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N
° 1970

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2009.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2010 (n° 1946),

TOME VII

IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION

par M. Philippe COCHET,

Député

Voir le numéro 1967 (annexe n° 27).

INTRODUCTION 5

I – UNE STRUCTURE ET UNE MISSION MINISTÉRIELLES STABILISÉES, DES MÉTHODES DE TRAVAIL QUI SE RÉFORMENT 11

A – UNE STRUCTURE ET UNE MISSION MINISTÉRIELLES STABILISÉES 11

1) Une administration centrale mieux installée et la constitution de services déconcentrés 11

2) Une mission au périmètre légèrement élargi 12

B – DES MOYENS DE FONCTIONNEMENT CONSOLIDÉS 12

1) Des effectifs quasiment constants 13

2) Les crédits de fonctionnement 14

3) Des investissements informatiques toujours considérables 16

C – LA MISE EN œUVRE RAPIDE DES DÉCISIONS DES CONSEILS DE MODERNISATION DES POLITIQUES PUBLIQUES 17

1) Simplifier les règles et conditions de séjour pour les migrants légaux et les demandeurs d’asile 18

2) Renforcer les capacités d’accueil et d’intégration des migrants légaux 19

3) Améliorer les contrôles aux frontières et renforcer la lutte contre l’immigration clandestine 21

II – LA NÉCESSITÉ DE FAIRE FACE À L’AFFLUX DES DEMANDEURS D’ASILE DANS DE BONNES CONDITIONS 25

A – LA POURSUITE DE LA HAUSSE DE LA DEMANDE D’ASILE EN FRANCE DEPUIS 2008 25

B – UNE PROCÉDURE PLUS EFFICACE, ENCORE PERFECTIBLE 29

1) Les bons résultats enregistrés par l’OFPRA ne doivent pas cacher de nouveaux risques de dérapage 30

2) La réforme de la Cour nationale de droit d’asile est mise en œuvre 32

3) L’accueil des demandeurs sera très largement régionalisé en 2010 34

4) Un nombre accru de demandeurs est pris en charge dans un centre d’accueil 35

C – LA PRISE EN COMPTE DE BESOINS FINANCIERS CROISSANTS 37

1) Une progression des moyens de l’OFPRA prévue dans le contrat d’objectifs et de moyens 37

3) Les conséquences financières de l’ouverture de 1 000 places de CADA supplémentaires 39

4) L’enveloppe destinée à l’allocation temporaire d’attente fixée à un niveau réaliste 41

III – LE DÉFI DE LA LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION ILLÉGALE 43

A – L’APPLICATION DE LA LOI 43

1) Les infractions à la législation sont davantage poursuivies 43

2) Les droits des personnes en situation irrégulière sont mieux respectés 45

3) Leur éloignement est plus souvent effectif 48

B – DES DÉPENSES NÉCESSAIRES 52

1) La prise en charge des crédits d’investissement 52

2) Le fonctionnement des centres de rétention 55

3) Des frais de billetterie maîtrisés 56

IV – LA MISE EN œUVRE DES NOUVEAUX INSTRUMENTS DE L’INTÉGRATION 59

A – LA COMPOSITION DE L’IMMIGRATION ÉVOLUE DANS LE SENS SOUHAITÉ PAR LE GOUVERNEMENT 59

1) Le développement de l’immigration professionnelle et le succès des nouveaux titres de séjour destinés à la rendre plus fluide 60

2) Vers un nouvel équilibre entre les autres types d’immigration 61

B – L’OFFICE FRANÇAIS DE L’IMMIGRATION ET DE L’INTÉGRATION, OPÉRATEUR CENTRAL POUR L’ACCUEIL DES NOUVEAUX IMMIGRÉS 62

1) La création réussie de l’Office français de l’immigration et de l’intégration 63

2) L’exercice progressif de ses nouvelles compétences en matière d’intégration 64

C – LES AUTRES ACTIONS D’INTÉGRATION EN FAVEUR DES ÉTRANGERS EN SITUATION RÉGULIÈRE ET DES RÉFUGIÉS 67

1) Les dispositifs de droit commun 68

2) Les aides spécifiques aux réfugiés statutaires 70

V – DEUX PAYS AUX AVANT-POSTES DES FLUX MIGRATOIRES VERS L’EUROPE : MALTE ET L’ITALIE 73

A – MALTE : UN PAYS TROP SEUL FACE À DES FLUX MIGRATOIRES DISPROPORTIONNÉS 73

1) Des flux migratoires considérables 73

2) Des moyens limités pour faire face aux arrivées et accueillir les migrants 74

3) Un pays qui n’est pas en mesure de relever seul ce défi 77

B – L’ITALIE : UNE POLITIQUE VOLONTARISTE CONTRE L’IMMIGRATION CLANDESTINE 80

1) La situation particulière de Lampedusa, porte de l’Europe méridionale 81

2) Une lutte renforcée contre l’immigration clandestine, qui donne des résultats 83

3) Une approche principalement bilatérale 85

C – UN DEVOIR DE SOLIDARITÉ COMMUNAUTAIRE 86

1) L’élaboration de normes communes 87

2) Un soutien opérationnel et financier 87

3) L’accent mis sur la réinstallation 89

CONCLUSION 93

EXAMEN EN COMMISSION 95

ANNEXES 123

Malte dans son environnement régional 99

Carte de Malte 100

Liste des personnes auditionnées 127

Mesdames, Messieurs,

Entre un quart et un cinquième des Français a au moins un étranger parmi ses grands-parents ; plus de trois millions de non-nationaux vivent dans notre pays ; environ 200 000 ressortissants d’Etats extérieurs à l’Union européenne s’y installent chaque année, dont plus de 10 000 avec le statut de réfugiés. C’est dire à quel point la France est accueillante et combien son attractivité est forte.

La politique que conduit le Gouvernement repose sur l’idée que l’accueil d’étrangers sur le territoire de la République et leur intégration dans la communauté nationale ne peuvent se faire de manière satisfaisante que si des limites et des conditions sont posées. C’est pourquoi elle s’articule autour de cinq axes : mieux maîtriser les flux migratoires, conforter notre politique d’asile, mettre en œuvre une nouvelle politique d’intégration, promouvoir l’identité nationale et privilégier une gestion concertée des flux migratoires et le développement solidaire.

En mai 2007, pour la première fois, était créé un ministère exclusivement chargé de conduire cette politique. La loi de finances pour 2008 l’a doté de trois programmes budgétaires, dont deux constituent la mission « Immigration, asile et intégration », qui est l’objet du présent rapport (1). Il s’agit du programme Immigration et asile et du programme Intégration et accès à la nationalité française.

Le projet de budget pour 2010 propose d’augmenter les crédits de paiement de la mission de 9,75 %, pour les fixer à 560,4 millions d’euros, et les autorisations d’engagement de 12 %, soit 568,8 millions d’euros.

Cette hausse des crédits ne résulte nullement d’une absence de maîtrise des dépenses du ministère, mais de l’augmentation objective des besoins d’une part, d’un léger changement de périmètre d’autre part.

La forte progression de la demande d’asile, de 20 % en 2008 et encore de 14 % sur les neuf premiers mois de 2009, s’est traduite par des tensions très sensibles sur les crédits ouverts par les lois de finances initiales, qui justifient pleinement les augmentations de crédits proposés. Le développement de la capacité des centres de rétention administrative, indispensable si l’on veut parvenir à lutter efficacement contre l’immigration clandestine, entraîne aussi une hausse des dépenses prévisionnelles, d’autant plus que les crédits d’investissement destinés à ces centres, auparavant inscrits sur la mission « Sécurité » seront rattachés, en 2010, à la mission « Immigration, asile et intégration ».

Les politiques d’intégration bénéficieront aussi de dotations consolidées, auxquelles s’ajoutent les ressources propres du principal opérateur du ministère dans ce domaine, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII).

A l’occasion de cet avis budgétaire, votre Rapporteur a souhaité attirer l’attention de la Représentation nationale sur la situation délicate que connaissent Malte et l’Italie, du fait de leur position géographique de portes d’entrée du sud l’Europe. Il s’est rendu sur place, où il a rencontré des responsables politiques, administratifs, associatifs et d’organisations internationales impliqués dans ces questions. Il a ainsi pu mesurer les défis que ces pays devaient relever, prendre connaissance des solutions qu’ils préconisaient et constater qu’ils avaient besoin de l’aide des autres pays de l’Union européenne. Il consacre à ces situations la dernière partie du présent rapport.

RÉCAPITULATION DES CRÉDITS PAR PROGRAMME ET ACTION

(en euros)

 

Intitulé du programme et de l’action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Ouvertes en LFI pour 2009

Demandées pour 2010

Evolution (en %)

FDC et ADP (1) attendus en 2010

Ouverts en LFI pour 2009

Demandés pour 2010

Evolution (en %)

FDC et ADP (1) attendus en 2010

Immigration et asile

434 696 353

488 957 704

12,48

17 119 082

437 496 353

480 557 704

9,84

17 119 082

Circulation des étrangers et politique des visas

2 600 000

2 600 000

2 600 000

2 600 000

Garantie de l’exercice du droit d’asile

289 100 000

318 070 760

10,02

8 247 695

289 100 000

318 070 760

10,02

8 247 695

Lutte contre l’immigration irrégulière

80 800 000

104 384 240

29,18

3 266 991

80 800 000

94 384 240

16,81

3 266 991

Soutien

62 196 353

63 902 704

2,74

5 604 396

64 996 353

65 502 704

0,77

5 604 396

Intégration et accès à la nationalité française

73 108 092

79 845 000

9,21

14 993 172

73 108 092

79 845 000

9,21

14 993 172

Actions nationales d’accueil des étrangers primo-arrivants et de formation linguistique (2)

10 303 592

15 000 000

45,58

5 360 000

10 303 592

15 000 000

45,58

5 360 000

Actions d’intégration des étrangers en situation régulière et des réfugiés (2)

59 504 500

61 345 000

3,09

9 633 172

59 504 500

61 345 000

3,09

9 633 172

Aide au retour et à la réinsertion

1 500 000

1 500 000

1 500 000

1 500 000

Naturalisation et accès à la nationalité

1 800 000

2 000 000

11,11

1 800 000

2 000 000

11,11

Mission « Immigration, asile et intégration »

507 840 445

568 802 704

12,01

32 112 254

510 604 445

560 402 704

9,75

32 112 254

(1) FDC : fonds de concours ; ADP : attribution de produits.

(2) Libellés modifiés.

Source : d’après projet annuel de performances.

I – UNE STRUCTURE ET UNE MISSION MINISTÉRIELLES STABILISÉES, DES MÉTHODES DE TRAVAIL QUI SE RÉFORMENT

Bien que le ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire soit encore une toute jeune structure, il a déjà su se faire une place au sein du paysage institutionnel français et a entrepris de mettre en œuvre les différentes décisions prises par les Conseils de modernisation des politiques publiques.

A – Une structure et une mission ministérielles stabilisées

1) Une administration centrale mieux installée et la constitution de services déconcentrés

L’administration centrale du ministère a été constituée il y a moins de deux ans. Si quelques adaptations ponctuelles sont encore à réaliser pour obtenir la plus grande cohérence de fonctionnement possible, l’organigramme du ministère n’a pas changé depuis la création de cette administration centrale.

Depuis juin 2009, cette dernière dispose, à Paris, de locaux regroupés aux environs immédiats de l’hôtel du ministre. Se trouvent ainsi :

– dans l’hôtel du ministre du 101, rue de Grenelle : le ministre, son cabinet, le bureau du cabinet, le secrétariat général, la mission communication et le service de l’administration générale et des finances ;

– dans un immeuble partagé avec les services du Premier ministre, situé au 68, rue de Bellechasse : le service de la stratégie et le service de l’asile ;

– dans les locaux du 3-5, rue Barbet de Jouy, auparavant occupés par une direction du ministère des finances : le service des affaires internationales et du développement solidaire, le service des affaires européennes, la direction de l’immigration – à l’exception de la sous-direction installée à Nantes – et la direction de l’accueil, de l’intégration et de la citoyenneté – à l’exception de la sous-direction située à Rezé.

Restent donc installées en province la sous-direction des visas, à Nantes, et la sous-direction de l’accès à la nationalité française, à Rezé. Le bail de cette dernière, qui court pendant encore trois années, a été dénoncé et est en cours de renégociation. Si celle-ci n’aboutit pas, le ministère partira en quête d’une autre localisation, toujours dans la région nantaise.

Par ailleurs, dans le cadre de la réforme de l’administration territoriale, vont être constitués des services « immigration et intégration » dans un certain nombre de préfectures. La circulaire du 31 décembre 2008 relative à l’organisation des préfectures rend obligatoire la création de ces services dans les préfectures de région, par le regroupement des personnels des bureaux des étrangers et de la nationalité et de ceux chargés de la gestion du dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile. Quatre départements de l’Ile-de-France seront aussi dotés d’un service de ce type, ainsi que la quinzaine de préfectures de départements, souvent frontaliers, qui ont décidé de procéder de même. Une quarantaine de services « immigration et intégration » commenceront donc de fonctionner au 1er janvier 2010, avec des personnels provenant de différents ministères, au premier rang desquels naturellement le ministère de l’intérieur, et qui continueront à y être rattachés.

2) Une mission au périmètre légèrement élargi

Après une année d’existence seulement, le périmètre de la mission avait connu plusieurs mesures d’ajustement en loi de finances pour 2009.

Avaient rejoint la mission les crédits nécessaires au déploiement du système d’information Réseau mondial visa (RMV) et les crédits de fonctionnement et de personnel de la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France (CRRV), qui relevaient encore de la mission « Action extérieure de l’Etat ».

En revanche, la Cour nationale du droit d’asile gagnait son indépendance vis-à-vis de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) pour rejoindre la mission « Conseil et contrôle de l’Etat ». La création de l’Office français de l’immigration et de l’intégration se traduisait aussi par des transferts de crédits vers la mission « Ville et logement ».

Aucune évolution d’ampleur n’est en revanche prévue pour 2010.

Le seul changement notable porte sur le rattachement à la mission des crédits d’investissement destinés à la construction ou la rénovation de centres de rétention administrative, qui figuraient jusqu’ici sur la mission « Sécurité ».

B – Des moyens de fonctionnement consolidés

Si, comme tous les autres départements ministériels, le ministère chargé de l’immigration devra maîtriser ses dépenses de fonctionnement, il aura les moyens d’assurer ses missions dans de bonnes conditions.

1) Des effectifs quasiment constants

Le ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire est depuis sa création et restera en 2010 un ministère d’état-major. Il ne compte donc que des effectifs très limités, qui sont regroupés au sein de l’action Soutien du programme Immigration et asile, même s’ils concourent au programme Intégration et accès à la nationalité française ou au programme Développement solidaire et migrations de la mission « Aide publique au développement ».

Son plafond d’emplois devrait passer de 613 « équivalents temps plein travaillé » (ETPT) en 2009 à 615 ETPT en 2010. Cette progression de 2 ETPT est le résultat de la suppression de 8 ETPT et du transfert de 10 ETPT relevant auparavant d’autres missions :

– 3 ETPT de catégorie A provenant des missions « Solidarité, insertion et égalité », « Justice » et « Sécurité » sont transférés au profit de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France ;

– 3 ETPT de catégories A, B et C originaires de la mission « Sécurité » viennent renforcer les effectifs chargés de la gestion des centres de rétention administrative ;

– 4 ETPT de catégorie C de cette même provenance sont affectés au cabinet du ministre.

Au total, en 2010, le ministère pourra compter sur 51 ETPT de catégorie A +, 170 ETPT de catégorie A, 162 ETPT de catégorie B et 232 ETPT de catégorie C. La part anormalement élevée des emplois très qualifiés est la conséquence logique des missions de pilotage que remplit l’administration centrale du ministère, alors que les agents des services déconcentrés relèvent d’autres départements ministériels.

46 des 615 ETPT sont mis à la disposition de structures extérieures à l’administration centrale du ministère, mais dont les missions sont directement liées aux politiques conduites par ce dernier, telles que l’OFPRA, la CRRV, le Haut conseil de l’intégration (HCI) et la Commission interministérielle pour le logement des populations immigrées (CILPI).

Les dépenses de personnel de la mission passeront de 35,94 millions d’euros en loi de finances pour 2009 à 38,47 dans le projet de budget pour 2010, les rémunérations d’activité stricto sensu progressant de 24,53 millions d’euros à 25,84 millions d’euros. Les transferts d’emplois se traduisent par une augmentation de 0,42 million d’euros, hors cotisations et contributions sociales. Le solde de l’augmentation résulte d’une mesure de réajustement de la masse salariale du ministère à la réalité des dépenses de personnel qu’il supporte.

Comme c’est le cas depuis la création du ministère, qui ne possède pas de corps de fonctionnaires en propre, les agents sont principalement gérés par leur ministère d’origine (il s’agit des ministères des finances, de l’intérieur, des affaires étrangères et de la santé), dans le cadre de conventions de délégation de gestion.

2) Les crédits de fonctionnement

Si l’ensemble des dépenses de personnel figure sur l’action Soutien, une part, il est vrai limitée, des dépenses de fonctionnement est rattachée à d’autres actions dans la mesure où elles leur sont spécifiques.

Tel est le cas des crédits de fonctionnement dits « de l’administration des visas ». Ils ne concernent bien entendu pas le fonctionnement des services des visas dans les postes diplomatiques et consulaires, lesquels relèvent, pour leurs effectifs comme pour leur fonctionnement courant, de la mission « Action extérieure de l’Etat » (2). Les 1,6 million d’euros – comme en 2009 – inscrits sur l’action Circulation des étrangers et politique des visas couvrent ainsi deux postes de dépenses :

– le fonctionnement courant de la sous-direction des visas, et notamment la formation de ses agents, à hauteur de 1 million d’euros ;

– l’achat et le renouvellement des stations de travail, ainsi que l’utilisation des réseaux de communication des données, au profit des postes diplomatiques et consulaires qui mettent en œuvre la politique des visas, à hauteur de 0,6 million d’euros.

L’autre enveloppe de crédits de fonctionnement qui est individualisée est destinée à la sous-direction de l’accès à la nationalité française, chargée des naturalisations. Composée de huit bureaux et 156 agents, elle est délocalisée à Rezé, près de Nantes, depuis 1987, ce qui explique qu’elle bénéficie d’un budget global de fonctionnement. S’il n’intègre ni la masse salariale, ni les dépenses informatiques, inscrites sur l’action Soutien du programme Immigration et asile, ce budget permet de financer une série de dépenses locales, comme le loyer, les impôts fonciers, les consommables informatiques, les fournitures documentaires à destination des préfectures liées à la procédure de naturalisation. Une somme globale de 2 millions d’euros est destinée à couvrir ces dépenses en 2010 – contre 1,8 million d’euros en loi de finances pour 2009.

Cette sous-direction est directement concernée par la décision du Conseil de modernisation des politiques publiques visant à supprimer la double instruction des demandes de naturalisation (3). Une fois achevée la déconcentration de cette procédure, la sous-direction deviendra une administration d’état-major, chargée du pilotage du dispositif général, de la gestion des recours hiérarchiques et contentieux et de l’élaboration des décrets de naturalisation. Ses effectifs pourront être progressivement réduits, de neuf emplois en 2010 et de onze emplois en 2011.

Les moyens de fonctionnement inscrits sur l’action Soutien du programme Immigration et asile sont globalement reconduits, à hauteur de 12,2 millions d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement.

Les frais d’étude, destinés au développement des connaissances sur les populations et les migrations, auxquels étaient consacrés 0,9 million d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement en 2009, enregistreront une réduction des premières (à 0,26 million d’euros) et une hausse des seconds (à 1,25 million d’euros), conséquence de la passation, en 2009, d’un marché d’une durée de trois années. Il vise à la réalisation d’enquêtes et d’études menées directement par le ministère ou en cofinancement avec des partenaires et bénéficiera de financements du Fonds européen pour l’intégration, à hauteur de 0,4 million d’euros en 2010.

Le reste de l’enveloppe, soit 11,94 millions d’euros en autorisations d’engagement et 10,95 millions d’euros en crédits de paiement, est destiné à :

– la couverture des loyers budgétaires, pour un total de 4,99 millions d’euros : la forte progression par rapport à 2009 (3,42 millions d’euros inscrits en loi de finances) s’explique par le fait que l’année 2010 sera complète, alors que les sites du 68, rue de Bellechasse et du 3-5, rue Barbet de Jouy ne sont occupés par les services du ministère que depuis fin juin 2009 ;

– la dotation de fonctionnement du cabinet du ministre (pour 2 millions d’euros) et des services : elle inclut notamment l’achat de papier fiduciaire, un appui à la lutte contre la fraude documentaire et un crédit de 100 000 euros au titre des frais de justice.

Ces moyens seront complétés par des rattachements de crédits provenant du Fonds européen pour l’intégration, du Fonds européen pour le retour, du Fonds pour les frontières extérieures et au titre du remboursement par la Commission européenne des dépenses effectuées dans le cadre des activités du Réseau européen des migrations, pour un montant total attendu de plus de 2 millions d’euros.

3) Des investissements informatiques toujours considérables

Comme pour les dépenses de fonctionnement, une petite partie des crédits d’investissement informatique est rattachée à l’action Circulation des étrangers et politique des visas, les autres figurant sur l’action Soutien, mais le partage entre les deux n’est pas très logique.

En effet, il est rationnel que la première action comporte les crédits (1 million d’euros) consacrés aux évolutions du système d’information Réseau mondial visa (RMV), et en particulier à son adaptation au Système Information visa (VIS) européen, qui doit être mis en œuvre au premier semestre 2010, à l’augmentation des capacités des plates-formes d’exploitation du RMV et au renouvellement du parc d’imprimantes des postes diplomatiques et consulaires affectées à l’impression des visas. En revanche, on aurait pu s’attendre à ce que soient aussi inscrits sur cette action les investissements (2,31 millions d’euros en autorisations d’engagement et 2,55 millions d’euros en crédits de paiement) destinés au volet biométrie du RMV, qu’il s’agisse de renforcer la sécurité des postes de travail externalisés, la capacité et la sécurité des serveurs et des réseaux de communication des données afin de permettre l’externalisation du recueil des données biométriques dans les postes les plus importants, ou d’assurer la cohérence du RMV avec les autres systèmes d’information du domaine de l’immigration et de l’intégration. Ils figurent pourtant sur l’action Soutien.

Avec au total 13,24 millions d’euros en autorisations d’engagement et 14,84 millions d’euros en crédits de paiement, cette action finance principalement des systèmes d’information utilisés sur le territoire national.

La principale dépense est relative à l’application AGDREF 2, dont le ministère assure la maîtrise d’ouvrage. L’avancée du projet devrait permettre le déploiement de l’application en site pilote en septembre 2010. Il est proposé d’ouvrir 4,89 millions d’euros en autorisations d’engagement et 6,35 millions d’euros en crédits de paiement.

Les autres projets financés sur ces crédits sont :

– la maintenance du système EURODAC de prise d’empreintes digitales des demandeurs d’asile, dont quarante-trois bornes ont déjà été installées dans les préfectures, et la mise en place de huit bornes supplémentaires, le tout pour 0,54 million d’euros ;

– le système de contrôle biométrique aux frontières VISABIO, auquel seront consacrés 3,36 millions d’euros en autorisations d’engagement et 3,06 millions d’euros en crédits de paiement afin de poursuivre le déploiement des stations d’enrôlement biométrique et de contrôle et d’augmenter la capacité de traitement du dispositif de recherche d’empreintes ;

– la poursuite du développement du système central PARAFES, qui a vocation à automatiser le passage aux frontières tout en effectuant des contrôles biométriques, l’installation de la biométrie dans dix sas supplémentaires – quinze sont en voie d’implantation dans les aéroports de Roissy-Charles-de-Gaulle et Orly – et le début de son déploiement dans les ports et aéroports de province et d’outre-mer, l’ensemble pour un coût de 1,7 million d’euros ;

– le déploiement de l’application PRENAT de gestion des demandes de naturalisation, estimé à 0,44 million d’euros en autorisations d’engagement et 0,64 million d’euros en crédits de paiement.

Le ministère complètera ces crédits budgétaires par des financements provenant du Fonds pour le retour et du Fonds pour les frontières extérieures, qui devraient représenter plus de 3 millions d’euros en 2010.

On observera que, pour la première fois dans le budget pour 2010, les investissements dans les systèmes d’information ne constituent plus les seules dépenses de cette nature assurées par le ministère, puisqu’il disposera aussi de crédits d’investissement destinés à la construction de nouveaux centres de rétention administrative, votre Rapporteur y reviendra infra.

C – La mise en œuvre rapide des décisions des Conseils de modernisation des politiques publiques

A l’issue de la révision générale des politiques publiques, les Conseils de modernisation des politiques publiques ont pris quinze décisions portant sur les domaines de compétence du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, toutes n’étant d’ailleurs pas directement du ressort de ce ministère, dans la mesure où elles portent sur des réseaux dépendant d’autres missions budgétaires.

Leur mise en œuvre s’est avérée particulièrement rapide puisque, dans le deuxième rapport d’étape de mai 2009, il apparaît que douze mesures ont obtenu un feu vert, symbolisant le respect des délais prévus, et seulement trois un feu orange, signalant que le calendrier n’a pas été parfaitement tenu mais que le projet est en cours d’exécution. Aucun feu rouge n’est venu sanctionner une mesure dont la mise en œuvre n’aurait pas commencé.

Ces réformes s’articulent autour de trois axes : simplifier les règles et conditions de séjour des migrants légaux et des demandeurs d’asile ; renforcer les capacités d’accueil et d’intégration des migrants légaux ; améliorer les contrôles aux frontières et renforcer la lutte contre l’immigration clandestine.

1) Simplifier les règles et conditions de séjour pour les migrants légaux et les demandeurs d’asile

Les cinq réformes relevant de cet objectif, rappelées dans le tableau ci-après, sont réalisées ou en cours d’application. Toutes ne présentent en effet pas le même degré de difficulté.

LES DÉCISIONS DE LA RGPP VISANT À SIMPLIFIER LES RÈGLES ET CONDITIONS DE SÉJOUR POUR LES MIGRANTS LÉGAUX ET LES DEMANDEURS D’ASILE

Axe

Date de décisions

Mesure

Avancement

Simplifier les règles et conditions de séjour des migrants légaux

Décembre 2007

Délivrance de visas : instruction et délivrance du titre de séjour concomitante pour les demandeurs d’un visa de long séjour qui ouvre droit à une autorisation de séjour

Feu vert

Avril 2008

Accélération de l’externalisation du recueil des demandes de visa, les consulats se concentrant davantage sur du contrôle hiérarchisé

Feu vert

Juin 2008

Les procédures périphériques des consulats en matière de visas seront externalisées (prises de rendez-vous pour les demandeurs, recueil des données nécessaires, remise des passeports), dans le respect des contraintes liées à la prévention du risque de fraude

Feu vert

Avril 2008

Passation d’un contrat d’objectifs et de moyens avec l’OFPRA permettant la résorption du stock de demandes d’asile et une plus grande réactivité aux situations de variation de l’activité

Feu vert

Avril 2008

Clarification de la responsabilité en matière de visas entre le ministère des affaires étrangères et européennes et le ministère de l’immigration

Feu vert

NB : un feu vert caractérise un projet de réforme pour lequel toutes les conditions sont réunies pour atteindre les résultats escomptés dans les délais prévus ; un feu orange caractérise un projet de réforme en cours d’exécution, mais dont le calendrier n’est pas totalement respecté, ou dont la mise en œuvre présente des difficultés techniques, qui appellent des décisions correctrices ; un feu rouge caractérise un projet de réforme dont la phase de mise en oeuvre n’a pas encore été engagée.

Source : RGPP : deuxième rapport d’étape, mai 2009.

Trois mesures sont d’ores et déjà intégralement appliquées :

– depuis juin 2009, les consulats délivrent des visas de long séjour qui dispensent leur titulaire d’un titre de séjour pendant toute la durée de leur validité, soit de quatre à douze mois : ce type de visa est délivré aux conjoints de Français, aux étudiants et aux travailleurs salariés, soit environ 100 000 personnes par an qui n’auront plus à effectuer une démarche en préfecture dans les trois mois suivant leur arrivée en France – mais devront néanmoins se faire enregistrer auprès de l’OFII ; les effectifs – du ministère de l’intérieur – ainsi économisés seront redéployés en vue de l’amélioration de la qualité de l’accueil dans les nouveaux services de l’immigration et de l’intégration des préfectures ;

– l’OFPRA a conclu un contrat d’objectifs et de moyens avec l’Etat en décembre 2008, en vigueur depuis le 1er janvier 2009, votre Rapporteur y reviendra ;

– le décret du n° 2008-1176 du 13 novembre 2008 relatif aux attributions des chefs de mission diplomatique et des chefs de poste consulaire en matière de visas a clairement distingué les types de visa relevant du ministère chargé de l’immigration, de ceux relevant du ministère des affaires étrangères : 90 % des demandes de visas appartiennent à la première catégorie, qu’il s’agisse de visas de court séjour sur passeport ordinaire ou de visas de long séjour pour exercer une activité professionnelle, pour études, pour les conjoints de Français ou pour le regroupement familial ; la deuxième catégorie est limitée aux visas relatifs aux procédures d’adoption internationale, aux visas sur passeports diplomatiques, de service, officiels ou spéciaux, et aux cas individuels relevant de la politique étrangère de la France, pour lesquels le ministère en charge de l’immigration est néanmoins consulté.

Les décisions relatives à l’externalisation des procédures périphériques en matière de visas sont en cours de mise en œuvre. Avant même que les Conseils de modernisation des politiques publiques n’en demandent l’accélération, ce processus était lancé dans plus d’une dizaine de postes. La question de sa généralisation n’est pas simple. En effet, la décision mentionne la nécessité de respecter les contraintes liées à la prévention du risque de fraude, ce qui suppose que l’externalisation n’est envisageable que dans les pays où il existe des prestataires de service sérieux, dont on n’ait pas à craindre qu’ils se rendent complices de fraudes. Une vingtaine de postes devraient néanmoins avoir recours à cette externalisation à la fin de l’année 2009.

Par ailleurs, le passage à la biométrie entraîne des difficultés juridiques et pratiques supplémentaires, qui rendent nécessaire une expérimentation. Celle-ci devait être lancée dans trois villes (Londres, Alger et Istanbul) en 2009, mais elle a pris du retard. Les blocages réglementaires et techniques devraient être levés, les premiers d’ici la fin 2009, les seconds courant 2010. Les expérimentations pourront alors commencer (4).

2) Renforcer les capacités d’accueil et d’intégration des migrants légaux

Les trois mesures rattachées à cet objectif sont elles aussi en bonne voie.

LES DÉCISIONS DE LA RGPP VISANT À RENFORCER LES CAPACITÉS D’ACCUEIL ET D’INTÉGRATION DES MIGRANTS LÉGAUX

Axe

Date de décisions

Mesure

Avancement

Renforcer les capacités d’accueil et d’intégration des migrants légaux

Décembre 2007

Demandes de naturalisation : suppression de la double instruction par les préfectures d’une part et par la direction de l’accueil, de l’intégration et de la citoyenneté

Feu orange

Avril 2008

Transformation de l’ANAEM, en un nouvel opérateur en matière d’immigration et d’intégration, financé sur ressources propres, développant une politique individualisée afin de favoriser l’intégration des nouveaux immigrants et de leur famille

Feu vert

Avril 2008

Simplification des procédures administratives liées à l’immigration de travail et de la nature des ressources propres de l’opérateur chargé de la politique de l’immigration et de l’intégration

Feu vert

Pour ce qui est de la suppression de la double instruction des demandes de naturalisation, elle n’a pris qu’un peu de retard, justifié par la nécessité de procéder à la résorption des stocks de dossiers en attente et de commencer par une phase d’expérimentation.

Un effort a en effet été consenti en 2009 pour résorber les stocks de dossiers de demande de naturalisation, dans les préfectures comme en administration centrale. Au 30 juin, le taux de résorption était de 9,35 % dans les premières, de 17,46 % à la sous-direction de l’accès à la nationalité française. Parallèlement, ont été engagés une modification des textes réglementaires pour finaliser les conditions de l’expérimentation, une réforme de l’application informatique de gestion et un plan de formation des agents des préfectures. Une expérimentation pourra ainsi être menée dans vingt et une préfectures au premier semestre 2010, avant la généralisation du nouveau dispositif, prévu le 1er juillet 2010. Les naturalisations continueront à être prises par décret au niveau national, mais sur proposition des préfets, ces derniers étant désormais chargés de prendre les décisions défavorables, qu’ils transmettront à l’administration centrale, garante de l’homogénéité de cette politique sur le territoire national.

Annoncée dès la présentation du projet de loi de finances pour 2009, la création de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), est effective depuis le printemps dernier. Il a été constitué par le regroupement des actions de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSE) en matière d’intégration des étrangers et de l’ensemble des activités de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM). Ses compétences ont été définies par l’article 67 de la loi du 23 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre les exclusions, complété par le décret du 25 mars 2009. Il a tenu son premier conseil d’administration le 22 avril 2009.

L’article 155 de la loi de finances pour 2009 (5) a modifié le régime de ses ressources propres afin de remplacer les redevances dont bénéficiaient l’ANAEM par des taxes et de supprimer les exonérations devenues obsolètes. Le décret n° 2009-2 du 2 janvier 2009 a précisé les conditions d’application de ces taxes.

Quant à la simplification des procédures administratives liées à l’immigration de travail, elle porte sur la délivrance des titres de travail mais doit aussi conduire à la fusion entre la contribution et la redevance forfaitaire pour les entreprises, à la modification du mode de calcul de la redevance pour les saisonniers agricoles et des fourchettes des taxes, à l’élargissement de l’assiette des taxes des titulaires des cartes de séjours, et à la simplification de la perception des taxes par voie de timbre. Un des objectifs est de rendre le dispositif des taxes plus compréhensible pour l’usager et l’administration. Ce projet est conduit en lien avec les réseaux de distribution des timbres (bureaux de tabac), l’organisation territoriale de l’Etat, les directions départementales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle et les préfectures. Par une décision du comité de suivi de la RGPP du 12 mars 2009, cette mesure fait l’objet d’un report de sa mise en oeuvre.

3) Améliorer les contrôles aux frontières et renforcer la lutte contre l’immigration clandestine

C’est l’objectif pour lequel le plus grand nombre de décisions a été pris, mais certaines ne relèvent pas directement du ministère chargé de l’immigration. Des progrès importants ont néanmoins été enregistrés, qu’il conviendra de consolider en 2010.

LES DÉCISIONS DE LA RGPP VISANT À AMÉLIORER LES CONTRÔLES AUX FRONTIÈRES ET RENFORCER LA LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION CLANDESTINE

Axe

Date de décisions

Mesure

Avancement

Améliorer les contrôles aux frontières et renforcer la lutte contre l’immigration clandestine

Décembre 2007

Automatisation des contrôles aux frontières par l’installation de sas automatiques de contrôle dans les grands aéroports

Feu vert

Décembre 2007

Réforme des modes de gestion et d’organisation des CRA pour en réduire les coûts

Feu vert

Décembre 2007

Mise en place auprès des préfets d’une cellule experte en matière de contentieux des étrangers pour améliorer le taux de réussite des reconduites à la frontière

Feu vert

Avril 2008

Suppression de l’utilisation d’unités mobiles pour assurer la garde des CRA

Feu orange

Avril 2008

Suppression des unités de la police aux frontières dans des départements dans lesquels son activité est faible. Evaluation pendant un an sur d’autres départements de l’opportunité de supprimer la police aux frontières au bout d’un an

Feu vert

Avril 2008

Mise en cohérence des systèmes d’information relatifs à l’immigration, sous le pilotage du ministère

Feu orange

L’automatisation des contrôles aux frontières va commencer à devenir réalité au quatrième trimestre 2009, à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, où seront installés les premiers sas automatiques, dans le but de réduire les files d’attentes aux guichets de la police aux frontières (PAF). Comme votre Rapporteur l’a indiqué supra, le projet de budget prévoit les crédits nécessaires à la création de dix sas en 2010, en plus des quinze qui devraient fonctionner fin 2009, afin de lancer le déploiement du système PARAFES dans les ports et aéroports de province et d’outre-mer.

La réforme des modes de gestion et d’organisation des centres de rétention administrative (CRA) vise à améliorer les conditions d’accueil et de séjour dans les centres et à réduire le coût unitaire des places par une rationalisation de la gestion administrative et de l’allocation des ressources humaines. Un bilan global de l’expérimentation en cours sera effectué d’ici décembre 2009. La généralisation des nouveaux modes de gestion dans l’ensemble des CRA devrait être effective au 1er janvier 2010.

Des pôles interservices d’éloignement fonctionnent depuis le 1er janvier 2009, à titre expérimental, dans quatre centres de rétention afin d’augmenter le taux d’exécution des mesures préfectorales prononcées et de gagner en efficacité quant aux processus de gestion des contentieux relatifs aux éloignements. Cette mesure a un impact sur l’organisation en préfecture de la gestion globale des étrangers. De plus la présence de l’administration devant les tribunaux lors des contentieux est un facteur clef de succès pour améliorer le taux d’exécution. Le bilan à fin juillet est positif. Un second bilan sera établi par les préfectures à la fin du mois d’octobre. Un plan de déploiement du dispositif sera proposé par le ministère en décembre 2009.

La suppression de l’utilisation d’unités mobiles pour assurer la garde des centres de rétention administrative doit permettre d’obtenir un meilleur lissage de l’activité des forces de sécurité, une réduction des coûts et un meilleur suivi de l’activité des centres de rétention administrative. La cohérence de cette gestion nationale suppose le rattachement à la PAF des CRA qui relèvent actuellement de la gendarmerie et de la sécurité publique. A ce stade l’ensemble des CRA de la sécurité publique a été repris par la PAF entre 2008 et le début de l’année 2009. Le transfert des CRA de la gendarmerie à la PAF est prévu sur la période 2010-2011. L’ouverture, en septembre 2009, du centre du Mesnil-Amelot 2, géré par la PAF, marque le début de la suppression de l’utilisation d’unités mobiles de la gendarmerie pour assurer la garde des centres.

