56 721

52 566

59 004

58 075

58 640

57 583

− 363

− 491

Plafond

   

60 113

 

60 113

 

0

 

Marge

   

1 109

 

1 473

 

0

 

3a. Liberté, sécurité et justice

864

617

980

720

974

692

− 6

− 28

Plafond

   

1 025

 

1 025

 

0

 

Marge

   

45

 

51

 

6

 

3b. Citoyenneté

663

691

649

640

634

614

− 15

− 26

Plafond

   

668

 

668

 

0

 

Marge

   

19

 

34

 

15

 

4. L’UE, acteur mondial (y compris réserve pour aides d’urgence)

8 104

8 324

7 921

7 665

7 832

7 156

− 89

− 508

Total hors aides d’urgence

7 860

8 080

7 672

 

7 583

7 156

− 89

 

Plafond

   

7 893

 

7 893

 

0

 

Marge

   

221

 

310

 

89

 

Pour information : montant réserve aides d’urgence

244

244

249

 

249

     

5. Administration (y compris pensions)

7 695

7 695

7 851

7 852

7 812

7 812

− 40

− 40

Total hors pensions

7 617

 

7 771

 

7 732

 

− 40

 

Plafond

   

8 008

 

8 008

 

0

 

Marge

   

237

 

276

 

40

 

Pour information : montant des pensions

78

 

80

         

6. Compensations

209

209

0

0

0

0

0

0

TOTAL

   

138 557

122 316

137 944

120 521

− 613

− 1 795

Plafond

   

139 489

134 155

139 489

134 155

   

Marge

   

1 761

12 168

2 374

13 634

   

CE : crédits d’engagement − CP : crédits de paiement.

La marge pour les CE se calcule sans prendre en compte la réserve pour aide d’urgence (rubrique 4 : 249 M€), le Fonds d’ajustement à la mondialisation (rubrique 1 : 500 M€) et un montant de 80 M€ au titre des pensions (rubrique 5).

La marge en CE est l’écart entre le plafond du cadre financier et les crédits proposés puis votés : elle se calcule par rubrique.

La marge en CP est l’écart entre le plafond du cadre financier et les crédits proposés puis votés pour l’ensemble du budget : il n’y a pas de calcul de marge en CP par rubrique.

Source : document du conseil du 26 juin 2009, reproduit dans le « jaune » annexé au PLF 2010.

3) Le Parlement européen se prononce en séance plénière le 22 octobre

Davantage de moyens pour le plan de relance économique et 300 millions d’euros pour un « fonds laitier » : telles devraient être les principales demandes des députés lorsqu’ils voteront le budget 2010 de l’UE en première lecture, si l’on en juge par les votes émis en commission des budgets du Parlement européen.

En effet, « Le plan de relance est nouveau et ne peut, par conséquent, être financé par l’ancien cadre financier pluriannuel. Ce plan est impossible à gérer sans argent frais », a déclaré après le vote le rapporteur, M. Lászlo Súrján. Au total, les députés de la commission des budgets ont demandé, par trois amendements adoptés à l’unanimité, 1,5 milliard d’euros supplémentaires en crédits de paiement et 1,98 milliard d’euros en crédits d’engagement pour financer le volet énergétique du plan de relance : en crédits de paiement, 800 millions d’euros pour les infrastructures de gaz et d’électricité, 450 millions d’euros pour le parc d’éoliennes en mer et 250 millions d’euros pour la capture et le stockage du carbone. Il serait possible de procéder à cette augmentation en vertu des articles 21 à 23 de l’accord interinstitutionnel. Votre Rapporteur note que la commission des budgets a examiné plus de 1 200 amendements pendant quatre jours de réunion.

La plénière devra aussi voter sur la création d’un « fonds laitier ». La commission des budgets a proposé un montant de 300 millions d’euros pour ce fonds, en dessous des 600 millions proposés par les députés lors de la session plénière de septembre. La commission des budgets a considéré que cette nouvelle somme était plus réaliste en vue des prochaines négociations avec le Conseil. Elle a préféré demander le financement de mesures de soutien supplémentaires, en plus du fonds laitier, d’un montant total de 631 millions d’euros.

Si la plénière confirme la position volontariste de la commission des budgets, le budget 2010 de l’Union atteindra 127,5 milliards d’euros en paiements – les montants à débourser en 2010 pour l’exécution des engagements souscrits pour l’année en cours et les années précédentes. Comme de coutume, ce montant est supérieur à celui demandé par le Conseil (120,5 milliards d’euros) et la Commission (122,3 milliards d’euros). En crédits d’engagements, la commission des budgets a demandé 141,7 milliards d’euros, soit nettement plus que le Conseil (137,9 milliards d’euros) et la Commission (138,6 milliards d’euros).

Le vote du budget 2010 en session plénière est prévu à Strasbourg, le jeudi 22 octobre, et sera précédé par un débat, le mardi 20 octobre. Nul doute que celui-ci portera notamment sur la nécessité de donner au plan de relance plus d’ampleur qu’il n’en a eu jusqu’à présent.

4) La contribution du budget de l’Union au plan de relance est marginale

À la suite de la communication de la Commission du 26 novembre 2008 portant sur un plan de relance européen, le Conseil et le Parlement européen sont parvenus à un accord sur la contribution du budget de l’UE au plan de relance.

Une enveloppe de 5 milliards d’euros est ainsi consacrée au financement du plan de relance selon deux axes :

− 3,98 milliards d’euros (2 milliards d’euros au titre de l’année 2009 et 1,98 milliard d’euros au titre de l’année 2010) sont destinés au financement de projets dans le domaine de l’énergie dans le cadre de la rubrique 1a du budget ;

− 1,02 milliard d’euros (dont 600 millions d’euros au titre de l’année 2009) sont consacrés au financement de projets en lien avec le développement de l’Internet à haut débit en zone rurale et les mesures « nouveaux défis » du bilan de santé de la PAC dans le cadre de la rubrique 2 du budget.

Le bilan de santé de la PAC adopté sous présidence française

Le 20 novembre 2008, le Conseil européen a adopté le bilan de santé de la PAC qui a l’ambition de moderniser, simplifier et rationaliser la politique agricole commune. L’objectif est de permettre à l’agriculture européenne de pouvoir s’adapter aux nouveaux défis agroalimentaires et environnementaux, y compris le changement climatique. Les principes retenus au niveau européen laissent une certaine marge de manœuvre aux États membres. Le bilan de santé de la PAC établit un certain nombre de mesures :

– suppression des jachères obligatoires ;

– suppression progressive des quotas laitiers d’ici à avril 2015 ;

– conditionnalité en termes de respect de normes dans les domaines de l’environnement, du bien-être animal et de la qualité des aliments ;

– découplage des aides (suppression du lien existant entre des paiements et une production particulière, à l’exception des primes à la vache allaitante et aux ovins et caprins) ;

– révisions des mécanismes d’intervention afin de permettre l’adaptation des agriculteurs aux évolutions du marché ;

– aide aux secteurs rencontrant des problèmes spécifiques (mesures dites de l’article 68) ;

– prolongation du régime à paiement unique à la surface jusqu’en 2013 ;

– possibilité d’utiliser les fonds actuellement non dépensés du régime à paiement unique dans le cadre de l’article 68 ou en faveur du développement rural ;

– financement supplémentaire pour les agriculteurs des 12 nouveaux États membres de l’UE (90 millions d’euros) ;

– transfert de fonds entre le budget des aides directes et celui du développement rural (le taux de modulation obligatoire passe de 5 à 10 %, avec une majoration de 4 % appliquée aux paiements supérieurs à 300 000 euros par an) ;

– aides à l’investissement pour les jeunes agriculteurs (l’aide au titre du développement rural passant de 55 000 à 70 000 euros).

Au sein de l’enveloppe de 3,98 milliards d’euros pour les projets énergétiques, 2,365 milliards d’euros sont dévolus aux infrastructures de transport de gaz et d’électricité, 565 millions d’euros à des projets d’énergie éolienne en mer, et 1,05 milliard d’euros à des projets de captage et de stockage de carbone. Une liste de projets prioritaires dans les États membres a été établie, avec un chiffrage pour chacun d’entre eux.

En 2009, le financement de cette enveloppe est assuré comme suit :

− s’agissant du volet « énergie », 2 milliards d’euros de crédits d’engagement supplémentaires ont été mobilisés par le biais d’une révision des perspectives financières en application des points 21 à 23 de l’Accord interinstitutionnel : le plafond annuel de crédits d’engagement de la rubrique 1a « Compétitivité pour la croissance et l’emploi » a été relevé de 2 milliards d’euros, tandis qu’une baisse de 2 milliards d’euros du plafond de la rubrique 2 « Conservation et gestion des ressources naturelles » est venue compenser ce relèvement ;

− s’agissant du volet « développement de l’Internet à haut débit en zone rurale et bilan de santé de la PAC », les crédits d’engagement de la rubrique 2 ont été augmentés de 600 millions d’euros à partir de la marge sous plafond de la rubrique 2.

Le budget rectificatif n°4/2009 a transposé dans le budget communautaire l’accord politique dégagé sur ces modalités de financement : ont été inscrits un montant de crédits d’engagement supplémentaire de 2 milliards d’euros sur la rubrique 1a et un autre montant de 600 millions d’euros sur la rubrique 2.

En 2010, le reliquat de l’enveloppe (2,4 milliards d’euros) sera financé selon des modalités restant à définir lors de la conciliation de deuxième lecture de la procédure budgétaire 2010 et, le cas échéant, au cours de la procédure budgétaire 2011.

Eu égard à l’effet de levier théorique des financements communautaires, les montants dégagés par les États membres demeurent modestes. Les débats qui ont eu lieu à cette occasion entre les trois institutions ont été révélateurs des divergences d’approche quant au rôle à faire jouer au budget communautaire : simple financement d’appoint ou véritable outil de relance budgétaire.

B − Une contribution française en hausse tendancielle, mais fluctuante

1) Une hausse sur longue période et un pic en 2009

La contribution de la France au budget communautaire n’a cessé de croître sur longue période : le montant du prélèvement sur recettes au profit des Communautés européennes a été multiplié en valeur par plus de quatre entre 1982 et 2010, passant de 4,1 milliards d’euros en 1982 à 18,2 milliards d’euros en 2010. La contribution de la France au budget communautaire a représenté sur la période entre 16 à 20 % des ressources de l’Union européenne.