La PAF doit se concentrer sur les départements présentant des enjeux migratoires importants. Il faut donc cibler les unités à supprimer selon des critères d’activités et transférer leurs responsabilités sur les unités de surveillance générale. Cette mesure est divisée en deux phases de fermetures. La première phase consiste à supprimer les directions départementales de la police aux frontières (DDPAF) dans sept départements à faible activité (Aisne, Ardennes, Hautes-Pyrénées, Meuse, Territoire de Belfort, Finistère, Charente-Maritime), ce qui sera réalisé entre septembre et décembre 2009. Dans la seconde phase, il s’agit de fermer des petites unités de DDPAF. La validation par les ministres de l’immigration et de l’intérieur de la liste des départements concernés par la deuxième phase est attendue pour le mois d’octobre de cette année.

La mise en cohérence des systèmes d’information relatifs à l’immigration vise à fiabiliser les flux d’informations relatifs aux étrangers issus de différentes applications, de réduire les délais de traitement et de rationaliser les coûts. Ce projet concerne notamment les systèmes d’information suivants : Réseau Mondial Visa, PRENAT (naturalisations), AGDREF (éloignement), GMoe (main-d’œuvre étrangère), Dn@, Biométrie et PARAFES (sas automatiques). Il est recherché une interopérabilité des applications. Ce projet est conduit en lien avec les directions des systèmes d’information des ministères et opérateurs partenaires.

Votre Rapporteur ne peut que saluer l’efficacité avec laquelle le ministère a entrepris la mise en œuvre des décisions des Conseils de modernisation des politiques publiques, en dépit de la complexité de certaines d’entre elles. Plusieurs mesures sont appliquées, certaines sont en cours d’expérimentation, toutes ont au moins fait l’objet d’études de faisabilité, aucune n’a été mise de côté.

II – LA NÉCESSITÉ DE FAIRE FACE À L’AFFLUX DES DEMANDEURS D’ASILE DANS DE BONNES CONDITIONS

L’afflux des demandeurs d’asile constaté depuis 2008 a mis le ministère et ses opérateurs dans une situation délicate. Ils ont néanmoins fait preuve d’une réelle capacité d’adaptation, qui a permis de recevoir ces demandeurs dans des conditions correctes. Il convint de leur donner aujourd’hui les moyens d’aider ces demandeurs et de traiter leurs demandes dans des délais raisonnables.

A – La poursuite de la hausse de la demande d’asile en France depuis 2008

Après la réforme de l’asile réalisée par la loi du 10 décembre 2003 (6) et entrée en vigueur le 1er janvier 2004, qui a principalement supprimé l’asile territorial et institué une procédure de guichet unique auprès de l’OFPRA, le nombre de demandeurs d’asile en France a d’abord connu une phase de repli.

La baisse de la demande d’asile, perceptible dès 2005, s’est accélérée en 2006 (pour atteindre une réduction d’un tiers) et poursuivie, à un rythme moins élevé (– 10 %), en 2007. Mais, dès 2007, c’est surtout le moins grand nombre de demandes de réexamens (– 29 %) qui explique la baisse globale, alors que le nombre des premières demandes enregistrait une moindre réduction.

DEMANDES D’ASILE ET DÉCISIONS PRISES DEPUIS 2004

Année

Demandes d’asile

Décisions OFPRA

Admissions globales

Premières demandes

Total (1)

Total

Accords

Taux d’accords (en %)

Accords après appel

Total accords

2004

50 547

65 614

68 118

6 358

9,3

4 934

11 292

2005

42 578

59 221

51 272

4 184

8,2

9 586

13 770

2006

26 269

39 332

37 715

2 929

7,8

4 425

7 354

2007

23 804

35 520

29 323

3 401

11,6

5 380

8 781

2008

27 063

42 599

31 801

5 153

16,2

6 288

11 441

1er semestre 2009 (2)

15 844

22 339

16 835

2 357

14,0

2 772

5 129

(1) Y compris mineurs accompagnants et demandes de réexamen.

(2) Données provisoires.

Source : ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.

La tendance s’est inversée en 2008 : la demande d’asile a augmenté de près de 20 % par rapport à l’année 2007, avec 42 599 demandes enregistrées. Ce sont les demandes de mineurs accompagnants (+ 49 %) qui ont connu la plus forte augmentation mais les réexamens et les premières demandes étaient également orientés à la hausse (respectivement + 17 % et + 14 %). Il convient de relever une accélération de la hausse des premières demandes à compter du mois de septembre 2008, évolution qui s’est confirmée au cours du premier semestre de l’année 2009 parallèlement à une baisse des demandes de réexamen.

En 2009, le nombre de demandes d’asile a continué à augmenter fortement, mais à un rythme moins soutenu qu’en 2008 et qui tend à ralentir progressivement : ainsi, au cours de quatre premiers mois de 2009, la hausse était encore de 18 % par rapport à la même période de 2008 ; elle est passée à 16,5 % pour l’ensemble du premier semestre, et à 14 % sur les neuf premiers mois.

En revanche, si le nombre d’étrangers souhaitant accéder au territoire français pour y demander l’asile (selon la procédure improprement désignée sous le terme de « demande d’asile à la frontière ») avait très fortement progressé en 2007 et 2008 (respectivement 4 773 et 5 000 demandes, contre 2 866 en 2006), il a baissé de 70 % entre le premier semestre 2008 et le premier semestre 2009. Le taux des demandes manifestement infondées est en revanche stable entre cette période et l’ensemble de l’année 2008 (56 %).

Depuis 2006, les principaux pays de provenance sont globalement les mêmes : Turquie, Kosovo, Russie (Tchétchènes), République démocratique du Congo, Sri Lanka et Arménie. Par ailleurs, les demandes en provenance du Mali et des Comores ont fortement augmenté entre 2007 et 2008, faisant ainsi leur entrée dans les dix principaux pays de provenance pour l’année 2008, avant de diminuer fortement au premier semestre 2009.

Après une baisse de la demande serbe et kosovare observée en 2007 et 2008 (– 8 %), cette demande est à nouveau en augmentation au premier semestre 2009, devenant ainsi, avec 1 601 premières demandes, le premier pays de provenance des primo-demandeurs d’asile.

ÉVOLUTION DE L’ORIGINE GÉOGRAPHIQUE
DES DEMANDEURS D’ASILE EN 2008 ET 2009

 

Total des premières demandes 2008

(hors mineurs)

Evolution 2008/2007

(en %)

Total des premières demandes
1er semestre 2009

(hors mineurs)

Russie

2 102

5,0

848

Serbie (1)

2 070

– 8,0

1 601

Turquie

1 985

– 2,6

887

Sri Lanka

1 962

6,3

1 301

République démocratique du Congo

1 912

6,1

996

Arménie

1 532

2,5

1 077

Mali

1 382

390,1

(nc)

Bangladesh

1 187

28,6

761

Guinée Conakry

1 050

33,4

656

Comores

881

1 501,8

(nc)

Autre pays

11 000

6,5

6 353 (2)

Total

27 063

13,7

15 844

(1) Le Kosovo étant indépendant depuis le 17 février 2008, il est comptabilisé avec la Serbie en 2008 pour que le chiffre soit comparable avec celui de 2007.

(2) Pour le premier semestre 2009, figurent aussi parmi les dix premiers pays de provenance : la Chine, avec 746 premières demandes, et la Mauritanie, à hauteur de 618 demandes ; ce n’est en revanche plus le cas du Mali et des Comores.

Source : Office français de protection des réfugiés et apatrides.

En application du 2° de L. 741-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les demandeurs en provenance des pays d’origine sûrs ne bénéficient pas du droit au séjour, et font presque systématiquement l’objet de la procédure prioritaire (à hauteur de 83,5 % au premier semestre 2009). La liste de ces pays, établie par le conseil d’administration de l’OFPRA sous le contrôle du Conseil d’Etat, est restée la même depuis que ce dernier a annulé l’inscription de l’Albanie et du Niger, le 13 février 2008. Y sont inscrits : le Bénin, la Bosnie-Herzégovine, le Cap-Vert, la Croatie, la Géorgie, le Ghana, l’Inde, le Mali, l’Ile Maurice, la Mongolie, le Sénégal et l’Ukraine, depuis le 30 juin 2005, la Macédoine, Madagascar et la Tanzanie, depuis le 16 mai 2006.

L’inscription de ces pays sur la liste des pays d’origine sûrs a eu des répercussions rapides et directes sur l’évolution à la baisse des flux de demandes d’asile. Les demandes d’asile en provenance des pays concernés représentaient 12,6 % de la demande globale adressée à l’OFPRA au premier semestre de l’année 2005, et 7,2 % au deuxième semestre de cette même année. Pour 2007, cette proportion est tombée à 5,1 % pour arriver à 9,5 % à la fin de l’année 2008. A la fin du premier semestre 2009, cette part est à nouveau en diminution et atteint 4,6 % (soit 145 demandes mensuelles). La chute de la demande a concerné en premier lieu en 2007 les demandes d’asile bosnienne, ukrainienne, malienne et indienne. La remontée observée en 2008 est principalement due à la forte augmentation de la demande malienne.

Si dans un premier temps après l’adoption de la liste, les taux d’accord ont observé une baisse sensible, cette tendance est en cours d’inversion depuis le début de l’année 2007. Pour l’ensemble des pays concernés, le taux d’accord de l’OFPRA en 2006 était de 6,3 % pour un taux moyen général de 7,8 % ; il est passé à 19,9 % pour un taux moyen général de 11,6 % en 2007 et à 34,8 % pour un taux moyen général de 16,2 % en 2008. Au cours des six premiers mois de 2009, le taux d’accord pour les ressortissants de ces pays est de 27 % pour un taux moyen général 14 %. L’augmentation des admissions concerne en réalité plus particulièrement les demandeurs d’asile maliens et, dans une moindre mesure, les Sénégalais. La procédure prioritaire quasi systématique a dissuadé les demandes infondées mais, parallèlement, la féminisation de la demande et l’application de la jurisprudence sur les mutilations génitales féminines a entraîné une hausse des décisions positives (205 sur 421 décisions prises au premier semestre 2009 pour les Maliens et 28 sur 70 décisions pour les Sénégalais). Cependant à la suite de nouvelles décisions de jurisprudence prises en sections réunies par la CNDA en mars 2009, la demande d’asile malienne est orientée à la baisse.

Etant donné, notamment, l’attention croissante accordée par l’Office aux problématiques relevant de la protection subsidiaire (excision, violences conjugales, prostitution, etc.), la part des femmes parmi les demandeurs d’asile poursuit sa progression : elles représentent 37,6 % des demandeurs en 2008 contre 36,5 % en 2007, 34,6 % en 2005 et 29,6 % en 2001.

L’évolution de la demande d’asile par région de résidence est très fluctuante. C’est notamment le cas outre-mer, où la demande est liée à l’évolution de la situation à Haïti. Après la forte baisse observée suite au pic de 2005, la demande enregistrée outre-mer semble de nouveau s’orienter à la hausse depuis 2008. Les départements et collectivités d’outre-mer, qui occupaient la sixième place en 2007 pour le nombre de demandes d’asile, occupent pour le premier semestre 2009 la troisième place (5,9 %) derrière l’Ile-de-France (45,2 %) et la région Rhône-Alpes (9,9 %).

Par ailleurs, alors que la demande d’asile dans la capitale n’a cessé de diminuer entre 2003 et 2006, elle est à nouveau en augmentation, représentant 16,1 % du total des demandes en 2008, contre 19 % en 2004 et 14,8 % en 2006.

Pour ce qui est du taux d’accord d’une protection par l’OFPRA, il a connu une baisse progressive entre 2004 (9,3 %) et 2006 (7,8 %), avant d’enregistrer une hausse assez marquée en 2007 (11,6 %) et 2008 (16,2 %). Au cours du premier semestre 2009, ce taux est en repli, à 14 %. Chaque année, le nombre de statuts accordés après que la CNDA a rejeté le refus formulé par l’OFPRA est supérieur au nombre de protections accordées directement par l’Office : en 2008, le premier atteignait 6 288, le second, 5 153 ; au premier semestre 2009, ces chiffres sont respectivement de 2 772 et 2 357. Le taux d’octroi d’une protection en 2008 a ainsi été de 36 %, après appel.

Alors qu’elle avait été dépassée par le Royaume-Uni et la Suède en 2007, la France est redevenue en 2008 le premier pays européen destinataire des demandeurs d’asile. Comme le montre le tableau suivant, la Grèce et la Suède ont enregistré une forte baisse des demandes d’asile, après avoir connu une augmentation marquée en 2007.

L’ÉVOLUTION DE LA DEMANDE D’ASILE DANS LES PRINCIPAUX PAYS EUROPÉENS

Pays

Demandes en 2007

Demandes en 2008

Evolution 2008/2007 (en %)

France

35 520

42 599

19,9

Royaume-Uni

42 355

41 215

– 2,7

Allemagne

30 303

28 018

– 7,5

Suède

38 347

24 860

– 35,2

Grèce

26 735

20 000

– 25,2

Suisse

10 387

16 606

59,9

Autriche

11 879

12 809

7,8

Belgique

11 115

12 252

10,2

NB : ces données englobent les premières demandes, les demandes de réexamen et celles relatives aux mineurs accompagnants (sauf pour la Belgique, où les mineurs accompagnants sont exclus du nombre).

Source : ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.

Notre pays occupe ainsi la troisième place mondiale pour l’enregistrement de nouvelles demandes d’asile en 2008, avec 35 400 nouvelles demandes (mineurs accompagnants compris), quand les Etats-Unis en ont enregistré 49 000 et le Canada 37 000. Si les tendances du premier semestre se confirmaient, il pourrait atteindre la deuxième place, devant le Canada, en 2009, voire même dépasser les Etats-Unis.

B – Une procédure plus efficace, encore perfectible

Depuis la profonde réforme de l’asile de 2003, une série d’autres mesures a été prise, dans le domaine budgétaire, mais aussi en termes normatifs, pour renforcer ou compléter les effets de cette réforme. C’est parce que le mouvement de réformes était déjà largement lancé que le Conseil de modernisation des politiques publiques n’a pris qu’une décision relative à l’asile, celle concernant la contractualisation des relations entre l’Etat et l’OFPRA.

Les efforts consentis depuis plusieurs années ont déjà permis de rendre plus efficaces l’accueil des demandeurs d’asile et la procédure d’examen des demandes malgré la hausse de la demande. Ils seront poursuivis au cours des prochaines années.

1) Les bons résultats enregistrés par l’OFPRA ne doivent pas cacher de nouveaux risques de dérapage

En 2008, face à une augmentation de 20 % de la demande d’asile, l’OFPRA a pris plus de 43 000 décisions (mineurs accompagnants, décisions de radiations et de dessaisissement compris) soit un accroissement de 15 % par rapport à l’année 2007. Cette hausse de l’activité peut s’expliquer par plusieurs facteurs :

– l’augmentation de la part des réexamens dans les décisions prises, qui passe de 20 % en 2007 à 22,3 % en 2008 ;

– l’évolution à la hausse au cours de l’année 2008 du nombre d’agents instructeurs qui est passé de 94 en début d’année à 112 en fin d’année ;

– la baisse du taux de convocation (93 % en 2007 et 88,5 % en 2008) ;

– le contrôle et la maîtrise des délais d’instruction.

Cette situation s’est traduite par la hausse du nombre de dossiers traités dans l’année par un équivalent temps plein d’agent instructeur : de 353 dossiers en 2007, on est arrivé à 385 dossiers en 2008, et par une réduction du délai de traitement d’un dossier par l’Office : ce délai s’est réduit de cinq jours entre 2007 et 2008, pour atteindre 100 jours. Le stock des dossiers en instance est quasiment stable malgré la forte progression de la demande : de 2,8 mois d’activité de l’Office au 31 décembre 2007, il est seulement passé à 3 mois un an plus tard. Dans le même temps, l’âge du stock s’est réduit sensiblement. Au 31 décembre 2008, 57 % des dossiers en instance avaient une ancienneté supérieure à deux mois, alors que c’était le cas de 60 % d’entre eux en 2007. L’âge médian du stock est ainsi tombé en un an de 82 jours à 71 jours.

Selon le projet annuel de performances, les prévisions pour 2009 sont plus mitigées : le nombre de dossier traité par agent est attendu en baisse, à 372, chiffre néanmoins conforme à la prévision initiale et très proche de la cible (371 en 2011), tandis que le délai de traitement devrait continuer à diminuer au même rythme, pour atteindre 95 jours, puis 90 jours en 2010 et la cible de 85 jours en 2011. Le directeur général de l’OFPRA, que votre Rapporteur a rencontré, lui a indiqué que la moyenne de 95 jours ne serait certainement pas atteinte en 2009, le délai moyen sur les neuf premiers mois étant de 118 jours.

Les objectifs cibles figurent désormais dans le contrat d’objectifs et de moyens qui, conformément à la décision du Conseil de modernisation des politiques publiques, a été conclu entre l’OFPRA et l’Etat le 9 décembre 2008 et est entré en vigueur le 1er janvier dernier.

Pour le premier semestre 2009, les décisions prises (hors mineurs accompagnants) se sont accrues de 9,5 % par rapport à la même période de l’année précédente. Toutefois, ce nouvel effort reste en deçà de l’augmentation des nouvelles premières demandes (+ 33,5 % au premier semestre ; + 28,6 % sur les neuf premiers mois). Le fait que, depuis le mois de septembre 2008, la hausse de la demande d’asile soit principalement imputable aux seules premières demandes pénalise l’activité de l’Office.

Ainsi, les principaux facteurs de gain de productivité dont l’Office a pu bénéficier en 2008 ne sont plus d’actualité : la part des réexamens dans l’activité est en baisse (18 %), le taux de convocation est de nouveau en hausse (93 % en 2009), le nombre d’agents instructeurs n’a pas augmenté (110 au 30 juin 2009), la limite des gains de productivité individuelle ne peut plus guère être dépassée (près de deux décisions par jour et par agent). Les contraintes liées à l’instruction des premières demandes (audition quasi systématique, dactylographie des comptes rendus d’entretien en vue de leur communication extérieure en application du décret du 15 juillet 2008) pèsent de plus en plus sur les indicateurs de productivité. Les exigences de qualité prévisibles dans le cadre de la communautarisation du droit d’asile actuellement en cours (procès-verbal d’entretien, assistance d’un tiers aux entretiens avec utilisation obligatoire d’un interprète, recours systématique à l’information sur les pays d’origine, meilleure information du demandeur d’asile…) laissent présager un alourdissement de la charge de l’instruction et donc en conséquence une chute des ratios de productivité.

S’agissant des perspectives pour l’année 2010, en conséquence de l’application de la nouvelle jurisprudence sur la problématique de l’excision (7), les demandes d’asile malienne et sénégalaise devraient retrouver leur niveau normal. Ainsi, la demande d’asile en provenance des pays d’origine sûrs ne devrait plus représenter qu’environ 5 % de la demande globale.

S’agissant des pays pour lesquels des évènements récents semblent susceptibles d’avoir une influence sur l’évolution de la demande : la demande d’asile géorgienne demeure stationnaire avec environ 300 demandes d’asile annuelles et la demande malgache est en nette augmentation en 2009 mais reste marginale en chiffres absolus. Enfin, il faut noter un accroissement de la demande d’asile en provenance de Mongolie. Cette évolution paraît liée à de nouvelles filières d’immigration clandestine chinoises, la Mongolie n’ayant pas connu de bouleversements particuliers dans les derniers mois.

Si les résultats auxquels l’Office est parvenu sont remarquables, ils ne sont pas définitivement acquis, tant sont nombreux les facteurs externes susceptibles d’affecter son activité.

2) La réforme de la Cour nationale de droit d’asile est mise en œuvre

Si la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), administrativement et financièrement indépendante de l’OFPRA depuis le 1er janvier 2009 (8), est désormais rattachée au programme Conseil d’Etat et autres juridictions administratives de la mission « Conseil et contrôle de l’Etat », il est naturel que votre Rapporteur continue à s’y intéresser tant elle constitue un élément essentiel dans la procédure de demande d’asile : la Cour est à l’origine de plus d’octrois d’un statut de protection internationale (statut de réfugié ou protection subsidiaire) que l’OFPRA lui-même et les délais d’examen des recours ont un impact considérable sur, selon les cas, la durée de séjour des demandeurs en centre d’accueil (CADA) ou celle de perception de l’allocation temporaire d’attente (ATA).

Si ces délais sont encore très longs, ils ont néanmoins commencé à diminuer. En 2008, la Cour a en effet rendu plus de décisions (25 067) qu’elle n’a enregistré de nouveaux recours (21 636). L’indicateur du programme Conseil d’Etat et autres juridictions administratives porte sur le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock, calculé en divisant le nombre de dossiers en stock en fin d’année par la capacité annuelle de jugement ; il se distingue ainsi de l’indicateur utilisé jusqu’en 2008 dans le programme Immigration et asile, qui mesurait le nombre de jours écoulés entre le dépôt d’une demande et la prise de décision le concernant. Ce délai prévisible était de 10 mois et 17 jours en 2007, de 9 mois et 25 jours en 2008 et devrait atteindre 9 mois en 2009, quand l’objectif de 8 mois et 15 jours figurait dans le projet annuel de performances pour 2009. Selon le projet annuel de performances pour 2010, cet accroissement par rapport aux prévisions initiales s’explique, d’une part, par l’augmentation du nombre de recours – sur les sept premiers mois de 2009, il est en progression de 14 % par rapport à la même période de 2008 – et, d’autre part, par la hausse du taux de renvoi des affaires enrôlées (c’est-à-dire dont la date de l’audience a été fixée)
– qui dépasse 36 %, quand elle était de 29,4 % un an plus tôt –, laquelle est due à l’augmentation du nombre des affaires plaidées, conséquence de l’élargissement de l’aide juridictionnelle.

La proportion des affaires en stock enregistrées depuis plus d’un an devant la Cour est aussi en diminution : supérieure au tiers du stock fin 2007, elle s’est établie au-dessus du quart en 2008 et devrait rester à ce niveau en 2009.

Enfin, la Cour est concernée par un indicateur qualitatif, celui du taux d’annulation de ses décisions par le Conseil d’Etat, juge de cassation de ses décisions : ce taux était de 1,4 % en 2007, de 2,8 % en 2008 et devrait s’élever à 8 % en 2009. La prévision pour 2010, qui est aussi l’objectif cible, est de 1,5 % au maximum. Mais cette donnée est peu significative car les recours en cassation sont rares.

Sur les deux premiers points, la Cour a l’ambition d’améliorer notablement ses résultats dans les prochaines années : le délai de 8 mois et 15 jours est reconduit comme prévision pour 2010, mais la cible pour 2011 est de 6 mois ; pour ce qui des affaires en stock depuis plus d’un an, elle ne devraient plus représenter que 23 % du stock dès 2009 et 20 % en 2011. Sur ce dernier objectif, un effort particulier sera consenti pour détecter les affaires anciennes et leur apporter une solution le plus rapidement possible. Pour réduire de manière importante les délais de jugement, plusieurs actions ont été menées.

La plus importante consiste à professionnaliser la présidence d’une partie des audiences, alors que cette fonction était jusque-là remplie par des plusieurs dizaines (environ quatre-vingts au total) présidents vacataires, qui exerçaient une profession par ailleurs ou était à la retraite. L’article 15 de la loi du 12 mai 2009 (9) de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures a autorisé la Cour à se doter de dix magistrats assurant la présidence d’audiences de manière permanente. Dix présidents de section (sept magistrats de l’ordre administratif et trois de l’ordre judiciaire) sont affectés à plein temps à la Cour depuis septembre dernier. Chacun d’eux assure la présidence de deux à trois audiences par semaine, alors que les présidents non professionnels conduisent au mieux quatre à cinq audiences par mois. Grâce à cette intensification des audiences ayant le même président, les affaires qui sont l’objet d’un renvoi pourront être examinées à l’issue d’un délai supplémentaire de seulement quelques semaines, quand il était souvent de l’ordre de trois à quatre mois auparavant. Les dix présidents permanents peuvent ainsi conduire entre 35 et 40 % des audiences.

Même si leur nombre pourrait encore être légèrement augmenté, la collaboration de présidents vacataires reste indispensable pour faire face à la variation de l’activité liée aux évolutions de la demande d’asile. En outre, un avant-projet de loi propose de transférer à la CNDA le contentieux de l’asile aux frontières, actuellement traité par les tribunaux administratifs, en formation de juge unique. Si cette disposition est votée, la CNDA aura besoin de disposer de présidents vacataires qui soient en mesure de traiter les contentieux dans le délai imparti par la loi.

Par ailleurs, afin de réduire le nombre de renvois, un arrêté du 10 juin 2009 a abrogé l’arrêté interministériel du 20 juin 2008 fixant un nombre minimum de quinze affaires inscrites au rôle pour que les présidents vacataires et les assesseurs puissent percevoir leur indemnité. Les premières affaires prenant plus que temps qu’il l’aurait fallu, cette disposition conduisait au renvoi de nombreux autres dossiers à une audience ultérieure. Il appartient désormais au président de la juridiction de fixer le nombre d’affaires qui peuvent raisonnablement être traitées au cours d’une audience, en fonction de leur plus ou moins grande complexité. Le corollaire est la nécessité d’organiser un plus grand nombre d’audiences, ce qui supposera le renforcement des effectifs de rapporteurs et de secrétaires d’audience. La Cour, dont les effectifs réels sont en deçà du plafond d’emplois, prévoit ainsi de recruter cinq rapporteurs et trois secrétaires d’audiences supplémentaires en 2010.

3) L’accueil des demandeurs sera très largement régionalisé en 2010

Le processus en cours de régionalisation de l’admission au séjour des demandeurs d’asile vise à mettre en cohérence l’organisation de leur accueil en préfecture et le rôle dévolu aux préfets de région par la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration dans la gestion des centres d’accueil pour demandeurs d’asile et de l’allocation temporaire d’attente.

Cette réforme a été expérimentée depuis juin 2006 dans deux régions (Haute-Normandie et Bretagne), à l’initiative du Comité interministériel de contrôle de l’immigration (CICI) du 20 novembre 2005, afin de faire du préfet du département chef-lieu de région l’unique « point d’entrée » pour les primo-demandeurs d’asile de la région considérée.

Quatorze arrêtés publiés les 19 et 20 mars 2009 pérennisent cette réforme dans six autres régions (Poitou-Charentes, Franche-Comté, Auvergne, Picardie, Limousin et Lorraine) et lancent une nouvelle expérimentation pour un an dans huit nouvelles régions (Nord-Pas-de-Calais, Bourgogne, Centre, Languedoc-Roussillon, Pays-de-la-Loire, Midi-Pyrénées, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur).

Ce processus favorise une plus grande spécialisation des agents des services des étrangers des préfectures dans l’application du règlement Dublin II. Elle permet enfin une économie dans le déploiement des bornes EURODAC.

Au terme de cette réforme, dans chaque région métropolitaine (à l’exception des régions d’Ile-de-France, d’Alsace et de Corse), le préfet du département chef-lieu de région sera seul compétent pour délivrer (ou refuser) l’autorisation provisoire de séjour aux demandeurs d’asile, après prise d’empreinte sur la borne EURODAC, pour engager éventuellement une procédure de remise à un autre Etat membre en application du règlement Dublin II ou pour faire une offre d’hébergement dans un CADA. Les préfets des départements garderont des compétences résiduelles, par exemple pour les demandes de réexamen.

Dans trois régions qui connaissent un flux important de demandeurs d’asile (Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Midi-Pyrénées), un deuxième « point d’entrée » régional a été institué. En région Picardie, c’est le préfet de l’Oise qui a été désigné comme unique « point d’entrée ».

En cohérence avec la démarche de régionalisation de l’admission au séjour, l’Etat s’est engagé dans une réforme des modalités de premier accueil et d’accompagnement des demandeurs d’asile. Dans ce contexte, un schéma a été défini visant d’une part à supprimer progressivement le financement d’un certain nombre de plates-formes associatives, et d’autre part à développer l’activité de l’OFII dans le domaine de l’accueil des demandeurs d’asile.

Cette réforme des modalités d’accueil et d’accompagnement des demandeurs d’asile a d’ores et déjà été mise en œuvre au début de l’année 2008. Elle s’est traduite par la fermeture de 32 plates-formes (23 en 2008 et 9 en 2009) se trouvant dans des départements accueillant un faible flux de demandeurs d’asile, portant ainsi leur nombre à 28, mais également par le développement de l’activité de l’OFII dans le domaine de l’accueil et de l’accompagnement des demandeurs d’asile.

Le ministère poursuivra en 2010 la mise en œuvre de cette réforme, dans un objectif à la fois de rationalisation d’un réseau d’accueil très hétérogène et de mise en cohérence de la cartographie des plates-formes avec la régionalisation de l’admission au séjour des demandeurs d’asile. Ainsi, en 2010, l’implantation des plates-formes correspondra aux « points d’entrée » retenus pour l’admission au séjour des demandeurs d’asile dans le cadre de la régionalisation, soit 32 plates-formes, dont 23 structures associatives.

Dans ce contexte, le ministère a décidé de confier à l’OFII, dès le 1er janvier 2010, la coordination du pilotage du premier accueil et de l’accompagnement des demandeurs d’asile, ainsi que le financement de cette mission. Les missions des plates-formes (10) seront recensées et définies dans un cahier des charges précis, établi par le ministère en partenariat avec l’OFII, sur le fondement duquel les conventions avec les partenaires associatifs locaux seront signées par l’Office.

4) Un nombre accru de demandeurs est pris en charge dans un centre d’accueil

L’Etat est tenu d’assurer la prise en charge sociale des demandeurs d’asile, qui consiste en principe – sauf pour les demandeurs en attente de réadmission dans un autre pays européen dans le cadre du règlement Dublin II, ou en procédure prioritaire – à fournir un hébergement accompagné en CADA. Pour permettre au plus grand nombre possible de demandeurs de bénéficier de ce dispositif, il faut parvenir à optimiser l’utilisation des places de CADA. L’accent mis depuis quelque temps sur le pilotage du dispositif national d’accueil (le DN@), dont est chargé l’OFII, et sur sa fluidité, désormais mesurée régulièrement et objet d’objectifs de performance assignés aux préfets, a donné des résultats très positifs.

Depuis fin 2007, le dispositif national d’accueil compte 20 410 places réparties entre 271 CADA – à l’exception de ceux de Corse, tous les départements métropolitains en ont au moins un –, auxquelles il faut ajouter les 246 places des deux centres de transit, qui accueillent certains demandeurs pendant la période nécessaire à l’établissement de leur situation administrative, et les 33 places du centre d’accueil et d’orientation pour mineurs isolés demandeurs d’asile.

Cette stabilité du nombre de places n’a pas empêché d’obtenir une progression importante du nombre d’admissions et même, en dépit de la reprise de la hausse de la demande, de la part des demandeurs accueillis dans ce dispositif. On a ainsi compté 11 507 admissions en 2007, 12 402 en 2008 et 6 516 au premier semestre 2009, ce qui a permis une progression globale de la part d’hébergement en CADA des demandeurs remplissant les conditions d’accès à cet hébergement, passée de 46 % en 2006, à près de 51 % en 2007, avant de retomber à 48,6 % en 2008 pour se redresser en 2009 à 55 % selon la prévision actualisée, en retrait de quatre points par rapport à la prévision qui figurait dans le projet annuel de performances. La prévision pour 2010 est de 65 % et la cible pour 2011 de 70 %. En 2008, la baisse du taux ne résulte pas de la diminution du nombre de personnes accueillies en CADA – qui a au contraire progressé – mais de l’augmentation plus rapide du nombre des demandeurs.

Le taux d’occupation des places, qui n’est plus un indicateur du projet annuel de performances, se maintient aussi à un niveau élevé, supérieur à 98,4 % au 30 juin 2009, ce qui est considéré comme un niveau d’occupation optimal étant donné l’importance du parc et les difficultés issues de la possible inadéquation entre les places disponibles et la composition des familles des personnes hébergées.

La part des places occupées, au 31 décembre, par des demandeurs d’asile en cours de procédure s’améliore également : à 77,9 % fin 2007, elle s’est établie à 78,3 % fin 2008 et devrait atteindre 85 % fin 2009, comme prévu. La cible est 90 % en 2011. Cette amélioration résulte principalement de l’accélération de la sortie des personnes qui ne remplissent plus les conditions pour vivre en CADA, c’est-à-dire d’une part les réfugiés et les bénéficiaires de la protection subsidiaire, autorisés à rester pendant trois mois, renouvelables une fois, après obtention de leur statut, d’autre part les déboutés, qui doivent quitter le centre dans un délai d’un mois (11). Pour les premiers, le délai de sortie est effectivement de six mois (contre 6,8 mois en 2007) et ils ne représentent plus que 3,1 % des personnes hébergées fin 2008 (contre 4 % un an avant) ; pour les seconds, il s’est nettement contracté, atteignant 4,7 mois quand il était de 6,9 mois en 2007, mais demeure très supérieur à la norme, la part de ces personnes parmi celles vivant en CADA étant néanmoins passée de 7,2 % fin 2007 à 5,1 % fin 2008.

Globalement, la durée des séjours en CADA a cependant augmenté de 1,6 % entre 2007 et 2008, pour s’établir à 557 jours, du fait de la longueur des délais d’instruction des recours contre les décisions de rejet de l’OFPRA, mais aussi des difficultés persistantes rencontrées pour trouver des solutions de sortie, aux réfugiés comme aux déboutés. Le développement de l’aide au retour volontaire pour les seconds, ainsi que les actions menées en faveur de l’intégration des premiers (voir infra) devraient permettre une amélioration de la situation.

Enfin, votre Rapporteur y reviendra, 1 000 places supplémentaires de CADA devraient être ouvertes en 2010.

Toutes ces mesures devraient progressivement réduire la part des demandeurs d’asile accueillis dans un dispositif d’hébergement d’urgence. Le coût de l’hébergement d’urgence, au niveau national et déconcentré, devrait ainsi diminuer peu à peu : ce fut le cas au cours des dernières années (la dépense a chuté de 103,7 millions d’euros en exécution en 2007 à 57,16 millions d’euros en 2008 et 53,1 millions d’euros en 2009), mais les perspectives pour 2009 sont assez inquiétantes étant donné la forte progression des flux de demandeurs : la dépense atteignait déjà 45 millions d’euros au 31 juillet 2009, pour 30 millions d’euros de crédits ouverts initialement.

C – La prise en compte de besoins financiers croissants

Le projet de budget pour 2010 témoigne d’un souci de réalisme qui avait manqué, dans certains domaines, aux budgets précédents. Comme on pouvait logiquement s’y attendre, la hausse soutenue de la demande d’asile, qui a entraîné des difficultés dans l’exécution du budget de la mission en 2009, rend nécessaire une augmentation des crédits pour maintenir l’efficacité du dispositif en 2010.

On notera en outre que le ministère attend le rattachement de 8,25 millions d’euros sur cette action en 2010, provenant du Fonds européen pour les réfugiés.

1) Une progression des moyens de l’OFPRA prévue dans le contrat d’objectifs et de moyens

En 2009, alors que le projet de loi de finances prévoyait d’accorder à l’OFPRA une subvention de fonctionnement de 29 millions d’euros, cette enveloppe avait été portée à 30,5 millions d’euros à la suite de l’adoption d’un amendement de la commission des finances du Sénat. Ce montant, qui devait permettre à l’Office de faire face à l’augmentation de la demande d’asile, a été repris dans le contrat d’objectifs et de moyens. Ramenée à 29,9 millions d’euros après mise en œuvre de la réserve de précaution, cette somme ne devrait pas couvrir complètement les dépenses de l’Office, prévues à hauteur de 31,2 millions d’euros en fonctionnement, dont 69 % pour les dépenses de personnel correspondant à ses 412 ETP et 15 % pour ses frais locatifs, et de 0,41 million d’euros en investissement. La progression des dépenses vient principalement de l’augmentation du taux de cotisation patronale au titre des pensions civiles, qui est passé de 50 % à 60,76 %, et de la majoration (de 21 %) du coût unitaire des prestations d’interprétation, en référence aux tarifs de l’interprétariat auprès des tribunaux.

Pour 2010, la subvention pour charges de service public a été fixée à 32 millions d’euros, comme prévu dans le contrat d’objectifs et de moyens – elle devrait atteindre 33,6 millions d’euros en 2011. 22,5 millions d’euros (contre 21,4 millions d’euros dans le budget initial 2009) sont prévus pour les dépenses de personnel, 9,5 millions d’euros pour le fonctionnement courant et les investissements.

Le contrat garantit l’engagement financier de l’Etat tout en fixant à l’Office des objectifs quantitatifs (productivité, délai, coût, temps de réaction), des normes de qualité (formation, documentation et recherches, analyse de la jurisprudence) et des schémas de modernisation (veille documentaire, administration électronique, certification ISO des services d’accueil du public, contrôle interne, structure des emplois).

Les objectifs posés, notamment ceux dits stratégiques, sont parfaitement cohérents avec ceux du projet annuel de performances, dont le contrat reprend les indicateurs (nombre, délai et coût moyens de traitement d’une demande, nombre d’ETP affecté à des tâches d’instruction). Mais le contrat d’objectifs et de moyens va au-delà du projet annuel de performances et constitue un véritable projet d’établissement.

Prévoyant la réunion, à mi-parcours, du comité de suivi, il ouvre également la possibilité de réunions extraordinaires dudit comité en cas de modification significative des conditions d’activité. Cette possibilité sera utilisée dans les prochaines semaines pour répondre aux hausses de la demande enregistrées en 2008 (20 %) et au premier semestre 2009 (16,5 %), hausses largement supérieures aux hypothèses ayant servi de base à la rédaction du document au cours du second semestre 2008, qui étaient limitées à 7 % de progression de la demande en 2009 et à 5 % en 2010. Les effectifs d’officiers de protection instructeurs nécessaires à la gestion de la demande attendue, soit 120,7 ETP, risquent d’être insuffisants étant donné les circonstances. L’OFPRA souhaiterait donc soit un rebasage du nombre de ses officiers de protection, pour éviter un accroissement du stock des dossiers à moyen terme, soit une révision des objectifs qui lui sont assignés, afin de les adapter à la réalité de la situation.

2) Des moyens de fonctionnement consolidés pour la CNDA

La Cour nationale du droit d’asile constitue une action à elle seule. Lui seront affectés 252 ETPT en 2010 – les effectifs réels devraient s’établir à 237 ETPT fin 2010 –, dont un membre du Conseil d’Etat qui assure sa présidence, et les dix magistrats qui occupent les postes de présidents permanents de formations de jugement. Les frais de personnel sont en très légère baisse (12,32 millions d’euros, contre 12,54 millions d’euros ouverts pour 2009).

En revanche, les crédits de fonctionnement de cette action, qui ne comprennent ni ceux destinés à l’informatique, ni les frais de justice, ni les dépenses de formation, ni les frais d’interprétariat, inscrits sur l’action Soutien du même programme, apparaissent dans le projet annuel de performances quasiment stables en crédits de paiement, à 4,66 millions d’euros (contre 4,98 millions d’euros en 2009, la différence étant due à des transferts vers l’action Soutien) mais en nette progression en autorisations d’engagement : à 7,4 millions d’euros en 2009, ils sont proposés à plus de 12,57 millions d’euros en 2010.

Ces crédits sont répartis comme suit :

– 1,2 million d’euros en autorisations d’engagement et 1,04 million d’euros en crédits de paiement pour le fonctionnement courant de la Cour ;

– 11,38 millions d’euros en autorisations d’engagement et 3,62 millions d’euros en crédits de paiement, principalement destinés aux frais de locations immobilières (la signature d’un nouveau bail explique le niveau des autorisations d’engagement) et aux autres frais immobiliers (énergie, nettoyage, gardiennage et entretien), pour 0,5 million d’euros.

Le coût prévisionnel de l’interprétariat, assuré sur l’action Soutien du programme, est estimé à 1,4 million d’euros en 2009. Cette prestation s’inscrit dans un marché public à lots qui est resté commun avec l’OFPRA, pour des raisons d’économie d’échelle. Le marché comporte vingt lots dans lesquels les langues sont réparties par région. L’interprétariat à la CNDA couvre cent vingt langues, dont une dizaine de langues dites rares.

3) Les conséquences financières de l’ouverture de 1 000 places de CADA supplémentaires

Si le transfert à l’OFII de la responsabilité de la mise en œuvre effective, dans les régions, des dispositifs d’accueil et d’accompagnement des demandeurs d’asile se traduit par la suppression des crédits budgétaires destinés aux plates-formes d’accueil (soit 2,6 millions d’euros en 2009) (12), la forte hausse des crédits destinés aux CADA compense largement ce transfert.

Pour 2010, est en effet prévue la création de 1 000 nouvelles places de CADA, pour un montant de 4,7 millions d’euros supplémentaires, correspondant à la prise en charge de 500 nouvelles places à mi-année. Un appel à projets sera lancé à l’automne 2009, sur le fondement duquel les candidatures seront examinées au premier semestre 2010, pour une création effective des places dans le courant du second semestre. L’appel à candidatures précisera les critères de sélection des projets et tiendra compte notamment des résultats en termes d’indicateurs de suivi et de pilotage des CADA par département et/ou gestionnaire de centre ; de la zone géographique d’implantation ; du taux d’équipement en CADA de la région et/ou du département ; du flux entrant de la demande d’asile et de la modularité des places proposées.

La prévision de dépense pour les CADA en 2010 s’établit ainsi à 202,63 millions d’euros, contre 195,6 millions d’euros en loi de finances pour 2009. La hausse dépasse l’augmentation induite par la création de nouvelles places car elle intègre une revalorisation de 1,15 % du coût journalier moyen national d’une place, ainsi porté à 26,20 euros.

Ce coût intègre les actions liées au suivi médical et social des personnes hébergées, ainsi que l’aide à la scolarisation et l’animation de la vie du centre. Avec un taux d’encadrement moyen d’un ETP pour dix personnes, les frais de personnel représentent 39 % du total des coûts. A l’issue d’une étude menée sur un échantillon des centres présentant des caractéristiques diversifiées, un système de contrôle de gestion sur les prestations des CADA est en cours de mise en place et pourrait être déployé en 2010.

Pour ce qui est des dispositifs d’hébergement d’urgence, il leur sera consacré 30 millions d’euros en 2010, comme en 2009, ce qui permettra de financer un nombre de places plus élevé que ne le prévoyait le projet de loi de finances pour 2009 dans la mesure où une enquête réalisée en 2009 sur l’activité de 2008 a fait apparaître une surévaluation du coût moyen journalier d’une place d’hébergement d’urgence : le coût, estimé à 17,96 euros pour 2009, était en fait de 14,31 euros en 2008, réévalué à 14,52 euros pour 2010. Les 21 millions d’euros prévus au bénéfice du dispositif à gestion déconcentrée assureront ainsi le financement de près de 4 000 places (3 978 en théorie).

Quant aux 9 millions d’euros affectés au dispositif à gestion nationale, ils financeront les 1 500 places gérées par ADOMA (13) et destinées à l’hébergement hors d’Ile-de-France des demandeurs d’asile arrivant en région parisienne (soit près de 45 % des demandeurs) ou à la prise en charge des demandeurs d’asile des autres régions où le flux est important. Ce dispositif peut aussi accueillir des personnes en procédure prioritaire ou « Dublin II », qui ne peuvent accéder à un CADA. Le projet annuel de performances précise que ces crédits seront intégrés, en 2010, à une subvention globale versée à ADOMA dans le cadre du contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens qui devrait être signé avec le ministère d’ici la fin 2009, englobant l’ensemble des activités de la société relatives à la demande d’asile.

4) L’enveloppe destinée à l’allocation temporaire d’attente fixée à un niveau réaliste

En application de l’article L. 5423-9 du code du travail, modifié par l’article 156 de la loi de finances pour 2009, l’allocation temporaire d’attente (ATA) est versée à tout demandeur d’asile, à l’exception de ceux qui sont hébergés en CADA, de ceux qui ont refusé le principe d’un hébergement dans un tel centre, et de ceux qui ont déposé à l’OFPRA une demande de réexamen – cette dernière catégorie a été ajoutée par la loi de finances précitée. Contrairement à la situation qui prévalait avant l’arrêt du Conseil d’Etat du 16 juin 2008 annulant partiellement le décret du 13 novembre 2006 relatif à l’allocation temporaire d’attente, les ressortissants des pays d’origine sûrs et les ressortissants pour lesquels l’article 1C5 de la convention de Genève sur le statut de réfugié (14) est appliqué ont aujourd’hui le droit de percevoir l’ATA – s’ils ne relèvent pas aussi de l’une des catégories exclues de l’allocation, naturellement.

L’année 2008 était particulière puisque, à compter de l’arrêt du Conseil d’Etat, une partie des demandeurs auparavant privés du droit à l’ATA pouvait en bénéficier. Les conséquences de cette situation imprévisible ont été amplifiées par la forte progression du flux des demandeurs d’asile, si bien que les 28 millions d’euros prévus en loi de finances initiale sur des hypothèses très optimistes ont été largement insuffisants : la dépense a atteint 50,4 millions d’euros, dépassant celle enregistrée en 2007 (47,1 millions d’euros).

La loi de finances pour 2009 avait ouvert 30 millions d’euros au titre de l’ATA, en retenant l’hypothèse de 7 643 bénéficiaires en moyenne annuelle, touchant l’allocation pendant douze mois. Votre Rapporteur avait jugé cette hypothèse très volontariste, et même excessivement optimiste, et avait craint un nouveau dépassement en exécution.

Le moins que l’on puisse dire est que sa prévision était pertinente : au 30 juin 2009, près de 17 000 demandeurs d’asile touchaient l’ATA, et la prévision de dépenses pour l’ensemble de l’exercice est aujourd’hui comprise entre 65 et 67 millions d’euros. 18 millions d’euros ont été dégelés sur la réserve de précaution dès juillet 2009 afin de faire face aux besoins les plus urgents, parmi lesquels le financement de l’ATA. Une vingtaine de millions d’euros devront donc être ouverts par un prochain décret d’avances pour couvrir cette dépense.

L’inscription budgétaire proposée pour 2010 apparaît nettement plus réaliste que celle des deux budgets précédents : en hausse de 77 %, elle s’établit à 53 millions d’euros. Ce montant correspond au versement d’une allocation revalorisée à hauteur de 1,2 % – soit 10,67 euros par jour, en intégrant les frais de gestion de l’allocation par Pôle emploi – à 13 150 bénéficiaires pendant une durée moyenne de douze mois.

Etant donné la réduction importante des présences indues en CADA et le raccourcissement attendu des délais de procédure devant la CNDA, ces hypothèses apparaissent réalistes, surtout si l’augmentation du nombre des demandes d’asile ralentit, comme cela semble se dessiner ces tout derniers mois.

III – LE DÉFI DE LA LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION ILLÉGALE

La lutte contre l’immigration clandestine est le volet de la politique du ministère qui retient le plus l’attention des médias. Son coût est en fait, pour cette mission budgétaire, bien inférieur à celui de l’accueil des demandeurs d’asile.

A – L’application de la loi

L’application de la loi est non seulement un principe républicain impératif, mais aussi une nécessité pratique afin d’éviter les infractions futures grâce à un effet dissuasif. Des progrès importants ont été accomplis dans ce domaine.

1) Les infractions à la législation sont davantage poursuivies

Le projet annuel de performances retient deux indicateurs principaux : le nombre d’interpellations de trafiquants et de facilitateurs et le nombre de personnes mises en cause pour infraction à la législation relative à l’entrée et au séjour des étrangers.

Le premier chiffre rend compte du nombre de personnes mises en cause au titre de l’index 70 de l’état 4001, c’est-à-dire pour aide à l’entrée irrégulière, à la circulation et au séjour irréguliers des étrangers, en métropole et outre-mer. Il était de 4 353 en 2007, 4 833 en 2008 et devrait atteindre l’objectif de 5 000 fixé pour 2009. La prévision pour 2010 atteint 5 200 et la cible pour 2011 5 500.

Le deuxième indicateur reflète le nombre de personnes mises en cause au titre de l’index 69 de l’état 4001, soit pour infraction aux conditions générales d’entrée et de séjour des étrangers. Il distingue la métropole des départements d’outre-mer et de Mayotte. En métropole, 103 556 personnes ont été mises en cause à ce titre en 2007 et 111 692 en 2008. L’objectif de 110 000 en 2009 ne devrait pas être atteint : la prévision pour cette année a été ramenée à 105 700 – au premier semestre 2009, le chiffre est de 52 324. Elle est de 115 000 pour 2010 et de plus de 120 000 pour 2011. Outre-mer, le nombre de personnes mises en cause atteignait 32 310 en 2007 et 30 225 en 2008. La prévision initiale de 40 000 pour 2009 ne sera pas non plus réalisée, mais près de 32 500 mises en cause sont désormais prévues, chiffre le plus élevé sur les trois dernières années. L’objectif de 40 000 est reconduit pour 2010 et 2011.

Ces résultats sont bons, même si les objectifs, très ambitieux, fixés pour 2009, ne seront pas complètement réalisés. Ils témoignent d’une mobilisation des forces de l’ordre dans la lutte contre ces types d’infractions. Les informations dont dispose le ministère pour le premier semestre 2009 témoignent d’un repli des mises en cause par rapport à la même période de 2010. Pour ce qui est des infractions au titre de l’index 69, de loin les plus fréquentes, on observe une diminution de 13,3 % du nombre total des personnes mises en cause. Cette baisse, enregistrée par la quasi-totalité des services concernés (15), est particulièrement marquée pour la police aux frontières (– 20 %), qui constate environ les deux tiers des délits. Selon les informations fournies par le ministère, ce résultat est largement dû à l’utilisation importante dans le Calaisis de procédures dites simplifiées, qui ne sont pas comptabilisées dans l’état 4001. Il ne reflète donc pas un désengagement des services.

Le nombre d’interpellations d’étrangers en situation irrégulière, qui ne fait pas partie des indicateurs retenus dans le projet annuel de performances, se maintient d’ailleurs à un niveau élevé – supérieur à 82 500 en 2008, alors qu’il n’était que de 44 500 environ en 2004 –, même s’il enregistre un léger repli de 1,6 % au premier semestre 2009. En 2008, les nationalités les plus représentées parmi les personnes interpellées étaient l’afghane (15 374) – qui ne faisait pourtant pas partie des six premières nationalités en 2007 –, l’érythréenne (11 352) et l’irakienne (10 766). Les suivantes (marocaine et algérienne) sont concernées pour moins de 5 000 cas chacune. Les résultats du premier semestre 2009 confirment cette situation. En 2008, plus de la moitié des interpellations ont eu lieu dans la zone Nord (dont 36 874 sur 43 228 dans le Pas-de-Calais), et un peu plus d’un cinquième dans la zone Sud. Au cours du premier semestre 2009, les arrestations sont globalement en légère baisse, même si une augmentation de 4,5 % est enregistrée dans la zone Est.

L’encadré suivant récapitule les décisions prises par le ministre pour faire face à la situation particulièrement tendue de la région de Calais.

LE PLAN DESTINÉ À AMÉLIORER LA SITUATION DANS LE CALAISIS

Les politiques d’accueil et d’asile connaissent des tensions exceptionnelles à Calais et le long de la frontière maritime avec le Royaume-Uni, qui n’appartient pas à la zone Schengen et reste un pôle très attractif pour les filières clandestines. Le ministère a adopté un plan comportant quatre volets :

– le rétablissement de l’Etat de droit, avec la perspective d’un démantèlement des grands campements d’illégaux, véritables zones de non-droit ; celui du principal campement, dénommé la « Jungle », a été réalisé à la fin du mois de septembre ;

– le renforcement du contrôle de la frontière, seul à même d’adresser aux filières clandestines le message clair qu’« on ne passe plus en Angleterre en venant à Calais » ;

– la mise en place d’un schéma humanitaire complet, comportant notamment l’ouverture d’une permanence d’accès aux soins, d’un point de distribution des repas, d’un point sanitaire, de douches, et d’un point de distribution d’eau potable ;

– la facilitation du dépôt des demandes d’asile, pour les clandestins qui le souhaitent, par l’ouverture à Calais d’une permanence de recueil des demandes.

Deux autres aspects de la lutte contre l’immigration clandestine méritent d’être évoqués : la lutte contre les filières et contre le travail illégal d’étrangers, qui constituent deux formes d’exploitation des étrangers.

Pour renforcer les moyens de ce combat, la direction centrale de la police aux frontières a créé en 2007 l’Office central pour la répression de l’immigration irrégulière et l’emploi d’étrangers sans titre (OCRIEST). Ce dernier a mis en place un outil fiable de comptabilisation des filières démantelées. On en a ainsi dénombré 96 en 2007, 101 en 2008 et 77 au premier semestre 2009. Ces résultats témoignent de l’effort réalisé par les services dans ce domaine : la police aux frontières est toujours à l’origine du plus grand nombre de démantèlements, mais la gendarmerie nationale et la préfecture de police de Paris obtiennent aussi des résultats. Le nombre d’arrestations de trafiquants de migrants – dont moins d’un tiers est de nationalité française (16) – par la police aux frontières a ainsi augmenté de 48 % entre 2006 et 2008 et cette tendance à la hausse se confirme en 2009, comme le tableau suivant le met en évidence :

ARRESTATIONS DE TRAFIQUANTS DE MIGRANTS EN MÉTROPOLE
PAR LA POLICE AUX FRONTIÈRES

 

2006

2007

2008

1er semestre 2009

Nombre de trafiquants de migrants interpellés, dont :

2 920

3 456

4 314

2 614

– organisateurs

154

173

282

167

– passeurs

1 258

1 341

1 562

967

– logeurs

597

694

861

542

Source : ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.

La priorité nationale en faveur de la lutte contre l’emploi de ressortissants de pays tiers (c’est-à-dire extracommunautaires) en situation de séjour irrégulière s’est traduite par l’accroissement du nombre de faits constatés pour emploi d’étrangers sans titre de travail (soit au titre de l’index 94 de l’état 4001) par les services de police et les unités de gendarmerie, à hauteur de plus de 21 % entre 2007 et 2008, année où il a atteint 3 778. Un léger tassement (de 4,5 %) a été observé entre le premier semestre 2009 et la même période de 2008.

2) Les droits des personnes en situation irrégulière sont mieux respectés

Au cours des dernières années, l’attention des médias a régulièrement été attirée sur le sort d’étrangers en situation irrégulière interpellés et placés en rétention administrative. La description qui est faite des conditions de vie dans les CRA est souvent caricaturale. Votre Rapporteur a pu le constater en visitant certains d’entre eux. La mission parlementaire conduite par notre collègue Thierry Mariani au sein de la commission des lois (17) a jugé que les conditions de vie dans les CRA et les zones d’attente sont globalement acceptables et que les droits des étrangers y sont respectés. Elle n’en formule pas moins de propositions d’amélioration très pertinentes, dont certaines ont déjà été mises en œuvre.

La Cour des comptes s’est penchée à deux reprises sur les centres et locaux de rétention administrative, une première fois, en 2007, de son propre chef, sur la période 2002-2005, une deuxième fois, en juin dernier, à la demande de la commission des finances du Sénat, sur la période 2006-2008. Elle a, à chacune de ces occasions, soulevé quelques points sur lesquels elle estimait que les droits des personnes retenues n’étaient pas parfaitement respectés.

Le ministère a pris soin de tenir compte des observations formulées en 2007. Ainsi, par exemple, afin d’améliorer les conditions de vie, les centres les plus vétustes ont été déclassés : tel a été le cas de celui de Toulouse, en février 2009, et de celui de Nantes, fermé en janvier 2009, qui sera reconstruit et à nouveau opérationnel début 2010. Le centre de Bordeaux sera pour sa part prochainement réhabilité.

Pour ce qui est des locaux de rétention administrative – où sont envoyées, pour une très courte période, des personnes en attente d’une place en CRA –, un recensement a été mené à la fin de l’année 2008, qui a permis de dresser un état tant quantitatif que qualitatif. Au nombre de 45 en métropole et de 4 outre-mer, ils ont accueilli respectivement 6 860 personnes et 2 407. Le recensement a ensuite donné lieu à une expertise qui intègre plusieurs critères, dont le respect de la règlementation, le niveau d’occupation et la proximité d’un CRA. Cette analyse permettra de prendre des décisions en matière de fermetures et de travaux d’aménagement, en s’assurant de leur adéquation aux besoins et de leur conformité à la règlementation.

La Cour estime que la situation reste préoccupante en ce qui concerne le droit de recourir à un interprète. Il est vrai que, en application du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), la mise à disposition et la prise en charge par l’administration des frais liés à l’assistance d’un interprète pour les étrangers maintenus dans un lieu de rétention et qui ne comprennent pas le français, ne sont exigées que dans le seul cadre des procédures d’éloignement dont ils font l’objet. Elles ne s’appliquent donc pas aux demandes d’asile formulées en rétention. Néanmoins, l’administration ne fait en aucun cas obstacle au droit des étrangers de se faire assister d’un interprète ou du traducteur de leur choix. A ce titre, les centres de rétention administrative mettent à disposition, pour la plupart d’entre eux, les coordonnées téléphoniques des greffes des tribunaux de grande instance qui disposent de listes d’interprètes traducteurs agréés.

Par ailleurs, si la Cour des comptes estime que l’information préalable des étrangers sur leurs déplacements, garantie par la loi, n’est toujours pas pleinement réalisée, il n’en demeure pas moins que de nombreuses améliorations ont été effectuées. Ainsi, au centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot on procède quotidiennement à l’affichage, dans le réfectoire, des prévisions de déplacements des étrangers retenus. Plus généralement, l’ensemble des centres de rétention administrative assure l’information des étrangers retenus sur l’état de leur dossier administratif, à leur demande.

Quant au rapport de juin 2009, il évoque le « lancinant et douloureux problème » posé par la présence de femmes et d’enfants en rétention et critique certains points dans le fonctionnement de quelques centres, souvent en accord avec le rapport de M. Mariani ou avec celui du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Dans son rapport d’activité 2008, ce dernier insiste sur la variabilité des pratiques d’un centre à l’autre, pour en contester certaines, à l’exemple de la confiscation des stylos ou des soutiens-gorge ou de l’absence d’information d’une personne sur son prochain départ, sous des prétextes de sécurité. Il appelle de ses vœux la mise en place de davantage d’activités pour les personnes retenues, observe une corrélation entre la taille des centres et le caractère paisible ou non de la vie en leur sein, critique le menottage des retenus pendant leurs transferts, parfois longs, et juge inutile que les fonctionnaires ou militaires portent leur arme de poing dans le centre.

Votre Rapporteur estime donc que ces critiques, parfaitement fondées, d’une part ne portent pas sur le respect des droits fondamentaux des étrangers, d’autre part sont prises en compte par le ministère, qui s’efforce d’améliorer la situation des personnes retenues.

Votre Rapporteur tient aussi à souligner que c’est non seulement dans un souci d’économie substantielle de moyens, mais aussi afin d’améliorer les conditions de présentation des retenus devant les magistrats que des salles d’audiences ont été aménagées à proximité de certains CRA. Elles permettent en effet de limiter les longs trajets d’étrangers menottés, de réduire la durée d’attente et d’assurer une prise des repas à une heure normale. Après que trois arrêts de la Cour de cassation en date du 16 avril 2008 ont annulé des décisions de prolongation de rétention, au motif que la proximité immédiate exigée par le CESEDA « est exclusive de l’aménagement spécial d’une salle d’audience dans l’enceinte du CRA », les salles d’audience des CRA de Marseille le Canet, de Coquelles et de Toulouse ont été fermées.

Celle de Toulouse, située dans l’enceinte du centre, n’est plus utilisée depuis. Le centre de rétention administrative de Marseille le Canet dispose en revanche, depuis mars 2009, d’une salle d’audience implantée en bordure du site mais close d’un mur d’enceinte l’isolant des autres bâtiments et à une distance de 200 mètres du centre de rétention, qui remplit donc les exigences fixées par la Cour de cassation. A Coquelles, depuis le 13 juin 2005, les audiences se tiennent chaque semaine dans un bâtiment distinct, séparé du centre par une route de service.

Votre Rapporteur déplore l’absence d’évolution de la situation de la salle d’audience de la zone d’attente de Roissy, qu’il a présentée en détail dans son avis sur le projet de budget pour 2008. Le projet d’extension, dont le coût est estimé à 2,4 millions d’euros et qui devrait être réalisé dans le cadre d’une procédure de conception-réalisation, est toujours en attente d’une décision de financement. Il se réjouit a contrario du prochain aménagement de deux salles d’audience à proximité des futurs centres de rétention 2 et 3 du Mesnil-Amelot, qui devraient ouvrir en avril 2010.

Le développement de la visio-conférence présente le même type d’avantages que celui des audiences délocalisées. Cette pratique peut aussi être mise en œuvre pour les audiences devant l’OFPRA, évitant aux personnes retenues de devoir aller près de Paris pour être entendues par un officier de protection. C’est l’usage qui en est fait au CRA de Lyon Saint-Exupéry, depuis le mois de mai 2008. Entre cette date et la fin juin 2009, 147 entretiens se sont déroulés dans ces conditions, permettant de réaliser une économie de frais d’escorte estimée à 441 000 euros. Jusqu’à présent, la visio-conférence n’est pas mise en œuvre pour la tenue d’audiences, faute de pouvoir être organisée dans une salle qui remplisse les conditions posées par la Cour de cassation. Elle devrait être prochainement expérimentée à proximité des CRA de Toulouse, d’Hendaye et des deux nouveaux centres du Mesnil-Amelot.

3) Leur éloignement est plus souvent effectif

a) Un nombre croissant de mesures d’éloignement exécutées

Le nombre de mesures d’éloignement exécutées, qui s’établissait à 15 660 en 2004, a augmenté de 90 % en quatre ans pour atteindre 29 796 en 2008. Si le nombre d’exécutions d’arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière, instrument privilégié de lutte contre l’immigration clandestine, a diminué à partir de 2007, c’est que la mise en place législative de l’obligation de quitter le territoire français a eu des conséquences sur le prononcé des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière.

LES MESURES D’ÉLOIGNEMENT (2005 – 1ER SEMESTRE 2009)

 

2005

2006

2007

2008

1er semestre 2009

 

pronon-cées

exécutées

pronon-cées

exécutées

pronon-cées

exécutées

pronon-cées

exécutées

pronon-cées

exécutées

Interdictions du territoire

5 278

2 250

4 697

1 892

3 580

1 544

2 611

1 386

1 015

649

OQTF (1)

       

46 263

1 816

42 130

3 050

21 063

2 462

APRF (2)

61 595

14 897

64 609

16 616

50 771

11 891

43 739

9 844

21 904

5 500

Arrêtés d’expulsion

285

252

292

223

258

206

237

168

110

112 (3)

Décisions de réadmission

6 547

2 442

11 348

3 681

11 138

4 428

12 663

5 276

6 445

2 001

Départs volontaires

nd

1 419

3 311

10 072

4 120

Totaux

73 705

19 841

80 672

23 831

112 010

23 196

101 380

29 796

50 537

14 844

(1) OQTF : obligation de quitter le territoire français

(2) APRF : arrêté préfectoral de reconduite à la frontière.

(3) les mesures exécutées peuvent avoir été prononcées l’année précédente, d’où un plus grand nombre de décisions exécutées que de décisions prises.

Source : ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.

 

Les chiffres précités n’incluent pas les décisions de non-admission aux frontières, qui ont progressé de 7,66 % entre 2007 et 2008, pour s’établir à 17 628. Plus de 13 000 d’entre elles ont été prises aux frontières aériennes de notre pays.

Pour l’essentiel, les nationalités les plus touchées par l’exécution des mesures d’éloignement sont les mêmes d’année en année, comme le tableau suivant le met en évidence.

LES NATIONALITÉS LES PLUS TOUCHÉES PAR L’EXÉCUTION DES MESURES D’ÉLOIGNEMENT

Année 2007

Année 2008

1er semestre 2009

Nationalité

Nombre de mesures d’éloignement exécutées

Nationalité

Nombre de mesures d’éloignement exécutées

Nationalité

Nombre de mesures d’éloignement exécutées

algérienne

3 194

roumaine

7 842

roumaine

4 346

marocaine

2 507

algérienne

3 078

algérienne

1 552

roumaine

2 295

marocaine

2 743

marocaine

1 550

turque

1 944

tunisienne

1 562

tunisienne

907

tunisienne

1 124

turque

1 546

turque

479

indienne

1 002

indienne

1 373

chinoise

447

chinoise

973

bulgare

1 064

indienne

403

bulgare

817

chinoise

833

brésilienne

358

brésilienne

507

brésilienne

674

bulgare

327

moldave

436

malienne

501

kosovare

294

Source : ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.

Le nombre remarquablement élevé de mesures de reconduite à la frontière obtenu en 2008 avait conduit le ministère à se fixer l’objectif de 30 000 mesures exécutées en 2009. Bien que les résultats du premier semestre 2009 permettaient d’espérer l’atteindre, la prévision actualisée figurant dans le projet annuel de performances pour 2010 a été ramenée à 27 000, chiffre qui constitue la prévision pour 2010 et la cible pour 2011. L’indicateur mentionne pour la première fois la part des retours volontaires, qui progresse nettement : elle représentait 14 % des retours effectifs en 2007 et 33 % en 2008, taux qui est l’objectif fixé par le ministère. Cette part devrait être de 30 % en 2009.

Votre Rapporteur se félicite du développement des retours volontaires, qui ne présentent que des avantages par rapport au retour forcé : les étrangers qui choisissent cette solution s’épargnent l’épreuve d’un accompagnement policier et rentrent dans leur pays dignement, parfois avec une somme d’argent non négligeable ; cette formule est moins coûteuse pour l’Etat et le résultat est garanti, puisque soit la personne fournit ses documents de voyage, soit son pays d’origine accorde plus facilement un laissez-passer consulaire.

L’OFII (l’ANAEM jusqu’en mars 2009) finance ces dispositifs, qui sont de trois types. L’aide au retour volontaire proprement dite (18), qui permet d’organiser l’éloignement des étrangers en situation irrégulière, a bénéficié en 2008 à 2 227 personnes (dont 345 conjoints et enfants) – contre 2 040 en 2007 –, principalement originaires de Chine (330), d’Algérie (240), de Russie (190), de Serbie (135) et d’Irak (127). L’aide au retour humanitaire, destinée aux personnes en situation de dénuement ou qui n’ont pas droit à l’aide au retour volontaire, a connu une véritable explosion en 2008, puisqu’elle a permis 10 191 retours (dont 2 415 de conjoints et d’enfants), contre moins de 3 000 l’année précédente. Enfin, l’ANAEM a accepté de financer 409 projets par le dispositif de l’aide à la réinstallation, représentant un engagement financier de 2,3 millions d’euros ; ces projets concernent plusieurs pays africains mais aussi de l’est de l’Europe.

b) Des difficultés persistantes, auxquelles le ministère se donne les moyens de remédier

Les causes d’échec de l’éloignement des étrangers qui sont sous le coup d’une telle mesure sont bien connues, et le ministère se donne les moyens de les réduire.

En 2008, la première cause a été, dans plus de 31 % des échecs, la non-délivrance du laissez-passer consulaire dans le temps de la rétention. La seconde (26,4 % des cas) a été la libération des étrangers retenus par le juge des libertés et de la détention, à la suite d’un refus de prolongation de la rétention. Près de 19 % des échecs sont imputables à la libération des étrangers, faute de place en centre de rétention. Dans environ 8 % des cas, le juge administratif a annulé la mesure d’éloignement ou la décision fixant le pays de renvoi, et dans 6 % des cas, les étrangers ont été assignés à résidence par le juge des libertés et de la détention dans le cadre d’une demande de prolongation de la rétention et n’ont pas répondu aux convocations de l’administration. Les autres causes d’échec sont beaucoup plus marginales. Ainsi, par exemple, le refus d’embarquement est la cause de 3 % des échecs d’exécution de la mesure d’éloignement – on en a compté 745 en 2008, soit trois cas de moins qu’en 2007.

Afin de remédier aux deux principales causes d’échec à l’éloignement, deux pistes ont été particulièrement privilégiées par le ministère :

– assurer une meilleure représentation de l’Etat devant les juridictions administrative et judiciaire ;

– agir à destination des pays dont les taux de délivrance de laissez-passer consulaires ne sont pas jugés satisfaisants.

Sur le premier point, une circulaire du 31 décembre 2008 du ministère de l’immigration a mis en place, à compter du 1er janvier 2009, un dispositif expérimental de pôles interservices éloignement au sein des CRA de Toulouse-Cornebarrieu, de Lille-Lesquin, de Lyon-Saint-Exupéry et de Saint-Jacques-de-la-Lande. Quatre missions ont été confiées à ces pôles : la représentation juridique devant le tribunal administratif, la représentation juridique devant le tribunal de grande instance, la gestion des demandes d’asile et la gestion des moyens de transport.

On constate que, s’agissant des deux premières missions, la défense de l’Etat est devenue effective devant le tribunal de grande instance, devant la cour d’appel et devant le tribunal administratif dans le ressort desquels se trouvent les CRA concernés par l’expérience. La présence aux audiences est assurée par des fonctionnaires de police ou des militaires de la gendarmerie réservistes, des fonctionnaires des préfectures, des fonctionnaires de police ou des militaires de la gendarmerie en activité ou encore des cabinets d’avocats. Cette présence de l’Etat aux audiences contribue à la sécurisation et à la fiabilisation juridiques des procédures d’éloignement mises en œuvre par les préfectures.

Concernant l’amélioration du taux de délivrance des laissez-passer consulaires, les autorités françaises ont, en septembre 2007, commencé à appliquer à certaines autorités consulaires un traitement strictement aligné sur le respect des obligations qui s’imposent à la France par ses engagements au titre de la convention de Vienne sur les relations consulaires. En 2009, des mesures dans le domaine des privilèges et immunités consulaires sont appliquées à l’encontre de six pays (Egypte, Maroc, Mali, République démocratique du Congo, Inde et Tunisie). Il pourrait être envisagé, sans abandonner le principe de graduation, de resserrer encore le dispositif.

Plus généralement, afin d’améliorer le taux de délivrance des laissez-passer consulaires – qui connaît une baisse tendancielle depuis 2005 (19), il conviendrait de :

– poursuivre la signature d’accords de gestion concertée des flux migratoires avec les pays d’Afrique subsaharienne ;

– rester vigilant sur l’application effective des accords récemment signés ;

– faire aboutir rapidement les négociations en cours ;

– envisager la signature d’accords incluant l’utilisation du laissez-passer européen avec les pays susceptibles d’accepter ce type de pratique.

Pour ce qui est, enfin, de la troisième cause d’échec à l’éloignement, à savoir le manque de places en centre de rétention, l’augmentation régulière de leur capacité devrait conduire à une raréfaction de ces situations.

Sur tous ces points, le ministère se montre donc particulièrement attentif et inventif pour résoudre les difficultés. L’accroissement du nombre des mesures exécutées est donc une réalité durable, de nature à avoir un effet dissuasif sur les étrangers tentés de séjourner en France illégalement.

B – Des dépenses nécessaires

Les bons résultats obtenus en matière de respect de la loi sont dus à la mobilisation des services compétents, mais aussi à la mise à leur disposition des moyens de remplir leurs missions. Il est clair que ces résultats ne seront encore améliorés que si les efforts budgétaires sont à la hauteur des besoins.

En 2010, la principale innovation réside dans le transfert au ministère chargé de l’immigration de la maîtrise d’ouvrage sur les centres de rétention administrative, jusque-là assurée par le ministère de l’intérieur.

1) La prise en charge des crédits d’investissement

La partie réglementaire du CESEDA sera prochainement modifiée afin de confier au ministère la compétence immobilière relative aux CRA. Fidèle à son caractère d’administration d’état-major, le ministère ne se dotera pas pour autant d’un service dédié à l’immobilier. Il travaillera en collaboration avec celui du ministère de l’intérieur, avec lequel sera conclu un accord de délégation. Les trois ETPT transférés depuis le ministère de l’intérieur (cf. supra) assureront les fonctions de maîtrise d’ouvrage confiées au ministère chargé de l’immigration.

Les moyens prévus pour l’exercice de cette compétence en 2010 sont fixés à 24 millions d’euros en autorisations d’engagement et 14 millions d’euros en crédits de paiement, ces montants incluant un transfert de 4,5 millions d’euros en provenance de la mission « Sécurité ». S’y ajoutera environ 1,4 million d’euros provenant du Fonds européen pour les frontières extérieures.

Le programme de construction pour l’année à venir concerne les CRA de Vincennes (voir ci-après l’encadré sur les conséquences de l’incendie de juin 2008 sur la situation de ce centre), du Mesnil-Amelot 2 et 3, et de Mayotte, ainsi que deux salles d’audience au Mesnil-Amelot, financées à parité par ce ministère et le ministère de la justice. La reconstruction du CRA de Bordeaux est aussi prévue, mais les modalités de son financement n’ont pas encore été définitivement arrêtées.

LES CONSÉQUENCES DE L’INCENDIE AU CENTRE DE RÉTENTION DE VINCENNES

Lors de l’incendie survenu le 21 juin 2008, le site de Paris-Vincennes accueillait deux centres de rétention administrative hébergeant chacun 140 lits, soit une capacité totale de 280.

Le CRA 1 était composé de deux bâtiments : le premier a été détruit, le second a été réhabilité avec une capacité de 60 places. Sa mise en service est intervenue le 12 décembre 2008. Dans l’attente de la reconstruction du CRA 2, une extension provisoire de ce CRA, offrant 60 places, a été réalisée dans des bâtiments modulaires. Cette extension, livrée en juin 2009, sera mise en service à l’automne 2009.

Sur l’emplacement de l’ancien CRA 2, entièrement détruit, seront édifiés les CRA 2 et 3, d’une capacité respective de 60 places. Le jury de sélection des concepteurs s’est réuni le 3 octobre 2008 et celui d’examen des offres le 27 février 2009. Le permis de construire a été délivré le 15 juillet 2009. Au terme d’un chantier d’une durée de 14 mois, les CRA devraient être mis en service au cours de l’été 2010 et l’extension provisoire sera alors fermée.

Le coût total de la remise en service de l’ensemble du site de Paris-Vincennes se répartit comme suit : 1 million d’euros pour la réhabilitation du CRA 1 ; 3 millions d’euros pour l’extension temporaire du CRA 1 ; 13,8 millions d’euros pour la construction des CRA 2 et 3.

Les investissements consentis par le ministère de l’intérieur ont permis de porter le nombre de places de CRA de 1 071 à 1 515 entre juin 2005 et juillet 2009 en métropole, et de 127 à 144 outre-mer, dix nouveaux centres ayant été ouverts. Comme mentionné supra, certains établissements vétustes ont été fermés parallèlement.

Courant 2010, le parc immobilier devrait atteindre 2 058 places, avec d’une part, la réouverture des centres de Nantes et de Bordeaux (20 places), et d’autre part, la mise en service des centres du Mesnil Amelot 2 (120 places dont 60 ouvertes dès septembre 2009) et 3 (120 places), et de Paris 2 (60 places) et 3 (60 places). L’extension provisoire du centre de Paris 1 sera fermée à l’ouverture de ces deux structures. Le tableau suivant présente la liste des centres en fonction en 2008, leur capacité et leur taux d’occupation.