C’est cette tendance haussière qu’illustre le graphique suivant, qui utilise un ratio cohérent avec le fait que la contribution française est un prélèvement sur les recettes de l’État, le pourcentage des recettes fiscales nettes :

ÉVOLUTION DE LA CONTRIBUTION FRANÇAISE AU BUDGET EUROPÉEN

(en pourcentage des recettes fiscales nettes)

* Prévision

Source : ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique.

L’évolution de la part du prélèvement sur recettes dans les recettes fiscales nettes de l’État a logiquement suivi celle du budget communautaire dans le PNB / RNB des États membres :

− elle a augmenté entre 1982 et 1994, passant de moins de 4 % à environ 6,5 % pour couvrir la forte croissance des dépenses de la politique agricole commune et de la politique de cohésion ;

− elle est restée relativement stable à partir de 1994, évoluant dans une fourchette comprise entre 5,5 % et 6,5 %. Elle s’élève ainsi à 7,8 % en 2010 contre 6,47 % en 1994.

Le prélèvement sur les recettes de l’État au profit de l’UE pour 2010 fait l’objet d’une mesure de périmètre visant à ne plus comptabiliser les ressources propres traditionnelles dans ce prélèvement, et ce afin de répondre à deux préoccupations :

– d’une part, une demande de la Cour des comptes consistant à traiter les ressources propres traditionnelles en compte de trésorerie, ces ressources ne constituant pas des ressources de l’État mais des ressources de l’Union européenne collectées par les États membres pour le compte de l’Union ;

– d’autre part, le souci d’uniformiser le traitement comptable des ressources propres traditionnelles. Ces dernières sont en effet comptabilisées en compte de tiers en comptabilité générale, et en comptabilité nationale cette composante du prélèvement européen ne constitue pas une dépense.

La prévision du prélèvement figurant à l’article 33 du projet de loi de finances pour 2010 s’élève ainsi à 18,2 milliards d’euros tandis que les ressources propres traditionnelles à collecter par la France en 2010 sont estimées à 1,347 milliard d’euros. À périmètre constant par rapport à 2009, le prélèvement sur recettes s’élève ainsi à 19,5 milliards d’euros.

Ce prélèvement est en baisse par rapport à 2009, toujours à périmètre constant, ce qui s’explique notamment par l’arrêt de l’effet rétroactif de la nouvelle décision ressources propres au-delà de 2009 et par une part de la France dans le RNB de l’UE révisée à la baisse par rapport à 2009, bien que le budget communautaire évolue, lui, à la hausse.

2) Les aléas de la prévision du montant du prélèvement européen

Comme le précise l’analyse contenue dans le « jaune » précité annexé au projet de loi de finances, le prélèvement sur recettes est fluctuant et sa précision soumise aux nombreux aléas susceptibles d’avoir en cours d’année un impact sur son montant. Ces conditions rendent sa gestion délicate et contraignante, d’autant plus que le prélèvement est inclus dans la norme de dépenses de l’État depuis l’exercice 2008.

La prévision du prélèvement sur recettes inscrit en projet de loi de finances pour 2010 repose sur les hypothèses de la Commission européenne issues de l’avant-projet de budget pour 2010. S’agissant des dépenses, la prévision du prélèvement doit anticiper le montant des crédits de paiement adopté à l’issue de la procédure budgétaire. Cette anticipation se fonde, à titre conservatoire, sur le montant des crédits de paiement proposé par la Commission dans son avant-projet de budget, qui est traditionnellement proche du montant du budget voté en décembre. La prévision s’appuie ainsi sur un montant de crédits de paiement de 122,3 milliards d’euros. Ce montant est supérieur au niveau de 2009 en raison de la montée en puissance de la programmation financière.

La prévision du besoin de financement est cependant rendue incertaine du fait de l’indisponibilité des dernières informations budgétaires, notamment en matière agricole, lors de l’élaboration du projet de loi de finances. Celles-ci ne seront en effet connues qu’à l’automne, lorsque la Commission publiera sa lettre rectificative qui viendra amender l’avant-projet de budget.

Enfin, elle anticipe une hypothèse de « budget solde » à reporter en 2010 de 6,6 milliards d’euros qui viendra minorer les besoins au titre du prélèvement pour 2010. Cette hypothèse comprend à la fois une anticipation d’un moindre appel de fonds des États membres en janvier 2010, du fait d’annulations de crédits en fin d’année 2009, et d’un report de l’excédent budgétaire de 2009 sur 2010.

3) L’impact rétroactif de l’application au 1er janvier 2007 de la nouvelle décision « ressources propres »

La nouvelle décision sur le système des ressources propres est entrée en vigueur le 1er mars 2009, après ratification par l’ensemble des États membres. Les conclusions du Conseil européen des 19 et 20 décembre 2005 prévoyaient en effet que le processus de ratification devait être achevé au plus tard au début de l’année 2009 et que la décision prendrait effet le 1er janvier 2007, conformément à l’article 11 de la décision, avec application rétroactive.

L’application de la nouvelle décision ressources propres entraîne un surcoût temporaire pour la France. À la suite de l’entrée en vigueur de la décision le 1er mars 2009, il a été procédé aux ajustements de contribution des États membres pour les exercices 2007 et 2008 selon les nouvelles modalités de calcul introduites par la décision. La France a ainsi payé en 2009 les ressources dues rétroactivement au titre des exercices 2007 et 2008.

Il s’agit d’ajustements relatifs :

– au financement des taux réduits de TVA dont bénéficient l’Allemagne, la Suède, l’Autriche et les Pays-Bas, ce qui pèse sur la ressource RNB due par la France ;

– au financement des réductions sur la ressource RNB obtenues par les Pays-Bas et la Suède ;

– à l’incidence du nouveau taux d’appel de la ressource TVA sur les contributions à la ressource RNB. À la suite de la mise en œuvre des nouvelles règles relatives au taux d’appel de la ressource TVA, les contributions à la ressource TVA ont en effet diminué, et dès lors les contributions à la ressource RNB ont été ajustées et révisées à la hausse.

En 2009, la France a ainsi versé au budget de l’UE 1,096 milliard d’euros au titre des ajustements liés aux exercices 2007 et 2008. Elle est l’État le plus touché par cet effet rétroactif, devant l’Italie (949 millions d’euros), le Royaume-Uni (665 millions d’euros) et l’Espagne (593 millions d’euros). Trois États bénéficient directement de cet effet rétroactif : les Pays-Bas
(– 2,109 milliards d’euros), l’Allemagne (– 1,736 milliards d’euros) et la Suède
(– 708 millions d’euros). Le graphique suivant illustre les effets variables de cette décision rétroactive.

AJUSTEMENTS PAYÉS PAR LES ÉTATS MEMBRES AU TITRE DE L’EFFET RÉTROACTIF
DE LA DÉCISION RESSOURCES PROPRES ENTRÉE EN VIGUEUR LE 1ER MARS 2009

(en millions d’euros)

Source : « jaune » annexé au PLF 2010.

4) L’incontournable mesure des soldes nets : une lente dégradation de la position française

La France reste le deuxième financeur de l’Union, derrière l’Allemagne. En tenant compte des fonds communautaires perçus en retour, elle n’est cependant qu’un contributeur de second rang car elle reçoit beaucoup au titre de la politique agricole commune. En 2007, elle est même devenue le premier bénéficiaire des crédits européens, et a conservé cette première place en 2008.

La France n’en reste pas moins l’un des dix pays à payer plus qu’ils ne reçoivent, avec le Danemark, l’Allemagne, l’Italie, Chypre, les Pays-Bas, l’Autriche, la Finlande, la Suède et le Royaume-Uni. Le solde net était négatif de 3,5 milliards d’euros en 2007, comme le montre le tableau page suivante. Et la situation va en se dégradant, avec près de 4,5 milliards d’euros en 2008. « Une étude sur dix ans révèle une dégradation sensible du solde de la France, constamment négatif », indique le ministère du Budget dans l’annexe « jaune », précisant même que l’élargissement de l’Union européenne, les efforts de solidarité à l’égard des nouveaux membres et l’encadrement des dépenses agricoles devraient le dégrader encore fortement au cours des prochains exercices.

Fort heureusement, le même document rappelle que « la notion de solde net entre ce qu’un État membre verse au budget communautaire au titre des ressources propres et les dépenses de l’Union européenne effectuées sur son territoire ne saurait retracer la totalité des coûts et bénéfices de l’appartenance à l’Union européenne ». Cet exercice est en effet doublement limité : par l’impossibilité de répartir certaines dépenses entre États membres, notamment les dépenses effectuées au titre de la politique extérieure de l’Union et les dépenses de pré-adhésion ; et par l’existence de gains économiques non directement chiffrables, tels que les gains qu’entraîne l’appartenance à un marché unique ou ceux résultant, pour un État membre, de l’utilisation de fonds européens dans un autre État membre.

Le tableau page suivante, issu du rapport financier de la Commission pour 2008 paru en septembre dernier, récapitule sur dix ans l’évolution des soldes budgétaires opérationnels des États membres, selon la méthode dite « de la Commission ».

Source : rapport financier 2008 de la Commission européenne.

C − Les incertitudes de la réforme budgétaire, entre un réexamen à mi-parcours qui tarde à venir et les promesses du Traité de Lisbonne

1) Une clause de rendez-vous manqué ?

La difficile conclusion de la négociation relative aux actuelles perspectives financières comprenait un engagement de réexamen à mi-parcours de ce cadre pluriannuel, qui devait permettre de préparer suffisamment en amont les prochaines perspectives financières, en découplant du débat sur les montants à allouer à chaque rubrique la réflexion approfondie sur les dépenses et le financement de l’Union européenne.

La consultation lancée à cet effet par la Commission européenne en 2007 aurait dû aboutir cette année, l’ensemble des contributions des États membres − mais aussi d’autres participants − ayant été reçu et la commissaire alors en charge du budget ayant tiré quelques enseignements généraux de cette vaste consultation.