LES CENTRES DE RÉTENTION EN 2008 ET AU 1ER SEMESTRE 2009

Centre de rétention

Service gestionnaire

Capacité

Taux d’occupation (en %)

Observations

2008

1er semestre 2009

Métropole

Bobigny

PAF

55

83

88

 

Bordeaux

PAF

0

71

0

Fermé : incendie du 19/01/2009

Coquelles

PAF

79

85

66

 

Geispolsheim

Gendarmerie

36

79

74

 

Hendaye

PAF

30

58

34

Fermeture 12/2006

réouverture : 06/2008

Le Mesnil Amelot

Gendarmerie

140

90

90

 

Lille Lesquin 1

PAF

39

14

0

Ouverture ponctuelle

Lille Lesquin 2

PAF

96

69

39

ouverture 15/11/2006

Lyon Saint Exupery

PAF

120

76

72

 

Marseille Arenc

PAF

60

   

fermeture 05/ 2006

Marseille Canet

PAF

136

69

67

ouverture 06/ 2006

Metz

Gendarmerie

95

71

52

19 /07/2007 : 30 places

12/01/ 2009 : 95 places

Nantes

Sécurité Publique

0

84

 

Fermé pour reconstruction – réouverture 1er trim. 2010

Nice Auvare

PAF

43

88

92

 

Nîmes

PAF

128

33

31

ouverture le 18 /07/2007

Palaiseau

PAF

40

71

65

 

Paris 1

Préfecture de police

60

93

89

Fermés : incendie juin 2008 ;

réouverture Paris 1 : 12/2008

Paris 2

140

92

Paris Palais de Justice

40

61

81 

 

Rivesaltes

Gendarmerie

22

   

fermeture 12/2007

Perpignan

Gendarmerie

48

66

74

ouverture 18/12/2007

Plaisir

PAF

32

67

61

ouverture le 9 /05/2006

Saint-Jacques de la Lande

Gendarmerie

70

52

52

ouverture 1/08/2007

Oissel

PAF

72

58

60

 

Sète

PAF

30

42

58

 

Toulouse

Sécurité publique

37

0

 

Déclassement 02/2009 pour vétusté

Cornebarrieu

PAF

126

46

59

ouverture 29/06/2006

Total métropole

1515

68

63

 

Outre-mer (1)

Mayotte

PAF

60

nd

118

 

Guadeloupe

PAF

40

nd

8

 

La Reunion

PAF

6

nd

12

 

La Guyane

PAF

38

nd

79

 

Total outre-mer

144

nd

74

 

(1) Le suivi de l’activité des CRA d’outre-mer n’est en place que depuis le début de l’année 2009.

Source : ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.

2) Le fonctionnement des centres de rétention

L’augmentation attendue du nombre de centres et de leur capacité globale se traduit logiquement par un renforcement des crédits qui leur sont destinés. Ceux-ci – hors personnel – consistent en des crédits de fonctionnement hôtelier, d’une part, et des crédits d’intervention, d’autre part, qui couvrent la prise en charge sanitaire des étrangers et leur accompagnement social.

Le fonctionnement hôtelier (hébergement et restauration) des centres a coûté 25,3 millions d’euros en 2007 et 27,87 millions d’euros en 2008. La prévision pour 2009 était de 28,8 millions d’euros. En 2010, ce sont 31,38 millions d’euros qui sont prévus.

Ce montant a été établi en tenant compte de la capacité prévisionnelle des centres, d’une revalorisation du coût journalier moyen à hauteur de 1,2 % – il s’établira ainsi à 39,31 euros –, d’une durée moyenne de rétention de dix jours, comme en 2009, et de restes à payer de 1,8 million d’euros correspondant à des factures des années 2006 et 2007, lorsque le fonctionnement hôtelier des CRA relevait du ministère de l’intérieur.

De même, alors que le budget pour 2009 prévoyait 10 millions d’euros au titre des dépenses d’intervention dans les CRA, le projet de budget pour 2010 propose d’ouvrir 11,5 millions d’euros.

Cette somme est partagée entre la prise en charge sanitaire dans les CRA, les locaux de rétention administrative et les zones d’attente, et l’accompagnement social des étrangers dans ces structures.

La hausse de 0,5 million d’euros de la première enveloppe (qui atteindra 5,5 millions d’euros) est rendue indispensable par plusieurs facteurs : les préfets disposant d’un local de rétention qui n’ont pas encore passé de convention avec l’hôpital le plus proche sont invités à le faire au cours de l’année prochaine ; ces crédits devront couvrir l’accompagnement sanitaire dans toutes les zones d’attente, et pas seulement dans celle de Roissy, comme c’est actuellement le cas ; la mise aux normes des services de santé dans les CRA et le renouvellement, souvent accompagné de hausses de tarifs, des conventions avec les hôpitaux entraînent des besoins financiers supplémentaires ; la subvention accordée au centre de Coquelles devra être augmentée à titre exceptionnel pour tenir compte d’un contexte sanitaire local particulier.

Les crédits d’accompagnement social, c’est-à-dire qui financent les actions d’information et d’aide à l’exercice des droits dans les CRA et les zones d’attente, seront fixés à 6 millions d’euros, contre 5 millions d’euros en 2009.

Cette enveloppe a été adaptée au coût du nouveau marché d’aide aux droits des étrangers, alloti avec plusieurs titulaires, notifié en mai et dont la passation est actuellement objet de contestation. Il devrait s’établir à 4,6 millions d’euros, contre 4 millions d’euros pour celui jadis attribué à la CIMADE. Cette augmentation résulte de l’accroissement du nombre de places de CRA, mais aussi de l’élévation de la qualification des personnels intervenant auprès des étrangers. En revanche, les indemnités qui devraient être versées aux candidats initialement retenus par l’administration en cas d’annulation contentieuse du marché ne conduisent à aucune ouverture de crédits, leur montant n’étant pas connu.

LES CONDITIONS DE PASSATION DU MARCHÉ ORGANISANT L’ASSISTANCE AUX ÉTRANGERS EN CENTRE DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE

Le 23 août 2008, a été publié un décret modifiant l’article R. 553-14 du CESEDA afin de permettre de passer une convention avec « une ou plusieurs personnes morales » au lieu d’une seule association antérieurement, pour l’assistance aux étrangers placés en rétention en vue de l’exercice de leurs droits.

Un premier appel d’offres, pour lequel les centres de rétention avaient été répartis, sur une base géographique, en huit lots, lancé le 30 août 2008, a été annulé le 14 octobre 2008 par le tribunal administratif de Paris.

Un nouvel appel d’offres, avec la même répartition en huit lots, a été lancé le 18 décembre 2008. Il a fait l’objet d’un référé précontractuel formé par la CIMADE. Le juge des référés auprès du tribunal administratif de Paris a suspendu la signature des marchés jusqu’au 7 mai 2009. Les contrats avec les associations attributaires des lots ont été signés le 10 mai. A la suite de deux recours en référé suspension formés par le GISTI et par la CIMADE, le juge des référés a suspendu l’exécution des contrats par ordonnance du 30 mai 2009. Un pourvoi en cassation contre cette ordonnance a été déposé le 12 juin 2009 devant le Conseil d’Etat.

Dans l’attente de la décision du Conseil d’Etat, le ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire a demandé à la CIMADE, qui assurait l’ensemble des prestations jusqu’au 2 juin 2009, de poursuivre son intervention dans les centres de rétention administrative.

La convention, reconductible annuellement, passée en 2008 avec la Croix-Rouge pour l’aide de première nécessité qu’elle fournit aux personnes maintenues dans la zone d’attente de Roissy et pour l’encadrement des mineurs isolés qu’elle y assure, aura une incidence financière de 1,4 million en 2010.

Enfin, il convient de prévoir une subvention de 0,2 million d’euros pour l’ANAFE, au titre de son rôle de coordination des actions d’accompagnement social dans les centres, qui était auparavant rempli gratuitement.

3) Des frais de billetterie maîtrisés

Les frais d’éloignement des étrangers en situation irrégulière devraient quant à eux diminuer en 2010, bien que l’objectif de 27 000 éloignements soit équivalent à la réalisation attendue en 2009 : 37,5 millions d’euros devraient suffire, quand 42 millions d’euros avaient été ouverts en 2009. Il faut rappeler que les seuls frais imputés sur cette enveloppe sont les frais de transport (avion, train, bateau) induits par les éloignements.

La tendance à la baisse du coût moyen des billets d’avion devrait en effet se confirmer : elle a permis au coût moyen d’éloignement de passer de 2 253 euros en 2007 à 1 954 en 2008 et à 1 500 en 2009. C’est une prévision de 1 390 euros par éloignement qui a été retenue pour préparer le budget pour 2010. Elle a été permise par deux facteurs :

– les conditions du nouveau marché de billetterie, plus favorables qu’auparavant ;

– une utilisation plus fréquente des aéronefs de type « Beechcraft », une étude interne ayant démontré que leur coût était inférieur de 36 % aux tarifs de la compagnie nationale pour les mêmes destinations ; deux avions de ce type sont utilisés en métropole, un troisième, partagé avec le ministère de l’intérieur, assurant en outre depuis quelques mois les éloignements entre la Guyane et le Brésil.

En 2008, la France a organisé depuis la métropole quatre vols groupés, à destination de la Roumanie, de la Pologne et du Kosovo. Avec la participation du Royaume-Uni, de l’Espagne, de la Slovénie et des Pays-Bas, elle en a organisé un vers le Pakistan. Parallèlement, elle a participé durant la même période à dix vols communautaires concernant des ressortissants d’Etats d’Europe de l’Est, d’Afrique noire et du sous-continent indien.

Durant les sept premiers mois de l’année 2009, elle a organisé dix-sept vols, et participé à huit vols groupés communautaires.

En 2010, le rattachement de 1,87 million d’euros est attendu en provenance du Fond pour le retour, qui vise à renforcer la coopération entre les Etats membres en matière de gestion des retours et finance notamment la mise en œuvre d’un programme annuel de vols groupés nationaux ou communautaires à destination des pays d’origine.

L’année prochaine devrait être marquée par deux événements qui auront des conséquences sur la conduite de la politique d’éloignement : l’Inspection générale de l’administration devrait conclure la mission qu’elle mène actuellement afin de connaître le coût analytique global de l’éloignement d’un étranger ; le Parlement devrait examiner un projet de loi de transposition de la directive 2008/115 CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants des pays tiers, dite « directive retour », qui vise à harmoniser les règles juridiques des Etats membres en matière d’éloignement.

IV – LA MISE EN œUVRE DES NOUVEAUX INSTRUMENTS DE L’INTÉGRATION

Notre pays accueille actuellement un peu plus de 3 millions d’étrangers en situation régulière, dont plus du quart est originaire d’un pays européen (20). Les populations provenant de pays tiers ont augmenté de 2,3 % entre 2006 et 2007 et de 4 % entre 2007 et 2008. Les quatre premiers pays de provenance sont les Etats du Maghreb – les Algériens et les Marocains sont à eux seuls plus d’un million – et la Turquie. Mais la plus dynamique est l’immigration chinoise, qui se classe en cinquième place pour le nombre de ressortissants détenant un titre ou une autorisation de séjour : un peu plus de 50 000 en 2003, les Chinois étaient plus de 73 000 en 2008.

Le programme Intégration et accès à la nationalité française est dédié au financement des différentes actions visant à faciliter leur intégration dans notre pays. Il comporte aussi l’action Accès à la nationalité française, sur laquelle sont seulement inscrits les crédits de fonctionnement de la sous-direction du même nom, présentés supra par votre Rapporteur, qui n’y reviendra pas ici.

A – La composition de l’immigration évolue dans le sens souhaité par le Gouvernement

Si le nombre d’étrangers en possession d’un titre ou d’une autorisation de séjour en France progresse régulièrement, les flux de nouveaux arrivants sont néanmoins orientés à la baisse, tandis que la part de l’immigration de nature professionnelle tend à augmenter.

NOMBRE DE TITRES DÉLIVRÉS (PRIMO-DÉLIVRANCE) (1) EN FRANCE

Motifs

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Professionnel

1 - Compétences et talents

 

 

 

 

5

182

 

2 - Actif non salarié

475

488

681

804

1 100

980

 

3 - Scientifique

1 376

1 274

1 318

1 404

1 594

1 948

 

4 - Artiste

420

328

340

241

285

293

 

5 - Salarié

8 014

7 121

7 567

7 479

11 210

16 593

 

6 - Saisonnier ou temporaire

5 248

4 917

4 573

4 542

3 925

7 998

Total Professionnel 

15 533

14 128

14 479

14 470

18 119

27 994

Familial

1 - Famille de Français

60 747

59 140

56 646

55 656

50 552

49 054

 

2 - Membre de famille

23 808

23 744

23 502

19 929

19 704

18 469

 

3 - Liens personnels et familiaux

11 289

13 724

14 542

22 759

17 463

15 473

Total Familial 

95 844

96 608

94 690

98 344

87 719

82 996

Etudiants

Etudiant et stagiaire

57 730

52 964

48 892

47 192

47 866

52 812

Total Etudiants

57 730

52 964

48 892

47 192

47 866

52 812

Divers

1 - Visiteur

6 044

5 828

5 400

5 684

5 385

4 600

 

2 - Etranger entré mineur

2 025

2 551

2 664

2 805

2 936

3 000

 

3 - Admission exceptionnelle au séjour

3 973

3 155

2 696

2 695

1 541

1 859

 

4 - Rente accident du travail

123

74

41

64

75

100

 

5 - Ancien combattant

489

536

372

320

301

257

 

6 - Retraité ou pensionné

1 481

2 382

2 469

2 278

1 649

1 396

 

7 - Motifs divers

1 195

916

727

493

418

446

Total Divers 

15 330

15 442

14 369

14 339

12 305

11 658

Humanitaire

1 - Réfugié et apatride

11 330

13 424

14 836

9 851

9 264

10 272

 

2 - Asile territorial/protection subsidiaire

157

232

348

376

523

730

 

3 - Etranger malade

5 640

7 580

7 315

6 568

5 680

5 697

 

4 - Victime de la traite des êtres humains

 

 

 

 

 

22

Total Humanitaire 

17 127

21 236

22 499

16 795

15 467

16 721

Total

201 564

200 378

194 929

191 140

181 476

192 181

(1) Ne sont pris en compte que les ressortissants des pays tiers et des nouveaux Etats membres de l’Union européenne. Seuls sont comptés les titres délivrés en métropole.

Source : ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.

1) Le développement de l’immigration professionnelle et le succès des nouveaux titres de séjour destinés à la rendre plus fluide

Quand l’immigration professionnelle équivalait à 16 % de l’immigration familiale en 2003, elle en représente désormais le tiers. Cette part est particulièrement importante pour certaines nationalités, et en particulier pour les Polonais et les Roumains.

En 2003, 15 533 étrangers s’étaient installés pour la première fois en France pour un motif professionnel. Leur nombre s’est stabilisé entre 14 000 et 14 500 au cours des années suivantes. Il s’est établi à plus de 18 100 en 2007 et à presque 28 000 en 2008.

Parmi ces étrangers, on observe entre 2004 et 2006 que la nationalité la plus représentée est celle des Etats-Unis, dont environ 2 000 ressortissants s’installent chaque année en France pour motif professionnel. Les nationalités polonaise et marocaine se classent le plus souvent aux rangs suivants. En 2007, la première place était occupée par les Roumains : près de 2 800 d’entre eux sont venus travailler dans notre pays. En 2008, ils étaient près de 4 150, mais n’occupaient plus que la deuxième place, plus de 5 000 Marocains étant arrivés la même année pour motif professionnel.

Si l’évolution la plus marquée concerne la catégorie des salariés, dont le nombre des arrivées a plus que doublé entre 2003 et 2008, année où elle approche les 16 600, le développement de l’immigration professionnelle a été favorisé par la mise en place de nouveaux types de cartes de séjour, répondant aux besoins spécifiques de certaines catégories de professionnels.

La carte compétences et talents a été délivrée à 470 ressortissants étrangers en 2008. Sur les sept premiers mois de l’année 2009, elle a été accordée à 326 ressortissants étrangers contre 112 sur la même période en 2008, majoritairement d’origine asiatique. La progression spectaculaire de 191 % en un an souligne l’extrême nouveauté de cette carte et son caractère attractif. Elle a concerné des projets de nature économique, artistique et scientifique.

Il en va de même pour la carte « salariés en mission ». Elle a été délivrée à 1 839 ressortissants étrangers en 2008. Sur les sept premiers mois de l’année, le nombre de nouveaux bénéficiaires a été de 1 247 contre 685 sur la même période en 2008, ce qui représente une progression de 82 %. Elle satisfait visiblement les attentes des acteurs économiques.

En revanche, la délivrance de la carte « saisonnier » a diminué entre 2008 et 2009. Sur les sept premiers mois de l’année, elle a été délivrée à 1 780 ressortissants étrangers, contre 3 173 sur la même période en 2008, ce qui représente une diminution de 44 %. Cependant, 4 635 ressortissants étrangers ont obtenu cette carte en 2008. La diminution du nombre de titres délivrés s’explique par le fait que les employeurs agricoles recrutent habituellement les mêmes saisonniers d’année en année. Or, ceux qui ont reçu la carte « saisonnier » l’année dernière n’ont pas besoin d’en solliciter une à nouveau en 2009. La diminution du nombre de titres délivrés révèle ainsi l’adaptation de cette carte au public visé. A ce phénomène s’ajoute le fait que les travailleurs saisonniers polonais ne sont plus soumis à une autorisation de travail et un titre de séjour.

2) Vers un nouvel équilibre entre les autres types d’immigration

Contrairement à l’immigration professionnelle, qui se développe, les arrivées de personnes pour raison familiale se ralentissent, tandis que le nombre d’étudiants repart à la hausse.

En effet, en 2008, les services des préfectures ont délivré 82 996 titres pour motifs familiaux, contre près de 96 000 en 2003 : 18 469 ressortissants étrangers sont entrés en France en tant que membres d’une famille étrangère, 49 054 ont fait prévaloir leur qualité de membres de famille de Français et 15 473 ont été admis au titre des liens personnels et familiaux. Le regroupement familial à proprement parler n’a concerné que 16 626 ressortissants étrangers, dont 1 681 étaient déjà présents sur le territoire national. Au cours des sept premiers mois de 2009, la tendance à la baisse s’accentue : 8 870 personnes sont arrivées en France dans le cadre du regroupement familial, alors qu’elles étaient 10 059 pendant la même période de 2008.

Le nombre d’étudiants, qui avait nettement diminué au cours des années précédentes, passant de 57 730 en 2003 à 47 192 en 2006, est nettement en hausse : il s’établit à 52 812 en 2008. Ce très bon résultat est lié à l’action menée par l’opérateur Campus France, mais aussi à la possibilité désormais ouverte (21) aux étudiants étrangers à la fois d’exercer une activité professionnelle, à titre accessoire, pendant leurs études, et de prolonger leur séjour en France pendant six mois une fois leur diplôme obtenu. 708 étudiants ont obtenu une autorisation provisoire de séjour à ce titre en 2008. La vie des étudiants étrangers titulaires d’un visa de long séjour est en outre rendue plus facile depuis qu’ils sont dispensés de solliciter un titre de séjour pendant toute la période de validité du visa, dans la limite d’une année, dès lors qu’ils se sont fait enregistrer auprès de l’OFII (22).

Enfin, le flux des étrangers bénéficiant d’un titre de séjour pour motif humanitaire est redevenu raisonnable : après le pic des années 2004 et 2005, lié à l’accueil de réfugiés mais aussi d’étrangers malades, nous avons retrouvé des chiffres de l’ordre de 16 000 à 17 000 personnes par an.

B – L’Office français de l’immigration et de l’intégration, opérateur central pour l’accueil des nouveaux immigrés

La création de l’OFII était l’une des décisions prises à l’issue de la révision générale des politiques publiques. L’Office est le résultat de l’élargissement des compétences jusque-là attribuées à l’ANAEM à une partie de celles relevant auparavant de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSE).

1) La création réussie de l’Office français de l’immigration et de l’intégration

La première étape a consisté à réformer le système des ressources propres de l’opérateur afin de remplacer les redevances dont bénéficiait l’ANAEM par des taxes et de supprimer les exonérations devenues obsolètes. Il est attendu de cette réforme une simplification et une homogénéisation des ressources propres de l’opérateur ainsi que leur augmentation significative. L’article 155 de la loi de finances pour 2009 a effectué cette opération nécessaire. Un décret (23) en a ensuite précisé les conditions d’application.

L’article 67 de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (24) fonde les compétences de l’OFII en ajoutant aux missions de l’ANAEM les compétences de l’ACSE en matière d’intégration des migrants primo-arrivants et de formation des étrangers à la langue française. En conséquence, l’ensemble des marchés de formation linguistique en faveur des étrangers relève de la compétence de l’OFII depuis le 1er juillet 2009.

Enfin, le décret n° 2009-331 du 25 mars 2009 a substitué dans tous les textes législatifs et réglementaires la dénomination « Office français de l’immigration et de l’intégration » à la dénomination « Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations ».

Le nouvel opérateur, alors officiellement créé, a tenu son premier conseil d’administration le 22 avril 2009.

Ces compétences sont nombreuses : intégration des migrants, versement des aides au retour et à la réinstallation (voir supra), promotion de l’immigration professionnelle, participation à la gestion des flux migratoires et à la prise en charge sociale des demandeurs d’asile (voir supra).

Les résultats de la première année de mise en œuvre du nouveau système de taxes de l’opérateur s’avèrent un peu en retrait par rapport aux prévisions initiales : au 30 juin 2009, 51,86 millions d’euros de recettes avaient été reçus, sur une prévision annuelle de recettes propres de 110,9 millions d’euros ; elles atteignaient 77,25 millions d’euros à la mi-octobre, ce qui conduit à une prévision de 102 millions d’euros pour l’ensemble de l’année. Cet écart s’explique à la fois par le fait que la réforme des ressources de l’Office n’a été effective qu’à partir d’avril dernier, au lieu du 1er janvier, et par le ralentissement des flux migratoires dirigés vers la France, conséquence de la crise économique.

Le budget prévisionnel de l’établissement prévoyait 160,2 millions d’euros de dépenses en 2009, dont 46,69 millions d’euros destinés aux frais de personnel, 24,98 millions d’euros aux dépenses de fonctionnement et 88,54 millions d’euros aux interventions. En fait, les dépenses devraient être limitées à 128,7 millions d’euros, les frais de fonctionnement ayant été maîtrisés et les interventions étant restées inférieures aux prévisions. Le déficit de l’Office devrait ainsi être limité à 14 millions d’euros hors investissement et 19,9 millions d’euros au total.

Le montant des subventions prévues pour 2009 – voté à hauteur de 15 millions d’euros – sera ajusté à 4 millions d’euros afin de stabiliser le fonds de roulement de l’Office au-dessus du seuil minimal de deux mois et demi de fonctionnement courant, soit environ 15 millions d’euros.

La création de l’OFII doit s’accompagner d’un important effort de l’établissement pour restructurer son organisation puisqu’entre 2009 et 2011, il est prévu que l’établissement diminue son plafond d’emplois de 40 personnes, passant de 890 en 2009 à 850 en 2011, tout en accueillant des personnels de l’ACSE dont l’article 67 de la loi du 25 mars 2009 précités prévoit le transfert – une soixantaine à l’origine, probablement une trentaine dans les faits.

A cet effet, l’OFII a établi un organigramme cible, et un arrêté du 29 avril 2009 a fixé notamment les opérations de restructuration de service. L’arrêté du 5 août 2009 a ensuite précisé les dispositions relatives aux conditions de transfert des personnels de l’ACSE à l’OFII.

Dans le cadre de la négociation du contrat d’objectifs et de performance de l’établissement pour la période 2010-2012, le directeur général de l’OFII a l’intention de rediscuter de la question de ses effectifs. En effet, depuis sa création, pourtant récente, l’Office a été chargé de nouvelles missions, comme l’enregistrement des titulaires d’un visa de long séjour valant titre de séjour ou la médiation sociale dans des CRA dont la capacité augmente, qui lui semblent justifier le maintien d’une partie des postes qu’il était prévu de supprimer.

2) L’exercice progressif de ses nouvelles compétences en matière d’intégration

Le budget propose d’inscrire 15 millions d’euros au titre de la subvention à l’OFII pour couvrir le coût des nouvelles missions qui lui ont été confiées en matière d’intégration, en particulier par la loi du 20 novembre 2007 (25).

L’OFII est en effet chargé non seulement du contrat d’accueil et d’intégration (CAI), mais aussi du bilan de compétences désormais généralisé à l’ensemble des signataires et du dispositif d’évaluation des connaissances et de formation à l’étranger à destination des personnes souhaitant rejoindre leur conjoint en France.

a) Le contrat d’accueil et d’intégration

Alors que le CAI a été proposé à 104 336 personnes en 2008 (101 770 personnes en 2007), le nombre de signataires s’élève à 103 952 (101 217 en 2007) représentant une hausse de 2,7 % par rapport à l’année dernière et correspondant à un taux d’adhésion de 99,6 %. Au cours du premier semestre 2009, 51 911 CAI ont été signés.

Le contrat intègre diverses formations :

– la formation civique : en 2008, 4 961 séances de formation civique ont été réalisées, contre 4 323 en 2007, au profit de tous les signataires ;

– la session d’information sur la vie en France : en 2008, 36,3 % du public signataire d’un CAI, contre 38,39 % en 2007, ont bénéficié d’une inscription à une session de six heures ayant donné lieu à la réalisation de 2 053 séances de formation ; en 2009, le coût de ces sessions de formation (civique et sur la vie en France) est estimé à 6,39 millions d’euros ;

– le dispositif d’apprentissage du français : l’identification des besoins de formation en français est réalisée lors de la venue des personnes sur les plates-formes d’accueil. 7 979 plates-formes d’accueil ont été organisées en 2008 entraînant la réalisation de 8 782 séances de prescription linguistique, soit deux fois plus que prévu. Les organismes chargés de cette formation linguistique développent une offre en fonction des besoins repérés. Ainsi, les actions proposées présentent une grande diversité de rythme (de 4 heures à 30 heures par semaine, en journée ou le soir, en semaine ou le samedi), d’approche pédagogique (alphabétisation ou français langue étrangère) ou encore d’implantation géographique. En 2008, 22 338 personnes (contre 26 121 en 2007), soit 21,5 % des signataires (contre 25,8 % en 2007) se sont vues prescrire une formation linguistique. Les formations prescrites aux 22 338 signataires représentent un total de près de 7 millions d’heures correspondant à une prescription moyenne de 304 heures par bénéficiaire.

Enfin, en 2008, 858 sessions d’examen au diplôme initial en langue française (DILF) ont été organisées (contre 180 en 2007). Le taux de réussite, qui constitue l’indicateur figurant dans le projet annuel de performances, a été de 50 %, et devrait s’établir à 64 % en 2009. La prévision est de 67 % en 2010 et la cible de 70 % en 2011.

En 2009, 22,3 % des contrats signés au premier semestre ayant été assortis d’une formation linguistique, le coût de cette formation est estimé à 32,95 millions d’euros. Si on y ajoute l’organisation des bilans de compétences linguistiques et celle des sessions d’examen, le coût total du dispositif de formation linguistique devrait atteindre 35,87 millions d’euros pour l’OFII.

b) Les nouvelles compétences en matière d’intégration

Les innovations de la loi du 20 novembre 2007 se sont avérées plus délicates à mettre en œuvre qu’il n’y paraissait. L’année 2009 a permis de franchir plusieurs étapes sur la voie de leur application.

L’accès à l’emploi est l’une des priorités du Gouvernement en vue de faciliter l’intégration des primo-arrivants dans la société française. La loi du 20 novembre 2007 a prévu la généralisation du bilan de compétences à l’ensemble des signataires d’un CAI. Ce dispositif a été expérimenté durant trois mois, fin 2008, dans quatre départements (Paris, Alpes-Maritimes, Puy-de-Dôme et Allier). 309 signataires de CAI ont bénéficié de cette expérimentation. Ces prestations ont été étendues à toute la France à compter de février 2009. 15 600 bilans ont été dressés au cours du premier semestre, qui ont conclu à l’existence de freins à l’emploi (manque de qualification ou niveau de français insuffisant) dans 20 % des cas et à un besoin de formation ou d’accompagnement dans 24 % des cas. 60 000 bénéficiaires étaient attendus dans l’année, pour un coût estimé à 13 millions d’euros à la charge de l’OFII.

Enfin, la même loi du 20 novembre 2007 dispose que les conjoints de Français âgés de moins de 65 ans ainsi que les ressortissants étrangers âgés de plus de 16 ans et de moins de 65 ans pour lequel le regroupement familial a été sollicité bénéficient dans le pays de demande du visa d’une évaluation de la connaissance de la langue et des valeurs de la République. 34 000 personnes seront concernées à terme par cette mesure, et plus de 11 000 auront à suivre une formation linguistique.

Applicable depuis le 1er décembre 2008, ce dispositif est mis en place selon deux modalités :

– dans les pays où l’OFII est représenté (Maroc, Tunisie, Turquie, Sénégal, Mali, et Canada), qui regroupent de l’ordre de 70 % des populations intéressées par le dispositif, soit environ 21 000 personnes par an, la mise en place du dispositif est effective, depuis le 1er décembre 2008 dans les quatre premiers, depuis le 1er février 2009 dans les deux derniers : ce sont le plus souvent des instituts français qui font passer les tests et assurent la formation ; au 30 septembre 2009, 15 820 personnes avaient été reçues dans les représentations de l’OFII et 35 % de celles qui ont passé le test se sont vu prescrire une formation ;

– dans les autres pays, il est prévu que l’autorité diplomatique et consulaire du pays propose à l’OFII un organisme délégataire avec lequel celui-ci passera une convention. Depuis le 1er septembre dernier, le dispositif est en place dans vingt-huit de ces pays, dans lesquels un institut français ou un centre culturel français se chargera de l’ensemble des opérations.

En 2009, l’OFII devrait avoir à engager 2,5 millions d’euros alloués conventionnellement aux prestataires chargés de la coordination du dispositif, de la réalisation des tests et des formations.

Votre Rapporteur a appris que le président de l’Alliance française avait écrit à chacune des alliances pour leur demander de refuser de faire passer les tests, qu’il considère comme relevant des missions consulaires. Un tel comportement lui apparaît inacceptable : les alliances françaises étant des associations indépendantes, il appartenait à chacune de décider de se charger ou non de cette prestation, qui aurait pu assurer des ressources supplémentaires à des structures fragiles. En outre, il estime que les services des visas à l’étranger auraient pu se charger de cette mission, qui ne requiert pas beaucoup de temps de la part de leurs agents, certes très sollicités, mais néanmoins au service de l’application de la loi.

C – Les autres actions d’intégration en faveur des étrangers en situation régulière et des réfugiés

Une action du programme est consacrée à ses mesures qui ne sont pas de la compétence de l’OFII mais complètent les dispositifs qu’il met en œuvre. Une partie bénéficie aux migrants dans leur ensemble, une autre est réservée aux réfugiés statutaires. Les dépenses d’intervention de l’action s’élèveront à 58,34 millions d’euros en 2010, en hausse de près de 2 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2009.

C’est aussi sur cette action qu’est inscrite la subvention de fonctionnement, de 3 millions d’euros en 2010 comme en 2009, accordée par le ministère à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration. Bien que l’établissement soit aussi rattaché au programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture de la mission « Culture », la subvention qu’il reçoit du ministère chargé de l’immigration a représenté en 2009 46 % du financement que l’Etat lui accorde. Son niveau est stabilisé en 2010 d’une part pour prendre en compte la progression attendue de ses recettes propres – qui représentaient 12,55 % de ses ressources dans son budget primitif pour 2009 –, d’autre part afin de le faire participer à la maîtrise des dépenses du programme.

1) Les dispositifs de droit commun

Depuis 2009, le programme Intégration et accès à la nationalité française finance directement des interventions auparavant soutenues par l’ACSE en faveur de la promotion sociale et professionnelle des personnes immigrées, tant au niveau national que déconcentré.

Il est prévu d’y consacrer 30,5 millions d’euros en 2010, contre 28,1 millions d’euros en 2009. La participation du Fond européen pour l’intégration devrait plus que doubler, pour atteindre 2,2 millions d’euros en 2010.

La partie nationale de ces interventions permet de subventionner l’action d’acteurs économiques et sociaux nationaux (entreprises, structures du monde économique, associations) en faveur de l’intégration, de la lutte contre le racisme et la discrimination à l’embauche ou dans l’emploi des personnes immigrées ou issues de l’immigration. Le ministère a accordé une centaine de subventions en 2009, quand l’ACSE n’en versait qu’une soixantaine, mais il les a recentrées sur l’intégration.

Sera aussi poursuivie l’expérimentation de deux nouveaux dispositifs :

– une aide financière intitulée « parcours de réussite professionnelle » (PARP) et destinée à soutenir, en complément des bourses de mérite, pendant les trois ans de leurs études supérieures, les meilleurs étudiants étrangers s’engageant dans un parcours universitaire professionnalisant ; elle a été mise en place à la rentrée 2009 ;

– un projet « ouvrir l’école aux parents », mené en coopération avec le ministère de l’éducation nationale, pour faciliter l’apprentissage du français par les parents – les mères dans 90 % des cas – migrants d’enfants scolarisés, présents en France depuis longtemps et dont l’absence de maîtrise de la langue constitue un frein à l’insertion, notamment dans la recherche d’emploi ; testé dans cinquante lycées situés dans douze départements en 2008-2009, il est étendu à trente et un départements – tous les départements franciliens et les chefs-lieux de région – depuis la rentrée ; son coût est estimé à 1,34 million d’euros pour l’année scolaire 2009-2010.

Les dispositifs territoriaux, qui devraient bénéficier l’environ un tiers de l’enveloppe totale, sont en cours de réorganisation.

Les préfectures ont d’abord pris la relève des directions régionales de l’ACSE en matière de soutiens financiers aux politiques d’intégration menées localement par de nombreuses associations, notamment en faveur de l’aide à l’accès à l’emploi, au logement, et dans le champ de la promotion de la citoyenneté.

L’évaluation des Programme d’intégration des personnes immigrées (PRIPI) réalisée en 2008 a fait la preuve de leur intérêt mais aussi d’un besoin de soutien technique et administratif. Ils pourraient être relancés à la fin 2009, parallèlement à l’élaboration de Plans départementaux d’intégration (PDI) par les préfets.

Enfin, le programme finance directement, avec une participation des collectivités territoriales, des agents de développement local pour l’intégration qui développent une démarche d’accompagnement des populations migrantes adaptée aux spécificités du territoire sur lequel ils opèrent. Ils sont quatorze, répartis entre treize départements.

Sont aussi inscrits sur cette action les crédits (12,74 millions d’euros en 2010, en hausse de 0,75 million d’euros par rapport à 2009) destinés aux foyers des travailleurs migrants, qui ont deux objectifs :

– l’accompagnement du plan de traitement de ces foyers afin de les transformer en résidences sociales : le programme ne finance pas les travaux en eux-mêmes mais une partie du mobilier neuf, qui doit souvent être adapté aux besoins spécifiques des résidents immigrés vieillissants, les surcoûts liés aux incidences des travaux, telles que la baisse des loyers perçus pendant leur réalisation, et l’accompagnement social du projet ;

– la prise en charge de l’aide transitoire au logement (ATL), qui, depuis 1978, aide les résidents les plus défavorisés à payer leur loyer, lorsqu’ils ne perçoivent pas l’aide personnalisée au logement (APL) parce que leur logement ne respecte pas les normes requises. Le nombre de bénéficiaires de l’ATL diminue au fur et à mesure de la transformation des foyers en résidences sociales, qui, pour leur part, remplissent les conditions de l’APL, si bien que 0,5 million d’euros devraient être économisés sur ce poste en 2010 et redéployés au profit du premier volet, qui bénéficiera au total d’une augmentation de 1,25 million d’euros.

Le Fonds européen pour l’intégration devrait soutenir les actions en faveur des foyers à hauteur de 1,8 million d’euros en 2010.

Comme en 2009, l’action Aide au retour et à la réinsertion du programme Intégration et accès à la nationalité française est dotée de 1,5 million d’euros, destinés à l’aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d’origine. Il a été décidé de mettre en œuvre cette mesure, à titre expérimental, par accord bilatéral avec les principaux pays concernés. Des contacts ont été pris dans le cadre de projets d’accords globaux, mais rien n’a encore été conclu. Il est néanmoins proposé de reconduire la dotation.

2) Les aides spécifiques aux réfugiés statutaires

Ainsi au 31 décembre 2008, la population placée sous la protection de l’OFPRA est estimée à 139 212 personnes (hors mineurs accompagnants), dont 3 111 personnes sous protection subsidiaire. Ce chiffre reflète une hausse de plus de 38 % par rapport à 2003.

L’Asie reste le premier continent de provenance des réfugiés (41 % du total), suivi de l’Europe (29 %), l’Afrique (27 %) et l’Amérique (3 %). Seul le nombre de réfugiés statutaires en provenance d’Asie est resté stable sur la période tandis que celui des trois autres continents a fortement augmenté (de + 69 % pour l’Amérique à + 73 % pour l’Europe et l’Afrique). On ne relève pas de changement notable dans les principales nationalités représentées.

L’essentiel des dispositifs qui leur sont dédiés concerne les personnes qui viennent d’obtenir le statut de réfugiés. Sur les 15,1 millions d’euros ouverts sur l’action en leur faveur, 12,7 millions d’euros devraient être affectés au fonctionnement des centres provisoires d’hébergement des réfugiés (CPH).

Ces centres, au nombre de vingt-huit et qui offrent 1 083 places, accueillent les personnes qui présentent des difficultés d’insertion et ont besoin d’une prise en charge complète pendant une période transitoire, le plus souvent à cause des traumatismes qu’ils ont subis avant de fuir leur pays. Le financement de l’Etat couvre l’hébergement, la prestation de restauration collective éventuellement assurée, l’accompagnement administratif pour l’ouverture des droits sociaux et l’accompagnement social pour faciliter l’accès au logement, à l’emploi, à la formation… Le taux d’occupation de ces centres était de 99,3 % au 31 décembre 2008.

Une réforme de leur fonctionnement est actuellement à l’étude. Elle pourrait porter sur une redéfinition de leurs missions au sein du dispositif national d’accueil dont l’OFII assure le suivi.

Etant donné la forte progression de la demande d’asile enregistrée depuis un an, la dépense devrait atteindre 12,6 millions d’euros en 2009, pour une dotation initiale de 12 millions d’euros. Actualisée au taux de 1,2 %, elle est prévue à hauteur de 12,7 millions d’euros pour 2010.

Ce dispositif est complété par l’attribution d’aides, à hauteur 2,4 millions d’euros en 2010, destinées soit directement aux réfugiés, sous la forme de bourses pour poursuivre des études, en particulier, soit à des associations conduisant des projets en faveur de leur promotion sociale ou professionnelle, principalement à travers l’accès au logement et à l’emploi.

La plupart des étrangers qui viennent d’obtenir le statut de réfugiés ne séjourne en effet pas dans un centre provisoire d’hébergement, mais est immédiatement dirigée vers les dispositifs de droit commun. Pendant une période transitoire, ils bénéficient d’un accompagnement social et de logements relais. Afin de contribuer à la fluidité du dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile par une sortie rapide des réfugiés des CADA, il est nécessaire de prévoir, au niveau local, des actions de coordination ou de facilitation pour l’accès à l’autonomie des réfugiés dans les départements où la pression est la plus forte. En 2010, est prévu le financement d’une vingtaine de projets relatifs à l’aide à l’accès au logement et à l’emploi des réfugiés, avec l’aide du Fonds européen pour les réfugiés, qui devrait compléter les crédits de cette action à hauteur de 5,66 millions d’euros.

En particulier, sera poursuivie l’extension de la méthode du projet Accelair, mis en œuvre depuis 2002 par l’association Forum Réfugiés dans le Rhône, dont les résultats sont très encourageants en matière d’accès à l’emploi et de logement des réfugiés. L’ensemble de la région Rhône-Alpes, les départements des Bouches-du-Rhône, des Alpes maritimes et de la Loire-Atlantique appliquent désormais cette méthode, avec le soutien financier de l’Etat.

V – DEUX PAYS AUX AVANT-POSTES DES FLUX MIGRATOIRES VERS L’EUROPE : MALTE ET L’ITALIE

Alors que l’hiver 2008-2009 a été ponctué par les informations relatives tantôt au débarquement de centaines d’immigrés clandestins sur les côtes de l’île de Lampedusa ou de Malte, tantôt à la disparition en mer de bateaux qui en transportaient d’autres, votre Rapporteur a souhaité mieux comprendre la situation de ces personnes et les problèmes que leur arrivée en grand nombre posent aux Etats concernés.

Il a donc effectué un déplacement à Malte puis en Italie, du 30 septembre au 2 novembre. Il tient à remercier chaleureusement les ambassadeurs de France dans ces deux pays, qui lui ont offert leur hospitalité, et leurs services qui, bien que disposant parfois de peu de moyens, ont organisé des rencontres très intéressantes et obtenu, grâce à leurs relations cordiales et de confiance avec les autorités maltaises et italiennes, qu’il puisse visiter des centres accueillant ces étrangers.

A – Malte : un pays trop seul face à des flux migratoires disproportionnés

Votre Rapporteur a été très frappé par les rencontres qu’il a faites à Malte. Il a eu le sentiment que, en l’absence de nouvelles solutions à court comme à long terme, le pays risquait de traverser une grave crise.

1) Des flux migratoires considérables

Anciennement pays d’émigration, Malte est devenue, depuis 2002, un pays d’immigration.

Alors que l’archipel, qui compte 410 600 habitants pour 316 km², est déjà le pays le plus densément peuplé de l’Union européenne, avec 1 300 habitants au km², il doit faire face à un afflux très important de demandeurs d’asile et d’immigrés clandestins.

En 2008, 2 775 personnes ont débarqué sur les côtes maltaises, soit deux fois plus qu’en 2007. Le premier semestre a été relativement plus calme, avec 857 arrivées au 18 juin 2009. La population de migrants à Malte est aujourd’hui estimée entre 3 000 et 4 000 personnes, alors qu’environ 12 500 migrants y ont débarqué depuis 2002.

La grande majorité de ces migrants provient de la Corne de l’Afrique : sur les deux dernières années, 53 % sont venus de Somalie, 11 % du Nigeria, 6 % du Mali, 4,5 % de Côte d’Ivoire et du Ghana, 4,2 % d’Erythrée. Au total, trente-six nationalités sont représentées. Ces personnes arrivent à Malte principalement via la Libye, qui est le pays de transit de 70 à 80 % des ressortissants africains. Mais, Malte n’est généralement pas la destination souhaitée par ces migrants dont l’objectif est d’atteindre le continent européen par l’Italie (Lampedusa, Sicile). Ils viennent, pour l’essentiel, des deux ports libyens de Zuwarha et Zlitjan (26) sur des embarcations légères, transportant de vingt à trente personnes. Les embarcations arrivées à Malte l’hiver dernier – alors que, généralement, les arrivées se tarissent en hiver à cause du mauvais temps – étaient d’un type différent : il s’agissait de plus gros bateaux, contenant jusqu’à plus de cent personnes.

Entre 70 et 80 % des migrants arrivés par bateaux sollicitent l’asile, si bien que le pays doit faire face à une augmentation très importante du nombre de demandes d’asile déposées sur son territoire. Entre le 1er janvier 2002 et le 30 avril 2009, l’Office of the Refugee Commissioner (27) a examiné 9 334 dossiers de demandeurs d’asile, délivré 227 statuts de réfugiés et accordé une protection humanitaire à 4 739 personnes, alors que 3 804 demandes ont été rejetées. Ces chiffres représentent un taux d’accord d’une protection internationale de 53,20 % des dossiers examinés mais un taux de délivrance du statut de réfugié de 2,43%. Entre le 1er janvier et le 30 avril 2009, ce sont 1 374 dossiers de demandeurs d’asile qui ont été examinés par l’Office. 503 correspondent à des demandes de l’année 2008 qui n’avaient pas encore été traitées. Quinze statuts de réfugiés (contre huit en 2007) et 720 protections humanitaires (contre 620 en 2007) ont été délivrés. 247 dossiers ont été rejetés.

2) Des moyens limités pour faire face aux arrivées et accueillir les migrants

a) Une zone maritime trop vaste pour être contrôlée

De superficie équivalente à celle du Royaume-Uni, la zone de sauvetage et de recherche (SAR) que Malte a placée sous sa responsabilité est disproportionnée (205 770 km²) par rapport à la superficie de l’archipel (trois îles Malte, Gozo et Comino de 316 km² et 253 km de côtes). La surveillance erratique par la Libye de sa propre zone de sauvetage et de recherche et les difficultés de coopération avec ce pays accentuent la difficulté pour les autorités maltaises à faire face à une immigration qui transite pour l’essentiel par la Libye au Sud (à 360 km) et accessoirement la Tunisie à l’Ouest (à 285 km). Les côtes italiennes sont à 93 km au nord.

Des incidents ont récemment éclaté entre Malte et l’Italie concernant l’accueil sur leur territoire de bateaux en détresse, secourus entre Malte et Lampedusa. Ce différend, lié à une application de versions différentes de la convention SAR (Malte a objecté au dernier amendement) n’a, pour l’instant, pas été tranché.

Les moyens dont disposent les autorités maltaises pour contrôler cette zone de recherche et de sauvetage sont peu importants : c’est aux forces armées qu’est confiée, à titre principal, la mission de recherche et de sauvetage en mer. La police ne dispose d’aucun moyen pour y prendre part.

b) Des conditions d’accueil des migrants difficiles

A leur arrivée, les immigrants sont automatiquement envoyés dans des centres « fermés » placés sous la responsabilité du ministère de la justice et de l’intérieur et gérés par l’armée ou par la police, où ils restent plus ou moins longtemps en fonction de leur situation.

En principe, les demandeurs d’asile doivent y séjourner pendant la durée de l’instruction de leur demande. Ils en sortent soit une fois leur demande de protection accordée, soit au bout d’un an, s’ils n’ont pas obtenu de réponse. Si, en revanche, ils ont reçu un refus, ils y restent dix-huit mois au total. Il a été indiqué à votre Rapporteur que les personnes vulnérables – il en existe cinq catégories : les familles, les mineurs, les femmes enceintes, les personnes âgées, les personnes avec des besoins spéciaux (malades ou handicapées, par exemple) – étaient relâchées beaucoup plus rapidement.

Il existe trois centres fermés, situés à Safi, Lyster (dans la zone de Hal Fra) et Ta Kandja. Ils accueillent actuellement de l’ordre de 1 400 retenus. Soixante-dix militaires et cent soixante civils s’occupent de ces centres.

Votre Rapporteur a été autorisé à visiter le centre de Lyster qui était alors dans une situation particulière. En effet, seule une petite partie était occupée par des migrants le 1er octobre dernier, alors que le reste du centre était l’objet de très importants travaux de réfection.

La partie où vivaient alors 118 hommes, des Somaliens pour la plupart d’entre eux, sur le point d’être relâchés, était constituée de modules préfabriqués équipés de lits superposés pour seize personnes. Deux modules sont eux-mêmes superposés pour faire face à une affluence éventuelle, mais ceux du haut n’étaient pas occupés au moment de la visite de votre Rapporteur. Dix-huit personnes étaient chargées de la surveillance de cette partie du centre, ce qui a été considéré comme insuffisant en période d’affluence par le responsable de tous les centres fermés de Malte. Les retenus peuvent recevoir des visites de leur famille, mais n’ont guère d’activités, à l’exception d’une partie de football, lorsque la température n’est pas trop élevée. Ils sont chargés d’entretenir leur « logement » mais les repas sont fournis trois fois par jour par une entreprise extérieure.

La partie du centre construite en dur était en réfection, grâce à des financements provenant en grande partie du Fonds européen pour les réfugiés
– le coût total des travaux est évalué à 320 000 euros. Elle est conçue pour accueillir 480 personnes dans des conditions nettement meilleures que celles offertes actuellement. Le nouveau centre sera composé de deux zones « étanches » afin de pouvoir, si nécessaire, séparer les migrants selon leur origine. Chaque zone comporte une infirmerie et une chambre de vingt places pour des femmes seules ; les autres chambres, toutes de la même capacité, sont destinées à recevoir des hommes. Les équipements sanitaires semblent en nombre suffisant et ont été prévues des salles devant servir de salles à manger, de salles de récréation, mais aussi de salles de classe dans la mesure où des activités et des formations doivent y être organisées. Le centre accueillera des demandeurs d’asile en attente de l’instruction de leur demande, alors que les déboutés, dont la détention est plus longue, seront envoyés au centre de Ta Kandja, le plus grand de l’île, avec 670 places. Le transfert des migrants, vers l’hôpital ou vers un autre centre
– l’entretien des demandeurs d’asile avec un agent de l’Office of the Refugee Commissioner a lieu dans une salle du centre fermé de Safi –, est assuré par le personnel du centre où ils sont retenus.

Les travaux étaient suffisamment avancés – une partie était déjà meublée – pour que votre Rapporteur ait pu constater que les migrants y seraient accueillis convenablement. Le responsable des centres fermés a insisté sur le fait que cette réfection était prévue avant la publication du rapport de Médecins sans frontière critiquant très vivement les conditions de rétention dans ces centres. Il a précisé qu’un afflux soudain de migrants avait accéléré le processus de dégradation tout en retardant le début des travaux. Au printemps dernier, après avoir dénoncé l’état des centres fermés, Médecins sans frontière avait décidé de fermer la clinique que l’ONG gère au sein du centre de Ta Kandja. Des travaux ont aussi été réalisés dans ce centre, permettant le retour à un fonctionnement normal de la clinique.

Si les conditions de rétention dans les centres sont difficiles, comme diverses instances internationales ou européennes ont pu le constater (Haut-commissariat aux réfugiés, Amnesty International, commission des libertés civiles et de la justice du Parlement européen, Médecins sans frontière), des efforts sont incontestablement consentis pour améliorer les choses.

A leur sortie d’un centre fermé, les migrants vivent dans des centres « ouverts », placés sous la responsabilité du ministère de la famille et de la solidarité et gérés par l’Eglise catholique ou par le gouvernement. Environ 2 000 personnes vivent actuellement dans ces centres : celui que votre Rapporteur a visité est situé à Marsa ; celui de Balzan accueille des hommes seuls, des femmes seules ainsi que des familles ; dans la zone de Hal Far, tout près du centre fermé, se trouvent un centre pour femmes (Reception center), un centre pour les familles et deux centres pour hommes, l’un en dur (Hanger), l’autre formé de tentes (d’où son nom de Tent Village).

Selon les personnes qui s’y sont rendues, les conditions de vie à Tent Village sont particulièrement pénibles à cause de la faible protection que les tentes procurent contre la chaleur et contre les pluies, souvent violentes à Malte. Les centres d’Hal Far et de Balzan sont assez éloignés – toute proportion gardée – des activités économiques de Malte et surtout très mal desservis par les transports en commun. C’est pourquoi le centre de Marsa leur est préféré. Il héberge environ 600 hommes, jeunes pour la plupart (la moyenne d’âge est de l’ordre de 25 ans), Somaliens en majorité – mais vingt et une nationalités sont représentées. Les migrants, qui reçoivent quelques euros par jour du gouvernement, ont le droit de travailler : ils peuvent demander eux-mêmes un permis de travail s’ils bénéficient d’une protection ; un employeur peut le faire pour eux dans les autres cas. Mais ils travaillent surtout dans les secteurs du tourisme et du bâtiment, qui sont particulièrement touchés par la crise économique. Le directeur du centre s’inquiète de leur oisiveté et s’efforce de les pousser à suivre des formations. Un centre de formation a justement été construit au sein du centre ouvert, cofinancé à hauteur de 75 % par le Fonds européen pour les réfugiés. Y sont proposés des cours de langue, mais aussi d’informatique. Les représentants du Haut-commissariat aux réfugiés, que votre Rapporteur a rencontrés, estiment néanmoins que ces activités ne sont pas suffisantes.

Si la localisation du centre est appréciée, le confort y est très relatif. Il est installé dans une ancienne école de technologie, dont les salles de classe, mais aussi les ateliers, ont été transformés en chambres équipées pour accueillir seize à trente-quatre migrants. Des efforts sont faits pour repeindre ces chambres, mais le taux d’occupation élevé rend difficile la réalisation de travaux. Les chambres les plus recherchées sont situées à l’étage, où on peut sentir un léger courant d’air. Trois « restaurants » sont installés dans le centre, qui proposent aux migrants des plats de leurs différents pays d’origine. Il y a aussi des coiffeurs et une mosquée, dont la fréquentation, le vendredi, ne se limite pas aux habitants du centre. Un petit marché s’y tient régulièrement. Des téléphones et des ordinateurs sont à la disposition des migrants, mais l’équipement sanitaire du centre est notoirement insuffisant.

Le directeur du centre a indiqué que les actes de violence étaient relativement rares, mais que beaucoup de migrants étaient désespérés. Tous ou presque veulent quitter Malte ; certains y parviennent, mais une partie d’entre eux est arrêtée et renvoyée à Malte. D’autres vivent dans le centre depuis quatre ou cinq ans et n’ont guère de chances de s’intégrer un jour dans la société maltaise.

3) Un pays qui n’est pas en mesure de relever seul ce défi

La situation est donc difficile à la fois pour les migrants, qui considèrent pour la plupart qu’ils n’ont pas d’avenir à Malte, et pour les Maltais, qui se sentent victimes d’une forme d’invasion contre laquelle ils sont impuissants.

a) Un faible nombre de retours dans le pays d’origine ou de provenance

Sur les 12 500 migrants arrivés à Malte depuis 2002, un peu plus de 3 000 ont pu être rapatriés dans leur pays, parmi lesquels près de 1 000 Egyptiens. Les pays du Maghreb sont relativement coopératifs mais les difficultés auxquelles se heurte le processus de réadmission sont principalement de trois ordres :

– l’absence d’accords de réadmission avec les pays d’origine mais aussi les difficultés de conclure avec les pays de transit (Maroc, Egypte, Tunisie et surtout Libye) des accords de réadmission par lesquels ces pays s’engagent à réadmettre non seulement leurs ressortissants, mais également les ressortissants de pays tiers ayant transité par leur territoire ;

– l’impossibilité, en vertu du principe de non-refoulement reconnu par la Convention de Genève de 1951, de renvoi des migrants en provenance de certains pays comme la Somalie, le Soudan, l’Ethiopie ou l’Erythrée alors même que la majorité vient de ces pays ;

– la couverture hétérogène et irrégulière par la compagnie aérienne maltaise, Air Malta, des pays d’origine pour le rapatriement des migrants encore que cette compagnie ait, par exemple, procédé à des rapatriements au Mali et au Nigeria, et le coût inhérent à l’affrètement d’un appareil pour quelques immigrants seulement.

La rétention des étrangers en situation irrégulière est utile lorsque la probabilité de les voir reconduits dans leur pays d’origine ou de provenance est forte. La fréquence des réadmissions depuis Malte est trop faible pour justifier la politique de l’enfermement systématique des migrants à leur arrivée sur le territoire national. Plusieurs des personnes rencontrées par votre Rapporteur, les responsables du Haut-commissariat aux réfugiés et de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), mais aussi le Père Cassar, le directeur du Jesuit refugee service à Malte, lui ont fait part de leur hostilité à cette pratique et de leur souhait d’obtenir au moins un raccourcissement de cette période de rétention.

Les autorités maltaises ont aussi tenté de favoriser les retours volontaires. Plusieurs projets ont été conduits, dont l’un, intitulé « Dar » (maison en maltais), cofinancé par l’Union européenne, a permis le retour de soixante et onze migrants de douze nationalités différentes. La représentante de l’OIM a jugé que ce programme, qui reposait sur le versement d’une grosse somme d’argent en espèce, n’était pas satisfaisant. L’OIM a depuis élaboré un nouveau projet consistant à accorder une somme moins importante, dont une partie devait être investie dans le lancement d’une micro-activité dans le pays d’origine. Il aurait déjà conduit à une vingtaine de retours volontaires.

b) Un refus de l’intégration

Bien que les migrants rentrent rarement dans leur pays, peu nombreux sont ceux qui s’intègrent dans la société maltaise, qui ne les y aide pas.

Devant la peur de la population, les deux principaux partis politiques, le parti nationaliste de centre-droit – qui ne détient qu’un siège de majorité au Parlement – et le parti travailliste, défendent la même fermeté vis-à-vis des migrants.

Dominée par l’Eglise catholique dont l’influence reste très prégnante, la société maltaise est très conservatrice. Même si une partie des migrants est de confession chrétienne, la plupart des Maltais perçoivent les migrants comme des envahisseurs musulmans désireux de prendre leur revanche sur l’histoire de l’île. Ils craignent que leurs valeurs ne résistent pas à ces apports étrangers. Une partie d’entre eux a peur que les migrants leur « volent » leurs emplois, ce qui renforce le discours xénophobe de certains.

Les conditions de séjour mais aussi de voyage des migrants font quotidiennement l’objet d’articles et de commentaires dans la presse, maintenant cette question parmi les premières préoccupations des Maltais.

Les plus optimistes observent les signes d’une attitude plus compréhensive des médias comme des autorités vis-à-vis des migrants. La justice maltaise a notamment rendu deux jugements favorables à ces derniers en exigeant l’enregistrement à Malte d’un enfant né en mer et celui d’un mariage, même en l’absence de production d’un certificat de naissance. Les interlocuteurs de votre Rapporteur étaient nettement plus pessimistes et inquiets de la radicalisation possible de l’opinion publique maltaise si les arrivées s’accélèrent à nouveau sans qu’aucune solution ne soit proposée.

Pour leur part, les migrants qui, comme votre Rapporteur l’a souligné, ne souhaitaient pas, pour une large majorité, venir à Malte, ne font pas toujours les efforts nécessaires à leur intégration. Seuls environ 600 vivent à l’extérieur des centres, ce qui témoigne à la fois d’une difficulté à se loger, mais aussi d’un manque fréquent de volonté. Le directeur du centre de Marsa a confirmé qu’une partie des migrants qu’il héberge ne veut pas apprendre l’anglais et n’a d’autre objectif que de trouver un moyen de quitter Malte. Malgré l’absence de données statistiques sur ce sujet, il semble que, selon leur situation et leur origine, les migrants soient plus ou moins soucieux de s’intégrer. Les personnes bénéficiant d’une protection internationale, qui ont souvent, il est vrai, vécu des drames avant d’arriver à Malte, seraient plus enclines à la passivité, tandis que les migrants économiques, venus souvent d’Afrique de l’Ouest, trouvent plus facilement du travail et une place dans la société.

Contrairement aux autres, les premiers espèrent en effet bénéficier de la solution que les autorités maltaises elles-mêmes appellent de leurs vœux : une réinstallation dans un autre pays développé.

c) L’espoir des plus nombreux : la réinstallation des migrants

Malte cherche en effet systématiquement la réinstallation des migrants auxquels a, au préalable, été reconnue une protection internationale, dans des pays de l’Union européenne ou des pays tiers par voie bilatérale ou multilatérale.

Par voie bilatérale, avant la signature du Pacte européen sur l’immigration et l’asile, Malte avait sollicité les pays suivants de l’Union européenne pour accueillir des contingents limités d’immigrants : l’Allemagne (à hauteur de 20 personnes), les Pays-Bas (36), le Portugal (12), l’Irlande (10), la Lituanie (6).

Hors de l’Union, les Etats-Unis ont été sollicités et ont déjà accueilli sur leur territoire plus de 200 réfugiés. La France est le premier pays, depuis la signature du Pacte, à accueillir 95 personnes sous protection, votre Rapporteur y reviendra infra.

Les autorités maltaises espèrent que ce geste permettra d’amorcer un mouvement européen plus généralisé, notamment dans le cadre du projet-pilote de relocalisation en cours d’élaboration par la Commission, faisant suite aux conclusions du Conseil européen des 18 et 19 juin dernier sur la situation migratoire en Méditerranée. Elles ont, en outre, entamé des négociations avec le Haut-commissariat aux réfugiés pour que les relocalisations à partir de Malte puissent s’imputer sur le quota de réinstallation négocié entre chaque pays membre de l’Union européenne et le Haut-commissariat. Ce dernier se montrerait favorable à cette idée.

Votre Rapporteur tient à souligner que le recours à la réinstallation, qui doit être favorisé, n’est pas une solution pour l’ensemble des migrants. Il ne peut concerner que ceux qui bénéficient d’une protection internationale, et, même si les partenaires de Malte font des efforts, seulement une partie d’entre eux. Cette solution n’est donc pas une alternative à la mise en place d’un processus d’intégration des migrants dans la société maltaise, mais plutôt une forme de complément.

B – L’Italie : une politique volontariste contre l’immigration clandestine

La situation de l’Italie n’est globalement pas comparable à celle de Malte, sa taille et ses moyens étant évidemment sans commune mesure. Elle partage néanmoins un grand nombre des préoccupations maltaises. Les arrivées clandestines de migrants sur ses côtes ont été fortement médiatisées, notamment celles qui se sont concentrées sur l’île de Lampedusa. Votre Rapporteur n’est pas allé sur l’île : les visites des centres de rétention nécessitent une procédure d’acceptation par le département pour les libertés civiles et l’immigration du ministère de l’intérieur – qu’il aurait d’ailleurs pu obtenir, l’attaché de sécurité intérieure en poste à Rome s’y étant lui-même rendu en mai dernier (28) –, mais surtout, les centres y sont actuellement fermés, les flux de migrants s’étant brusquement taris, comme votre Rapporteur va l’expliquer.

Il faut néanmoins souligner que les arrivées par bateaux représentent entre 20 et 25 % seulement des flux de migrants irréguliers et que, avant que la situation à Lampedusa attire l’attention, c’était le traitement des Roms qui faisait surtout débat.

1) La situation particulière de Lampedusa, porte de l’Europe méridionale

En 2008, Lampedusa a accueilli 83 % des 36 951 migrants clandestins débarqués sur les côtes italiennes (58 % en 2007). Dans ces conditions, il est facile de comprendre le double aspect symbolique de l’île : porte d’un monde meilleur pour les uns, sas d’endiguement pour les autres.

a) Une situation géographique attractive

D’une superficie de 20,2 km², l’île de Lampedusa est située à environ 200 km au sud d’Agrigente (Sicile) dont elle dépend administrativement, 167 km de Ras Khaboudja (Tunisie), 220 km de Malte et 355 km de Tripoli (Libye). Elle appartient à l’archipel des Pélages avec les îlots minuscules de Linosa et Lampione.

C’est le point le plus au sud du territoire italien. Lampedusa se situe sur le plateau continental africain face au golfe de Gabès. L’île est formée d’un plateau qui culmine à 133 m d’altitude. Ses côtes se divisent entre une falaise continue au nord et une côte découpée formée de criques et de plages au sud. L’intérieur de l’île a un aspect désertique. Le village de Lampedusa est la seule zone habitée. Les îliens vivent de la pêche et du tourisme, d’où l’hostilité à l’implantation de centres de rétention peu compatibles avec les activités estivales.

Des incidents s’y sont déroulés début 2009 : le centre d’Imbriacola étant surpeuplé, des migrants ont manifesté dans le village pour dénoncer les conditions de rétention, tandis que ses îliens faisaient de même pour demander le déplacement de cette population. Si 5 000 habitants sont recensés, les résidents permanents sont beaucoup moins nombreux et le trafic routier est quasi inexistant en dehors du village, à l’exception des fréquentes patrouilles des forces de sécurité (carabiniers, gardes des finances, armée de terre, police d’Etat) qui représentent un gros pourcentage des véhicules sur les quelques routes existantes.

Au printemps dernier, les carabiniers (gendarmes mobiles) envoyés en renfort sur l’île étaient la première source de revenu des hôtels et restaurants. Lampedusa était alors l’un des territoires où le ratio policier / habitant était le plus élevé en Europe.

b) L’accueil des migrants sur l’île

Les centres dépendent du ministère de l’intérieur. Si la force publique assure la sécurité à l’intérieur et à l’extérieur des centres, une société privée est chargée de leur administration logistique. Il s’agit de Lampedusa Accoglienza s.r.l. dont les missions sont nombreuses et définies très précisément dans le cahier des charges du marché public qu’elle a remporté : accueil au port avec des interprètes ; transfert en bus vers le centre ; assistance sanitaire, psychologique, culturelle 24 heures sur 24 ; préparation à l’intégration (cours d’alphabétisation par exemple).

A côté des moyens déployés par la société, les organisations internationales (dont le Haut-commissariat aux réfugiés, Save the Children et l’OIM) ont également des spécialistes (médecins, psychologues) en mesure de traiter les cas individuels.

Positionné au fond d’un thalweg à quelques centaines de mètres du village, le centre d’Imbriacola, ouvert en juin 2007, est formé de diverses structures préfabriquées sans véritable séparation entre les blocs, même si une répartition est réalisée entre hommes, femmes, mineurs et familles. Au printemps dernier, la garde était assurée par toutes les forces de police simultanément qui se répartissaient par unité sur un petit périmètre : l’armée de terre tenait le portail d’entrée, les gardes des finances se trouvaient entre la zone médico-administrative et la zone alimentation – aire de loisir et les carabiniers surveillaient la partie hébergement et lieu de prière.

La police d’Etat s’occupait de la pré-identification des arrivants et la police scientifique inscrivait les individus sur les bases de données italiennes et effectuait les rapprochements éventuels avec EURODAC. Tous les individus passés par le centre étaient donc insérés dans EURODAC.

Ce centre était précédemment un centre d’accueil et d’assistance. Il s’agit maintenant d’un centre d’indentification et d’expulsion d’une capacité de 850 personnes (dont 46 places médicalisées). Concrètement, les migrants passaient tous par Imbriacola pour photo-signalisation. Ils étaient ensuite envoyés dans le nouveau centre en transit. En revanche, ceux qui devaient être expulsés demeuraient sur place jusqu’à l’obtention du laissez-passer consulaire. Cette mesure visait plus particulièrement les Tunisiens.

Pour faire face à l’afflux subi l’année dernière et aux incidents dans les rues de Lampedusa, un deuxième centre de décongestion avait donc été ouvert dans une base militaire italienne construite par les Américains dans les années 1970. Ce centre se trouve à l’autre bout de l’île, dans une zone désertique. Les migrants y séjournaient quelques jours avant d’être transférés vers d’autres centres sur le continent en fonction de leur cas.

Sa direction et sa gestion répondent au même schéma que celui d’Imbriacola. La société Lampedusa Accoglienza s.r.l. y avait installé une équipe plus légère, mais en liaison permanente avec le centre principal. Des travaux d’aménagement ont été entrepris pour en faire un centre moderne et convivial (pas de chauffage, vétusté de certaines installations).

Dès le mois de mai, les centres s’étaient vidés. Si 2 000 personnes s’entassaient encore début janvier 2009 dans le seul centre d’Imbriacola, ce dernier ne comptait plus alors que 69 résidents. L’ex-base militaire n’accueillait que 24 personnes (en majorité des femmes).

Nonobstant les efforts réalisés pour fournir des conditions de rétention correctes, l’hiver dernier, la surpopulation a contraint de nombreux migrants à dormir à l’extérieur sur un sol balayé par les vents et la pluie. Ces difficultés ont abouti à une manifestation de violence ponctuelle à l’origine de l’incendie d’un des blocs du centre d’Imbriacola (400 places détruites). Dans les échauffourées, 25 membres des forces de l’ordre ont été blessés.

2) Une lutte renforcée contre l’immigration clandestine, qui donne des résultats

a) L’organisation des services de lutte contre l’immigration irrégulière

Dirigé par le préfet Mario Morcone, que votre Rapporteur a rencontré, le département pour les libertés civiles et l’immigration est chargé des questions de l’immigration régulière et de la gestion des infrastructures logistiques destinées à l’accueil et la rétention des clandestins.

Il gère un réseau de centres d’accueil aux vocations diverses :

– les centres d’accueils (centri di accoglienza – CDA) sont des structures destinées à garantir un premier secours à l’étranger arrivé sans titre de séjour, limité au temps strictement nécessaire pour établir son identité et la légitimité de son maintien sur le territoire ou pour prendre les dispositions de son éloignement ; dix CDA sont actuellement opérationnels ;

– les centres d’accueil de demandeurs d’asile (centri di accoglienza richiedenti asilo – CARA) sont des structures dans lesquelles peut être hébergé pour une période de 20 à 35 jours l’étranger demandeur d’asile privé de documents d’identification et qui s’est soustrait au contrôle frontière, pour faciliter son identification ou la procédure de reconnaissance de statut de réfugié ; il existe six centres de ce type ;

– les centres d’identification et d’expulsion (centri di identificazione ed espulsione – CIE) sont des structures destinées au maintien en rétention, validé par le juge de Paix, des étrangers extra-communautaires irréguliers devant être expulsés. Ces centres, au nombre de dix, ont pour vocation d’éviter la dispersion sur le territoire et de faciliter l’exécution matérielle des mesures d’expulsion.

C’est un centre de ce dernier type que votre Rapporteur a eu l’occasion de visiter, celui de Ponte Galiera, situé près de l’aéroport de Rome, Fiumicino. D’une capacité de 300 places, il est le plus grand d’Italie. Au moment de sa visite, 105 femmes et 125 hommes y étaient retenus. La durée maximale de rétention a été récemment portée de soixante à cent quatre-vingts jours. Dans les faits, le séjour en centre d’identification et d’expulsion ne dure jamais aussi longtemps.

Les « services » offerts aux retenus, souvent par des associations, ne sont pas très différents de ce qu’ils sont en France : ils reçoivent des soins, à l’hôpital en cas de nécessité, une assistance psychologique et sociale, des conseils juridiques. Le centre est gardé par des forces de l’ordre, mais leurs représentants n’ont pas de contact avec les personnes retenues une fois qu’elles sont dans le centre. C’est la Croix rouge italienne qui s’occupe au quotidien des étrangers.

La capacité du centre est considérable mais il est composé d’une zone pour les hommes et d’une zone pour les femmes – il semble qu’on ne place jamais de familles en rétention –, chaque zone étant elle-même divisée en plusieurs espaces entourés de grilles, formés d’un bâtiment bas et d’une cour. Cette organisation, qui permet de séparer les petits groupes de retenus, donne au centre une apparence plus carcérale que celle de la plupart des centres de rétention en France.

Il faut néanmoins préciser que ce centre n’est pas forcément représentatif. En effet, 70 % des hommes retenus sortent de prison. Un tel taux n’est jamais atteint en France où on s’efforce d’organiser le renvoi des prisonniers dans leur pays avant la fin de l’exécution de leur peine. Quant aux femmes, ce sont principalement des prostituées, fréquemment victimes de la traite des êtres humains.

Le deuxième grand service appelé à gérer la lutte contre l’immigration est la police de l’immigration et des frontières. Depuis 2002, cette direction centrale assure la coordination des unités aussi bien dans les aéroports, les ports que sur le territoire national. En particulier, elle est responsable de coordonner l’action de l’Etat en mer en matière d’analyse des risques comme d’intervention des moyens civils et militaires.

b) Des résultats exceptionnellement bons en 2009

Au cours du premier semestre 2009, 27 633 étrangers en situation irrégulière ont été interpellés sur le territoire italien, contre 32 289 pour la même période de 2008.

Sur ces 27 633 personnes interpellées, 9 216 ont été éloignées, dont 1 676 non admises à la frontière (contre 3 469 pour la même période 2008), 3 389 expulsées avec accompagnement à la frontière (2 982 en 2008) et 2 948 ayant fait l’objet d’une procédure de réadmission (contre 3 791 en 2008).

Les étrangers interpellés étaient principalement originaires du Maroc (4 301), de Tunisie (3 686), d’Albanie (1 878), du Sénégal (1 793), de Chine (1 590), du Nigéria (1 461), d’Egypte (1 412) et d’Afghanistan (1 393).

Sur les 9 216 étrangers effectivement rapatriés, on comptait surtout des Albanais (1 243), des Marocains (1 066), des Afghans (942) et des Tunisiens (835).

Les chiffres de l’immigration sont actuellement considérés comme satisfaisants notamment grâce à la coopération nouvelle et efficace avec la Libye. Si les arrivées maritimes n’ont jamais représenté plus de 25 % du flux global, leur caractère médiatique renforçait la sensibilité du dossier.

Le ministre de l’intérieur, pour qui l’immigration est « la seule urgence nationale » depuis sa prise de fonction en mai 2008, continue sa stratégie de renforcement du corpus juridique italien – comme la création d’un délit de clandestinité et l’allongement de la durée maximale de rétention –, en le conjuguant à une coopération internationale renforcée.

3) Une approche principalement bilatérale

Grâce à des moyens bien supérieurs à ceux dont les Maltais disposent, le gouvernement italien a développé une stratégie dynamique en direction des pays sources et de transit.

En décembre 2007, deux protocoles ont été signés entre l’Italie et la Libye. S’appuyant sur les accords bilatéraux antérieurs, les deux pays ont décidé d’intensifier la lutte contre l’immigration illégale et le trafic des êtres humains. Six navires italiens devaient être mis à disposition de la Libye afin d’impliquer d’avantage celle-ci dans les patrouilles en Méditerranée.

En août 2008, Silvio Berlusconi a relancé en Libye les engagements de 2007. Le 4 février 2009, les ministres de l’intérieur ont signé un nouvel accord qui précise les protocoles de 2007. A côté de la lutte contre l’immigration irrégulière, une amélioration de la coopération entre les deux pays serait de nature à faciliter les flux réguliers de personnes.

Le ministre de l’intérieur a aussi signé, le 28 janvier 2009, un accord avec son homologue tunisien, proposant l’intensification de la lutte contre la traite des êtres humains et toute forme d’organisation criminelle exploitant l’immigration clandestine, ainsi que la définition d’un plan prévoyant l’accélération des procédures nécessaires à l’identification des immigrés tunisiens et leur rapatriement.

Le 17 février 2009, était aussi signé à Abuja un accord entre l’Italie, le Nigeria et Interpol, dans le but d’intensifier la lutte contre le trafic d’êtres humains et l’immigration clandestine. Coordonné par Interpol, ce projet pilote prévoit le déploiement en Italie d’équipes de police mixtes, pour une période de douze mois, dans les aéroports internationaux, les ports et certaines villes à forte présence nigériane. Le 3 mars, l’accord était cité en exemple par le ministre italien de l’intérieur, à la tribune d’Interpol à Lyon, comme « pouvant constituer un modèle utile et susceptible d’applications ultérieures dans d’autres pays et d’autres milieux de la coopération de sécurité ».

Le dernier accord date du 27 juillet 2009. Signé à Alger, il prévoit un renforcement de l’échange d’information et un développement de la formation des policiers en matière d’immigration irrégulière.

Si le gouvernement communique moins sur l’immigration irrégulière qui arrive en Italie par les voies terrestres, en provenance notamment des Balkans, il ne reste pas pour autant inactif. Les officiers de liaison italiens en Albanie sont une dizaine. En Roumanie, les services du ministère de l’intérieur italien sont aussi très présents.

C – Un devoir de solidarité communautaire

Initiative majeure de la présidence française de l’Union européenne, l’adoption du Pacte européen sur l’immigration et l’asile, les 15 et 16 octobre 2008, a témoigné de la ferme volonté des Etats membres d’établir le socle durable d’une politique européenne commune en la matière, en consolidant les acquis et en développant leurs effets de manière plus harmonieuse et plus solidaire. Le futur programme de Stockholm, qui succèdera, le 1er janvier 2010, au programme de la Haye, devrait reprendre largement les engagements auxquels ont souscrit les chefs d’Etat et de gouvernement et les objectifs stratégiques assignés à l’Union européenne et aux Etats membres pour les cinq années à venir sur les questions d’immigration et d’asile.

La politique communautaire comprend plusieurs volets : il s’agit d’une part d’élaborer des normes communes afin de limiter les différences de traitement entre Etats membres et les effets de transfert de charges qu’elles induisent ; il s’agit aussi d’aider concrètement les pays, à travers un soutien communautaire financier et opérationnel. Enfin, est récemment apparue la volonté de mieux coordonner les mesures volontaires des Etats en faveur des bénéficiaires d’une protection internationale, principalement à travers leur réinstallation.

Les pays qui rencontrent des situations particulièrement difficiles, comme l’Italie et Malte, devraient être les premiers bénéficiaires de ces mesures, que votre Rapporteur juge encore insuffisantes.

1) L’élaboration de normes communes

Sans revenir en détail sur tout le corpus normatif de l’Union en matière de lutte contre l’immigration illégale et l’asile, votre Rapporteur signale ici quelques-uns des travaux législatifs les plus récents ou encore en cours.

En matière d’immigration illégale, deux directives majeures ont été adoptées : la directive du Parlement et du Conseil du 16 décembre 2008 qui fixe des normes communes pour l’éloignement des étrangers en situation irrégulière, dite « directive retours » et la directive du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 portant sur des sanctions contre les employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. Ce dernier texte est important à la fois au plan politique, à la lumière de l’objectif de lutte contre les facteurs d’attrait de l’immigration irrégulière, et au plan socio-économique, compte tenu de son impact sur l’ensemble des employeurs.