Une conférence de restitution des résultats a en effet été organisée le 12 novembre 2008. Selon la Commission, trois messages principaux ont pu être dégagés :

− trois grandes priorités ont émergé pour le futur budget de l’UE, la lutte contre le changement climatique, la compétitivité de l’UE dans une économie globale et la sécurité de l’approvisionnement énergétique ;

− la valeur ajoutée devrait être le principal critère justifiant le choix de dépenses au niveau de l’UE ;

− le système des ressources propres devrait être réformé pour mettre fin aux différents mécanismes de correction et à la ressource TVA, toutes deux sources d’opacité et de complexité.

Quant au Parlement européen, il a pour sa part adopté, le 24 mars dernier, un rapport sur la clause de réexamen aux termes duquel est préconisée une approche en trois étapes :

− une première phase de résolution des déficits et reliquats de la dernière négociation. Il s’agit de modifier de manière immédiate le cadre financier ;

− une deuxième phase d’adaptation et de prolongation de l’actuel cadre financier jusqu’en 2015-2016 ;

− une troisième phase de préparation du prochain cadre financier commençant en 2016-2017, sous la responsabilité du Parlement européen élu en 2014.

Pourtant, même si certains gouvernements semblent espérer que le réexamen puisse avoir lieu d’ici à la fin de 2009, le calendrier institutionnel compliqué qui caractérise le mandat de la Commission, en cette période de transition, semble un obstacle sérieux au respect de la « clause de rendez-vous ». Votre Rapporteur le regrette d’autant plus qu’il avait lui-même contribué au débat dans son rapport d’information précité.

Dans ces conditions, il n’est pas impossible que la réflexion sur les nouvelles perspectives financières, qui plus est dans le cadre rénové offert par le Traité de Lisbonne, prenne le pas sur le réexamen du cadre pluriannuel en cours d’exécution. Il reste toutefois à régler l’épineuse question juridique du passage de l’actuel cadre financier au prochain.

2) Le Traité de Lisbonne donnera davantage de poids au Parlement européen dans la procédure budgétaire

Parmi les avancées institutionnelles contenues dans le Traité de Lisbonne dont l’entrée en vigueur n’a jamais été aussi proche qu’aujourd’hui − puisque ne manque plus que l’achèvement d’une seule ratification avec la signature attendue du Président de la République tchèque −, figure une révision des dispositions financières de l’Union européenne, aussi bien en ce qui concerne les recettes que les dépenses.

La procédure budgétaire communautaire est modifiée ; le Parlement européen et le Conseil sont désormais sur un pied d’égalité : la distinction entre dépenses obligatoires, sur lesquelles le Conseil avait le dernier mot, et non obligatoires (dernier mot pour le Parlement européen) disparaît. De plus, le principe des deux lectures du projet de budget par le Parlement et le Conseil est remplacé par une lecture unique.

Le Traité de Lisbonne institutionnalise le cadre financier pluriannuel, qui doit être établi pour au moins cinq années. Il vise à « assurer l’évolution ordonnée des dépenses de l’Union dans la limite de ses ressources propres ». Il « fixe les montants annuels des crédits pour engagement par catégorie de dépenses et du plafond annuel des crédits pour paiement ».

Le traité prévoit également les dispositions relatives à l’adoption du règlement fixant ce cadre : le Conseil statue à l’unanimité après approbation du Parlement européen à la majorité. Le Conseil européen peut autoriser à l’unanimité le Conseil à adopter le règlement susmentionné à la majorité qualifiée. S’il y a impossibilité à déterminer le cadre financier, le cadre précédent est prolongé.

Concernant l’établissement du budget annuel de l’Union, chacune des institutions (sauf la Banque centrale européenne) rédige avant le 1er juillet un « état prévisionnel de ses dépenses pour l’exercice budgétaire suivant », que la Commission rassemble dans un projet de budget. Celle-ci transmet au Parlement européen ainsi qu’au Conseil une proposition contenant le projet de budget au plus tard le 1er septembre.

Le Conseil transmet au Parlement sa position sur la proposition de la Commission au plus tard le 1er octobre. Ensuite :

− si le Parlement approuve la position du Conseil, le budget est adopté ;

− s’il ne statue pas, il est réputé adopté ;

− s’il l’amende à la majorité, et si le Conseil n’approuve pas ces amendements, le projet est transmis au Conseil et à la Commission, dans le cadre du comité de conciliation, qui est créé par le traité. Ce comité de conciliation « a pour objectif d’aboutir, dans un délai de 21 jours à partir de sa convocation, à un accord sur un projet commun à la majorité qualifiée des membres du Conseil ou leurs représentants et à la majorité des membres représentant le Parlement ». Durant cette procédure, la Commission œuvre à rapprocher les positions des parties. Si la conciliation échoue, un nouveau projet doit être établi par la Commission. En cas d’accord au comité de conciliation, le Parlement et le Conseil disposent de 14 jours pour approuver le projet afin qu’il soit définitivement adopté.

Si ce n’est pas le cas, le Traité de Lisbonne présente les différentes situations possibles.

− Le projet commun est réputé adopté :

o si les deux institutions ne parviennent pas à statuer ;

o ou si l’une approuve et l’autre ne parvient pas à statuer.

− Une nouvelle procédure budgétaire est entamée :

o si les deux institutions rejettent le projet ;

o si l’une rejette et l’autre ne statue pas ;

o ou si le Parlement rejette et le Conseil approuve.

− Si le Conseil rejette le projet, mais que le Parlement l’approuve, ce n’est qu’avec la majorité des membres et les trois cinquièmes des suffrages exprimés qu’il peut surmonter l’opposition du Conseil.

L’impossibilité d’adopter un projet dans le temps imparti peut conduire à la reconduction mois par mois des crédits par chapitre approuvés l’année précédente, selon la procédure dite des « douzièmes provisoires ».

S’agissant du volet « recettes », comme précédemment, le traité prévoit que le budget est intégralement financé par des ressources propres. Dans le cadre du Traité de Lisbonne, le Conseil statue à l’unanimité, après avoir consulté préalablement le Parlement européen, et décide du système de ressources propres de l’UE. Le traité précise que « cette décision n’entre en vigueur qu’après approbation par les États membres ». La fixation des modalités du système de recettes est donc en grande partie régie par un fonctionnement intergouvernemental, le Parlement n’ayant qu’un rôle d’influence limitée.

Les schémas page suivante permettent de mesurer ce que changerait, par rapport à la pratique actuelle, l’application du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

PROCÉDURE BUDGÉTAIRE ACTUELLE

PROCÉDURE BUDGÉTAIRE
TELLE QUE PRÉVUE PAR LE TRAITÉ DE LISBONNE

II – LA CANDIDATURE DE L’ISLANDE EN VUE DE SON ADHÉSION À L’UE : DÉBUT D’UNE SAGA ?

A − Une candidature formelle longtemps retardée en dépit d’un important rapprochement avec l’Union européenne

1) L’Islande a toujours cultivé son indépendance

Longtemps, l’Islande s’est plu à souligner sa position géographique sur une ligne de faille tectonique, la dorsale médio-atlantique, la plaçant à peu près à même distance des continents européen et américain, ce qui correspondait bien à la mentalité d’un petit pays aujourd’hui peuplé de quelque 320 000 habitants, très jaloux de son indépendance recouvrée en 1944, certes « sous parapluie américain », après presque sept siècles de domination norvégienne et surtout danoise.

Même aujourd’hui, à l’heure où l’administration islandaise se met en ordre de marche pour obtenir rapidement le statut de pays candidat à l’entrée dans l’Union européenne, et à l’heure où, au-delà des débats compliqués sur cette adhésion, l’adoption de l’euro paraît la seule solution pour rétablir les finances publiques − bien mieux que ne le ferait l’adoption du dollar américain −, cette idée d’équidistance demeure vivace. Elle est surtout un signe de farouche indépendance. L’histoire du pays explique pour beaucoup cette attitude singulière.

Les dates-clefs de l’histoire de l’Islande (source : d’après www.touteleurope.fr)

Vers 330 : Pythéas découvre l’île de Thulé ou (Ultima Tule), vraisemblablement l’Islande.

Fin du VIIIe siècle : des moines irlandais s’installent sur l’île.

874 – 930 : « Âge de la colonisation ». Plusieurs milliers de Norvégiens s’installent sur l’île.

930 : arrivée des Vikings. Début de « l’Âge des sagas » (jusqu’en 1030), période de prospérité pour les Islandais. Création de l’Althing, premier Parlement de l’histoire, et naissance de la République d’Islande. Découverte du Groenland en 985 et de l’Amérique du Nord en l’an 1000. Les sagas scandinaves furent écrites en Islande de 1120 à 1130.

1262 : l’Islande perd son indépendance et passe sous domination norvégienne.

XIVe siècle : les éruptions de l’Hékla en 1300, 1341 et 1389 causent la mort de milliers de personnes et détruisent le pays.

1380 : soumission à la couronne danoise après l’union des monarchies danoise et norvégienne.

XVe siècle : la peste noire ravage l’Islande.

1800 : l’Althing est supprimé par le Danemark.

1874 : suite à la lutte pour l’indépendance menée par Jón Sigurðsson, le roi Christian IX de Danemark autorise l’établissement d’une Constitution qui permet aux Islandais de prendre en charge leurs affaires intérieures.

Fin du XIXe siècle : émigration de milliers d’Islandais vers le continent américain. La nation islandaise est confrontée à de très dures réalités.

1904 : l’Islande obtient un statut d’autonomie.

1915 : institution du suffrage universel.

17 juin 1944 : proclamation de l’indépendance et de la création de la République d’Islande. Sveinn Björnsson devient le premier Président de la République. Les troupes américaines s’installent jusqu’en 2006.

1947 : l’Islande est membre fondateur de l’OCDE.

1949 : l’Islande est membre fondateur de l’OTAN.

1950 : l’Islande rejoint le Conseil de l’Europe.

Années 1970 : « guerre de la morue ». L’extension de la limite des eaux territoriales des zones de pêche est refusée par les Britanniques. Multiplication des incidents entre garde-côtes islandais et navires anglais.