Sur l’asile, les travaux engagés poursuivent l’objectif de mettre en place un régime européen commun dans le prolongement du plan d’action de juin 2008 de la Commission et des orientations dégagées dans le Pacte européen sur l’immigration et l’asile et de la conférence ministérielle de Paris des 8 et 9 septembre 2008. La Commission a présenté en décembre 2008 un premier paquet de mesures (paquet « asile ») destiné à poursuivre la mise en place du régime européen commun. Le Conseil a entamé, sous présidence tchèque, les négociations des trois propositions contenues dans ce paquet (qui sera complété avant fin 2009 d’un second paquet d’initiatives sur l’asile).

Les propositions de la Commission portent refonte du règlement EURODAC pour la comparaison des empreintes digitales aux fins d’une application efficace du règlement Dublin. Cette réforme prévoit un délai plus court pour la transmission à la base de données des empreintes digitales des demandeurs d’asile et des étrangers interpellés lors du franchissement irrégulier d’une frontière, afin qu’elles soient plus rapidement comparées. Le travail de refonte concerne également le règlement Dublin établissant les critères de détermination de l’Etat responsable de l’examen d’une demande d’asile, qui prévoit notamment des garanties procédurales nouvelles à l’égard des demandeurs d’asile pendant cette période. Enfin, la refonte de la directive relative à l’accueil des demandeurs d’asile vise à poursuivre l’harmonisation à la hausse des conditions matérielles dont bénéficient ces personnes.

2) Un soutien opérationnel et financier

Toutes ces mesures d’harmonisation normative sont complétées par des mesures plus concrètes.

La Commission a présenté en février 2009 une proposition de règlement relatif au bureau européen d’appui en matière d’asile dont la vocation est de développer la coopération pratique entre les Etats membres, d’apporter un soutien aux pays soumis à des pressions particulières sur leur système d’asile et d’adopter des lignes directrices destinées à faire davantage converger les politiques nationales.

Le Parlement européen s’est prononcé en première lecture le 6 mai dernier et les négociations visant à parvenir à un accord en seconde lecture devraient commencer à l’automne, l’objectif étant d’aboutir d’ici la fin de l’année 2009.

Des initiatives ont aussi été prises pour renforcer les contrôles aux frontières extérieures de l’Union, notamment dans la région méditerranéenne.

La Commission a présenté en février 2008 un paquet « frontières » qui comporte le rapport d’évaluation sur l’Agence pour la gestion des frontières extérieures (l’agence FRONTEX) et deux communications consacrées aux nouveaux outils utiles à la gestion intégrée des frontières extérieures et à la création d’un système européen de surveillance des frontières (Eurosur). Les orientations dégagées par le Conseil en juin 2008 en vue d’une gestion intégrée des frontières extérieures faisant notamment usage des outils technologiques modernes et renforçant les capacités opérationnelles de FRONTEX, ont été reprises dans le Pacte européen. Elles ont été développées par la Commission dans sa contribution de juin 2009 au programme de Stockholm, avec des échéanciers plus précis (Eurosur en 2013 et mise en œuvre du système d’entrée et de sortie en 2015).

En janvier 2009, à l’initiative de l’Italie, Malte, la Grèce et Chypre avaient signé à Rome, un document conjoint reprenant plusieurs propositions de lutte contre l’immigration clandestine en Méditerranée. L’agence FRONTEX, critiquée de manière sous-jacente, était appelée à multiplier ses opérations dans la zone.

C’est notamment à la suite de cette initiative que l’accent a été particulièrement mis par le Conseil européen des 18 et 19 juin 2009 sur la nécessité d’assurer des contrôles aux frontières maritimes méridionales de l’Union européenne, ce qui devrait conduire là encore à accélérer l’adoption des instruments en cours de négociation ou à la présentation d’initiatives de la Commission.

C’est d’ailleurs dans le droit fil de ces conclusions que la France a présenté au Conseil le 21 septembre 2009 des initiatives sur la Méditerranée et sur FRONTEX avec un plan d’action déclinant les mesures à prendre pour répondre à la situation dans cette région et ses perspectives d’évolution. La France est attachée, compte tenu des enjeux que représente la pression migratoire en Méditerranée, à ce que sous présidence suédoise le Conseil européen adopte des conclusions adaptées engageant durablement les Etats membres et la Commission dans la lutte contre les filières d’immigration irrégulière.

L’agence FRONTEX organise les opérations NAUTILIUS de surveillance et de contrôle des frontières maritimes et de lutte contre l’immigration clandestine au large des côtes maltaises et italiennes, à laquelle la France a participé en septembre 2008 en mettant à disposition de l’agence un patrouilleur dans la zone « L » de Lampedusa, l’Italie s’étant alors engagée à recueillir sur son territoire les migrants interceptés par notre bateau dans ses eaux. En 2009, la France a seulement dépêché un expert d’avril à octobre. En effet, la reconfiguration de la zone d’intervention par rapport à l’an passé et le refus maltais d’accueillir sur son territoire les personnes recueillies en mer ne lui ont pas permis d’engager des moyens aériens et maritimes dans le cadre de cette opération.

Un groupe ad hoc des pays concernés par les vols de retour, le « core country group for return matters » (France, Autriche, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Pologne, Espagne et Royaume-Uni) a été créé au second semestre 2008 avec comme objectif la définition du niveau d’implication de l’agence FRONTEX et les conditions de financement des vols groupés. Deux vols ont été organisés dans ce cadre au premier semestre 2009 à destination de l’Equateur et de la Colombie (25 février 2009) et du Nigeria (15 juillet 2009). Du 1er janvier au 10 décembre 2008, l’Agence FRONTEX avait aussi participé à l’organisation de quatorze vols de retour groupés qui ont concerné 772 étrangers.

Enfin, comme votre Rapporteur l’a mentionné supra, l’Union européenne participe au financement de nombreuses actions par l’intermédiaire de différents fonds, et en particulier le Fonds européen pour les réfugiés, le Fonds européen pour les frontières extérieures et le Fonds européen pour le retour.

Comme on le voit, l’Union européenne est loin d’être inactive en matière d’asile et de lutte contre l’immigration clandestine. Ces initiatives ne sont pourtant pas encore parvenues à alléger le poids qui pèse sur certains pays particulièrement exposés comme l’Italie et surtout Malte.

3) L’accent mis sur la réinstallation

Afin de répondre à la situation d’urgence que connaît Malte, la France soutient fortement les initiatives préparées par la Commission dans le cadre des préconisations du Conseil européen des 18 et 19 juin 2009 qui visent à mieux coordonner les mesures volontaires des Etats membres en faveur des bénéficiaires d’une protection internationale :

– le 2 septembre 2009, a été présenté un programme européen commun de réinstallation fondé sur le volontariat, qui concerne la réinstallation dans l’Union européenne de réfugiés se trouvant dans des pays tiers ;

– en juillet 2009, a été lancé un projet pilote concernant Malte, avec des moyens humains et financiers. Ce projet qui tend ainsi à renforcer les efforts de solidarité avec les Etats les plus exposés, sous la forme d’une réinstallation des personnes sous protection internationale, sera une préfiguration de la mise en place d’un mécanisme de solidarité plus structuré.

La France soutient l’objectif de développer la dimension extérieure de la politique européenne de l’asile, en mettant en oeuvre sur la base du volontariat le programme européen de réinstallation proposé par la Commission. Le soutien de la France à cette approche doit cependant prendre en compte le fait que l’Union européenne et plus particulièrement certains Etats (au premier rang desquels la France) accueillent déjà de très nombreux demandeurs d’asile et accordent une protection à nombre d’entre eux. Outre les dizaines de milliers de demandeurs d’asile, notre pays a aussi accueilli, au cours des derniers mois, 800 Irakiens menacés dans leur pays et plus de 120 réfugiés d’autres nationalités.

La France appuie également le projet pilote de la Commission concernant Malte, étant elle-même disposée à renouveler l’opération menée l’été 2009, qui a consisté à accueillir 95 personnes réfugiées à Malte (cf. l’encadré suivant), au vu de l’évaluation faite sur l’intégration de ces personnes et de l’engagement d’autres Etats membres dans cette voie. Cette opération représentera un coût total de 750 000 euros pour la mission Immigration, asile et intégration, qui sera remboursé par le Fonds européen pour les réfugiés à hauteur de 90 %.

Votre Rapporteur ne peut que saluer les efforts de solidarité consentis par la France dans ce domaine et déplorer la rareté des autres Etats membres de l’Union disposés à suivre cet exemple. Parce qu’il est le premier pays d’accueil de demandeurs d’asile en Europe, notre pays est particulièrement sensible à cette problématique. Il est néanmoins paradoxal qu’il ait été le premier à proposer son aide à Malte, alors qu’il doit déjà faire face à une explosion des demandes sur son sol. Depuis, la Slovaquie, le Portugal et le Luxembourg ont accepté d’accueillir quelques réfugiés venus de Malte – une vingtaine au total.

Le geste de la France a été très apprécié à Malte, comme votre Rapporteur a eu l’occasion de le constater lors de son déplacement. Il est plus que souhaitable que d’autres pays suivent cet exemple. L’Allemagne, qui a aussi une tradition d’hospitalité envers les réfugiés politiques, et dont les capacités d’accueil sont, contrairement aux nôtres, très supérieures aux besoins – ce que votre Rapporteur a remarqué lors d’un déplacement à Berlin en septembre 2008 –, pourrait faire également un geste de solidarité envers Malte. Mais, il semble évident à votre Rapporteur que chacun des Etats membres devrait accepter de recevoir une partie des étrangers bénéficiant d’une protection à Malte.

PREMIER BILAN DE LA RÉINSTALLATION EN FRANCE DE 95 ÉTRANGERS
AYANT REÇU UNE PROTECTION INTERNATIONALE À MALTE

Des 95 bénéficiaires sélectionnés par le ministère chargé de l’immigration, 91 ont été accueillis sur le sol français par le ministre le 9 juillet ; une famille de 4 Irakiens a souhaité différer sa venue et est arrivée en France le 5 août dernier. Tous sont hébergés dans des centres collectifs et accompagnés dans leur parcours d’intégration, jusqu’à ce qu’ils soient autonomes.

1) Qui sont-ils ?

Les bénéficiaires de ce dispositif ont été choisis en application des critères alternatifs suivants : connaissance, même rudimentaire, du français, liens familiaux ou amicaux avec des personnes résidant en France, exercice d’une profession figurant sur la liste des métiers en tension, ou situation de vulnérabilité.

Parmi les 95 personnes accueillies, 75 sont des adultes (45 hommes et 30 femmes), 18 sont des enfants et 2 sont des mineurs isolés somaliens âgés de 17 ans. La nationalité somalienne est la plus représentée avec 57 personnes (62 %) ; les autres personnes sont des Erythréens (18), des Soudanais (8), des Irakiens (4), des Ethiopiens (3), des Sri Lankais (3) et des Ivoiriens (2).

Les bénéficiaires de l’opération représentent 9 familles (29 personnes), 9 femmes seules avec enfants (18 personnes), 46 adultes seuls (dont 37 hommes) et 2 mineurs isolés. A l’exception d’un garçon de 2 ans, tous les enfants sont des bébés de moins d’un an. Outre les 2 mineurs isolés de 17 ans, les adultes ont entre 19 et 60 ans ; la moyenne d’âge s’établit entre 25 et 30 ans.

Enfin, les 95 personnes ont une protection internationale octroyée par Malte : 4 ont le statut de réfugié, qui donne un droit au séjour de 10 ans renouvelable, et les 91 autres ont une protection subsidiaire, qui donne droit à un titre de séjour d’un an renouvelable.

2) Où sont-ils hébergés ?

A l’exception des 2 mineurs isolés, d’une jeune majeure de 19 ans et de la famille irakienne qui sont accueillis dans trois centres situés dans le Val-de-Marne et dans l’Essonne, les personnes accueillies sont principalement réparties dans trois centres d’hébergement collectif, situés à Nanterre, à Poitiers et à Oissel (en Seine-Maritime). Ces centres sont financés par le ministère et par le Fonds européen pour les réfugiés.

3) Quel est leur statut en France ?

Le consulat de France à Malte a délivré aux 95 personnes un laissez-passer consulaire qui leur permet d’entrer sur le territoire français. Elles ont toutes été reçues à la préfecture du département où elles sont hébergées et se sont vues délivrer un récépissé portant la mention « étranger admis au titre de l’asile » d’une durée de six mois renouvelable.

Pendant cette période, l’OFPRA transférera leur protection maltaise en France ; à ce jour, la majorité des bénéficiaires ont été convoqués par l’Office et sont en attente de la décision de transfert. Une fois cette décision obtenue, ils pourront alors avoir une carte de résident de 10 ans s’ils sont réfugiés ou un titre de séjour « vie privée et familiale » d’un an renouvelable.

4) Quels sont leurs droits ?

Les personnes accueillies sont toutes en situation parfaitement régulière. Elles ont donc accès à tous les droits sociaux dont peuvent bénéficier les réfugiés ou les bénéficiaires de la protection subsidiaire en France : les droits au revenu de solidarité active sont d’ores et déjà ouverts pour une partie d’entre eux et tous bénéficient de la couverture maladie universelle. Les droits aux allocations familiales pourront être accordés dès la délivrance de leur titre de séjour.

Les bénéficiaires de l’opération perçoivent chaque mois, dans l’attente de l’ouverture des droits au RSA, un pécule dont le montant est indexé sur l’allocation mensuelle de subsistance versée en CADA, soit entre 202 euros pour une personne seule et 494 euros pour une famille de quatre personnes.

5) Comment s’intègrent-ils à la société française ?

Les centres d’hébergement accompagnent les personnes accueillies dans leur parcours d’intégration : les équipes sociales s’occupent avec elles des démarches administratives, de l’ouverture des droits sociaux, de l’accès aux soins. Les adultes ont signé un CAI qui leur a notamment permis de passer, dès les premiers jours suivant leur arrivée, une visite médicale et de commencer à suivre des cours intensifs de français. La plupart des signataires du CAI ont d’ores et déjà suivi la journée de formation civique. Enfin, dès que leur niveau de français le permettra, un bilan de compétences professionnelles leur sera proposé.

Les enfants ont fait l’objet d’un bilan médical au centre de protection maternelle et infantile et ont été vaccinés. Des démarches sont en cours pour l’inscription des deux enfants en âge d’être scolarisés et des places en crèche ou en halte-garderie ont été réservées.

Les équipes des centres ont noué des partenariats locaux avec toutes les institutions qui peuvent intervenir dans le parcours d’intégration : conseil général, caisse d’allocations familiales, caisse primaire d’assurance maladie, Pôle emploi, etc.

Les centres prendront en charge les 95 personnes pendant une durée de 6 mois, qui pourra si besoin être prolongée jusqu’à 6 mois supplémentaires. Dès qu’ils seront autonomes, c’est-à-dire que le travail avec l’équipe du centre leur aura permis d’avoir un logement propre et éventuellement un emploi, ils quitteront les centres. Ils continueront à bénéficier d’un accompagnement social pendant une période de transition dont la durée dépendra des besoins.

CONCLUSION

Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », tels qu’ils sont proposés par ce projet de loi de finances, sont marqués par un souci de réalisme et d’efficacité.

Ils permettront au ministère de faire face aux conséquences de la hausse de la demande d’asile sans que les progrès enregistrés au cours des dernières années en termes de durée de traitement des demandes et de qualité de l’accueil ne soient trop fortement remis en question. Ils renforceront aussi ses moyens de lutter contre l’immigration illégale tout en traitant dignement les étrangers concernés. Enfin, les politiques d’intégration pourront être poursuivies et les bonnes pratiques dans ce domaine étendues.

Comme en a témoigné l’adoption du Pacte européen sur l’immigration et l’asile à l’automne dernier, nos partenaires de l’Union européenne partagent nos préoccupations et les orientations de la politique menée par le ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. En revanche, ils n’ont pas encore témoigné de leur solidarité vis-à-vis de Malte comme l’a fait notre pays en accueillant quatre-vingt-quinze étrangers ayant reçu une protection internationale à Malte. Votre Rapporteur, qui a mesuré sur place combien ce pays était, malgré les efforts consentis, désarmé pour relever le défi auquel il était confronté, souhaite très vivement que les autres membres de l’Union européenne suivent cet exemple et partage avec Malte la charge qui résulte de sa position géographique de porte de l’Europe.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères a entendu, en commission élargie à l’ensemble des députés, M. Eric Besson, Ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, au cours de sa séance du jeudi 29 octobre 2009.

M. le président Didier Migaud. Monsieur le ministre, avec Axel Poniatowski, président de la Commission des affaires étrangères et Jean-Luc Warsmann, président de la Commission des lois, nous sommes heureux de vous accueillir pour cette réunion en commission élargie consacrée aux crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Vous connaissez, monsieur le ministre, cette procédure de la « commission élargie », qui est destinée à favoriser des échanges directs et interactifs entre les députés et les ministres.

Je signale que les projets de rapports sont à la disposition de tous, et saisis cette occasion de saluer, en mon nom comme en celui des autres présidents ici présents, le travail fourni, tout au long de l’année, par les rapporteurs spéciaux de la Commission des finances et par les rapporteurs pour avis des Commissions des lois et des affaires étrangères – travail qui ne doit pas être jugé seulement à la mesure de la concision avec laquelle ils voudront bien présenter ces crédits et formuler leurs questions.

Avant que nous n’entendions successivement Mme Béatrice Pavy, rapporteure spéciale de la Commission des finances, M. Philippe Cochet, rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères, et M. Éric Diard, rapporteur pour avis de la Commission des lois, puis, selon la tradition, les orateurs représentant chacun des groupes de notre Assemblée, les présidents Axel Poniatowski et Jean-Luc Warsmann prendront la parole.

Vous pourrez alors vous exprimer, monsieur le ministre, après quoi les députés qui voudront vous poser des questions pourront le faire.

La discussion de ce soir pourra être éclairée grâce à l'envoi tout récent par M. le ministre d'un rapport d'inspection très argumenté et précis concernant le coût des reconduites à la frontière. Cet envoi est conforme à un engagement pris par le Gouvernement.

Ce rapport évalue à un peu plus de 230 millions d'euros le coût global de la politique de reconduite à la frontière, compte tenu de choix de méthode qu'il explicite très clairement. À ce propos, monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer sur les raisons pour lesquelles la mission n'a pas inclus dans le champ de son étude les coûts afférents aux différentes juridictions concernées par cette politique ?

J’ai par ailleurs été frappé, comme sans doute beaucoup de nos collègues, de constater que les demandes d’asile ont, dans la période récente, très fortement augmenté : de l'ordre de 20 % en 2008 et de 16 % au premier semestre de cette année. On ne peut manquer de s'interroger sur les conséquences à court terme de cette accélération. En particulier, faut-il considérer que le contrat d'objectifs et de moyens de l’OFPRA – l'Office français de protection des réfugiés et apatrides – doit faire l'objet d'une révision ou d'un avenant ? De même, si le rythme enregistré au cours des derniers mois se maintient, les crédits du projet de loi de finances au titre de l'allocation temporaire d'attente seront-ils suffisants ?

Merci, monsieur le ministre, des précisions que vous pourrez nous apporter.

M. le président Axel Poniatowski. Monsieur le ministre, notre Commission se prononcera au cours de sa réunion du mercredi 4 novembre au matin sur les crédits de la mission que nous examinons ce soir.

Permettez-moi de vous poser quelques questions précises.

Tout d’abord, l’un des objectifs du Gouvernement en matière de flux migratoires est de parvenir à un rééquilibrage entre immigration professionnelle et immigration familiale. Le moins qu’on puisse dire est que ce rééquilibrage est en cours, et je m’en félicite. Alors que, dans les années 2004-2005, 14 000 étrangers environ intégraient notre pays pour des raisons professionnelles, on en comptait 28 000 en 2008, soit exactement le double. Dans le même temps, le nombre de titres de séjour délivrés pour des raisons familiales est passé de 95 000 à 100 000 dans les années 2004-2005 à 80 000 environ en 2008.

Les principaux pays d’origine des personnes arrivant en France pour raisons familiales sont toujours les mêmes : il s’agit des pays du Maghreb et de la Turquie. On observe par ailleurs, entre 2007 et 2008, un quintuplement du nombre de Marocains arrivant en France pour raisons professionnelles : alors qu’ils étaient moins de 1 000 en 2007, ils ont été plus de 5 000 en 2008. Il serait intéressant que vous puissiez nous expliquer les raisons de cette évolution.

Un autre objectif prioritaire de votre politique est le renforcement de la lutte contre l’immigration clandestine et le travail illégal. Les résultats obtenus au cours des dernières années sont aussi très encourageants. Les interpellations d’étrangers en situation irrégulière, les arrestations de trafiquants de migrants et les constatations d’emploi d’étrangers sans titre de travail ont été chaque année plus nombreuses. L’État exprime ainsi sa détermination à imposer le respect de la loi. Pouvez-vous préciser les résultats que vous avez obtenus dans ces différents domaines au cours des neuf premiers mois de l’année 2009 ?

D’autre part, en mai dernier, à l’occasion de l’examen en séance publique de quatre accords internationaux relatifs à la gestion des flux migratoires, j’avais souhaité vous interroger, après un séjour que j’avais effectué à Alger, sur l’expérimentation dans cette ville de l’externalisation de la délivrance des visas biométriques. Votre collègue Alain Joyandet m’avait répondu que les difficultés liées aux questions immobilières spécifiques à Alger étaient en cours de résolution. Ont-elles aujourd’hui été réglées et les services chargés de la délivrance des visas ont-ils pu s’installer dans un autre bâtiment appartenant à la France à Alger ?

Enfin, le lancement de cette expérimentation, qui doit aussi être menée à Londres et Istanbul, est subordonné à la publication d’un décret l’autorisant et à la réalisation de développements informatiques. À quelle échéance ces deux conditions seront-elles remplies ?

M. le président Jean-Luc Warsmann. Monsieur le ministre, je vous souhaite tout d’abord la bienvenue dans cette commission élargie. La mission « Immigration, asile et intégration » recouvre bien évidemment plusieurs thèmes intéressant la Commission des lois et, à trois reprises au moins, nous avons eu l’occasion d’approfondir ces sujets au cours des dernières semaines.

Tout d’abord, à la faveur de la mission, associant majorité et opposition, sur les centres de rétention administrative et les zones d’attente, tous nos collègues ont pu noter le travail et les investissements importants réalisés en la matière.

En deuxième lieu, lors de la dernière mission d’optimisation de la dépense publique, nous avons demandé au Gouvernement d’expertiser, pour les étrangers frappés d’une interdiction du territoire, des modes de départ volontaire avec des procédures comportant la suspension des poursuites par les parquets ou l’ajournement de peine par le tribunal. Nous serions heureux que, dans les prochaines semaines, nous puissions expertiser ensemble ces nouvelles procédures et, le cas échéant, voter le dispositif pour le mettre en place.

En troisième lieu, pour ce qui est de la lutte contre les clandestins, je partage le point de vue du président Axel Poniatowski. Au titre de la simplification du droit, nous avons recommandé de supprimer l’obligation toute formelle faite aux entreprises de signer tous les six mois un engagement à respecter la législation sur le travail clandestin. Nous ne voyons là que paperasse inutile et formalité ridicule : demande-t-on aux citoyens de s’engager tous les six mois à respecter telle ou telle loi ?

D’autre part, la lutte contre le travail clandestin doit être plus efficace. Aujourd’hui, dans le cas des marchés publics, la sanction principale est l’annulation du marché. Or, lorsqu’une commune veut faire construire un équipement – un gymnase, par exemple –, elle n’est pas prête à arrêter le projet au motif que l’entreprise qui le met en œuvre recourt au travail clandestin. Mieux vaudra donc s’en remettre à d’autres sanctions, notamment pécuniaires, plutôt qu’à l’arme atomique de l’annulation des marchés, qui pénalise plus le maître d’ouvrage que l’entreprise fautive.

Je me réjouis, monsieur le ministre, qu’en sus de présenter ce budget, vous puissiez ce soir exposer devant nos trois commissions réunies les grandes lignes de votre action au cours de la prochaine année.

Mme Béatrice Pavy, rapporteure spéciale de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur l’immigration, l’asile et l’intégration. Le projet de loi de finances propose de doter la mission « Immigration, asile et intégration » de 568,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 560,4 millions d’euros en crédits de paiement, soit une croissance respective de 12 % et de 9,7 % par rapport aux crédits initiaux de 2009.

Une telle augmentation prend en compte l’augmentation du nombre des demandes d’asile – de 16,5 % au premier semestre de 2009, après avoir été de 19,7 % en 2008. Cette réévaluation devrait permettre d’éviter des mouvements en gestion trop importants, comme ce fut le cas dans les années précédentes.

Cette augmentation résulte également d’une clarification des compétences du ministère de l’immigration, s’agissant de la gestion immobilière des centres de rétention administrative.

J’en viens à mes questions.

Tout d’abord, j’observe que le dispositif d’hébergement d’urgence est structurellement sous-doté. Ne serait-il pas plus cohérent de revaloriser les crédits afférents dès le projet de loi de finances initial, plutôt que de les abonder systématiquement en cours d’année ? Une telle mesure, outre qu’elle sécuriserait cet hébergement, faciliterait l’analyse de ce budget ainsi que la bonne information du Parlement.

Ma deuxième question concerne la non-utilisation de la salle d’audience de la zone d’attente pour personnes en instance – la ZAPI – de Roissy. Il semble que le problème ne soit toujours pas réglé. Si cette salle demeure inutilisée en tant que salle d’audience, ne pourrait-on envisager de l’affecter à d’autres usages, comme l’accueil des mineurs isolés ?

Troisième question : pour ce qui concerne l’appel à projets pour l’assistance aux étrangers retenus en centre de rétention administrative, le Conseil d’État a-t-il rendu sa décision ? Le cas échéant, quelle en serait la traduction budgétaire, notamment quant à l’indemnisation des associations ayant engagé des frais avant la suspension du marché ?

Ma dernière question, enfin, fait malheureusement écho à une actualité récente : comment s’assurer que les sommes versées au titre de l’ aide au retour volontaire ne profitent pas, in fine, aux passeurs et aux filières, les personnes reconduites n’ayant qu’un seul objectif : revenir en Europe ?

M. Philippe Cochet, rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères sur l’immigration, l’asile et l’intégration. Permettez-moi tout d’abord, monsieur le ministre, de saluer un projet de budget marqué à la fois par une volonté de réformer les méthodes et par un souci de réalisme en ce qui concerne les moyens financiers nécessaires à la conduite des actions dont vous êtes chargé. Je tiens également à remercier vos services, qui ont permis de travailler en toute sérénité sur ce dossier.

J’aborderai trois points.

Tout d’abord, l’augmentation des demandes d’asile, qui atteint 14 % pour les neuf premiers mois de l’année, crée des difficultés pour l’OFPRA, allongeant la durée d’examen des dossiers. Comment envisagez-vous d’adapter le contrat d’objectifs et de moyens, qui reposait sur une hypothèse de croissance de la demande nettement inférieure ? Ne conviendrait-il pas de permettre à l’Office de recruter davantage d’officiers de protection ?

En deuxième lieu, les actions d’intégration de l’Office français de l’immigration et de l’intégration – l’OFII – sont principalement financées par des ressources propres mises en place par la loi de finances pour 2009. Pour l’exercice qui s’achève, ces ressources n’ont été effectivement perçues qu’à la fin du premier trimestre et l’OFII a engagé moins de dépenses que prévu, certains nouveaux dispositifs n’étant pas encore pleinement appliqués. L’établissement public devrait néanmoins utiliser une partie de son fonds de roulement pour équilibrer ses comptes en 2009. La réforme des ressources propres de l’établissement public reposait sur l’idée que des recettes issues de l’immigration devaient financer des actions liées à celle-ci et à l’insertion des nouveaux venus. Il semble cependant que les ressources actuelles ne soient pas à la hauteur des prévisions. Pensez-vous que la subvention pour charges de service, que le projet de budget propose de fixer à 15 millions d’euros, ait vocation à équilibrer les comptes de l’OFII, ou que d’autres ressources propres devraient être créées ? Si cette dernière option était retenue, d’où ces nouvelles recettes pourraient-elles être tirées ?

Enfin, pour ce qui est de la réinstallation des personnes ayant reçu une protection internationale à Malte, où j’ai eu l’occasion de me rendre, la France a consenti un effort particulier en prenant en charge la réintégration de 95 migrants. Quel en est le coût pour votre budget ? Avez-vous pu obtenir de nos partenaires européens des engagements similaires ? Malte est en effet l’un des pays les plus densément peuplés du monde et l’afflux de migrants représente pour lui un énorme problème. J’espère que votre force de conviction permettra d’entraîner d’autres États membres à nous imiter.

M. Éric Diard, rapporteur pour avis de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République pour la mission « Immigration, asile et intégration ». Avant d'interroger M. le ministre, je souhaiterais donner rapidement mon appréciation globale de rapporteur pour avis sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2010, qui s'élèveront à environ 560 millions d'euros.

Voilà maintenant trois ans que la discussion budgétaire offre à notre Assemblée l'occasion d'un véritable débat sur notre politique d'immigration, d'asile et d'intégration des étrangers. L'enjeu est à la fois politique et pédagogique, car les Français ne sont pas toujours assez informés de tous les efforts consentis par la République en faveur d'une immigration à la fois maîtrisée, généreuse, utile et offrant des perspectives d'intégration.

À la différence des deux précédents exercices, le projet de loi de finances pour 2010 ne s'illustre pas par de profondes réformes administratives ou budgétaires en matière de droit d'asile, de maîtrise des flux migratoires ou de dispositifs d'intégration des étrangers en situation régulière sur notre sol.

Dans le prolongement de la revue générale des politiques publiques, il comporte toutefois quelques innovations notables : la déconcentration des décisions défavorables en matière de naturalisations et la reprise des compétences du ministère de l'intérieur relatives à la gestion immobilière des centres de rétention administrative, notamment.

À mes yeux, l'essentiel réside cependant dans le comblement de certaines lacunes que moi-même et mes collègues rapporteurs avions soulignées l'an passé. Cela est particulièrement vrai pour ce qui concerne l'abondement des moyens destinés à couvrir les obligations de la France en matière de garantie du droit d'asile, dont les crédits progressent de 10 %.

Monsieur le ministre, je souhaite vous poser quelques questions, afin d'éclairer nos débats sur certains points qui me semblent importants.

Tout d’abord, le traitement des demandes d'asile, qui mobilise plus de la moitié des crédits de la mission, est affecté depuis l'été 2008 par un retournement de conjoncture. L'an dernier, la demande a progressé de 20 %. L'OFPRA a pu absorber cette hausse par des gains de productivité interne mais il semblerait que l'on ait maintenant atteint un palier et j'aimerais savoir si le Gouvernement envisage de recourir à la clause de revoyure du contrat d'objectifs et de moyens du 9 décembre 2008, afin d'adapter, le cas échéant, les effectifs de l'Office.

De manière plus générale, alors que le projet de budget prévoit la création de 1 000 places en centres d'accueil de demandeurs d'asile, ne doit-on pas se demander si l'effort budgétaire ne devrait pas porter prioritairement sur le traitement des dossiers, afin d'accélérer celui-ci et d'économiser ainsi sur les frais d'hébergement, qui se montent à près de 260 millions d'euros, allocation temporaire d'attente incluse ?

J'observe également que les crédits de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile ont été reconduits à un niveau de 30 millions d'euros, alors que nous ne cessons de constater, année après année, l’insuffisance de cette dotation. Quelles sont les justifications de cette reconduction ?

Pour ce qui concerne les actions en faveur de la maîtrise de l'immigration, qui ne représentent en volume que 94,4 millions d'euros, je me réjouis que le Gouvernement ait repris à son compte les principales préconisations formulées en juin dernier par la mission d'information de la Commission des lois sur les centres de rétention administrative et les zones d'attente. Le passage des centres de rétention administrative – les CRA – sous gestion de la police aux frontières, par exemple, devrait conduire à des économies. Je souhaiterais néanmoins en savoir plus sur le financement du futur CRA de Mayotte, pour lequel une enveloppe de 20 millions d'euros d'investissement est évoquée.

Autre aspect essentiel de la maîtrise des flux migratoires, les accords de gestion concertée constituent un outil réellement intéressant. Neuf accords de ce type ont été conclus, complétés tout récemment par un arrangement administratif avec le Brésil. Cependant, quatre seulement ont été ratifiés le 14 mai dernier. Quand le Gouvernement entend-il donc saisir le Parlement des projets de loi de ratification en souffrance ?

Enfin, monsieur le ministre, je sais l'attachement du Gouvernement au travail d'intégration. De nombreuses initiatives ont été engagées en faveur de l'insertion professionnelle, avec par exemple la signature de plusieurs accords de branche pour l'emploi des immigrants légaux ou l'instauration du label « diversité » pour lutter contre les discriminations, par exemple, ainsi qu’en faveur de l'insertion sociale – rénovation en cours des foyers de travailleurs migrants et projet « Ouvrir l'école aux parents », notamment.

Un comité interministériel doit prochainement être consacré à ce sujet. Pouvez-vous nous indiquer quelles mesures vous entendez soumettre à cette occasion au Premier ministre pour renforcer l'action de notre pays en faveur de cette composante cruciale d'une politique d'immigration efficace ? Par ailleurs, comment comptez-vous remédier à l'annulation, la semaine passée, de la circulaire du 7 mai 2008 précisant les conditions de régularisation par le travail ?

Mme Sandrine Mazetier. Monsieur le ministre, chacun vous sait respectueux de la représentation nationale et de sa pleine information – vous le démontrez régulièrement. Nul ne doute non plus de la sincérité et de l’esprit de sérieux qui vous animent au service de causes successives. Chacun devrait donc éprouver la même compassion que moi à l’égard du secrétaire d’État chargé de la prospective et de l’évaluation des politiques publiques que vous fûtes s’il avait à porter aujourd’hui un regard sur le bilan et les perspectives du ministre que vous êtes devenu – un ministre quelque peu sous-informé, du reste, car la mission que nous examinons ce soir ne représente que 20 % des crédits de la politique d’immigration menée par ce Gouvernement.

Votre sous-information est telle qu’en juillet dernier, comme je vous interrogeais sur le nombre de régularisations intervenues en 2008, vous avez répondu que vous n’aviez pas les moyens de le connaître. J’espère que vous avez depuis remédié à cette fâcheuse ignorance, et nous souhaiterions donc savoir combien d’étrangers en situation irrégulière ont été régularisés, et à quel titre. M. Diard, qui vient d’évoquer l’annulation de la circulaire sur la régularisation par le travail, a omis de relever que, dans cette décision, le Conseil d’État a considéré que le ministère avait tendance à empiéter largement sur les pouvoirs du Parlement.

La compassion s’impose aussi parce que vous êtes, ou devriez être, le ministre de l’accueil et de l’intégration – c’est du moins la politique que vous affichez. Or les dépenses que notre pays consacre à l’immigration sont 150 fois plus importantes pour interpeller, placer en rétention et expulser que pour accueillir et intégrer des primo-arrivants entrés légalement en France. Le chiffre est énorme et la politique inefficace, car on note un effondrement du taux d’exécution des mesures d’éloignement, tombé de 62 % en 2002 à 20 % en 2008. Et pour cause : les juridictions ont jugé illégales nombre d’interpellations ou de procédures– une sur trois !

Vous devez également être très frustré par les résultats enregistrés dans un autre secteur essentiel de votre action : l’immigration choisie et le rééquilibrage en faveur de l’immigration professionnelle. Même si l’immigration familiale connaît la même évolution, vous devez certainement déplorer que le nombre de titres de séjour délivrés pour l’exercice d’une activité professionnelle ait baissé de 2 % cette année.

J’en viens aux accords de « gestion concertée », déjà évoqués par les rapporteurs. L’accord signé avec la Tunisie présente cette particularité qu’il permet aux ressortissants de ce pays de venir en France pour exercer des métiers dits « ouverts » alors qu’il y a sur notre territoire des Tunisiens demandant la régularisation de leur situation au titre du travail. M. Joyandet, qui représentait le gouvernement lors du vote de la loi autorisant la ratification de cet accord n’a pas pu nous fournir d’explications. Pouvez-vous nous les donner aujourd’hui ?

La politique du développement solidaire constitue probablement une autre source de frustration pour vous, car elle ne représente que 3 % de vos crédits en dépit des objectifs que vous affichez. J’observe, en outre, que l’objet des projets aidés est moins de favoriser le développement que de financer des mesures de sécurisation dont on voit mal ce qu’elles apportent à cette politique.

Connaissant votre rigueur et l’attention que vous portez à l’utilité de la dépense publique, on peut s’étonner que vous n’ayez pas corrigé les hypothèses manifestement erronées sur lesquelles ce budget est construit. Le projet annuel de performances prévoit notamment que le nombre des demandes d’asile devrait rester stable par rapport au niveau atteint en 2007. Or, le nombre de demandes a considérablement augmenté en 2008 et au premier semestre 2009. Le fort décalage qui existe entre ce budget et la réalité contraint les collectivités territoriales à se substituer à l’État bien qu’elles soient déjà étranglées financièrement. Que comptez-vous faire pour remédier à cette situation de sous-dotation chronique ?

Malgré les réformes que vous avez engagées en vue d’améliorer l’efficacité de vos services, vous avez révisé à la baisse les indicateurs de performances de cette mission. La durée moyenne d’instruction des demandes de naturalisation étant passée de moins de 400 à 470 jours entre 2007 et 2009, vous vous êtes fixé le résultat de 2009 comme objectif à atteindre en 2010. Vous avez donc intégré votre échec, ce qui est d’autant plus navrant que la délégation de l’instruction des dossiers aux préfectures, engagée à titre expérimental dans le cadre de la révision générale des politiques publiques avec l’idée de la généraliser en 2010, était censée accélérer le traitement des dossiers.

Je ne reviens pas sur la question des demandes d’asile, déjà évoquée par plusieurs collègues. En revanche, je serais heureuse que vous vous engagiez à pérenniser le financement du dispositif d’accueil des mineurs étrangers isolés. Je rappelle qu’on n’en compte pas moins de 850 à Paris, dont un quart d’origine afghane. Or ni vous, ni M. Apparu, dont le ministère co-finance le dispositif en vigueur, qui a fait la preuve de son efficacité, ne vous êtes prononcés sur ce sujet.