1970 : l’Islande adhère à l’Association européenne de libre-échange (AELE).

1972 : l’Islande signe un accord de libre-échange avec la CEE.

1980 : Vigdís Finnbogadóttir devient la première femme au monde Présidente de la République.

1994 : création de l’Espace économique européen, dont l’Islande est membre.

1996 : élection de Ólafur Ragnar Grímsson à la présidence de l’Islande. Légalisation des mariages homosexuels.

19 décembre 1996 : l’Islande signe la Convention de Schengen (entrée en vigueur : mars 2001).

2007 : l’Islande a le premier indice de développement humain au monde devant la Norvège.

Automne 2008 : l’Islande est particulièrement touchée par la crise financière.

16 juillet 2009 : l’Islande dépose sa candidature pour adhérer à l’Union européenne.

Parmi les dates mentionnées dans la chronologie ci-dessus à compter de l’après-Seconde Guerre mondiale, nombreuses sont celles qui ont contribué à arrimer l’Islande à l’Union européenne.

2) Un indéniable ancrage européen

Il est tentant de faire remonter les attaches européennes de l’Islande à sa fondation et à son premier peuplement par des moines irlandais et par des Norvégiens. L’actuel ministre islandais des Affaires étrangères, M. Össur Skarphedinson, a raison également de dire : « Nous avons contribué à l’héritage culturel européen par notre histoire et notre littérature, avec les sagas. » (4)

Mais même sans faire appel à ces racines lointaines, l’histoire récente de l’Islande, depuis son indépendance retrouvée en 1944, reflète une proximité bien réelle avec l’Europe occidentale. Par ordre chronologique, il s’agit de l’adhésion du pays à l’OCDE et à l’OTAN − comme membre fondateur dans les deux cas −, de son adhésion au Conseil de l’Europe moins d’un an après la création de celui-ci, de son adhésion à l’Association européenne de libre-échange en 1970 − et donc de son appartenance à l’Espace économique européen depuis sa création en 1994 −, et enfin de sa signature à la fin de 1996 de la Convention de Schengen sur la libre circulation des personnes, dont l’application est devenue effective en 2001.

À cette aune − mais cette remarque vaut aussi pour la Suisse, autre État proche de l’UE sans en être membre −, l’Islande est davantage intégrée dans l’Union européenne que certains des États membres actuels :

− s’agissant de la reprise de l’acquis communautaire, elle est plus avancée que certains nouveaux États membres ayant adhéré dans le cadre du « grand élargissement » de 2004 et 2007 au prix de périodes de transition parfois très longues. On estime que l’appartenance à l’Espace économique européen équivaut à un taux de reprise de l’acquis de l’ordre, selon les sources, de deux tiers à près de 80 % ;

− s’agissant de l’appartenance à l’espace Schengen de libre circulation des personnes, l’Islande a déjà franchi un pas vers l’intégration que cinq États membres de l’Union, y compris des États insulaires (5), n’ont pas franchi.

En tout état de cause, si son statut de pays candidat était recommandé par la Commission et reconnu par le Conseil, l’Islande serait, au moins autant que la Croatie − nonobstant les considérations politiques faisant de l’adhésion de la Croatie une priorité politique −, un candidat « naturel » à une adhésion rapide.

B − Une adhésion aujourd’hui assidûment préparée par l’administration, dans un contexte de crise qui laisse l’opinion publique et la classe politique divisées et désabusées

1) S’appuyant sur une administration efficace, l’Islande ne demande pas de coupe-file mais un traitement équitable

a) Du dépôt de candidature jusqu’à l’adhésion : un long chemin

La politique d’élargissement de l’Union européenne est régie par l’article 49 du Traité sur l’Union européenne, aux termes duquel « Tout État européen qui respecte [les principes démocratiques fondamentaux de l’UE] et s’engage à les promouvoir peut demander à devenir membre de l’Union. », sans que soit précisée la définition de ce qu’est un « État européen ».

Alors qu’aucune condition n’est requise pour le dépôt de candidature, l’UE a fixé des procédures pour l’acquisition du statut de candidat : c’est le Conseil de l’Union européenne qui reconnaît le statut de candidat officiel à un pays, à la lumière des recommandations de la Commission européenne. Mais le statut de pays candidat ne préjuge en rien de l’admission de ce pays dans l’Union. Une fois le pays devenu candidat, une stratégie de pré-adhésion est mise en œuvre. Elle a pour objectif de familiariser le candidat avec les procédures et les politiques de l’UE en lui offrant la possibilité de participer à des programmes communautaires et en lui accordant une aide financière.

Quant à l’ouverture des négociations d’adhésion proprement dites, elle est subordonnée à la réunion des fameux « critères de Copenhague », depuis le Conseil européen de Copenhague en 1993 :

Les quatre « critères de Copenhague »

− Un critère politique. Des institutions stables garantissant la démocratie, l’État de droit, le respect des minorités et leur protection ;

− un critère économique. Une économie de marché viable et capable de faire face aux forces du marché et à la pression concurrentielle à l’intérieur de l’Union ;

− la reprise de l’acquis communautaire. L’aptitude à assumer les obligations découlant de l’adhésion, et notamment à souscrire aux objectifs de l’union politique, économique et monétaire ;

− la capacité d’absorption de l’Union européenne. Jusqu’à présent, ce dernier critère n’a jamais été pris en compte en tant que tel ; il a fait l’objet, notamment à la demande de la France, d’une analyse plus poussée fin 2006 (6).

Pour que le Conseil européen décide de l’ouverture des négociations, le critère politique doit être rempli. Une fois les négociations d’adhésion ouvertes, la Commission européenne en mesure l’application et contrôle le respect des autres critères.

C’est alors que chaque candidat élabore sa position sur les différents chapitres de l’acquis communautaire, qui sert de base de négociation. Au cours des conférences bilatérales entre l’UE et le pays candidat, la Commission veille à ce que l’acquis communautaire soit bien intégré par ce pays. Le rythme des négociations dépend du degré de préparation de chaque pays candidat et de la complexité des questions à traiter. C’est la raison pour laquelle il n’est pas possible d’estimer à l’avance la durée des négociations avec chaque pays.

Le résultat des négociations est incorporé dans un traité d’adhésion, soumis au Conseil européen pour approbation et au Parlement européen pour accord. Après sa signature par les États membres et les candidats concernés, le traité d’adhésion doit être ratifié par tous ces signataires, dans certains cas par référendum. L’adhésion devient effective à la date d’entrée en vigueur du traité ; le pays candidat devient alors un État membre.

La stricte procédure mise en place est marquée par des étapes successives – le « criblage », la position commune des États, l’ouverture du chapitre, sa négociation, sa clôture. Le passage de l’une à l’autre de ces étapes suppose une impulsion de la Commission et l’accord de tous les États membres. Il faut ici insister sur le fait que, l’unanimité étant la règle, les États disposent, de fait, d’un droit de veto pour interrompre ou ralentir le processus de négociation.

RÔLES RESPECTIFS DE LA COMMISSION ET DU CONSEIL
DANS LA CONDUITE DES NÉGOCIATIONS D’ADHÉSION

Étapes des négociations

Rôle de la Commission

Rôle du Conseil

Criblage

Analyse de l’acquis dans le pays candidat

Aucun

Fixation des critères d’ouverture du chapitre

Proposition (*)

Accord à l’unanimité

Fixation des positions communes de négociations pour chaque chapitre

Proposition (*)

Accord à l’unanimité

Ouverture du chapitre

Proposition (*)

Accord à l’unanimité

Fixation des critères de fermeture du chapitre

Proposition (*)

Accord à l’unanimité

Fermeture du chapitre

Proposition (*)

Accord à l’unanimité

Décision de suspendre les négociations en cas de violation sérieuse et persistante des principes de liberté, de démocratie, de respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’État de droit

Proposition (*)

N.B. : cette proposition peut aussi émaner du tiers des États membres

Majorité qualifiée

(*) Il faut préciser que pour la PESC, il appartient à la Présidence du Conseil de l’Union de faire les propositions que la Commission a la charge de présenter pour les autres chapitres.

Source : rapport d’information de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale sur le suivi des négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, doc. AN n° 3493, décembre 2006.

Notons que parler de véritables « négociations » confine à l’abus de langage, dans la mesure où le pays candidat n’a pas à négocier l’acquis communautaire, qui lui est imposé, mais à l’intégrer. Il s’agit là plutôt d’un processus de contrôle de la bonne intégration de cet acquis par le pays candidat ; il s’agit également de l’aider à réussir dans cette voie, en l’alertant sur certaines difficultés, en le conseillant, en le faisant bénéficier de l’expérience communautaire. Le seul véritable espace de négociation porte, en fait, sur la mise en place de clauses de sauvegarde – permanentes ou non –, par exemple sur la pêche ou l’agriculture.

Dès lors, pour n’importe quel État – l’Islande ne fera pas exception –, il n’y a aucun « droit à l’adhésion », encore moins de passe-droit. Les règles sont claires, connues, précises, non modifiables unilatéralement ; nulle matière à polémique donc, et à chaque étape, un suivi très étroit de la Commission et des États membres, qui est tout simplement l’application des procédures.

C’est bien ainsi que votre Rapporteur a perçu l’attitude des services de la direction générale « Élargissement » de la Commission européenne lors de l’audition du chef d’unité chargé de l’Islande.

b) L’Islande, en ce début de processus, impressionne par sa rapidité

Sont actuellement candidates la Turquie et la Croatie − deux pays avec lesquels les négociations d’adhésion ont démarré le 3 octobre 2005 −, ainsi que l’ancienne République yougoslave de Macédoine qui s’est vue reconnaître le statut de pays candidat après avoir déposé sa demande en mars 2004. L’Albanie a transmis sa demande d’adhésion en avril dernier, sans réponse du Conseil pour l’instant, notamment à cause du déroulement des élections dans ce pays à la fin de juin dernier. Les autres États des Balkans occidentaux − Serbie, Monténégro et Kosovo − sont aussi considérés comme ayant, à terme, vocation à adhérer.

Dernière en date, l’Islande a accompli la même démarche le 16 juillet dernier et le Conseil a dès le 27 juillet accepté cette requête et demandé à la Commission de rédiger une opinion sur la candidature islandaise.

Chaque année au début de l’automne, la Commission publie des « rapports de suivi » sur l’état d’avancement du processus d’adhésion avec les pays candidats. Au même moment, elle publie sa « stratégie d’élargissement » annuelle. L’édition 2009-2010, pour la première fois, consacre un paragraphe à l’Islande. De façon très factuelle, la Commission rappelle les deux dates des 16 et 27 juillet dernier, ainsi que la grille d’analyse de la candidature islandaise − les principes établis dans le traité, les critères de Copenhague de 1993, et les conclusions du Conseil européen de décembre 2006 relatives au consensus renouvelé sur l’élargissement, qui prévoient une conditionnalité équitable et rigoureuse selon le principe des mérites propres.

La Commission émet ensuite un embryon d’analyse en ces termes :

« L’Islande est une démocratie bien établie. Elle a été fortement touchée par la crise économique et financière mondiale. Elle est largement intégrée dans le marché intérieur du fait de sa participation à l’Espace économique européen et est également membre de l’espace Schengen.

« L’Islande est un partenaire important pour l’UE dans le cadre de la dimension septentrionale et de l’élaboration de la politique arctique. La Commission tiendra compte de ces éléments dans son avis. Les résultats obtenus par l’Islande dans la mise en œuvre de ses obligations au regard de l’accord EEE constitueront un élément essentiel de cet examen. La Commission prépare actuellement une modification du règlement IAP [Instrument d’aide de pré-adhésion] afin d’inclure l’Islande en tant que pays bénéficiaire. »

Sur ce dernier point, selon les informations recueillies par votre Rapporteur, il apparaît que l’Islande pourrait se voir octroyer, à titre essentiellement symbolique, un montant annuel de l’ordre de 8 à 9 millions d’euros au titre de la pré-adhésion, ce qui est modeste en comparaison des sommes allouées aux autres pays bénéficiaires :

AIDE DE PRÉ-ADHÉSION 2007-2009
AU TITRE DU CADRE FINANCIER INSTITUTIONNEL PLURIANNUEL

(en millions d’euros)

 

2007

2008

2009

Croatie

138,5

146

151,2

Ancienne République yougoslave de Macédoine

58,5

70,2

81,8

Turquie

497,2

538,7

566,4

Albanie

61

70,7

81,2

Bosnie-et-Herzégovine

62,1

74,8

89,1

Monténégro

31,4

32,6

33,3

Serbie

186,7

190,9

194,8

Kosovo

63,3

64,7

66,1

Source : Commission européenne.

Bien que le processus en soit aux premiers commencements, la candidature islandaise ne manque pas d’atouts. Votre Rapporteur a évoqué plus haut les forts liens historiques du pays avec l’Union européenne, comme autant de choix ayant sans cesse rapproché l’Islande de l’UE.

C’est le 28 mai 2009 que le nouveau gouvernement islandais issu des élections du 26 avril a déposé un projet de loi relatif à la demande d’adhésion à l’UE. La présentation officielle de cette candidature, le 16 juillet, est intervenue dès le lendemain du vote favorable obtenu à une courte majorité au Parlement : 33 voix pour, 28 contre et 3 abstentions. Les résultats détaillés sont les suivants :

− les 20 députés de l’Alliance sociale-démocrate ont voté pour, ce qui n’est guère surprenant puisque ce parti est depuis dix ans favorable à l’adhésion, comme la Vice-présidente de la commission des Affaires étrangères de l’Althingi l’a rappelé à votre Rapporteur ;

− 8 députés du Mouvement Gauche-Verts sur 14 ont voté pour, reflet du tiraillement de ce parti entre sa loyauté de membre de la coalition gouvernementale et son opposition, sur le fond, à l’adhésion. Une autre motivation du vote positif en dépit d’une opinion personnelle hostile peut également résulter, pour certains députés, d’une volonté de permettre aux citoyens de s’exprimer, in fine, par référendum sur le sujet de l’adhésion ;

− hors coalition gouvernementale, ont voté pour l’adhésion un élu du Parti de l’Indépendance, 3 du Parti du Progrès (sur 9 députés) et un du Mouvement des Citoyens, petit parti né de la « Révolution » de janvier 2009, c’est-à-dire les manifestations d’une ampleur et d’une violence proprement historiques ayant conduit à la démission du gouvernement et aux élections législatives d’avril.

Toutefois, les interlocuteurs de votre Rapporteur au ministère islandais des Affaires étrangères ont insisté sur le fait que des « votes tactiques » étaient intervenus, en forme d’instrumentalisation du thème de la candidature à l’UE pour des motifs de politique intérieure, dans le contexte de l’affaire Icesave (cf. infra). Car tous les partis politiques islandais ont plaidé pour l’adhésion, dans leurs plates-formes électorales en vue des législatives d’avril, certes moyennant parfois des conditions particulières, tel un référendum initial − en lieu et place d’un vote au Parlement − sur l’opportunité d’une candidature.

Le vote une fois acquis et la candidature islandaise une fois acceptée par le Conseil, à peine 11 jours après son dépôt, l’administration islandaise s’est très vite mise « en ordre de bataille » pour préparer les négociations d’adhésion. La toute première tâche à accomplir est la réponse aux quelque 2 500 questions posées par la Commission sur l’ensemble de l’acquis communautaire, qui doit permettre à celle-ci de donner au Conseil une opinion éclairée sur l’opportunité de l’ouverture effective des négociations.

Avant même de procéder à ses auditions à Bruxelles et à Reykjavik, votre Rapporteur avait pu noter un indice du volontarisme de l’administration islandaise s’attelant à la tâche, avec cette comparaison entre les deux organigrammes du ministère des Affaires étrangères à un an de distance :

ORGANIGRAMME DU MINISTÈRE ISLANDAIS DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (Septembre 2008)

ORGANIGRAMME DU MINISTÈRE ISLANDAIS DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (Octobre 2009)

Le changement d’organisation et la soudaine place majeure occupée par la préparation de l’adhésion sont manifestes.

Rencontrant à Reykjavik le directeur général en charge du processus de la candidature et son équipe, votre Rapporteur a été impressionné par l’engagement de chacun dès ce premier stade : les réponses aux 2 500 questions de la Commission ont été remises dans un délai record − surtout compte tenu des faibles effectifs de l’administration − : reçues le 8 septembre et retournées, pour les dernières, tout juste après la mi-octobre, avec un mois d’avance sur le calendrier initialement envisagé. Le chef d’unité compétent à la direction générale « Élargissement » de la Commission a confirmé le bon rythme de transmission des réponses.

Surtout, votre Rapporteur a pu noter une différence d’attitude bien compréhensible entre le ministère islandais des Affaires étrangères insistant sur son leitmotiv du « no fast track but a fair track » (« pas de coupe-file mais un traitement équitable ») et les services de la Commission placides et pragmatiques devant une candidature présentée comme recevant le même traitement que n’importe quelle autre. Ainsi, le gouvernement islandais admet que l’adhésion accélérée de l’Islande soit politiquement impossible vis-à-vis des autres pays candidats et de la Croatie en particulier. Mais cette forme de concession a pour contrepartie une réaffirmation des intérêts que l’Islande entend fermement défendre dans la future négociation − la pêche étant le sujet crucial par excellence. Au-delà, réclamer un traitement équitable signifie aussi, de la part des Islandais, refuser tout « chantage » consistant à lier l’ouverture, la conduite ou l’issue de la négociation aux préoccupations de certains États membres − ce qui renvoie expressément à l’affaire Icesave (cf. infra).

Du côté de la Commission, seule institution à être pour l’heure officiellement concernée par la candidature islandaise, l’adhésion n’est nullement envisagée de façon aussi passionnée. À la question de votre Rapporteur sur les avantages et les inconvénients, dans l’absolu, d’une participation de l’Islande aux politiques de l’Union européenne, la réponse de la DG « Élargissement » a ainsi consisté à se reporter tout bonnement au droit communautaire, qui ne fixe aucune condition à un dépôt de candidature et qui, au stade de l’octroi du statut de candidat, demande seulement la vérification des critères de Copenhague.

Au demeurant, une telle attitude convient au gouvernement français, qui avait souhaité au printemps dernier qu’une éventuelle candidature islandaise ne soit en aucun cas traitée d’une manière qui puisse décourager les États des Balkans occidentaux, candidats déclarés ou potentiels ; en outre, la France continuait à demander qu’aucun élargissement au-delà de 27 États membres n’intervienne avant l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne. M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État chargé des Affaires européennes, l’avait redit lors de sa visite à Reykjavik les 28 et 29 juillet dernier.

Toutes les parties prenantes, du côté islandais comme du côté des institutions de l’Union européenne, semblent avoir réussi à trouver le modus operandi à l’égard de la candidature islandaise : chacun sait que nul, parmi les actuels candidats, n’est mieux préparé que l’Islande, mais réclamer un traitement accéléré serait contre-productif. Il existe une procédure unique, suffisamment souple pour permettre un traitement rapide de la candidature islandaise. Les vraies incertitudes sont ailleurs.

2) À l’incertitude quant au calendrier de négociation s’ajoute celle liée à la grande instabilité politique du pays, que cristallise l’affaire Icesave

Question évidemment centrale compte tenu de l’état d’avancement de l’Islande et de son allant au cours de la première étape, le calendrier du futur processus d’adhésion demeure incertain à l’heure actuelle :

− la remise anticipée, avant la fin octobre, de l’ensemble des réponses au questionnaire de la Commission européenne a pour but avoué de permettre au Conseil européen de décembre de donner à l’Islande le statut de candidat. Telle est l’option qui a la faveur de l’actuelle présidence suédoise, comme l’ambassadeur de Suède en Islande l’a confirmé à votre Rapporteur. Or il semble que, à la fois pour des questions de principe, d’affichage vis-à-vis des autres candidats et de moyens disponibles pour dépouiller le questionnaire, un tel calendrier soit exagérément ambitieux ;

− si, comme cela est plus probable, l’opinion de la Commission pouvait être rendue en janvier ou en février prochain, l’avis du Parlement européen et les discussions au sein du Conseil pourraient intervenir à temps pour que le Conseil européen se prononce lors de sa réunion de mars 2010 ;

− en cas de décision d’octroi du statut de candidat, s’ouvriraient les négociations proprement dites, chapitre par chapitre, la clôture de l’ensemble d’entre eux − soit 35 au total − pouvant prendre 18 mois dans le meilleur des cas, mais jusqu’à deux ans, voire deux ans et demi en cas de difficultés particulières, par exemple dans le domaine de la pêche ;

− enfin, le traité d’adhésion devrait être ratifié par chacun des États membres existants, ce qui peut durer un an environ.