Le groupe SRC ne partage pas l’enthousiasme manifesté par les rapporteurs et par les présidents Warsmann et Poniatowski en ce qui concerne les résultats obtenus par votre politique de lutte contre l’immigration illégale.

J’observe que le déménagement de vos services a coûté cher et que les loyers ont augmenté au passage de 46 %. Votre ministère ne donne pas un bon exemple en matière de gestion à un moment où l’on demande des efforts considérables aux contribuables et aux collectivités locales. On peut également s’interroger sur votre très coûteuse politique de recrutement de cadres A +, qui n’a visiblement pas porté ses fruits compte tenu des résultats peu satisfaisants obtenus par votre ministère.

Vous n’êtes pas responsable du coût exorbitant – 16,6 millions d’euros – du sommet de l’Union pour la Méditerranée organisé sous la présidence française de l’Union européenne. Toutefois, vous pourrez peut-être nous expliquer pourquoi il n’a pas été question de l’immigration à cette occasion – c’est tout de même un sujet important en Méditerranée.

Enfin, puisque vous tirez fierté de l’adoption d’un pacte européen sur l’immigration et l’asile, pourquoi ne profitez-vous pas du Conseil européen qui a lieu aujourd’hui et demain pour proposer que l’on applique aux ressortissants afghans la directive européenne de 2001 sur la protection temporaire ?

M. Claude Goasguen. Je me concentrerai sur le fondement même de la politique d’immigration, à savoir l’application de la loi.

Les renseignements dont nous disposons sur cette question essentielle ont été longtemps parcellaires. Il a fallu mener un long combat en compagnie de Philippe Goujon, de Thierry Mariani et d’autres collègues encore, pour obtenir des chiffres, lesquels ne sont pas encore totalement satisfaisants. En effet, même si les divergences se sont atténuées, les éléments portés à notre connaissance par les différentes administrations compétentes ne concordent pas totalement. Il nous faudrait un véritable mode d’emploi pour nous y retrouver.

Pour notre part, nous souhaitons sans la moindre ambiguïté une application rigoureuse de la loi, faute de quoi il ne saurait y avoir de politique d’immigration. Je dois avouer que je ne suis pas très enthousiasmé par les opérations spectaculaires auxquelles nous avons récemment assisté, car la question de l’immigration ne saurait se réduire à une simple polémique sur le sort de trois Afghans. Je rappelle que le Royaume-Uni a expulsé 25 ressortissants de ce pays à bord du même vol sans que la presse britannique trouve nécessaire de se faire l’écho d’une telle opération, hormis pour déplorer son coût.

Vous êtes à la tête d’un ministère jeune et frais, c’est-à-dire immature. On peut notamment s’interroger sur la coordination entre vos services et ceux de l’intérieur, de la justice, du travail et des affaires étrangères. Comment se passent vos relations avec ces différents ministères ? Comment se fait-il que la loi soit moins bien appliquée que par le passé, au vu des chiffres dont nous disposons ?

Il est naturellement plus facile et plus plaisant d’évoquer les aspects positifs de la politique de l’immigration – l’intégration, par exemple, ou l’octroi du droit d’asile –, que l’application de la loi et les données statistiques, sujets sur lesquels je souhaiterais que vous nous apportiez des explications complémentaires en séance publique. Nos concitoyens n’accordent pas beaucoup de crédit aux chiffres de l’immigration et ils ont l’impression que la situation n’évolue dans le bon sens. C’est pourquoi nous avons besoin de précisions.

M. le président Didier Migaud. Je rappelle que nous n’examinerons pas ces crédits en séance publique. Seul un vote aura lieu, précédé d’explications de vote.

M. Claude Goasguen. Ce sera pour moi l’occasion de revenir sur ces questions.

M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Avant de répondre aux questions qui m’ont été posées, je voudrais vous présenter les axes prioritaires et les grandes lignes budgétaires de cette mission.

La hausse des crédits affectés à l’immigration traduit la volonté du gouvernement de mener dans ce domaine une politique tout à la fois ambitieuse et équilibrée, ferme et humaniste. Notre pays fait preuve de générosité en accueillant et en intégrant des étrangers en situation régulière, mais il mène également, dans l’intérêt même d’une bonne intégration, une lutte déterminée contre l’immigration clandestine et contre les filières mafieuses des passeurs.

Les moyens budgétaires s’élèvent à près de 600 millions, ce qui représente une augmentation de plus de 60 millions, et de 11,5 %, par rapport à l’année 2009. Les effets des changements de périmètre étant limités à 6,8 millions d’euros, l’évolution des crédits résulte, pour l’essentiel, d’une véritable augmentation des moyens alloués à la politique d’immigration et d’intégration.

Le premier axe de notre action est la politique d’asile, à laquelle 54 % des crédits – 318 millions d’euros – sont consacrés. Après avoir augmenté de 19,9 % en 2008, le nombre des demandes d’asile a continué de s’accroître plus rapidement que prévu – de 13,9 % – au cours des premiers mois de l’année 2009. Afin de prendre en compte cette évolution, nous disposerons de 29 millions d’euros de crédits supplémentaires en 2010, ce qui nous permettra de créer 1 000 places dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile, les CADA, et de pourvoir au financement de l’allocation temporaire d’attente, l’ATA. La multiplication par quatre des places disponibles dans les CADA depuis 2001 témoigne bien de l’importance et de la constance des efforts réalisés en matière d’immigration par le Gouvernement.

La lutte contre l’immigration irrégulière, qui bénéficiera de 104 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 94 millions en crédits de paiement, est le second axe de notre action. Dans un État de droit, la loi républicaine doit en effet s’appliquer avec humanité, mais aussi avec fermeté.

A compter de l’année prochaine, les crédits alloués à la construction et à la rénovation des CRA, les centres de rétention administrative, dont le montant s’élève à 24 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 14 millions en crédits de paiement, seront transférés au ministère de l’immigration. La reconstruction du CRA de Vincennes, détruit en 2008, et celle des CRA du Mesnil-Amelot se poursuivront en 2010. Nous avons également décidé de construire un nouveau centre à Mayotte, où les conditions actuelles de rétention ne sont pas acceptables.

Notre troisième domaine d’action est la politique d’intégration. Un montant de près de 80 millions d’euros y est affecté en 2010, ce qui représente 8,7 millions de plus que cette année. Il faut ajouter à ce montant les 75 millions d’euros mis à la disposition de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, qui est l’opérateur du ministère dans ce domaine.

L’intégration est un complément indispensable de notre politique de maîtrise des flux migratoires. Pays très accueillant, la France accorde chaque année deux millions de visas de court séjour et 180 000 visas de long séjour, et elle est l’État qui accueille le plus de réfugiés en Europe.

Pour offrir les meilleures conditions d’intégration possibles aux étrangers venus légalement sur notre territoire et désireux de s’y installer durablement, nous avons engagé un certain nombre d’actions innovantes, telles que le dispositif « Ouvrir l’école aux parents », le label « diversité » dans les entreprises et les collectivités territoriales ou encore le parcours de réussite professionnelle. Au cours des prochaines semaines, je proposerai des mesures complémentaires de formation linguistique dans le cadre des contrats d’accueil et d’intégration et des contrats d’accès à l’emploi.

Le développement solidaire, qui bénéficie des crédits du programme 301, constitue le dernier axe d’action du ministère.

Neuf accords avec des pays étrangers ont déjà été signés dans ce domaine. Pour atteindre l’objectif fixé par le Président de la République et par le Premier ministre, qui est de conclure une vingtaine d’accords d’ici à 2012, nos moyens seront accrus l’an prochain de 13 millions d’euros en autorisation d’engagement et de 9,5 millions en crédits de paiement, par rapport à ce que prévoyait la programmation triennale.

Pour l’année 2010, j’ai pour ambition de signer au moins trois nouveaux accords. Des négociations sont en cours avec les pays d’Afrique subsaharienne, les grands pays émergents, tels que le Brésil, la Chine et le Vietnam, et la zone des Balkans occidentaux.

J’ajoute que nous plaçons de grands espoirs en matière de développement solidaire dans le fonds fiduciaire qui a été créé en partenariat avec la Banque africaine de développement.

Comme vous pouvez le constater, ce budget nous permettra de réaliser les ambitions du gouvernement malgré les difficultés du contexte budgétaire actuel

J’en viens aux questions que vous avez bien voulu me poser.

Comme l’a rappelé le président Poniatowski, le rééquilibrage en faveur de l’immigration économique fait partie des objectifs fixés par le Président de la République. Nous partons de très bas, car elle ne représentait en 2006 que 10,4 % de l’immigration dite « durable », c’est-à-dire exception faite des étudiants et des saisonniers. Notre objectif est de porter le ratio à 50 % d’ici à 2012.

Toutes nationalités confondues, le nombre des titres de séjour délivrés pour motif professionnel s’est d’abord stabilisé en 2007, puis il s’est fortement accru en 2008, passant de 11 751 à 21 310, soit une augmentation de 81,3 %.

Je serai plus nuancé que le président Poniatowski en ce qui concerne la part des ressortissants marocains dans les évolutions de l’immigration économique. En effet, elles s’expliquent en grande partie par la délivrance de cartes de séjour aux travailleurs saisonniers depuis 2008 : près de 75 % d’entre eux sont d’origine marocaine dans le secteur agricole.

Au-delà des effets quantitatifs, l’évolution de l’immigration professionnelle a été influencée par la création, en 2008, d’une liste de métiers en tension ouverts aux ressortissants étrangers sans possibilité d’opposer la situation du marché de l’emploi.

J’en viens au déploiement de la biométrie : de 2005 à 2008, le nombre d’ambassades et de consulats équipés en la matière est passé de 5 à 57, et la part des visas biométriques délivrés de 3 à 29 %. En 2009, 63 nouveaux postes seront équipés, ce qui portera le taux de délivrance des visas biométriques à près de 50 %. D’ici à 2011, 32 consulats et ambassades resteront à équiper. Pour y parvenir, nous comptons externaliser le recueil des données biométriques, ce qui sera fait dès la fin de l’année 2010 dans les consulats d’Alger, d’Istanbul et de Londres, lesquels traitent chaque année environ 300 000 demandes de visas, soit 15 % des dossiers au niveau mondial.

A Alger, les problèmes immobiliers n’ont pas pu être résolus par le Quai d’Orsay. C’est pourquoi nous mettons en place le projet Visa Bio, qui a été validé par la CNIL, puis soumis au Conseil d’État. Si cette expérimentation est concluante, le dispositif sera déployé en Russie et en Chine, où sont déposées respectivement 350 000 et 160 000 demandes de visas par an.

Il est exact que tous les moyens humains et financiers mobilisés contre l’immigration illégale ne sont pas sous la responsabilité de mes services, conçus pour former un ministère d’« état-major ». Au plan budgétaire, seuls 104 millions d’euros en autorisations d’engagement et 94 millions en crédits de paiement sont affectés au ministère de l’immigration pour cette mission.

Le document de politique transversale annexé au projet de loi de finances a pour but de retracer la contribution des autres ministères à la politique d’immigration et d’intégration. Il s’agit notamment des programmes 176, « Police nationale », et 152, « Gendarmerie nationale », qui regroupent respectivement 613 et 70 millions d’euros. Toutefois, je reconnais que l’ensemble des données existantes ne permet pas d’appréhender parfaitement le coût des politiques que nous menons. C’est ce qui fait l’intérêt d’études telles que le rapport de l’Inspection général de l’administration sur le coût de la politique d’éloignement.

Monsieur Goasguen, les résultats obtenus sont en phase avec les objectifs fixés par le Président de la République et par le Premier ministre, à savoir 27 000 reconductions à la frontière en 2009. Après avoir été un peu deçà des prévisions au cours du premier trimestre, nous nous en rapprochons : 21 882 personnes ont en effet été reconduites au cours des neuf premiers mois de l’année.

En ce qui concerne la lutte contre les filières clandestines,  nous avons déjà dépassé les résultats obtenus en 2008 : 107 filières ont été démantelées cette année, contre 101 l’an passé. C’est un beau résultat dont on peut légitimement se féliciter.

En outre, nous avons déjà procédé à 2 797 verbalisations pour travail illégal, soit presque autant qu’en 2008 alors que l’année n’est pas terminée. Vous voyez donc que les efforts ne se relâchent pas.

Je souhaite maintenant répondre aux questions de Béatrice Pavy sur l’asile, questions qui rejoignent certaines préoccupations du président Migaud.

Le budget consacré à l’asile tient compte de la progression des demandes, puisqu’il connaît une hausse de 10 % : 318 millions sont prévus en 2010, contre 289 millions en 2009. Quant aux crédits liés à l’allocation temporaire d’attente, ils passent de 30 à 53 millions d’euros. Par ailleurs, nous avons prévu le financement de mille places supplémentaires en centre d’accueil pour demandeur d’asile.

Je suis bien conscient de la difficulté de faire des prévisions en matière d’asile. Ainsi, le nombre de demandes était tombé de 65 614 en 2004 à 35 520 en 2007 avant de remonter à 42 599 en 2008. Cette progression s’est poursuivie au premier semestre de 2009 – plus 16,5 % –, puis est redescendue à 13,9 % pour les neuf premiers mois. Les prévisions pour le projet de loi de finances ont été établies sur la base des hypothèses du contrat d’objectifs et de moyens signé en décembre dernier avec l’OFPRA, c’est-à-dire une hausse de l’activité de 5 % et 45 500 demandes d’asile, dont 28 500 premières demandes.

Ces prévisions tiennent compte de l’objectif de réduction des délais d’examen des demandes d’asile par l’OFPRA et de recours par la CNDA. Il faut avoir conscience qu’une réduction des délais peut permettre de réduire significativement nos dépenses en matière d’asile. Ainsi, le gain d’un mois de délai peut permettre d’économiser environ 8 millions d’euros sur le budget de l’État. Sur ce plan, des progrès ont été réalisés depuis deux ans par l’OFPRA, même s’ils sont contrariés par la forte augmentation du nombre de demandes. Pour 2010, j’attends beaucoup de l’amélioration du fonctionnement de la Cour nationale du droit d’asile – la CNDA –, grâce à l’arrivée de dix magistrats professionnels cet automne. Il s’agit pour nous d’une excellente nouvelle. Si l’augmentation du nombre de demandes se poursuivait au même rythme, peut-être faudrait-il encore accroître les moyens de la CNDA.

Enfin, je veux vous rassurer, madame Mazetier : si les prévisions étaient dépassées, le Premier ministre m’a garanti que les besoins nécessaires seraient couverts en gestion en 2010. L’engagement figure dans la lettre plafond du projet de loi de finances pour 2010. L’État n’a de toute façon jamais manqué à ses devoirs en matière d’asile.

La non-utilisation de la salle d’audience de la ZAPI de Roissy est un sujet récurrent depuis 2001, malgré la réalisation de travaux à hauteur de 2,5 millions d’euros. Nous relançons ce dossier avec la Chancellerie, notamment dans le cadre des travaux de réaménagement du TGI de Bobigny. Les autres salles d’audience des CRA – c’est-à-dire Coquelles, Marseille et bientôt Le Mesnil-Amelot – sont, elles, utilisées.

Vous savez que le ministère a publié, à l’été 2008, un décret permettant de passer une convention avec une ou plusieurs personnes morales pour assister les étrangers placés en rétention et les aider à exercer leurs droits. Auparavant, une seule association, la CIMADE, était concernée. Les centres de rétention ont été répartis en huit lots dans le double souci d’assurer une cohérence d’ensemble et des équilibres géographiques. L’allotissement a également permis d’établir une égalité de traitement entre les CRA métropolitains et ceux d’outre-mer. Le décret ayant été définitivement validé par le Conseil d’État, il y aura donc à l’avenir un partage du marché de l’assistance aux étrangers en situation irrégulière. En revanche, pour l’appel d’offres, nous sommes encore dans l’attente du jugement du tribunal administratif de Paris et de celui du Conseil d’État. Ce dernier a examiné le dossier le 13 octobre, et devrait donc se prononcer dans les semaines à venir.

Vous m’avez interrogé sur l’éventuelle indemnisation due aux associations si le marché ne devait pas entrer en application. Nous sommes conscients que la question pourrait se poser, mais il est impossible, à ce stade, de déterminer si une telle indemnisation aura lieu, et le cas échéant quel serait son montant.

J’en viens à la question du coût des reconduites, abordée par plusieurs députés. Comme l’a rappelé le président Migaud, j’ai transmis aux commissions des finances de l’Assemblée et du Sénat le rapport sur le sujet que j’avais commandé à l’Inspection générale de l’administration. Ce rapport estime que le coût global de la politique d’éloignement peut être estimé à 232 millions d’euros, sans compter les coûts afférents aux différentes juridictions. En effet, les rapporteurs ont eu des difficultés à établir une comptabilité analytique fine du temps consacré à cette politique par les juges des libertés et de la détention et par les tribunaux administratifs, d’autant que nous leur avions laissé un délai relativement court pour réaliser ce travail, la question intéressant beaucoup du monde. Mais nous pourrions éventuellement aller plus loin.

Comme l’IGA le dit à juste titre, rapporter le coût global au nombre d’éloignements pour déterminer le coût moyen d’une reconduite présente l’inconvénient majeur de faire peser l’ensemble des coûts sur le maillon final de cette politique – on pourrait ici faire un parallèle avec un calcul aussi peu judicieux qui consisterait à rapporter les coûts de la chaîne judiciaire aux seules personnes condamnées. L’IGA propose donc deux autres méthodes de calcul qui nous paraissent plus pertinentes : soit établir le coût moyen des trois principales phases du dispositif – interpellation, placement en CRA et reconduite –, auquel cas le coût moyen global peut être estimé à 6 300 euros ; soit calculer un coût moyen de parcours type, qui s’élève alors à 5 130 euros pour une reconduite sans escorte et 11 150 euros pour une reconduite avec escorte. Pour le détail des coûts fixes, des coûts semi-variables et des coûts variables, vous le trouverez dans le rapport.

Nous allons tenir compte de ces résultats et réfléchir à l’organisation de notre dispositif de rétention et aux moyens d’en optimiser le fonctionnement. Chacun retiendra parmi les chiffres que je viens de citer celui qui sert le mieux sa propre démonstration. Mais pour réduire le coût des reconduites à la frontière, est-on prêt à réduire les procédures ? Je pense que personne ne fait une telle suggestion. Le dispositif français est en effet particulièrement soucieux du respect des libertés individuelles et des libertés publiques. Cette précaution nous honore, mais elle coûte cher. Quand bien même on estimerait que le coût de la reconduite à la frontière est trop élevé – ce que pour ma part je ne crois pas –, faut-il en tirer la conclusion qu’il convient d’abandonner cette politique ? Il faudrait alors évaluer le coût direct de l’immigration irrégulière, et on se rendrait alors vite compte du caractère faramineux des sommes en jeu. Et je ne parle pas des coûts indirects : squats, travail illégal, exploitation des êtres humains. Si on se livrait à une comparaison uniquement financière, certains seraient surpris du résultat.

Mme Pavy m’a également interrogé sur le dispositif d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile. Celui-ci permet de mobiliser 11 100 places, dont 1 500 sont gérées par ADOMA. En 2009, ce sont 71 millions d’euros qui ont été consommés à ce titre, contre une estimation initiale de 30 millions d’euros. L’écart s’explique par l’augmentation des demandes d’asile.

Je répondrai en même temps aux questions de Philippe Cochet et d’Éric Diard sur la demande d’asile, car elles sont complémentaires. Je ne reviens pas sur les chiffres : la hausse du nombre de demandes a eu pour conséquence le rallongement des délais de traitement des dossiers, à l’OFPRA comme à la CNDA. Pour l’Office, nous étions passés de 105 jours en 2007 à 100 en 2008, et notre objectif était de descendre à 95 jours en 2009. Mais alors que le délai moyen était de 112 jours au premier trimestre, la tendance actuelle est à une remontée au-dessus de 120 jours. De tels indicateurs ne semblent pas vous satisfaire, madame Mazetier. Nous n’avions pas prévu, il est vrai, l’ampleur de la montée des demandes d’asile. Mais vous pouvez admettre que la situation s’impose à nous.

Mme Sandrine Mazetier. Prospective !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Même si nous constatons une augmentation des délais, je veux souligner que l’OFPRA a poursuivi en 2008 et en 2009 ses efforts pour améliorer son efficacité, ce qui a permis d’amortir une partie de la hausse de la demande. L’Office a fourni des efforts de productivité puisque le nombre de dossiers traités par agent instructeur et par jour travaillé est passé de 1,7 en 2007 à 1,80 en 2008 et à 1,81 dans les six premiers mois de 2009. Le contrat d’objectifs et de moyens prévoit que l’établissement doit être plus flexible dans son organisation pour pouvoir absorber des pics de demandes sans sureffectifs. Mais nous avons également prévu de solidifier l’assise financière de l’Office en faisant passer la subvention annuelle du ministère de 30,5 millions d’euros en 2009 à 32 millions en 2010 et à 33 millions en 2011.

Je suis parfaitement conscient des difficultés rencontrées actuellement par l’OFPRA. J’ai donc souhaité que nous fassions ensemble un point sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens, dans le cadre du comité de pilotage. La réunion devrait avoir lieu dans la première quinzaine de novembre. Nous verrons alors s’il faut augmenter le nombre d’agents de protection. Quant à la réduction des délais, elle passe aussi, nous semble-t-il, par une meilleure utilisation de la procédure prioritaire.

Enfin, nous voulons élargir la réflexion sur les délais globaux, c’est-à-dire correspondant à la procédure devant l’OFPRA et devant la CNDA. Alors qu’au premier semestre 2009, le délai moyen de traitement global était de dix-sept mois et demi, nous voulons essayer de le ramener à un an. C’est un objectif très ambitieux, mais l’atteindre pourrait avoir des effets extrêmement favorables non seulement pour le demandeur d’asile, lequel a hâte de connaître la réponse à sa demande, mais aussi pour les finances publiques, pour les raisons que j’ai déjà indiquées. Nous comptons beaucoup sur les magistrats permanents pour parvenir à ce résultat.

M. Cochet m’a interrogé sur la protection internationale que nous avons accordée à un certain nombre de ressortissants de pays africains – Somalie, Érythrée, Soudan – qui avaient été préalablement accueillis à Malte et avaient bénéficié du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire. Malte leur a accordé cette protection en coopération avec le Haut commissariat aux réfugiés. Pour répondre très précisément à votre question, monsieur Cochet, 90 % des 750 000 euros engagés par la France pour cette opération de réinstallation vont être couverts par le Fonds européen pour les réfugiés. Les personnes concernées suivent en ce moment un parcours d’intégration – logement, scolarité, formation, apprentissage du français – financé sur cette enveloppe.

Afin de prolonger cette action, la France a souhaité mobiliser ses partenaires européens en faveur de Malte et répondre ainsi à la demande adressée par les pays méditerranéens au Conseil européen des 18 et 19 juin 2009. Je précise que la France a été le premier pays à participer à cette opération pilote, ce qui est une réponse à ceux qui prétendent qu’elle n’est pas généreuse en matière d’asile. Au contraire, dans ce domaine, nous sommes le pays le plus généreux en Europe. Je pourrais même montrer que nous sommes le pays le plus généreux au monde, mais puisqu’il y a polémique sur les chiffres, disons que nous venons après les États-Unis.

Je me suis donc engagé à ce que nous répétions l’année prochaine l’opération de Malte. Malheureusement, pour l’heure, les autres États européens sont très peu nombreux à avoir répondu à la demande du Conseil européen. La Slovaquie s’est engagée pour dix personnes, le Portugal pour six et le Luxembourg pour cinq. Je suggère à ceux qui prennent des positions fortes sur la question de l’asile de méditer ces chiffres.

J’en viens aux ressources de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Contrairement à l’OFPRA, pour lequel la subvention représente l’essentiel des ressources, la subvention pour charges de service public n’est traditionnellement versée à l’OFII – ex-ANAEM – que si la situation financière de l’établissement le nécessite. Pour 2010, nous ne disposons pas de marges de manœuvre sur le fonds de roulement de cet Office. Dans sa configuration actuelle, celui-ci n’a pas encore un an d’existence, et manque donc de recul pour apprécier le rendement de ses ressources propres et le coût des missions nouvelles prévues par la loi de 2007 ou provenant de l’ACSE. En tenant compte du versement de la totalité de la subvention du ministère – 15 millions d’euros prévus par le PLF pour 2010 –, l’OFII estime le besoin de financement complémentaire à environ 5 millions d’euros. J’ai demandé à mes services de procéder à une analyse détaillée des résultats de 2009 et de me dire s’il convient d’augmenter ses ressources propres. Je n’exclus pas de proposer des mesures sur ce sujet dans le cadre de la prochaine loi de finances rectificative. Bien évidemment, je vous en tiendrai informés.

L’OFII s’emploie par ailleurs à améliorer les conditions de recouvrement de ses recettes. Plusieurs mesures sont à l’étude, comme la dématérialisation du droit de timbre sur les titres de séjour accordés aux ressortissants étrangers.

Éric Diard m’a interrogé sur l’annulation de la circulaire de régularisation signée par mon prédécesseur le 7 janvier 2008 afin de mettre en œuvre l’article 40 de la loi du 20 novembre 2007. Cette décision a été prise le 23 octobre par le Conseil d’État pour un motif de forme, une imperfection de rédaction pouvant laisser croire que les dossiers étaient soumis à une condition de recevabilité alors que ce n’était pas le cas – ils ont été examinés au fond. Cette annulation anticipée donne lieu à des discussions avec les syndicats en vue de diffuser une autre circulaire plus claire, tenant compte des exigences émises par le Conseil d’État. Soyez rassurés, cette annulation n’a strictement aucun impact sur les situations individuelles des 2 800 étrangers régularisés par le travail – et je réponds ainsi à la question de Mme Mazetier.

Concernant le centre de rétention de Mayotte, l’actuel bâtiment peut accueillir 60 personnes. Il avait d’abord été prévu de porter sa capacité à 90, puis à 140 places. Le coût de construction du CRA est estimé à 20 millions d’euros par le ministère de l’intérieur. Nous prévoyons le calendrier suivant : consultation des concepteurs réalisateurs en décembre 2009 ; lancement des travaux au premier semestre 2010 ; livraison à l’été 2011 si tout se passe bien.

En ce qui concerne les accords de gestion concertée, sur les neuf conclus, cinq ont été ratifiés : les accords avec le Gabon, le Sénégal, le Bénin, la Tunisie et le Congo. S’agissant de Maurice, le projet de loi de ratification a été déposé au Sénat le 10 juin 2009. Un de mes collaborateurs ayant été auditionné cette semaine par le rapporteur, j’espère que les choses vont avancer rapidement. Concernant le Cap Vert et le Burkina Faso, les textes ont été transmis au Conseil d’État début octobre. Pour l’accord passé avec le Cameroun, que je n’ai signé que très récemment, la procédure de consultation interministérielle doit être lancée par le ministère des affaires étrangères avant transmission au Conseil d’État. Enfin, l’arrangement administratif avec le Brésil n’a, lui, pas besoin d’être ratifié, et est d’ores et déjà opérationnel. Nous réunirons le groupe de travail début 2010.

Au sujet du conseil interministériel à l’intégration, il m’est difficile de vous répondre précisément, monsieur Diard, puisque les discussions sont encore en cours, en attendant l’arbitrage du Premier ministre. Je me limiterai à indiquer nos principaux objectifs, dont le premier est d’augmenter le niveau de langue exigé pour les primo-arrivants. Nous considérons en effet que la langue est le premier outil de l’intégration. Lorsque l’on arrive sur le sol français sans maîtriser la langue, on a très peu de chances – et c’est une litote – de pouvoir s’intégrer. Le deuxième objectif est de favoriser l’emploi des populations immigrées, ce qui passe, entre autres initiatives, par la mise en place du label « diversité ». Nous devons également faire un effort particulier en direction des femmes et des jeunes, ainsi qu’à l’égard des migrants les plus âgés. Enfin, nous devons améliorer notre connaissance des parcours d’intégration.

Je n’ai pas compris, madame Mazetier, vos propos introductifs faisant référence à mes précédentes fonctions de secrétaire d’État. C’était visiblement très subtil et vous en aviez l’air très satisfaite. Vous avez donc probablement atteint l’objectif que vous vous étiez fixé, et je n’ai pas besoin d’y revenir.

Au sujet des régularisations, nous devons effectuer un travail sémantique. Lorsqu’un préfet, après un premier refus de l’administration, réexamine un dossier et décide de faire droit à la demande, cette décision entre-t-elle dans la catégorie des régularisations ? Les avis sont partagés à ce sujet. C’est pourquoi le seul chiffre dont je dispose, et que je vous ai donné, est celui des régularisations par le travail. Nous avons par ailleurs conçu un système informatique dit AGDREF 2, mais pour le mettre en fonctionnement, nous avons besoin de l’accord de la CNIL. L’examen du dossier est en cours. Dès que cet accord sera donné, nous pourrons répondre précisément aux questions que vous avez posées.

Vous avez évoqué le Conseil européen qui se tient en ce moment même. À la demande de la France, les chefs d’État et de gouvernement vont parler de protection des frontières et d’harmonisation de la politique de l’asile. Selon nous, en effet, il n’est pas possible d’avoir à la fois un espace Schengen, ce merveilleux acquis de la construction européenne, …

M. Jacques Myard. C’est une passoire !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. C’est en partie vrai, notamment en Grèce – et en disant cela, mon intention n’est pas d’accuser ce pays, qui doit faire face à une situation extrêmement difficile. Il faut dire aussi que la Turquie ne joue pas le jeu en matière de protection de la frontière et de réadmissions. Quoi qu’il en soit, nous connaissons des difficultés sur certains points d’entrée. Le Président de la République s’est saisi du dossier, et j’ai déposé sur la table de mes collègues ministres européens, le 21 septembre, plusieurs propositions visant à renforcer les frontières européennes et à doter l’agence européenne Frontex non seulement de nouveaux moyens matériels mais surtout d’une doctrine d’utilisation de ces moyens totalement renouvelée. Outre le renforcement des frontières, nous recherchons l’harmonisation progressive de la politique d’asile, qui passe notamment par l’installation rapide du bureau d’asile prévu par le pacte européen négocié et signé par mon prédécesseur. C’est indispensable, sans quoi l’espace Schengen lui-même serait, à terme, menacé. Dans ce domaine, plusieurs pays méditerranéens – Malte, Chypre, Grèce, Italie – sont en première ligne.

Vous suggérez d’appliquer aux Afghans présents en Europe la directive de 2001 sur la protection temporaire. Mais ce texte ne s’applique qu’à l’occasion d’un afflux massif et immédiat de personnes fuyant des persécutions. Il vise des situations d’afflux de réfugiés telles que celles que nous avons connues lors des guerres de Yougoslavie. S’agissant des Afghans – seulement quelques milliers de personnes en Europe –, nous ne sommes pas dans ce cas de figure.

Mme Sandrine Mazetier. Vous confirmez donc que l’on ne peut pas parler d’afflux massif.

M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Il s’agit d’un afflux régulier qui pose des difficultés – notamment à nous, Français – mais, en effet, pas d’un afflux massif au sens de la directive de 2001 que vous avez citée. De toute façon, les règles sont claires : lorsque l’on provient d’un pays en guerre, connaissant des troubles ou des attentats, on a droit au statut de réfugié ou à la protection subsidiaire. Mais pour cela, il faut se présenter devant des organismes indépendants. En France, l’OFPRA est totalement indépendant, et j’approuve toutes ses décisions. Lorsque l’Office décide que le demandeur n’a pas apporté les preuves des risques personnels qu’il encourait et n’est pas victime de persécutions, et à partir du moment où la Cour européenne des droits de l’homme valide cette décision, que devons-nous faire ? Si l’on estime qu’une personne dans cette situation doit pouvoir rester en Europe, il faut le dire haut et fort, cela permettra de faire avancer le débat. Mais je n’ai entendu aucune voix dans ce sens.

Concernant la naturalisation, la réforme que j’ai engagée supprimant la double procédure d’instruction, dans laquelle les préfectures se chargeaient de l’instruction proprement dite des dossiers et le ministère de l’homogénéisation des décisions, permettra de dégager des moyens financiers et humains. La première priorité en ce domaine est en effet de résorber les stocks. Un effort important a déjà été fait puisqu’au 30 juin 2009, ceux-ci avaient été réduits de 17,4% à la sous-direction de l’accès à la nationalité française et de 9,4% dans les préfectures, par rapport au 1er janvier de la même année. Quinze vacataires ont été recrutés, vraisemblablement jusqu’au début 2010, pour permettre de résorber totalement ces stocks. Les nouveaux visas long séjour valant titre de séjour permettront également de dégager des moyens puisque cette réforme évitera à 100 000 étrangers au moins par an une double instruction de leur dossier, réalisée tout d’abord au nom du ministère des affaires étrangères dans les consulats de leur pays d’origine puis à leur arrivée en France, au nom du ministère de l’intérieur dans les préfectures. C’est d’ailleurs l’un des intérêts de la création d’un ministère de l’immigration - quasiment tous les pays européens en mettent d’ailleurs un en place – regroupant des services des affaires étrangères, des affaires sociales et de l’intérieur. Tout en facilitant l’entrée des étrangers sur notre territoire, cette réforme fait économiser beaucoup d’argent public.

Vous avez dit, Madame Mazetier, que le coût de la reconduite à la frontière était 150 fois supérieur…. Je pense que votre langue a fourché.

Mme Sandrine Mazetier. Pas du tout !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Pourriez-vous alors m’expliquer comment vous arrivez à ce chiffre ?

Mme Sandrine Mazetier. On constate dans le programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française », qui regroupe les seules actions d’accueil des primo-arrivants – celles concernant les étrangers entrés légalement sur notre territoire depuis plus de cinq ans relevant du secrétariat d’État de Mme Amara – que le forfait d’accueil s’élève à 135 euros par personne. Je maintiens, en m’appuyant sur des données croisées, issues d’un rapport de la Cour des comptes et d’un rapport du Sénat, que le coût de la rétention des personnes puis de leur expulsion est bien 150 fois supérieur à ce forfait.

M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Vous m’avez élégamment fait observer tout à l’heure que je n’étais pas doué pour la prospective. Il se trouve que j’étais aussi, dans mes précédentes fonctions, chargé de l’évaluation des politiques publiques. Je ne vous conseillerais pas de faire carrière dans ce secteur. Le montant de 232 millions d’euros avancé pour le coût des reconduites à la frontière – et dont l’IGA a elle-même reconnu qu’il était largement surestimé – est à mettre en regard des 150 millions d’euros du budget de l’Office français de l’immigration et de tous les crédits pour l’intégration. Prétendre que 232 millions, c’est 150  fois plus que 150 millions, même pour quelqu’un comme moi qui n’étais pas doué en mathématiques, cela dépasse les bornes !

Mme Sandrine Mazetier. Le coût moyen d’une expulsion s’élève à 21 000 euros, soit 150 fois plus que 135 euros. Et je ne suis pas particulièrement douée en mathématiques, monsieur le ministre !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. J’ai déjà répondu s’agissant des accords bilatéraux et des naturalisations. Je pense également avoir répondu à M. Goasguen concernant les entrées irrégulières sur le territoire. Notre objectif est clair : la France ne peut pas être le seul pays d’Europe à ne pas reconduire à la frontière les étrangers entrés irrégulièrement sur son territoire. Tous les autres pays, victimes eux aussi de filières d’immigration clandestine, comme le Royaume-Uni, la Suède, la Norvège, les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Italie, en renvoient beaucoup plus que nous. Dans le même temps, nous agirons dans le respect des traditions et des principes qui nous honorent. Nous ne reconduirons pas à la frontière les mineurs isolés - nous ne l’avons d’ailleurs jamais fait - , nous ne reconduirons pas non plus les personnes accueillies sur notre territoire pour des raisons humanitaires ou qui ont des problèmes de santé. Avant toute reconduite, nous vérifierons que les personnes ont refusé toutes les propositions qui leur ont été faites. A ce sujet, je signale que, sur 180 Afghans ayant bénéficié de l’aide au retour volontaire que nous avons proposée, 80 ont créé leur entreprise depuis le début de l’année à Kaboul et dans sa région. C’est une donnée importante que j’ai du mal à faire connaître plus largement : il me faudra faire preuve de plus de pédagogie !

Le renvoi de trois Afghans est en effet symbolique : il s’agit de signifier aux passeurs qu’ils auront de plus en plus de mal à effectuer leur sale travail à l’avenir ! Si nous montrons que la frontière entre la France et le Royaume-Uni est désormais beaucoup plus étanche, que nous avons démantelé les campements sordides dans lesquels étaient exploités ces malheureux étrangers et que la France n’est pas un sanctuaire où on ne pratique pas de reconduites à la frontière, nous avons toutes chances de tarir les trafics car les migrants n’accepteront plus de payer de 12 000 à 15 000 euros le « ticket d’entrée » jusqu’à Calais. Tous les chiffres, ceux de la police comme ceux des associations en attestent, la pression migratoire diminue dans le Calaisis.

Rapporté au nombre d’obligations de quitter le territoire français et d’arrêtés de reconduite à la frontière, le taux d’exécution baisse légèrement en effet, mais cette baisse est en partie optique. En effet, en 2007, il y a eu 97 000 OQTF et APRF contre 64 000 seulement en 2006, soit tout de même une augmentation d’un tiers. Le nombre de reconduites exécutées croît fortement : 7 611 en 2006, 13 707 en 2007 et 19 000 en 2008. C’est également vrai des départs volontaires. Sous mon prédécesseur, il y en avait eu quelque 10 000 et si le chiffre chute, c’est en partie du fait de l’intégration en 2008 des Roms et des Bulgares.

L’échec dans l’exécution des décisions tient essentiellement à notre droit très exigeant. Dans 30% des cas, il tient à la décision d’un juge de la liberté et de la détention, dans 10% des cas, à celle d’un tribunal administratif, et dans 35% des cas, à la non-obtention d’un laissez-passer consulaire.