Par conséquent, la date de 2012 semble la plus ambitieuse à retenir. Au demeurant, un éventuel ralentissement voire une suspension des négociations peut fort bien être le fait du pays candidat lui-même, par exemple en cas d’alternance politique conduisant à un changement de stratégie sur ce dossier ; il existe à cet égard un précédent avec Malte. Mais alors qu’aucun des interlocuteurs de votre Rapporteur n’a exclu cette éventualité compte tenu de l’effervescence politique actuelle, le directeur général compétent du ministère islandais des Affaires étrangères a fait valoir, au contraire, que sitôt la négociation véritablement entamée, aucun gouvernement quel qu’il soit ne reviendrait en arrière.

Quant au contenu des futures négociations, votre Rapporteur s’est enquis des éventuels points durs, dont le traitement influera grandement sur le rythme des négociations et sur leur issue. La politique commune de la pêche est ici le sujet majeur.

En premier lieu, la pêche représente une part importante de l’économie islandaise, de l’ordre de 10 à 15 % du PIB à l’heure actuelle du fait de l’effondrement du secteur financier, mais aussi un quart des exportations du pays. En outre, à la fois dans le contexte de crise et pour des raisons historiques, la pêche est vue comme un véritable élément patrimonial, sinon sentimental − le mot a été prononcé devant votre Rapporteur − pour les Islandais. Se voir imposer depuis Bruxelles des quotas de pêche non pertinents, ou craindre de devoir partager des ressources aujourd’hui purement nationales et chèrement préservées, est une perspective régulièrement dénoncée par beaucoup en Islande.

Du côté de l’Union dans ses rapports avec l’Islande, d’une part ce sujet est nouveau car l’Espace économique européen le laisse hors de son champ, de même d’ailleurs que l’agriculture. D’autre part, la politique commune de la pêche est peut-être la plus intégrée des politiques communautaires. Enfin, certains États membres ont eu ou ont encore des différends bilatéraux, réels ou potentiels, avec l’Islande sur ce sujet, parfois à propos d’une seule espèce. Mais il existe aussi, depuis 1993 et pour l’instant jusqu’à la fin de 2009, un accord de pêche entre l’UE et l’Islande portant sur certaines espèces et bénéficiant à quelques États membres.

Dans ces conditions, la pêche est-elle un obstacle insurmontable sur la voie de l’adhésion islandaise ? Votre Rapporteur n’en est pas persuadé. En effet, il est justement du ressort de la négociation d’arriver à trouver un terrain d’entente sur les dossiers difficiles. C’est même souvent parce que la négociation n’a pas encore débuté que lesdits dossiers paraissent si difficiles. Ensuite, deux éléments propres à la politique commune de la pêche sont de nature à tempérer toute crainte excessive :

− il existe dans le cadre de l’actuelle politique de la pêche un principe dit de « stabilité relative », qui permet de prendre en compte les traditions de pêche dans telle ou telle zone et de prémunir ainsi l’Islande, dans une certaine mesure, contre l’arrivée massive dans ses zones de pêche de chalutiers des autres États membres ;

− une profonde réforme de la politique commune de la pêche est en cours. Dans un livre vert paru en avril dernier (7), la Commission dresse un constat sévère de la situation actuelle, « qui se caractérise par une surexploitation des stocks, une surcapacité des flottes de pêche, de fortes subventions, une faible résilience économique et une baisse des quantités de poissons capturées par les pêcheurs européens. La [politique commune de la pêche] telle qu’elle existe actuellement n’a pas suffisamment bien fonctionné pour prévenir ces problèmes. » Avec cette publication, la Commission a voulu susciter le débat et recueille jusqu’au 31 décembre 2009 les avis de toutes les parties intéressées, après quoi elle produira au premier semestre de 2010 une synthèse de la consultation en vue de préparer un nouveau règlement de base, a priori dans le cadre élargi de la « politique maritime intégrée ». L’un des principaux axes de la nouvelle politique pourrait consister en une approche plus régionalisée qu’actuellement.

Il y a donc bien « du grain à moudre » dans la négociation avec l’Islande sur ce thème, et il y en aura d’autant plus qu’il est d’emblée exclu − à la fois par la Commission et par le gouvernement islandais − que la pêche fasse l’objet, pour ce pays, d’une exception globale. Qui sait si le système islandais de quotas de pêche individuels et cessibles ne peut pas faire école à l’échelle de l’Union ou de certaines de ses zones maritimes ?

Parmi les autres sujets à négocier, votre Rapporteur veut mentionner l’euro, la politique agricole commune (PAC) et la politique de l’énergie. Les deux premiers thèmes sont pour l’Islande autant d’avantages associés à l’adhésion ; quant au dernier, il est un atout qu’elle peut faire valoir auprès de ses futurs partenaires.

L’entrée dans la zone euro est évidemment la motivation première de la demande d’adhésion, même si les pages qui précèdent ont aussi montré qu’elle n’était pas la seule. Dans la tourmente de la crise financière survenue en octobre 2008, les trois plus grandes banques islandaises, privatisées en 1990 et s’étant alors lancées sans réel contrôle dans une politique massive d’investissements à l’étranger, se sont retrouvées en cessation de paiement et ont dû être renationalisées. L’endettement des banques islandaises était devenu, début 2008, douze fois supérieur au revenu national du pays, tandis que les emprunts en devises représentaient 550 % du PIB. Dans ces conditions, la banque centrale, outre qu’elle était largement responsable de cet état de fait par son attitude passive, n’avait évidemment pas les moyens d’injecter suffisamment de liquidités pour empêcher le système bancaire de s’effondrer. La couronne islandaise a été dévaluée de 60 % − seule la monnaie zimbabwéenne ayant fait pire cette année. La bourse de Reykjavik a perdu en une seule journée 90 % de sa valeur. Le taux de croissance qui était encore de 4 % en 2008 devrait s’établir à − 8,4 % en 2009. Le taux de chômage passerait de 2,3 % à 8,9 % en un an et l’inflation frôlerait les 12 %… Premier pays occidental à solliciter l’aide du Fonds monétaire international depuis le Royaume-Uni en 1976, l’Islande s’est vue accorder le 19 novembre un prêt de 2,1 milliards de dollars, tandis que les pays nordiques annonçaient pour leur part un prêt de 2,5 milliards de dollars.

La croissance islandaise était donc très fragile, qui reposait sur des emprunts massifs à l’étranger avec une monnaie surévaluée et une absence de supervision du système − sans même évoquer les soupçons de malversations (cf. infra). Dans ces conditions, il n’est guère surprenant que le gouvernement islandais ait rapidement cherché à entrer dans la zone euro. La réponse européenne a été ferme et unanime, consistant à subordonner l’adoption de l’euro à une candidature puis un processus d’adhésion en bonne et due forme à l’Union européenne, au terme duquel l’admission dans la zone euro pourrait être envisagée.

Il est un fait que rien n’empêcherait l’Islande d’adopter unilatéralement l’euro comme monnaie nationale, en achetant notamment la monnaie fiduciaire nécessaire (8). Mais cette hypothèse n’a pas été envisagée très longtemps, devant la fermeté de l’attitude de l’UE. Incidemment, l’adoption du dollar américain n’a pas non plus paru de nature à résoudre les problèmes monétaires de l’Islande.

Les deux autres sujets précités, PAC et énergie, feront donc partie de la négociation avant l’euro. Sous réserve de sa réforme en vue de l’après-2013, la PAC devrait permettre à l’Islande, une fois devenue État membre, de percevoir des aides substantielles liées à son climat difficile, à l’instar des autres pays nordiques membres de l’Union. Mais le secteur de l’agriculture étant encore très protégé, la négociation d’adhésion sur ce thème sera délicate.

Quant à la politique de l’énergie, qui devrait se développer nettement une fois le Traité de Lisbonne en vigueur, elle pourra constituer un point fort de l’Islande, dont les capacités de géothermie et le savoir-faire en matière d’énergies renouvelables en général seront précieux pour l’ensemble des États membres.

Mais paradoxalement, l’ensemble de ce processus pourrait se trouver compromis par un seul dossier qui pour l’heure cristallise le débat public : l’affaire Icesave.

Icesave est le nom d’une banque en ligne, émanation de Landsbanki, l’une des trois grandes banques islandaises victimes de la crise ayant éclaté en octobre 2008. Via des filiales au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, de nombreux épargnants avaient ouvert des comptes dans cette banque, attirés par des taux de rémunération très alléchants. La cessation de paiement a frappé ces comptes Icesave comme les autres comptes, et la question du remboursement des clients lésés ne s’est soldée qu’au prix d’accords intergouvernementaux avec le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Mais la réaction initiale des autorités britanniques devant le risque d’insolvabilité de l’établissement islandais a été très brutale, allant jusqu’à des gels d’avoirs au moyen de lois anti-terroristes conçues dans l’après-11 septembre. Les Islandais dans leur ensemble en conçoivent un sentiment d’humiliation mais aussi une forme de rancœur à l’encontre de l’Union européenne en général, accusée de faire bloc pour soutenir l’attitude extrême du Royaume-Uni. Certains interlocuteurs de votre Rapporteur ont d’ailleurs affirmé que l’Islande s’était vu dénier dans cette affaire son légitime droit au recours, car ses autorités auraient dû, par exemple, pouvoir plaider devant un juge − mais lequel ? − le cas de force majeure que représente l’effondrement d’un système bancaire entier, pour justifier le défaut de paiement à l’égard des clients d’Icesave.