J’ai oublié, et je la prie de m’en excuser, de répondre à la question de Mme Mazetier concernant l’Union pour la Méditerranée. Vous avez souligné les acquis de la présidence française de l’Union européenne. Mon prédécesseur a en effet signé un pacte engageant les 27 pays…

Mme Sandrine Mazetier. L’État français – vous n’y êtes certes pour rien, je le reconnais – a dépensé 16,6 millions d’euros pour un sommet d’une demi-journée, au cours duquel n’a même pas été évoquée la question des migrations en Méditerranée. Il ne me semble pas que la France ni la présidence française de l’Union puissent s’honorer de ce sommet.

M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Je maintiens que le pacte signé par mon prédécesseur constitue un acquis important. Lorsque je rencontre les ministres étrangers chargés des questions migratoires, c’est toujours sur cette base que nous discutons.

Concernant le sommet de l’Union pour la Méditerrannée, je reconnais qu’il a coûté un peu plus qu’il n’aurait dû, probablement parce qu’il a été organisé dans l’urgence, mais il n’a rien eu du caractère somptuaire que l’on a dénoncé ça et là… Les questions migratoires n’y ont pas été abordées parce que les pays de la rive Sud ne l’avaient pas souhaité.

Mme Sandrine Mazetier. C’est dommage ! C’est un sujet important en Méditerranée.

M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Je réunirai de manière informelle tous les pays riverains de la Méditerranée le 14 décembre prochain pour traiter de ces questions. Votre préoccupation sera donc satisfaite.

M. le président Didier Migaud. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces réponses et donne la parole à d’autres de nos collègues qui souhaitent intervenir.

M. Étienne Pinte. J’aborderai deux thèmes qui me tiennent particulièrement à cœur et entre lesquels j’établis un lien : d’une part, la question de l’hébergement et du logement – comme vous le savez, j’ai remis un rapport au Premier ministre sur l’hébergement d’urgence –et, d’autre part, l’asile – je suis membre du conseil d’administration de l’OFPRA, où je représente l'Assemblée nationale.

J’évoquerai les conditions d’hébergement et de logement des demandeurs d’asile mais aussi de ceux qui ont obtenu une protection. Je reconnais que des efforts ont été faits et que le nombre de places dans les CADA, les centres d’accueil pour demandeurs d’asile, est passé de 17 000 il y a quelques années à 24 000 aujourd’hui. Cependant, en 2008, 29 000 personnes étaient éligibles à une place en CADA. C’est dire qu’il manque au moins 9 000 places ! Ce ne sont donc pas les 1 000 supplémentaires prévues dans votre budget qui vont régler le problème – ces mille places avaient d’ailleurs été budgétées en 2008 et en 2009. Au-delà de l’aspect quantitatif, il y a aussi l’aspect qualitatif. En effet, les demandeurs d’asile accueillis en CADA bénéficient d’un accompagnement pour préparer leur requête en toute connaissance de cause et le mieux possible. Par ailleurs, je rappelle qu’une place en CADA coûte beaucoup moins cher à l’État qu’un hébergement en CHRS, en centre d’hébergement d’urgence ou à l’hôtel. Nous avons donc tout intérêt à augmenter très rapidement le nombre de places dans ces centres.

Aucun crédit supplémentaire n’est prévu en dépit de l’insuffisance du dispositif actuel d’hébergement d’urgence spécifique aux demandeurs d’asile. C’est le dispositif de droit commun, déjà engorgé, qui pallie cette carence. Or, il n’est pas approprié à la problématique spécifique de l’asile. Trente millions d’euros seulement sont inscrits au budget 2010, alors que d’ici à la fin de l’année, l’État aura dépensé 67 millions d’euros pour cet hébergement d’urgence ! Comme d’habitude, un collectif budgétaire comblera cet écart…

Par ailleurs, il n’y a pas assez de fluidité dans la chaîne de l’asile. En effet, une fois la protection accordée, les réfugiés ont toutes les peines du monde à se loger, ne fût-ce qu’en hébergement, et comme les demandes d’asile ont augmenté de 20 %; je crains qu’un grand nombre de ces personnes ne se retrouvent dans la rue cet hiver.

Avant d’en venir au problème des mineurs étrangers, je souhaite, monsieur le ministre, vous poser quatre questions ponctuelles. Je vous ai écrit le 1er octobre dernier au sujet du centre de rétention administrative de Bordeaux, lequel a été incendié au début de l’année. Les personnes retenues sont donc aujourd’hui conduites soit à Toulouse, à 230 km, soit à Bayonne, à 165 km. Quand un CRA sera-t-il reconstruit à Bordeaux ?

Pourquoi, au lieu d’accepter, de manière d’ailleurs généreuse, une centaine de demandeurs d’asile en provenance de Malte qui a fait appel à la solidarité des autres pays européens, n’avoir pas régularisé les Erythréens de Steenvorde ?

Pourriez-vous nous communiquer, préfecture par préfecture, les avis, positifs ou négatifs, rendus par les commissions départementales de titres de séjour ?

Enfin, vous avez indiqué, monsieur le ministre, avoir toujours respecté les procédures ainsi que les décisions de l’OFPRA. Je souhaiterais que vous alliez plus loin et qu’avant de donner votre aval à une expulsion, vous attendiez la décision de la Cour nationale du droit d’asile. Je n’ignore pas que le dépôt d’un recours devant cette Cour, après un refus de l’OFPRA d’accorder le statut de réfugié, n’est pas suspensif. Il serait néanmoins opportun d’attendre la décision définitive de la CNDA, ce qui éviterait d’être parfois obligé de faire revenir des réfugiés déjà renvoyés chez eux si la CNDA infirme la décision de l’OFPRA.

J’en viens aux mineurs isolés étrangers. A la suite du démantèlement de la « Jungle » de Calais le 22 septembre dernier, 120 à 130 mineurs ont été interpellés. Un très grand nombre d’entre eux ont été pris en charge, ce dont je me réjouis. Cela ne doit pas nous faire oublier la triste réalité vécue par ces jeunes, parfois des enfants, en particulier en Île-de-France et à Paris. Je salue la création, à votre initiative, d’un groupe de travail sur le sujet au printemps dernier. Celui-ci n’a, hélas, pas encore donné de résultats concrets. Je tiens ici à souligner le remarquable travail accompli par certaines associations, notamment Enfants du monde et France Terre d’asile, auprès des jeunes en errance à Paris et en Île-de-France, où, heureusement, elles se substituent à l’État.

Même s’il existe un dispositif de mise à l’abri et des structures spécifiques d’accueil à Bobigny ou au Kremlin-Bicêtre, il demeure que, faute de places, plusieurs dizaines de mineurs dorment aujourd’hui à la belle étoile à Paris. Or, rien n’est prévu ni dans la mission « Immigration » ni dans la mission « Ville et logement » pour le financement du dispositif dit Versini, dont les crédits s’élevaient l’an passé à 2,7 millions d’euros. Comment sera-t-il financé en 2010 ? Il faut impérativement, quel que soit le ministère qui en ait la responsabilité, que ces crédits soient fléchés. Certains témoignages font froid dans le dos. Ces jeunes adolescents constituent en effet des proies faciles pour les réseaux de prostitution et de pédophilie. La dilution des responsabilités entre ministères et l’absence de coordination ne peuvent perdurer. Il faut enfin organiser un véritable pilotage et clairement définir le partage des tâches entre l’État et les départements. Ce n’est pas moi qui le dis, mais la Cour des comptes, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies, le Médiateur de la République et la Défenseure des enfants. Ne perdons pas de vue qu’avant d’être des étrangers, ce sont des enfants en grande détresse auxquels nous devons protection.

M. Patrick Roy. Je suis très honoré dans ce débat de me trouver face à un ministre dont la force des convictions est un modèle pour tous.

Dans sa longue histoire, la France s’est toujours montrée un grand pays chaque fois qu’elle s’est ouverte. Chaque fois en revanche qu’elle s’est refermée sur elle-même, elle s’est rabaissée. Or, l’image de notre pays terre d’asile est aujourd’hui pour le moins brouillée. Cette image ne s’est bien sûr pas améliorée avec l’épisode rocambolesque du démantèlement de la « Jungle » de Calais, que j’ai tout particulièrement suivi pour être un élu du Nord voisin. Quelques-uns des propos entendus ce soir sur la reconduite d’Afghans dans un pays en guerre m’ont à la fois choqué et alarmé. Certains collègues semblent penser que trois, ce n’est pas assez.

M. Jacques Myard. Absolument !

M. Patrick Roy. Cette reconduite d’individus dans un pays en guerre est contraire aux valeurs de notre pays et il me choque que vous la défendiez.

Les crédits destinés à la lutte contre l’immigration irrégulière augmentent de 30 %, alors que ceux de l’intégration sont plutôt en panne.

Je souhaite, monsieur le ministre, vous poser une question qui me tient à cœur car j’espère que notre pays restera longtemps une république, une grande démocratie et une terre d’accueil : n’avez-vous pas le sentiment de chasser sur les terres de l’extrême-droite ?

M. Philippe Goujon. Ce Gouvernement mène, me semble-t-il, une politique d’immigration équilibrée, à la fois humaine et ferme, conforme à ce que souhaitent nos concitoyens. Il convient donc de continuer à l’appliquer résolument et votre budget, monsieur le ministre, le permettra en grande partie.

Je souhaite évoquer le cas des migrants étrangers qui, errant sans domicile fixe ou habitant des sortes de bidonvilles, se regroupent en bandes et « vivent », si l’on peut appeler cela vivre, en plein cœur de Paris, notamment dans le quartier des grands magasins, vers l’Opéra et la Madeleine, exploités par de sordides réseaux de trafiquants. Je pense en particulier à la communauté de Roms qui vit à Paris et en banlieue dans plusieurs dizaines, voire une centaine de campements, et qui s’étend maintenant vers le Sud de la France. Le directeur de la gendarmerie nationale, que nous auditionnions il y a peu, évoquait le déplacement massif de ces populations de l’Italie vers la France du fait de la politique très ferme menée par notre voisin.

Bien entendu, les associations, dont je salue à mon tour le travail, apportent à tous ces migrants une aide humanitaire. A Paris, la Ville et l’État doivent aussi faire un effort. Mais il faut que les étrangers en situation irrégulière soient plus systématiquement reconduits à la frontière. Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile le permet lorsque ces étrangers constituent « une menace pour l’ordre public. » durant la période de validité de leur visa ou, s’ils ne sont pas soumis à obligation de visa, pendant la période de moins de trois mois durant laquelle ils peuvent séjourner chez nous.

Pour éviter les difficultés liées à la vérification de la date d’entrée en France des ressortissants d’un État membre de l’Union européenne, j’ai présenté un amendement – qui a été adopté – à la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, aux termes duquel l’étranger qui n’a pas satisfait à l’obligation d’enregistrement en mairie dans le délai de trois mois suivant son entrée en France est réputé être présent sur le territoire national depuis moins de trois mois. Un obstacle majeur aux reconduites à la frontière des ressortissants d’un État membre de l’Union européenne se trouve ainsi levé.

Cette disposition est-elle correctement appliquée ? Pourquoi les migrants que j’ai évoqués ne sont-ils pas reconduits à la frontière ? Est-ce en raison de difficultés juridiques, techniques ou budgétaires ?

Mme Martine Pinville. Monsieur le ministre, vous avez annoncé que l’État pérenniserait son aide aux associations agissant en faveur des mineurs étrangers isolés. Ces associations, comme Enfants du Monde-Droits de l’Homme ou France Terre d’asile, accueillent des enfants en errance, les aident en organisant des activités culturelles, éducatives ou sportives, et favorisent leur insertion. En ce vingtième anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant, allez-vous maintenir, ou même augmenter les financements d’État en faveur de ces associations – et ce de façon pérenne ?

M. Jacques Myard. S’agissant de l’immigration, nous sommes confrontés à un problème extrêmement complexe, dont la gestion doit associer fermeté et humanisme. Les derniers rapports de l’OCDE indiquent que l’on ne se trouve qu’au début d’un phénomène migratoire qui concernera, dans les prochaines années, des dizaines de millions de personnes, avec des flux du sud vers le nord, mais aussi du sud vers le sud. Il s’agit d’un véritable défi pour la stabilité du monde.

Il faut donc avoir une politique publique extrêmement ferme. On peut toujours critiquer le Gouvernement pour le retour de trois Afghans dans leur pays, mais il reste que l’Afghanistan a aussi besoin d’hommes pour combattre pour la liberté. Je ne peux donc que soutenir l’action du Gouvernement, car nous ne sommes pas au bout de nos peines. Tous les gouvernements de la République seront confrontés à ce défi – et le prochain également.

Il n’existe aucune muraille ni aucun rideau capable d’arrêter les flux migratoires., mais nous devons les maîtriser. Or, les certificats d’hébergement me semblent être une source d’immigration clandestine, même si leur attribution est contrôlée : il manque au système actuel une preuve de la sortie du territoire. Il faudrait réfléchir à un dispositif permettant de l’établir.

J’avais déposé une proposition de loi tendant à créer un mécanisme de plan d’épargne-retour, de manière que les étrangers titulaires d’un titre de séjour puissent financer par leur épargne en France, abondée par la coopération, des projets dans leur pays d’origine, afin de faciliter tant le retour au pays que la stabilisation des flux. Ce dispositif avait été repris dans la loi de 2007. Avez-vous des informations sur sa mise en œuvre ?

Par ailleurs, le chiffre de 30 000 reconduites à la frontière intègre-t-il Mayotte et la Guyane ?

Pour revenir sur un sujet qui fâche, lorsqu’une loi est votée, il convient de signer les décrets d’application. Dans mon esprit, les tests ADN n’étaient qu’un moyen de preuve, non l’occasion de lancer une chasse à la filiation. Où en est-on sur ce dossier ?

Enfin, le rapport de Mme Pavy souligne que la salle d’audience aménagée dans la zone d’attente des personnes en instance de Roissy reste inutilisée. Monsieur le président de la Commission des lois, que comptez-vous faire pour que les juges obéissent aux lois de la République ? La lourdeur des procédures contrarie le traitement humain des entrées irrégulières sur le territoire national. Il faut faire cesser une situation préjudiciable à tous.

Je souhaitais faire quelques considérations sur les personnes de nationalité française qui votent à l’occasion d’élections étrangères sur le territoire national mais, faute de temps, j’aborderai cette question une autre fois.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Monsieur Myard, lors de l’adoption du rapport d’information sur les centres de rétention administrative et les zones d’attente, la Commission des lois, unanime, a interpellé le Gouvernement sur la non-mise en service de la salle d’audience de Roissy. J’ai écrit à la garde des Sceaux, qui m’a répondu que le dossier était suivi par le ministère de l’intérieur, qu’un appel d’offres avait été lancé, mais qu’il était suspendu. J’ai donc demandé au ministère de l’intérieur les raisons de cette suspension, mais je n’ai pas reçu de réponse à ce jour. Nous profiterons des discussions budgétaires de la semaine prochaine pour interroger de vive voix les ministres concernés.

Mme Sandrine Mazetier. Monsieur le ministre, vous avez coutume de dire que la France est le premier pays d’accueil pour les réfugiés, mais l’Allemagne satisfait davantage de demandes d’asile, avec 40 % d’admissions.

Par ailleurs, je signale que la contribution de la France au Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés est cinq à six fois inférieure à celle du Japon ; elle est également inférieure à celles d’autres pays européens.

Vous avez annoncé de nouvelles mesures visant à favoriser l’apprentissage de la langue française. Quelle en est la traduction budgétaire ?

Ces nouvelles actions seront probablement confiées à l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Or vous avez expliqué que la subvention de l’État n’était accordée à cet établissement que si sa situation financière le nécessitait. Nous assistons ainsi à la débudgétisation progressive d’un certain nombre de missions, ce qui limite d’autant les possibilités de contrôle du Parlement. Comme l’OFII semble connaître un déficit structurel de plusieurs millions d’euros, je propose à la Commission des finances de demander un rapport de la Cour des comptes sur cet établissement.

En outre, vous n’avez pas répondu à ma question sur la situation des Tunisiens. La France a signé avec la Tunisie un accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires qui donne aux Tunisiens la possibilité d’entrer en France pour y exercer certains métiers, dont la liste est fournie en annexe de l’accord. Dans le même temps, les Tunisiens présents en France n’ont pas accès à la régularisation au titre du travail. Cela signifie qu’un Tunisien qui exerce en France, depuis des années, l’un des métiers cités par l’accord sera expulsé – ce qui coûtera de l’argent aux contribuables français –, mais que l’on autorisera la venue de son collègue qui est en Tunisie. C’est irrationnel !

Vous avez souligné le coût exorbitant, direct et indirect, de l’immigration irrégulière. Mais c’est vous qui, par vos lois et les modifications successives du CESEDA, avez fait basculer de plus en plus de monde dans l’irrégularité et la clandestinité. La plupart des personnes actuellement en situation irrégulière ne viennent pas du bout du monde. Elles entrent en France avec des visas de tourisme : elles ne sont pas entre les mains de filières mafieuses.

On reconduit les gens à la frontière ; mais quand c’est en Belgique, ils reviennent immédiatement ! La politique du chiffre coûte très cher et est inefficace, nous en convenons tous.

Vous n’avez pas compris pourquoi je faisais allusion à la prospective. Il se trouve que, pour répondre au phénomène migratoire, les organisations internationales essaient de concevoir des systèmes gagnant-gagnant : pour le pays d’accueil, pour le migrant, et pour le pays d’origine. Pourquoi ne pas changer de logique et inverser les investissements, afin que chacun y gagne ?

Enfin, je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir corrigé les propos que vous aviez tenus dans l’émission de Karl Zéro. Vous aviez alors évoqué le risque, si l’on n’expulsait pas les trois Afghans vers Kaboul, d’un afflux massif de leurs compatriotes. Vous avez reconnu ce soir qu’il n’en était rien ; c’est même en raison de l’absence de cet afflux massif que vous refusez d’appliquer une directive européenne, dont la force est pourtant supérieure à celle d’un pacte.

M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Monsieur Pinte, je n’ai rien à ajouter à votre constat ; toutefois, je vous remercie d’avoir reconnu les efforts consentis pour l’hébergement d’urgence, puisque le nombre de places a été quadruplé en huit ans.

Je le répète, le nombre des demandes d’asile a augmenté de 20 % en 2008 et il continue de croître. Sur ce point, soyons clairs : les vraies demandes d’asile existent, mais il y a parfois détournement de la procédure – et cela ne concerne pas uniquement la France. Ainsi, dans le centre de rétention administrative de Samos, l’île grecque la plus proche de la Turquie, j’ai discuté avec des demandeurs d’asile. J’ai noté avec étonnement que certains étaient Marocains – j’ai passé les dix-sept premières années de ma vie au Maroc. S’ils demandent l’asile en Grèce, m’ont-ils expliqué, c’est pour entrer en Europe, mais leur but est de rejoindre l’Europe de l’ouest. Ne nous masquons pas la réalité ! Si nous voulons défendre le droit d’asile, pour les personnes qui sont persécutées en raison de leurs opinions politiques, de leur religion ou de la couleur de leur peau, nous devons lutter contre le détournement de la procédure. Nous ne pourrons pas augmenter nos moyens budgétaires de 20 à 30 % chaque année.

Néanmoins, nous faisons des efforts importants : 1 000 places supplémentaires en centres d’accueil pour demandeurs d’asile en 2010, c’est beaucoup. En raison du nombre élevé de demandes, l’hébergement en CADA est prioritairement destiné aux personnes vulnérables : familles avec enfants, femmes isolées, malades. Les personnes qui ne bénéficient pas de ces places sont prises en charge – conformément à l’obligation qui nous est rappelée par la juridiction administrative – dans le cadre du dispositif d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile, également financé par mon ministère. Ce dispositif permet de mobiliser 11 100 places, dont 1 500 gérées par ADOMA. En 2009, 71 millions d’euros auront été consommés à ce titre, alors que l’estimation initiale était de 30 millions. Toutes les demandes de concours financier adressées à mon ministère par les préfectures au titre de l’hébergement d’urgence ont été honorées.

Il est vrai que les capacités de ces structures d’urgence sont elles aussi saturées. Le problème dépasse très largement la compétence de mon ministère : c’est l’ensemble du dispositif d’hébergement d’urgence, qui dépend de la mission « Ville et logement », qui est aujourd’hui engorgé. Avec mon collègue Apparu, nous allons essayer de dégager de nouvelles capacités, afin que l’hébergement des demandeurs d’asile soit pris en compte dans les besoins globaux de l’hébergement d’urgence.

En ce qui concerne le centre de rétention administrative de Bordeaux, il a été décidé de le reconstruire sur place. Comme il s’agit d’un hôtel de police, l’opération sera financée par le ministère de l’Intérieur. Elle est programmée pour 2010.

S’agissant des « Maltais », la différence avec le cas que vous évoquez est que ces personnes ont déjà obtenu le statut de réfugié ou la protection subsidiaire. Comme Malte ne pouvait tous les accueillir sur son territoire, elle a fait appel, sur la base du volontariat, à la solidarité européenne. La France a décidé de répondre à cet appel.

Quant aux personnes qui se trouvent sur la côte de la mer du Nord, elles peuvent demander l’asile. J’ai d’ailleurs ouvert, il y a quelques mois, un bureau à la sous-préfecture de Calais, précisément pour leur permettre d’exercer plus facilement leur droit. Le problème se pose pour ceux qui ont été déboutés, car ni l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, ni la Cour nationale du droit d’asile, ni la Cour européenne des droits de l’homme ne leur accorde le statut de réfugiés.

S’agissant des commissions départementales du séjour, pour l’essentiel, leur saisine est facultative : nous n’avons donc aucun retour des préfets sur leur activité. Toutefois, nous pourrons examiner la question si vous le souhaitez.

Vous m’appelez à une plus grande générosité en matière de droit d’asile, bien que vous reconnaissiez que je respecte scrupuleusement les propositions de l’OFPRA. Mais quand on est, comme la France, soumis à une augmentation des demandes de 20 % par an – et que, je le répète, madame Mazetier, nous sommes, en volume, les plus généreux d’Europe –, on doit tenir compte des risques de détournement de ses procédures. Or le dépôt en rétention d’une demande d’asile, alors qu’il était possible de le faire avant l’interpellation, présente généralement un caractère dilatoire : il s’agit de faire obstacle à la mesure d’éloignement. Le caractère non suspensif du recours devant la CNDA permet de faire échec à ce genre de stratagème. Vu la situation actuelle, je me refuse à changer les choses.

S’agissant des mineurs étrangers isolés, je vous remercie d’avoir rappelé les efforts extrêmement importants – et très coûteux – que nous avons consentis en faveur de ceux qui ont été interpellés dans la « jungle » de Calais ; quatre-vingt-quinze d’entre eux, sur un total de cent trente-cinq, se trouvent toujours dans les centres d’hébergement.

Le groupe de travail que j’ai réuni sur cette question me remettra ses conclusions dans les prochains jours. Je vous en ferai part. Plusieurs améliorations du dispositif sont à l’étude ; certaines ont été mises en œuvre immédiatement, comme l’octroi systématique du jour franc en zone d’attente ou l’achèvement des travaux du quartier des mineurs dans la zone d’attente de Roissy.

La contribution du ministère au dispositif « Versini », auquel participe, notamment, France Terre d’asile, s’élève à 280 000 euros, dont 150 000 au titre du Fonds européen pour les réfugiés – soit 10 % du budget total. Ces crédits sont versés à la DDASS de Paris, qui est l’interlocuteur des associations. L’essentiel du financement du dispositif provient, comme vous l’avez souligné, de la mission « Ville et logement », sur le budget de la direction générale de l’action sociale. L’enveloppe du ministère de l’immigration sera, quant à elle, reconduite en 2010. Ces crédits, qui relèvent de l’hébergement d’urgence, ne donnent pas lieu à une identification dans la nomenclature budgétaire : la subvention est fondue dans les crédits délégués par le ministère à la DDASS de Paris via le budget opérationnel de programme correspondant. Mais nous respecterons nos engagements.

Monsieur Roy, la force de mes convictions n’a d’égale que la subtilité de vos interventions lors des questions au Gouvernement.

En ce qui concerne la lutte contre l’immigration irrégulière, je répète que l’augmentation des crédits n’est pas de 30 %, mais de 15 %, ce qui est déjà significatif. D’ailleurs, je vous ferai remarquer que l’ONU considère désormais la traite des êtres humains comme le deuxième fléau mondial ; elle apparaissait auparavant en troisième position, derrière le trafic de la drogue et celui des armes. La lutte contre les filières d’immigration clandestine, en voie de professionnalisation et de criminalisation, n’est pas un problème français, ni même européen, c’est un problème mondial.

Quant à la lutte contre l’extrême-droite, si vous le voulez bien, nous engagerons ce débat dans un autre cadre.

Monsieur Goujon, la question des Roms ne relève pas directement de mon ministère, dans la mesure où il s’agit de ressortissants d’un pays membre de l’Union européenne. Beaucoup d’entre eux ne sont d’ailleurs pas en situation irrégulière. Le traité d’adhésion à l’Union européenne de la Roumanie et de la Bulgarie leur donne un statut particulier, puisqu’ils bénéficient d’une liberté de circulation pendant trois mois. Au-delà, ils doivent assurer leur subsistance. Ils sont alors reconductibles à la frontière, après obligation de quitter le territoire français. Toutefois, le plus souvent, ils optent pour le départ volontaire, aidés par l’OFII ; 6 000 Roumains sont ainsi partis en 2009.

Pour éviter la « noria » évoquée par certains observateurs, nous avons créé, avec l’accord de la CNIL, et en respectant scrupuleusement toutes ses observations, un fichier sur les bénéficiaires de l’aide au retour, OSCAR, qui permettra une surveillance dans la durée. Pour le reste, mon collègue Pierre Lellouche est en train d’étudier, avec le gouvernement roumain, les moyens d’améliorer la gestion de cette question extrêmement délicate.

Madame Pinville, mon ministère a maintenu toutes ses subventions aux associations intervenant en faveur des mineurs étrangers isolés. Certaines ont même été augmentées : ainsi la subvention à France Terre d’asile a été portée de 300 000 à 450 000 euros. Je ne peux m’engager au-delà de 2010, mais j’ai pris bonne note de votre préoccupation. Nous essaierons d’y répondre, dans la mesure de nos possibilités financières.

Monsieur Myard, s’agissant de la preuve de la sortie du territoire, ce dossier demande à être mûri. Je ne suis pas en mesure de répondre à votre question aujourd’hui.

S’agissant des reconduites à la frontière, les chiffres donnés ne concernent que la France métropolitaine – la situation étant très complexe à Mayotte.

S’agissant des tests ADN, il convient de resituer mes propos dans leur contexte. J’ai dit qu’il m’était impossible de signer le décret d’application dans le délai imparti, c’est-à-dire avant le 31 décembre 2009, compte tenu des précautions prises par l’Assemblée nationale, de celles ajoutées au Sénat et des réserves interprétatives du Conseil constitutionnel. Cette affirmation a été soumise à la sagacité des présidents des Commissions des lois des deux assemblées, qui sont en train de l’expertiser.

Madame Mazetier, nous veillerons, dans le cadre du contrat d’objectifs et de moyens, à ce que l’OFII dispose des moyens nécessaires si nous élevons le niveau requis en français.

Ce que vous dites à propos des Tunisiens est valable pour beaucoup de pays. D’abord, je suis tenu d’appliquer la loi ; or l’article 40 de la loi de 2007 relative à la maîtrise de l’immigration a fixé des objectifs et des critères extrêmement précis. Ensuite, la circulaire d’application de l’accord vient d’être contestée devant le Conseil d’État. Une nouvelle circulaire doit donc être prise. Dans ce cadre, je peux étudier ce qu’il est possible de faire pour le « stock » – car, théoriquement, il n’y a pas plus de flux, le Parlement ayant décidé qu’à partir de 2008, les employeurs devaient systématiquement vérifier les titres de séjour. Si la circulaire permet de régler un certain nombre de cas, nous le ferons, mais pour le reste, j’appliquerai la loi.

Les migrations sont un phénomène contemporain lié à la mondialisation, personne ne le conteste : je ne m’engagerai pas dans un débat avec vous sur ce point.

Enfin, je pense que vous avez mal interprété mes propos sur BFM TV. Sous une forme un peu différente, j’ai dit la même chose que tout à l’heure : à savoir, que je peux comprendre l’émotion suscitée par le retour d’Afghans dans leur pays mais que, la politique consistant à essayer de donner une cohérence à une somme d’actions individuelles, je m’inquiète des conséquences qu’aurait eu l’annonce que tout étranger en situation irrégulière appartenant à l’un des vingt ou vingt-cinq pays considérés comme étant en guerre, et dont la demande d’asile a été rejetée, a le droit de rester sur le territoire de la République française. C’eût été irresponsable !

M. le président Didier Migaud. Monsieur le ministre, je vous remercie.

*

La commission procède au vote sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » du projet de loi de finances pour 2010 au cours de sa réunion du mercredi 4 novembre 2009.

M. le Président Axel Poniatowski. Mes chers collègues, je vais mettre aux voix les crédits de la mission Immigration, Asile et Intégration, après la commission élargie qui s’est tenue jeudi soir 29 octobre. J’ai pris la décision, lorsque notre commission n’intervient que sur un aspect de la mission budgétaire en discussion et pour ne pas vous contraindre à rester alors que vous n’êtes plus directement concernés par les propos tenus, que le vote aurait lieu dès la réunion suivante de notre commission.

M. Philippe Cochet, rapporteur. Mes chers collègues, nous pouvons effectivement regretter cette organisation en commission élargie qui nous prive d’un débat intéressant sur un sujet primordial. En quelques mots : le budget représente 600 millions d’euros dont 318 millions pour la partie Asile. Notre pays est aujourd’hui sous une pression de demande d’asile très largement supérieure à celle de l’année dernière (+13,9 %). Cela se traduit par une augmentation des crédits de ce jeune ministère qui n’a que trois ans d’existence. Nous restons le premier pays européen qui accepte des demandes d’asile. Sur plus de 43 000 demandes en 2008, nous en avons accordé plus de 14 440. Dans le cadre de notre politique étrangère, nous avons montré une solidarité très forte à l’égard de Malte, qui a la plus grande densité de population et un afflux de migrants très important. Nous avons accepté d’accueillir cette année plus de 95 d’entre eux. C’est un message fort à nos partenaires européens. Et cela montre aussi que la France reste une terre d’asile et d’immigration et qu’elle s’en donne les moyens.

*

Suivant les conclusions du Rapporteur, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » du projet de loi de finances pour 2010.

ANNEXES

Liste des personnes auditionnées

1) A Malte (du 30 septembre au 1er octobre)

- M. Daniel Rondeau, ambassadeur de France à Malte,

- M. Tudor Alexis, premier conseiller de l’ambassade de France,

- M. Eric Joudelat, attaché adjoint de sécurité intérieure,

- M. Hossein Kheradmand, chef du Bureau de Malte du Haut-commissariat aux réfugiés des Nations unies, et M. Jon Hoisaeter, officier de protection au même bureau,

- Mme Maria Pisani, directrice du bureau de malte de l’Organisation internationale pour les migrations,

- Père Cassar, directeur du Jesuit Refugee Service à Malte,

- Mme Sarah Bondin, de la direction chargée de l’intégration et du bien-être des demandeurs d’asile au ministère de la justice et de l’intérieur, et M. Oliver Gatt, directeur général du Centre de Marsa à l’occasion de la visite de celui-ci,

- Lieutenant Colonel Brian Gatt, chef de tous les centres fermés à Malte, à l’occasion de la visite du Lyster detention centre à Hal Far,

- Colonel Emanuel Mallia, directeur des opérations des Forces armées maltaises,

- Dr Josette Zerafa, directrice des affaires européennes, et Dr Alison Gatt, de la direction d’élaboration des politiques au ministère de la justice et de l’intérieur.

2) A Rome (le 2 octobre 2008)

- M. Jean-Marc de la Sablière, ambassadeur de France à Rome,

- Colonel Bruno Manin, attaché de sécurité intérieure de l’ambassade,

- Mme Catherine Marcadier, conseillère pour les affaires sociales à l’ambassade,

- MM. Claudio Canetri et Gerardo Torlino, de la direction générale de l’immigration au ministère du travail,

- M. le préfet Mario Morcone, chef du département pour les libertés civiles et l’immigration,

- les responsables du centre de Ponte Galeria, ceux de la Croix rouge italienne et les représentants des différentes associations présentes dans le centre.

3) Au ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire

- M. Stéphane Fratacci, secrétaire général,

- M. Philippe Dubosq, conseiller budgétaire du ministre,

- M. Michel Aubouin, directeur de l’accueil, de l’intégration et de la citoyenneté, et Mme Sylvie  Moreau, adjointe au directeur,

- M. Francis Etienne, directeur de l’immigration,

- M. Pierre Bourgeois, responsable de la mission de la performance et du contrôle de gestion,

- M. Rémy-Charles Marion, chef du service des affaires générales et des finances, et M. David Kamano, chef du bureau de la synthèse budgétaire,

- M. Jean-Pierre Guardiola, chef du service de l’asile, et Mme Julia Capel-Dunn, chef du département des réfugiés et de l’accueil des demandeurs d’asile

- M. Guy Rossignol, chef du département du pilotage et de la gestion des systèmes d’information,

- M. Jean-Patrick Bernard, chef du département des statistiques, études et documentation,

- M. Stéphane Gallet, du département du développement solidaire.

4) A l’Assemblée nationale

- Mme Martine Denis-Linton, présidente de la Cour nationale du droit d’asile, et Mme Nadine Guilbaud, secrétaire générale,

- M. Jean-François Cordet, directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA),

- M. Jean Godfroid, directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII).

© Assemblée nationale

1 () Le troisième programme, intitulé Développement solidaire et migrations, fait partie de la mission interministérielle « Aide publique au développement », qui est l’objet du rapport pour avis de Mme Henriette Martinez, au nom de la commission des affaires étrangères.

2 () Cf. l’avis de Mme Geneviève Colot, au nom de la commission des affaires étrangères, sur les programmes Action de la France en Europe et dans le monde et Français à l’étranger et affaires consulaires, de la mission « Action extérieure de l’Etat ».

3 () Cf. infra.

4 () Pour plus de détails sur cette question, cf. l’avis budgétaire de Mme Geneviève Colot, au nom de la commission des affaires étrangères, sur les programmes Action de la France en Europe et dans le monde et Français à l’étranger et affaires consulaires de la mission « Action extérieure de l’Etat ».

5 () Loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.

6 () Loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d’asile.

7 () Lorsqu’une enfant est menacée d’excision en cas de retour dans son pays d’origine, elle bénéficie désormais de la protection subsidiaire, dont le renouvellement au bout d’un an devrait être subordonné au fait qu’elle n’ait pas été excisée entre temps. Sa mère se verra accorder la même protection devant la CNDA. Ni l’une ni l’autre n’obtiendra plus le statut de réfugiée (qui donne droit au séjour pendant dix ans).

8 () En application de la loi de finances pour 2009, d’un point de vue financier et en application du décret n° 2008-1481 du 30 décembre 2008 relatif à la Cour nationale du droit d’asile, du point de vue administratif et de sa gestion.

9 () Loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures.

10 () Les plates-formes assurent une première évaluation sociale, la délivrance d’une information juridique et administrative, l’ouverture des droits à la couverture maladie universelle (CMU) et l’orientation vers une solution d’hébergement d’urgence. Certaines plates-formes proposent également des services et prestations complémentaires (interprétariat, aide à la scolarisation, suivi de procédure, domiciliation, etc.).Elles peuvent par ailleurs se voir confier la mission d’enregistrement et de suivi des demandes d’hébergement en CADA et de présentation au demandeur d’asile de l’invitation à se présenter au gestionnaire d’un CADA, ainsi qu’une mission d’information sur les dispositifs d’aide au retour volontaire.

11 () Ces délais ont été fixés par le décret n° 2007-399 du 23 mars 2007 relatif aux CADA.

12 () Il ne restera plus, sur l’action Garantie de l’exercice du droit d’asile, que 0,43 million d’euros destinés aux associations exerçant une action nationale et répondant aux besoins spécifiques des demandeurs d’asile.

13 () Tel est le nouveau nom de la Société nationale de construction de logements pour les travailleurs (Sonacotra).

14 () Cet article concerne la cessation des circonstances ayant justifié l’octroi du statut de réfugié. Figurent sur cette liste le Bénin, depuis 1992, la Bulgarie, depuis 1998, le Cap Vert, depuis 1992, le Chili, depuis 1994, et la Roumanie, depuis 1995.

15 () Seule la préfecture de police de Paris présente des résultats en hausse, de 1,38 %.

16 () Les nationalités les plus représentées sont turque, chinoise, algérienne, tunisienne et marocaine.

17 () M. Thierry Mariani, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, Centres de rétention administrative et zones d’attente. Bien ! Mais peut encore mieux faire…, Assemblée nationale, XIIIème législature, rapport d’information n° 1776, 24 juin 2009.

18 () Elle est de 3 500 euros pour un couple, de 2 000 euros pour une personne seule, de 1 000 euros par enfant mineur jusqu’au troisième et de 500 euros pour chacun des enfants suivants.

19 () Il était alors de 45,7 % ; il est passé à 42 % en 2006, 36 % en 2007 et seulement 32,3 % en 2008.

20 () C’est-à-dire d’un Etat membre de l’Union européenne ou de Suisse.

21 () Par l’article 9 de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration.

22 () En application du décret n° 2009-477 du 27 avril 2009 relatif à certaines catégories de visas pour un séjour en France d’une durée supérieure à trois mois.

23 () Décret n° 2009-2 du 2 janvier 2009 relatif au montant des taxes prévues aux articles L. 311-13, L. 311-14 et L. 311-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

24 () Loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.

25 () Loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile.

26 () cf. cartes en annexe.

27 () Instauré par le Refugee Act et opérationnel depuis le 1er janvier 2002, il est chargé de déterminer le statut de réfugié en 1ère instance. Le Refugee Appeals Board est chargé de l’examen des recours contre les décisions de rejet.

28 () Les informations relatives à l’accueil des migrants à Lampedusa sont celles qu’il a recueillies sur place à cette occasion.