Quoi qu’il en soit, l’accord intergouvernemental entre l’Islande d’une part, le Royaume-Uni et les Pays-Bas d’autre part, qui devait être entériné par le Parlement, y a été amendé dans un sens qui ne convient pas aux deux États membres de l’UE. Sans que ceux-ci en aient fait un motif de blocage de la candidature islandaise à l’Union, une telle éventualité est évidemment dans toutes les têtes… et sur toutes les lèvres, en tout cas au cours des entretiens de votre Rapporteur.

Dans ce conditions, le climat politique est cet automne particulièrement instable et plutôt réservé à l’égard de l’Union européenne, ce que traduisent également les sondages d’opinion qui se sont retournés en un an en défaveur de l’adhésion. Comme l’ambassadeur de Suède en Islande l’a souligné auprès de votre Rapporteur, l’Islande manque cruellement aujourd’hui de leadership politique ; la crise de gouvernance est palpable, et se double d’une crise morale dans le contexte des enquêtes parlementaire et judiciaire en cours au sujet d’éventuelles malversations au sein du système bancaire et financier islandais. Dans un pays de 320 000 habitants seulement, où toutes les élites se côtoient de près, il a fallu recourir à la nomination d’un procureur spécial et en appeler aux compétences de Mme Eva Joly, aujourd’hui député européen et naguère magistrat en France puis conseiller auprès du gouvernement norvégien, pour tenter de faire la lumière sur de possibles coupables collusions en amont de la crise financière.

Cette toile de fond n’est, hélas ! pas propice à un débat démocratique ouvert et stimulant sur l’adhésion de l’Islande à l’Union européenne et sur l’importance que représenterait ce choix historique consistant à parachever l’ancrage européen du pays, et à faire bénéficier ses citoyens et ses entreprises de « l’Europe qui protège », pour le plus grand profit de tous.

CONCLUSION

La France n’a aujourd’hui aucune raison de s’opposer à l’adhésion de l’Islande à l’Union européenne, bien au contraire. Les deux conditions qu’elle posait à toute nouvelle adhésion sont en effet levées − ou très près de l’être : l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne est quasiment acquise et l’absence de traitement de faveur pour l’Islande par rapport aux Balkans occidentaux est un principe unanimement reconnu, y compris par le gouvernement islandais lui-même, qui pris soin de contacter ses homologues des Balkans occidentaux candidats à l’Union.

L’Islande a clairement vocation à appartenir à l’Union européenne, mais que ne l’a-t-elle demandé plus tôt ! Il est toujours délicat d’avoir l’impression d’examiner une candidature comme s’il s’agissait de l’ultime planche de salut pour un pays en faillite… révérence gardée pour l’Islande dont l’économie réelle est saine mais dont l’effondrement du système financier a porté l’endettement à des sommets tels que le pays ne peut les assumer seul, et pour longtemps : 320 000 habitants ne sauraient rembourser rapidement une dette qui, selon les estimations officieuses, avoisine 9 à 12 fois le PIB national.

En d’autres termes, il ne saurait y avoir d’« avantage à la banqueroute », selon l’expression de M. Bernard Kouchner. L’adhésion à l’UE est une affaire sérieuse ; elle est aussi − ou devrait l’être − une affaire de cœur.

Or l’instabilité de la classe politique et de l’opinion publique islandaise – laquelle serait appelée quoi qu’il advienne à trancher par référendum la question de l’adhésion effective à l’Union –, dans le contexte traumatisant de l’affaire Icesave, ne permet pas à ce stade de prévoir avec certitude une date d’entrée de l’Islande dans l’Union européenne.

Et si l’on s’acheminait vers un « scénario à la norvégienne ? », qui verrait la négociation aboutir assez rapidement, compte tenu de l’état objectivement très avancé de l’Islande, d’ores et déjà, dans la reprise de l’acquis communautaire, mais déboucher sur un référendum négatif en Islande même ? En d’autres termes : et si la saga ne faisait que commencer ?

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine, pour avis, sur le rapport de M. Roland Blum, l’article 33 du projet de loi de finances pour 2010, au cours de la réunion du 20 octobre 2009.

Après l’exposé du Rapporteur, un débat a lieu.

M. le président Axel Poniatowski. La question se pose du solde net de la France au regard du budget communautaire. Notre contribution est de l’ordre de 18 milliards d’euros, et le retour que l’on en retire, de quelque 13,5 milliards. Le solde net est donc négatif d’environ 4,5 milliards d’euros, soit un peu plus de 0,2 % de notre RNB. L’aggravation de ce solde négatif prévue dans les années à venir est un facteur de préoccupation, puisqu’il atteindra prochainement environ 7 à 8 milliards d’euros, pour représenter 0,4 % du RNB. Sachant qu’en 2013, la PAC sera remise en question, sans que l’on ait encore de certitude sur le retour dont la France bénéficiera dans le futur, j’y vois un facteur de dégradation qui va croissant pour notre pays, dont le gouvernement est conscient. Lors du débat dans l’hémicycle, c’est un sujet sur lequel il faudra l’alerter.

Le montant de la contribution de l’UE au plan de relance global est de l’ordre de 5 Mds d’euros, ce qui est particulièrement faible, eu égard aux montants engagés par chacun des Etats membres. La commission européenne a d’ailleurs été vivement critiquée sur ce point. Est-ce une question que vous avez pu examiner en particulier ? Enfin, un thème que vous n’avez pas abordé, celui du « chèque britannique », dont la France finance une bonne partie, est une éternelle saga. Quelles sont les dernières évolutions de ce dossier ?

M. Michel Terrot. La « ressource TVA » rapporte 16,9 % des recettes, mais elle est beaucoup critiquée comme injuste, compliquée et peu efficace. Comme vous l’avez souligné, nombre de pays veulent d’ailleurs sa suppression, mais c’est une réforme difficile. Avez-vous des informations sur le calendrier de réforme envisagé ?

M. Roland Blum, rapporteur pour avis. En ce qui concerne le plan de relance, je rappelle qu’il représente effectivement quelque 5 milliards d’euros distribués selon deux axes : 3,98 milliards d’euros (2 au titre de l’année 2009 et 1,98 au titre de l’année 2010) sont consacrés au financement de projets dans le domaine de l’énergie ; 1,02 milliard d’euros (dont 600 millions au titre de l’année 2009) sont destinés au financement de projets en lien avec le développement de l’Internet à haut débit en zone rurale et aux « nouveaux défis » du bilan de santé de la PAC.

Au sein de l’enveloppe de 3,98 milliards d’euros pour les projets énergétiques, 2,365 milliards sont dévolus aux infrastructures de transport de gaz et d’électricité, 565 millions à des projets d’énergie éolienne en mer, et 1,05 milliard à des projets de captage et de stockage de carbone.

En ce qui concerne le financement de ces mesures, le budget rectificatif n°4/2009 a transposé dans le budget communautaire l’accord politique dégagé sur ces modalités de financement : ont été inscrits un montant de crédits d’engagement supplémentaire de 2 milliards d’euros sur la rubrique 1a et un autre montant de 600 millions d’euros sur la rubrique 2. En 2010, le reliquat de l’enveloppe (2,4 milliards d’euros) sera financé, selon des modalités restant à définir, lors de la conciliation de deuxième lecture de la procédure budgétaire 2010 et, le cas échéant, au cours de la procédure budgétaire 2011.

Cela étant, eu égard à l’effet de levier théorique des financements communautaires, les montants dégagés par les États membres demeurent modestes. Les débats qui ont eu lieu à cette occasion entre les trois institutions ont été révélateurs des divergences d’approche quant au rôle à faire jouer au budget communautaire : simple financement d’appoint ou véritable outil de relance budgétaire.

En ce qui concerne le « chèque britannique », si on n’en est pas encore sorti, on progresse néanmoins un peu et les modalités de calcul de la compensation britannique ont été révisées afin de prendre en compte la nécessité pour le Royaume-Uni d’apporter sa juste part au financement de l’élargissement dont il est l’un des plus fervents promoteurs.

Le principe a été posé d’une exclusion de l’assiette de calcul du chèque britannique des dépenses d’élargissement, à l’exception de la politique agricole commune de marché et du développement rural. Ainsi, dans le calcul de la correction britannique, le montant total des dépenses réparties sur le sol de l’UE est réduit des dépenses réparties dans les États membres ayant adhéré à l’UE après le 30 avril 2004, à l’exception des paiements agricoles directs, des dépenses de marché et de la part du développement rural correspondant de facto au second pilier de la PAC. L’effort britannique sur la période 2007-2013 est progressif : à partir de 2009 (soit pour le chèque versé en 2009 au titre des dépenses constatées en 2008), le rabais britannique ne s’étendra plus qu’à 80 % des dépenses relatives à l’élargissement, puis à 30 % de ces dépenses et 0 % à partir de 2011. En contrepartie de cet effort, la contribution supplémentaire du Royaume-Uni est plafonnée à 10,5 milliards d’euros sur la période 2007-2013.

Cet accord politique sur les ressources propres est important : il marque une rupture, favorable à la France, principal financeur du rabais britannique (27 %) , dans le système de financement de l’Union ; il met également fin au paradoxe qui voulait que le Royaume-Uni, fervent promoteur de l’élargissement, était l’un des États membres qui contribuaient le moins à son financement ; il ouvre enfin une perspective de remise en cause pérenne du rabais britannique, dont la France serait le principal bénéficiaire.

On a donc « mis un pied dans la porte ». Il faudra poursuivre dans cette voie et réformer le budget européen en ce sens ; les Britanniques sont de plus en plus isolés sur ce sujet. C’est un dossier qui reste cependant assez difficile car les Britanniques sont très fermes sur cette question et très exigeants sur la PAC ; un équilibre reste à trouver et les négociations ne seront pas faciles.

La TVA est une question qui fera l’objet de négociations en vue des prochaines perspectives financières. Selon les consultations d’ores et déjà effectuées par la commission, c’est une ressource très critiquée et compliquée par une série de corrections au bénéfice de certains Etats membres. Les esprits sont mûrs pour la suppression, mais pour l’après 2013, il faudra trouver des substitutions : impôt européen ? taxe carbone ? Les débats seront vifs.

M. Michel Destot. Pour compléter la question du Président concernant les soldes nets, j’aimerais savoir si l’on dispose d’un tableau complet contenant les chiffres sur plusieurs années. La France est-elle le troisième contributeur, ou est-elle passée en deuxième position ? Il faudrait disposer d’un classement intégral et des chiffres sur les évolutions dynamiques.

Par ailleurs, il apparaît que tous les crédits votés pour l’Union européenne ne sont pas consommés. Que deviennent ces crédits non utilisés ? Peut-on savoir pour quelles politiques communautaires les crédits sont le moins consommés ?

M. Roland Blum, Rapporteur pour avis. Un tableau complet des soldes nets figure dans mon rapport écrit. Mais il existe trois méthodes de calcul de ce ratio. Concernant le classement, la France est le premier bénéficiaire du budget communautaire en valeur, et le deuxième contributeur. Son solde net s’établit à – 4,5 milliards d’euros. Les crédits non consommés sont restitués par le budget communautaire, et permettent de moduler les contributions de chaque Etat membre. Les rapports financiers de la Commission européenne et les travaux de la Cour des comptes européenne permettent de connaître l’exécution du budget.

M. Jacques Myard. Le budget européen est un budget de saupoudrage. Il y a deux grandes politiques communautaires : la politique régionale, sur laquelle il y aurait beaucoup à dire, et la politique agricole commune, qui est la seule politique qui permette réellement de créer un marché unique au niveau de l’Europe entière. Toutefois, la PAC reste trop peu réactive. Les réformes sont trop lentes à mettre en œuvre, comme l’a prouvé la crise récente dans le secteur laitier. Le passage à la majorité qualifiée dans ce domaine ne sera pas suffisant à modifier cet état de fait, et il est même possible que cette réforme nuise aux intérêts de la France.

Concernant les prélèvements nationaux, il n’est pas acceptable que les ressources propres de l’Union européenne ne soient plus comptabilisées désormais dans les prélèvements. J’estime qu’il n’est pas normal que le Parlement n’ait pas à connaître des ressources propres au sein de l’ensemble des prélèvements opérés au profit de l’Union européenne, qui reste une organisation internationale. Cette situation n’est pas admissible. Les bras m’en tombent.

Si l’on ajoute les ressources propres, le prélèvement passe à 19,163 milliards d’euros pour la France, certes en baisse limitée sur un an, mais avec en 2009 une exécution très supérieure aux prévisions, de l’ordre de 1 milliard d’euros. Enfin, je rappelle qu’au terme des actuelles perspectives financières, la participation de la France atteindra un niveau de près de 0,38 % du revenu national net, ce qui est d’autant moins négligeable que le budget communautaire ne peut être efficace, car il relève d’une logique de saupoudrage.

M. Roland Blum. Le vote sur le prélèvement hors ressources propres traditionnelles a été demandé par la Cour des comptes.

M. Jacques Myard. Le Parlement n’est pas obligé de tenir compte des opinions d’un juge.

M. Roland Blum. Il n’en reste pas moins que la Cour certifie les comptes de l’Etat, ce qui lui donne un poids sans égal dans ces questions.

M. Hervé Gaymard. Je félicite le Rapporteur pour sa présentation claire d’un sujet complexe. En réponse à M. Jacques Myard, je rappelle qu’en 1957, les produits des droits de douane, élément important de la souveraineté, ont été transférés à la Communauté économique européenne. Il faut considérer les ressources de l’Union dans une perspective historique. Aujourd’hui, son système de financement n’est absolument pas lisible pour le citoyen. M. Alain Lamassoure travaille depuis longtemps sur un impôt européen et cette question mériterait de gagner en clarté et aiderait à la construction européenne. D’autre part, il s’agit du budget d’une organisation internationale qui ne peut s’endetter. Il faut en outre se réjouir de constater l’effort qui est fait en termes de maîtrise des dépenses qui sont chaque année inférieures aux prévisions. L’un des problèmes du budget de l’Union est que les masses budgétaires sont trop solidifiées et stratifiées, ce qui entrave sérieusement la nécessaire réactivité. Des progrès ont été faits, comme dans le cas des inondations en Allemagne et en Europe de l’Est il y a quelques années, lorsque des secours d’urgence ont pu être décaissés assez rapidement. Mais les politiques économiques, et pas seulement la politique agricole, présentent une trop grande inertie des dépenses. La pluriannualité souhaitée par tous rencontre ici ses limites, face à un monde qui change très vite.

Concernant la question de M. Michel Destot, lors de son audition par la commission des affaires européennes sur la question de la consommation des crédits européens, à laquelle ont également assisté MM. Delebarre, Schneider et Myard, le secrétaire d’Etat aux affaires européennes a indiqué qu’un système avait été mis en place pour mobiliser la France dans l’utilisation de ses « droits de tirage ». Force est de constater que la France fait dans ce domaine beaucoup moins bien que beaucoup de ses voisins, notamment pour le Fonds social européen et pour la politique régionale européenne. Ces retours financiers auxquels elle peut prétendre déchargeraient les comptes de l’Etat et des collectivités locales qui en ont bien besoin.

En réponse à M. Gaymard, M. Roland Blum a manifesté le souhait de plus de souplesse dans le budget européen, même si cette notion gagne, encore trop modestement toutefois, du terrain, par exemple pour la facilité alimentaire, le fonds d’ajustement à la mondialisation. Cela montre que les Etats membres en prennent conscience et il est possible d’aller plus loin en la matière.

Suivant les conclusions du Rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 33 du projet de loi de finances pour 2010.

ANNEXE : AUDITIONS DU RAPPORTEUR

À Bruxelles (13 octobre 2009)

− M. Franz Cermak, chef d’unité adjoint à la direction générale « Élargissement » de la Commission européenne ;

− Mme Mathilde Grammont, conseillère en charge de l’élargissement à la Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne.

À Reykjavik (14 octobre 2009)

Au Parlement (Althingi)

− Mme Valgerður Bjarnadóttir, vice-présidente de la commission des Affaires étrangères (Alliance sociale-démocrate) ;

− M. Bjarni Benediktsson, président du Parti de l’Indépendance (opposition conservatrice) ;

− M. Ögmundur Jonasson, ancien ministre de la Santé (Mouvement Gauche-Vert, coalition majoritaire) ;

− Mme Margrét Tryggvadóttir (Mouvement des Citoyens).

Au ministère des Affaires étrangères

− M. Martin Eyjólfsson, directeur général à la direction des Affaires économiques et du commerce extérieur, chargé du dossier de la candidature islandaise à l’UE ;

− M. Hannes Heimisson, ambassadeur ;

− Mme Unnur Orradóttir Ramette, conseillère au département du Commerce extérieur, ancienne chef des affaires économiques à l’ambassade d’Islande en France ;

– M. Auðunn Atlason, chargé des médias concernant la candidature à l’UE ;

– M. Harald Aspelund, chargé des affaires agricoles concernant la candidature à l’UE.

Autres personnalités

− Mme Hanna Birna Kristjánsdóttir, maire de Reykjavik ;

− M. Anders Ljunggren, ambassadeur de Suède en Islande ;

− M. Þórir Ibsen, futur ambassadeur d’Islande à Paris ;

− M. Gunnar Haraldsson, président du conseil d’administration de l’Autorité de surveillance financière.

© Assemblée nationale

1 () Quelle réforme pour le budget européen ?, doc. AN n° 1474, février 2009.

2 () La liste des auditions figure en annexe au présent rapport.

3 () La marge sous plafond est l’écart entre le plafond maximal de crédits d’engagement déterminé par le cadre financier pluriannuel et le montant des crédits d’engagement demandés puis votés chaque année dans le budget, par rubriques. La marge ne correspond donc pas à une réserve de crédits d’engagement déjà votée mais à un montant de crédits d’engagement théoriquement mobilisables dans le cadre de l’approbation du budget initial ou d’un budget rectificatif. La mobilisation de la marge sous plafond conduit donc à ouvrir des nouveaux crédits d’engagement. Corrélativement, elle entraîne la mobilisation de crédits de paiement supplémentaires, et mécaniquement, une augmentation de la contribution des États membres.

4 () Entretien accordé à Marion Van Renterghem pour Le Monde, 1er août 2009.

5 () Le Royaume-Uni, l’Irlande, la Bulgarie, la Roumanie et Chypre, même si, pour les deux premiers cités, une décision du Conseil du 29 mai 2000 prévoit leur participation à certains éléments de l’acquis de Schengen.

6 () La Commission européenne a présenté le 8 novembre 2006 un Rapport spécial sur la capacité de l’Union européenne à intégrer de nouveaux États membres. Évoquée lors de différents Conseils européens, notamment en juin 2006, la « capacité d’absorption » devient dans ce rapport la « capacité d’intégration de l’Union européenne ». Ce changement de terminologie est une réponse aux critiques jugeant le concept de capacité d’absorption trop abstrait et éloigné des enjeux cruciaux auxquels l’Europe est confrontée. Précisant une notion jusqu’ici restée très vague, la Commission fonde son approche sur trois axes :

− « maintenir l’élan pour renforcer et approfondir l’intégration européenne en donnant à l’Union les moyens de fonctionner, ce qui est dans l’intérêt de ses citoyens tant actuels qu’à venir ». Cette capacité repose elle-même sur trois critères : le fonctionnement efficace des institutions et des procédures décisionnelles, la capacité à poursuivre l’élaboration et la mise en œuvre des politiques communes, et enfin la capacité à financer ces politiques de manière durable ;

− « faire en sorte que les pays candidats soient prêts à assumer les obligations découlant de l’adhésion, en veillant à ce qu’ils remplissent les conditions rigoureuses fixées. » Il s’agit de garantir une approche rigoureuse des négociations d’adhésion ;

− « assurer une meilleure communication » afin de garantir le soutien de l’opinion publique au processus d’élargissement et de remédier aux doutes et malentendus qui ont entouré le « grand élargissement » de 2004.

7 () Livre vert sur la réforme de la politique commune de la pêche, COM (2009) 163 final, 22 avril 2009.

8 () L’exemple du Monténégro, non membre de l’UE, est pourtant régulièrement cité. Mais cet État avait déjà, avant l’existence de l’euro, adopté le Deutsche Mark pour monnaie nationale.